Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130409

Dossier : T-926-12

Référence : 2013 CF 354

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

KIMBERLY NEWMAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               Madame Kimberly Newman a servi dans les Forces canadiennes pendant 25 ans. Elle a gravi les échelons et a obtenu le grade de capitaine dans la Force aérienne. Elle a relevé de nombreux défis de taille et elle a accompli un travail remarquable. Au cours de la plus grande partie de sa carrière militaire, elle a enduré en silence le stress lié à son emploi tout en ayant parfois recours à l’aide offerte par les professionnels de la santé des Forces canadiennes relativement aux problèmes de santé mentale auxquels elle était confrontée.

 

[2]               Après avoir pris sa retraite en 2009, Mme Newman a présenté une demande de prestation d'invalidité en vertu de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, c 21 [LMRIMVFC] (voir l’annexe pour les dispositions mentionnées dans les présents motifs), car elle été diagnostiquée comme souffrant de dysthymie chronique (dépression). Sa demande a d’abord été rejetée par Anciens Combattants Canada mais, finalement, un comité d'appel du Tribunal des anciens combattants a conclu que Mme Newman avait droit à un cinquième de pension d’invalidité.

 

[3]               Mme Newman a demandé au comité d’appel de réexaminer sa conclusion, laissant entendre qu’il avait commis à la fois une erreur de fait et une erreur de droit. Elle a également tenté de soumettre de nouveaux éléments de preuve au comité. Le comité d’appel a rejeté sa demande en concluant que sa conclusion antérieure n’était pas erronée et en rejetant les présumés nouveaux éléments de preuve.

 

[4]               Mme Newman demande à la Cour d’annuler la décision du comité d’appel concernant sa demande de réexamen. Elle prétend que le comité d’appel a commis une erreur en concluant que les problèmes de santé mentale dont elle souffrait avant de s’enrôler dans l’armée avaient joué un rôle important dans la dépression dont elle a par la suite souffert. Elle prétend également que le comité d’appel n’a pas appliqué les bons principes juridiques à sa demande – à savoir qu’elle devait être présumée n’avoir souffert d’aucune invalidité ou affection avant l’enrôlement (elle invoque à cet égard l’article 51 du Règlement sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, DORS/2006-50 [le Règlement]).

[5]               Selon moi, le comité d’appel n’a commis aucune erreur de fait ou de droit susceptible de contrôle. Il a raisonnablement conclu que les problèmes vécus par Mme Newman avant de s’enrôler montraient que ses problèmes de santé mentale avaient commencé avant qu’elle devienne membre des Forces canadiennes et qu’ils s’étaient dans une certaine mesure aggravés pendant qu’elle était dans l’armée. De plus, le comité d’appel a bien appliqué les principes juridiques pertinents. Comme Mme Newman ne s’élève pas contre la manière dont le comité d’appel a apprécié les présumés nouveaux éléments de preuve, je n’ai pas à me pencher sur cet aspect de sa décision.

 

[6]               Par conséquent, les questions soulevées dans le cadre du présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

 

            1.         Le comité d’appel a-t-il commis une erreur de fait déraisonnable en ce qui concerne la question des problèmes dont a souffert Mme Newman avant de s’enrôler?

 

            2.         Le comité d’appel a-t-il appliqué des principes juridiques erronés?

 

II.   La décision du comité d'appel

 

[7]               Mme Newman a demandé au comité d’appel de réexaminer sa décision pour deux motifs principaux.

 

[8]               Premièrement, elle a contesté la conclusion du comité d’appel selon laquelle elle avait souffert de dépression avant de s’enrôler. Le comité a souligné que des éléments de preuve démontraient qu’elle avait eu des épisodes dépressifs avant de s’enrôler dans l’armée.

 

[9]               Deuxièmement, elle a affirmé que le comité d’appel avait commis une erreur de droit en concluant, sans tenir compte de l’article 51 du Règlement, que son problème de santé existait avant son enrôlement. Cette disposition crée une présomption voulant qu’une personne était dans l’état de santé mentionné dans l’examen médical qu’elle a subi au moment de l’enrôlement sauf s’il existe une preuve qu’une invalidité a été diagnostiquée dans les trois mois qui ont suivi l’enrôlement, ou si une preuve médicale établit hors de tout doute raisonnable que l’invalidité existait avant l’enrôlement.

 

[10]           Le comité d’appel a répondu à la demande de Mme Newman en soulignant qu’il n’avait commis aucune erreur de fait car elle avait reconnu avoir eu des épisodes dépressifs avant son enrôlement. De plus, le comité d’appel a reconnu que Mme Newman était présumée être en bonne santé lors de son enrôlement. Il a toutefois conclu que les facteurs qui ont précédé l’enrôlement ont contribué aux symptômes qui sont apparus plus tard durant son service militaire. Par conséquent, il a conclu que Mme Newman n’avait pas démontré qu’il y avait eu erreur de fait ou de droit.

 

III.       La première question en litige – Le comité d’appel a-t-il commis une erreur de fait déraisonnable concernant les problèmes vécus par Mme Newman avant l’enrôlement?

 

[11]           Mme Newman prétend que la principale cause de ses problèmes de santé mentale était son emploi dans l’armée. La preuve indique qu’elle devait constamment composer, au-delà de ses capacités, avec des niveaux élevés de stress et d’anxiété. Les professionnels de la santé ont conclu que les exigences de l’emploi ont probablement contribué à l’apparition de ses symptômes. De plus, pendant plusieurs années de service, elle a dû composer avec le fait qu’elle devait cacher son orientation sexuelle.

 

[12]           Toutefois, la preuve n’établit pas que le travail de Mme Newman a à lui seul causé les problèmes de santé de cette dernière. La preuve médicale, qui est abondante, faisait mention d’un certain nombre de facteurs contributifs – un état dépressif préexistant, les antécédents familiaux, les traits de personnalité et le stress lié au travail. Le comité d’appel a reconnu que le stress lié au travail avait joué un rôle important et a conclu qu’il avait contribué à un cinquième de l’invalidité de Mme Newman.

 

[13]           Compte tenu que la conclusion du comité d’appel était étayée par la preuve médicale, je ne peux pas conclure qu’il a commis une erreur de fait.

 

IV.       La deuxième question en litige – Le comité d’appel a-t-il appliqué des principes juridiques erronés?

[14]           Mme Newman prétend que la présomption de bonne santé énoncée à l’article 51 du Règlement ne peut être réfutée que lorsqu’une invalidité est diagnostiquée dans les trois mois qui ont suivi l’enrôlement ou une preuve médicale établit hors de tout doute raisonnable que l’invalidité existait avant l’enrôlement. En l’absence de l’une ou l’autre de ces circonstances, Mme Newman prétend que le comité d’appel était tenu de conclure qu’elle ne souffrait d’aucune incapacité avant l’enrôlement.

[15]           Je ne souscris pas à cette opinion.

[16]           Mme Newman a bénéficié de la présomption voulant qu’elle ne souffrait pas de dysthymie chronique au moment de son enrôlement. Toutefois, cette présomption n’a pas empêché le comité d’appel d’examiner les éléments de preuve, antérieurs et postérieurs à l’enrôlement, pour décider si Mme Newman avait droit à une indemnité d’invalidité. En effet, le comité devait établir la mesure dans laquelle les problèmes de santé de Mme Newman avaient été causés ou aggravés par son service militaire (LMRIMVFC, par. 45(1), (2)). Il a conclu qu’un cinquième de son incapacité avait été causé par des circonstances aggravantes au cours de son service. Cette conclusion devait nécessairement tenir compte de la preuve relative à son état dépressif préexistant et des facteurs antérieurs à l’enrôlement qui ont causé ses problèmes de santé ou ont contribué à les causer.

[17]           Par conséquent, je ne décèle aucune erreur de droit dans la décision du comité d’appel.

 

V.        Conclusion et décision

[18]           Le comité n’a commis aucune erreur de fait ou de droit dans la réponse qu’elle a donnée à Mme Newman concernant sa demande de réexamen. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 


 

 

Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, ch 21

 

Admissibilité

 

  45. (1) Le ministre peut, sur demande, verser une indemnité d’invalidité au militaire ou vétéran qui démontre qu’il souffre d’une invalidité causée :

 

a) soit par une blessure ou maladie liée au service;

 

b) soit par une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service.

 

Fraction

 

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)b), seule la fraction — calculée en cinquièmes — du degré d’invalidité qui représente l’aggravation due au service donne droit à une indemnité d’invalidité.

 

 

Règlement sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, DORS/2006-50

 

  51. Sous réserve de l’article 52, lorsque l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité du militaire ou du vétéran pour laquelle une demande d’indemnité a été présentée n’était pas évidente au moment où il est devenu militaire et n’a pas été consignée lors d’un examen médical avant l’enrôlement, l’état de santé du militaire ou du vétéran est présumé avoir été celui qui a été constaté lors de l’examen médical, sauf dans les cas suivants :

 

a) il a été consigné une preuve que l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité a été diagnostiquée dans les trois mois qui ont suivi l’enrôlement;

 

b) il est établi par une preuve médicale, hors de tout doute raisonnable, que l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité existait avant l’enrôlement.

 

 

Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Act, SC 2005, c 21

 

Eligibility

 

  45. (1) The Minister may, on application, pay a disability award to a member or a veteran who establishes that they are suffering from a disability resulting from

 

(a) a service-related injury or disease; or

 

(b) a non-service-related injury or disease that was aggravated by service.

 

 

 

Compensable fraction

 

(2) A disability award may be paid under paragraph (1)(b) only in respect of that fraction of a disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated by service.

 

Canadian Forces Members and Veterans Re-establishment and Compensation Regulations, SOR/2006-50

 

  51. Subject to section 52, if an application for a disability award is in respect of a disability or disabling condition of a member or veteran that was not obvious at the time they became a member of the forces and was not recorded on their medical examination prior to enrolment, the member or veteran is presumed to have been in the medical condition found on their enrolment medical examination unless there is

 

 

(a) recorded evidence that the disability or disabling condition was diagnosed within three months after enrolment; or

 

 

(b) medical evidence that establishes beyond a reasonable doubt that the disability or disabling condition existed prior to enrolment.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-926-12

 

INTITULÉ :                                      KIMBERLY NEWMAN

                                                            c

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 9 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kael P. McKenzie

POUR LA DEMANDERESSE

 

Susan Eros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chapman, Goddard & Kagan

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.