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Date : 20130307

Dossier : T-456-12

Référence : 2013 CF 240

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2013

En présence de madame la juge Simpson

 

ENTRE :

 

LAURENTIUS WERRING

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET LE TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Laurentius Werring [le demandeur] a demandé le contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) [le Tribunal], datée du 17 janvier 2012 [la décision], selon laquelle le Tribunal a refusé d’augmenter son indemnité d’invalidité au titre de l’article 46 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, c 21 [la Loi].

 

[2]               Le demandeur a servi dans les Forces canadiennes de 1974 à 1995. En 2003 et 2004, des prestations d’invalidité lui ont été accordées en vertu de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6, pour la maladie de Legg‑Pertes‑Calvé avec arthrose des hanches et du genou gauche [les affections ouvrant droit à pension]. En accordant l’indemnité, le ministère des Anciens combattants [Anciens combattants] reconnaissait que le service avait aggravé la maladie de Legg‑Pertes‑Calvé du demandeur.

 

[3]               Les années suivant la libération du demandeur des Forces canadiennes ont été marquées par la sédentarité, laquelle, selon le demandeur, découle des affections ouvrant droit à pension et de la détérioration de ses capacités physiques. Le demandeur a eu une crise cardiaque en 2002. Peu après, il a subi une opération de remplacement de la hanche droite dans l’espoir d’améliorer sa mobilité. En 2008, il a demandé à Anciens combattants une indemnité d’invalidité pour divers problèmes de santé, y compris une coronaropathie, une hernie hiatale et de l’hypertension. La demande a été présentée au titre de l’article 46 de la Loi. Cet article s’applique aux maladies qui sont liées au service ou qui en sont la conséquence directe. Le demandeur a allégué que les affections ouvrant droit à pension l’ont obligé à adopter un mode de vie sédentaire lequel a eu un effet débilitant sur sa santé et a entraîné les affections visées par la demande présentée au titre de l’article 46.

 

[4]               Anciens combattants a rejeté en entier la demande présentée au titre de l’article 46. Le demandeur a fait appel devant le Comité de révision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) [le Comité de révision], mais seulement en ce qui concerne la coronaropathie et l’hypertension [la demande et les affections alléguées]. Le Comité de révision a conclu que le demandeur avait droit à une indemnité d’invalidité d’un cinquième pour la coronaropathie et a rejeté la demande relative à l’hypertension. Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal, qui a rendu la décision visée par le contrôle.

 

[5]               Au moment où la demande est parvenue au Tribunal, les éléments de preuve médicaux du demandeur consistaient en deux lettres du Dr Marino Labinaz. Le Dr Labinaz est cardiologue et directeur du Laboratoire de cathétérisme cardiaque et du Programme de bourses de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Il enseigne également la médecine à l’Université d’Ottawa. La première lettre du Dr Labinaz était datée du 7 octobre 2010 et faisait suite à son examen du demandeur. Elle décrivait l’état de santé général du demandeur, signalant que celui‑ci avait de la difficulté à marcher ou à se tenir debout pour de longues périodes de temps. Elle citait aussi l’affirmation du demandeur voulant que, à cause de son arthrite, il était incapable de faire un tant soit peu d’exercice. Le Dr Labinaz a ensuite donné son avis sur le lien entre l’activité physique et les problèmes coronariens, indiquant que l’inactivité physique constitue un facteur de risque indépendant pour la coronaropathie. Cette analyse a amené le Dr Labinaz à conclure que les affections ouvrant droit à pension du demandeur, en rendant l’activité physique difficile, [traduction] « avaient sérieusement aggravé » sa coronaropathie. La lettre ne faisait pas mention de l’hypertension.

 

[6]               La seconde lettre du Dr Labinaz, datée du 11 mars 2011, constituait une réponse critique à la décision du Comité de révision. Elle abordait les liens de causalité entre l’incapacité de faire de l’exercice et les problèmes d’hypertension, de surpoids et de coronaropathie du demandeur. La lettre concluait que les affections ouvrant droit à pension avaient un effet important, voire grave, sur les affections alléguées. Ensemble, ces lettres seront désignées comme l’« avis ».

 

La décision

[7]               Les brefs motifs du Tribunal montrent que celui‑ci avait des réserves à l’égard de l’affirmation du demandeur voulant que les affections ouvrant droit à pension faisaient en sorte qu’il était incapable de faire de l’exercice ou de prendre d’autres mesures pour empêcher l’apparition des affections alléguées. Le Tribunal a affirmé qu’il n’avait pas reçu suffisamment d’éléments de preuve pour déclarer que le demandeur était incapable de faire de l’exercice à cause des affections ouvrant droit à pension. Au sujet de l’avis, le Tribunal a jugé qu’il n’était pas [traduction] « crédible » parce qu’il n’abordait pas la possibilité d’un changement de régime alimentaire ou ni  la question de savoir si un programme d’exercice pouvait être mis au point pour le demandeur et suivi par celui‑ci. Le Tribunal a également souligné que l’avis ne contenait pas d’antécédents médicaux valides et complets au sujet du demandeur et précisé que les antécédents constituent un élément essentiel d’un avis médical valide.

 

[8]               Le Tribunal a affirmé qu’il ne pouvait pas raisonnablement inférer à partir des éléments de preuve qu’une pension d’invalidité était justifiée dans le cas du demandeur. Même si le Tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé les faits nécessaires pour établir un droit à une indemnité d’invalidité pour l’une ou l’autre des affections alléguées, il a malgré tout décidé de ne pas infirmer la décision du Comité de révision d’accorder une indemnité d’un cinquième pour la coronaropathie.

 

 

 

Les positions des parties

[9]               Le demandeur conteste les conclusions du Tribunal au sujet de la [traduction] « crédibilité » de l’avis du Dr Labinaz. Il soutient que le Tribunal a commis une erreur parce qu’il n’a pas demandé au Dr Labinaz de fournir de plus amples renseignements ou parce qu’il a omis de demander un second avis.

 

[10]           Par ailleurs, le défendeur soutient qu’il incombait au demandeur de prouver son droit aux prestations au titre de la Loi. Le Tribunal devait avoir la preuve d’un lien entre les affections ouvrant droit à pension et les affections alléguées, et cette preuve aurait dû comprendre une preuve de l’incapacité du demandeur de faire de l’exercice. Faute de preuve à cet égard, le Tribunal ne pouvait tout simplement pas conclure que les affections alléguées découlaient du service du demandeur ou avaient été aggravées par celui‑ci.

 

Norme de contrôle

[11]           La norme de contrôle n’est pas contestée. L’appréciation de la preuve et l’interprétation du régime législatif par le Tribunal sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Grant c Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)), 2006 CF 1456, au paragraphe 25; Jarvis c Canada (Procureur général), 2011 CF 944).

Analyse et conclusions

[12]           Les avocats des deux parties ont convenu pendant les observations de vive voix que, pour établir son droit à une indemnité d’invalidité au titre de la Loi pour les affections alléguées, le demandeur devait établir les deux liens de causalité suivants pour chacune des affections alléguées :

Lien 1 : L’affection ouvrant droit à pension a rendu le demandeur incapable de faire de l’exercice;

Lien 2 : L’incapacité de faire de l’exercice a causé l’affection alléguée.

En l’espèce, l’issue du contrôle judiciaire repose sur le caractère raisonnable des conclusions du Tribunal en ce qui concerne les éléments de preuve fournis par le demandeur pour établir les liens en question.

 

[13]           Le Tribunal a exprimé des réserves au sujet de l’absence d’éléments de preuve concernant le lien 1. Il a signalé que le Dr Labinaz n’avait pas abordé la question d’un programme d’exercice que le demandeur aurait pu suivre et que le seul élément de preuve se rapportant à l’incapacité du demandeur de faire de l’exercice avait été fourni par le Dr Labinaz, qui s’était fondé sur les affirmations du demandeur. Par conséquent, il n’y avait aucun élément de preuve objectif et indépendant concernant la mesure dans laquelle l’affection ouvrant droit à pension du demandeur l’avait rendu incapable d’effectuer quelque type d’exercice que ce soit.

 

[14]           À mon avis, le lien 1 ne pouvait être établi qu’au moyen d’une preuve d’expert abordant la gravité du problème d’arthrite du demandeur et sa capacité d’entreprendre un programme d’exercice personnalisé.

 

[15]           J’ai également conclu que, même si le paragraphe 38(1) de la Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel) prévoit que le Tribunal « peut » requérir l’avis d’un expert médical indépendant, il n’est pas tenu de le faire.

 

[16]           Avant de terminer, j’aimerais signaler que le Tribunal a qualifié les éléments de preuve fournis par le Dr Labinaz d’une manière qui m’apparaît problématique. Le Tribunal a affirmé qu’il ne trouvait pas l’avis [traduction] « crédible » parce qu’il n’abordait pas les questions du régime alimentaire ou de l’exercice. Cependant, le Dr Labinaz n’avait pas été invité à aborder ces questions, probablement parce qu’elles se situaient hors de son champ d’expertise à titre de cardiologue. Il s’est concentré, comme il se devait, sur le lien 2. Dans les circonstances, le Tribunal aurait dû simplement qualifier les éléments de preuve d’« insuffisants » pour ses besoins.

 

[17]           Pour tous les motifs énoncés plus haut, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision est rejetée.

 

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-456-12

 

 

INTITULÉ :                                      Laurentius Werring c PGC et TACRA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 janvier 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : La juge SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS ET

DE  L’ORDONNANCE :                Le 7 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joshua M. Juneau

Michel Drapeau

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Max Binnie

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet juridique Michel Drapeau

192, rue Somerset Ouest

Ottawa (ON)  K2P 0J4

 

 

M. William F. Pentney

Procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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