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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130130

Dossier : T-816-12

Référence : 2013 CF 97

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2013

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

DART INDUSTRIES INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

BAKER & MCKENZIE LLP

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard de la décision d’un agent d’audience (l’agent), agissant dans l’exercice des pouvoirs qui lui avaient été délégués par le registraire des marques de commerce (le registraire), par laquelle il radiait l’enregistrement no LMC145567 (la marque). L’agent n’était pas convaincu que la preuve démontrait l’emploi requis de la marque au cours de la période pertinente, comme l’exige la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi).

 

[2]               Dart Industries Inc. (la demanderesse) sollicite une ordonnance accueillant l’appel et maintenant l’enregistrement en bonne et due forme de la marque. La défenderesse n’a pas comparu pour contester l’appel.

 

Le contexte

 

[3]               La demanderesse détient la marque « FLAVOR SAVER ». Cette marque a été déposée le 3 juin 1966, et l’enregistrement a été renouvelé pour la dernière fois le 3 juin 2011. L’enregistrement vise des contenants en plastiques et des couvercles.

 

[4]               Le 25 janvier 2010, le registraire a délivré un avis en vertu de l’article 45 de la Loi, qui enjoignait la demanderesse de fournir une preuve que la marque avait été employée en liaison avec les marchandises spécifiées dans l’enregistrement, à un moment quelconque au cours de la période comprise entre le 25 janvier 2007 et le 25 janvier 2010. Cet avis a été délivré à la demande de la défenderesse.

 

[5]               La demanderesse a produit un affidavit, qui comprenait deux prospectus promotionnels, sur lesquels figurait la marque de commerce, qui avaient été distribués à ses clients et à ses clients potentiels au cours de la période pertinente. Selon la preuve de la déposante, les contenants FLAVOR SAVER étaient vendus au moyen de ventes par correspondance effectuées dans le cadre de son programme de ventes à domicile.  

 

La décision

 

[6]               Le 17 février 2012, l’agent a décidé que l’enregistrement de la marque devait être radié et il a rendu ses motifs, qui sont répertoriés sous 2012 CMOC 20.

 

[7]               L’agent a mentionné qu’il y avait peu de preuve démontrant en quoi la marque était liée aux marchandises au moment du transfert ou de la vente, et quant à la question de savoir si la marque apparaissait sur les marchandises. L’agent a reconnu que l’avis de liaison entre une marque de commerce et des marchandises sur lesquelles aucune marque de commerce n’apparaît pouvait être fourni au moyen de catalogues ou de documents concernant le produit, mais a conclu que cela était possible seulement lorsque de tels documents étaient employés pour la commande ou pour l’achat.

 

[8]               L’agent a relevé que l’affidavit ne mentionnait pas que les prospectus avaient été distribués lors des ventes à domicile de la demanderesse, ni que les clients s’étaient servis des prospectus comme de catalogues pour la commande ou pour l’achat. Bien que l’affidavit ait fait mention des ventes à domicile, il n’était pas clair que les prospectus furent distribués au moment du transfert de la propriété. L’agent a mentionné qu’il aurait pu être utile que la déposante lui fournisse plus de détails sur le déroulement des ventes à domicile et sur la façon dont les transactions étaient conclues. En l’absence de tels détails, il ne pouvait conclure à l’existence de la liaison requise entre la marque et les produits. La seule distribution de prospectus n’était pas suffisante pour établir l’emploi.

 

[9]               L’agent, dans l’exercice des pouvoirs qui lui avaient été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, a ordonné la radiation de l’enregistrement, conformément à l’article 45 de la Loi.

 

Les questions en litige

 

[10]           La demanderesse soulève, dans son mémoire, la question en litige suivante :

            1.         La demanderesse a-t-elle employé la marque en liaison avec des contenants en plastique au cours de la période pertinente?

 

[11]           Je reformulerais ainsi les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La preuve établit-elle la liaison requise entre la marque et les marchandises?

 

Les observations écrites de la demanderesse

 

[12]           La demanderesse prétend qu’il est possible de produire de nouveaux éléments de preuve dans le contexte d’un appel interjeté à l’égard d’une décision du registraire. Dans un cas où une telle preuve aurait pu influer substantiellement sur la décision du registraire, comme c’est le cas l’espèce, la Cour doit examiner l’affaire de novo et elle doit tirer sa propre conclusion quant à la question à laquelle se rapportent les éléments de preuve supplémentaires en question. La nouvelle preuve produite dans le présent appel traite précisément des lacunes relevées par l’agent, de sorte que la Cour doit examiner de novo la question de la preuve de l’emploi requis.  

 

[13]           Les instances fondées sur l’article 45 de la Loi ont un caractère sommaire et administratif. Leur objectif est de radier des enregistrements tombés en désuétude. Le fardeau de preuve n’est pas lourd.

 

[14]           Pour les besoins de l’article 45, une vente comprend une vente à un distributeur, et il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence de transactions dans l’ensemble de la chaîne, jusqu’à l’acheteur définitif.

 

[15]           Les dépliants, les documents concernant le produit et les catalogues portant la marque peuvent constituer l’avis de liaison requis entre la marque et les marchandises lorsqu’ils sont employés pour les commandes et pour les achats.

 

[16]           Le nouvel affidavit de la demanderesse établit que les produits Tupperware, y compris le contenant FLAVOR SAVER, sont vendus au Canada par des conseillers indépendants aux ventes, lesquels sont des propriétaires d’entreprise indépendants. La marque a été employée au cours de la période pertinente, car elle était liée aux marchandises au moment du transfert de propriété des marchandises à ces conseillers.

 

[17]           Les conseillers se sont servis du prospectus inclus dans la preuve originale de la demanderesse pour acheter en ligne les contenants FLAVOR SAVER, au moyen d’une application Web de commande. À la date de publication du prospectus, plus de 100 commandes avaient été passées au Canada pour les contenants en question. Les conseillers payaient ces commandes au moyen de cartes de crédit et ils devenaient propriétaires des contenants.

 

[18]           Les conseillers se sont donc servis du prospectus pour la commande et pour l’achat des marchandises. Le prospectus, au moyen d’images des contenants combinées avec la marque, informait les conseillers au sujet des marchandises, et il permettait à ces derniers de commander et d’acheter en ligne les marchandises. Les ventes étaient réalisées dans la pratique normale du commerce, parce que les acheteurs devenaient propriétaires des marchandises, pour la revente ou pour usage personnel.  

 

Les observations écrites de la défenderesse

 

[19]      La défenderesse n’a pas présenté d’observations écrites.

 

Analyse et décision

 

[20]           La première question en litige

      Quelle est la norme de contrôle applicable?

      Lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable à une question donnée, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[21]           Si les éléments de preuve supplémentaires soumis en appel pouvaient influer substantiellement sur la décision du registraire, la Cour doit tirer ses propres conclusions au sujet de la question à laquelle se rapportent les éléments de preuve supplémentaire en question (voir Spirits International BV c BCF SENCRL, 2012 CAF 131, [2012] ACF no 526, au paragraphe 10).

 

[22]           Dans le présent appel, la seule question est de savoir si la marque était employée en liaison avec les marchandises au cours de la période pertinente. La nouvelle preuve de la demanderesse se rapporte directement à cette question. J’examinerai donc cette question de novo, au sens où ce terme est employé; il ne s’agit pas réellement d’une audience de novo en l’espèce, puisque la preuve présentée à l’audience précédente sera elle aussi examinée.

 

[23]           La deuxième question en litige

      La preuve établit-elle la liaison requise entre la marque et les marchandises?

            Comme l’a énoncé monsieur le juge Yves de Montigny dans la décision Philip Morris Products SA c Marlboro Canada Limited, 2010 FC 1099, [2010] FCJ no 1385, au paragraphe 236 :

[traduction]

[...] il a été jugé que des feuillets, des documents concernant le produit et des étiquettes de prix portant la marque de commerce, de même que des catalogues, peuvent fournir à l’acheteur l’avis de liaison requis entre la marque de commerce et les marchandises lorsqu’ils sont employés pour la commande ou pour l’achat.

 

 

 

[24]           La question en litige dans la présente affaire, comme l’a tout d’abord cerné l’agent, est de savoir si les prospectus qui liaient clairement la marque aux marchandises étaient effectivement utilisés pour la commande et pour l’achat (décision de l’agent, aux paragraphes 13 à 15).

 

[25]           La nouvelle preuve de la demanderesse établit qu’ils étaient effectivement utilisés pour les commandes. Les conseillers, qui sont les acheteurs des marchandises, passaient des commandes en ligne à la demanderesse. Le moment où ces achats ont eu lieu – plus de 100 achats lors de la journée de la publication du prospectus – démontre que les acheteurs répondaient au prospectus en passant leur commande. Le prospectus, qui emploie la marque en liaison avec les marchandises, avait donc été utilisé pour « la commande et pour l’achat », comme il a été décrit ci‑dessus.

 

[26]           Malgré le fait que la demanderesse eût pu avoir une preuve plus directe du lien entre les prospectus et la commande avant l’ère de l’achat en ligne, parce que les commandes étaient passées au moyen d’un formulaire inclus dans un prospectus ou dans un catalogue, il n’est pas nécessaire de tenir les propriétaires inscrits à une telle exigence dans le contexte des nouvelles technologies. En l’espèce, le moment où les commandes étaient passées suffit à lier les prospectus aux commandes en ligne, en dépit du fait qu’il s’agisse de deux moyens de communication distincts.

 

[27]           L’appel sera donc accueilli, la décision de l’agent sera annulée et l’enregistrement no LMC145567 restera inscrit en bonne et due forme.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, que l’ordonnance du registraire datée du 17 février 2012, par laquelle il radiait l’enregistrement noLMC 145567, est annulée, et que, par conséquent, l’enregistrement en question est maintenu en bonne et due forme.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

 

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l’enregistrement d’une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu’il ne voie une raison valable à l’effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

 

 (2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l’avis a été donné ou pour celle-ci.

 

(3) Lorsqu’il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’une de ces marchandises ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

 

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l’enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l’avis visé au paragraphe (1) a été donné.

 

 

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n’en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel.

 

45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

 

 

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

 

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.

 

 

(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

 

(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-816-12

 

INTITULÉ :                                      DART INDUSTRIES INC.

 

                                                            - et -

 

                                                            BAKER & MCKENZIE LLP

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 janvier 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge O’Keefe

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 30 janvier 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark L. Robbins

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Aucune comparution

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin & Parr LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Baker & McKenzie LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

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