Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120614

Dossier : T‑299‑05

Référence : 2012 CF 748

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2012

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

 

CATHERINE LEUTHOLD

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

et

JERRY MCINTOSH

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

 

[1]               Catherine Leuthold (Mme Leuthold), photojournaliste professionnelle, réclame une indemnisation de 21 554 954,25 $ contre la Société Radio-Canada [SRC] et Jerry McIntosh (les défendeurs) pour violation du droit d’auteur.

 

II.        LES FAITS

 

A.        Les parties

 

[2]               La demanderesse, Mme Catherine Leuthold, est photojournaliste professionnelle. Elle résidait à New York le 11 septembre 2001.

 

[3]               La défenderesse SRC est une personne morale maintenue par la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11 [la Loi sur la radiodiffusion], qui l’habilite à exercer une activité de radiodiffusion nationale. L’établissement principal de son réseau de langue anglaise, la CBC, est sis au 250, rue Front Ouest, Toronto (Ontario) M5W 1E6.

 

[4]               Le défendeur Jerry McIntosh était un employé de la SRC au moment des violations alléguées. Il y occupait le poste de directeur du Service des documentaires indépendants à la Section des nouvelles et actualités et à la chaîne Newsworld (maintenant dénommée CBC News).

 

B.        La production et les œuvres protégées par le droit d’auteur

 

[5]               Dans les mois qui ont suivi les attentats terroristes contre le World Trade Center [WTC], la SRC a commandé à Newsco Productions Inc. un documentaire sur ces événements, qui a été réalisé par Desmond Smith et intitulé As the Towers Fell (la production).

 

[6]               La production visait à représenter le déroulement des attentats du 11 septembre 2001 contre le WTC du point de vue des journalistes, caméramans et photographes qui se trouvaient sur les lieux ce jour‑là.

 

[7]               Selon le premier projet, la production devait durer 30 minutes. Cependant, au cours du tournage, la durée du film est passée à 60 minutes, puis à 90. Il est également devenu évident que Newsco ne suffisait pas à la tâche, de sorte que la SRC a dû mettre à contribution son propre personnel, entre autres pour régler les questions de droit d’auteur et aider au montage de la production. (Transcription : témoignage de Jerry McIntosh, 9 février 2011, page 7, lignes 10 à 25, et page 8, lignes 1 à 3; témoignage de Rose Torriero, 8 février 2012, page 139, lignes 12 à 17; témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 201, lignes 17 à 25, et page 202, lignes 1 à 5; et recueil conjoint de documents, contrats avec Newsco, onglets 18 à 20 inclusivement.)

 

[8]               Quatre versions de la production ont en fait été réalisées et présentées à divers moments sur la chaîne principale de la CBC aussi bien que sur la chaîne Newsworld (Newsworld); voir le recueil conjoint de documents, volume II, pièce D‑9.

 

 

 

 

 

 

 

Date de diffusion

 

 

Heure de diffusion

 

Durée du

documentaire

Heure du début

de la présentation

des photos

Durée de la présentation

des photos

(en secondes)

 

Chaîne

 

17 mars 2002

 

10 h

 

60 min

 

S/O

 

18

 

Chaîne

principale

 

 

17 mars 2002

(bande C)

 

 

19 h

 

 

60 min

19:14:45

19:14:53

19:16:16

19:22:03

19:22:11

 

 

18

 

 

Newsworld

 

10 sept. 2002

(bande C, 1 sur 2)

 

20 h

 

90 min

20:21:08

20:21:15

20:24:10

20:25:28

 

18

Chaîne principale

et

Newsworld

 

 

11 sept. 2002

(bande A)

 

1 h

 

90 min

01:21:07

01:21:13

01:24:09

01:25:26

 

18

 

Newsworld

 

7 sept. 2003

(bande C)

 

22 h

 

120 min

22:28:12

22:28:19

22:31:14

22:32:31

 

18

 

Newsworld

 

8 sept. 2003

(bande A)

 

1 h

 

120 min

01:29:06

01:29:12

01:32:07

01:33:25

 

18

 

Newsworld

14 sept. 2003

(bande B)

12 h

60 min

S/O

0

Newsworld

14 sept. 2003

(bande C)

19 h

60 min

S/O

0

Newsworld

 

11 sept. 2004

(bande C)

 

22 h

 

120 min

22:28:45

22:28:52

22:31:47

22:33:05

 

18

 

Newsworld

 

12 sept. 2004

(bande A)

 

1 h

 

120 min

01:27:59

01:28:05

01:31:00

01:32:18

 

18

 

Newsworld

 

12 sept. 2004

 

4 h

 

120 min

 

S/O

 

18

 

Newsworld

 

[9]               Les bandes A et C de la production présentaient un certain nombre de photographies des attentats susdits, prises par Mme Leuthold (les photographies). Cette dernière apparaissait aussi dans la production.

 

[10]           Mme Leuthold est le titulaire du droit d’auteur sur les photographies.

 

[11]           Pendant toute la période pertinente, les défendeurs savaient que les photographies étaient protégées par le droit d’auteur.

 

[12]           Les défendeurs n’ont eu à aucun moment de la période pertinente la moindre raison de croire que Mme Leuthold ne possédait pas le droit d’auteur sur les photographies.

 

C.        Les diffusions de la production et des œuvres protégées

 

[13]           Le 19 mars 2002, Mme Leuthold a envoyé à la SRC une télécopie (la première licence) l’autorisant à incorporer ses photographies des attentats du 11‑Septembre dans la production et à les diffuser à la télévision canadienne à condition de ne les utiliser que dans ladite production (voir le recueil conjoint de documents, volume 1, onglet 8, page 357). Cette télécopie était ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

 

Dest. : Douglas Arrowsmith

Exp. : Catherine Leuthold

 

Cher Douglas,

 

Bien reçu votre courriel.

 

J’autorise la SRC à utiliser mes photographies des attentats contre le WTC, mais seulement dans le documentaire sur le 11‑Septembre. Si elle souhaite utiliser ces photographies dans la publicité de ce documentaire, la SRC devra me rémunérer conformément à un accord préalablement conclu.

 

Cordialement à vous,

 

« Catherine Leuthold » [signature]

 

[14]           Les parties sont en désaccord sur la portée et les modalités de cette première licence.

 

[15]           La production a été diffusée pour la première fois le 17 mars 2002, à 10 heures sur la chaîne principale de la CBC, et à 19 heures sur sa chaîne spécialisée Newsworld.

 

[16]           Newsworld fait partie d’une entreprise de programmation appartenant en propriété exclusive à la SRC. L’exploitation de cette chaîne a pour effet la communication au public canadien d’œuvres, de téléjournaux, de documentaires et d’autres contenus en programmation continue, 24 heures sur 24.

 

[17]           Dans les jours qui ont suivi la première diffusion de la production, des employés de la SRC sont entrés en rapport avec Mme Leuthold pour lui demander de signer une renonciation.

 

[18]           Comme Mme Leuthold ne signait pas la renonciation, Rose Torriero, une employée de la SRC, lui a envoyé le 20 juin 2002 un courriel où elle l’interrogeait à ce sujet (voir le recueil conjoint de documents, volume I, onglet 4, page 23).

 

[19]           Au cours des mois suivants, Mme Leuthold a négocié avec diverses personnes travaillant à la SRC et à Newsco (chaîne de courriels, recueil conjoint de documents, volume I, onglet 4, pages 10 à 91; transcription : témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, pages 78 et 79; témoignage de Rose Torriero, 8 février 2012, pages 117 et 118; et témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 201, lignes 23 à 25, et page 2002, lignes 1 à 5).

 

[20]           Le 5 septembre 2002, après des discussions avec Jerry McIntosh, Desmond Smith et Rose Torriero, Mme Leuthold a conclu avec la SRC un accord par lequel celle‑ci acceptait de lui payer la somme de 2 500 $US pour l’utilisation de cinq de ses photographies dans une diffusion à venir.

 

[21]           Le 7 octobre 2002, Mme Leuthold et la SRC ont signé la seconde licence (la licence d’utilisation des photographies), qui confirmait l’entente conclue le 5 septembre 2002. Cette licence autorisait la SRC à incorporer cinq photographies dans la production et à les présenter à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur le réseau et les stations régionales de la CBC, en contrepartie d’une rémunération de 2 500 $US. (Voir le recueil conjoint de documents, volume I, onglet 2.)

 

[22]           La production a été diffusée le 10 septembre 2002 sur la chaîne principale de la CBC, et à 20 heures le même jour sur Newsworld (voir le recueil conjoint de documents, volume II, pièce D‑9).

 

[23]           La défenderesse SRC a transmis la production sur sa chaîne de câble Newsworld aux dates et heures, et pour les durées que spécifie le tableau ci‑dessus (voir le recueil conjoint de documents, volume II, pièce D‑9).

 

[24]           À la date de chacune des transmissions sur Newsworld qu’énumère la pièce D‑9, cette chaîne a transmis la production par télécommunication à toutes les entreprises canadiennes de distribution offrant le service Newsworld.

 

[25]           Les défendeurs admettent qu’ils n’avaient pas l’autorisation de Mme Leuthold pour les six diffusions sur Newsworld visées à la pièce D‑9, mais ils soutiennent qu’étaient autorisées les diffusions sur cette chaîne du 17 mars et du 10 septembre 2002.

 

[26]           Les défendeurs ont transmis la production, où figuraient les photographies appartenant à Mme Leuthold, à toutes les entreprises canadiennes de distribution autorisées à offrir le service Newsworld, qui elles-mêmes l’ont transmise à leurs abonnés respectifs.

 

[27]           Chaque transmission de la production par la défenderesse sur la chaîne principale de la CBC a été diffusée selon les décalages applicables dans les cinq fuseaux horaires canadiens, soit directement, soit par l’intermédiaire de stations affiliées.

 

III.       LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[28]           Les parties ont formulé six questions à trancher par la Cour :

1.                  Les défendeurs ont-ils violé le droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) le 17 mars 2002, les 10 et 11 septembre 2002, les 7 et 8 septembre 2003, et les 11 et 12 septembre 2004?

 

2.                  Pour ce qui concerne chaque diffusion sur la CBC et chaque transmission sur Newsworld, est-ce que chacune des stations affiliées ou chacune des entreprises de distribution de radiodiffusion [EDR] en cause, selon le cas, a violé le droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) chaque fois que la production a été communiquée au public?

 

3.                  Dans l’affirmative, la défenderesse SRC est-elle responsable des violations en question commises par les stations affiliées et les EDR?

 

4.                  Si les défendeurs, les stations affiliées ou les EDR ont violé le droit d’auteur, quelles mesures de réparation – qu’il s’agisse de dommages-intérêts, de reddition de compte, de mesures injonctives ou de remise – la Cour doit-elle prononcer en faveur de la demanderesse (Mme Leuthold)?

 

5.                  Le défendeur Jerry McIntosh est‑il isolément responsable de toute violation du droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) qui serait constatée et, dans l’affirmative, quelles mesures de réparation la Cour doit-elle prononcer contre lui?

 

6.                  Quelle que soit la décision de la Cour sur la responsabilité, en quoi la conduite des parties et les offres de règlement non acceptées devraient-elles influer sur les dépens?

 

IV.       LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[29]           Les dispositions applicables de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42 [la Loi sur le droit d’auteur], sont reproduites en annexe à la présente décision.

 

V.        ANALYSE

 

1.         Les défendeurs ont-ils violé le droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) le 17 mars 2002, les 10 et 11 septembre 2002, les 7 et 8 septembre 2003, et les 11 et 12 septembre 2004?

 

A.        La position de Mme Leuthold

 

[30]           Mme Leuthold rappelle d’abord que la Loi sur le droit d’auteur définit l’expression « œuvre artistique » et que cette définition comprend les photographies. Les défendeurs ont admis qu’elle détient le droit d’auteur sur celles‑ci. Or, fait valoir Mme Leuthold, sous le régime du paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur, elle possède le droit exclusif de reproduire les photographies, de les présenter au public dans le cadre de toute œuvre cinématographique, de les communiquer au public par télécommunication et d’autoriser ces actes.

 

[31]           Mme Leuthold invoque aussi la définition du terme « télécommunication » que donne la Loi sur le droit d’auteur, ainsi libellée : « Vise toute transmission de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, radio, procédé visuel ou optique, ou autre système électromagnétique. »

 

[32]           Mme Leuthold attribue une importance particulière à l’alinéa 2.4(1)c) de la Loi sur le droit d’auteur, libellé comme suit : « Les règles qui suivent s’appliquent dans les cas de communication au public par télécommunication [...] c) toute transmission par une personne par télécommunication, communiquée au public par une autre – sauf le retransmetteur d’un signal, au sens du paragraphe 31(1) – constitue une communication unique au public, ces personnes étant en l’occurrence solidaires, dès lors qu’elle s’effectue par suite de l’exploitation même d’un réseau au sens de la Loi sur la radiodiffusion ou d’une entreprise de programmation. »  

 

[33]           Mme Leuthold soutient que les défendeurs ont reproduit les photographies sans sa permission et d’une manière qu’interdit la Loi sur le droit d’auteur. Les défendeurs, précise‑t‑elle, ont présenté les photographies au public dans le cadre d’une œuvre cinématographique, les ont communiquées au public par télécommunication et ont autorisé ces actes sans son consentement.

 

[34]           Mme Leuthold souligne le fait que la SRC a diffusé la production plusieurs fois avant de signer les licences, alors que l’une comme l’autre de celles‑ci n’autorisaient qu’une seule diffusion.

 

[35]           Aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi sur le droit d’auteur,

[c]onstitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci-après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

            a) la vente ou la location;

            b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

            c) la mise en circulation, la mise ou l’offre en vente ou en     location, ou l’exposition en public, dans un but     commercial;

            d) la possession en vue de l’un ou l’autre des actes visés       aux alinéas a) à c);

            e) l’importation au Canada en vue de l’un ou l’autre des       actes visés aux alinéas a) à c).

 

[36]           Mme Leuthold affirme qu’elle a subi un préjudice important du fait des actes susdits des défendeurs et qu’elle aurait continué à subir des dommages s’ils n’avaient pas cessé leurs activités contrefaisantes.

 

B.        La position des défendeurs

 

[37]           Les défendeurs admettent que la SRC a effectivement violé le droit d’auteur de Mme Leuthold sur les photographies, mais ils contestent le nombre des communications contrefaisantes au public et le montant des dommages-intérêts réclamés.

 

[38]           Les défendeurs rappellent que Mme Leuthold a autorisé la SRC à utiliser les photographies pour la première diffusion de la production, effectuée le 17 mars 2002. Or cette autorisation, selon eux, s’appliquait à la chaîne Newsworld et à toutes les diffusions dans tous les fuseaux horaires.

 

[39]           La SRC a bel et bien diffusé la production en septembre 2002, à l’occasion du premier anniversaire des attentats du 11‑Septembre.

 

[40]           La licence d’utilisation des photographies, qui autorisait la SRC à incorporer celles‑ci dans l’émission diffusée en septembre 2002 sur le réseau et les stations régionales de télévision de la CBC, a été signée le 7 octobre 2002. Elle prévoyait le paiement de 2 500 $US à Mme Leuthold.

 

[41]           Cette licence, selon les défendeurs, autorisait implicitement la SRC à diffuser la production dans plusieurs fuseaux horaires, soit dans les fuseaux respectifs des stations régionales de la CBC, ainsi que sur la chaîne Newsworld.

 

[42]           Les défendeurs soutiennent en outre que la conduite de la SRC, dans ses rapports et négociations avec Mme Leuthold, a toujours été conforme aux pratiques commerciales admises et n’a jamais été le moindrement abusive, répréhensible ou oppressive.

 

[43]           Enfin, la SRC affirme avoir agi de bonne foi dans l’exercice de ses droits.

 

C.        Analyse

 

[44]           Les parties interprètent de manière différente la portée des licences qui régissent leurs rapports. La Cour doit donc délimiter exactement le champ d’application de ces licences afin de déterminer l’importance des violations et du préjudice, et l’indemnisation à laquelle Mme Leuthold a droit.

 

[45]           Les défendeurs soutiennent que les deux contrats de licence passés par les parties autorisaient les communications au public par radiodiffusion des 17 mars et 10 septembre 2002, et que Mme Leuthold a reçu à leur titre une rémunération équitable.

 

La diffusion du 17 mars 2002

 

[46]           Mme Leuthold réclame des dommages-intérêts au titre des diffusions du 17 mars 2002 sur le fondement de son interprétation de la première licence. Celle‑ci, soutient-elle, s’appliquait à une seule diffusion dans un seul fuseau horaire, et seulement à la chaîne principale de la CBC, de sorte qu’elle excluait les stations régionales, les stations affiliées et Newsworld.

 

[47]           Au cours de son témoignage, elle a attiré l’attention de la Cour sur le courriel qu’elle avait envoyé à Desmond Smith après avoir reçu un projet de renonciation de Rose Torriero, employée de la SRC chargée de régler la question de son droit d’auteur sur les photographies. Dans ce courriel, elle rappelle à Desmond Smith que ce n’est pas là ce à quoi elle a consenti. Ledit courriel est daté du lundi 25 mars 2002. (Voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 79, lignes 11 à 25, et page 80, lignes 1 à 25.) Elle a aussi renvoyé la Cour à la réponse de Mme Torriero, datée du 25 mars 2002, et à la correspondance électronique qui a suivi, où elle précisait que son consentement ne visait qu’une seule diffusion (voir la chaîne de courriels, recueil conjoint de documents, volume I, onglet 4).

 

[48]           Mme Leuthold a déclaré dans son témoignage qu’elle ignorait à l’époque pertinente l’existence du réseau de distribution de la SRC (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, page 90, lignes 12 à 16). Elle ne pouvait dire avec certitude si elle savait que le documentaire avait déjà été diffusé lorsque la SRC l’a sollicitée en mars 2002 (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, page 89, lignes 2 à 25, et page 90, lignes 1 à 10).

 

[49]           Les défendeurs affirment que Mme Leuthold a autorisé l’utilisation des photographies dans le cadre de la première diffusion, effectuée le 17 mars 2002. Ce fait, soutiennent-ils, ressort à l’évidence de la télécopie envoyée à Douglas Arrowsmith le 19 mars 2002. Ils font aussi valoir que Mme Leuthold a admis ne pas avoir droit à une rémunération pour la diffusion du 17 mars 2002, puisqu’elle a écrit dans un courriel adressé à Jerry McIntosh le 4 septembre 2002 : [TRADUCTION] « Vous les avez eues gratuitement la première fois, alors maintenant la balle est dans votre camp » [non souligné dans l’original].

 

[50]           Il ressort à l’évidence de la télécopie envoyée par elle à la SRC le 19 mars que Mme Leuthold a autorisé la diffusion du 17 du même mois, même si elle a accordé cette autorisation après coup. L’examen des conditions de ladite autorisation révèle que la demanderesse ne fixait aucune limite d’aucune sorte à la SRC, exception faite de celle ainsi formulée : [TRADUCTION] « La SRC, si elle souhaite utiliser ces photographies dans la publicité de ce documentaire, devra me rémunérer conformément à un accord préalablement conclu. » La Cour ne peut prendre en considération des modalités non écrites : il n’y avait pas de rémunération à payer, sauf utilisation des photographies dans la publicité du documentaire. Or, comme la SRC ne les a pas utilisées à cette fin, elle ne doit rien à Mme Leuthold au titre de la diffusion de la production effectuée le 17 mars 2002.

 

[51]           En outre, l’idée d’utilisation unique ou de diffusion unique n’apparaît pour la première fois que dans le courriel du 25 mars 2002 adressé par Mme Leuthold à Rose Torriero (voir le recueil conjoint de documents, onglet 4, page 16). La Cour ne peut admettre que cette condition s’est appliquée à la diffusion du 17 mars, puisqu’aucun élément de la preuve au dossier n’établit que la limitation des droits de la SRC à une seule diffusion a fait l’objet de discussions, ou qu’il en a même été fait mention, avant cette date ou avant l’autorisation du 19 mars 2002.

 

La diffusion du 17 mars 2002 sur Newsworld est-elle visée par l’autorisation du 19 du même mois?

 

[52]           Mme Leuthold a déclaré dans son témoignage que, pour elle, la SRC [TRADUCTION] « était un réseau ordinaire comme NBC, CBS, vous savez : un réseau de télévision ordinaire », qu’elle n’avait à l’époque aucune idée de ce que représentait Newsworld et que c’est seulement beaucoup plus tard qu’elle l’avait compris (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 92, lignes 2 à 20). De leur côté, les témoins de la SRC ont déclaré que, dans le règlement des questions de droit d’auteur, les renonciations et les licences s’appliquaient toujours à Newsworld aussi (voir la transcription : témoignage de Rose Torriero, 8 février 2012, page 144, lignes 1 à 18; et témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 203, lignes 6 à 25, et page 208, lignes 6 à 21).

 

[53]           La Cour conclut de la preuve produite que la première licence s’applique aussi à Newsworld, au motif que Mme Leuthold n’a fixé aucune restriction lorsqu’elle a accordé rétroactivement son autorisation le 19 mars 2002.

 

[54]           Le même raisonnement vaut pour les fuseaux horaires, les stations affiliées à la SRC et les stations régionales de cette dernière en ce qui concerne la portée de la première licence.

 

Les diffusions du 10 septembre et la licence d’utilisation des photographies

 

[55]           Les défendeurs soutiennent que la reproduction des photographies qui figuraient dans les diffusions du 10 septembre 2002 entrait dans le champ d’application de la licence d’utilisation des photographies.

 

[56]           La Cour doit délimiter la portée des droits de reproduction octroyés par Mme Leuthold quand elle a signé la licence d’utilisation des photographies en octobre 2002. Cette opération exige l’examen simultané de certaines dispositions de la Loi sur le droit d’auteur et des modalités du contrat de licence liant les parties.

 

[57]           La Cour doit interpréter cette licence sous le régime du paragraphe 13(4) de la Loi sur le droit d’auteur, ainsi libellé :

13 (4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé.

 

[58]           Mme Leuthold a accordé aux défendeurs le droit de reproduire les photographies dans la production. En signant le contrat de licence, dont le texte a été proposé et rédigé en partie par la SRC, la demanderesse n’a concédé aux défendeurs aucun intérêt dans son droit d’auteur; elle leur a simplement donné le droit de présenter ses photographies dans le cadre d’une seule diffusion de la production. L’expression [TRADUCTION] « une seule diffusion » employée dans la licence d’utilisation des photographies revêt une signification ambiguë, sur l’interprétation de laquelle les parties se trouvent en désaccord.

 

[59]           La Cour estime important de reproduire ici les paragraphes pertinents de la licence en question.

[TRADUCTION]

 

                        Licence d’utilisation des photographies

 

La Société Radio-Canada (ci‑après dénommée « la SRC ») souhaite faire figurer cinq photographies des événements du 11‑Septembre réalisées par Catherine J. Leuthold (ci‑après désignées « les photographies ») dans son documentaire intitulé As the Towers Fell (ci‑après désigné « la production »).

 

Catherine J. Leuthold, domiciliée au 300, 70th Street, New York (N.Y.) 10021 (ci‑après dénommée « la partie concédante »), concède par la présente à la SRC le droit limité et non exclusif d’incorporer les photographies dans la production. La SRC a le droit (mais non l’obligation) de présenter les photographies à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur son réseau et ses stations régionales de télévision (ce qu’elle a fait au premier anniversaire du 11‑Septembre, le 11 septembre 2002). [Les passages en caractères gras sont des observations manuscrites de Mme Leuthold.]

 

En contrepartie des droits concédés par la présente licence, la SRC s’engage à verser à la partie concédante, à titre de redevance, la somme totale de 2 500 $US (deux mille cinq cents dollars américains), une fois les deux exemplaires de ladite licence dûment signés.

 

La partie concédante n’étant pas une entreprise canadienne enregistrée aux fins de la taxe sur les produits et services, la somme susdite n’est pas majorée de cette taxe.

 

La partie concédante est la seule personne ayant un droit d’auteur et de propriété sur les photographies visées par la présente licence et incorporées dans la production.

 

La SRC est le seul détenteur du droit d’auteur sur la production et, à ce titre, jouit de la faculté de monter celle‑ci en fonction des nécessités de la diffusion.

 

La partie concédante garantit avoir la pleine disposition des droits concédés à la SRC par la présente licence et n’être liée avec aucune personne physique ou morale par aucun contrat qui puisse d’une quelconque manière porter atteinte à ces droits. La partie concédante déclare et affirme en outre qu’elle a obtenu et/ou conserve tous les consentements et droits, y compris le droit d’auteur, nécessaires pour concéder sous licence à la SRC les droits définis par la présente licence, sans aucune limitation ni restriction (dans le cadre de la redevance d’utilisation unique). [Les passages en caractères gras sont des observations manuscrites de Mme Leuthold.] 

 

La partie concédante s’engage à indemniser la SRC et à la tenir quitte de l’ensemble des pertes, dommages ou frais, y compris les honoraires et débours d’avocat, qu’elle pourrait subir ou encourir par suite de toute réclamation, action ou procédure résultant du non-respect de toute déclaration ou garantie formulée par ladite partie concédante dans la présente licence.

 

La présente licence constitue l’intégralité de l’accord entre les parties sur les questions qui en font l’objet, et les parties ne sont liées par aucune entente, orale ou écrite, qui n’y soit expressément consignée. La validité de toute modification à la présente licence est subordonnée au consentement écrit des parties.

 

La présente licence est régie par les lois provinciales de l’Ontario et les lois fédérales du Canada, et les parties s’en remettent à la compétence exclusive des tribunaux judiciaires desdits pays et province.

 

Les parties, en apposant leurs signatures à la présente licence, attestent leur acceptation de ses modalités et se déclarent liées par elle.

 

Société Radio-Canada :

 

« Kathy Markou »______________________

Kathy Markou, Chef – Droits afférents aux programmes,

Affaires commerciales

 

Date : le 7 octobre 2002

 

Partie concédante :

 

« Catherine Leuthold »

Catherine Leuthold

 

La requête préliminaire

 

[60]           La Cour doit d’abord examiner la requête formée par les défendeurs et tendant à faire refuser à M. Jay Thompson l’autorisation de témoigner comme expert en faveur de Mme Leuthold. Les défendeurs soutiennent que leur contre-interrogatoire approfondi de M. Thompson révèle qu’il ne possède pas d’expertise dans le règlement des questions relatives aux droits relevant de la Loi sur le droit d’auteur, mais qu’il possède une expertise concernant l’environnement réglementaire. Selon les défendeurs, comme il s’agit ici d’interpréter une licence concédée sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur (soit la licence d’utilisation des photographies), l’expertise de M. Thompson est inutile à la Cour au motif de sa non-pertinence. Mme Leuthold, quant à elle, soutient que la connaissance que possède M. Thompson de l’environnement réglementaire peut aider la Cour à établir ce que signifient en général dans le secteur d’activité les termes employés dans la licence en question.

 

[61]           La Cour a autorisé M. Thompson à témoigner sous réserve de la décision à rendre sur la requête des défendeurs. Après examen des arguments des deux parties, la Cour reconnaît à M. Thompson la qualité d’expert apte à l’aider dans l’interprétation des termes [TRADUCTION] « diffuser les photographies à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur [le] réseau et [les] stations régionales de télévision [de la SRC] », au motif que ses connaissances en matière de concession de licences aux radiodiffuseurs pourraient revêtir une certaine pertinence pour l’interprétation finale du passage contesté de la licence d’utilisation des photographies.

 

Que signifie « une seule diffusion »?

 

[62]           Mme Leuthold soutient qu’une seule diffusion signifie essentiellement une seule transmission dans un seul fuseau horaire, en l’occurrence celui des provinces de l’Atlantique (voir la transcription, conclusions finales, 13 février 2012, page 21, lignes 18 à 25, et page 22). Par conséquent, dans le cadre de l’« utilisation unique » telle que définie par elle, seules les six stations régionales sises dans les provinces de l’Atlantique avaient le droit de diffuser la production, et ce, une seule fois.

 

[63]           Son interprétation se fonde essentiellement sur sa prétention qu’elle a toujours insisté sur le fait qu’elle n’autorisait qu’une utilisation unique dans tous les contrats qu’elle a signés concernant toutes ses œuvres photographiques.

 

[64]           Selon les défendeurs, les termes [TRADUCTION] « diffuser les photographies à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur [le] réseau et [les] stations régionales de télévision [de la SRC] » ont un champ d’application plus large, qui comprend toutes les stations affiliées à la SRC de tous les fuseaux horaires, ainsi que Newsworld.

 

[65]           Les défendeurs font valoir qu’il était impossible que Mme Leuthold ait exclu Newsworld puisqu’elle a admis qu’elle ne connaissait pas l’existence de cette chaîne lorsqu’elle a négocié la licence d’utilisation des photographies (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 168, lignes 2 à 10).

 

[66]           Ils soutiennent en outre qu’il n’était pas pertinent pour Mme Leuthold que la production soit diffusée par voie hertzienne ou par câble, étant donné qu’elle a déclaré dans son témoignage qu’elle ne se préoccupait pas de cette question au moment où elle a négocié la licence d’utilisation des photographies, et qu’elle n’avait commencé à le faire que lorsqu’elle avait négocié les conditions d’une diffusion sur Channel Five à New York (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 163, lignes 12 à 23).

 

[67]           Mme Leuthold soutient que la licence d’utilisation des photographies ne s’appliquait qu’à une seule diffusion sur le réseau CBC, ce qui excluait CBC Newsworld et les stations affiliées à la SRC.

 

[68]           Il est établi que [TRADUCTION] « sauf situations particulières auxquelles s’appliquent des dispositions impératives d’autres lois [...], [les parties] ont toute liberté de conclure la forme d’accord qu’elles souhaitent, à la seule condition de respecter les principes généraux de la Loi, ainsi que les droits et libertés fondamentaux et l’ordre public » (voir Normand Tamaro, The 2012 Annotated Copyright Act, Toronto, Carswell, 2012, page 412). Ce qui veut dire dans notre contexte que les parties avaient toute latitude pour négocier les modalités de la licence d’utilisation des photographies.

 

[69]           La Cour d’appel de l’Ontario a formulé les conclusions suivantes au paragraphe 23 de l’arrêt SimEx Inc c IMAX Corp, [2005] OJ No 5389 :

[TRADUCTION]

[23] En résumé, s’il est vrai que le tribunal s’efforce d’interpréter le contrat d’une manière conforme à l’intention des parties, celles‑ci sont présumées avoir voulu les conséquences juridiques des termes qu’elles ont employés. Le tribunal tiendra compte du contexte ou cadre factuel dans lequel le contrat a été rédigé, notamment de la rationalité commerciale, pour comprendre l’intention des parties. Il s’abstiendra d’adopter une interprétation « manifestement » absurde sur le plan commercial. Le tribunal doit aussi tenir compte du contrat considéré globalement. Chaque stipulation, en effet, « doit s’interpréter non pas isolément, mais en fonction de l’accord pris dans son ensemble et des autres clauses de celui‑ci » : Scanlon c Castlepoint Development Corp (1992), 99 D.L.R. (4th)  53 (CA Ont), page 179. Lorsque le contrat est dénué d’ambiguïté, la preuve extrinsèque est inadmissible [...]

 

Analyse de la question des fuseaux horaires

 

[70]           La Cour rejette l’interprétation de Mme Leuthold selon laquelle la licence d’utilisation des photographies ne permettait qu’une diffusion dans un seul fuseau horaire, d’abord parce que cette licence ne prévoit explicitement rien de tel, et au motif plus important que le propre expert de la demanderesse a déclaré que les stations régionales radiodiffusent dans leurs fuseaux horaires respectifs (voir la transcription, témoignage de Jay Thompson, 7 février 2012, page 160, lignes 24 et 25, et page 161, lignes 1 à 18).

 

[71]           Mme Leuthold n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de son interprétation voulant que la licence d’utilisation des photographies ne s’applique qu’à un seul fuseau horaire. En outre, deux autres témoins ont déclaré qu’il était communément admis dans le secteur d’activité qu’une radiodiffusion canadienne, lorsqu’elle se rapporte à un réseau canadien, comprend tous les fuseaux horaires du pays (voir la transcription : témoignage de Rose Torriero, 8 février 20012, page 136, lignes 1 à 4; et témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 188, lignes 8 à 23).

 

La licence d’utilisation des photographies s’applique‑t‑elle aussi à Newsworld?

 

[72]           M. Jay Thompson a rédigé pour Mme Leuthold un rapport d’expert où il exprime son opinion touchant l’interprétation des termes [TRADUCTION] « diffuser les photographies à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur [le] réseau et [les] stations régionales de télévision [de la SRC] », employés dans la licence d’utilisation des photographies. M. Thompson a aussi formulé un avis sur le point de savoir si la mention du réseau de la SRC pourrait raisonnablement être interprétée comme comprenant le service de programmation télévisuelle spécialisée de la CBC qui était alors dénommé Newsworld.

 

[73]           M. Thompson a conclu que, les diverses catégories de services de radiodiffusion étant réglementées de manières différentes et jouissant de privilèges réglementaires différents, la SRC est tenue d’employer la terminologie conforme aux significations réglementaires généralement admises.

 

[74]           Selon M. Thompson, [TRADUCTION] « la SRC est autorisée par le CRTC à exploiter, entre autres services de radiodiffusion, des réseaux de télévision de langues française et anglaise, ainsi que diverses entreprises de programmation spécialisée telles que CBC Newsworld. Or les entreprises de programmation spécialisée ne sont pas des « réseaux » et, à moins que le terme « réseau » ne fasse partie de sa dénomination, il est inexact et prête à confusion du point de vue juridique de désigner une telle entreprise par ce terme. » (Voir le rapport d’expert de M. Jay Thompson, onglet 5 du dossier d’instruction, page 121, paragraphe 7.)

 

[75]           La chaîne Newsworld entre dans la définition que donne M. Thompson de l’entreprise de programmation spécialisée (EPS) : [TRADUCTION] « entreprise transmettant des émissions, soit directement par ondes radioélectriques ou d’autres moyens de télécommunication, soit indirectement par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution, aux fins de réception par le public à l’aide d’un récepteur » (voir le rapport d’expert de M. Jay Thompson, onglet 5 du dossier d’instruction, page 121). Autrement dit, les EPS seraient plutôt assimilables à des fournisseurs d’émissions, et on leur délivre des licences d’entreprises de programmation. Par conséquent, conclut M. Thompson, Newsworld n’est pas un réseau ni ne fait partie du réseau de la SRC.

 

[76]           Il est évident, du point de vue de M. Thompson, que [TRADUCTION] « le réseau de télévision CBC – qui est désigné "réseau [de la SRC]" dans la licence d’utilisation des photographies – forme une entité séparée et distincte de la chaîne CBC Newsworld, et que celle‑ci n’est pas comprise dans ledit réseau » (voir le rapport d’expert de M. Jay Thompson, onglet 5 du dossier d’instruction, page 122, paragraphe 12).

 

[77]           Par conséquent, les termes de la licence d’utilisation des photographies [TRADUCTION] « diffuser les photographies à la télévision canadienne dans le cadre d’une seule diffusion sur [le] réseau et [les] stations régionales de télévision [de la SRC] » signifieraient que Newsworld, en tant qu’entreprise de programmation spécialisée [EPS], n’entre pas dans le champ d’application de ladite licence et aurait donc violé le droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies en présentant celles‑ci dans le cadre de ses diffusions de 2002, 2003 et 2004.

 

[78]           J’extrais le passage suivant du paragraphe 3 d’une décision du CRTC en date du 6 janvier 2000 :

[...]

Même si leurs activités sont basées sur les recettes publicitaires et les tarifs d’abonnement plutôt que sur le financement public, et même si Newsworld et RDI font rapport au Conseil à titre d’entité autorisée distincte, il existe une symbiose avantageuse entre les services de base et spécialisés de la SRC, tant du côté anglais que français. Ils collaborent et partagent le personnel et l’équipement dans un effort pour maximiser les recettes destinées à la production, aux bénéfices de leurs téléspectateurs. (Voir la décision CRTC 2000‑3, recueil de jurisprudence et de doctrine produit par l’expert Jay Thompson, volume I, onglet 10.)

 

[79]           En outre, RDI et Newsworld tiennent une comptabilité séparée afin de « s’assurer que les services spécialisés, financés en grande partie par les tarifs d’abonnement, ne sont pas soutenus financièrement par les crédits parlementaires de la SRC, soit l’argent des contribuables visant à financer les services de radio et de télévision en direct. Ces raisons tiennent toujours [ajoute le CRTC] et le Conseil les impose de nouveau comme condition de licence. » (Voir la décision CRTC 2000‑3, recueil de jurisprudence et de doctrine produit par l’expert Jay Thompson, volume I, onglet 10, paragraphe 25.)

 

[80]           Même si la licence de radiodiffusion n’interdit pas à Newsworld de partager ses contenus avec les services principaux, le CRTC établit une distinction nette entre Newsworld et la CBC, étant donné qu’elles sont soumises à des règlements différents. Le partage des ressources entre la CBC et Newsworld ne signifie pas que le CRTC les considère comme formant une seule entité. On lit en effet ce qui suit dans la même décision du CRTC : « Dans les conditions de licence imposées dans la présente, le Conseil précise que RDI et Newsworld peuvent diffuser simultanément leurs propres émissions mais qu’il leur est interdit de diffuser simultanément des émissions régulières avec d’autres services de la SRC, peu importe que la programmation provienne d’eux ou d’un autre service de la SRC. » (Voir la décision CRTC 2000‑3, recueil de jurisprudence et de doctrine produit par l’expert Jay Thompson, volume I, onglet 10, paragraphe 35.) Il s’ensuit, selon M. Thompson, que Newsworld, en tant qu’EPS, se distingue complètement de la chaîne principale de la CBC, tout comme doivent être distingués leurs contenus respectifs.

 

[81]           La Cour fait observer que l’interdiction de diffusion en simultané avec les autres services de la SRC ne s’applique qu’aux émissions régulières. Or, même si les émissions du 10 septembre ont été diffusées à 20 heures, elles ne faisaient pas partie de la programmation régulière, comme le montre la pièce D‑9.

 

[82]           Les défendeurs, de leur côté, invoquent les témoignages de Rose Torriero, Kathy Markou et Jane Ward à l’appui de leur thèse voulant que la licence d’utilisation des photographies s’applique aussi à Newsworld (voir la transcription : témoignage de Rose Torriero, 8 février 2012, page 135, lignes 1 à 18; témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 187, lignes 9 à 21; et témoignage de Janice Ward, 7 février 2012, page 65, lignes 19 à 25, et page 66, ligne 1).

 

[83]           Les parties ont produit trois copies de contrats entre la SRC et Newsco concernant la production du documentaire sur les événements du 11‑Septembre (voir le recueil conjoint de documents, volume II, onglets 18 à 20). Selon le document produit sous l’onglet 19, Newsworld était partie à l’accord, et Desmond Smith, le producteur et représentant de Newsco, savait que Newsworld aurait nécessairement le droit de diffuser la production. Au cours de ses négociations avec Mme Leuthold et de ses interventions postérieures pour le compte de cette dernière, M. Smith l’a‑t‑il informée que Newsworld diffuserait aussi la production? Aucun élément de preuve ne tend à l’établir, sauf un courriel.

 

[84]           M. Smith a envoyé à Mme Leuthold le 2 septembre 2002, soit avant qu’elle ne conclue avec la SRC l’accord en date du 5 du même mois, un courriel dont j’extrais le passage suivant : [TRADUCTION] « l’émission de 85 minutes, sans annonces publicitaires, intitulée As the Towers Fell: Minute by Minute with the Journalists, sera diffusée au Canada le 8 septembre sur le réseau CBC à 20 h et sera vue aux États‑Unis partout où l’on reçoit la chaîne Newsworld International » [non souligné dans l’original] (voir le recueil conjoint de documents, volume I, onglet 4, page 33). Il ressort donc de ce courriel que Mme Leuthold aurait été informée, au moins de manière minimale, qu’on prévoyait une forme ou une autre de participation de Newsworld et qu’elle n’a pris aucune mesure pour exclure cette chaîne du champ d’application de la licence.

 

[85]           L’émission a été diffusée le 10 septembre 2002. Or Mme Leuthold a envoyé le courriel suivant à Rose Torriero le 5 du même mois :

[TRADUCTION]

Objet : photos de New York

D’accord, Rose, c’est parfait. Veillez seulement à ce que ce soit une utilisation unique, à ce qu’une mention d’auteur apparaisse sous chaque photo et à ce qu’il soit bien clair que ce ne sont pas des droits mondiaux. Merci pour vos bonnes paroles, auxquelles je suis sensible. Veuillez me préciser à qui et où je dois faxer la facture.

Catherine Leuthold

 

[86]           Les modalités précises de la licence d’utilisation des photographies n’ont trouvé leur forme définitive que le 2 octobre 2002, et Kathy Markou a signé cette licence le 7 du même mois.

 

[87]           L’avocat de Mme Leuthold soutient que la licence d’utilisation des photographies devrait être interprétée en faveur de sa cliente, conformément à la doctrine contra proferentem, au motif que le texte en a été rédigé par la SRC. Il fait valoir que la charge pesait sur la SRC de délimiter clairement la portée de la licence puisque Mme Leuthold était la partie la plus faible. Du point de vue de Mme Leuthold, cette licence s’appliquait sans ambiguïté à une seule utilisation, une seule transmission, et rien d’autre. Il incombait à la SRC de faire en sorte de tirer le meilleur parti possible de cette transmission unique. Or, selon Mme Leuthold, la SRC a choisi de diffuser les photographies sur la chaîne principale de la CBC, à l’intention des provinces de l’Atlantique. Par conséquent, toutes les autres transmissions échappaient au champ d’application de la licence et ont porté atteinte à ses droits.

 

[88]           L’avocat des défendeurs répond à cet argument que la preuve produite établit à l’évidence que l’intention des parties, avant la diffusion, était très large et qu’elle peut essentiellement se résumer par la formule : [TRADUCTION] « une utilisation unique dans le cadre de la radiodiffusion au Canada ». Chose plus importante encore, trois témoins ont déclaré que la SRC faisait toujours entrer Newsworld dans le champ d’application des accords qu’elle concluait en matière de droit d’auteur (voir la transcription : témoignage de Rose Torriero, 8 février 2012, page 134, lignes 22 à 25, et page 135, lignes 1 à 8; témoignage de Kathy Markou, 8 février 2012, page 187, lignes 9 à 21; et témoignage de Janice Ward, 7 février 2012, page 65, lignes 19 à 25, et page 66, ligne 1).

 

[89]           La Cour, pour les motifs qui suivent, conclut que les termes [TRADUCTION] « une seule diffusion sur [le] réseau et [les] stations régionales de télévision [de la SRC] » s’appliquent aussi à Newsworld :

 

·                    Premièrement, la preuve produite par les défendeurs établit à l’évidence que la SRC faisait toujours entrer Newsworld dans le champ d’application des accords qu’elle concluait en matière de droit d’auteur.

 

·                     Deuxièmement, le seul élément tendant à prouver le contraire a été proposé par M. Thompson, qui fonde son opinion sur la distinction que le CRTC établit entre la chaîne principale de la CBC et Newsworld. Selon la Cour, cette distinction est peut-être valable du strict point de vue réglementaire, mais elle ne peut s’appliquer au règlement des questions de droit d’auteur. En fait, M. Thompson a admis dans son témoignage que les acteurs du secteur d’activité qualifient parfois Newsworld de réseau, encore que le terme soit inexact du point de vue réglementaire. Cet aveu contredit en partie sa conclusion. (Voir la transcription, témoignage de Jay Thompson, 7 février 2012, page 186, lignes 14 à 25, et page 187, lignes 1 à 23.)

 

·                     C’est une règle de droit bien connue que le tribunal chargé d’interpréter une stipulation ambiguë d’un contrat peut s’inspirer de l’usage qui a cours dans le secteur d’activité. Dans la présente espèce, la preuve relative à cet usage fait clairement pencher la balance en faveur des défendeurs. En outre, tenue comme elle l’est de prendre en considération la rationalité commerciale, la Cour ne peut accepter l’interprétation de Mme Leuthold selon laquelle la SRC aurait souscrit à des modalités contraires à sa pratique normale, c’est‑à‑dire aurait consenti à exclure Newsworld et les stations affiliées.

 

·                     Troisièmement, Mme Leuthold demande à la Cour d’appliquer la doctrine contra proferentem et d’interpréter le libellé de la licence d’utilisation des photographies dans un sens défavorable à la partie qui en a rédigé le texte, soit la SRC. Or, [TRADUCTION] « le tribunal ne peut recourir à cette règle d’interprétation que lorsqu’aucune autre ne lui permet d’établir le sens du document considéré » (voir Reliance Petroleum Limited c Canadian General Insurance Company, [1956] RCS 936, page 953; Consolidated Bathurst Export c Mutual Boiler and Machinery Insurance Co, [1980] 1 RCS 888; et Progressive Homes Ltd c Cie canadienne d’assurances générales Lombard, 2010 CSC 33 [Progressive]). Rappelons en outre les observations suivantes formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Progressive :

[23] Lorsque le libellé de la police d’assurance est ambigu, les tribunaux s’appuient sur les règles générales d’interprétation des contrats (Consolidated Bathurst, p. 900‑902). Par exemple, les tribunaux devraient privilégier des interprétations qui sont conformes aux attentes raisonnables des parties (Gibbens, par. 26; Scalera, par. 71; Consolidated Bathurst, p. 901), tant que le libellé de la police peut étayer de telles interprétations. Les tribunaux devraient éviter les interprétations qui aboutiraient à un résultat irréaliste ou que n’auraient pas envisagées les parties au moment où la police a été contractée (Scalera, par. 71; Consolidated Bathurst, p. 901). Les tribunaux devraient aussi faire en sorte que les polices d’assurance semblables soient interprétées d’une manière uniforme (Gibbens, par. 27). Ces règles d’interprétation visent à lever toute ambiguïté. Elles n’ont pas pour objet de créer d’ambiguïté lorsqu’il n’y en a pas au départ.

 

[24] Lorsque ces règles d’interprétation ne permettent pas de dissiper l’ambiguïté, les tribunaux interprètent la police contra proferentem — contre l’assureur (Gibbens, par. 25; Scalera, par. 70; Consolidated Bathurst, p. 899‑901). Ce principe a pour corollaire que les dispositions concernant la protection reçoivent une interprétation large, et les clauses d’exclusion, une interprétation restrictive (Jesuit Fathers, par. 28).

 

[90]           Il paraît légitime de poser que la pratique courante du secteur d’activité permet d’interpréter valablement la licence considérée dans la présente espèce.

 

[91]           En conséquence, la Cour conclut que la licence d’utilisation des photographies s’étendait à Newsworld et donnait aux stations affiliées comme aux stations régionales le droit de diffuser les œuvres en question dans tous les fuseaux horaires. Il s’ensuit que les diffusions du 10 septembre 2002 n’ont pas porté atteinte au droit d’auteur de Mme Leuthold.

 

2.         Pour ce qui concerne chaque diffusion sur la CBC et chaque transmission sur Newsworld, est-ce que chacune des stations affiliées ou chacune des entreprises de distribution de radiodiffusion [EDR] en cause, selon le cas, a violé le droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) chaque fois que la production a été communiquée au public?

 

[92]           Les défendeurs admettent que la SRC a effectivement diffusé la production sur Newsworld sans autorisation le 11 septembre 2002 à 1 heure, le 7 septembre 2003 à 22 heures, le 8 septembre 2003 à 1 heure, le 11 septembre 2004 à 22 heures, ainsi que le 12 septembre 2004 à 1 heure et à 4 heures, et que la SRC est solidairement responsable de ces violations avec les EDR. L’avocat de la SRC a formulé à ce sujet les observations suivantes à l’instruction :

Me LEBLANC : --- je veux que la position soit claire que la solidarité -- les BDU [EDR] -- ce que je vous dis là c’est que nous sommes solidaires avec les BDU; d’accord? Alors, pour cette communication unique.

 

LA COUR : Pour ces communications uniques?

 

Me LEBLANC : Les six ou huit.

 

LA COUR : Oui, oui.

 

Me LEBLANC : Tout à fait.

 

LA COUR : C’est ce que j’avais compris ---

 

Me LEBLANC : Absolument.

                 

LA COUR : --- dans votre position.

                 

Me LEBLANC : Absolument. Donc, on est solidaires de quoi?  Bien, on est solidaires des dommages causés à Madame Leuthold.  Quels sont ces dommages-là?  La valeur de la licence.  Je reviens à la jurisprudence.

 

Comment ensuite on va se répartir entre les BDU et Radio-Canada?  Ça, ça nous regarde.  Vous avez un contrat -- un contrat type qui est déposé, ça dit que c’est Radio-Canada, dans le contrat, qui va prendre en charge …

 

Mais là, je ne parle pas de la Loi, je parle du contrat. 

 

Mais, nous, on est solidaires avec les BDU pour ces six communications et ce qu’on doit se poser comme question c’est, donc, d’accord on est solidaires des dommages de Madame Leuthold, pas de 700/800/300 communications techniques pour arriver au téléviseur du Canadien. (Voir la transcription, observations de Me Leblanc, 14 février 2012, pages 76 et 77.)

 

[93]           Mme Leuthold, quant à elle, soutient que chacune des transmissions effectuées par les EDR constitue une communication distincte au public, au titre de laquelle elle doit être indemnisée.

 

[94]           La Cour examinera cette question dans sa réponse à la quatrième question.

 

3.         La défenderesse SRC est-elle responsable des violations en question commises par les stations affiliées et les EDR?

 

[95]           Les défendeurs se sont reconnus solidairement responsables de ces violations avec les EDR (voir la transcription, observations de Me Leblanc, 14 février 2012, pages 76 et 77).

 

[96]           La retransmission du signal de Newsworld par les EDR a porté atteinte au droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies.

 

[97]           L’avocat de la SRC a proposé à ce sujet l’argumentation suivante à l’instruction :

Le BDU [l’EDR] est le radiodiffuseur, est solidairement responsable de la communication au public.  C’est pour cela que le producteur indépendant -- ou, dans ce cas ici, Radio-Canada -- libère les droits et libère les droits pour la communication au public jusqu’aux téléspectateurs.

 

Sinon, regardez la situation: Pour 2,500$, Radio-Canada peut diffuser sur ’main channel’ qui -- et vous avez la pièce aussi dans le ’Joint Book’ -- a beaucoup plus de cotes d’écoute au Canada que Newsworld.  Mais si Radio-Canada veut diffuser sur Newsworld le même documentaire, il faudrait que la Cour conclut que la licence librement négociée aurait été plus de 2.8$ millions parce que c’est ce qu’on vous dit: Pour différer une diffusion câblée au Canada, dans le cas de Radio-Canada, on vous dit qu’il y a -- je prends ’732’ mais le chiffre peut varier […]

 

[…]

il faut donc --  Maître O’Connor vous amène à dire: Il faut donc négocier une licence avec chacun de ce[s] BDU là, ce qui fait que pour diffuser sur le câble -- et je vous soumets qu’en ce moment, toutes les stations qui diffusent sur le câble -- c’est la même technologie; c’est les mêmes BDU; ça peut varier dans le nombre -- devraient donc payer des sommes avoisinant, je présume, les 2.8 millions pour une diffusion à travers le Canada.

 

C’est un résultat incongru et c’est un résultat incongru parce qu’il part d’une fausse prémisse.  C’est-à-dire on va déterminer -- on va compenser en vertu des actes de contrefaçon sans se préoccuper de ce que vaut vraiment l’œuvre […]

 

[…]

 

Ce n’est pas abstrait.  On n’ajoute pas des dommages à chaque fois qu’on peut prouver qu’il y a eu, dans ce cas-ci, une communication additionnelle.  Une communication publique, d’accord; c’est pour ça qu’on dit six ou huit, mais dans le chemin pour s’y rendre, là les BDU n’influencent pas parce que sinon, ça viendrait justement -- ça mènerait justement, je le dis avec beaucoup d’égard, à une situation qui serait inéquitable, qui ferait en sorte que, justement, les chiffres qui ont été avancés devant vous seraient des chiffres possibles pour une compensation. (Voir la transcription, observations de Me Leblanc, 14 février 2012, pages 16, 17 et 25.)

 

[98]           Les défendeurs affirment n’avoir violé le droit d’auteur de Mme Leuthold que, tout au plus, dans le cadre de six actes distincts. Se référant aux définitions que donne la Loi sur la radiodiffusion du terme « radiodiffusion » et de l’expression « moyen de télécommunication  », ils font d’abord valoir qu’une radiodiffusion est une transmission du radiodiffuseur au public canadien. Pour qu’une production puisse être transmise au public, il faut qu’un certain nombre d’EDR retransmettent le signal du radiodiffuseur à un certain nombre d’abonnés canadiens. Quant à la définition de l’expression « moyen de télécommunication », raisonnent les défendeurs, elle implique que le processus de retransmission au public est neutre sur le plan technologique. Selon eux, la Loi sur la radiodiffusion comporte cette définition afin d’éviter que soit érigée en violation la retransmission technique d’un signal par une entreprise de distribution.

 

[99]           Mme Leuthold, de son côté, veut être indemnisée au titre de chaque transmission en fonction de la valeur de ses cinq photographies, réclamation qui, suivant les défendeurs, va à l’encontre du principe général sous-tendant la Loi sur le droit d’auteur.

 

[100]       La Cour répond à la troisième question que la défenderesse SRC est solidairement responsable avec les EDR, mais seulement pour les six communications au public qui ont porté atteinte au droit d’auteur de Mme Leuthold.

 

[101]       Afin de trancher la question des dommages-intérêts que réclame Mme Leuthold, la Cour doit d’abord établir sur quelle base les lui octroyer.

 

4.         Si les défendeurs, les stations affiliées ou les EDR ont violé le droit d’auteur, quelles mesures de réparation – qu’il s’agisse de dommages-intérêts, de reddition de compte, de mesures injonctives ou de remise – la Cour doit-elle prononcer en faveur de la demanderesse (Mme Leuthold)?

 

A.        La position de Mme Leuthold

 

[102]       Le document dont la traduction suit, produit par l’avocat de Mme Leuthold, résume la position de sa cliente sur cette question.


 

[TRADUCTION]

Récapitulatif des réclamations en dommages-intérêts au titre de la violation alléguée

Date/heure

Contrefacteur présumé

Nature de la
violation
alléguée

Disp.
app.
(LDA)

Dommages-
intérêts
en $US

Dommages-
intérêts
en $CAN

Resp.
SRC/
Newsworld

 

17 mars 2002 
10 h

Réseau CBC

15 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(i)

Resp. solidaire

 

 

6 stations de l’Atlantique visées par l’utilisation unique autorisée

 

Stations régionales

 

 

 

 

 

 

 

Montréal (Qc) CBMT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

London (Ont.) CBLN

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Ottawa (Ont.) CBOT 4

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Toronto (Ont.) CBLT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Windsor (Ont.) CBET 9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Winnipeg (Man.) CBWT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Regina (Sask.) CKBT  9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Saskatoon (Sask.) CBKST 11

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Edmonton (Alb.) CBXT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Calgary (Alb.) CBRT 9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Vancouver (C.-B.) CBUT 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Whitehorse (Yn) CFWH

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Yellowknife (T.-N.-O.) CFYK TV8

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Stations affiliées

 

 

 

 

 

 

 

Thunder Bay (Ont.) CKPR-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

 

Lloydminster (Alb.) CKSA-TV 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

3 969,50

 

                                                                                                                                                          TOTAL PARTIEL réseau CBC          59 542,50

 

17 mars 2002
19 h

Newsworld

72 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 969,50

2 905 674,00

732 EDR
voir p. 518-532

10 sept. 2002
20 h

Réseau CBC

72 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

6 stations de l’Atlantique visées par l’utilisation unique autorisée

 

Stations régionales

 

 

 

 

 

 

 

Montréal (Qc) CBMT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

London (Ont.) CBLN

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Ottawa (Ont.) CBOT 4

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Toronto (Ont.) CBLT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Windsor (Ont.) CBET 9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Winnipeg (Man.) CBWT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Regina (Sask.) CKBT  9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Saskatoon (Sask.) CBKST 11

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Edmonton (Alb.) CBXT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Calgary (Alb.) CBRT 9

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Vancouver (C.-B.) CBUT 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Whitehorse (Yn) CFWH

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Yellowknife (T.-N.-O.) CFYK TV8

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

 

Stations affiliées

 

 

 

 

 

 

Aucune station visée par la licence de diffusion unique

 

Kingston (Ont.) CKWS-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Peterborough Bay (Ont.) CHEX-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Thunder Bay (Ont.) CKPR-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Brandon (Man.) CKX

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Lloydminster (Alb.) CKSA-TV 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Medicine Hat (Alb.) CHAT-TV 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Dawson Creek (C.-B.) CJDC-TV 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Prince George (C.-B.) CKPG-TV 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Terrace (C.-B.) CFTK-TV 3

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

                                                                                                                                                          TOTAL PARTIEL réseau CBC          86 460,00

 

10 sept. 2002
20 h

Newsworld

732 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

Newsworld

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

2 876 760,00

732 EDR
voir p. 518-532

11 sept. 2002
1 h

Newsworld

732 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

2 876 760,00

732 EDR
voir p. 518-532

7 sept. 2003
22 h

Newsworld

712 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 426,75

2 439 846,00

712 EDR
voir p. 533-547

8 sept. 2003
1 h

Newsworld

712 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 426,75

2 439 846,00

712 EDR
voir p. 518‑532

11 sept. 2004
22 h

Newsworld

807 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 250,75

2 623 355,25

807 EDR
voir p. 548-564

12 sept. 2004
1 h

Newsworld

807 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 250,75

2 623 355,25

807 EDR
voir p. 548-564

12 sept. 2004
4 h

Newsworld

807 TNA

3(1)f)
2.4 (1)c)(ii)

Resp. solidaire

 

 

 

 

Chaque ent. distribution

CP

3(1)f)

2 500,00

3 250,75

2 623 355,25

807 EDR
voir p. 548-564

TOTAL Chaque ent. distribution          (dans l’hypothèse où elle a communiqué toutes les transmissions

                                                                     de Newsworld)                                                                                                    28 435,25

 

TOTAL

Stations régionales

 

 

 

 

 

6 stations de l’Atlantique visées par l’utilisation unique autorisée

 

Montréal (Qc) CBMT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

London (Ont.) CBLN

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Ottawa (Ont.) CBOT 4

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Toronto (Ont.) CBLT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Windsor (Ont.) CBET 9

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Winnipeg (Man.) CBWT 6

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Regina (Sask.) CKBT  9

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Saskatoon (Sask.) CBKST 11

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Edmonton (Alb.) CBXT 5

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Calgary (Alb.) CBRT 9

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Vancouver (C.-B.) CBUT 2

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Whitehorse (Yn) CFWH

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Yellowknife (T.-N.-O.) CFYK TV8

CP

3(1)f)

2 500,00

7 899,50

7 899,50

 

 

 

 

Stations affiliées

 

 

 

 

 

 

 

Aucune station visée par la licence de diffusion unique

 

Kingston (Ont.) CKWS-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Peterborough Bay (Ont.) CHEX-TV

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Thunder Bay (Ont.) CKPR-TV

CP

3(1)f)

5 000,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Brandon (Man.) CKX

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Lloydminster (Alb.) CKSA-TV 2

CP

3(1)f)

5 000,00

7 899,50

7 899,50

 

 

Medicine Hat (Alb.) CHAT-TV 6

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Dawson Creek (C.-B.) CJDC-TV 5

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Prince George (C.-B.) CKPG-TV 2

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

 

Terrace (C.-B.) CFTK-TV 3

CP

3(1)f)

2 500,00

3 930,00

3 930,00

 

                                                                                                                                       TOTAL responsabilité Newsworld                 21 408 951,75

                                                                                                                                       TOTAL responsabilité réseau CBC                     146 002,50

Abréviations

TNA : transmission non autorisée

CP : communication au public

Calcul des recettes de Newsworld correspondant à la violation alléguée

Mois

Recettes ($)

Référence

Durée de la violation alléguée

Heures/min par mois

% heures

Part prop. des recettes ($)

Mars 2002

4 687 664

P. 505

                                                         00:60:00

744 / 44 640

0,00134409

6 301

Sept. 2002

4 660 384

P. 510

1:30:00                  x 2 =                  3:00:00

720 / 43 200

0,00416667

19 418

Sept. 2003

4 752 952

P. 517

2:00:00                  x 2 =                  4:00:00

720 /43 200

0,05555556

26 405

Sept. 2004

4 904 891

AC

2:00:00                  x 3 =                  6:00:00

720 /43 200

0,00833333

40 874

 

 

 

 

 

 

TOTAL :                     92 998

 


 

[103]       Mme Leuthold invoque les définitions données aux alinéas 2.4(1)c) et 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

 

[104]       Elle applique aussi les définitions de « radiodiffusion », « entreprise de radiodiffusion », « entreprise de distribution » et « réseau » que porte la Loi sur la radiodiffusion.

 

[105]       La position de la demanderesse est essentiellement qu’elle a droit à une indemnisation à l’égard de chaque transmission, que celle‑ci ait été diffusée par la CBC sur sa chaîne principale, par une station régionale ou affiliée, ou par une EDR relayant un signal reçu de Newsworld. Comme chaque transmission par une EDR constitue selon elle une violation, elle réclame au titre de chacune la somme de 2 500 $US ou l’équivalent en dollars canadiens au taux de change en vigueur au moment des faits. En septembre 2003, il y avait environ 712 entreprises de distribution, et l’on en comptait quelque 807 en 2004 (voir le recueil conjoint de documents, volume II, pages 518 à 564). Par conséquent, la demanderesse évalue à 2 439 846 $ pour 2003 et à 2 623 355,25 $ pour 2004 l’indemnisation qui lui est due au titre de l’ensemble des transmissions non autorisées. Quant à l’indemnisation due au titre de la diffusion sur le « réseau » (network), c’est‑à‑dire, selon sa définition de ce terme, sur la chaîne principale de la CBC, stations régionales et affiliées comprises et compte tenu des fuseaux horaires, Mme Leuthold l’estime à 146 002,50 $.

 

[106]       Mme Leuthold réclame aussi la somme de 92 998 $ comme sa part proportionnelle des recettes réalisées par Newsworld pendant la période des diffusions non autorisées. Elle a pris en compte dans le calcul de cette somme la durée totale de chaque diffusion de la production. Par exemple, la diffusion de septembre 2003 était d’une durée de deux heures. Par conséquent, la somme réclamée à ce titre est fondée sur le chiffre mensuel des recettes provenant des abonnés au câble, divisé par le total des heures de radiodiffusion et le nombre des jours du mois.

 

[107]       Mme Leuthold fait également valoir que sa contribution était plus importante que celle de tout autre participant à la production, puisqu’elle a reçu 2 500 $US pour une diffusion, alors que la SRC n’a versé à la BBC que 20 000 $ en contrepartie d’une licence mondiale d’une durée de cinq ans. Elle soutient que la totalité de la production porte atteinte à son droit d’auteur, et non pas seulement la durée de 18 secondes où les photographies sont présentées, au motif qu’elle commente celles‑ci pendant le film et que son apparition à l’écran joue un rôle important.

 

[108]       Mme Leuthold demande aussi à la Cour une ordonnance de disjonction ou une comptabilisation des profits.

 

[109]       L’avocat de Mme Leuthold a modifié à l’instruction la position de sa cliente touchant les dommages-intérêts punitifs et exemplaires. Mme Leuthold s’est ainsi désistée de sa réclamation de 15 000 $ en dommages-intérêts punitifs, mais elle a maintenu ses réclamations au titre précis des dommages-intérêts exemplaires, qui sont de 25 000 $ contre la SRC et de 10 000 $ contre Jerry McIntosh, arguant de l’indifférence totale à ses droits qu’ils auraient manifestée et du fait que la SRC a diffusé la production plusieurs fois en dépit du caractère limité des droits concédés par la licence d’utilisation des photographies.

 

B.        La position des défendeurs

 

[110]       Les défendeurs invoquent le témoignage d’expert de Mme Elizabeth Klink. La Cour a reconnu à Mme Klink la qualité d’experte pour ce qui concerne l’évaluation des photographies. Afin d’établir la valeur pécuniaire de celles‑ci, elle a consulté les trois principaux dépôts internationaux d’archives photographiques, soit Corbis Images, Getty Images et l’Associated Press. Elle avait déjà négocié des droits mondiaux sur des photographies directement avec ces trois entités. Elle avait déjà aussi traité directement avec le représentant canadien de Corbis. Elle a conclu que le droit perpétuel d’utilisation mondiale tous médias de chacune des photographies qui nous occupent avait une valeur moyenne de 300 $US en 2002. (Voir le dossier d’instruction, onglet 4, page 113.)

 

[111]       S’appuyant sur la décision Hutton c Canadian Broadcasting Corp. (CBC) (1989), 29 CPR (3d) 398, pages 450 et 451, confirmée par (1992) 41 CPR (3d) 45 (CA Alb) [Hutton c Canadian Broadcasting Corp], les défendeurs soutiennent que les dommages-intérêts devraient être calculés sur la base de ce que les droits de radiodiffusion auraient coûté à la défenderesse SRC. Ils font en outre valoir que, comme la demanderesse avait l’habitude de concéder des licences, la meilleure mesure des dommages-intérêts est la valeur d’une licence que les parties auraient librement négociée. Or Mme Leuthold, à l’époque, demandait 500 $US pièce pour l’utilisation des photographies. Les défendeurs font en outre valoir que, selon le site Web de Corbis, il est possible d’acquérir des droits mondiaux illimités sur trois des photographies considérées de Mme Leuthold pour la somme de 350 $CAN pièce. (Voir le dossier d’instruction, rapport d’expert d’Elizabeth Klink, onglet 4, page 108.)

 

[112]       Les défendeurs soulignent également l’importance d’établir le montant de l’indemnisation à octroyer au titre des atteintes au droit d’auteur non pas en fonction du nombre des violations techniques, mais sur la base des six fois où les photographies ont été présentées au public canadien, étant donné que les deux licences négociées stipulaient expressément que tous les Canadiens pouvaient voir ces photographies.

 

[113]       Les défendeurs soutiennent en outre que l’indemnisation de Mme Leuthold sur la base du nombre des violations techniques irait à l’encontre de la Loi sur la radiodiffusion, qui définit la radiodiffusion comme une transmission d’émissions destinées à être reçues par le public sans égard pour le récepteur utilisé.

 

[114]       Enfin, les défendeurs concluent, en se fondant sur le témoignage de Mme Klink, que la somme qui revient à Mme Leuthold au titre des droits de radiodiffusion au Canada est de 875 $US.

 

Objections

 

[115]       L’avocat de la demanderesse, Mme Leuthold, a élevé au cours du témoignage de Mme Klink deux objections que la Cour a prises en délibéré. Ces objections visaient la recevabilité des déclarations de Mme Klink qui contredisaient celles de Mme Leuthold touchant le nombre des photographes qui avaient en fait pris des photographies le 11 septembre 2001, et la valeur de ces photographies sur un marché plutôt restreint tel que le Canada, estimée en fonction d’une durée plus brève que celle prise en compte dans le rapport d’expert.

 

[116]       La Cour rejette ces deux objections de la demanderesse au motif qu’un témoin expert peut s’exprimer sur divers paramètres déterminant la valeur des marchandises qu’il est chargé d’évaluer, et qu’il lui est aussi permis de présenter une preuve contraire à celle d’un autre témoin, à condition que son témoignage se fonde sur une connaissance directe – ce qui était le cas en l’occurrence.

 

C.        Analyse

 

            Les dommages-intérêts

 

[117]       Aux termes du paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « [e]n cas de violation d’un droit d’auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours – en vue notamment d’une injonction, de dommages-intérêts, d’une reddition de compte ou d’une remise – que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d’un droit ».

 

[118]       La Cour a relevé deux questions auxquelles elle doit répondre afin d’indemniser valablement Mme Leuthold des violations de son droit d’auteur.

 

Indemnisation de chaque violation ou de chaque communication au public et base d’indemnisation

 

[119]       Les parties se trouvent en désaccord sur le nombre des violations dont la demanderesse doit être indemnisée. La Cour conclut que les licences considérées s’appliquaient aux transmissions du 17 mars et du 10 septembre 2002, aussi bien sur le réseau CBC, stations affiliées et régionales comprises et compte tenu de tous les fuseaux horaires, que sur Newsworld.

 

1.         La défenderesse a‑t‑elle droit à indemnisation au titre de chaque communication distincte par une EDR ou son indemnisation devrait-elle plutôt se fonder sur chaque communication d’ensemble au public?

 

[120]       Mme Leuthold soutient que la Loi sur le droit d’auteur prévoit l’indemnisation au titre de chaque acte de violation distinct. Son avocat, citant la page 726 de l’ouvrage précité de Tamaro, a reconnu la validité de la base d’indemnisation retenue dans diverses affaires, en particulier dans Webb & Knapp c Edmonton (City) (1970), 44 Fox, où [TRADUCTION] « la Cour s’est référée à un arrêt anglais, Meikle v Maufe, [1941] 3 All ER 144, qui posait en principe que, en cas de violation du droit d’auteur – il s’agissait en l’occurrence d’œuvres architecturales –, le point de départ du calcul des dommages-intérêts était la somme qu’on aurait pu demander pour une licence afférente à ce droit. À partir de là, il fallait prendre en considération les circonstances de l’espèce, comme on le ferait à propos de la violation de n’importe quel droit de propriété. »

 

[121]       Les avocats des défendeurs ont aussi reconnu que les droits de licence constituent un point de départ valable. Ils ont cité à cet égard Hutton c Canadian Broadcasting Corp et Video Box Enterprises Inc c Peng, 2004 CF 482, mais ils insistent sur le fait que, dans la présente espèce, il n’y a à prendre en compte que six communications au public et non pas le nombre des communications par chaque EDR.

 

[122]       Ils font valoir à l’appui de leur position que la Cour irait à l’encontre de la Loi sur le droit d’auteur en tenant compte des moyens techniques utilisés, puisque l’indemnisation serait alors fonction des moyens mis en œuvre pour communiquer la production plutôt que du nombre des fois où le public l’aurait vue.

 

[123]       Les défendeurs soutiennent aussi que la thèse de Mme Leuthold selon laquelle chaque transmission par une EDR constitue une violation est contraire aux définitions que donne la Loi sur la radiodiffusion.

 

[124]       Mme Leuthold affirme pour sa part que chaque EDR aurait dû négocier une licence avec elle. Le prix d’une telle licence constitue selon elle le point de départ à retenir pour le calcul. La Cour, ajoute‑t‑elle, devrait aussi prévoir un moyen de dissuader les autres de porter atteinte à ses droits.

 

[125]       Selon l’avocat de Mme Leuthold, si une entreprise de distribution prise isolément avait sollicité sa cliente pour obtenir une licence de communication au public des photographies considérées, une telle licence lui aurait coûté 500 $US par photographie. La valeur d’une telle licence s’élèverait à 2 500 $US, sans égard au nombre des abonnés de l’EDR en question, qu’il soit de 1 000 ou de 1,2 million.

 

[126]       Mme Leuthold reconnaît le caractère impressionnant des chiffres obtenus à partir d’une telle formule, mais, selon elle, la question est seulement qu’elle doit être indemnisée de chaque violation. L’indemnisation à laquelle elle estime avoir droit est le total de ce qu’elle aurait touché si on lui avait versé, au moment des faits, des droits de licence au titre de chaque violation supposée. Comme l’indemnisation demandée se fonde sur des droits de licence déterminés après coup, ajoute Mme Leuthold, la Cour ne devrait pas prendre en considération la possibilité de ristournes ni le fait que la SRC sera en fin de compte redevable de la somme totale.

 

[127]       La Cour rejette la thèse de Mme Leuthold selon laquelle les dommages-intérêts devraient se calculer à partir du principe que chaque entreprise de distribution aurait dû obtenir une licence d’une valeur d’au moins 2 500 $US.

 

[128]       La Loi sur le droit d’auteur est conçue pour assurer une indemnisation suffisante au titulaire d’un droit d’auteur en cas de violation de celui‑ci. Dans la présente espèce, il a été porté atteinte au droit d’auteur de Mme Leuthold. À six reprises, ses photographies ont été présentées au public canadien durant 18 secondes sans son autorisation. La Cour prononcera l’indemnisation de Mme Leuthold au titre de chacune de ces six communications au public canadien, mais nous ne pouvons souscrire au principe que le montant de l’indemnisation doive être fixé en fonction de chaque acte technique de violation, parce que l’application d’une telle méthode serait contraire à notre interprétation conjointe de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur le droit d’auteur. Selon la Cour, en effet, il faut lire le sous-alinéa 2.4(1)c)(ii) de la Loi sur le droit d’auteur conjointement avec la définition du terme « radiodiffusion » que donne la Loi sur la radiodiffusion. Le facteur important à prendre en considération est le nombre des fois où le public a pu voir les radiodiffusions contrefaisantes. Dans la présente espèce, le public canadien abonné au câble a pu voir les photographies sur Newsworld à six occasions distinctes, chaque fois pour une durée de 18 secondes. Les moyens techniques utilisés pour diffuser l’œuvre contrefaisante n’ont aucune pertinence pour le calcul de l’indemnisation due à Mme Leuthold, exception faite des recettes tirées des radiodiffusions contrefaisantes. L’important, selon la Cour, est d’indemniser suffisamment le titulaire d’un droit d’auteur du préjudice qu’il a subi. Ajoutons que le nombre des téléspectateurs potentiels a une certaine importance dans le calcul de la valeur à attribuer à une licence.

 

[129]       La position de Mme Leuthold entre également en contradiction avec l’intention qui était au départ celle des parties lorsqu’elles ont librement négocié les licences. Il est évident que lorsqu’elle a négocié celles‑ci, Mme Leuthold n’a pris en considération à aucun moment les moyens techniques par lesquels les défendeurs communiqueraient ses photographies (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 90, lignes 10 à 16, page 91, lignes 12 à 25, et page 92, lignes 1 à 20).

 

[130]       Supposons, par un raisonnement analogique, que Mme Leuthold ait opté pour les dommages-intérêts préétablis sous le régime du paragraphe 38.1(3) de la Loi sur le droit d’auteur : elle n’aurait alors obtenu qu’une indemnisation modeste. Ce paragraphe est ainsi libellé :

38.1(3) Dans les cas où plus d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur sont incorporés dans un même support matériel, le tribunal peut, selon ce qu’il estime équitable en l’occurrence, réduire, à l’égard de chaque œuvre ou autre objet du droit d’auteur, le montant minimal visé au paragraphe (1) ou (2), selon le cas, s’il est d’avis que même s’il accordait le montant minimal de dommages-intérêts préétablis le montant total de ces dommages-intérêts serait extrêmement disproportionné à la violation.

 

[131]       Chose plus importante, la jurisprudence établit le principe suivant : [TRADUCTION] « Même s’il n’y a pas d’éléments de preuve à l’appui d’un calcul sur la base susdite, le tribunal prononcera néanmoins les dommages-intérêts en se fondant sur la preuve disponible, des inférences raisonnables et le sens commun. On dit que le droit d’auteur est un actif sujet à épuisement. Lorsque la violation du droit d’auteur est établie et qu’il se révèle impossible de prouver les pertes réelles ou un préjudice précis, mais qu’on a néanmoins prouvé que cette violation a causé directement un préjudice quelconque, le tribunal accordera des dommages-intérêts fixés librement, qu’il pourra "calculer de manière globale, en se fondant sur le sens commun et sans prétendre à une précision absolue" ». (Ronald E. Dimock, dir. de la publ., Intellectual Property Disputes: Resolutions & Remedies, volume 2, « Monetary Relief – Damages » par Me François Grenier, Carswell, 2003, Toronto, pages 17 et 18; et Prism Hospital Software c Hospital Medical Records Institute, [1994] BCJ No 1906, paragraphe 665.)

 

Quelle est l’indemnisation à prononcer compte tenu des faits et de la preuve?

 

[132]       La Cour doit d’abord rappeler le fait que, au Canada, « le droit d’auteur tire son origine de la loi, et [que] les droits et recours que celle‑ci prévoit sont exhaustifs » (voir Théberge c Galerie d’Art du Petit Champlain inc, [2002] 2 RCS 336, 2002 CSC 34, paragraphe 5; Bishop c Stevens, [1990] 2 RCS 467, page 477; et Compo Co c Blue Crest Music Inc, [1980] 1 RCS 357, page 373).

 

[133]       Il peut se révéler plus difficile dans certains cas que dans d’autres d’établir le préjudice pécuniaire causé par la violation du droit d’auteur. À la page 727 de son ouvrage précité, Tamaro propose une récapitulation de la jurisprudence relative au principe général applicable à la quantification de ce préjudice et cite à cet égard le passage suivant d’un jugement de la Cour supérieure du Québec :

[36] Dans Webb & Knapp v City of Edmonton [(1970), 44 Fox Pat C 141 (SCC)] la Cour Suprême a reconnu que le droit d’auteur présente parfois un problème d’évaluation quant à la détermination du préjudice pécuniaire subi par le titulaire des droits, et se réfère à un arrêt anglais [Meihle c Maufe, [1941] 3 All E R 144] où le tribunal a statué que dans des cas de contrefaçon de plans d’une œuvre architecturale, il faut se demander ce qu’il en aurait coûté pour obtenir une licence pour utiliser les droits d’auteur de la manière dont ils ont été utilisés [...]

 

[37] Il est souvent dit qu’en matière de droit d’auteur, les tribunaux n’ont pas besoin de déterminer les pertes et dommages avec précision ; c’est plutôt une matière relevant du sens commun. En l’espèce, le Tribunal exercera son pouvoir discrétionnaire pour fixer les dommages payables [...] (Voir Corp. de développement immobilier Intersite c Immobilière Versant III inc, 2007 QCCS 4428, paragraphes 36‑37.)

 

[134]       Un autre principe général applicable à cette question peut se formuler comme suit : « La Loi sur le droit d’auteur ne permet pas à une personne qui a violé le droit d’auteur d’échapper à une condamnation à des dommages-intérêts pour la seule raison que ces dommages-intérêts sont difficiles ou impossibles à prouver. Des dommages-intérêts peuvent être accordés pour infraction à la Loi sur le droit d’auteur sans qu’il soit nécessaire de les prouver. Par ailleurs, si les dommages-intérêts sont difficiles à évaluer ou ne peuvent l’être "[TRADUCTION] ... le tribunal fait du mieux qu’il peut, même s’il doit se livrer à des conjectures pour déterminer le montant qu’il accorde" ». [Voir U & R Tax Services Ltd c H & R Block Canada Inc (1995), 62 CPR (3d) 257 (CF 1re inst), paragraphe 46.]

 

[135]       En outre, les tribunaux ont constaté que le préjudice matériel, par exemple le profit tiré de la publication d’une œuvre contrefaisante, est en général difficile à évaluer. Néanmoins, ce préjudice n’a pas à être prouvé dans les affaires de droit d’auteur. Le titulaire du droit d’auteur est fondé à assurer la protection des biens qui font l’objet de ce droit. [TRADUCTION] « Le préjudice [peut être], dans une large mesure, [...] déterminé de manière artisanale [voir Slumber-Magic Adjustable Bed Co c Sleep-King Adjustable Bed Co. (1984), 3 CPR (3d) 81 (CSC‑B), paragraphe 30].

 

[136]       Un facteur important à prendre en considération dans la présente espèce est la base sur laquelle la Cour peut évaluer le préjudice matériel. Les discussions entre les parties sur le prix d’une licence peuvent servir, entre autres éléments, au calcul de la somme à laquelle Mme Leuthold a droit. De telles discussions [TRADUCTION] « constituent une base pour le calcul des dommages-intérêts compensatoires ». Voir Normand Tamaro, The 2012 Annotated Copyright Act, page 732; voir aussi Construction Denis Desjardins inc c Jeanson, 2010 QCCA 1287; et Eros - Équipe de recherche opérationnelle en santé inc c Conseillers en gestion et infromatique C.G.I. inc, 2004 CF 178 (CF) [Eros].

 

[137]       On peut aussi déterminer le préjudice en fonction du manque à gagner sur les divers marchés où l’œuvre aurait pu être présentée. Voir École de conduite Tecnic Aubé inc c 1509‑8858 Québec Inc (1986), 12 CIPR 284 (CS Qc); voir aussi le cas particulier de la publication contrefaisante de huit photographies qui fait l’objet de l’arrêt Parker c Key Porter Books Ltd (2005), 40 CPR (4th) 80 (CSJ Ont).

 

[138]       Fondamentalement, la Cour jouit d’un large pouvoir discrétionnaire, mais son évaluation du préjudice doit se fonder sur le sens commun. [TRADUCTION] « On peut appliquer toute méthode raisonnable à l’évaluation du préjudice que le demandeur a subi » (Ysolde Gendreau et David Vaver, « Canada », dans International Copyright Law and Practice, volume 1, LexisNexis, 1988, page CAN-113).

 

[139]       Les deux parties s’accordent à dire que les discussions relatives aux licences constituent un point de départ valable pour évaluer l’indemnisation due à Mme Leuthold. La Cour le pense aussi. Mme Leuthold a produit des éléments tendant à prouver que le prix des droits d’utilisation de ses photographies variait entre 185 $ et la somme considérable de 10 000 $ (voir le recueil conjoint de documents, volume II, onglet 22, pièce P‑22). Dans chaque cas, Mme Leuthold a exigé l’apposition d’une mention d’auteur et limité l’utilisation autorisée (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, lignes 8 à 25, et page 102, lignes 1 à 17).

 

[140]       Les défendeurs contestent que Mme Leuthold ait pu imposer une utilisation restreinte dans tous les cas comme elle l’affirme; en effet, font-ils valoir, Mme Elizabeth Klink a conclu dans son rapport d’expert que les droits mondiaux perpétuels tous médias sur les photographies étaient évalués à 500 $US pièce. Ce rapport portait aussi que Corbis, qui représente Mme Leuthold depuis 2003, avait la faculté de concéder lesdits droits mondiaux perpétuels tous médias. Cette affirmation a été contestée par Mme Leuthold, qui a déclaré à l’audience que, dans son cas, les droits concédés étaient toujours des droits d’utilisation commerciale limitée, malgré les déclarations figurant sur le site Web de Corbis ou le libellé de la convention-type de mandat utilisée par cette agence (voir la transcription, témoignage de Catherine Leuthold, 6 février 2012, page 185, lignes 13 à 25; page 186, lignes 1 à 7, et page 187, lignes 2 à 7).

 

[141]       Il est évident pour la Cour que les photographies de Mme Leuthold ont une valeur pécuniaire, dans la mesure où elle en tire annuellement un certain revenu. Mme Leuthold n’a produit aucun élément concernant la proportion de son revenu annuel que représente la vente des droits de reproduction des photographies; elle n’y était d’ailleurs pas obligée sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur. La somme de 2 500 $US payée par la défenderesse SRC est un point de départ valable pour le calcul. Rappelons en outre que ce droit de licence s’appliquait à une utilisation limitée.

 

[142]       La Cour accepte l’affirmation de Mme Leuthold selon laquelle elle a toujours négocié des limites aux droits qu’elle concédait. Il est évident que, en limitant ces droits, elle maintient un accès restreint à ses œuvres et protège ainsi leur valeur commerciale.

 

[143]       Mme Klink déclare qu’elle ne paierait pas plus de 500 $US par photographie pour les droits mondiaux illimités tous médias (dossier commun d’instruction, onglet 4, page 113). La Cour, si elle prend cette opinion en considération, doit aussi se fonder sur la totalité de la preuve produite pour établir quelle serait une indemnisation équitable. Contre-interrogée par l’avocat de Mme Leuthold, Mme Klink a avoué ignorer que la demanderesse avait vendu en 2001 les droits afférents à certaines des photographies au People Magazine, au Monde et à Newsweek à des prix variant entre 2 300 $ et 10 000 $, mais elle a confirmé que la valeur desdites photographies diminuait au fur et à mesure qu’on s’éloignait des événements y représentés (voir la transcription, témoignage de Mme Klink, 8 février 2012, pages 80 et 81).

 

[144]       La Cour fixe les dommages-intérêts à 3 200 $US au titre de chacune des six communications non autorisées au public, se fondant sur le fait que Mme Leuthold aurait pu négocier un droit de licence supérieur à la somme d’origine de 2 500 $ étant donné la pluralité des utilisations. La Cour prend aussi en considération la somme reçue par Mme Leuthold en contrepartie de la publication de ses photographies dans Der Spiegel et Le Monde. Bien que ces publications aient une diffusion plus limitée, les photographies qui y figurent peuvent être vues plus longtemps par un plus grand nombre de gens.

 

La détermination des profits

 

[145]       Le paragraphe 35(2) de la Loi sur le droit d’auteur dispose :

Dans la détermination des profits, le demandeur n’est tenu d’établir que ceux provenant de la violation et le défendeur doit prouver chaque élément du coût qu’il allègue.

 

[146]       [TRADUCTION] « La Loi sur le droit d’auteur prévoit un système déterminé de comptabilisation à son paragraphe 35(2), où elle définit les paramètres du calcul des profits visés à son paragraphe 35(1) » (voir Normand Tamaro, The 2012 Annotated Copyright Act, page 756).

 

[147]       Dans la présente espèce, la Cour n’accordera pas de comptabilisation des profits pour la raison suivante : il n’existe pas de lien de causalité entre les droits d’abonnement payés par les abonnés de Newsworld et les six communications non autorisées au public qui ont porté atteinte aux droits de Mme Leuthold.

 

[148]       La Cour ne prononce la comptabilisation des profits que lorsqu’elle constate l’existence d’un lien direct entre les violations et les profits du contrefacteur. Dans la présente espèce, le dossier ne contient aucun élément de preuve liant les recettes de Newsworld aux six communications non autorisées au public. Lesdites recettes n’ont pas augmenté par suite de ces six communications. (Voir la transcription, témoignage de Janice Ward, 7 février 2012, page 56, lignes 1 à 25, et page 57, lignes 1 à 15; et le recueil conjoint de documents, volume II, onglet 10, page 517A.)

 

[149]       La demanderesse fonde sur la preuve produite concernant les recettes de Newsworld sa réclamation de 92 998 $ au titre des huit violations alléguées, qu’elle considère comme la part proportionnelle de ces recettes qui lui revient. Or la Cour a conclu que seules six communications non autorisées au public avaient violé les droits de Mme Leuthold. Si nous appliquons la formule utilisée par cette dernière, mais en la limitant à la durée réelle de présentation – les photographies ont été présentées sur Newsworld en septembre 2003 et 2004 durant 18 secondes et non pendant toute la durée de la production – , la somme due à la défenderesse en tant que part proportionnelle des recettes est de 66 $ pour 2003 et de 102,73 $ pour 2004.

 

[150]       La Cour accorde ces sommes à la demanderesse au motif que les recettes de Newsworld, bien qu’elles ne soient pas liées à la violation du droit d’auteur, proviennent néanmoins d’une programmation continue 24 heures sur 24. Les photographies figurant dans la production ont occupé 18 secondes de temps d’antenne, et Mme Leuthold doit être indemnisée en conséquence.

 

[151]       Les défendeurs ont produit à la page 356 du volume I du recueil conjoint de documents un tableau récapitulatif des recettes publicitaires tirées de l’ensemble des communications au public. Le total de ces recettes s’élève à 6 960 $. Selon les défendeurs, cette somme comprend les recettes provenant de deux communications où ne figuraient pas les photographies de Mme Leuthold. Par conséquent, une part de 2 604 $ doit être soustraite de ce total, ce qui laisse une différence de 4 356 $. Si nous considérons que la production du documentaire en question a coûté au moins 70 000 $, il n’y a pas de profits à répartir en l’occurrence et, partant, aucune raison valable d’ordonner une comptabilisation des profits. (Voir le recueil conjoint de documents, volume II, onglets 18 et 19.)

 

Les dommages-intérêts punitifs et exemplaires

 

[152]       Mme Leuthold a modifié sa réclamation pour ce qui concerne les dommages punitifs et exemplaires. Elle s’est désistée de sa réclamation de 15 000 $ en dommages-intérêts punitifs, mais elle a maintenu ses réclamations au titre précis des dommages-intérêts exemplaires, qui sont de 25 000 $ contre la SRC et de 10 000 $ contre Jerry McIntosh, invoquant l’indifférence totale à ses droits qu’ils auraient manifestée et le fait que la SRC a diffusé la production plusieurs fois en dépit du caractère limité des droits concédés par la licence d’utilisation des photographies.

 

[153]       La Cour tient à souligner que, bien qu’on les confonde souvent, il existe une distinction entre les dommages-intérêts punitifs et les dommages-intérêts exemplaires; voir Jelin Investments Ltd c Signtech Inc (1990), 34 CPR (3d) 171 (CF 1re inst). Les dommages-intérêts exemplaires dépassent l’indemnisation intégrale du demandeur et comprennent une somme destinée à pénaliser le défendeur. Quant aux dommages-intérêts punitifs, on peut les définir comme des dommages-intérêts compensatoires calculés plus généreusement au motif de la conduite répréhensible du défendeur. 

Exceptionnellement, des dommages-intérêts punitifs sont accordés lorsqu’une conduite « malveillante, opprimante et abusive [...] choque le sens de la dignité de la cour » : Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 196. Ce critère limite en conséquence de tels dommages-intérêts aux seules conduites répréhensibles représentant un écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable. Parce qu’ils ont pour objet de punir le défendeur plutôt que d’indemniser le demandeur (la juste indemnité à laquelle ce dernier a droit ayant déjà été déterminée) [...] (Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18, paragraphe 36 [Whiten].)

 

[154]       La Cour suprême formule aussi à ce sujet les observations suivantes : « Dans l’arrêt Vorvis [...], p. 1105, notre Cour a jugé que de tels dommages-intérêts [c’est‑à‑dire des dommages-intérêts punitifs] sont recouvrables dans ce genre d’affaires si la conduite reprochée au défendeur constitue en elle-même une faute donnant ouverture à action. La portée à donner à cette expression est la question préliminaire à laquelle il faut répondre en l’espèce : Le manquement par un assureur à son obligation d’agir de bonne foi constitue‑t‑il, indépendamment de la demande d’indemnité présentée en vertu de la police d’assurance-incendie, une faute donnant ouverture à action? » (Whiten, paragraphe 78.)

 

[155]       La Cour suprême ajoute ce qui suit, au paragraphe 112 de Whiten :

Plus la conduite est répréhensible, plus les limites rationnelles de la somme susceptible d’être accordée seront élevées. Le besoin de dénoncer est encore plus criant lorsque, comme en l’espèce, la conduite s’est poursuivie pendant une longue période (deux ans jusqu’au procès) sans aucune justification rationnelle, et ce malgré le fait que la défenderesse était consciente des épreuves qu’elle infligeait (d’ailleurs, elle prévoyait que plus l’appelante souffrirait, plus elle règlerait à rabais en bout de ligne).

 

[156]       Les tribunaux ne prononcent de dommages-intérêts exemplaires qu’en vue d’un « double objectif de punition et de dissuasion »; voir Québec (Curateur public) c Syndicat national des employés de l’hôpital St‑Ferdinand, [1996] ACS no 90.

 

[157]       L’avocat de Mme Leuthold a attiré l’attention de la Cour sur des passages de l’ouvrage précité de Tamaro, à la page 739 duquel ce dernier fait observer que l’octroi de dommages-intérêts exemplaires se justifie [TRADUCTION] « dans le cas où les actes du défendeur témoignent d’une indifférence totale aux droits du demandeur ». L’avocat soutient que, dans la présente espèce, la conduite de Jerry McIntosh et de la SRC témoignait bel et bien d’une telle indifférence totale aux droits de Mme Leuthold.

 

[158]       Les défendeurs répondent que les tribunaux ne prononcent de dommages-intérêts exemplaires qu’en cas de violation délibérée du droit d’auteur. Ils invoquent à cet égard la décision Eros, précitée, où la Cour dit que le demandeur n’a droit à des dommages-intérêts exemplaires que s’il prouve l’existence d’une fraude ou d’une intention malveillante. Citant encore une fois Hutton c Canadian Broadcasting Corp., les défendeurs soutiennent que se déduit de cet arrêt le principe que l’on ne peut adjuger de dommages-intérêts exemplaires que lorsqu’est remplie la double condition d’une franche contrefaçon et d’un manquement à une injonction provisoire, comme c’était le cas dans Pro Arts Inc c Campus Crafts Holdings Ltd (1980), 110 DLR (3d) 366. Or, concluent les défendeurs, ces conditions ne sont pas réunies dans la présente espèce.

 

[159]       Il appert de la preuve au dossier que ne se justifierait pas la condamnation de la SRC ni de Jerry McIntosh à des dommages-intérêts exemplaires. Il est évident que les six communications non autorisées au public s’expliquent par une erreur de bonne foi que M. McIntosh a admise tout à fait franchement dans son témoignage (voir la transcription, témoignage de Jerry McIntosh, 9 février 2012, page 17, lignes 24 et 25, page 18, lignes 1 à 16, page 23, lignes 6 à 25, et page 24, lignes 1 à 7).

 

[160]       Le dossier ne contient aucun élément de preuve qui puisse inciter la Cour à prononcer des dommages-intérêts exemplaires.

 

L’injonction

 

[161]       Il n’y a pas lieu de rendre l’injonction que demande Mme Leuthold. En effet, la SRC a cessé de diffuser la production en 2005, de sorte qu’une telle injonction n’aurait absolument aucun effet; voir De Montigny c Cousineau, [1950] RCS 297, page 304; et Durand et Cie c La Patrie Publishing Co, [1960] RCS 649, page 658. En outre, il n’est pas probable que l’acte reproché aux défendeurs se répète; voir Canadian Performing Right Society Ltd c Canadian National Exhibition Association, [1934] OR 610 (HC Ont).

 

La remise des objets contrefaisants

 

[162]       La demanderesse a droit à la remise des objets contrefaisants en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit d’auteur. Il ne paraît pas inutile de reproduire ici le passage suivant de la décision R c James Lorimer & Co, [1984] 1 CF 1065, page 1073, concernant la question de la remise :

Il s’ensuit également que, une fois établi que l’œuvre contrefaite comprend une partie importante de l’œuvre protégée, le titulaire du droit d’auteur est réputé avoir la propriété de tous les exemplaires de l’œuvre contrefaite ainsi que de toutes les planches qui ont servi à sa confection et a, prima facie, droit à l’aide de la Cour pour en prendre possession. Il incombe au contrefacteur d’établir des motifs qui justifieraient la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de refuser un tel recours [...] Ces motifs doivent se fonder sur la conduite du titulaire du droit d’auteur et non sur la conduite ou les mobiles du contrefacteur.

 

[163]       Le paragraphe 38(1) de la Loi sur le droit d’auteur régit le droit de la demanderesse de se faire remettre tous les objets contrefaisants en la possession des défendeurs. Le contrefacteur, s’il veut contester une telle mesure, supporte la charge d’établir pourquoi la Cour devrait refuser de la prononcer. Il ne peut invoquer à cette fin ni sa propre conduite ni ses propres motifs (par exemple, la pratique de la SRC concernant ses bandes-témoins et ses archives). Dans la présente espèce, la Cour ordonne la remise des objets contrefaisants.

 

5.         Le défendeur Jerry McIntosh est‑il isolément responsable de toute violation du droit d’auteur de la demanderesse (Mme Leuthold) qui serait constatée et, dans l’affirmative, quelles mesures de réparation la Cour doit-elle prononcer contre lui?

 

A.        La position de Mme Leuthold

 

[164]       Le défendeur Jerry McIntosh était le directeur du Service des documentaires à CBC News. Selon Mme Leuthold, il a violé son droit d’auteur sur les photographies en permettant huit présentations non autorisées de la production au public canadien.

 

B.        La position des défendeurs

 

[165]       Les défendeurs soutiennent qu’il n’a été produit aucune preuve que M. McIntosh a violé le droit d’auteur ou en a autorisé la violation, que ce soit à titre personnel ou à titre professionnel. Les allégations formulées contre lui sont scandaleuses, frivoles et vexatoires.

 

C.        Analyse

 

[166]       Les défendeurs ont reproduit la description de poste de M. McIntosh dans le recueil conjoint de documents. Cette description lui attribue pour fonctions de [TRADUCTION] « [diriger] et superviser l’ensemble de la programmation de documentaires d’actualité et toutes les activités d’élaboration d’émissions de cette nature, afin de remplir les objectifs du réseau de télévision de langue anglaise et de CBC Newsworld, ainsi que les attentes du public et les obligations de la SRC » (voir le recueil conjoint de documents, volume I, onglet 8, page 339).

 

[167]       Le directeur du Service des documentaires de la CBC est aussi chargé de [TRADUCTION] « diriger et [de] superviser la production d’émissions documentaires [...] » pour la Section des nouvelles et actualités et pour Newsworld (voir le recueil conjoint de documents, volume I, onglet 8, page 340).

 

[168]       La Cour relève les passages suivants du témoignage de M. McIntosh :

[TRADUCTION]

 

R.        Mon erreur m’embarrasse. J’en assume la responsabilité. Mais c’était une erreur de bonne foi.

 

Nous savions que Mme Leuthold ne voulait pas que ses photographies apparaissent dans le documentaire. J’ai donc ordonné qu’on en monte une version où elles ne figureraient pas. J’étais certain que c’était cette version qui serait présentée dans les transmissions ultérieures. J’ai donc été désagréablement surpris quand je me suis aperçu en 2004 que nous avions diffusé la mauvaise bande. Quelqu’un était allé à la magnétothèque, où nous conservons des centaines de bandes vidéo, et en avait sorti la mauvaise bande. Voilà ce qui est arrivé.

 

C’est embarrassant. Je ne suis pas très fier de tout ça. Mais j’ai avoué la chose à Mme Leuthold dans un courriel que je lui ai envoyé et je lui ai dit : réglons le problème ensemble, nous allons vous indemniser.

 

Q.        Vous vous êtes aperçu de cette erreur en 2004, venez-vous de dire. Pouvez-vous être plus précis? Quand avez-vous appris que –

 

R.        Il y a longtemps de cela, alors je ne me rappelle pas exactement quand c’était. Il se peut que j’aie reçu de Catherine un courriel exprimant son étonnement, du genre : « Qu’est‑ce qui se passe? Comment se fait‑il que mes photos aient été diffusées par la SRC? » C’est une possibilité. Il se peut aussi qu’elle ait téléphoné à quelqu’un d’autre, qui m’aurait ensuite appelé, ou –

 

Q.        Je vois.

 

Combien de temps avez‑vous été directeur du Service des documentaires – ou depuis combien de temps l’étiez-vous à ce moment‑là, je veux dire en 2004?

 

R.        Ma description de poste avait légèrement changé plusieurs fois, on y avait ajouté des attributions, mais je dirais depuis environ dix ans.

 

Q.        Et entre votre nomination à ce poste et votre départ de la SRC en 2006, une chose semblable vous est-elle arrivée d’autres fois?

 

R.        Non. C’est la seule fois.

 

Q.        De combien de documentaires avez-vous assumé la responsabilité pendant que vous occupiez le poste en question?

 

R.        Des centaines – des centaines de documentaires.

 

Q.        Avez-vous déjà été poursuivi personnellement ou, à votre connaissance, la SRC a‑t‑elle déjà été poursuivie, pour violation du droit d’auteur sur des photographies ou des séquences vidéo?

 

R.        Non, jamais.

 

[...]

 

LE TÉMOIN : De mon point de vue, ce – ce courriel voulait dire que j’étais arrivé à la conclusion que nous ne pourrions pas obtenir les droits illimités de diffusion des photos de Mme Leuthold.

 

Elle tenait absolument à limiter les droits à une seule – une seule utilisation. Donc je disais que ça allait pour la transmission de septembre 2002 et que, par la suite, nous diffuserions une version du documentaire ne contenant aucune de ses photos.

 

Je regrettais qu’il en aille ainsi à ce moment-là; j’aurais préféré pouvoir garder les photos, mais c’était impossible; alors nous nous sommes dit : Allons de l’avant. Nous allons retrancher les photos du film et faire une croix là‑dessus.

 

Q.        Vous avez parlé dans votre témoignage de la version de 60 minutes montée sans ses photographies. Vous avez aussi déclaré qu’il y avait une version de 90 minutes comprenant les photographies.

 

Pourquoi les photographies n’ont-elles pas été retranchées de la version de 90 minutes?

 

R.        Je ne peux répondre à cette question. Je n’en sais rien.

 

J’ai donné pour instruction d’enlever ses – ses photos du documentaire. Il apparaît que dans un cas, dans le cas de la version de 60 minutes, on les a enlevées. La bande de 90 minutes, à l’évidence, n’a pas été modifiée, et elle a été diffusée par erreur.

 

(Voir la transcription, témoignage de M. McIntosh, 9 février 2012, page 18, lignes 1 à 25, page 19, lignes 1 à 23, page 23, lignes 5 à 25, et page 24, lignes 1 à 7.)

 

[169]       En autorisant la diffusion, M. McIntosh a violé le droit d’auteur de la demanderesse sur les photographies.

 

[170]       Cependant, il n’est pas responsable de cette violation étant donné que c’est la SRC qui est responsable des fautes de ses employés. « La responsabilité du fait d’autrui [...] est une théorie selon laquelle une personne est responsable de l’inconduite d’une autre personne en raison de la relation qui existe entre elles. Bien que les catégories de relations juridiques donnant ouverture à l’application de la responsabilité du fait d’autrui ne soient ni définies de manière exhaustive ni limitatives, la relation qui donne le plus souvent naissance à ce type de responsabilité est la relation maître-serviteur, désormais mieux connue sous le nom de relation employeur-employé. » (Voir 671122 Ontario Ltd c Sagaz Industries Canada Inc, 2001 CSC 59, paragraphe 25 [Sagaz].) Plus précisément, la théorie du délit de l’employeur « veut que l’employeur soit responsable des actes de son employé parce qu’il est réputé les avoir autorisés, de sorte que, en droit, les actes de l’employé sont les actes de l’employeur » (voir Sagaz, paragraphe 28).

 

[171]       M. McIntosh n’est pas personnellement responsable des communications non autorisées au public canadien étant donné qu’il ressort à l’évidence de la preuve au dossier qu’elles ne constituent pas un acte délibéré de sa part ni ne sont attribuables à une négligence grossière qu’on pourrait lui reprocher.

 

6.         Quelle que soit la décision de la Cour sur la responsabilité, en quoi la conduite des parties et les offres de règlement non acceptées devraient-elles influer sur les dépens?

 

[172]       Les offres de règlement sont régies par les articles 419 à 421 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, ainsi que par leurs paragraphe 400(3) et article 409, qui permettent à la Cour et aux officiers taxateurs de prendre en considération les offres écrites de cette nature dans la taxation des dépens.

 

[173]       L’article 420 des Règles des Cours fédérales prévoit les effets sur les dépens du cas où une partie obtient un jugement moins favorable qu’une offre écrite de règlement faite par la partie adverse.

 

[174]       La Cour permettra aux parties de présenter leurs positions respectives sur les dépens lors d’une audience spéciale qui sera inscrite au rôle après qu’elles auront reçu le présent jugement.

 

La requête en modification d’écritures

 

[175]       L’avocat de Mme Leuthold a formé une requête en modification de ses conclusions écrites, tendant à obtenir que toute indemnisation qui serait prononcée en faveur de sa cliente au titre d’une communication non autorisée au public soit fondée sur le taux de change du dollar américain en vigueur à la date de cette communication.

 

[176]       L’avocat des défendeurs a contesté cette requête, arguant la clôture des actes de procédure et que Mme Leuthold n’avait pas valablement produit d’éléments tendant à établir quels étaient les taux de change en vigueur aux dates des communications non autorisées au public.

 

[177]       La Cour rejette la requête en modification au motif qu’elle enfreindrait en l’accueillant le paragraphe 75(2) des Règles des Cours fédérales. Ce paragraphe dispose en effet expressément qu’on ne peut autoriser aucune modification pendant une audience, à moins que l’objet n’en soit de faire concorder le document en question avec les questions en litige à ladite audience, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, puisque les taux de change en vigueur aux dates des communications contrefaisantes au public n’ont à aucun moment été valablement présentés en preuve.

 


 

JUGEMENT

LA COUR

 

1.                  ACCUEILLE l’action de la demanderesse;

 

2.                  DÉCLARE

i)          que les photographies, telles que définies dans le présent jugement, sont protégées par le droit d’auteur;

 

ii)         que la demanderesse est le titulaire légitime du droit d’auteur sur les photographies;

 

iii)        que la défenderesse Société Radio-Canada a violé ce droit d’auteur à six reprises, soit le 11 septembre 2002, le 7 septembre 2003, le 8 septembre 2003, le 11 septembre 2004, ainsi que le 12 septembre 2004 à 1 heure et le 12 septembre 2004 à 4 heures, et qu’elle est solidairement responsable de ces violations avec chacune des entreprises de distribution de radiodiffusion qui ont retransmis les photographies;

 

3.         CONDAMNE la défenderesse Société Radio-Canada, solidairement responsable avec chaque EDR, à payer à la demanderesse des dommages-intérêts de 3 200 $US au titre de chacune des communications non autorisées des photographies au public, soit un total de 19 200 $US;

 

4.         CONDAMNE la Société Radio-Canada à payer à la demanderesse la somme de 168,74 $CAN, majorée des intérêts applicables, en restitution de la part des recettes de Newsworld tirée de la communication non autorisée au public des photographies aux dates susdites;

 

5.         ORDONNE à la défenderesse Société Radio-Canada de remettre à la demanderesse tous les exemplaires des films, vidéos, disques ou autres supports tangibles contenant les photographies, sauf un exemplaire de la version finale de la production, que ladite défenderesse pourra conserver aux seules fins d’archivage;

 

6.         ORDONNE à la défenderesse Société Radio-Canada d’effacer toutes les reproductions des photographies de tous les supports purement électroniques et de présenter à la demanderesse, dans les quatorze jours suivant le présent jugement, un affidavit par lequel un cadre de ladite défenderesse attestera la pleine exécution de cet ordre;

 

7.         RÉSERVE sa décision sur les dépens jusqu’à ce qu’elle ait entendu les observations des parties à une audience spéciale qui sera inscrite au rôle dans les semaines suivant la réception du présent jugement.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 


ANNEXE

 

 

L’article 2 et le paragraphe 3(2) de la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11, sont libellés comme suit :

 

 

Sections 2 and 3(2) of the Broadcasting Act, SC 1991, c 11 read as follows:

 
Définitions
 
Definitions
 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« Conseil »

“Commission”

 

« Conseil » Le Conseil institué par la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

 

« émission »

“program”

 

« émission » Les sons ou les images — ou leur combinaison — destinés à informer ou divertir, à l’exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres.

 

« encodage »

“encrypted”

 

« encodage » Traitement électronique ou autre visant à empêcher la réception en clair.

 

« entreprise de distribution »

“distribution undertaking”

« entreprise de distribution »

 

Entreprise de réception de radiodiffusion pour retransmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, en vue de sa réception dans plusieurs résidences permanentes ou temporaires ou locaux d’habitation, ou en vue de sa réception par une autre entreprise semblable.

 

« entreprise de programmation »

“programming undertaking”

 

« entreprise de programmation » Entreprise de transmission d’émissions soit directement à l’aide d’ondes radioélectriques ou d’un autre moyen de télécommunication, soit par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution, en vue de leur réception par le public à l’aide d’un récepteur.

 

« entreprise de radiodiffusion »

“broadcasting undertaking”

 

« entreprise de radiodiffusion »

S’entend notamment d’une entreprise de distribution ou de programmation, ou d’un réseau.

 

«exploitation temporaire d’un réseau»

“temporary network operation”

 

« exploitation temporaire d’un réseau » Exploitation d’un réseau en vue d’une certaine émission ou série d’émissions couvrant une période maximale de soixante jours.

 

« licence »

“licence”

 

« licence » Licence d’exploitation d’une entreprise de radiodiffusion, délivrée par le Conseil aux termes de la présente loi.

 

« ministre »

“Minister”

 

« ministre » Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l’application de la présente loi.

 

« ondes radioélectriques »

“radio waves”

 

« ondes radioélectriques » Ondes électromagnétiques de fréquences inférieures à 3 000 GHz transmises dans l’espace sans guide artificiel.

 

« radiodiffusion »

“broadcasting”

 

« radiodiffusion » Transmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d’émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur, à l’exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement.

 

« récepteur »

“broadcasting receiving apparatus”

 

« récepteur » Appareil ou ensemble d’appareils conçu pour la réception de radiodiffusion ou pouvant servir à cette fin.

 

« réseau »

“network”

 

« réseau » Est assimilée à un réseau toute exploitation où le contrôle de tout ou partie des émissions ou de la programmation d’une ou plusieurs entreprises de radiodiffusion est délégué à une autre entreprise ou personne.

 

« Société »

“Corporation”

 

« Société » La Société Radio-Canada, visée à l’article 36.

 

 

Moyen de telecommunication

 

 

(2) Pour l’application de la présente loi, sont inclus dans les moyens de télécommunication les systèmes électromagnétiques — notamment les fils, les câbles et les systèmes radio ou optiques — , ainsi que les autres procédés techniques semblables.

 

Interprétation

 

(3) L’interprétation et l’application de la présente loi doivent se faire de manière compatible avec la liberté d’expression et l’indépendance, en matière de journalisme, de création et de programmation, dont jouissent les entreprises de radiodiffusion.

 

 (1) In this Act,

 

“broadcasting”

« radiodiffusion »

 

“broadcasting” means any transmission of programs, whether or not encrypted, by radio waves or other means of telecommunication for reception by the public by means of broadcasting receiving apparatus, but does not include any such transmission of programs that is made solely for performance or display in a public place;

 

“broadcasting receiving apparatus”

« récepteur »

 

“broadcasting receiving apparatus” means a device, or combination of devices, intended for or capable of being used for the reception of broadcasting;

 

“broadcasting undertaking”

« entreprise de radiodiffusion »

 

“broadcasting undertaking” includes a distribution undertaking, a programming undertaking and a network;

 

“Commission”

« Conseil »

 

“Commission” means the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission established by the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission Act;

 

“Corporation”

« Société »

 

“Corporation” means the Canadian Broadcasting Corporation continued by section 36;

 

“distribution undertaking”

« entreprise de distribution »

 

“distribution undertaking” means an undertaking for the reception of broadcasting and the retransmission thereof by radio waves or other means of telecommunication to more than one permanent or temporary residence or dwelling unit or to another such undertaking;

 

“encrypted”

« encodage »

 

“encrypted” means treated electronically or otherwise for the purpose of preventing intelligible reception;

 

“licence”

« licence »

 

“licence” means a licence to carry on a broadcasting undertaking issued by the Commission under this Act;

 

“Minister”

« ministre »

 

“Minister” means such member of the Queen’s Privy Council for Canada as is designated by the Governor in Council as the Minister for the purposes of this Act;

 

“network”

« réseau »

 

“network” includes any operation where control over all or any part of the programs or program schedules of one or more broadcasting undertakings is delegated to another undertaking or person;

 

“program”

« émission »

 

“program” means sounds or visual images, or a combination of sounds and visual images, that are intended to inform, enlighten or entertain, but does not include visual images, whether or not combined with sounds, that consist predominantly of alphanumeric text;

 

“programming undertaking”

« entreprise de programmation »

 

“programming undertaking” means an undertaking for the transmission of programs, either directly by radio waves or other means of telecommunication or indirectly through a distribution undertaking, for reception by the public by means of broadcasting receiving apparatus;

 

“radio waves”

« ondes radioélectriques »

 

“radio waves” means electromagnetic waves of frequencies lower than 3 000 GHz that are propagated in space without artificial guide;

 

“temporary network operation”

« exploitation temporaire d’un réseau »

 

“temporary network operation” means a network operation with respect to a particular program or a series of programs that extends over a period not exceeding sixty days.

 

Meaning of “other means of telecommunication”
 

(2) For the purposes of this Act, “other means of telecommunication” means any wire, cable, radio, optical or other electromagnetic system, or any similar technical system.

 

 

 

Interpretation
 

(3) This Act shall be construed and applied in a manner that is consistent with the freedom of expression and journalistic, creative and programming independence enjoyed by broadcasting undertakings.

 

Politique canadienne de radiodiffusion

 

Broadcasting Policy for Canada

 

Déclaration

 

Declaration

 

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

 

a) le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle;

 

b) le système canadien de radiodiffusion, composé d’éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine public et offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle;

 

c) les radiodiffusions de langues française et anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d’exploitation et, éventuellement, quant à leurs besoins;

 

d) le système canadien de radiodiffusion devrait :

 

(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada,

 

(ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l’information et de l’analyse concernant le Canada et l’étranger considérés d’un point de vue canadien,

 

(iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l’égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu’y occupent les peuples autochtones,

 

(iv) demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques;

 

e) tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne;

 

f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature du service — notamment, son contenu ou format spécialisé ou l’utilisation qui y est faite de langues autres que le français ou l’anglais — qu’elles fournissent, auquel cas elles devront faire appel aux ressources en question dans toute la mesure du possible;

 

g) la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité;

 

h) les titulaires de licences d’exploitation d’entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions;

 

i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois :

 

(i) être variée et aussi large que possible en offrant à l’intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit,

 

(ii) puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales,

 

(iii) renfermer des émissions éducatives et ommunautaires,

 

(iv) dans la mesure du possible, offrir au public l’occasion de prendre connaissance d’opinions divergentes sur des sujets qui l’intéressent,

 

(v) faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants;

 

 

j) la programmation éducative, notamment celle qui est fournie au moyen d’installations d’un organisme éducatif indépendant, fait partie intégrante du système canadien de radiodiffusion;

 

k) une gamme de services de radiodiffusion en français et en anglais doit être progressivement offerte à tous les Canadiens, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

 

l) la Société Radio-Canada, à titre de radiodiffuseur public national, devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit;

 

m) la programmation de la Société devrait à la fois :

 

(i) être principalement et typiquement canadienne,

 

(ii) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions,

 

(iii) contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre,

 

(iv) être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue,

 

 

(v) chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais,

 

(vi) contribuer au partage d’une conscience et d’une identité nationales,

 

(vii) être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens,

 

(viii) refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada;

 

n) les conflits entre les objectifs de la Société énumérés aux alinéas l) et m) et les intérêts de toute autre entreprise de radiodiffusion du système canadien de radiodiffusion doivent être résolus dans le sens de l’intérêt public ou, si l’intérêt public est également assuré, en faveur des objectifs énumérés aux alinéas l) et m);

 

 

 

o) le système canadien de radiodiffusion devrait offrir une programmation qui reflète les cultures autochtones du Canada, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

 

p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

 

q) sans qu’il soit porté atteinte à l’obligation qu’ont les entreprises de radiodiffusion de fournir la programmation visée à l’alinéa i), des services de programmation télévisée complémentaires, en anglais et en français, devraient au besoin être offerts afin que le système canadien de radiodiffusion puisse se conformer à cet alinéa;

 

r) la programmation offerte par ces services devrait à la fois :

 

 

(i) être innovatrice et compléter celle qui est offerte au grand public,

 

 

(ii) répondre aux intérêts et goûts de ceux que la programmation offerte au grand public laisse insatisfaits et comprendre des émissions consacrées aux arts et à la culture,

 

(iii) refléter le caractère multiculturel du Canada et rendre compte de sa diversité régionale,

 

(iv) comporter, autant que possible, des acquisitions plutôt que des productions propres,

 

(v) être offerte partout au Canada de la manière la plus rentable, compte tenu de la qualité;

 

s) les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne tout en demeurant réceptifs à l’évolution de la demande du public;

 

 

 

 

t) les entreprises de distribution :

 

(i) devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes,

 

(ii) devraient assurer efficacement, à l’aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables,

 

(iii) devraient offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation qui leur sont fournis, aux termes d’un contrat, par les entreprises de radiodiffusion,

 

(iv) peuvent, si le Conseil le juge opportun, créer une programmation — locale ou autre — de nature à favoriser la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, et en particulier à permettre aux minorités linguistiques et culturelles mal desservies d’avoir accès aux services de radiodiffusion.

 

Déclaration

 

(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

 

 (1) It is hereby declared as the broadcasting policy for Canada that

 

(a) the Canadian broadcasting system shall be effectively owned and controlled by Canadians;

 

(b) the Canadian broadcasting system, operating primarily in the English and French languages and comprising public, private and community elements, makes use of radio frequencies that are public property and provides, through its programming, a public service essential to the maintenance and enhancement of national identity and cultural sovereignty;

 

(c) English and French language broadcasting, while sharing common aspects, operate under different conditions and may have different requirements;

 

 

(d) the Canadian broadcasting system should

 

(i) serve to safeguard, enrich and strengthen the cultural, political, social and economic fabric of Canada,

 

 

(ii) encourage the development of Canadian expression by providing a wide range of programming that reflects Canadian attitudes, opinions, ideas, values and artistic creativity, by displaying Canadian talent in entertainment programming and by offering information and analysis concerning Canada and other countries from a Canadian point of view,

 

 

(iii) through its programming and the employment opportunities arising out of its operations, serve the needs and interests, and reflect the circumstances and aspirations, of Canadian men, women and children, including equal rights, the linguistic duality and multicultural and multiracial nature of Canadian society and the special place of aboriginal peoples within that society, and

 

 

(iv) be readily adaptable to scientific and technological change;

 

(e) each element of the Canadian broadcasting system shall contribute in an appropriate manner to the creation and presentation of Canadian programming;

 

(f) each broadcasting undertaking shall make maximum use, and in no case less than predominant use, of Canadian creative and other resources in the creation and presentation of programming, unless the nature of the service provided by the undertaking, such as specialized content or format or the use of languages other than French and English, renders that use impracticable, in which case the undertaking shall make the greatest practicable use of those resources;

 

 

 

 

(g) the programming originated by broadcasting undertakings should be of high standard;

 

(h) all persons who are licensed to carry on broadcasting undertakings have a responsibility for the programs they broadcast;

 

(i) the programming provided by the Canadian broadcasting system should

 

(i) be varied and comprehensive, providing a balance of information, enlightenment and entertainment for men, women and children of all ages, interests and tastes,

 

 

(ii) be drawn from local, regional, national and international sources,

 

 

(iii) include educational and community programs,

 

(iv) provide a reasonable opportunity for the public to be exposed to the expression of differing views on matters of public concern, and

 

(v) include a significant contribution from the Canadian independent production sector;

 

(j) educational programming, particularly where provided through the facilities of an independent educational authority, is an integral part of the Canadian broadcasting system;

 

(k) a range of broadcasting services in English and in French shall be extended to all Canadians as resources become available;

 

 

 

(l) the Canadian Broadcasting Corporation, as the national public broadcaster, should provide radio and television services incorporating a wide range of programming that informs, enlightens and entertains;

 

(m) the programming provided by the Corporation should

 

(i) be predominantly and distinctively Canadian,

 

(ii) reflect Canada and its regions to national and regional audiences, while serving the special needs of those regions,

 

 

 

(iii) actively contribute to the flow and exchange of cultural expression,

 

 

 

(iv) be in English and in French, reflecting the different needs and circumstances of each official language community, including the particular needs and circumstances of English and French linguistic minorities,

 

(v) strive to be of equivalent quality in English and in French,

 

(vi) contribute to shared national consciousness and identity,

 

(vii) be made available throughout Canada by the most appropriate and efficient means and as resources become available for the purpose, and

 

(viii) reflect the multicultural and multiracial nature of Canada;

 

 

 

(n) where any conflict arises between the objectives of the Corporation set out in paragraphs (l) and (m) and the interests of any other broadcasting undertaking of the Canadian broadcasting system, it shall be resolved in the public interest, and where the public interest would be equally served by resolving the conflict in favour of either, it shall be resolved in favour of the objectives set out in paragraphs (l) and (m);

 

(o) programming that reflects the aboriginal cultures of Canada should be provided within the Canadian broadcasting system as resources become available for the purpose;

 

(p) programming accessible by disabled persons should be provided within the Canadian broadcasting system as resources become available for the purpose;

 

(q) without limiting any obligation of a broadcasting undertaking to provide the programming contemplated by paragraph (i), alternative television programming services in English and in French should be provided where necessary to ensure that the full range of programming contemplated by that paragraph is made available through the Canadian broadcasting system;

 

(r) the programming provided by alternative television programming services should

 

(i) be innovative and be complementary to the programming provided for mass audiences,

 

(ii) cater to tastes and interests not adequately provided for by the programming provided for mass audiences, and include programming devoted to culture and the arts,

 

(iii) reflect Canada’s regions and multicultural nature,

 

 

(iv) as far as possible, be acquired rather than produced by those services, and

 

(v) be made available throughout Canada by the most cost-efficient means;

 

(s) private networks and programming undertakings should, to an extent consistent with the financial and other resources available to them,

 

(i) contribute significantly to the creation and presentation of Canadian programming, and

 

(ii) be responsive to the evolving demands of the public; and

 

(t) distribution undertakings

 

(i) should give priority to the carriage of Canadian programming services and, in particular, to the carriage of local Canadian stations,

 

 

(ii) should provide efficient delivery of programming at affordable rates, using the most effective technologies available at reasonable cost,

 

 

(iii) should, where programming services are supplied to them by broadcasting undertakings pursuant to contractual arrangements, provide reasonable terms for the carriage, packaging and retailing of those programming services, and

 

 

(iv) may, where the Commission considers it appropriate, originate programming, including local programming, on such terms as are conducive to the achievement of the objectives of the broadcasting policy set out in this subsection, and in particular provide access for underserved linguistic and cultural minority communities.

 

Further declaration
 

(2) It is further declared that the Canadian broadcasting system constitutes a single system and that the objectives of the broadcasting policy set out in subsection (1) can best be achieved by providing for the regulation and supervision of the Canadian broadcasting system by a single independent public authority.

 

 

 

 

 

Les articles 2 et 3, le paragraphe 13(4), l’article 27, et les paragraphes 34(1) et 35(2) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, sont libellés comme suit :
 
 

Sections 2, 3, subsection 13(4), section 27 and subsections 34(1) and 35(2) of the Copyright Act, RSC, 1985, c C-42, read as follows:

 
Définitions
 
Definitions
 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« accessible sur le marché »

“commercially available”

 

« accessible sur le marché » S’entend, en ce qui concerne une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur

 

a) qu’il est possible de se procurer, au Canada, à un prix et dans un délai raisonnables, et de trouver moyennant des efforts raisonnables;

 

b) pour lequel il est possible d’obtenir, à un prix et dans un délai raisonnables et moyennant des efforts raisonnables, une licence octroyée par une société de gestion pour la reproduction, l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, selon le cas.

 

« appareil récepteur »

 

« appareil récepteur »[Abrogée, 1993, ch. 44, art. 79]

 

« artiste interprète »

 

« artiste interprète »[Abrogée, 1997, ch. 24, art. 1]

 

« artiste-interprète »

French version only

 

« artiste-interprète » Tout artiste-interprète ou exécutant.

 

« bibliothèque, musée ou service d’archives »

“library, archive or museum”

 

« bibliothèque, musée ou service d’archives » S’entend :

 

a) d’un établissement doté ou non de la personnalité morale qui :

 

(i) d’une part, n’est pas constitué ou administré pour réaliser des profits, ni ne fait partie d’un organisme constitué ou administré pour réaliser des profits, ni n’est administré ou contrôlé directement ou indirectement par un tel organisme,

 

(ii) d’autre part, rassemble et gère des collections de documents ou d’objets qui sont accessibles au public ou aux chercheurs;

 

b) de tout autre établissement à but non lucratif visé par règlement.

 

« Commission »

“Board”

 

« Commission » La Commission du droit d’auteur constituée au titre du paragraphe 66(1).

 

« compilation »

“compilation”

 

« compilation » Les œuvres résultant du choix ou de l’arrangement de tout ou partie d’œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques ou de données.

 

« conférence »

“lecture”

 

« conférence » Sont assimilés à une conférence les allocutions, discours et sermons.

 

« contrefaçon »

“infringing”

 

« contrefaçon »

 

a) À l’égard d’une œuvre sur laquelle existe un droit d’auteur, toute reproduction, y compris l’imitation déguisée, qui a été faite contrairement à la présente loi ou qui a fait l’objet d’un acte contraire à la présente loi;

 

b) à l’égard d’une prestation sur laquelle existe un droit d’auteur, toute fixation ou reproduction de celle-ci qui a été faite contrairement à la présente loi ou qui a fait l’objet d’un acte contraire à la présente loi;

 

c) à l’égard d’un enregistrement sonore sur lequel existe un droit d’auteur, toute reproduction de celle-ci qui a été faite contrairement à la présente loi ou qui a fait l’objet d’un acte contraire à la présente loi;

 

d) à l’égard d’un signal de communication sur lequel existe un droit d’auteur, toute fixation ou reproduction de la fixation qui a été faite contrairement à la présente loi ou qui a fait l’objet d’un acte contraire à la présente loi.

 

La présente définition exclut la reproduction — autre que celle visée par l’alinéa 27(2)e) et l’article 27.1 — faite avec le consentement du titulaire du droit d’auteur dans le pays de production.

 

« débit »

 

« débit »[Abrogée, 1997, ch. 24, art. 1]

 

« déficience perceptuelle »

“perceptual disability”

 

« déficience perceptuelle » Déficience qui empêche la lecture ou l’écoute d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique sur le support original ou la rend difficile, en raison notamment :

 

a) de la privation en tout ou en grande partie du sens de l’ouïe ou de la vue ou de l’incapacité d’orienter le regard;

 

b) de l’incapacité de tenir ou de manipuler un livre;

 

c) d’une insuffisance relative à la compréhension.

 

« distributeur exclusif »

“exclusive distributor”

 

« distributeur exclusif » S’entend, en ce qui concerne un livre, de toute personne qui remplit les conditions suivantes :

 

a) le titulaire du droit d’auteur sur le livre au Canada ou le titulaire d’une licence exclusive au Canada s’y rapportant lui a accordé, avant ou après l’entrée en vigueur de la présente définition, par écrit, la qualité d’unique distributeur pour tout ou partie du Canada ou d’unique distributeur pour un secteur du marché pour tout ou partie du Canada;

 

b) elle répond aux critères fixés par règlement pris en vertu de l’article 2.6.

 

Il est entendu qu’une personne ne peut être distributeur exclusif au sens de la présente définition si aucun règlement n’est pris en vertu de l’article 2.6.

 

« droit d’auteur »

“copyright”

 

« droit d’auteur » S’entend du droit visé :

 

a) dans le cas d’une œuvre, à l’article 3;

 

b) dans le cas d’une prestation, aux articles 15 et 26;

 

c) dans le cas d’un enregistrement sonore, à l’article 18;

 

d) dans le cas d’un signal de communication, à l’article 21.

 

« droits moraux »

“moral rights”

 

« droits moraux » Les droits visés au paragraphe 14.1(1).

 

« enregistrement sonore »

“sound recording”

 

« enregistrement sonore » Enregistrement constitué de sons provenant ou non de l’exécution d’une œuvre et fixés sur un support matériel quelconque; est exclue de la présente définition la bande sonore d’une œuvre cinématographique lorsqu’elle accompagne celle-ci.

 

« établissement d’enseignement »

“educational institution”

 

« établissement d’enseignement » :

 

a) Établissement sans but lucratif agréé aux termes des lois fédérales ou provinciales pour dispenser de l’enseignement aux niveaux préscolaire, élémentaire, secondaire ou postsecondaire, ou reconnu comme tel;

 

b) établissement sans but lucratif placé sous l’autorité d’un conseil scolaire régi par une loi provinciale et qui dispense des cours d’éducation ou de formation permanente, technique ou professionnelle;

 

c) ministère ou organisme, quel que soit l’ordre de gouvernement, ou entité sans but lucratif qui exerce une autorité sur l’enseignement et la formation visés aux alinéas a) et b);

 

d) tout autre établissement sans but lucratif visé par règlement.

 

« gravure »

“engravings”

 

« gravure » Sont assimilées à une gravure les gravures à l’eau-forte, les lithographies, les gravures sur bois, les estampes et autres œuvres similaires, à l’exclusion des photographies.

 

« livre »

“book”

 

« livre » Tout volume ou toute partie ou division d’un volume présentés sous forme imprimée, à l’exclusion :

 

a) des brochures;

 

b) des journaux, revues, magazines et autres périodiques;

 

c) des feuilles de musique, cartes,

graphiques ou plans, s’ils sont publiés séparément;

 

d) des manuels d’instruction ou d’entretien qui accompagnent un produit ou sont fournis avec des services.

 

« locaux »

“premises”

 

« locaux » S’il s’agit d’un établissement d’enseignement, lieux où celui-ci dispense l’enseignement ou la formation visés à la définition de ce terme ou exerce son autorité sur eux.

 

« membre de l’OMC »

“WTO Member”

 

« membre de l’OMC » Membre de l’Organisation mondiale du commerce au sens du paragraphe 2(1) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce.

 

« ministre »

“Minister”

 

« ministre » Sauf à l’article 44.1, le ministre de l’Industrie.

 

« œuvre »

“work”

 

« œuvre » Est assimilé à une œuvre le titre de l’œuvre lorsque celui-ci est original et distinctif.

 

« œuvre architecturale »

“architectural work”

 

« œuvre architecturale » Tout bâtiment ou édifice ou tout modèle ou maquette de bâtiment ou d’édifice.

 

« œuvre artistique »

“artistic work”

 

« œuvre artistique » Sont compris parmi les œuvres artistiques les peintures, dessins, sculptures, œuvres architecturales, gravures ou photographies, les œuvres artistiques dues à des artisans ainsi que les graphiques, cartes, plans et compilations d’œuvres artistiques.

 

« œuvre chorégraphique »

“choreographic work”

 

« œuvre chorégraphique » S’entend de toute chorégraphie, que l’œuvre ait ou non un sujet.

 

« œuvre cinématographique »

“cinematographic work”

 

« œuvre cinématographique » Y est assimilée toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la cinématographie, qu’elle soit accompagnée ou non d’une bande sonore.

 

« œuvre créée en collaboration »

“work of joint authorship”

 

« œuvre créée en collaboration » Œuvre exécutée par la collaboration de deux ou plusieurs auteurs, et dans laquelle la part créée par l’un n’est pas distincte de celle créée par l’autre ou les autres.

 

« œuvre d’art architecturale »

 

« œuvre d’art architecturale »[Abrogée, 1993, ch. 44, art. 53]

 

« œuvre de sculpture »

« œuvre de sculpture »[Abrogée, 1997, ch. 24, art. 1]

 

« œuvre dramatique »

“dramatic work”

 

« œuvre dramatique » Y sont assimilées les pièces pouvant être récitées, les œuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont l’arrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les œuvres cinématographiques et les compilations d’œuvres dramatiques.

 

« œuvre littéraire »

“literary work”

 

« œuvre littéraire » Y sont assimilés les tableaux, les programmes d’ordinateur et les compilations d’œuvres littéraires.

 

« œuvre musicale »

“musical work”

 

« œuvre musicale » Toute œuvre ou toute composition musicale — avec ou sans paroles — et toute compilation de celles-ci.

 

« pays »

“country”

 

« pays » S’entend notamment d’un territoire.

 

« pays partie à la Convention de Berne »

“Berne Convention country”

 

« pays partie à la Convention de Berne » Pays partie à la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, conclue à Berne le 9 septembre 1886, ou à l’une de ses versions révisées, notamment celle de l’Acte de Paris de 1971.

 

« pays partie à la Convention de Rome »

“Rome Convention country”

 

« pays partie à la Convention de Rome » Pays partie à la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs d’enregistrements sonores et des organismes de radiodiffusion, conclue à Rome le 26 octobre 1961.

 

« pays partie à la Convention universelle »

“UCC country”

 

« pays partie à la Convention universelle » Pays partie à la Convention universelle sur le droit d’auteur, adoptée à Genève (Suisse) le 6 septembre 1952, ou dans sa version révisée à Paris (France) le 24 juillet 1971.

 

« pays signataire »

“treaty country”

 

« pays signataire » Pays partie à la Convention de Berne ou à la Convention universelle ou membre de l’OMC.

 

« photographie »

“photograph”

 

« photographie » Y sont assimilées les photolithographies et toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la photographie.

 

« planche »

“plate”

 

« planche » Sont assimilés à une planche toute planche stéréotypée ou autre, pierre, matrice, transposition et épreuve négative, et tout moule ou cliché, destinés à l’impression ou à la reproduction d’exemplaires d’une œuvre, ainsi que toute matrice ou autre pièce destinées à la fabrication ou à la reproduction d’enregistrements sonores, de prestations ou de signaux de communication, selon le cas.

 

« prestation »

“performer’s performance”

 

« prestation » Selon le cas, que l’œuvre soit encore protégée ou non et qu’elle soit déjà fixée sous une forme matérielle quelconque ou non :

 

a) l’exécution ou la représentation d’une œuvre artistique, dramatique ou musicale par un artiste-interprète;

 

b) la récitation ou la lecture d’une œuvre littéraire par celui-ci;

 

c) une improvisation dramatique, musicale ou littéraire par celui-ci, inspirée ou non d’une œuvre préexistante.

 

« producteur »

“maker”

 

« producteur » La personne qui effectue les opérations nécessaires à la confection d’une œuvre cinématographique, ou à la première fixation de sons dans le cas d’un enregistrement sonore.

 

« programme d’ordinateur »

“computer program”

 

« programme d’ordinateur » Ensemble d’instructions ou d’énoncés destiné, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés, à être utilisé directement ou indirectement dans un ordinateur en vue d’un résultat particulier.

 

« radiodiffuseur »

“broadcaster”

 

« radiodiffuseur » Organisme qui, dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise de radiodiffusion, émet un signal de communication en conformité avec les lois du pays où il exploite cette entreprise; est exclu de la présente définition l’organisme dont l’activité principale, liée au signal de communication, est la retransmission de celui-ci.

 

« recueil »

“collective work”

« recueil »

 

a) Les encyclopédies, dictionnaires, annuaires ou œuvres analogues;

 

b) les journaux, revues, magazines ou autres publications périodiques;

 

c) toute œuvre composée, en parties distinctes, par différents auteurs ou dans laquelle sont incorporées des œuvres ou parties d’œuvres d’auteurs différents.

 

« représentants légaux »

“legal representatives”

 

« représentants légaux » Sont compris parmi les représentants légaux les héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs, successeurs et ayants droit, ou les agents ou fondés de pouvoir régulièrement constitués par mandat écrit.

 

« représentation »

« représentation », « exécution » ou « audition »[Abrogée, 1997, ch. 24, art. 1]

 

« représentation » ou « exécution »

“performance”

 

« représentation » ou « exécution » Toute exécution sonore ou toute représentation visuelle d’une œuvre, d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’un signal de communication, selon le cas, y compris l’exécution ou la représentation à l’aide d’un instrument mécanique, d’un appareil récepteur de radio ou d’un appareil récepteur de télévision.

 

« royaumes et territoires de Sa Majesté »

 

« royaumes et territoires de Sa Majesté »[Abrogée, 1997, ch. 24, art. 1]

 

« sculpture »

“sculpture”

 

« sculpture » Y sont assimilés les moules et les modèles.

 

« signal de communication »

“communication signal”

 

« signal de communication » Ondes radioélectriques diffusées dans l’espace sans guide artificiel, aux fins de réception par le public.

 

« société de gestion »

“collective society”

 

« société de gestion » Association, société ou personne morale autorisée — notamment par voie de cession, licence ou mandat — à se livrer à la gestion collective du droit d’auteur ou du droit à rémunération conféré par les articles 19 ou 81 pour l’exercice des activités suivantes :

 

a) l’administration d’un système d’octroi de licences portant sur un répertoire d’œuvres, de prestations, d’enregistrements sonores ou de signaux de communication de plusieurs auteurs, artistes-interprètes, producteurs d’enregistrements sonores ou radiodiffuseurs et en vertu duquel elle établit les catégories d’utilisation qu’elle autorise au titre de la présente loi ainsi que les redevances et modalités afférentes;

 

b) la perception et la répartition des redevances payables aux termes de la présente loi.

 

« télécommunication »

“telecommunication”

 

« télécommunication » Vise toute transmission de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, radio, procédé visuel ou optique, ou autre système électromagnétique.

 

« toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale »

“every original literary, dramatic, musical and artistic work”

 

« toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale » S’entend de toute production originale du domaine littéraire, scientifique ou artistique quels qu’en soient le mode ou la forme d’expression, tels les compilations, livres, brochures et autres écrits, les conférences, les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales, les œuvres musicales, les traductions, les illustrations, les croquis et les ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux sciences.

 

Compilations

 

2.1 (1) La compilation d’œuvres de catégories diverses est réputée constituer une compilation de la catégorie représentant la partie la plus importante.

 

 

Idem

 

(2) L’incorporation d’une œuvre dans une compilation ne modifie pas la protection conférée par la présente loi à l’œuvre au titre du droit d’auteur ou des droits moraux.

 

 

 

Définition de «  producteur »

 

2.11 Il est entendu que pour l’application de l’article 19 et de la définition de « producteur admissible » à l’article 79, les opérations nécessaires visées à la définition de « producteur » à l’article 2 s’entendent des opérations liées à la conclusion des contrats avec les artistes-interprètes, au financement et aux services techniques nécessaires à la première fixation de sons dans le cas d’un enregistrement sonore.

 

Définition de « publication »

 

2.2 (1) Pour l’application de la présente loi, « publication » s’entend :

 

a) à l’égard d’une œuvre, de la mise à la disposition du public d’exemplaires de l’œuvre, de l’édification d’une œuvre architecturale ou de l’incorporation d’une œuvre artistique à celle-ci;

 

 

 

 

 

b) à l’égard d’un enregistrement sonore, de la mise à la disposition du public d’exemplaires de celui-ci.

 

Sont exclues de la publication la représentation ou l’exécution en public d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique ou d’un enregistrement sonore, leur communication au public par télécommunication ou l’exposition en public d’une œuvre artistique.

 

 

 

 

Édition de photographies et de gravures

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’édition de photographies et de gravures de sculptures et d’œuvres architecturales n’est pas réputée être une publication de ces œuvres.

 

Absence de consentement du titulaire du droit d’auteur

 

(3) Pour l’application de la présente loi — sauf relativement à la violation du droit d’auteur —, une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur n’est pas réputé publié, représenté en public ou communiqué au public par télécommunication si le consentement du titulaire du droit d’auteur n’a pas été obtenu.

 

 

 

Oeuvre non publiée

 

(4) Quand, dans le cas d’une œuvre non publiée, la création de l’œuvre s’étend sur une période considérable, les conditions de la présente loi conférant le droit d’auteur sont réputées observées si l’auteur, pendant une partie importante de cette période, était sujet, citoyen ou résident habituel d’un pays visé par la présente loi.

 

 

Télécommunication

 

2.3 Quiconque communique au public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur ne les exécute ni ne les représente en public de ce fait, ni n’est réputé, du seul fait de cette communication, autoriser une telle exécution ou représentation en public.

 

Communication au public par telecommunication

 

2.4 (1) Les règles qui suivent s’appliquent dans les cas de communication au public par télécommunication :

 

a) font partie du public les personnes qui occupent les locaux d’un même immeuble d’habitation, tel un appartement ou une chambre d’hôtel, et la communication qui leur est exclusivement destinée est une communication au public;

 

b) n’effectue pas une communication au public la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci l’effectue;

 

 

 

 

c) toute transmission par une personne par télécommunication, communiquée au public par une autre — sauf le retransmetteur d’un signal, au sens du paragraphe 31(1) — constitue une communication unique au public, ces personnes étant en l’occurrence solidaires, dès lors qu’elle s’effectue par suite de l’exploitation même d’un réseau au sens de la Loi sur la radiodiffusion ou d’une entreprise de programmation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Règlement

 

(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, définir « entreprise de programmation » pour l’application de l’alinéa (1) c).

 

Restriction

 

(3) La retransmission d’un signal à un retransmetteur au sens du paragraphe 31(1) n’est pas visée par les alinéas (1) c) et 3(1) f).

 

 

 

Location

 

2.5 (1) Pour l’application des alinéas 3(1)h) et i), 15(1)c) et 18(1)c), équivaut à une location l’accord — quelle qu’en soit la forme et compte tenu des circonstances — qui en a la nature et qui est conclu avec l’intention de faire un gain dans le cadre des activités générales du loueur de programme d’ordinateur ou d’enregistrement sonore, selon le cas.

 

 

 

 

 

 

Intention du loueur

 

(2) Il n’y a toutefois pas intention de faire un gain lorsque le loueur n’a que l’intention de recouvrer les coûts — frais généraux compris — afférents à la location.

 

 

 

 

 

Distributeur exclusive

 

2.6 Le gouverneur en conseil peut, par règlement, fixer les critères de distribution pour l’application de la définition de « distributeur exclusif » figurant à l’article 2.

 

 

Licence exclusive

 

2.7 Pour l’application de la présente loi, une licence exclusive est l’autorisation accordée au licencié d’accomplir un acte visé par un droit d’auteur de façon exclusive, qu’elle soit accordée par le titulaire du droit d’auteur ou par une personne déjà titulaire d’une licence exclusive; l’exclusion vise tous les titulaires.

 

 In this Act,

 

“architectural work”

« œuvre architecturale »

 

“architectural work” means any building or structure or any model of a building or structure;

 

“architectural work of art”

“architectural work of art”[Repealed, 1993, c. 44, s. 53]

 

“artistic work”

« œuvre artistique »

 

“artistic work” includes paintings, drawings, maps, charts, plans, photographs, engravings, sculptures, works of artistic craftsmanship, architectural works, and compilations of artistic works;

 

“Berne Convention country”

« pays partie à la Convention de Berne »

 

“Berne Convention country” means a country that is a party to the Convention for the Protection of Literary and Artistic Works concluded at Berne on September 9, 1886, or any one of its revisions, including the Paris Act of 1971;

 

“Board”

« Commission »

 

“Board” means the Copyright Board established by subsection 66(1);

 

“book”

« livre »

 

“book” means a volume or a part or division of a volume, in printed form, but does not include

 

(a) a pamphlet,

 

(b) a newspaper, review, magazine or other periodical,

 

(c) a map, chart, plan or sheet music where the map, chart, plan or sheet music is separately published, and

 

(d) an instruction or repair manual that accompanies a product or that is supplied as an accessory to a service;

 

“broadcaster”

« radiodiffuseur »

 

“broadcaster” means a body that, in the course of operating a broadcasting undertaking, broadcasts a communication signal in accordance with the law of the country in which the broadcasting undertaking is carried on, but excludes a body whose primary activity in relation to communication signals is their retransmission;

 

“choreographic work”

« œuvre chorégraphique »

 

“choreographic work” includes any work of choreography, whether or not it has any story line;

 

“cinematograph”

 

“cinematograph”[Repealed, 1997, c. 24, s. 1]

 

“cinematographic work”

« œuvre cinématographique »

 

“cinematographic work” includes any work expressed by any process analogous to cinematography, whether or not accompanied by a soundtrack;

 

“collective society”

« société de gestion »

 

“collective society” means a society, association or corporation that carries on the business of collective administration of copyright or of the remuneration right conferred by section 19 or 81 for the benefit of those who, by assignment, grant of licence, appointment of it as their agent or otherwise, authorize it to act on their behalf in relation to that collective administration, and

 

(a) operates a licensing scheme, applicable in relation to a repertoire of works, performer’s performances, sound recordings or communication signals of more than one author, performer, sound recording maker or broadcaster, pursuant to which the society, association or corporation sets out classes of uses that it agrees to authorize under this Act, and the royalties and terms and conditions on which it agrees to authorize those classes of uses, or

 

(b) carries on the business of collecting and distributing royalties or levies payable pursuant to this Act;

 

“collective work”

« recueil »

 

“collective work” means

(a) an encyclopaedia, dictionary, year book or similar work,

 

(b) a newspaper, review, magazine or similar periodical, and

 

(c) any work written in distinct parts by different authors, or in which works or parts of works of different authors are incorporated;

 

“commercially available”

« accessible sur le marché »

 

“commercially available” means, in relation to a work or other subject-matter,

 

(a) available on the Canadian market within a reasonable time and for a reasonable price and may be located with reasonable effort, or

 

(b) for which a licence to reproduce, perform in public or communicate to the public by telecommunication is available from a collective society within a reasonable time and for a reasonable price and may be located with reasonable effort;

 

“communication signal”

« signal de communication »

 

“communication signal” means radio waves transmitted through space without any artificial guide, for reception by the public;

 

“compilation”

« compilation »

 

“compilation” means

 

(a) a work resulting from the selection or arrangement of literary, dramatic, musical or artistic works or of parts thereof, or

 

(b) a work resulting from the selection or arrangement of data;

 

“computer program”

« programme d’ordinateur »

 

“computer program” means a set of instructions or statements, expressed, fixed, embodied or stored in any manner, that is to be used directly or indirectly in a computer in order to bring about a specific result;

 

“copyright”

« droit d’auteur »

 

“copyright” means the rights described in

 

(a) section 3, in the case of a work,

 

(b) sections 15 and 26, in the case of a performer’s performance,

 

(c) section 18, in the case of a sound recording, or

 

(d) section 21, in the case of a communication signal;

 

“country”

« pays »

 

“country” includes any territory;

 

“defendant”

Version anglaise seulement

 

“defendant” includes a respondent to an application;

 

“delivery”

“delivery”[Repealed, 1997, c. 24, s. 1]

 

“dramatic work”

« œuvre dramatique »

 

“dramatic work” includes

 

(a) any piece for recitation, choreographic work or mime, the scenic arrangement or acting form of which is fixed in writing or otherwise,

 

(b) any cinematographic work, and

 

(c) any compilation of dramatic works;

 

“educational institution”

« établissement d’enseignement »

 

“educational institution” means

 

(a) a non-profit institution licensed or recognized by or under an Act of Parliament or the legislature of a province to provide pre-school, elementary, secondary or post-secondary education,

 

(b) a non-profit institution that is directed or controlled by a board of education regulated by or under an Act of the legislature of a province and that provides continuing, professional or vocational education or training,

 

(c) a department or agency of any order of government, or any non-profit body, that controls or supervises education or training referred to in paragraph (a) or (b), or

 

(d) any other non-profit institution prescribed by regulation;

 

“engravings”

« gravure »

 

“engravings” includes etchings, lithographs, woodcuts, prints and other similar works, not being photographs;

 

“every original literary, dramatic, musical and artistic work”

« toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale »

 

“every original literary, dramatic, musical and artistic work” includes every original production in the literary, scientific or artistic domain, whatever may be the mode or form of its expression, such as compilations, books, pamphlets and other writings, lectures, dramatic or dramatico-musical works, musical works, translations, illustrations, sketches and plastic works relative to geography, topography, architecture or science;

 

“exclusive distributor”

« distributeur exclusif »

 

“exclusive distributor” means, in relation to a book, a person who

 

(a) has, before or after the coming into force of this definition, been appointed in writing, by the owner or exclusive licensee of the copyright in the book in Canada, as

 

(i) the only distributor of the book in Canada or any part of Canada, or

 

(ii) the only distributor of the book in Canada or any part of Canada in respect of a particular sector of the market, and

 

(b) meets the criteria established by regulations made under section 2.6,

 

and, for greater certainty, if there are no regulations made under section 2.6, then no person qualifies under this definition as an “exclusive distributor”;

 

“Her Majesty’s Realms and Territories”

“Her Majesty’s Realms and Territories”[Repealed, 1997, c. 24, s. 1]

 

“infringing”

« contrefaçon »

 

“infringing” means

 

(a) in relation to a work in which copyright subsists, any copy, including any colourable imitation, made or dealt with in contravention of this Act,

 

(b) in relation to a performer’s performance in respect of which copyright subsists, any fixation or copy of a fixation of it made or dealt with in contravention of this Act,

 

(c) in relation to a sound recording in respect of which copyright subsists, any copy of it made or dealt with in contravention of this Act, or

 

(d) in relation to a communication signal in respect of which copyright subsists, any fixation or copy of a fixation of it made or dealt with in contravention of this Act.

 

The definition includes a copy that is imported in the circumstances set out in paragraph 27(2)(e) and section 27.1 but does not otherwise include a copy made with the consent of the owner of the copyright in the country where the copy was made;

 

“lecture”

« conférence »

 

“lecture” includes address, speech and sermon;

 

“legal representatives”

« représentants légaux »

 

“legal representatives” includes heirs, executors, administrators, successors and assigns, or agents or attorneys who are thereunto duly authorized in writing;

 

“library, archive or museum”

«bibliothèque, musée ou service d’archives»

 

“library, archive or museum” means

 

(a) an institution, whether or not incorporated, that is not established or conducted for profit or that does not form a part of, or is not administered or directly or indirectly controlled by, a body that is established or conducted for profit, in which is held and maintained a collection of documents and other materials that is open to the public or to researchers, or

 

(b) any other non-profit institution prescribed by regulation;

 

“literary work”

« œuvre littéraire »

 

“literary work” includes tables, computer programs, and compilations of literary works;

 

“maker”

« producteur »

 

“maker” means

 

(a) in relation to a cinematographic work, the person by whom the arrangements necessary for the making of the work are undertaken, or

 

(b) in relation to a sound recording, the person by whom the arrangements necessary for the first fixation of the sounds are undertaken;

 

“Minister”

« ministre »

 

“Minister”, except in section 44.1, means the Minister of Industry;

 

“moral rights”

« droits moraux »

 

“moral rights” means the rights described in subsection 14.1(1);

 

“musical work”

« œuvre musicale »

 

“musical work” means any work of music or musical composition, with or without words, and includes any compilation thereof;

 

“perceptual disability”

« déficience perceptuelle »

 

“perceptual disability” means a disability that prevents or inhibits a person from reading or hearing a literary, musical, dramatic or artistic work in its original format, and includes such a disability resulting from

 

(a) severe or total impairment of sight or hearing or the inability to focus or move one’s eyes,

 

(b) the inability to hold or manipulate a book, or

 

(c) an impairment relating to comprehension;

 

“performance”

« représentation » ou « exécution »

 

“performance” means any acoustic or visual representation of a work, performer’s performance, sound recording or communication signal, including a representation made by means of any mechanical instrument, radio receiving set or television receiving set;

 

“performer’s performance”

« prestation »

 

“performer’s performance” means any of the following when done by a performer:

 

(a) a performance of an artistic work, dramatic work or musical work, whether or not the work was previously fixed in any material form, and whether or not the work’s term of copyright protection under this Act has expired,

 

(b) a recitation or reading of a literary work, whether or not the work’s term of copyright protection under this Act has expired, or

 

(c) an improvisation of a dramatic work, musical work or literary work, whether or not the improvised work is based on a pre-existing work;

 

“photograph”

« photographie »

 

“photograph” includes photo-lithograph and any work expressed by any process analogous to photography;

 

“plaintiff”

Version anglaise seulement

 

“plaintiff” includes an applicant;

 

“plate”

« planche »

 

“plate” includes

 

(a) any stereotype or other plate, stone, block, mould, matrix, transfer or negative used or intended to be used for printing or reproducing copies of any work, and

 

(b) any matrix or other appliance used or intended to be used for making or reproducing sound recordings, performer’s performances or communication signals;

 

“premises”

« locaux »

 

“premises” means, in relation to an educational institution, a place where education or training referred to in the definition “educational institution” is provided, controlled or supervised by the educational institution;

 

“receiving device”

“receiving device”[Repealed, 1993, c. 44, s. 79]

 

“Rome Convention country”

« pays partie à la Convention de Rome »

 

“Rome Convention country” means a country that is a party to the International Convention for the Protection of Performers, Producers of Phonograms and Broadcasting Organisations, done at Rome on October 26, 1961;

 

“sculpture”

« sculpture »

 

“sculpture” includes a cast or model;

 

“sound recording”

« enregistrement sonore »

 

“sound recording” means a recording, fixed in any material form, consisting of sounds, whether or not of a performance of a work, but excludes any soundtrack of a cinematographic work where it accompanies the cinematographic work;

 

“telecommunication”

« télécommunication »

 

“telecommunication” means any transmission of signs, signals, writing, images or sounds or intelligence of any nature by wire, radio, visual, optical or other electromagnetic system;

 

“treaty country”

« pays signataire »

 

“treaty country” means a Berne Convention country, UCC country or WTO Member;

“UCC country”

 

« pays partie à la Convention universelle »

 

“UCC country” means a country that is a party to the Universal Copyright Convention, adopted on September 6, 1952 in Geneva, Switzerland, or to that Convention as revised in Paris, France on July 24, 1971;

 

“work”

« œuvre »

 

“work” includes the title thereof when such title is original and distinctive;

 

“work of joint authorship”

« œuvre créée en collaboration »

 

“work of joint authorship” means a work produced by the collaboration of two or more authors in which the contribution of one author is not distinct from the contribution of the other author or authors;

“work of sculpture”

 

“work of sculpture”[Repealed, 1997, c. 24, s. 1]

 

“WTO Member”

« membre de l’OMC »

 

“WTO Member” means a Member of the World Trade Organization as defined in subsection 2(1) of the World Trade Organization Agreement Implementation Act.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Compilations
 

 (1) A compilation containing two or more of the categories of literary, dramatic, musical or artistic works shall be deemed to be a compilation of the category making up the most substantial part of the compilation.

 

Idem
 

(2) The mere fact that a work is included in a compilation does not increase, decrease or otherwise affect the protection conferred by this Act in respect of the copyright in the work or the moral rights in respect of the work.

 

Definition of “maker”

 

 For greater certainty, the arrangements referred to in paragraph (b) of the definition “maker” in section 2, as that term is used in section 19 and in the definition “eligible maker” in section 79, include arrangements for entering into contracts with performers, financial arrangements and technical arrangements required for the first fixation of the sounds for a sound recording.

 

 

Definition of “publication”

 

 (1) For the purposes of this Act, “publication” means

 

(a) in relation to works,

(i) making copies of a work available to the public,

 

(ii) the construction of an architectural work, and

 

(iii) the incorporation of an artistic work into an architectural work, and

 

(b) in relation to sound recordings, making copies of a sound recording available to the public,

 

but does not include

 

(c) the performance in public, or the communication to the public by telecommunication, of a literary, dramatic, musical or artistic work or a sound recording, or

 

(d) the exhibition in public of an artistic work.

 

Issue of photographs and engravings
 

(2) For the purpose of subsection (1), the issue of photographs and engravings of sculptures and architectural works is not deemed to be publication of those works.

 

 

Where no consent of copyright owner
 
 

(3) For the purposes of this Act, other than in respect of infringement of copyright, a work or other subject-matter is not deemed to be published or performed in public or communicated to the public by telecommunication if that act is done without the consent of the owner of the copyright.

 

 

 

 

Unpublished works
 

(4) Where, in the case of an unpublished work, the making of the work is extended over a considerable period, the conditions of this Act conferring copyright are deemed to have been complied with if the author was, during any substantial part of that period, a subject or citizen of, or a person ordinarily resident in, a country to which this Act extends.

 

Telecommunication
 

 A person who communicates a work or other subject-matter to the public by telecommunication does not by that act alone perform it in public, nor by that act alone is deemed to authorize its performance in public.

 

 

Communication to the public by telecommunication
 

 (1) For the purposes of communication to the public by telecommunication,

 

 

(a) persons who occupy apartments, hotel rooms or dwelling units situated in the same building are part of the public, and a communication intended to be received exclusively by such persons is a communication to the public;

 

 

(b) a person whose only act in respect of the communication of a work or other subject-matter to the public consists of providing the means of telecommunication necessary for another person to so communicate the work or other subject-matter does not communicate that work or other subject-matter to the public; and

(c) where a person, as part of

 

(i) a network, within the meaning of the Broadcasting Act, whose operations result in the communication of works or other subject-matter to the public, or

 

(ii) any programming undertaking whose operations result in the communication of works or other subject-matter to the public,

 

transmits by telecommunication a work or other subject-matter that is communicated to the public by another person who is not a retransmitter of a signal within the meaning of subsection 31(1), the transmission and communication of that work or other subject-matter by those persons constitute a single communication to the public for which those persons are jointly and severally liable.

 

Regulations
 

(2) The Governor in Council may make regulations defining “programming undertaking” for the purpose of paragraph (1)(c).

 

Exception
 

(3) A work is not communicated in the manner described in paragraph (1)(c) or 3(1)(f) where a signal carrying the work is retransmitted to a person who is a retransmitter within the meaning of subsection 31(1).

 

What constitutes rental
 

 (1) For the purposes of paragraphs 3(1)(h) and (i), 15(1)(c) and 18(1)(c), an arrangement, whatever its form, constitutes a rental of a computer program or sound recording if, and only if,

 

(a) it is in substance a rental, having regard to all the circumstances; and

 

(b) it is entered into with motive of gain in relation to the overall operations of the person who rents out the computer program or sound recording, as the case may be.

 

Motive of gain
 

(2) For the purpose of paragraph (1)(b), a person who rents out a computer program or sound recording with the intention of recovering no more than the costs, including overhead, associated with the rental operations does not by that act alone have a motive of gain in relation to the rental operations.

 

Exclusive distributor
 

 The Governor in Council may make regulations establishing distribution criteria for the purpose of paragraph (b) of the definition “exclusive distributor” in section 2.

 

Exclusive licence
 

 For the purposes of this Act, an exclusive licence is an authorization to do any act that is subject to copyright to the exclusion of all others including the copyright owner, whether the authorization is granted by the owner or an exclusive licensee claiming under the owner.

 

Droit d’auteur sur l’œuvre

 

3. (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

 

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

 

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

 

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

 

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

 

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire, d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

 

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

 

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique — autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique — créée après le 7 juin 1988;

 

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

 

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore.

 

 

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

 

Fixation

 

(1.1) Dans le cadre d’une communication effectuée au titre de l’alinéa (1)f), une œuvre est fixée même si sa fixation se fait au moment de sa communication.

 

Copyright in works
 

 (1) For the purposes of this Act, “copyright”, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

 

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

 

(b) in the case of a dramatic work, to convert it into a novel or other non-dramatic work,

 

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, or of an artistic work, to convert it into a dramatic work, by way of performance in public or otherwise,

 

 

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, to make any sound recording, cinematograph film or other contrivance by means of which the work may be mechanically reproduced or performed,

 

 

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to reproduce, adapt and publicly present the work as a cinematographic work,

 

 

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

 

(g) to present at a public exhibition, for a purpose other than sale or hire, an artistic work created after June 7, 1988, other than a map, chart or plan,

 

 

(h) in the case of a computer program that can be reproduced in the ordinary course of its use, other than by a reproduction during its execution in conjunction with a machine, device or computer, to rent out the computer program, and

 

(i) in the case of a musical work, to rent out a sound recording in which the work is embodied,

 

and to authorize any such acts.

 

 

Simultaneous fixing
 

(1.1) A work that is communicated in the manner described in paragraph (1)(f) is fixed even if it is fixed simultaneously with its communication.

 

Possession du droit d’auteur

 

Ownership of Copyright

 

13. (4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé.

 

 (4) The owner of the copyright in any work may assign the right, either wholly or partially, and either generally or subject to limitations relating to territory, medium or sector of the market or other limitations relating to the scope of the assignment, and either for the whole term of the copyright or for any other part thereof, and may grant any interest in the right by licence, but no assignment or grant is valid unless it is in writing signed by the owner of the right in respect of which the assignment or grant is made, or by the owner’s duly authorized agent.

 
Règle générale

 

Infringement generally

 

27. (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

 

 

Violation à une étape ultérieure

 

(2) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci-après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

 

a) la vente ou la location;

 

b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

 

c) la mise en circulation, la mise ou l’offre en vente ou en location, ou l’exposition en public, dans un but commercial;

 

d) la possession en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c);

 

e) l’importation au Canada en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Précision

 

(3) Lorsqu’il s’agit de décider si les actes visés aux alinéas (2)a) à d), dans les cas où ils se rapportent à un exemplaire importé dans les conditions visées à l’alinéa (2)e), constituent des violations du droit d’auteur, le fait que l’importateur savait ou aurait dû savoir que l’importation de l’exemplaire constituait une violation n’est pas pertinent.

 

 

Planches

 

(4) Constitue une violation du droit d’auteur la confection d’une planche conçue ou adaptée précisément pour la contrefaçon d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur, ou le fait de l’avoir en sa possession.

 

Représentation dans un but de profit

 

(5) Constitue une violation du droit d’auteur le fait, dans un but de profit, de permettre l’utilisation d’un théâtre ou d’un autre lieu de divertissement pour l’exécution en public d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur sans le consentement du titulaire du droit d’auteur, à moins que la personne qui permet cette utilisation n’ait ignoré et n’ait eu aucun motif raisonnable de soupçonner que l’exécution constituerait une violation du droit d’auteur.

 

27. (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

 

 

Secondary infringement

 

(2) It is an infringement of copyright for any person to

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) sell or rent out,

 

(b) distribute to such an extent as to affect prejudicially the owner of the copyright,

 

(c) by way of trade distribute, expose or offer for sale or rental, or exhibit in public,

 

 

 

(d) possess for the purpose of doing anything referred to in paragraphs (a) to (c), or

 

(e) import into Canada for the purpose of doing anything referred to in paragraphs (a) to (c),

 

a copy of a work, sound recording or fixation of a performer’s performance or of a communication signal that the person knows or should have known infringes copyright or would infringe copyright if it had been made in Canada by the person who made it.

 

Knowledge of importer

 

(3) In determining whether there is an infringement under subsection (2) in the case of an activity referred to in any of paragraphs (2)(a) to (d) in relation to a copy that was imported in the circumstances referred to in paragraph (2)(e), it is irrelevant whether the importer knew or should have known that the importation of the copy infringed copyright.

 

Plates

 

(4) It is an infringement of copyright for any person to make or possess a plate that has been specifically designed or adapted for the purpose of making infringing copies of a work or other subject-matter.

 

 

Public performance for profit

 

(5) It is an infringement of copyright for any person, for profit, to permit a theatre or other place of entertainment to be used for the performance in public of a work or other subject-matter without the consent of the owner of the copyright unless that person was not aware, and had no reasonable ground for suspecting, that the performance would be an infringement of copyright.

 

Droit d’auteur

 

Presumptions respecting copyright and ownership

 

34. (1) En cas de violation d’un droit d’auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours — en vue notamment d’une injonction, de dommages-intérêts, d’une reddition de compte ou d’une remise — que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d’un droit.

 

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

 

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer’s performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

 

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

 
Violation du droit d’auteur : responsabilité

 

Liability for infringement

 

35. (2) Dans la détermination des profits, le demandeur n’est tenu d’établir que ceux provenant de la violation et le défendeur doit prouver chaque élément du coût qu’il allègue.

 

35. (2) In proving profits,

 

(a) the plaintiff shall be required to prove only receipts or revenues derived from the infringement; and

 

(b) the defendant shall be required to prove every element of cost that the defendant claims.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑299‑05

 

INTITULÉ :                                      CATHERINE LEUTHOLD

                                                            c

                                                            LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

                                                            et

                                                            JERRY MCINTOSH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Les 6, 7, 8, 9, 13 et 14 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 14 juin 2012

 

 

 

COMPARUTIONS

 

Daniel O’Connor

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Christian Leblanc

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel O’Connor, Avocats

Pointe-Claire (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.