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Cour fédérale

 

Federal Court


 


Date : 20120608

Dossier : T-1491-11

Référence : 2012 CF 723

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

ROBERT MALCOM DOCHERTY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La présente affaire concerne un voyageur qui s’est aventuré trop près des limites de la légalité et dont seule la cupidité l’a incité à se tourner vers la Cour. Le demandeur, qui se représentait lui-même et a plaidé sa cause de façon très compétente, a sollicité le contrôle judiciaire du refus par un représentant du ministre d’exercer le pouvoir discrétionnaire de celui-ci afin de restituer des sommes d’argent confisquées au profit de Sa Majesté en application des dispositions de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 [Loi].

 

[2]               La contestation du demandeur au sujet du refus du ministre était virulente et faisait flèche de tout bois, mais s’est finalement révélée infructueuse, les différents méfaits allégués, y compris la mauvaise conduite, la partialité et le parjure, n’ayant pas été établis.

 

[3]               En réalité, comme la Cour a d’ailleurs pu le constater à l’audience, la plainte du demandeur concerne la saisie et la confiscation elle-même et touche le pouvoir discrétionnaire du ministre uniquement en raison de la saisie apparemment illégale.

 

[4]               Le demandeur a tenté de déposer des observations après l’audience, mais le défendeur s’est opposé à ce dépôt. Ces observations ne peuvent être acceptées et, même si elles l’étaient, elles ne modifieraient pas le résultat, étant donné qu’elles portaient sur les mêmes points généraux qui ont été soulevés à l’audience elle-même.

 

II.        LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[5]               Le 8 novembre 2010, le demandeur a fait l’objet d’une saisie d’espèces lorsqu’il a omis de déclarer des montants de 335 $ CAN et de 9 880 $ US (la conversion en monnaie canadienne est farouchement contestée aujourd’hui) aux fonctionnaires des Douanes canadiennes en poste à l’Aéroport international Pearson de Toronto avant de s’envoler vers le Costa Rica.

 

[6]               Le demandeur n’a pas déclaré à l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] qu’il exportait du Canada des espèces d’une valeur égale ou supérieure au montant de 10 000 $ CAN, contrairement aux exigences du paragraphe 12(1) de la Loi.

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

 

[7]               Un chien détecteur d’argent liquide a découvert les espèces non déclarées et l’argent a finalement été saisi au « niveau 4 » – produits présumés de la criminalité.

 

[8]               Lorsqu’il a été interrogé par des fonctionnaires de l’ASFC, le demandeur a reconnu qu’il était au courant des exigences législatives en matière de déclaration d’espèces, mais il a soutenu que le montant d’espèces qu’il avait avec lui était inférieur au seuil de déclaration de 10 000 $ et qu’il avait pris les mesures voulues pour ne pas dépasser ce seuil.

 

[9]               Au cours du processus de vérification, l’ASFC a utilisé le taux de conversion que la Banque du Canada avait annoncé le jour de la saisie. Au cours de sa plaidoirie, le demandeur a soutenu que le taux de la Banque du Canada n’avait été annoncé qu’à midi (heure de Toronto) ce lundi-là, alors que le défaut de déclarer les sommes d’argent saisies est survenu vers 9 h 30 le même jour. Selon le demandeur, en l’absence de taux publié au moment de la saisie, le taux applicable est le taux de la personne elle-même qui, dit-il, correspondait au taux du samedi qu’il a reçu de la RBC. Quel que soit le bien-fondé de cette position, le demandeur n’a pris aucune mesure pour contester la saisie et la confiscation.

 

[10]           En plus d’affirmer qu’il avait pris les mesures voulues pour ne pas dépasser le seuil de 10 000 $, le demandeur a admis que l’argent provenait de l’entreprise de champignons de sa fille, qui avait une couverture d’encaisse de 40 000 $ provenant d’un héritage reçu plusieurs années plus tôt. Le demandeur a également admis que l’argent devait servir à l’acquisition d’une propriété au Costa Rica, qu’il avait eu des démêlés avec la police au sujet de la « culture » et qu’il avait deux cartes de crédit prépayées avec lui.

 

[11]           Les raisons pour lesquelles l’ASFC a saisi l’argent à titre de produit présumé de la criminalité ont été énoncées dans l’Avis exposant les circonstances de la saisie qui est daté du 21 février 2011 et qui a été signifié le même jour au demandeur :

·         les espèces n’ont pas été déclarées conformément aux exigences de la Loi;

·         le demandeur franchissait une frontière internationale en apportant avec lui un montant élevé d’espèces non déclarées;

·         le demandeur a fait une fausse déclaration lorsqu’il a répondu « non » à la question de savoir s’il voyageait en ayant en sa possession des espèces d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire;

·         d’autres espèces ont été trouvées sur lui après qu’il eut nié en avoir davantage en sa possession;

·         le demandeur a admis qu’il était au courant des exigences législatives et de l’interdiction de voyager à l’étranger en ayant en sa possession un montant d’espèces supérieur au montant réglementaire;

·         le demandeur n’a pas semblé ennuyé par le fait que les espèces en question ont été saisies à titre de produits présumés de la criminalité;

·         les réponses du demandeur démontraient un manque de connaissance de sa part;

·         le demandeur a donné de nombreuses versions contradictoires au sujet de l’usage prévu de la somme d’argent;

·         il y avait des affiches un peu partout à l’aéroport au sujet des mesures législatives applicables en matière d’importation et d’exportation d’espèces;

·         la contrebande de monnaie en vrac est une forme courante de blanchiment d’argent;

·         les blanchisseurs d’argent savent qu’il est difficile de trouver la source des fonds une fois la frontière franchie;

·         la somme de 10 000 $ représente un seuil très élevé et la plupart des voyageurs n’ont pas cette somme au comptant (encore moins sur eux);

·         le fait de voyager avec de nombreuses cartes de crédit prépayées est une méthode connue de blanchiment d’argent;

·         l’argent peut être transféré par voie électronique vers presque tous les pays;

·         il n’est pas nécessaire d’avoir des comptes bancaires pour transférer de l’argent par voie électronique;

·         l’utilisation des services des institutions financières est une méthode plus rapide, moins coûteuse et plus sûre;

·         le passage clandestin d’espèces d’une frontière à l’autre est un indicateur important du fait que l’argent en question est un produit de la criminalité;

·         les opérations de l’entreprise du demandeur étaient des opérations effectuées au comptant;

·         le demandeur a refusé de préciser le montant du revenu qu’il avait inscrit sur sa déclaration de revenus pour l’année précédente;

·         le demandeur a soutenu que son ami et lui-même apportaient l’argent afin d’acquérir une propriété;

·         les personnes et entreprises qui poursuivent des activités légitimes tiennent des registres des sommes d’argent qu’elles détiennent et de leurs dépenses;

·         à titre de propriétaire d’entreprise légitime, le demandeur aurait dû être en mesure de fournir des registres afin de prouver la légitimité des espèces saisies;

·         depuis que le demandeur a fait faillite en 1989, tous ses biens ont été transférés au nom de sa fille;

·         le fait de détenir des biens au nom d’une autre personne est une façon de blanchir de l’argent;

·         les propriétaires d’entreprises légitimes ont habituellement des cartes de crédit en leur nom pour établir leurs antécédents en matière de crédit ou de vérification;

·         le demandeur avait uniquement des cartes de crédit prépayées, ce qui n’établissait pas une bonne pratique commerciale.

 

[12]           L’Avis exposant les circonstances de la saisie, établi en application du paragraphe 26(1) de la Loi, traitait également de la conversion des espèces et montrait que, le 8 novembre 2010, la somme de 9 880 $ US que le demandeur avait en sa possession valait 9 901,74 $ CAN et que l’addition de cette somme et du montant de 335 $ CAN (que le demandeur dit avoir utilisé comme « complément » après avoir fait sa propre conversion à l’aide d’un taux de change différent) donnait un total supérieur au montant réglementaire de 10 000 $.

 

[13]           Le demandeur a déposé une demande en vue de faire réviser la décision par le ministre conformément à l’article 25 de la Loi. Les motifs de la demande de révision étaient les suivants :

·         le demandeur n’a nullement tenté de dissimuler les espèces ou de duper les agents de l’ASFC;

·         l’ASFC a manipulé intentionnellement le taux de change afin de faciliter la saisie illégale;

·         les agents ont fait montre de partialité et de préjugé lors de cette saisie lorsqu’ils ont appris en interrogeant le demandeur que celui‑ci avait commis une infraction criminelle en 1993;

·         l’argent saisi était destiné à des activités commerciales à l’étranger et le demandeur a pris toutes les mesures voulues pour s’assurer de ne pas dépasser le seuil de 10 000 $;

·         la source des fonds et leur utilisation par la famille du demandeur ont été confirmées par la preuve et le témoignage présentés dans une récente affaire portée devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[14]           Par la suite, une série de lettres ont été échangées entre le demandeur et l’ASFC. La contestation du demandeur porte essentiellement sur le taux de change. Le demandeur a également expliqué que l’argent américain provenait de l’entreprise de champignons de sa fille, dont toutes les opérations sont effectuées au comptant, et a fourni une lettre notariée de sa fille dans laquelle il est expliqué que celle-ci avait reçu l’argent d’un héritage de son grand-père.

 

[15]           Le 29 juillet 2011, le représentant du ministre a décidé que, conformément à l’article 27, il y avait eu contravention aux exigences en matière de déclaration en ce qui concerne les espèces saisies et que celles-ci étaient confisquées en application de l’article 29.

 

[16]           Le représentant du ministre a expliqué correctement les recours qui s’offraient au demandeur et a fait la distinction entre la procédure à suivre pour contester la décision fondée sur l’article 27 quant à la contravention à la Loi et au Règlement, soit une action devant la Cour fédérale, et la procédure visant à contester la décision fondée sur l’article 29 (confiscation), soit une demande de contrôle judiciaire devant cette même Cour.

 

[17]           Le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’a pas engagé d’action devant la Cour fédérale ni n’a demandé de prorogation de délai à cette fin.

 

[18]           Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a tenté de contester à la fois la décision relative à la validité de la saisie, puisqu’il soutient qu’il n’y a pas eu de contravention aux exigences en matière de déclaration, et la confirmation de la confiscation des espèces dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre.

 

[19]           Dans la lettre du 29 juillet 2011, le ministre a conclu qu’en ce qui concerne l’article 27, le demandeur n’avait pas déclaré l’exportation d’espèces lorsqu’on lui a demandé de le faire, que le montant non déclaré dépassait 10 000 $, qu’il y avait eu contravention au paragraphe 12(1) et que le montant avait été légalement saisi.

 

[20]           En ce qui a trait à l’article 29, le ministre a conclu dans cette même lettre, pour les raisons exposées au paragraphe 11, que l’ASFC avait suffisamment de motifs pour appuyer la saisie qui avait été faite :

a)         l’allégation d’absence de dissimulation du demandeur a été affaiblie par la réponse négative que celui-ci a donnée lorsqu’il s’est fait demander s’il avait avec lui des espèces de plus de 10 000 $;

b)         le taux de conversion était appuyé par le Bulletin quotidien des taux de change de la Banque du Canada et, en tout état de cause, même si le taux de la RBC invoqué par le demandeur était utilisé, le taux applicable à la conversion des sommes allant de 1 000,01 à 10 000 $ US s’élevait à 0,9801, ce qui donnait un montant de 9 683,39 $ CAN pour la somme de 9 880 $ US, auquel montant de 9 683,39 $ il faut ajouter la somme de 335 $, pour un total de 10 018,39 $. L’allégation de manipulation de la monnaie n’était pas fondée;

c)         le demandeur ne s’était pas conformé à l’exigence du ministre, selon laquelle il devait établir l’origine légitime des espèces. La preuve présentée au sujet de la source des fonds était insuffisante, notamment en ce qui a trait aux documents montrant l’accumulation du montant. L’explication du demandeur selon laquelle l’argent était conservé dans un endroit sûr, mais non dévoilé, a fait naître des soupçons quant à la source.

 

III.       LE RÉGIME LÉGISLATIF

[21]           L’obligation de déclaration générale est énoncée au paragraphe 12(1) de la Loi et explicitée par le Règlement, qui établit le seuil de 10 000 $ et la façon de calculer le taux de conversion – soit le taux de la Banque du Canada ou, en l’absence de ce taux, le taux de conversion utilisé par les exportateurs :

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

 

Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, ch 17

 

 

2. (1) Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, les espèces ou effets dont l’importation ou l’exportation doit être déclarée doivent avoir une valeur égale ou supérieure à 10 000 $.

 

(2) La valeur de 10 000 $ est exprimée en dollars canadiens ou en son équivalent en devises selon :

 

a) le taux de conversion officiel de la Banque du Canada publié dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur à la date de l’importation ou de l’exportation;

 

 

b) dans le cas où la devise ne figure pas dans ce bulletin, le taux de conversion que le déclarant utiliserait dans le cours normal de ses activités à cette date.

2. (1) For the purposes of reporting the importation or exportation of currency or monetary instruments of a certain value under subsection 12(1) of the Act, the prescribed amount is $10,000.

 

(2) The prescribed amount is in Canadian dollars or its equivalent in a foreign currency, based on

 

(a) the official conversion rate of the Bank of Canada as published in the Bank of Canada’s Daily Memorandum of Exchange Rates that is in effect at the time of importation or exportation; or

 

(b) if no official conversion rate is set out in that publication for that currency, the conversion rate that the person or entity would use for that currency in the normal course of business at the time of the importation or exportation.

 

Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412

 

[22]           L’article 18 permet à l’agent de procéder à la saisie d’espèces lorsqu’il croit qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) de la Loi. L’article 18 exige également la restitution des espèces sur paiement d’une pénalité, sauf s’il soupçonne, « pour des motifs raisonnables », qu’il s’agit de produits de la criminalité.

18. (1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

 

 (2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

18. (1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

 

 (2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

 

[23]           Les conditions générales de la confiscation sont régies par les articles 23 et 24, qui comportent une forme de disposition privative en ce qui concerne la contestation de la confiscation.

23. Sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisis en application du paragraphe 18(1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n’est assujettie à aucune autre formalité.

 

24. La saisie-confiscation d’espèces ou d’effets effectuée en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 24.1 et 25.

23. Subject to subsection 18(2) and sections 25 to 31, currency or monetary instruments seized as forfeit under subsection 18(1) are forfeited to Her Majesty in right of Canada from the time of the contravention of subsection 12(1) in respect of which they were seized, and no act or proceeding after the forfeiture is necessary to effect the forfeiture.

 

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 24.1 and 25.

 

[24]           La personne qui désire contester la saisie d’espèces au motif qu’il n’y a pas eu de contravention au paragraphe 12(1), ce qui constitue un aspect critique de la demande du demandeur, doit donner l’avis prévu à l’article 25. Le ministre doit ensuite décider, dans les 90 jours qui suivent, s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1). Cette décision est fréquemment appelée « décision rendue en vertu de l’article 27 ».

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

 

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

 (2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l’issue des poursuites.

 

 (3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

 

 

 (2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

 

 (3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

 

[25]           L’article 30 de la Loi permet à cette personne, dans les 90 jours suivant la communication de la décision rendue en vertu de l’article 27, d’interjeter appel de cette décision par voie d’action à la Cour fédérale.

 

[26]           Si le ministre décide qu’il n’y a pas eu de contravention à l’obligation de déclaration, les espèces sont restituées. Si le ministre juge qu’il y a eu contravention, il doit, conformément à l’article 29, exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer la pénalité à infliger ou confirmer la confiscation.

 

[27]           Dans la décision du 29 juillet 2011, le représentant du ministre a conclu que, compte tenu du taux de conversion applicable aux fonds américains détenus ainsi que du montant de 335 $ CAN que le demandeur avait avec lui, le montant total des espèces que celui-ci avait en sa possession dépassait 10 000 $ CAN et n’a pas été déclaré (la décision rendue en vertu de l’article 27). Le représentant du ministre a également conclu, dans la décision rendue en vertu de l’article 29, qu’il y avait suffisamment de motifs pour appuyer la saisie, compte tenu des raisons décrites au paragraphe 11. La confiscation a été confirmée.

 

[28]           La décision rendue en vertu de l’article 29 comporte les conclusions suivantes :

·                     le demandeur n’a pas déclaré les espèces lorsqu’on lui a demandé directement de le faire;

·                     même selon le taux de la RBC en vigueur le jour où le demandeur a reçu une proposition de taux, soit 0,9801, le montant total des espèces exportées s’établissait à 10 018,39 $ CAN;

·                     il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve établissant l’origine légitime des fonds; il n’y avait aucun lien direct entre l’héritage de 40 000 $ reçu en 1993 et l’argent destiné à être exporté. Les soupçons concernant la source des fonds sont demeurés inchangés;

·                     il n’y avait pas suffisamment de documents au sujet de la source des fonds de la fille;

·                     le fait que le montant était apparemment conservé dans un « lieu sûr » non dévoilé a donné lieu à d’autres soupçons quant à la source des fonds.

 

IV.       ANALYSE

[29]           Les véritables questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

a)         La décision rendue en vertu de l’article 27 est-elle susceptible de contrôle judiciaire?

b)         Le représentant du ministre a-t-il commis une erreur en refusant d’annuler la confiscation?

c)         Le représentant du ministre a-t-il fait montre de partialité?

 

[30]           En ce qui a trait à la première question, le demandeur tente de contester la conclusion selon laquelle il n’a pas contrevenu à la Loi. Il a tenté d’intégrer dans la présente demande de contrôle judiciaire l’essentiel de la décision rendue en vertu de l’article 27. Or, le législateur désirait que ces contestations soient introduites au moyen d’une action selon l’article 30 de la Loi.

 

[31]           Le fait de permettre à une personne de contester la décision rendue en vertu de l’article 27 dans une action et de soulever les mêmes questions dans une demande de contrôle judiciaire irait à l’encontre de l’esprit du texte législatif. Tel est le fondement de la décision que le juge Mosley a rendue dans Kang c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 798, [2011] 393 FTR 90 (paragraphes 25 à 30), et dont j’adopte le raisonnement.

 

[32]           Quant à la deuxième question en litige, il faut d’abord déterminer la norme de contrôle applicable. Dans Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, [2009] 2 RCF 576, la Cour d’appel a confirmé que la norme de contrôle est la décision raisonnable.

 

[33]           À mon avis, il était raisonnablement loisible au ministre de refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur. Le ministre a conclu comme question de principe que l’établissement de la légitimité de la source des fonds constitue un facteur important dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il s’agit là d’une considération pertinente, eu égard à l’objet du texte législatif.

 

[34]           La preuve, même celle de la fille du demandeur, n’a pas permis de lier les fonds à une source légitime. Dans la décision de la Cour canadienne de l’impôt, que le demandeur a invoquée, il a été conclu que la fille de celui-ci avait utilisé l’héritage pour faire l’acquisition d’une propriété. Ce même argent, qui a été dépensé, est constitué de billets qui auraient été transformés en liquidités et le demandeur se sert de cet argent pour tenter d’établir la légitimité de la source des fonds. Il s’agit là d’une proposition qui, examinée raisonnablement, a plutôt pour effet de soulever des questions que d’apporter des réponses.

 

[35]           Le seul aspect troublant de la décision du ministre réside dans l’emploi des mots « Mr. Lee » pour désigner le demandeur. Dans d’autres situations, une erreur de cette nature aurait peut-être pu donner lieu à une remise en question de la décision; cependant, dans la présente affaire, les faits mentionnés depuis le tout début des procédures ne pouvaient s’appliquer qu’au demandeur. En conséquence, cette erreur ne permet nullement de faire droit à la demande de contrôle judiciaire. Aucun élément de preuve important ne montre qu’il y a eu confusion quant à la personne qui exportait des espèces sans les déclarer.

 

[36]           Compte tenu de la preuve dont le représentant du ministre était saisi, la décision était raisonnable.

 

[37]           La dernière allégation, soit une allégation de partialité, est sans fondement. La partialité est une allégation grave qui doit être appuyée par les faits et non par des affirmations hyperboliques, des suppositions ou des hypothèses.

 

[38]           La partialité reprochée au représentant du ministre réside dans l’omission par celui-ci d’enquêter sur les allégations de partialité, de préjugé et de parjure formulées contre différents agents de l’ASFC. Le fait que les agents n’ont pas accepté la position du demandeur ne constitue pas en soi une preuve de la conduite inappropriée reprochée.

 

[39]           L’allégation ne peut même pas être considérée comme une allégation de crainte raisonnable de partialité, et encore moins comme une allégation de partialité réelle. Le dossier fait état d’un processus équitable et exhaustif au cours duquel le demandeur s’est vu accorder toute la courtoisie et tous les droits qu’il pouvait revendiquer.

 

[40]           En conséquence, le demandeur n’a pas établi le bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire relativement à l’une ou l’autre des questions soulevées en l’espèce.

 

V.        CONCLUSION

[41]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1491-11

 

INTITULÉ :                                                  ROBERT MALCOM DOCHERTY

 

                                                                        c.

 

                                                                        MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET    DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 3 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 8 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Malcom Docherty

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Keith Reimer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Malcom Docherty

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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