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Date : 20120411

Dossier : T‑459‑11

Référence : 2012 CF 407

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

 

BANQUE INTERNATIONALE DE COMMERCE MEGA (CANADA)

 

 

 

appelante

 

et

 

 

 

le procureur général du Canada

 

 

 

intimé

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel visant la décision du 10 janvier 2011 par laquelle la commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (l’Agence ou l’ACFC) a d’une part confirmé la conclusion tirée le 22 novembre 2010 par la commissaire adjointe selon laquelle l’appelante, la Banque Internationale de Commerce Mega (Canada) (l’appelante ou Mega), a contrevenu aux paragraphes 6(2.1), 6(2.2) et 6(2.4) du Règlement sur le coût d’emprunt (banques), DORS/2001‑201 (le Règlement), et a d’autre part imposé une pénalité s’élevant à 12 500 $.

 

1. Faits

[2]               Mega est une banque à charte désignée dans l’annexe II de la Loi sur les banques, LC 1991, c 46, et elle est une filiale à cent pour cent de Mega International Commercial Bank Co. Ltd., banque internationale dont le siège est situé à Taipei, à Taïwan. Elle offre des services à la collectivité de langue chinoise à son siège à Toronto ainsi qu’à trois autres succursales situées à Toronto et à Vancouver.

 

[3]               L’Agence, organisme fédéral indépendant créé en 2001 sous le régime de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, LC 2001, c 9 (la Loi), a pour objet de regrouper et de renforcer les activités de surveillance des mesures de protection des consommateurs prises par les institutions financières régies par le droit fédéral et d’accroître la sensibilisation des consommateurs à l’égard du secteur financier. L’Agence supervise et surveille les institutions financières sous réglementation fédérale (les IFRF), y compris les banques nationales, les banques étrangères, les succursales de banques étrangères, les sociétés de fiducie et de prêt constituées ou enregistrées en vertu d’une loi fédérale, les sociétés d’assurance‑vie et d’assurances multirisques constituées ou enregistrées en vertu d’une loi fédérale ainsi que les associations de détail.

 

[4]               Selon le Règlement sur les violations désignées (Agence de la consommation en matière financière du Canada), DORS/2002‑101 (le Règlement sur les violations désignées), la contravention à toute « disposition visant les consommateurs » au sens de la Loi constitue une violation de celle‑ci. Parmi les dispositions tombant sous le coup de la définition de l’expression « disposition visant les consommateurs » prévue par la Loi se trouve l’article 454 de la Loi sur les banques, texte législatif en vertu duquel le Règlement a été pris.

 

[5]               À la suite de la création de l’Agence en 2001, le Règlement a été modifié afin de mettre en œuvre l’engagement du gouvernement fédéral d’harmoniser les lois fédérales et provinciales régissant les déclarations relatives au coût des prêts à la consommation, des marges de crédit et des cartes de crédit. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le RÉIR) portant sur les modifications de 2001 précise ce qui suit relativement aux « [a]vantages et coûts » de ces modifications :

Les modifications au Règlement, conjointement avec les règles équivalentes qui doivent entrer en vigueur aux paliers fédéral et provincial, auront pour effet d’uniformiser les règles du jeu entre institutions financières pour la communication d’information, d’un champ de compétence à l’autre. Ces règles uniformes faciliteront la comparaison, par les consommateurs, du coût d’emprunt d’un type d’institution financière à l’autre.

 

[6]               Le règlement a été modifié à nouveau le 1er janvier 2010. Cette modification a fait l’objet d’une publication préalable le 23 mai 2009 dans la Gazette du Canada afin d’obtenir les commentaires du grand public, et elle a ensuite été publiée dans la Gazette du Canada le 30 septembre 2009. La modification de 2010 visait à rendre plus claires les demandes et les conventions de crédit à la consommation en exigeant que les renseignements essentiels, comme les taux d’intérêt, les délais de grâce et les frais, soient fournis dans des encadrés informatifs figurant au début des demandes et des conventions visant les cartes de crédit, les prêts et les marges de crédit.

 

[7]               Le 2 octobre 2009, l’Agence a fait parvenir à l’ensemble des IFRF un avis d’information électronique au sujet des modifications apportées au Règlement en 2010 pour les aviser qu’elles seraient tenues d’ajouter des encadrés informatifs dans leur déclaration relative aux produits de crédit. L’Agence a joint à son avis un lien qui menait à des modèles d’encadrés informatifs offrant des illustrations génériques des encadrés exigés par le Règlement. Les encadrés devaient renfermer certains renseignements, comme les taux d’intérêt, les frais et les pénalités, dans un format simple, au début de chaque convention, de sorte que les consommateurs puissent mieux comprendre le coût de l’emprunt. Dans son avis du 2 octobre, l’Agence précisait qu’elle [traduction] « espérait collaborer avec toutes les IFRF pour la mise en œuvre des nouvelles exigences réglementaires et des nouvelles lignes directrices » et elle concluait en invitant les IFRF qui avaient des questions au sujet du Règlement à communiquer avec sa Direction de la conformité et de l’application.

 

[8]               Le 3 novembre 2009, la commissaire a envoyé à l’ensemble des IFRF une lettre exposant le processus que suivrait l’Agence pour assurer le respect du Règlement. Le processus prévoyait trois étapes importantes :

a)   au plus tard le 8 janvier 2010, l’Agence distribuerait à toutes les IFRF un questionnaire d’auto‑évaluation de la conformité devant être rempli et retourné à l’Agence dans un délai de deux semaines;

b)   un agent de conformité de l’Agence communiquerait avec les IFRF qui déclareraient qu’elles ne se conforment pas entièrement au Règlement pour [traduction] « clarifier la situation et en discuter »;

c)   l’Agence évaluerait ensuite quelles mesures de conformité étaient nécessaires; elle [traduction] « pourrait notamment offrir une information plus élaborée aux membres de l’industrie, prendre des mesures de conformité officielles et/ou officieuses ou prendre des mesures d’exécution ».

 

[9]               Comme il est mentionné plus haut, les modifications apportées au Règlement sont entrées en vigueur le 1er janvier 2010. Le 7 janvier 2010, l’Agence a fait parvenir le questionnaire d’auto‑évaluation à toutes les IFRF. On demandait aux IFRF d’indiquer, relativement à chaque disposition du Règlement, si celle‑ci était [traduction] « sans objet ». Dans le cas contraire, l’IFRF devait en outre préciser si elle [traduction] « se conformait entièrement » ou non au Règlement.

 

[10]           Le 21 janvier 2010, l’appelante a présenté son auto‑évaluation à l’Agence, l’informant que ses encadrés informatifs étaient [traduction] « entièrement conformes » au Règlement. Comme l’appelante avait informé l’Agence qu’elle se conformait entièrement au Règlement, cette dernière n’a pas communiqué avec elle pour [traduction] « clarifier la situation et en discuter ».

 

[11]           Le 11 février 2010, l’ACFC a demandé par lettre aux IFRF qui avaient déclaré se conformer entièrement au Règlement dans le questionnaire d’auto‑évaluation de lui fournir des copies de leurs encadrés informatifs au plus tard le 22 février 2010. La lettre comportait aussi le passage suivant :

[traduction] L’ACFC continuera, dans le cadre de son processus de surveillance habituel, de vérifier les plaintes reçues à propos de votre institution relativement à n’importe quel aspect des nouvelles exigences réglementaires. Dans un tel cas, l’ACFC suivra son processus normal de traitement des cas liés à la conformité. Les réponses données dans le questionnaire d’auto‑évaluation fourni par votre institution serviront à aider l’agent dans son examen du cas.

 

[12]           Mega a présenté les documents requis le 19 février 2010. L’Agence n’a pas répondu.

 

[13]           Le 12 mai 2010, l’Agence a envoyé aux IFRF une lettre dans laquelle elle les informait qu’elle avait terminé son évaluation des mesures de conformité qu’elle jugeait nécessaires pour pallier les lacunes constatées et qu’elle pourrait, à ce titre, notamment offrir une information plus élaborée aux membres de l’industrie, prendre des mesures de conformité officielles et/ou officieuses ou prendre des mesures d’exécution. Conformément à sa lettre du 11 février 2010 aux IFRF, l’Agence ajoutait qu’elle ne leur fournirait pas de projets de rapports relatifs à la conformité au Règlement pour obtenir leur avis puisque les faits utilisés pour élaborer les rapports avaient été communiqués par les IFRF elles‑mêmes (par opposition à un tiers plaignant).

 

[14]           Le 25 novembre 2010, l’appelante a reçu de l’Agence un procès‑verbal de violation selon lequel la commissaire adjointe avait [traduction] « des motifs raisonnables de croire que la banque avait commis une violation » au sens du Règlement parce qu’elle avait omis de fournir des encadrés informatifs conformes aux paragraphes 6(2.1) et 6(2.4) du Règlement. Était joint au procès‑verbal un rapport de conformité détaillé faisant état du fondement de cette croyance. Le rapport mentionnait que Mega a) n’avait pas ajouté sur le côté gauche de ses documents les colonnes prévues aux annexes du Règlement pour ce qui concerne les hypothèques et les marges de crédit; b) avait ajouté des rangées supplémentaires, avait changé l’ordre des rangées et avait changé la terminologie requise pour l’encadré informatif; et c) avait fourni des encadrés informatifs desquels étaient absents une grande partie des renseignements devant figurer sur le côté droit de ses documents selon les annexes.

 

[15]           Le 16 décembre 2010, Mega a présenté des observations écrites en réponse au procès‑verbal.

 

2. Décision contestée

[16]           Le 16 février 2011, la commissaire a rendu une décision relative à une violation par laquelle elle confirmait le procès‑verbal de violation dressé par la commissaire adjointe. Après avoir examiné les faits et les principaux éléments du Règlement, elle a confirmé la décision de la commissaire adjointe et a conclu que Mega ne respectait pas les dispositions de ce texte. Ses conclusions essentielles sont formulées dans le paragraphe suivant :

[traduction] Mega a fourni des encadrés informatifs, mais la Banque a dérogé au format et au langage usuels requis par le Règlement. Elle a employé une autre terminologie, elle a omis certains renseignements prescrits et elle a agrandi ou réorganisé le contenu des encadrés informatifs de manières non prévues par le Règlement. Je ne suis pas contre le principe visant à présenter au moyen d’encadrés informatifs des points autres que ceux précisés dans les annexes du Règlement. En revanche, cette façon de traiter les renseignements doit se distinguer des encadrés informatifs prescrits et ne pas détourner l’attention des consommateurs du format et de l’ensemble du contenu des encadrés informatifs requis.

 

[17]           Comme l’appelante contrevenait aux paragraphes 6(2.1), 6(2.2) et 6(2.4) du Règlement, la commissaire a estimé que certains consommateurs concluant des conventions de crédit avec elle ne bénéficiaient pas d’une déclaration complète et exacte. L’information prescrite permet aux consommateurs de mieux comprendre les possibilités qui s’offrent à eux lorsqu’ils concluent, renouvellent, renégocient ou refinancent un produit de crédit. La commissaire a adhéré à l’observation de l’appelante voulant que le nombre réel de consommateurs touchés soit négligeable. Néanmoins, elle a conclu que Mega avait fait preuve de négligence en omettant de se conformer entièrement au Règlement, lequel fixe des exigences claires quant au format et au contenu, et qu’elle avait causé un tort à ses clients.

 

[18]           Comme elle a estimé que l’appelante s’était efforcée de bonne foi de respecter le Règlement et que ses actes et le tort causé à ses clients en matière de produits financiers n’étaient pas très graves, la commissaire a réduit la pénalité proposée de 25 000 $ à 12 500 $.

 

[19]           Le 17 mars 2011, Mega a déposé un avis d’appel devant la Cour.

 

3. Questions en litige

[20]           Les avocats de l’appelante et de l’intimé ont soumis à la Cour en l’espèce un certain nombre de questions à trancher, dont la plupart se chevauchent. À l’audience, l’avocate de l’appelante a fait savoir qu’elle était d’accord avec la liste de questions suivante déposée par l’avocat de l’intimé :

a)   Quelle norme de contrôle faut‑il appliquer à la décision de la commissaire dans la présente affaire?

b)   La commissaire est‑elle arrivée à sa décision en manquant à son obligation d’équité procédurale envers l’appelante?

c)   La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les encadrés informatifs utilisés par l’appelante contrevenaient au Règlement?

d)   La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas correctement la défense de justification ou d’excuse?

e)   La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas correctement la défense fondée sur la prise de précautions?

f)   La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’appelante avait causé un tort à ses clients en contrevenant au Règlement?

g)   La commissaire a‑t‑elle en commis une erreur en appliquant les critères énoncés à l’article 20 de la Loi avant d’imposer une pénalité de 12 500 $?

 

4. Cadres législatif et réglementaire

[21]           Les dispositions législatives et réglementaires pertinentes sont les suivantes :

Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, LC 2001, c 9

 

« disposition visant les consommateurs »

 

2. a) Les alinéas 157(2)e) et f), l’article 413,1, le paragraphe 418.1(3), les articles 439,1 à 459,5, les paragraphes 540(2) et (3) et 545(4) et (5), les alinéas 545(6)b) et c), le paragraphe 552(3) et les articles 559 à 576,2 de la Loi sur les banques et leurs règlements d’application éventuels;

 

 

3(2) L’Agence a pour mission :

 

a) de superviser les institutions financières pour s’assurer qu’elles se conforment aux dispositions visant les consommateurs qui leur sont applicables, ainsi qu’à toutes conditions imposées par le ministre ou tous engagements exigés de sa part en vertu d’une loi mentionnée à l’annexe 1 relativement à la protection des clients des institutions financières ou à toutes instructions données par celui‑ci en vertu de la présente loi;

 

 

 

Pouvoir réglementaire

 

19. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

 

a) désigner comme violations punissables au titre des articles 20 à 31 la contravention à telle ou telle disposition visant les consommateurs, ainsi que le manquement :

 

(i) à un accord de conformité conclu en vertu d’une loi mentionnée à l’annexe 1,

 

(ii) à toute condition, à tout engagement ou à toute instruction visés à l’alinéa 3(2)a);

 

a.1) désigner comme violation punissable au titre des articles 20 à 31 la contravention à telle ou telle disposition de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement ou de ses règlements;

 

a.2) désigner comme violation punissable au titre des articles 20 à 31 le manquement à un accord conclu en vertu de l’article 7,1;

 

 

 

Critères

 

20. Sauf dans le cas où il est fixé conformément à l’alinéa 19(1)b), le montant d’une pénalité est déterminé, dans chaque cas, compte tenu des critères suivants :

 

a) la nature de l’intention ou de la négligence de l’auteur;

 

 

 

b) la gravité du tort causé;

 

 

c) les antécédents de l’auteur – violation d’une loi mentionnée à l’annexe 1 ou condamnations pour infraction à une telle loi – au cours des cinq ans précédant la violation;

 

 

 

d) tout autre critère prévu par règlement.

 

 

Violation

 

22. (1) Toute contravention ou tout manquement désigné au titre de l’un des alinéas 19(1)a) à a.2) constitue une violation exposant son auteur à une pénalité dont le montant est déterminé en conformité avec les articles 19 et 20.

 

 

Procès‑verbal

 

(2) Le commissaire peut, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une violation a été commise, dresser un procès‑verbal qu’il fait signifier à l’auteur présumé.

 

 

Contenu du procès‑verbal

 

(3) Le procès‑verbal mentionne, outre le nom de l’auteur présumé et les faits reprochés :

 

 

a) la pénalité que le commissaire a l’intention de lui imposer;

 

b) la faculté qu’a l’auteur présumé soit de payer la pénalité, soit de présenter des observations relativement à la violation ou à la pénalité, et ce dans les trente jours suivant la signification du procès‑verbal – ou dans le délai plus long que peut préciser le commissaire –, ainsi que les modalités d’exercice de cette faculté;

 

c) le fait que le non‑exercice de cette faculté dans le délai imparti vaut aveu de responsabilité et permet au commissaire d’imposer la pénalité.

 

 

 

Paiement

 

23. (1) Le paiement de la pénalité en conformité avec le procès‑verbal vaut aveu de responsabilité à l’égard de la violation et met fin à la procédure.

 

Présentations d’observations

 

 

(2) Si des observations sont présentées, le commissaire détermine, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité de l’intéressé. Le cas échéant, il peut imposer, sous réserve des règlements pris au titre de l’alinéa 19(1)b), la pénalité mentionnée au procès‑verbal ou une pénalité réduite, ou encore n’imposer aucune pénalité.

 

Défaut de payer ou de faire des observations

 

(3) Le non‑exercice de la faculté mentionnée au procès‑verbal dans le délai imparti vaut aveu de responsabilité à l’égard de la violation et permet au commissaire d’imposer, sous réserve des règlements pris au titre de l’alinéa 19(1)b), la pénalité mentionnée au procès‑verbal ou une pénalité réduite, ou encore de n’imposer aucune pénalité.

 

 

Avis de décision et droit d’appel

 

(4) Le commissaire fait signifier à l’auteur de la violation la décision prise au titre des paragraphes (2) ou (3) et l’avise par la même occasion de son droit d’interjeter appel en vertu de l’article 24.

 

Appel à la Cour fédérale

 

Droit d’appel

 

24. (1) Il peut être interjeté appel à la Cour fédérale de la décision du commissaire signifiée en conformité avec le paragraphe 23(4), et ce dans les trente jours suivant la signification de cette décision ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut accorder.

 

Huis clos

 

 

(2) À l’occasion d’un appel, la Cour fédérale prend toutes les précautions possibles, notamment en ordonnant le huis clos si elle le juge indiqué, pour éviter que ne soient communiqués de par son propre fait ou celui de quiconque des renseignements confidentiels visés aux paragraphes 17(1) ou (3).

 

Pouvoir de la Cour fédérale

 

(3) Saisie de l’appel, la Cour fédérale confirme, annule ou, sous réserve des règlements pris au titre de l’alinéa 19(1)b), modifie la décision.

 

 

 

Prise de précautions

 

28. (1) La prise de précautions voulues peut être invoquée dans le cadre de toute procédure en violation.

 

Principes de la common law

 

(2) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une disposition visant les consommateurs s’appliquent à l’égard d’une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

 

Principes de la common law –

 

Loi sur les réseaux de cartes de paiement

 

(3) Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une disposition de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement s’appliquent à l’égard d’une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

Financial Consumers Agency of Canada Act, SC 2001, c 9

 

 

 

“consumer provision” means

 

 

2. (a) paragraphs 157(2)(e) and (f), section 413.1, subsection 418.1(3), sections 439.1 to 459.5, subsections 540(2) and (3) and 545(4) and (5), paragraphs 545(6)(b) and (c), subsection 552(3) and sections 559 to 576.2 of the Bank Act together with any regulations made under or for the purposes of those provisions;

 

 

 

3(2) The objects of the Agency are to

 

(a) supervise financial institutions to determine whether they are in compliance with

 

(i) the consumer provisions applicable to them, and

 

(ii) the terms and conditions or undertakings with respect to the protection of customers of financial institutions that the Minister imposes or requires, as the case may be, under an Act listed in Schedule 1 and the directions that the Minister imposes under this Act;

 

 

Regulations

 

19. (1) The Governor in Council may make regulations

 

(a) designating, as a violation that may be proceeded with under sections 20 to 31, the contravention of a specified consumer provision, or the non‑compliance with

 

 

(i) a compliance agreement entered into under an Act listed in Schedule 1, and

 

(ii) terms and conditions, undertakings or directions referred to in subparagraph 3(2)(a)(ii).

 

(a.1) designating, as a violation that may be proceeded with under sections 20 to 31, the contravention of a specified provision of the Payment Card Networks Act or its regulations;

 

(a.2) designating, as a violation that may be proceeded with under sections 20 to 31, the non‑compliance with an agreement entered into under section 7.1;

 

 

Criteria for penalty

 

20. Except if a penalty is fixed under paragraph 19(1)(b), the amount of a penalty shall, in each case, be determined taking into account

 

 

(a) the degree of intention or negligence on the part of the person who committed the violation;

 

(b) the harm done by the violation;

 

(c) the history of the person who committed the violation with respect to any prior violation or conviction under an Act listed in Schedule 1 within the five‑year period immediately before the violation; and

 

(d) any other criteria that may be prescribed.

 

 

Commission of violation

 

22. (1) Every contravention or non‑compliance that is designated under paragraphs 19(1)(a) to (a.2) constitutes a violation and the person that commits the violation is liable to a penalty determined in accordance with sections 19 and 20.

 

Notice of violation

 

(2) If the Commissioner believes on reasonable grounds that a person has committed a violation, he or she may issue, and shall cause to be served on the person, a notice of violation.

 

Contents of notice

 

(3) A notice of violation shall name the person believed to have committed a violation, identify the violation and set out

 

(a) the penalty that the Commissioner proposes to impose;

 

(b) the right of the person, within 30 days after the notice is served, or within any longer period that the Commissioner specifies, to pay the penalty or to make representations to the Commissioner with respect to the violation and the proposed penalty, and the manner for doing so; and

 

 

 

(c) the fact that, if the person does not pay the penalty or make representations in accordance with the notice, the person will be deemed to have committed the violation and the Commissioner may impose a penalty in respect of it.

 

Payment of penalty

 

23. (1) If the person pays the penalty proposed in the notice of violation, the person is deemed to have committed the violation and proceedings in respect of it are ended.

 

Representations to Commissioner

 

(2) If the person makes representations in accordance with the notice, the Commissioner shall decide, on a balance of probabilities, whether the person committed the violation and, if so, may, subject to any regulations made under paragraph 19(1)(b), impose the penalty proposed, a lesser penalty or no penalty.

 

 

Failure to pay or make representations

 

(3) A person who neither pays the penalty nor makes representations in accordance with the notice is deemed to have committed the violation and the Commissioner may, subject to any regulations made under paragraph 19(1)(b), impose the penalty proposed, a lesser penalty or no penalty.

 

 

 

 

Notice of decision and right of appeal

 

(4) The Commissioner shall cause notice of any decision made under subsection (2) or (3) to be issued and served on the person together with notice of the right of appeal under section 24.

 

 

Appeal to Federal Court

 

Right of appeal

 

24. (1) A person on whom a notice under subsection 23(4) is served may, within 30 days after the notice is served, or within any longer period that the Court allows, appeal the decision to the Federal Court.

 

 

 

 

Court to take precautions against disclosing

 

(2) In an appeal, the Court shall take every reasonable precaution, including, when appropriate, conducting hearings in private, to avoid the disclosure by the Court or any person of confidential information referred to in subsection 17(1) or (3).

 

 

 

Powers of Court

 

(3) On an appeal, the Court may confirm, set aside or, subject to any regulations made under paragraph 19(1)(b), vary the decision of the Commissioner.

 

 

Due diligence available

 

28. (1) Due diligence is a defence in a proceeding in relation to a violation.

 

 

Common law principles

 

(2) Every rule and principle of the common law that renders any circumstance a justification or excuse in relation to a charge for an offence in relation to a consumer provision applies in respect of a violation to the extent that it is not inconsistent with this Act.

 

 

Common law principles —

 

Payment Card Networks Act

 

 

(3) Every rule and principle of the common law that renders any circumstance a justification or excuse in relation to a charge for an offence in relation to a provision of the Payment Card Networks Act applies in respect of a violation to the extent that it is not inconsistent with this Act.

 

 

 

Règlement sur les violations désignées (Agence de la consommation en matière financière du Canada), DORS/2002‑101

 

Désignation

 

2. Sont désignés comme violations punissables au titre des articles 20 à 31 de la Loi :

 

 

a) la contravention à toute disposition visant les consommateurs;

 

Financial Consumer Agency of Canada Designated Violations Regulations, SOR/2002‑101

 

 

 

Designation

 

2. The following are designated as violations that may be proceeded with under sections 20 to 31 of the Act:

 

(a) the contravention of any consumer provision; and

 

 

 

Règlement sur le coût d’emprunt (banques), DORS/2001‑101

 

6. (1) Pour l’application du paragraphe 450(1) de la Loi, la banque qui accorde un prêt doit remettre à l’emprunteur une déclaration écrite comportant les renseignements dont la communication est exigée par le présent règlement.

 

(2) La déclaration peut être un document distinct ou faire partie de la convention de crédit ou de la demande de convention de crédit.

 

(2.1) Dans le cas où la déclaration figure dans la convention de crédit portant sur un prêt, une marge de crédit ou une carte de crédit ou dans une demande de carte de crédit :

 

a) elle y est présentée d’un seul tenant;

 

 

 

 

b) l’encadré informatif prévu à l’une des annexes 1 à 5, selon le cas, et contenant les renseignements visés à l’annexe applicable est présenté au début de la convention ou de la demande.

Cost of Borrowing (Banks) Regulations, SOR/2001‑101

 

 

6. (1) For the purpose of subsection 450(1) of the Act, a bank that grants credit must, in writing, provide the borrower with a disclosure statement that provides the information required by these Regulations to be disclosed.

 

 

(2) A disclosure statement may be a separate document or may be part of a credit agreement or an application for a credit agreement.

 

(2.1) For a disclosure statement that is part of a credit agreement in respect of a loan, a line of credit or a credit card or an application for a credit card,

 

 

(a) the disclosure statement must be presented in a consolidated manner in a single location in that agreement or application; and

 

(b) the applicable information box, as set out in one of Schedules 1 to 5, containing the information referred to in that Schedule, must be presented at the beginning of the agreement or application.

 

5. Analyse

a) Quelle norme de contrôle faut‑il appliquer à la décision de la commissaire dans la présente affaire?

[22]           Les avocats des deux parties conviennent, à juste titre, que les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (voir, par exemple, Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392, et Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539). Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence à l’endroit de la commissaire si elle a porté atteinte au droit à l’équité procédurale de l’appelante pour arriver à sa décision.

 

[23]           L’avocate de l’appelante est en outre d’accord avec l’avocat de l’intimé, à tout le moins avec les observations de vive voix de ce dernier, que la norme de contrôle applicable à l’ensemble des autres questions, à l’exception d’une seule, est celle de la décision raisonnable. La seule question soulevant un désaccord à cet égard est donc celle relative à la défense fondée sur la prise de précautions.

 

[24]           Il est maintenant bien établi qu’il est souvent inutile de procéder à une analyse contextuelle et d’examiner les facteurs énoncés dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir). Comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160 (Smith), le juge chargé du contrôle peut se fonder sur les vastes catégories définies dans l’arrêt Dunsmuir, précité, pour décider quelle norme de contrôle est pertinente. Habituellement, la norme de la décision raisonnable s’appliquera dans les cas suivants : (1) la question se rapporte à l’interprétation de la loi habilitante (ou « constitutive ») du tribunal administratif ou à une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie; (2) la question soulève à son tour des questions touchant les faits, le pouvoir discrétionnaire ou des considérations d’intérêt général; (3) il s’agit d’une question mixte de fait et de droit (Smith, au paragraphe 26).

 

[25]           La première question de fond susmentionnée, à savoir si les encadrés informatifs utilisés par l’appelante contreviennent au Règlement, est manifestement une question mixte de fait et de droit puisqu’elle nécessite l’interprétation du Règlement et l’application de celui‑ci aux faits de l’espèce. Ainsi, la norme de contrôle pertinente est manifestement celle de la décision raisonnable. En outre, le Règlement est étroitement lié aux fonctions que confie la Loi à la commissaire, soit de protéger les intérêts des consommateurs de services financiers. Le Règlement fait partie d’un régime réglementaire spécialisé qui relève exclusivement de la compétence de la commissaire et, dans cette mesure, il s’apparente à une loi « constitutive ». Enfin, on ne peut avancer que l’interprétation des exigences prévues par ce Règlement revêt une importance capitale pour le système juridique. Pour toutes ces raisons, la question c), de même que les questions d), f) et g), lesquelles sont toutes des questions mixtes de fait et de droit, feront l’objet d’un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable. Par conséquent, la Cour n’interviendra en l’espèce que si la décision attaquée n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[26]           Il ne reste que la question au sujet de laquelle les parties ne s’entendent pas quant à la norme de contrôle applicable, soit celle relative à la défense fondée sur la prise de précautions. L’avocate de l’appelante a soutenu que la commissaire n’a acquis aucune connaissance spécialisée en ce qui concerne ce moyen de défense fondé sur la common law, et qu’il convient donc d’appliquer la norme de contrôle de la décision correcte. Je ne suis pas d’accord. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’applicabilité de la défense fondée sur la prise de précautions soulève des questions juridiques qui ne peuvent être aisément distinguées des questions de fait. Ces questions commandent clairement la déférence et ne s’apparentent à aucune des questions qui appartiennent à l’une ou l’autre des catégories qui, selon l’arrêt Dunsmuir, précité, sont assujetties à la norme de la décision correcte. En réalité, la décision de la commissaire à cet égard ne portait pas sur une question constitutionnelle ou une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et elle ne prétendait pas délimiter les compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents. Je conviens donc avec l’intimé que cette question demande l’application de la norme de la décision raisonnable.

 

b) La commissaire est‑elle arrivée à sa décision en manquant à son obligation d’équité procédurale envers l’appelante?

[27]           L’appelante fait valoir que l’Agence a omis de suivre son processus établi de surveillance de la conformité au nouveau règlement et qu’elle a donc manqué à son obligation d’équité procédurale. Elle invoque les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker), pour affirmer, d’abord et avant tout, que l’Agence a trompé Mega, qui s’attendait légitimement à ce qu’elle suive son processus annoncé.

 

[28]           L’avocate de l’appelante s’est en grande partie appuyée sur la lettre que la commissaire a envoyée aux IFRF le 3 novembre 2009 et dans laquelle elle fait état du processus qu’elle entend suivre pour surveiller les contraventions au Règlement. Comme il est mentionné plus haut au paragraphe 8 des présents motifs, la commissaire a affirmé : 1) que l’Agence distribuerait à toutes les IFRF un questionnaire d’auto‑évaluation de la conformité devant être rempli dans un délai de deux semaines; 2) que la Direction de la conformité et de l’application examinerait les réponses et qu’un agent de la conformité communiquerait avec les institutions non conformes afin de clarifier la situation et en discuter; et 3) que l’Agence évaluerait ensuite [traduction] « les mesures de conformité nécessaires pour pallier les lacunes constatées » et qu’elle pourrait notamment offrir une information plus élaborée aux membres de l’industrie, prendre des mesures de conformité officielles et/ou officieuses ou prendre des mesures d’exécution.

 

[29]           La doctrine des attentes légitimes est l’un des éléments du principe d’équité. Il est bien établi que l’équité peut nécessiter l’adhésion à certains processus lorsqu’un comportement antérieur fait en sorte qu’une personne s’attende légitimement à ce que ces processus soient automatiquement suivis (voir Baker, précité, au paragraphe 26, et Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine c Lafontaine (Village), 2004 CSC 48, par. 10, [2004] 2 RCS 650). Si un décideur administratif déclare qu’il entend suivre une procédure précise, il sera généralement injuste de sa part d’agir en contravention d’assurances données en matière de procédure, à moins que cette procédure ne soit en conflit avec ses obligations. Il est dans l’intérêt supérieur de la bonne administration et de la justice que les promesses soient respectées. Comme l’a mentionné le juge Dubé dans la décision Gaw c Canada (Commissaire aux services correctionnels) (1986), 2 FTR 122, par. 9, 36 ACWS (2d) 1 : « Il ne faut pas changer les règles du jeu en cours de route […] » (Voir aussi : Martins c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 18, par. 5, 112 ACWS (3d) 556; Basudde c Canada (Procureur général), 2002 CFPI 782, par. 46, 222 FTR 115; Brunico Communications Inc. c Canada (Procureur général), 2004 CF 642, par. 20, 252 FTR 146).

 

[30]           Dans ses observations orales, l’avocate de l’appelante a soutenu qu’il était implicite que l’Agence travaillerait avec les banques et les consulterait, bien qu’aucune assurance explicite en ce sens n’ait été donnée. Elle a en outre avancé que l’Agence avait choisi de communiquer avec Mega, même si elle estimait que cette dernière était non conforme, et qu’elle avait ainsi contrevenu à la deuxième étape de sa procédure établie, qui est exposée plus haut. J’ai minutieusement examiné la lettre du 3 novembre 2009 et l’ensemble du dossier, et je n’ai trouvé aucun engagement, explicite ou implicite, pris par l’Agence qui aurait permis à Mega de s’attendre à ce qu’elle ait l’occasion de rectifier les lacunes de ses encadrés informatifs avant qu’un procès‑verbal de violation ne soit dressé. Bien au contraire, je conclus que l’Agence a suivi le processus qu’elle s’était engagée à adopter dans sa lettre du 3 novembre 2009.

 

[31]           Nulle part l’Agence n’a‑t‑elle déclaré qu’elle communiquerait avec chacune des IFRF, peu importe la situation, après avoir reçu leur questionnaire d’auto‑évaluation rempli. Il aurait été inutile de consulter les IFRF ayant indiqué qu’elles se conformaient intégralement au Règlement. En réalité, comme l’a signalé l’intimé, même les IFRF qui déclaraient ne pas se conformer entièrement et qui auraient donc pu s’attendre légitimement à ce que l’Agence communique avec elles, ne pouvaient avoir l’attente légitime qu’elles puissent pallier les lacunes, quelles qu’elles soient, liées à la conformité avant qu’un procès‑verbal de violation ne soit dressé. Comme il est mentionné plus haut, les mesures d’exécution constituaient une des mesures de conformité auxquelles pouvait recourir l’Agence pour corriger les lacunes constatées à la lumière des réponses reçues.

 

[32]           Au mieux, on peut avancer que la lettre du 3 novembre 2009 était ambiguë, comme l’a reconnu l’avocat de l’intimé. Cependant, si on lit ce document dans le contexte élargi des lettres du 11 février et du 12 mai 2010, il en ressort un tableau plus clair : nulle part dans ces lettres ne figure une assurance précise et sans équivoque laissant entendre que, si les encadrés informatifs d’une IFRF sont considérés comme non conformes, l’Agence communiquera avec celle‑ci et lui offrira la possibilité de corriger le problème avant qu’un procès‑verbal de violation ne soit dressé. Le fait que les représentants de Mega aient pu penser qu’on communiquerait avec eux avant qu’un tel procès‑verbal ne soit dressé ne peut suffire à donner naissance à une attente légitime. Comme l’a énoncé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Genex Communications Inc c Canada (Procureur général), 2005 CAF 283, au paragraphe 193, [2006] 2 FCR 199 :

Pour que la doctrine joue, il faut que la conduite de l’organisme dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire « y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites » ait fait naître chez le plaignant l’expectative raisonnable qu’il conservera un avantage ou qu’il sera consulté avant que soit rendue une décision contraire : voir Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 131.

 

 

[33]           En outre, l’obligation d’équité est souple et repose sur une appréciation du contexte du texte législatif et des droits visés. À ce titre, plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité, et celui des attentes légitimes de la personne physique ou morale qui conteste la décision n’est que l’un d’eux. Sont tout aussi importants la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question, l’importance de la décision pour les personnes visées et les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même (Baker, précité, par. 21 et suivants).

 

[34]           L’appelante a beaucoup insisté sur le fait que la décision de l’Agence était susceptible d’avoir une incidence négative sur sa réputation. L’avocate a fait valoir que le discrédit lié à la violation d’une loi du gouvernement cause davantage de tort qu’une conclusion de responsabilité prononcée à l’égard d’une partie à un litige.

 

[35]           Certes, les personnes morales sont exposées à d’éventuelles conséquences économiques lorsqu’elles font l’objet d’une décision d’un organisme de réglementation, et elles risquent même de perdre une partie de la survaleur liée à leur dénomination sociale. Néanmoins, ces conséquences ne peuvent se comparer à l’incidence que peut avoir une décision sur la réputation d’un particulier et ses effets connexes, tant sur le plan de sa dignité que de son moyen de subsistance. À cet égard, il est très révélateur que, dans l’arrêt Baker, la Cour suprême ait uniquement fait mention de l’importance de la décision pour les personnes visées. Je conviens donc avec l’intimé que les personnes morales n’ont pas droit au même degré d’équité procédurale que les particuliers, et que les tribunaux administratifs chargés de réglementer l’activité économique ne sont pas tenus aux mêmes normes que ceux devant statuer sur les droits des particuliers (voir Ciba‑Geigy Canada Ltée c Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés) (C.F. 1re inst.), [1994] 3 CF 425, par. 23, confirmé par 83 FTR 2, par. 8; voir aussi Sheriff c Canada (Procureur général), 2006 CAF 139, par. 30).

 

[36]           De plus, la commissaire a mentionné dans sa décision qu’elle n’avait pas l’intention de publier celle‑ci, même si l’article 31 de la Loi le lui permet. Le fait que l’appelante a violé le Règlement n’aurait donc pas été connu si elle n’avait pas décidé d’interjeter le présent appel. En conséquence, on peut affirmer que l’appelante, dans une certaine mesure, est elle‑même à l’origine du tort susceptible d’être causé à sa réputation.

 

[37]           En ce qui concerne la nature de la décision et du processus suivi, l’appelante plaide en faveur d’une obligation rigoureuse d’agir équitablement parce que la décision de la commissaire est définitive et que la pénalité s’apparente à une amende. En revanche, l’intimé soutient que l’Agence fonctionne d’une manière administrative, laquelle justifie une obligation d’agir équitablement moins stricte.

 

[38]           Même si la décision de la commissaire est définitive, l’appelante n’a pas tenu compte du fait que la commissaire adjointe a initialement dressé un procès‑verbal de violation et lui a donné l’occasion de présenter des observations relatives à la violation avant que la commissaire ne rende sa décision définitive. Le procès‑verbal de violation ne peut être assimilé à une conclusion de violation. En réponse à ce procès‑verbal, l’appelante a fourni à la commissaire six pages d’observations détaillées. Le processus suivi par la commissaire était compatible avec les articles 22 et 23 de la Loi. Il faisait en sorte que l’appelante soit informée des allégations formulées contre elle et qu’elle ait amplement la possibilité d’y répondre.

 

[39]           Je conviens en outre avec l’intimé que le processus suivi par la commissaire ne ressemble pas à une instance judiciaire et s’apparente davantage à un processus réglementaire administratif. La Loi ne prévoit et n’envisage ni le dépôt d’éléments de preuve, ni la tenue de contre‑interrogatoires ou d’audiences. La commissaire est un tribunal spécialisé auquel on a confié le mandat de réglementer une étroite sphère de l’activité économique. L’Agence ne ressemble à un tribunal judiciaire ni par sa forme ni par son essence.

 

[40]           Enfin, je ne puis souscrire à l’argument de l’appelante voulant qu’une pénalité administrative soit nécessairement analogue à une amende. Cet argument n’est pas étayé par la jurisprudence. Pour décider si une pénalité administrative équivaut, en réalité, à une amende, il faut examiner l’objet de la Loi, le but visé par la sanction, ainsi que le processus menant à sanction (Martineau c Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CSC 81, par. 24, [2004] 3 RCS 737). À mon avis, la nature du processus administratif tient, de prime abord, à la protection du public conformément à la politique générale du législateur (R c Wigglesworth, [1987] 2 RCS 541, p. 560). L’appelante n’a présenté aucun élément de preuve ni aucun argument à l’effet contraire.

 

c) La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les encadrés informatifs utilisés par l’appelante contrevenaient au Règlement?

[41]           L’appelante ne fait pas valoir que ses encadrés renferment tous les renseignements visés par les annexes 1, 2 et 3 du Règlement, ni que le format de ses encadrés est le même que celui des encadrés figurant dans les annexes. Elle conteste plutôt la façon dont la commissaire a interprété le Règlement, qui, selon elle, confère aux IFRF le pouvoir discrétionnaire de décider du format et du contenu de leurs encadrés.

 

[42]           L’appelante avance qu’elle a adopté une interprétation du régime réglementaire qui était plausible à la simple lecture du Règlement. Elle a interprété la version anglaise des alinéas 6(2.1)b) et 6(2.2)b) du Règlement comme si le terme « the » [« l’ » en français] se rapportait au terme « applicable » plutôt qu’à l’expression « information box » [« encadré informatif » en français]. Elle soutient également que le libellé du paragraphe 6(2.4) laisse place à une certaine latitude quant au format des encadrés informatifs puisque le format précis des encadrés prévu à l’annexe n’est pas obligatoire. Enfin, Mega s’est appuyée sur l’avis du 2 octobre, dans lequel l’Agence fournit ce qu’elle désigne comme des [traduction] « modèles d’encadrés informatifs » comportant des [traduction] « illustrations génériques de l’apparence que pourraient avoir les encadrés informatifs […] et du contenu qui devrait y figurer ». Selon elle, ces passages laisseraient entendre que les encadrés informatifs n’étaient pas prescrits par le Règlement puisque le libellé est permissif plutôt qu’impératif.

 

[43]           Bien qu’attrayants, ces arguments ne peuvent être retenus. Je ne puis souscrire à l’opinion de Mega voulant que le libellé du Règlement soit permissif ou qu’il confère un pouvoir discrétionnaire. Bien au contraire, le paragraphe 6(1) prévoit que la banque qui accorde un prêt « doit » remettre à l’emprunteur une déclaration écrite qui comprend un « encadré informatif » où figurent certains renseignements essentiels. Les annexes 1 à 5 exposent ensuite de façon précise et détaillée la forme et le contenu des encadrés informatifs relatifs à cinq sortes de conventions de crédit. Contrairement au libellé permissif employé ailleurs dans le Règlement, il n’y a rien de permissif dans les alinéas 6(2.1)b) et 6(2.2)b), selon lesquels l’encadré informatif de l’IFRF « prévu à l’une des annexes 1 à 5, selon le cas, et contenant les renseignements visés à l’annexe applicable est présenté au début de la convention ou de la demande ». À titre d’exemple, il faut distinguer ce libellé des termes « peut » et « peuvent » employés aux paragraphes 6(2) et 6(3).

 

[44]           Les annexes elles‑mêmes sont fort détaillées et elles prescrivent une forme particulière assortie de conditions et de renseignements précis. Cela donnerait à penser que les banques ne peuvent choisir à leur discrétion quels renseignements seront fournis. Le Règlement précise même les tailles de la police, l’espacement, les marges, etc., qui doivent être utilisés dans les encadrés informatifs [paragraphe 6(2.4)], ce qui laisse également entendre que les banques sont censées adhérer à un protocole prescrit afin d’assurer une présentation uniforme.

 

[45]           Je conviens avec l’intimé que cette interprétation du Règlement est aussi compatible avec le régime réglementaire appliqué par l’Agence; l’un des principaux objets étant de faire en sorte que les consommateurs disposent de la meilleure information possible pour leur permettre de faire des choix éclairés en matière de produits de crédit. Si les banques étaient autorisées à employer le libellé de leur choix ou même à modifier l’ordre des encadrés informatifs, les consommateurs seraient laissés aux prises avec une tâche beaucoup plus ardue au moment de comparer le coût d’un emprunt auprès de différents genres d’institutions financières. Par conséquent, j’arrive à la conclusion qu’une interprétation stricte du Règlement est davantage compatible avec l’objet prédominant de la Loi et du Règlement.

 

[46]           Il est vrai que la lettre adressée par l’Agence aux IFRF le 2 octobre 2009 donne à penser qu’un certain degré de latitude est permis dans la mise en œuvre du nouveau règlement. Cependant, le libellé de la lettre ne peut l’emporter sur le caractère exécutoire, non équivoque et obligatoire du Règlement. Si elle avait un quelconque doute quant aux exigences fixées, Mega pouvait facilement téléphoner à l’Agence et obtenir les renseignements voulus. Manifestement, il n’était ni prudent ni raisonnable de se fier au texte ambigu d’une seule lettre au lieu de se conformer aux dispositions limpides du Règlement.

 

[47]           Puisque j’ai conclu que l’interprétation donnée au Règlement par la commissaire était raisonnable et, j’ose même affirmer, fondée, il est clair et non contesté que les encadrés informatifs de l’appelante ne respectaient pas le Règlement à plusieurs égards. Comme l’a conclu la commissaire, les encadrés informatifs de l’appelante ne renfermaient pas la plupart des renseignements requis par les annexes 1, 2 et 3 du Règlement; ils ne présentaient pas la colonne de gauche prévue par les annexes 1, 2 et 3; ils comportaient des rangées supplémentaires ainsi que des rangées présentées dans le mauvais ordre et ils employaient une terminologie différente de celle fixée dans les annexes pertinentes.

 

d) La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas correctement la défense de justification ou d’excuse?

[48]           L’appelante a invoqué le paragraphe 28(2) de la Loi, lequel préserve les principes de common law de la justification et de l’excuse à titre de moyen de défense contre les violations alléguées. Elle s’est appuyée sur cette disposition pour initialement affirmer dans ses observations écrites qu’elle satisfaisait au critère à deux volets de ce moyen de défense, tel qu’il a été élaboré dans les arrêts R c Sault Ste. Marie, [1978] 2 RCS 1299 (Sault Ste. Marie), et Résidences Majeau Inc c Canada, 2010 CAF 28.

 

[49]           Toutefois, à l’audience, l’avocate de Mega a admis sans difficulté que ce moyen de défense ne pouvait être avancé puisque l’interprétation du Règlement par l’appelante constitue une erreur de droit et non une erreur de fait. Cette approche est manifestement la bonne. L’ignorance de la loi ne peut constituer une excuse. À cet égard, l’avocat de l’intimé a à juste titre attiré l’attention de la Cour sur l’arrêt Corporation de l’École Polytechnique c Canada, 2004 CAF 127, au paragraphe 38, 132 ACWS (3d) 689 (École Polytechnique), de la Cour d’appel fédérale, où les juges Létourneau et Décary (auteurs des motifs unanimes du tribunal) se sont exprimés en ces termes :

Ce bref tour d’horizon de la loi et de la jurisprudence nous amène à la conclusion suivante. Sauf exceptions, l’erreur commise de bonne foi et l’erreur de droit raisonnable portant sur l’existence et sur l’interprétation d’une loi ne sont pas reconnues comme moyens de défense à des infractions criminelles non plus qu’à des infractions de responsabilité stricte ou à des poursuites régies par les principes applicables à la responsabilité stricte.

 

 

e) La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas correctement la défense fondée sur la prise de précautions?

[50]           L’avocate de l’appelante a soutenu que Mega avait pris des précautions, ce qui constitue un moyen de défense suivant le paragraphe 28(1) de la Loi. Mega avance que son agent principal chargé de l’observation des normes a informé les cadres supérieurs et les gestionnaires fonctionnels de ses quatre succursales canadiennes des nouvelles exigences, qu’il a modifié les conventions et les encadrés informatifs existants, et que l’ensemble des quatre succursales canadiennes ont examiné les documents modifiés. En outre, à la date de début de la mise en œuvre, soit le 1er janvier 2010, l’appelante avait élaboré et exécuté un plan de mise en œuvre et participé à toutes les activités de surveillances requises par l’Agence. Enfin, l’appelante avait traduit et modifié une partie du libellé de ses nouveaux documents pour faire en sorte que ceux‑ci soient convenablement traduits dans la langue de ses clients, le chinois.

 

[51]           Malheureusement pour l’appelante, ces mesures sont loin de suffire à démontrer qu’elle a pris des précautions. Cette défense a été énoncée dans l’arrêt Sault Ste. Marie, précité, aux pages 1325 et 1326, et elle s’applique s’il est possible d’établir que toutes les mesures raisonnables pour éviter un événement particulier ont été prises. Divers tribunaux ont signalé qu’il s’agit d’un fardeau dont il est difficile de s’acquitter (voir, par exemple, Samson c Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CF 975, aux paragraphes 35 et 36, 170 ACWS (3d) 67). En particulier, il ne suffira pas d’affirmer qu’une erreur a été commise de bonne foi ou qu’une partie n’avait nullement l’intention de contrevenir à une loi (voir Canada (Bureau du surintendant des faillites) c MacLeod, 2011 CAF 4, par. 34, 330 DLR (4th) 311; École Polytechnique, plus haut, par. 29). De même, la preuve présentée à l’appui de ce moyen de défense doit se rapporter à l’infraction précise en cause, et ne peut simplement établir que la partie agissait, de manière générale, dans le respect de la loi. Comme l’a exprimé la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R v Raham, 2010 ONCA 206, par. 48, 99 OR (3d) 241 :

[traduction] La défense de la diligence raisonnable a trait à la perpétration de l’acte interdit dont le défendeur est accusé et non à la conduite du défendeur dans un sens large. Le défendeur doit démontrer qu’il a pris des mesures raisonnables pour éviter de commettre l’infraction qui lui est reprochée, et non qu’il ou elle agissait dans le respect de la loi au sens large.

 

[52]           Dans la présente affaire, la commissaire pouvait légitimement conclure que toutes les mesures raisonnables n’ont pas été prises pour éviter la violation du Règlement. L’appelante disposait d’un certain nombre de mois pour apporter les modifications nécessaires. Or, les mesures qu’elle a prises afin de se conformer au nouveau règlement soulèvent davantage de questions que celles auxquelles elle a choisi de répondre. Elle n’a allégué pour toute mesure que l’examen des modifications à ses encadrés informatifs qu’ont effectuées les cadres supérieurs et les gestionnaires fonctionnels de ses unités fonctionnelles de Toronto et de Vancouver. De plus, un rapport du conseil d’administration de l’appelante établi à la mi‑mars 2010, soit quelque deux mois et demi après l’entrée en vigueur du Règlement, confirmait simplement que l’appelante croyait que ses encadrés informatifs étaient conformes.

 

[53]           Ces mesures ne fournissent pas beaucoup de détails sur ce qu’a exactement fait l’appelante, sur qui l’a fait, sur les connaissances spécialisées que possédaient l’agent principal chargé de l’observation des normes et les cadres supérieurs pour examiner et mettre en œuvre le Règlement, sur le fondement de leur croyance voulant que les encadrés informatifs soient conformes aux exigences du Règlement, sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas consulté l’Agence afin de s’assurer de la conformité des modifications apportées aux encadrés informatifs, etc. Nous sommes loin des exigences applicables à la défense de prise de précautions. Ces mesures étayent l’allégation de l’appelante selon laquelle elle s’est efforcée de bonne foi de respecter les exigences relatives aux encadrés informatifs et qu’elle n’avait aucune intention de contrevenir au Règlement, comme l’a conclu la commissaire. Cela ne suffit toutefois pas à établir la prise de précautions, laquelle exige une preuve du fait que l’appelante a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de commettre l’infraction qui lui est reprochée.

 

[54]           Certes, comme l’a avancé l’appelante, la commissaire n’a pas abordé la défense relative à la prise de précautions dans sa décision. Mais il était inutile de le faire une fois la négligence établie puisque la négligence équivaut à une absence de précautions. Voici les propos tenus à cet égard par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Chapin, [1979] 2 RCS 121, à la page 134 :

Je suis d’avis que le par. 14(1) crée une infraction de responsabilité stricte. C’est l’exemple classique d’une infraction de la deuxième catégorie définie dans l’arrêt Sault Ste‑Marie. Un accusé peut écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions qu’un homme raisonnable aurait prises dans les circonstances ou, en d’autres mots, qu’il n’a été aucunement négligent.

 

f) La commissaire a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’appelante avait causé un tort à ses clients en contrevenant au Règlement?

[55]           L’avocate de l’appelante a fait valoir que la commissaire avait commis une erreur de droit en concluant qu’un tort avait été causé aux clients de Mega puisque la preuve n’établissait pas l’existence d’un tel préjudice. Conclure que des clients n’ont pas bénéficié d’une déclaration complète et exacte au sens du Règlement, comme l’a fait la commissaire, ne revient pas à conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’un tort a été causé. Puisqu’aucune preuve ne démontre que des clients de Mega avaient réellement subi un tort en raison de la première version des encadrés informatifs de celle‑ci, la commissaire ne pouvait arriver à la conclusion que les infractions au Règlement perpétrées par Mega avaient causé un tort à ses clients consommateurs.

 

[56]           Je conviens avec l’intimé qu’il s’agit d’une interprétation beaucoup trop restrictive de la notion de tort. Le Règlement s’apparente aux dispositions en matière de protection des consommateurs et il a pour objet de fournir à ces derniers une meilleure information relative aux produits financiers offerts par les banques concurrentes de sorte qu’ils puissent faire des choix éclairés. À ce titre, on peut présumer qu’un tort est établi dès lors qu’une banque ne satisfait pas aux exigences du Règlement, privant ainsi ses clients de l’information et des déclarations auxquelles ils ont droit.

 

[57]           Le Règlement perdrait une grande partie de son efficacité s’il fallait individualiser et quantifier le préjudice avant de pouvoir conclure qu’une banque a contrevenu à ses dispositions. Une telle condition préalable impose un fardeau indûment lourd à l’Agence et ne tient pas compte du fait que le tort dans le présent contexte est difficile à évaluer ni que les mesures réglementaires de ce genre visent à favoriser le bien commun et l’établissement de rapports de force mieux équilibrés pour les clients d’institutions financières puissantes. De fait, il est révélateur que, selon les dispositions pertinentes du Règlement, l’existence d’un tort causé aux consommateurs ne constitue pas un élément de l’infraction. À l’instar de la Cour d’appel fédérale – qui s’intéressait à l’alinéa 74.01(1)a) de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C‑34, portant sur les annonces fausses ou trompeuses à l’intention du public –, j’estime que, dès qu’un manquement au Règlement a lieu, un préjudice est automatiquement causé aux consommateurs (voir Canada (Commissaire de la concurrence) c Premier Career Management Group Corp, 2009 CAF 295, aux paragraphes 61 et 62, [2010] 4 RCF 413).

 

g) La commissaire a‑t‑elle en commis une erreur en appliquant les critères énoncés à l’article 20 de la Loi avant d’imposer une pénalité de 12 500 $?

[58]           Enfin, l’avocate de l’appelante a soutenu que la commissaire a commis une erreur en imposant une pénalité à Mega. Elle s’est appuyée sur l’article 20 de la Loi, lequel énonce les critères dont l’Agence doit tenir compte au moment de décider s’il y a lieu d’imposer une pénalité, pour affirmer que la commissaire a omis de prendre en considération l’absence de tort, de négligence, d’intention ou de violations antérieures, et qu’elle n’aurait pas dû pénaliser l’appelante.

 

[59]           La commissaire a examiné de façon approfondie chacun des facteurs susmentionnés énumérés dans la Loi pour arriver à sa décision. Conformément à la conclusion tirée en ce sens plus haut, la commissaire pouvait légitimement décider qu’un tort avait été causé et que Mega avait fait preuve de négligence. Elle a également conclu que Mega n’avait pas commis de violation antérieure, qu’elle s’était efforcée de bonne foi de se conformer aux exigences relatives aux encadrés informatifs et qu’elle n’avait pas l’intention d’être non conforme. C’est précisément parce qu’elle était d’avis que les actes de Mega et le tort causé aux consommateurs de produits financiers n’étaient pas très graves qu’elle a décidé de faire passer la pénalité de 25 000 $ proposée par la commissaire adjointe à 12 500 $, la réduisant ainsi de moitié.

 

[60]           Les décisions discrétionnaires de ce genre ne doivent pas être infirmées en appel à moins que la cour de révision ne soit convaincue qu’elles ne sont pas indiquées ou qu’elles sont manifestement déraisonnables. Il n’y a pas lieu de tirer une telle conclusion en l’espèce.

 

6. Conclusion

[61]           Pour toutes les raisons qui précèdent, l’appel est donc rejeté et la décision de la commissaire est confirmée, avec dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑459‑11

 

INTITULÉ :                                                  BANQUE INTERNATIONALE DE COMMERCE MEGA (CANADA) c
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 24 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 11 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Lynne Watt

 

Pour l’appelante

 

John Syme

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowlings

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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