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Date : 20120210

Dossier : T‑1252‑09

Référence : 2012 CF 202

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2012

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

 

APOTEX INC.

 

 

 

 

demanderesse

et

 

 

WARNER‑LAMBERT COMPANY LLC et PARKE, DAVIS & COMPANY LLC

 

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Par avis de requête daté du 9 novembre 2011, les défenderesses sollicitent le rejet, en raison de son caractère théorique et de l’absence de qualité pour agir, d’une partie d’une action en invalidation intentée par la demanderesse (Apotex) le 4 août 2009. Dans cette action en invalidation, la réparation recherchée est un jugement déclaratoire portant que les brevets 330 et 615 sont invalides et que les comprimés d’Apo‑quinapril d’Apotex ne violeront aucune revendication valide de l’un ou l’autre de ces brevets dont les défenderesses, Parke, Davis & Company LLC (Parke Davis) sont les titulaires. Selon les défenderesses, il y a caractère théorique et absence de qualité pour agir parce que le brevet 615 a expiré en août 2011. Le brevet 330 n’expirera que le 1er janvier 2019.

 

[2]               Apotex répond que son action en invalidation n’est pas théorique parce qu’elle porte sur la question de savoir si le brevet 615 a déjà été un brevet valide. Apotex soutient qu’elle cherchera à obtenir ce qui suit s’il est conclu que le brevet 615 n’a jamais été valide : (1) une réparation en vertu de la loi ontarienne adoptée en 1897 et connue sous le nom de Act concerning Monopolies and Dispensation with penal laws, etc., LRO 1897, c 323 (la loi ontarienne sur les monopoles); (2) une réparation en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, modifié (le Règlement), pour avoir été écartée du marché en raison du fait qu’elle a été visée par une procédure d’interdiction en vertu de ce Règlement. Le Règlement a été modifié de façon substantielle par DORS/98‑166.

 

[3]               Si la Cour devait conclure qu’une partie de son action reposant sur le brevet 615 est théorique, Apotex fait valoir que les circonstances de la présente affaire justifient que la Cour exerce néanmoins son pouvoir discrétionnaire pour entendre l’action au complet parce que celle‑ci se poursuivra à l’égard du brevet 330, peu importe si le brevet 615 est radié ou non. Apotex ajoute que les brevets 330 et 615 ont tous deux une demande de brevet initiale commune.

 

II.        Le contexte factuel

[4]               Le Règlement est entré en jeu lorsqu’Apotex a sollicité auprès du ministre de la Santé (le ministre) un avis de conformité afin d’être autorisée à commercialiser son médicament Apo‑quinapril au Canada. Les brevets 330 et 615 étaient tous deux inscrits sur la liste des brevets. Ainsi, le 18 juillet 2003, Apotex a fait signifier à Pfizer Canada Inc., à titre de titulaire de licence, deux avis d’allégation : l’un alléguait l’absence de contrefaçon du brevet 615 et l’autre, l’invalidité du brevet 330. Pfizer Canada Inc., Warner‑Lambert et Parke Davis ont institué devant la Cour une procédure cherchant à faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex avant l’expiration des brevets 330 et 615 (la procédure d’interdiction).

 

[5]               La procédure d’interdiction engagée par les défenderesses a été rejetée au procès, en septembre 2005, mais la Cour d’appel fédérale (la CAF) a infirmé cette décision en mai 2007 (voir Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CAF 209). Ainsi, la Cour d’appel fédérale a rendu une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex à l’égard de ses comprimés d’Apo‑quinapril. Apotex a présenté à la Cour suprême du Canada une demande d’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt de la CAF, autorisation qui a été refusée en novembre 2007. Après cette décision, Apotex a institué une action en invalidation en août 2009, soit deux ans plus tard. Les défenderesses sollicitent le rejet partiel de cette action à l’égard du brevet 615, maintenant expiré. L’instruction de l’action, qui devrait durer 15 jours, est prévue pour août 2013.

 

III.       Principes

[6]               Compte tenu de l’arrêt de principe de la Cour suprême du Canada Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 (Borowski), les parties ne contestent pas les points suivants :

 

a.               La Cour a compétence pour rejeter une demande en raison de son caractère théorique, s’agissant de l’exercice de son pouvoir inhérent de contrôler sa propre procédure.

b.               Dans le cas où le caractère théorique est le motif invoqué pour statuer sur l’action, une requête en radiation en vertu du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles) n’est pas le moyen approprié; le critère du caractère évident et manifeste ne s’applique pas à une requête en rejet en raison du caractère théorique.

c.               Pour décider s’il y a lieu de rejeter une demande en raison de son caractère théorique, une analyse en deux volets est nécessaire : (1) la première question consiste à se demander si l’action est théorique; (2) deuxièmement, il faut se demander s’il existe des facteurs qui exigent que le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire et entende une affaire au fond même si elle est théorique.

d.               La question de savoir si une action ou une autre procédure devant la Cour est théorique repose sur son évaluation de la question de savoir si les circonstances qui ont changé, en l’espèce l’expiration du brevet 615, font en sorte qu’il n’y a pas de litige actuel entre les parties pouvant être réglé par une décision dans la procédure, en l’espèce l’action en invalidation d’Apotex.

e.               Le deuxième volet de l’analyse du caractère théorique consiste à se demander si la Cour devrait entendre une affaire théorique. La Cour suprême du Canada a identifié deux facteurs principaux qui, s’ils sont présents, favorisent l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le premier facteur vise à savoir s’il continue d’y avoir un débat contradictoire entre les parties. La principale mesure de ce facteur est la question de savoir si un rejet de l’action en raison de son caractère théorique aura néanmoins un effet concret sur les droits d’une partie, soit, en d’autres mots, des conséquences accessoires pour Apotex, en l’espèce.

 

[7]               Il incombe à Apotex de démontrer à la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que le rejet de son action en invalidation contre les défenderesses quant au brevet 615 aura un tel effet sur ses droits (voir Sanofi‑Aventis Canada Inc. c Apotex Inc., 2006 CAF 328, au paragraphe 21). Selon Apotex, c’est ce qui arrivera parce que toute réparation qu’elle obtient dans le cadre de sa future action fondée sur la loi ontarienne sur les monopoles ou d’une action fondée sur l’article 8 du Règlement repose sur une conclusion que les brevets 615 et 330 sont invalides.

 

[8]               Le deuxième facteur principal identifié pour convaincre la Cour d’instruire une cause à caractère théorique est le souci d’économie des ressources judiciaires et les ressources judiciaires limitées. Le juge Barnes s’est récemment appuyé sur ce facteur dans Apotex Inc. c Canada (Santé), 2011 CF 1308. Le troisième facteur établi par la Cour suprême du Canada concernant le rôle de la Cour dans le processus décisionnel judiciaire n’est pas en cause en l’espèce.

 

IV.       Les arguments

            1.  Les arguments présentés par Parke Davis et autre

[9]               Premièrement, les requérantes déclarent qu’il est bien établi en droit que l’expiration du brevet 615 rend théorique l’action en invalidation d’Apotex, fondée en partie sur le brevet expiré, et que pour cette partie de l’action, il n’y a pas de litige actuel entre les parties à l’égard de ce brevet. Elles font valoir qu’il existe de la jurisprudence exactement sur ce point, citant l’arrêt de la CAF Hässle c Apotex Inc., 2008 CAF 88 (Hässle), dans lequel le juge Sexton a déclaré ce qui suit : « Il ne fait aucun doute que l’action en invalidité concernant un brevet expiré est théorique : ce que [Apotex] cherche à faire déclarer invalide n’existe plus [...] ». [Non souligné dans l’original.] Les parties citent d’autres arrêts de la CAF, à savoir :

·               Apotex Inc. c Bayer AG, 2004 CAF 242 (Bayer);

·               Sanofi‑Aventis Canada Inc. c Apotex Inc., précité (Aventis), au paragraphe 14;

·               Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé) et Ratiopharm Inc., 2011 CAF 215 (Ratiopharm), aux paragraphes 10, 11 et 13.

 

[10]           En ce qui concerne le deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Borowski, les requérantes déclarent que, pour plusieurs raisons, Apotex ne subira pas de conséquences accessoires (donc, inexistence de débat contradictoire) si son action en invalidation est rejetée parce que le brevet 615 est déjà expiré; (1) il n’existe pas de litige actuel sur lequel une décision concernant ce brevet a une incidence; (2) plus important encore, une conclusion selon laquelle le brevet 615 est invalide n’aura aucun effet sur ses droits aux termes de l’article 8 du Règlement (une action en dommages‑intérêts) parce qu’une déclaration d’invalidation dans le contexte d’une action en invalidation n’est pas l’une des situations précisées donnant lieu à l’application de cet article. En ce qui concerne la possibilité qu’une action fondée sur la loi ontarienne sur les monopoles soit accueillie, les requérantes font valoir qu’elle est faible et relève de la conjecture, puisque aucune cause en vertu de cette loi n’a été publiée.

 

[11]           Puisqu’Apotex n’a pas établi que le maintien de son action en invalidation est nécessaire pour la conservation de droits passés ou futurs, les requérantes font valoir que la présentation d’éléments de preuve concernant la validité ou l’absence de contrefaçon du brevet 615 est nettement un gaspillage de ressources judiciaires limitées.

 

2.  Les arguments présentés par Apotex

[12]           Les avocats d’Apotex font valoir les points suivants.

 

[13]           Premièrement, l’action en invalidation d’Apotex présente un intérêt important. Cette action est l’outil nécessaire, si elle est accueillie, pour obtenir une déclaration d’invalidité des brevets 615 et 330, ce qui lui ouvrira la porte à deux actions en dommages‑intérêts fondées sur le fait qu’on a illégalement interdit à Apotex d’entrer sur le marché pour vendre ses comprimés d’Apo‑quinapril. Une déclaration d’invalidité signifie que le brevet 615 n’a jamais été valide, c’est‑à‑dire qu’il était nul ab initio. Ainsi, un litige actuel demeure entre les parties; les droits d’Apotex – d’être indemnisée pour des dommages passés – sont touchés. L’expiration du brevet 615 ne rend pas théorique son action en invalidation reposant sur ce brevet.

 

[14]           Deuxièmement, il incombe aux requérantes d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’action en invalidation d’Apotex est théorique et ne devrait pas se poursuivre.

 

[15]           Troisièmement, l’arrêt Ratiopharm sur lequel les requérantes s’appuient énonce des opinions incidentes : il a été présenté uniquement à titre de référence et ne porte pas sur une action en invalidation engagée par Ratiopharm. Il s’agissait d’une requête présentée en vertu de l’article 399 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) (les Règles).

 

[16]           Quatrièmement, Apotex soutient que le fait qu’il n’y a eu aucune affaire tranchée en vertu de la loi ontarienne sur les monopoles n’est pas pertinent et il cite l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario Gilbert Surgical Supply Co. c Frank W. Horner Ltd., [1960] 34 CPR 17. Dans cet arrêt, la Cour a infirmé la décision d’un juge des requêtes qui avait radié une action en dommages‑intérêts triples intentée en vertu de la loi ontarienne sur les monopoles au motif qu’il n’existait pas de cause d’action raisonnable. Cette action découlait des mesures d’application de la loi entreprises par l’intimée au titre d’un brevet obtenu en vertu de la Loi sur les brevets (LRC 1985, c P‑4) (la Loi sur les brevets) pour la fabrication d’un produit pharmaceutique. Compte tenu de l’état peu avancé du litige, la Cour d’appel de l’Ontario était d’avis qu’on ne pouvait pas conclure que l’action [traduction] « […] ne saurait être accueillie ou qu’aucune cause d’action raisonnable n’a été établie de façon claire et hors de tout doute ». De plus, le juge Aylesworth a exprimé l’opinion suivante : [traduction] « Non seulement le litige porte sur la question de l’interprétation et de l’application d’une loi difficile, mais encore la déclaration présentée laisse entendre qu’il peut exister des questions de fait importantes à trancher quant à l’étendue du brevet de l’intimée […] ». [Non souligné dans l’original.] Apotex mentionne qu’elle a récemment intenté deux autres actions devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario fondées sur la loi ontarienne sur les monopoles.

 

[17]           Cinquièmement, Apotex soutient que la portée de l’article 8 du Règlement n’est pas établie en droit au point où il est possible d’affirmer que l’action fondée sur l’article 8 du Règlement ne peut pas être accueillie. Apotex fait valoir que la CAF a rendu des arrêts contradictoires.

 

[18]           L’avocat d’Apotex soutient que dans l’arrêt Ratiopharm, la CAF n’a pas examiné l’arrêt AB Hassle c Apotex Inc., 2006 CAF 51, rendu en 2006. Au paragraphe 29, la juge Sharlow a conclu que dans le cas où une déclaration d’invalidité était prononcée en application de l’article 60 de la Loi sur les brevets, l’ordonnance d’interdiction soit cesserait d’avoir effet, soit pourrait être annulée en vertu de l’article 397 des Règles.

 

[19]           Sixièmement, Apotex indique que l’action en invalidation se poursuivra à l’égard du brevet 330, ce qui constitue une raison pour que la Cour autorise la poursuite de son action à l’égard du brevet 615. Il n’y aura pas d’économie substantielle des ressources judiciaires limitées parce que les brevets 615 et 330 ont tous deux une demande de brevet initiale commune. Les actes de procédure sont clos, les affidavits de documents ont été échangés et les interrogatoires préalables sont terminés. L’action portant sur les deux brevets 615 et 330 en jeu a été inscrite au rôle.

 

V.        Analyse

1.   L’action en invalidation d’Apotex est‑elle théorique en ce qui concerne le brevet 615 des défenderesses?

 

[20]           Dans son action en invalidation, Apotex sollicite une déclaration d’invalidité du brevet 615, maintenant expiré. À mon avis, il est trop tard pour qu’Apotex puisse soutenir que son action en invalidation n’est pas théorique en ce qui concerne le brevet 615. La Cour d’appel fédérale a récemment tranché cette question à l’encontre d’Apotex dans l’arrêt Hässle, précité. Pour l’essentiel, cette affaire est identique à celle dont je suis saisi :

·               Une instance relative à un avis de conformité à la suite d’une allégation d’invalidité du brevet 751 formulée par Apotex. (Ainsi qu’il a été souligné dans la présente affaire, Apotex n’a pas fait valoir que le brevet 615 était invalide.)

·               Une ordonnance d’interdiction empêchant le ministre de délivrer, avant l’expiration du brevet 751, un avis de conformité à Apotex pour qu’elle puisse commercialiser son produit générique, après avoir conclu que l’allégation d’invalidité d’Apotex n’était pas justifiée.

·               L’introduction par Apotex d’une action en invalidation dans laquelle elle sollicitait une déclaration d’invalidité du brevet 751, laquelle action avait été inscrite pour un procès de 10 jours.

·               Le brevet 751 venait à expiration en janvier 2007.

·               Une requête présentée par Hässle visant à faire rejeter l’action en invalidation dans son intégralité en raison de son caractère théorique et de l’absence de qualité pour agir, Apotex n’étant pas une partie intéressée.

·               Une décision d’une protonotaire de la Cour, confirmée en appel par un juge des requêtes, indiquant qu’[traduction] « il n’était pas évident et manifeste que la décision dans l’action en invalidation n’aurait pas d’effet ou de conséquence juridique sur les parties ni qu’Apotex n’avait plus qualité pour intenter l’action. »

[21]           La CAF a accueilli l’appel de la décision du juge des requêtes. Premièrement, elle a conclu que le tribunal d’instance inférieure avait appliqué le mauvais critère, le critère du caractère évident et manifeste, qui n’est pas le bon critère pour décider si une instance est théorique. Comme nous l’avons vu précédemment, le juge Sexton, qui a rédigé les motifs de la CAF, a également conclu ce qui suit : « Il ne fait aucun doute que l’action en invalidité concernant un brevet expiré est théorique : ce que [Apotex] cherche à faire déclarer invalide n’existe plus ». Il a déclaré que la véritable question à trancher était celle de savoir si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire un litige théorique (soit l’action en invalidation). Il a refusé d’entendre l’affaire en raison de l’économie des ressources judiciaires.

 

[22]           Dans l’arrêt Bayer, la CAF avait examiné la question de savoir si un brevet expiré rendait théorique un appel interjeté devant elle. Le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour suprême du Canada, n’a eu aucune difficulté à conclure que l’appel était théorique en raison de l’expiration du brevet 067 et de la délivrance d’un avis de conformité à Apotex. Il était d’avis que « [l]a controverse entre les parties a cessé. » Voir également l’arrêt Aventis, au paragraphe 14, et l’arrêt Ratiopharm, aux paragraphes 10, 11 et 13.

 

2.   En appliquant les facteurs pertinents, la Cour devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’instruction de l’action en invalidation d’Apotex?

 

[23]           Comme nous l’avons vu, les deux facteurs qui sont pertinents pour la décision en l’espèce sont les conséquences accessoires qui découleraient du fait de ne pas laisser poursuivre l’action en invalidation d’Apotex à l’égard du brevet 615 et l’économie des ressources judiciaires.

 

a)   Le critère de l’incidence pratique

 

[24]           La CAF a récemment rendu des arrêts sur ce point, à savoir, en 2010, Apotex Inc. c Syntex Pharmaceuticals International Inc., 2010 CAF 155 (Syntex), et Ratiopharm. Les arrêts Bayer et Aventis précédemment mentionnés permettent aussi de situer l’affaire.

 

(i)     L’arrêt Bayer

[25]           Dans l’arrêt Bayer, la CAF a conclu, comme nous l’avons indiqué plus tôt, que l’appel était théorique en raison de l’expiration du brevet sous‑jacent. La Cour a ensuite examiné la question de savoir si elle devait instruire l’affaire quand même. S’exprimant au nom de ses collègues, le juge Rothstein a décidé d’instruire l’appel et a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 8 et 9 :

Premièrement, il s’agit d’un cas dans lequel des « conséquences collatérales » découlant du résultat de l’appel pourraient créer le contexte d’opposition nécessaire mentionné dans l’arrêt Borowski. L’article 8 du Règlement prévoit qu’un breveté peut être responsable devant un fabricant de produits génériques relativement à la perte subie par ce dernier si une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité au fabriquant de produits génériques est infirmée en appel.

 

[…]

 

Deuxièmement, la décision d’un appel aura une incidence pratique sur les droits des parties. Si Apotex a gain de cause, son accès au recours en vertu de l’article 8 sera préservé. Si l’appel est rejeté en raison de son caractère théorique, Apotex se verra refuser l’accès à ce recours et n’aura aucun autre recours possible.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[26]           Le juge Rothstein s’est reporté au Règlement, modifié par DORS/98‑166, qui importait des modifications apportées au premier Règlement pris en 1993. Il a mentionné l’étude d’impact de la réglementation selon laquelle la version de 1998 du Règlement indiquait plus clairement à la Cour dans quelles circonstances des dommages‑intérêts pouvaient être accordés à un fabricant de produits génériques pour l’indemniser de la perte subie en raison du retard dans la commercialisation de son médicament en vertu du Règlement et les facteurs qui pouvaient être pris en considération dans le calcul des dommages‑intérêts. Contrairement à l’ancien article 8, l’article 8 actuel mentionne expressément l’annulation en appel d’une ordonnance d’interdiction donnant lieu à la responsabilité d’un breveté envers un fabricant de produits génériques.

 

[27]           Le juge Rothstein a alors écrit ce qui suit :

L’article 8 ne mentionne aucunement que l’annulation en appel doit survenir avant l’expiration du brevet en question ou à la délivrance d’un avis de conformité au fabricant de produits génériques. De plus, il n’y a aucune justification à cette exigence. Si un fabricant de produits génériques a été indûment exclu du marché pendant la durée d’un brevet, le fait qu’un appel soit jugé après l’expiration du brevet ne devrait avoir aucune incidence sur le droit du fabricant de produits génériques à réclamer des dommages‑intérêts. À mon humble avis, ce serait contraire à l’objet du Règlement actuel de priver un fabricant de produits génériques de la possibilité de se prévaloir de l’article 8 du Règlement simplement parce qu’un brevet a expiré ou qu’un avis de conformité a été délivré. La responsabilité mentionnée à l’article 8 se rapporte à la période précédant l’expiration du brevet ou découle de la délivrance de l’avis de conformité au fabricant de produits génériques, et le simple fait que l’appel soit jugé après cette date n’a aucune incidence sur l’application de l’article 8.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

(ii)    L’arrêt Aventis

[28]           Je rappelle que la CAF a rendu cet arrêt le 11 octobre 2006. Aventis, la titulaire du brevet, avait interjeté appel à la CAF de l’ordonnance par laquelle la juge Tremblay‑Lamer a rejeté sa demande en vue d’obtenir une ordonnance d’interdiction en vertu du Règlement. Son brevet 457 expirait le 31 décembre 2005. Apotex a présenté une requête en rejet de l’appel en raison de son caractère théorique. N’ayant pas réussi à convaincre la CAF que son appel n’était pas théorique, Aventis avait soutenu, en ce qui concerne le deuxième volet du critère, que la Cour devait quand même entendre l’appel, parce qu’en l’absence d’une décision favorable en appel, elle s’exposait à des dommages‑intérêts en vertu de l’article 8 du Règlement et qu’elle se trouvait donc dans la même situation qu’Apotex dans l’affaire Bayer. La Cour devait donc exercer son pouvoir discrétionnaire de la même manière. La CAF n’a pas retenu l’argument pour les motifs suivants :

Signalons en premier lieu qu’à l’inverse d’Apotex dans l’arrêt Bayer, Aventis, en tant que titulaire du brevet, a le droit d’engager une action en contrefaçon de brevet (si les circonstances s’y prêtent) et, si elle obtient gain de cause, de toucher des dommages‑intérêts ou d’être indemnisée de ses pertes.

 

 

[29]           Par ailleurs, la CAF était d’avis que le risque pour Aventis d’être condamnée à des dommages‑intérêts en vertu de l’article 8 était trop éloigné et conjectural pour justifier l’instruction de l’appel. La raison pour laquelle elle en est venue à cette conclusion dans cette affaire était qu’Apotex avait déposé deux avis d’allégation différents, tranchés par deux juges différents de la Cour : dans le premier avis, elle n’avait pas plaidé l’invalidité du brevet 457, mais elle a eu gain de cause dans le deuxième avis en invoquant cet argument (Aventis, aux paragraphes 19, 20 et 21).

 

[30]           En résumé, la CAF n’était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’une décision en appel aurait une incidence pratique sur les droits d’Aventis.

 

(iii)   L’arrêt Syntex

[31]           Comme nous l’avons vu, la CAF s’est prononcée sur cette affaire en juin 2010. Il s’agissait d’un appel d’une décision de mon collègue le juge Hughes publiée à 2009 CF 494. Il avait rejeté l’action en dommages‑intérêts d’Apotex fondée sur l’article 8 du Règlement à l’encontre de Syntex et Hoffman La Roche, ayant conclu que la version du Règlement de 1993 s’appliquait à l’action et que les faits de l’action ne donnaient pas lieu à l’application de l’article 8, alors en vigueur.

 

[32]           Compte tenu des faits uniques de cette affaire et du fait qu’elle portait sur la version du Règlement de 1993, plusieurs questions de droit tranchées dans cet arrêt ne sont pas pertinentes pour l’affaire à trancher en l’espèce. Une conclusion est toutefois intéressante. Le juge Hugues a statué, en interprétant la version du Règlement de 1993 et sur le fondement des faits qui lui ont été présentés, que ce Règlement empêchait Apotex d’obtenir des dommages‑intérêts.

 

[33]           La juge Dawson a rédigé les motifs de la CAF. Elle a décrit les faits uniques de l’affaire et souligné que le juge Hughes avait conclu que le ministre avait délivré un avis de conformité à Apotex sans retard indu.

 

[34]           Voici ce qu’elle a écrit aux paragraphes 36 et 37 :

Aux termes de la version du Règlement de 1993, lorsqu’un innovateur engageait une procédure visant à obtenir une ordonnance d’interdiction, il obtenait l’équivalent d’une injonction interlocutoire interdisant la délivrance d’un avis de conformité jusqu’à un maximum de 30 mois. L’innovateur n’est pas tenu de satisfaire au critère pour l’obtention d’une injonction et de s’engager à payer des dommages‑intérêts. En de telles circonstances, l’article 8 du Règlement visait à fournir un recours au fabricant de médicaments génériques lorsque l’innovateur n’arrivait pas à démontrer que les allégations d’invalidité ou d’absence de contrefaçon du fabricant n’étaient pas justifiées. À mon avis, l’article 8 ne visait pas à fournir un recours lorsque l’innovateur avait gain de cause dans la procédure d’interdiction, même si le fabricant de médicaments génériques avait ultérieurement gain de cause dans un litige en matière de brevets. Par conséquent, je suis d’accord avec le juge pour dire qu’Apotex ne peut « revenir en arrière et demander que le brevet 671 soit déclaré invalide dans le cadre de l’action au motif qu’il était expiré au sens de l’article 8 » de la version du Règlement de 1993.

 

Je ne crois pas que l’interprétation du Règlement proposée par Apotex soit correcte parce qu’elle exigerait que les tribunaux réécrivent l’article 8. De plus, comme l’a souligné Apotex au paragraphe 62 de son mémoire de faits et de droit, selon son interprétation, aucune ordonnance d’interdiction n’est délivrée relativement au brevet pour lequel une action en vertu de l’article 8 est intentée. En l’espèce, une ordonnance d’interdiction a été délivrée à l’égard du brevet sur lequel l’action en vertu de l’article 8 est fondée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

(iv)   L’arrêt Ratiopharm

[35]           La CAF a rendu cet arrêt le 28 juin 2011. La CAF était saisie d’une requête présentée en application de l’article 399 des Règles par laquelle Ratiopharm sollicitait l’annulation de l’ordonnance d’interdiction qu’elle avait rendue le 9 juin 2006 en faveur de Pfizer en accueillant l’appel d’une décision de la Cour fédérale rejetant une telle demande d’ordonnance.

 

[36]           À la suite de l’ordonnance rendue par la CAF en 2006, Ratiopharm a institué une action en invalidation fondée sur la Loi sur les brevets en vue de faire déclarer invalide le brevet 393 de Pfizer. Dans un jugement daté du 8 juillet 2009, le juge Hughes a conclu que le brevet était invalide pour plusieurs motifs. La CAF a confirmé cette décision dans 2010 CAF 204. La requête de Ratiopharm présentée à la CAF visait à obtenir l’annulation de l’ordonnance d’interdiction de la CAF rendue en application de l’alinéa 399(2)a) des Règles parce que « des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue » (l’ordonnance d’interdiction de 2006) ou en application de l’alinéa 399(2)b), parce que l’ordonnance a été obtenue par fraude.

 

[37]           Ratiopharm sollicitait également une ordonnance rejetant la demande d’interdiction initiale déposée en 2004 auprès de la Cour fédérale.

 

[38]           Ratiopharm a plaidé devant la CAF que l’annulation de l’ordonnance d’interdiction de 2006 lui donnerait le droit de solliciter une indemnité en vertu de l’article 8 du Règlement pour les pertes subies au cours de la période où elle été écartée du marché en raison de l’instance relative à l’avis de conformité. L’ordonnance d’interdiction de 2006 a expiré lorsqu’un avis de conformité a été délivré à Ratiopharm pour un produit sur le marché. La CAF a statué que la question était théorique en ce qui concernait l’alinéa 399(2)a) des Règles, mais qu’elle ne l’était pas en ce qui avait trait à l’alinéa 399(2)b). Le juge Létourneau, qui a rédigé les motifs de la CAF, a poursuivi en déclarant ce qui suit :

[…] Cependant, la contestation de Ratiopharm et les litiges récurrents concernant l’interprétation et l’application de l’article 8 indiquent qu’il semble subsister une certaine ambiguïté en ce qui a trait à l’interaction de l’instance relative à l’avis de conformité et de l’action en invalidation. Je crois qu’il serait dans l’intérêt public et dans l’intérêt d’éventuels plaideurs que la Cour fournisse ce qu’elle espère être des indications claires.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[39]           Sous le titre « La décision du juge Hughes dans l’action en invalidation est‑elle un fait nouveau suivant l’alinéa 399(2)a) des Règles? », il a écrit ce qui suit au paragraphe 14 de ses motifs :

Je commencerai mon analyse avec deux principes bien établis. Premièrement, les instances relatives aux avis de conformité et les actions en invalidation sont différentes quant à leur portée, leur objet et la procédure applicable. Ainsi, des conséquences juridiques différentes en découlent. Deuxièmement, l’instance relative à un avis de conformité n’exclut pas l’action en invalidation en vertu de la Loi afin de faire invalider un brevet. Elle ne constitue pas une décision définitive relativement aux droits d’un breveté.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[40]           Il a ensuite cité les paragraphes 6 à 9 de la décision de la juge Layden‑Stevenson, maintenant juge à la CAF, dans Fournier Pharma Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1718, sur la nature, l’objet et la portée des instances relatives aux avis de conformité et leur relation avec les actions en invalidation.

 

[41]           Voici ce qu’il a alors écrit aux paragraphes 16, 17 et 18 :

Comme l’a déclaré la Cour dans l’arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272, aux pages 286 et 287, la première personne bénéficie d’un avantage significatif à court terme lorsqu’elle obtient une ordonnance d’interdiction. Elle s’expose toutefois à une réclamation en dommages‑intérêts compensatoires en vertu de l’article 8 si la demande d’interdiction est retirée, fait l’objet d’un désistement ou est rejetée par le tribunal qui entend la demande. La mesure de réparation de l’article 8 est également possible si l’ordonnance d’interdiction est infirmée en appel. L’atteinte de cet équilibre entre les droits et les obligations des parties « encourage l’usage du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pour la fin à laquelle il vise : la prévention de la contrefaçon » (voir Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., [2010] 2 R.C.F. 389, au paragraphe 60, 2009 CAF 187).

 

La procédure en vertu de l’article 6 est engagée par le breveté qui cherche à obtenir une interdiction contre le ministre. « [P]uisqu’elle revêt la forme d’un recours sommaire en contrôle judiciaire, il est impossible de concevoir qu’elle puisse donner lieu à une demande reconventionnelle de la part de l’intimé en vue de pareil jugement déclaratoire » d’invalidité ou d’absence de contrefaçon (voir l’énoncé du juge Hugessen dans Merck Frost Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), aux pages 319 et 320, approuvé par la Cour suprême du Canada dans Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, au paragraphe 95). « L’invalidité de brevet, tout comme la contrefaçon de brevet, n’est pas une question relevant d’une procédure de ce genre », nonobstant le fait que l’alinéa 7(2)b) du Règlement AC semble prévoir un tel jugement déclaratoire (ibidem).

 

Notre Cour a examiné le champ d’application de l’article 8 et sa relation avec l’action en invalidation dans l’arrêt Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2010 CAF 155. La juge Dawson, pour une cour unanime, a écrit ce qui suit au paragraphe 36 :

 

[36] Aux termes de la version du Règlement de 1993, lorsqu’un innovateur engageait une procédure visant à obtenir une ordonnance d’interdiction, il obtenait l’équivalent d’une injonction interlocutoire interdisant la délivrance d’un avis de conformité jusqu’à un maximum de 30 mois. L’innovateur n’est pas tenu de satisfaire au critère pour l’obtention d’une injonction et de s’engager à payer des dommages‑intérêts. En de telles circonstances, l’article 8 du Règlement visait à fournir un recours au fabricant de médicaments génériques lorsque l’innovateur n’arrivait pas à démontrer que les allégations d’invalidité ou d’absence de contrefaçon du fabricant n’étaient pas justifiées. À mon avis, l’article 8 ne visait pas à fournir un recours lorsque l’innovateur avait gain de cause dans la procédure d’interdiction, même si le fabricant de médicaments génériques avait ultérieurement gain de cause dans un litige en matière de brevets. Par conséquent, je suis d’accord avec le juge pour dire qu’Apotex ne peut « revenir en arrière et demander que le brevet 671 soit déclaré invalide dans le cadre de l’action au motif qu’il était expiré au sens de l’article 8 » de la version du Règlement de 1993 [Soulignement omis.]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[42]           Le juge Létourneau a conclu sur ce point au paragraphe 19 :

L’avocat de Ratiopharm a soutenu que cette conclusion de la juge Dawson a été tirée à l’égard d’une version antérieure de l’article 8 et qu’il ne convient donc pas de la suivre. Avec respect, je crois que la conclusion est toujours valable et bien fondée en droit sous le régime du nouvel article 8 et doit s’appliquer en l’espèce. L’invalidité du brevet 393 déclarée dans le cadre de l’action en invalidité est un fait découvert après l’ordonnance de 2006. Elle n’est cependant pas un fait nouveau au sens de l’alinéa 399(2)a) des Règles qui, en droit, justifierait l’annulation de l’ordonnance de 2006 au motif que le brevet 393 était « expiré » au sens de l’alinéa 7(2)a) et de l’article 8 du Règlement AC. La décision ultérieure invalidant le brevet 393 ne fournit pas de fondement en vertu duquel l’ordonnance d’interdiction prononcée par la Cour devrait être annulée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[43]           Le juge Létourneau a poursuivi en concluant que l’application de l’alinéa 399(2)b) n’était pas établie eu égard à la preuve et qu’on ne pouvait invoquer cette disposition pour annuler l’ordonnance de 2006. Il a donc rejeté la requête de Ratiopharm.

 

[44]           L’avocat d’Apotex a soutenu que la Cour suprême du Canada serait en mesure de clarifier ce qu’il appelait de la jurisprudence contradictoire. Il a mentionné que Ratiopharm avait sollicité l’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt de la CAF en faisant valoir ce qui suit :

[traduction] Le pourvoi projeté de Ratiopharm soulève les questions d’importance nationale suivantes : a) Un innovateur doit‑il être passible de dommages‑intérêts envers un fabricant de médicaments génériques pour que l’équilibre au cœur du Règlement soit maintenu lorsque le brevet invoqué pour interdire l’approbation d’un médicament générique en vertu du Règlement est plus tard déclaré invalide dans une action, et l’ordonnance d’interdiction devrait‑elle être annulée en application de l’alinéa 399a) des Règles des cours fédérales, à titre de fait nouveau survenu après que l’ordonnance a été rendue, ou en vertu de la compétence inhérente de la Cour [...].

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[45]           J’ai été informé que la Cour suprême du Canada a rejeté, le 22 décembre 2011, la demande d’autorisation d’appel et, comme à l’habitude, elle n’a pas fourni de motifs.

 

[46]           L’avocat d’Apotex a également mentionné que son client avait déposé, le 11 juin 2011, devant la Cour suprême du Canada une requête en réexamen de son rejet de la demande d’autorisation de pourvoi dans Syntex, et que la requête était toujours en instance.

 

VI.       Conclusions

[47]           La requête par laquelle les défenderesses sollicitent le rejet de l’action en invalidation d’Apotex doit être accueillie.

 

[48]           L’expiration du brevet 615 rend l’action en invalidation d’Apotex théorique, dans la mesure où elle repose sur le brevet 615.

 

[49]           La question fondamentale en l’espèce a toujours été de savoir si la Cour devait exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’action, qui repose en partie sur l’existence du brevet 615.

 

[50]           L’avocat d’Apotex ne m’a pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les droits d’Apotex seront brimés si son action en invalidation à l’égard du brevet 615 est radiée. La jurisprudence de la CAF établit clairement que dans les circonstances de l’espèce il n’y a pas d’effet rétroactif en vertu de l’article 8 du Règlement.

 

[51]           Apotex a soutenu avec vigueur que la requête des défenderesses ne devait pas être accueillie pour des motifs d’économie des ressources judiciaires parce que l’action en invalidation se poursuivrait quand même à l’égard du brevet 330, insistant sur le fait que le brevet 615 et le brevet 330 avaient tous deux une source commune, qu’ils avaient été tous deux instruits au procès et en CAF et que la preuve concorderait.

 

[52]           Cet argument exerce un certain attrait, mais je dois le rejeter pour les motifs suivants. Premièrement, dans la présente décision j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aura pas d’incidence sur les droits d’Apotex si le brevet 615, maintenant expiré, est radié de l’action en invalidation. Dans les circonstances, il n’y a aucune raison de poursuivre le procès en ce qui a trait au brevet 615. Deuxièmement, l’invalidité du brevet 615 n’a pas été mise en cause pendant l’instance relative à l’avis de conformité. Il serait nécessaire de présenter de nouveaux éléments de preuve au procès. Apotex n’a pas expliqué à la Cour, par voie d’affidavit, l’incidence que la poursuite d’une question qui n’est pas en litige aurait sur le procès. Troisièmement, dans les circonstances, il est illogique d’utiliser le temps des tribunaux et de demander à un juge d’examiner des éléments de preuve complexes et de rendre une décision qui n’a aucune utilité pratique.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la requête des défenderesses est accueillie avec dépens. La partie de l’action en invalidation d’Apotex fondée sur le brevet 615, maintenant expiré, est rejetée.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                     T‑1252‑09

 

INTITULÉ :                                                   APOTEX INC. c
WARNER‑LAMBERT COMPANY et al

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 février 2012

 

 

Comparutions :

 

 

Andrew Bordkin

Michel Anderson

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Andrew Berstein

Alexandra Peterson

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Torys LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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