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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20110913

Dossier : T-1687-10

Référence : 2011 CF 1070

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

YOLANDA GIRAO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ZAREK TAYLOR GROSSMAN

HANRAHAN LLP

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Mme Yolanda Girao, demande des réparations au titre d’une violation de sa vie privée découlant de la communication de ses renseignements personnels contenus dans une lettre et un rapport de conclusions émis par la commissaire à la protection de la vie privée du Canada que le cabinet d’avocats défendeur a affiché sur son site Web. Mme Girao demande notamment une indemnité d’un montant de 5 000 000,00 $ pour humiliation publique et dommage moraux.

 

[2]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu de l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), L.C. 2000, ch. 5, relativement à une plainte déposée auprès de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada (CPVPC) le 26 janvier 2010.

 

LE CONTEXTE :

 

[3]               Mme Girao s’est représentée elle-même dans le cadre de la présente demande. Elle est engagée dans un litige de longue date avec Allstate du Canada, compagnie d’assurance (Allstate) concernant le droit à des indemnités d’accident à la suite d’un accident de voiture survenu en 2002. Mme Girao a reçu un paiement d’Allstate en vertu de l’Annexe sur les indemnités d'accident légales – Accidents survenus le 1er novembre 1996 ou après ce jour (AIAL), Règl. de l'Ont. 403/96 à la Loi sur l’assurance, L.R.O. 1990, c. I.8, modifiée, au titre de différentes indemnités et d’une protection d’une durée limitée.

 

[4]               Mme Girao a demandé à ce qu’il soit déterminé qu’elle souffrait d’une déficience invalidante à la suite de l’accident, ce qui, le cas échéant, lui aurait donné droit à des indemnités complémentaires et à une protection accrue. Une évaluation réalisée en juin 2006 a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux critères médicaux d’une déficience invalidante au sens de l’AIAL. Allstate a refusé de lui verser les indemnités correspondantes. Mme Girao a demandé à la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) de régler cette question et des questions connexes par voie de médiation. La médiation a échoué, et Mme Girao a soumis l’affaire à l’arbitrage devant la CSFO. Le cabinet d’avocat défendeur Zarek Taylor Grossman Hanrahan LLP (ZTGH) représente Allstate dans ces instances.

 

[5]               En vue de l’arbitrage, Mme Girao et Allstate ont obtenu une série d’évaluations de professionnels de la santé basés en Ontario qui ne s’entendaient pas quant à l’étendue des blessures que Mme Girao avait subies à la suite de l’accident. Allstate a ensuite envoyé les évaluations à des médecins consultants aux États-Unis pour examen, étant donné que les critères d’évaluation d’une déficience invalidante en Ontario sont fondés sur les lignes directrices de l’American Medical Association. En décembre 2007, Mme Girao a déposé une plainte auprès de la CPVPC contre Allstate à qui elle reprochait d’avoir communiqué ses renseignements personnels aux consultants sans son consentement.

 

[6]               Le 23 février 2009, la commissaire adjointe à la protection de la vie privée de l’époque a émis un rapport de conclusions déclarant que la plainte n’était pas bien fondée (le « rapport de 2009 »). Le rapport concluait que, dans le contexte des instances devant la CSFO, Allstate n’avait pas communiqué les renseignements personnels de la demanderesse de manière insouciante. En instituant une procédure d’arbitrage dans laquelle elle mettait ses antécédents médicaux personnels en cause, la plaignante avait donné son consentement implicite à la collecte, l’utilisation et la communication de ses renseignements personnels.

 

[7]               Le rapport de 2009 a été posté aux procureurs d’Allstate ZTGH et à la demanderesse avec une lettre d’accompagnement (la « lettre de décision de 2009 »). Quelque temps après, la CPVPC a affiché un résumé du rapport de 2009 sur son site Web pour permettre un accès public aux [TRADUCTION] « leçons retenues » de la demande sans identifier la plaignante ni Allstate.

 

[8]               Le 28 février 2009 ou aux environs de cette date, Eric Grossman, un associé du cabinet ZTGH, a demandé à son adjoint de donner instruction au webmestre de ZTGH d’afficher le rapport de 2009 sur le site Web de ZTGH contenant son profile sous la rubrique [TRADUCTION] « Décisions récentes ». Me Grossman affirme dans son affidavit qu’il a fait cela parce que la décision était pertinente et présentait un intérêt pour les clients de ZTGH. Le webmestre a affiché sur le site Web le rapport de 2009 et la lettre de décision de 2009 adressée à Allstate. Le lien vers la page contenant ces documents désignait l’affaire sous l’intitulé « Girao v. Allstate Insurance » et indiquait qu’elle concernait une [TRADUCTION] « Plainte en matière de vie privée ».

 

[9]               En juin 2009, Mme Girao a déposé une plainte auprès de la CPVPC au sujet de la surveillance effectuée par un entrepreneur engagé par Allstate. En mars 2010, la CPVPC a rendu une deuxième décision en faveur d’Allstate concluant que la surveillance n’allait pas au-delà de ce à quoi l’on s’attendrait normalement dans le contexte d’un litige en matière d’assurance.

 

[10]           Le 26 janvier 2010, la CPVPC a reçu une plainte de la demanderesse concernant l’affichage du rapport de 2009 et la lettre de décision de 2009. L’époux de la demanderesse, Victor Mesta, avait trouvé les renseignements sur un site Web commercial basé aux États-Unis, www.doctstoc.com, qui recueille et diffuse des documents reliés à un vaste éventail d’entreprises dont celles de professionnels de la santé. M. Mesta avait consulté le site en mai 2009 à la recherche de renseignements concernant d’autres affaires mettant en cause les consultants américains d’Allstate et touchant la question des déficiences invalidantes.

 

[11]           Me Grossman a appris l’existence de la plainte le 26 février 2010 ou aux environs de cette date lorsqu’il a reçu un appel d’un représentant de la CPVPC. Il a donné des instructions pour que les renseignements soient immédiatement retirés du site Web du cabinet, ce qui a été fait dans les deux heures après que la question eut été portée à son attention.

 

[12]           Pendant la période où le rapport et la lettre de 2009 ont été affichés sur le site Web de ZTGH, la page a reçu 247 visiteurs uniques, c’est-à-dire de personnes qui ont consulté la page à partir d’adresses Web différentes, dont certaines étaient des membres du cabinet. À la date de l’audience, il appert que les renseignements apparaissaient toujours sur le site américain. À cet endroit, la page avait été consultée quelque 14 fois avant novembre 2010, en incluant les consultations effectuées par l’époux de la demanderesse et par des membres de ZTGH. Il n’y a aucune preuve d’une diffusion plus large du contenu ni d’un intérêt plus grand à son égard.

 

[13]           Dans une décision datée du 28 septembre 2010, la commissaire adjointe à la protection de la vie privée Chantal Bernier a conclu que la plainte de la demanderesse contre ZTGH était bien fondée et avait été réglée. Dans le rapport de conclusions (le « rapport de 2010 ») qui accompagnait la lettre de décision, la CPVPC notait que la lettre de décision de 2009 envoyée à Mme Girao et à Allstate contenait le nom de la plaignante. Bien que le rapport de 2009 n’identifiât pas Mme Girao nommément, il contenait ce que le rapport de 2010 décrit comme ses [TRADUCTION] « renseignements personnels dont des détails relatifs à différents processus dans lesquels elle avait été engagée au fil des ans pour régler un litige relatif à des indemnités avec Allstate. »

 

[14]           Le rapport de 2010 citait l’explication de ZTGH selon laquelle sa décision d’afficher le rapport de 2009 avait été fondée sur la croyance qu’un rapport de conclusions émis par la CPVPC était un document public qui ne se distinguait en rien des décisions rendues par des tribunaux. Le paragraphe 7 du rapport de 2010 énonce que ZTGH a été informée que les rapports de conclusions ne sont pas des documents publics auxquels le grand public peut avoir accès sur demande et que la demanderesse n’avait pas consenti à la communication de ses renseignements personnels.

 

[15]           La CPVPC était saisie de la question de savoir si ZTGH avait communiqué les renseignements personnels de la plaignante sans son consentement. Au paragraphe 11, le rapport de 2010 énonce ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

Bien que le Commissariat ne considère pas que le rapport de conclusion est un document public, la Loi ne dispose pas non plus que ce document précis doit être traité comme confidentiel. À mon avis, ce qui ressort clairement de la présente affaire, c’est que le rapport de conclusion envoyé aux deux parties contenait effectivement les renseignements personnels de la plaignante, que ce soit ou non aux côtés de la lettre d’accompagnement (laquelle indiquait bien en évidence le nom de la plaignante). Puisque ZTGH ne disposait pas du consentement de la plaignante à la communication de ses renseignements personnels, comme l’exigeait le principe 4.3, ZTGH a violé ce principe lorsqu’elle a affiché les documents sur son site Web, où quiconque ayant accès au Web pouvait les lire.

 

 

[16]           La CPVPC a conclu que la plainte avait été réglée par le retrait de la lettre de décision de 2009 et du rapport de 2009 du site Web.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE :

 

[17]           Une bonne part des observations écrites et de la plaidoirie de la demanderesse concernent l’objet de la première plainte que Mme Girao a déposée auprès de la CPVPC contre Allstate. L’avis d’appel dans la présente affaire traite uniquement de la décision du 28 septembre 2010, et Allstate n’est pas partie à la présente instance. En conséquence, la Cour n’a pas compétence en vertu de l’article 14 de la LPRPDE pour revoir cette affaire à présent.

 

[18]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1.      ZTGH a-t-elle contrevenu au droit de la demanderesse au respect de sa vie privée lorsqu’elle a affiché le rapport de conclusions et la lettre d’accompagnement de la CPVPC sur son site Web?

2.      Si oui, la demanderesse a-t-elle droit à des réparations dont un octroi de dommages-intérêts?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES :

 

[19]           L’article 14 de la LPRPDE permet à un individu de déposer une demande à la Cour fédérale après avoir reçu un rapport de la CPVPC concernant une plainte :

14. (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire ou l’avis l’informant de la fin de l’examen de la plainte au titre du paragraphe 12.2(3), le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l’objet de la plainte — ou qui est mentionnée dans le rapport — et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2,4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l’annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels qu’ils sont modifiés ou clarifiés par la section 1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7) ou à l’article 10.

14. (1) A complainant may, after receiving the Commissioner’s report or being notified under subsection 12.2(3) that the investigation of the complaint has been discontinued, apply to the Court for a hearing in respect of any matter in respect of which the complaint was made, or that is referred to in the Commissioner’s report,

and that is referred to in clause 4.1.3, 4.2,4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 or 4.8 of Schedule 1, in clause 4.3, 4.5 or 4.9 of that Schedule as modified or clarified by Division 1, in subsection 5(3) or 8(6) or (7) or in section 10.

 

[20]           L’article 16 de la LPRPDE confère à la Cour le pouvoir d’accorder des réparations à la partie demanderesse, dont des dommages-intérêts, si elle l’estime juste :

16. La Cour peut, en sus de toute autre réparation

qu’elle accorde :

 

a) ordonner à l’organisation de revoir ses pratiques de façon à se conformer aux articles

5 à 10;

 

 

b) lui ordonner de publier un avis énonçant les mesures prises ou envisagées pour corriger ses pratiques, que ces dernières aient ou non fait l’objet d’une ordonnance visée à l’alinéa a);

 

c) accorder au plaignant des dommages-intérêts, notamment en réparation de l’humiliation subie.

 

16. The Court may, in addition to any other remedies it may give,

 

(a) order an organization to correct its practices in order to comply with sections 5 to 10;

 

 

 

(b) order an organization to publish a notice of any action taken or proposed to be taken

to correct its practices, whether or not ordered to correct them under paragraph (a);

 

And (c) award damages to the complainant, including damages for any humiliation that the complainant has suffered.

 

[21]           L’article 4.3 du troisième principe de l’annexe 1 de la LPRPDE énonce les principes de la norme nationale intitulée Code type sur la protection des renseignements personnels CAN/CSA‑Q830-96. L’article 4.3 est intitulé « Consentement », et il est ainsi rédigé :

Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.

 

The knowledge and consent of the individual are required for the collection, use, or disclosure of personal information, except where inappropriate.

 

 

[22]           Une note afférente à ce principe reconnaît certaines situations dans lesquelles il peut être légitime de communiquer des renseignements sans le consentement exprès d’un individu :

Note : Dans certaines circonstances, il est possible de recueillir, d’utiliser et de communiquer des renseignements à l’insu de la personne concernée et sans son consentement. Par exemple, pour des raisons d’ordre juridique ou médical ou pour des raisons de sécurité, il peut être impossible ou peu réaliste d’obtenir le consentement de la personne concernée. Lorsqu’on recueille des renseignements aux fins du contrôle d’application de la loi, de la détection d’une fraude ou de sa prévention, on peut aller à l’encontre du but visé si l’on cherche à obtenir le consentement de la personne concernée. Il peut être impossible ou inopportun de chercher à obtenir le consentement d’un mineur, d’une personne gravement malade ou souffrant d’incapacité mentale. De plus, les organisations qui ne sont pas en relation directe avec la personne concernée ne sont pas toujours en mesure d’obtenir le consentement prévu. Par exemple, il peut être peu réaliste pour une œuvre de bienfaisance ou une entreprise de marketing direct souhaitant acquérir une liste d’envoi d’une autre organisation de chercher à obtenir le consentement des personnes concernées. On s’attendrait, dans de tels cas, à ce que l’organisation qui fournit la liste obtienne le consentement des personnes concernées avant de communiquer des renseignements personnels.

 

Note: In certain circumstances personal information can be collected, used, or disclosed without the knowledge and consent of the individual. For example, legal, medical, or security reasons may make it impossible or impractical to seek consent. When information is being collected for the detection and prevention of fraud or for law enforcement, seeking the consent of the individual might defeat the purpose of collecting the information. Seeking consent may be impossible or inappropriate when the individual is a minor, seriously ill, or mentally incapacitated. In addition, organizations that do not have a direct relationship with the individual may not always be able to seek consent. For example, seeking consent may be impractical for a charity or a direct-marketing firm that wishes to acquire a mailing list from another organization. In such cases, the organization providing the list would be expected to obtain consent before disclosing personal information.

 

 

ANALYSE :

           

ZTGH a-t-elle contrevenu au droit de la demanderesse au respect de sa vie privée lorsqu’elle a affiché le rapport de conclusions et la lettre d’accompagnement de la CPVPC sur son site Web?

 

[23]           L’instruction en Cour fédérale d’une demande présentée en vertu du paragraphe 14(1) de la LPRPDE après la réception d’un rapport de la CPVPC est un examen de novo des conclusions et des recommandations de la commissaire : Randall c. Nubody’s Fitness Centres, 2010 CF 681, au paragraphe 32; Nammo c. TransUnion of Canada Inc., 2010 CF 1284, au paragraphe 28. Ce qui est examiné, ce n'est pas le rapport de la commissaire, mais la conduite de la partie contre qui la plainte est déposée : Englander c. Telus Communications Inc., 2004 CAF 387, aux paragraphes 47‑48.

[24]           Ici, la demanderesse soutient que la défenderesse a contrevenu à son droit au respect de sa vie privée protégé en vertu de la LPRPDE. D’une façon générale, la notion de vie privée intègre « celles d’intimité, d’identité, de dignité et d’intégrité de l’individu » : Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Bureau d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, [2007] 1 R.C.F. 203, au paragraphe 52. La vie privée peut également se définir comme « le droit du particulier de déterminer lui‑même quand, comment et dans quelle mesure il diffusera des renseignements personnels le concernant » : R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, au paragraphe 27.

[25]           Le rapport de 2009 contenait notamment les renseignements suivants :

·        la plainte reprochant à Allstate d’avoir communiqué les renseignements personnels de la demanderesse à un tiers sans son consentement;

·        un résumé de l’enquête de la CPVPC qui exposait sommairement le contexte des procédures dans le cadre desquelles la demanderesse avait demandé des indemnités et une protection complémentaires;

·        un résumé des évaluations médicales obtenues aux fins des procédures de médiation et d’arbitrage;

·        une analyse des principes de la LPRPDE qui s’appliquaient à la plainte;

·        les constatations et la conclusion statuant que la plainte n’était [traduction] « pas fondée ».

 

[26]           Une bonne part de ces renseignements apparaît également dans le résumé affiché par la CPVPC sur son site Web, probablement avec le consentement de la demanderesse.

 

[27]           La défenderesse soutient que le seul renseignement qui a été affiché sur son site Web et qui est un renseignement personnel est le nom de la demanderesse. Aucun autre renseignement signalétique tel que son adresse n’a été affiché. La défenderesse soutient que le consentement de la demanderesse n’était pas requis pour afficher le rapport et la lettre de 2009 parce que de tels documents devraient être considérés comme étant de nature publique. Si un consentement était requis, soutient la défenderesse, il devrait être considéré comme implicite étant donné la participation de la demanderesse à un litige connexe dans le cadre duquel les mêmes renseignements et même davantage de renseignements au sujet des antécédents de la demanderesse avaient été rendus publics à plusieurs occasions.

 

[28]           La défenderesse soutient que l’affichage des documents a entraîné la communication de renseignements qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. La défenderesse soutient que cela s’accorde avec le paragraphe 5(3) de la LPRPDE :

L’organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

An organization may collect, use or disclose personal information only for purposes that a reasonable person would consider are appropriate in the circumstances.

 

[29]            La défenderesse a produit la preuve d’une décision et d’une ordonnance concernant l’arbitrage de la demanderesse devant la CSFO. La CSFO a publié la décision et l’ordonnance sur son site Web sans en retrancher les renseignements personnels de la demanderesse dont ses antécédents médicaux, des détails au sujet des procédures judiciaires dans lesquelles elle était engagée ni son nom. Dans le cadre de la présente demande, la demanderesse a également produit des renseignements d’une nature plus sensible que ceux qui apparaissent dans le rapport de 2009, notamment un rapport psychiatrique, sans demander qu’ils soient traités comme confidentiels. Lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet, Mme Girao a affirmé que ce n’était pas la publication des détails de son histoire personnelle qui la préoccupait, mais bien l’appropriation et l’utilisation de ses renseignements personnels par ZTGH sans son consentement.

 

[30]           Mme Girao reconnaît que ce qui a été publié sur le site Web de la CSFO et dans le cadre d’autres litiges dans lesquels elle est engagée, notamment dans le dossier public de la présente instance, en révèle beaucoup plus à son sujet que ne le fait le rapport de la CPVPC qui a été affiché sur le site Web de la défenderesse. Elle soutient cependant que la différence tient au fait qu’elle s’est engagée dans les autres litiges et dans la présente instance en sachant que ses renseignements personnels seraient accessibles au public et elle a consenti à leur communication dans ces contextes. Elle n’a donné aucun consentement semblable à la communication à ZTGH du rapport de 2009 concernant sa plainte contre Allstate.

 

[31]           La demanderesse soutient qu’il est non pertinent qu’elle ait volontairement communiqué les renseignements concernant son différend avec Allstate et ses antécédents médicaux dans d’autres procédures qui sont de nature publique, dont la présente demande. Elle dit que le rapport de 2009 et la lettre de décision de 2009 contenaient ses renseignements personnels et que leur communication dans toute autre tribune ou tout autre contexte était sujette à son consentement.

 

[32]           L’étendue de la notion de « renseignements personnels » ne ressort pas clairement de la Loi ni de la jurisprudence. La Cour d’appel fédérale a examiné le sens de l’expression dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, au paragraphe 43, dans le contexte d’une procédure régie par la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l’accès à l’information. Je retiens de cet arrêt et des décisions qui y sont citées que des renseignements sont personnels s’ils « concernent » un individu identifiable. Une personne sera identifiable si les renseignements communiqués, combinés à d’autres renseignements accessibles au public, tendraient à l’identifier ou pourraient l’identifier. Ici, il ne faisait aucun doute que les renseignements contenus dans le rapport de 2009 « concernaient » Mme Girao et sa plainte contre Allstate puisque Mme Girao était nommée dans la lettre de décision. Ainsi, il s’agissait de renseignements personnels visés par la LPRPDE, comme la CPVPC l’a conclu.

 

[33]           L’avocat de la défenderesse a laissé entendre à l’audience que la présente demande constituait une attaque incidente dirigée par Mme Girao contre ZTGH et, en particulier, contre Me Grossman, à cause de leur défense des intérêts d’Allstate dans le cadre du litige en matière d’assurance. Bien que le ton des observations de Mme Girao indique qu’il y a peut-être un certain fondement à cette préoccupation, les mobiles de la partie demanderesse dans le cadre d’un examen en vertu de la LPRPDE ne sont pas pertinents : Waxer c. J.J. Barnicke Limited, 2009 CF 170, au paragraphe 28; Wyndowe c. Rousseau, 2008 CAF 39, au paragraphe 9. Si une contravention à la loi est établie, la demanderesse a droit à réparation indépendamment de ses mobiles.

 

[34]           La défenderesse soutient que la position de la commissaire selon laquelle ses rapports sont confidentiels est incompatible avec le principe de la publicité des débats judiciaires et l’obligation de motiver les décisions tels qu’ils s’appliquent aux procédures judiciaires et quasi-judiciaires. Il appert que la ZTGH a traité le rapport comme une décision analogue à celles rendues par des tribunaux dans des procédures contradictoires. La défenderesse soutient que de tels rapports devraient être accessibles au public afin d’informer les personnes assujetties à la LPRPDE et leurs conseillers juridiques au sujet de la portée de la loi afin qu’ils puissent, selon le cas, organiser leurs affaires ou conseiller leurs clients en conséquence. La défenderesse s’appuie sur la reconnaissance par la commissaire au paragraphe 11 du rapport de 2010 de ce que la LPRPDE n’énonce nulle part que les rapports de la CPVPC sont confidentiels et ne doivent pas être publiés.

 

[35]           Le rapport de 2009 avait une certaine importance dans le domaine des litiges en matière d’assurance. La CPVPC a affiché un résumé de trois pages du rapport sur son site Web pour informer le public au sujet de l’application de la loi et du travail du Commissariat. Cela ne signifie pas que l’enquête effectuée par la CPVPC soit aussi publique que les travaux des tribunaux administratifs et judiciaires dans notre système. D’ailleurs, le paragraphe 20(1) de la LPRPDE oblige la commissaire et son personnel à ne divulguer aucun renseignement qui est porté à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions, sous réserve de certaines exceptions précises, notamment au titre de l’obligation de présenter un rapport aux organisations vérifiées.

 

[36]           La question n’est donc pas claire de savoir ce qui peut être fait de ces rapports. Comme je l’ai déjà indiqué, la LPRPDE ne traite pas de la question. Je présume que les rapports en question sont assez largement diffusés auprès des organisations vérifiées et au sein de la communauté juridique pour améliorer l’observation de la loi et éclairer les conseils juridiques. Les rapports sont rédigés par le personnel de la CPVPC sans mention d’identificateurs personnels comme le nom et l’adresse. Mais les renseignements contenus dans les rapports, combinés à d’autres renseignements accessibles au public, peuvent mener à l’identification de la partie plaignante et à la communication de ses renseignements personnels sans son consentement.

 

[37]           La communication non consensuelle de renseignements personnels concernant les plaignants sous le régime de la LPRPDE est incompatible avec l’intention du législateur de promouvoir le droit au respect de la vie privée. Cette intention est compatible avec l’intérêt légitime du public d’obtenir des renseignements au sujet des décisions de la CPVPC. Ces intérêts peuvent être satisfaits par la rédaction de résumés anonymisés comme celui que la CPVPC a affiché sur son site Web.

 

[38]           Lorsqu’elle a choisi de publier le rapport de 2009 pour informer l’industrie et la profession, la défenderesse avait le fardeau de s’assurer qu’elle ne communiquerait pas de renseignements personnels concernant la plaignante sans son consentement. La défenderesse a fait preuve d’insouciance en omettant de s’assurer que Mme Girao ne pourrait pas être identifiée à partir du document qu’elle affichait.

 

[39]           Je conclus donc que la CPVPC a conclu à juste titre qu’il y avait eu contravention à la loi du fait de la publication de renseignements personnels de la demanderesse sur le site Web de la défenderesse sans le consentement de la demanderesse.

 

La demanderesse a-t-elle droit à des réparations dont un octroi de dommages-intérêts?

 

[40]            La demanderesse demande les réparations suivantes :

·        que la défenderesse soit tenue d’afficher des excuses à la demanderesse sur son site Web pendant un an pour avoir omis de se conformer au principe 4.3 énoncé à l’annexe 1 de la LPRPDE;

·        que la défenderesse soit tenue d’afficher le rapport de 2010 et la lettre l’accompagnant sur son site Web pendant un an;

·        que la défenderesse verse 5 000 000,00 $ à la demanderesse pour l’indemniser de l’humiliation publique et du dommage affectif que lui a causés la violation.

 

[41]           Mme Girao soutient que Me Grossman a affiché le rapport et la lettre de décision de 2009 afin que ZTGH et lui-même obtiennent un avantage financier, que l’acte était délibéré et qu’il lui a causé une grande humiliation publique et a mis sa santé mentale en péril. Elle soutient que ZTGH devrait lui verser une indemnité à peu près équivalente aux revenus du cabinet pendant la période durant laquelle ses renseignements ont été affichés sur le site Web du cabinet.

 

[42]           Au paragraphe 55 de la décision Randall, précitée, j’ai exprimé l’avis que des dommages‑intérêts en vertu de l’article 16 de la LPRPDE ne devraient être accordés que dans les cas les plus flagrants. Dans cette affaire, j’étais convaincu que la violation qui était survenue était le résultat d’un malentendu regrettable entre les parties qui avait été réglé par la mesure correctrice prise par la défenderesse, et que la violation ne justifiait pas l’octroi de dommages-intérêts. Dans l’affaire Nammo, précitée, le juge Zinn a octroyé 5000,00 $ de dommages-intérêts au titre d’une grave violation concernant des renseignements de nature financière d’une grande importance au plan personnel et professionnel.

 

[43]           Pour déterminer le montant des dommages-intérêts à accorder, le juge Zinn a pris en compte la nature quasi constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et il a cité l’analyse récente de la Cour suprême du Canada en matière de dommages-intérêts dans l’arrêt Vancouver (Ville) c. Ward, 2010 CSC 27. Dans cette affaire, la Cour suprême a énuméré trois objectifs visés par l’octroi de dommages-intérêts au titre de violations de la Charte canadienne des droits et libertés : l’indemnisation, la défense du droit violé et la dissuasion.

 

 

[44]           Au sujet de l’objectif d’indemnisation, la Cour suprême a affirmé, au paragraphe 48 de l’arrêt Ward, qu’il « vise à replacer la demanderesse dans la même situation que si ses droits n’avaient pas été violés. Toute demande de dommages‑intérêts compensatoires doit, comme dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle, être étayée par une preuve du préjudice subi. » Au regard de cet objectif, la demanderesse pourrait être indemnisée des pertes démontrables subies à la suite de la communication de ses renseignements personnels au moyen d’un octroi de dommages‑intérêts en vertu de l’article 16 de la LPRPDE.

 

[45]           La Cour dans l’arrêt Ward a ensuite affirmé que l’octroi de dommages-intérêts en vue de réaliser les objectifs de défense du droit et de dissuasion était « un exercice de rationalité et de proportionnalité ». La juge en chef McLachlin a affirmé au paragraphe 52 qu’« [u]n paramètre important de la fixation du montant est la gravité de la violation eu égard aux objectifs des dommages‑intérêts accordés en vertu du par. 24(1). La gravité de l’atteinte doit être évaluée au regard de son incidence sur le demandeur et de la gravité de la faute de l’État ».

 

[46]           Au paragraphe 76 de la décision Nammo, le juge Zinn a énoncé certains facteurs non exhaustifs qui pouvaient être appliqués aux demandes de dommages-intérêts en vertu de la LPRPDE devant la Cour :

·        si les dommages‑intérêts sont conformes à l’objet général de la LPRPDE et aux valeurs qui y sont enchâssées;

·        si des dommages-intérêts devraient être accordés pour décourager la perpétration d’autres violations;

·        la gravité ou l’énormité de la violation.

 

 

[47]           Lorsqu’il a évalué la gravité de la violation en cause, le juge Zinn a pris en compte les considérations suivantes dans son analyse aux paragraphes 68 à 71 de Nammo :

  • les incidences de la violation sur la santé, le bien-être et la situation sociale, commerciale et financière du demandeur;
  • la conduite de la défenderesse avant et après la violation;
  • si la défenderesse avait profité de la violation.

 

[48]           Parmi les autres facteurs qui peuvent être pertinents pour évaluer la gravité de la violation, l’on peut mentionner :

·           la nature des renseignements en cause;

·           la nature de la relation entre les parties;

·           des violations antérieures commises par la défenderesse qui dénotent un manque de respect du droit au respect de la vie privée.

 

[49]           Dans la présente affaire, les renseignements étaient personnels, mais pas très sensibles. J’admets que la violation en l’espèce était un incident isolé. Il n’y a rien au dossier qui porte à croire que les documents auraient été affichés malicieusement ou dans l’intention de causer un préjudice. Voir : Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, au paragraphe 196. Il n’y a non plus aucune preuve de violations répétées du droit au respect de la vie privée par la défenderesse. Cependant, la communication a été faite sous une forme qui met en cause le système législatif lui-même en ce qu’elle était reliée à une enquête et un rapport de conclusions de la CPVPC.

 

[50]           Le législateur s’est assuré que les Canadiens auraient le droit de déposer des plaintes pour enquête auprès de la CPVPC sans craindre que leurs renseignements personnels soient communiqués en-dehors de certaines circonstances bien précises. Les tribunaux devraient protéger ce droit. À cette fin, un octroi de dommages-intérêts serait conforme à l’objet général de la LPRPDE et aux valeurs qui y sont enchâssées. Un octroi de dommages-intérêts ferait également savoir aux avocats et aux individus ayant des responsabilités publiques accrues qu’ils doivent procéder avec prudence lorsqu’ils ont affaire à des renseignements personnels.

 

[51]           Lorsque j’examine la relation entre les parties, je relève un déséquilibre évident entre une partie qui se représente elle-même et un cabinet d’avocats. Cependant, la demanderesse connaît le processus judiciaire. Elle se représente elle-même dans une action civile devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario depuis 2008. Mme Girao a bénéficié dans le passé d’une aide juridique pour faire valoir ses demandes d’indemnités, mais elle a informé la Cour qu’elle ne faisait plus confiance à la profession en raison de différends avec ses anciens procureurs.

 

[52]           Au moment où la violation est survenue, Mme Girao était engagée dans une procédure contradictoire avec une tierce partie représentée par la défenderesse. Aussi, bien que les motifs pour lesquels elle a déposé des plaintes auprès de la CPVPC puissent être non pertinents au regard de son droit à des réparations au titre d’une violation de son droit au respect de sa vie privée, son animosité envers la défenderesse peut influer sur le montant des dommages-intérêts que la Cour pourrait accorder. J’infère de la plaidoirie passionnée de Mme Girao que ses griefs sont reliés davantage au refus de protection d’Allstate qu’à la communication de ses renseignements personnels. Mais il était également clair qu’elle éprouve une animosité considérable envers ZTGH, et envers Me Grossman en particulier, en raison du rôle que ceux-ci ont joué dans le refus de lui accorder les prestations auxquelles elle estime avoir droit.

 

[53]           Les cabinets d’avocats qui conseillent des clients qui traitent les renseignements personnels de leurs propres clients doivent être au fait du droit relatif au respect de la vie privée et des risques de communication. Les avocats ont également l’obligation publique de protéger l’intégrité du processus judiciaire. L’omission d’avocats de prendre des mesures pour protéger des renseignements personnels en leur possession peut justifier un montant plus élevé de dommages‑intérêts que celui auquel seraient condamnées d’autres parties qui sont moins bien informées sur ces questions.

 

[54]           L’article 16 de la LPRPDE ne donne aucune indication quant au montant des dommages‑intérêts qui peuvent être accordés. En l’espèce, la demanderesse soutient qu’elle a subi des dommages moraux à la suite de la violation. Pour calculer le montant de dommages-intérêts indiqué au titre de pareils dommages, il peut être utile de consulter les dispositions législatives provinciales pertinentes. L’article 65 de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario, L.O. 2004, c. 3, ann. A, peut être utile dans ce contexte puisqu’il traite de la protection de renseignements médicaux. En vertu de cette disposition, la Cour supérieure de justice peut adjuger des dommages-intérêts d’au plus 10 000,00 $ au titre de dommages moraux résultant d’une violation de la loi commise volontairement ou avec insouciance.

 

[55]           Dans certains cas, comme dans l’affaire Nammo, des dommages-intérêts peuvent également servir à indemniser un plaignant de la perte économique subie et des dépenses engagées pour composer avec les conséquences de la violation. Ici, la défenderesse souligne l’absence de tout élément de preuve au dossier de la demanderesse susceptible d’étayer la conclusion qu’elle a subi des dommages à la suite de l’affichage. La défenderesse soutient que l’affichage du rapport de 2009 n’a suscité aucune attention négative à l’endroit de la demanderesse qui justifierait l’octroi de dommages-intérêts. Je conviens que le dossier n’établit pas que la demanderesse a subi une humiliation à la suite de la violation.

 

[56]           La demanderesse affirme que sa santé mentale a été sérieusement touchée. Le dossier dont je dispose n’établit pas de lien entre le traitement qu’elle suit actuellement et la communication des renseignements personnels. Le seul rapport médical produit est un rapport d’un psychiatre daté du 4 avril 2008; près d’un an avant l’affichage du rapport et de la lettre de décision de 2009. La lettre parle de l’état psychologique et du traitement de la demanderesse en rapport avec l’accident de voiture, et nullement en rapport avec la communication subséquente de ses renseignements personnels.

 

[57]           D’après une pièce jointe à l’affidavit de Mme Girao, son époux a appris l’existence de l’affichage de ZTGH dès mai 2009. Mme Girao l’a mentionné dans une lettre adressée à un enquêteur à l’emploi de la CPVPC en août 2009, probablement alors que la première plainte était en cours d’examen. Aucune mesure n’a été prise pour en informer ZTGH avant que la CPVPC appelle Me Grossman en février 2010. Les renseignements sont donc demeurés sur le site Web de ZTGH bien plus longtemps que ce n’aurait été le cas si le cabinet avait été avisé en temps opportun. La question n’est pas claire de savoir quand le document est apparu pour la première fois sur le site Web américain.

 

[58]           La preuve indique que 247 personnes, dont des membres du cabinet ZTGH lui-même, ont accédé aux renseignements sur le site du cabinet avant le dépôt de la plainte. J’imagine que la plupart de ces personnes s’intéressaient aux questions juridiques soulevées par l’affaire et non aux renseignements personnels de Mme Girao. Bien que le rapport de 2009 soit encore accessible sur le site américain, d’où des visiteurs pourraient le diffuser plus avant, la preuve indique que l’affluence sur cette page est minime. Dans tous les cas, je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant quelque intérêt plus large à l’égard des renseignements personnels de la demanderesse ou que ces renseignements auraient été utilisés de quelque façon pour nuire à sa santé ou à son bien-être.

 

[59]           Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que la défenderesse a affiché les renseignements pour obtenir un avantage financier. Me Grossman a considéré que le rapport de 2009 constituait un précédent important dans le domaine de la défense à des poursuites en matière d’assurance, et il l’a affiché sur le site Web de son cabinet pour informer ses clients et d’autres personnes au sujet de l’évolution du droit dans ce domaine. L’affichage de renseignements semblables par des cabinets d’avocats est une pratique commerciale courante. Les succès que le cabinet obtient dans le cadre de litiges peuvent l’aider à conserver ou à attirer des clients. Cependant, il n’y a aucun motif juridique qui justifierait que Mme Girao puisse exiger une reddition de comptes des avantages que ZTGH aurait pu tirer de la publication du rapport de 2009, même si la valeur de ces avantages pouvait être calculée, ce qui est improbable.

 

[60]           La nature de la violation en l’espèce la situe quelque part au bas de l’échelle entre la violation commise dans l’affaire Randall, qui « s’expliqu[ait] par un malentendu regrettable », et celle qui avait été commise dans l’affaire Nammo, soit « une grave violation concernant des renseignements de nature financière d’une grande importance au plan personnel et professionnel ». Tel n’est pas le cas en l’espèce. Bien que les renseignements fussent reliés à la demande d’indemnités accrues de la demanderesse, il n’y a eu aucune communication de sa situation financière. La demanderesse a produit des preuves de ses revenus actuels limités dans le cadre de la présente demande, mais il n’y a aucun élément de preuve indiquant que cela résulte de la communication de ses renseignements personnels ou que cette communication lui a fait perdre des occasions de gagner des revenus.

 

[61]           La défenderesse a fait preuve d’insouciance lorsqu’elle a procédé à l’affichage, mais elle n’a pas agi de mauvaise foi. ZTGH a supprimé de son site Web toute mention de la demanderesse dès qu’elle a appris l’existence d’une préoccupation. Le cabinet a fait preuve de négligence en ne prenant pas de mesures pour s’assurer que tout renseignement personnel concernant une plaignante identifiable avait été supprimé avant d’afficher le rapport. Ainsi, j’estime qu’il y a lieu d’accorder 1500,00 $.

 

[62]           Pour ce qui concerne les autres réparations demandées par la demanderesse, je ne vois aucune raison d’exiger maintenant que la défenderesse affiche des excuses ou la décision de 2010 de la CPVPC sur le site Web du cabinet. Je note que la présente décision sera affichée sur le site Web de la Cour et sera accessible indéfiniment. Cela pourrait contribuer davantage à promouvoir le respect des objets des dispositions législatives.

 

[63]           La demanderesse demande les dépens de la présente demande. Je ne dispose d’aucune preuve de dépenses engagées par la demanderesse mis à part celles que révèle le dossier de la Cour, ni d’aucune preuve de rémunération à laquelle la demanderesse aurait renoncé. Je note qu’une requête en autorisation de poursuivre avec dispense des frais a été rejetée parce qu’aucune preuve de biens n’avait été produite. Néanmoins, je pense qu’il convient d’accorder à la demanderesse un montant forfaitaire modeste de 500,00 $ pour couvrir ses frais. Voir AZ Bus Tours c. Tanzos, 2009 CF 1134, au paragraphe 49.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.      la demande de contrôle du rapport de conclusions de la commissaire à la protection de la vie privée du Canada est accueillie;

2.      la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse 1500,00 $ de dommages‑intérêts pour la communication de ses renseignements personnels;

3.      la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse 500,00 $ pour les coûts qu’elle a engagés pour présenter la présente demande.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1687-10

 

INTITULÉ :                                       YOLANDA GIRAO

 

                                                            et

 

                                                            ZAREK TAYLOR GROSSMAN HANRAHAN LLP

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 juin 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 septembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yolanda Girao

 

POUR LA DEMANDERESSE

(pour son propre compte)

 

Dennis O’Leary

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

YOLANDA GIRAO

Mississauga (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(pour son propre compte)

DENNIS O’LEARY

Aird & Berlis LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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