Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 Date: 2011078

Dossier : T-250-11

Référence : 2011 CF 848

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

 

MAURICE ARIAL

(ancien combattant - décédé)

MADELEINE ARIAL

(conjointe survivante)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Le rôle du comité de réexamen du ministère des Anciens Combattants du Canada [ACC] est de trouver et d’appliquer l’interprétation la plus généreuse et la plus concordante avec l’objet de la loi dans l’octroi du droit à pension. En outre, il ne faut jamais oublier le respect envers la personne humaine qui a servi le Canada avec dévouement et dignité et on ne doit jamais oublier l’inviolabilité de la personne humaine, ainsi que la vulnérabilité des individus qui ont servi le Canada dans des missions où ils étaient près de donner leur vie pour le Canada.

 

[2]               La présente demande n’émane donc pas d’un individu qui souhaiterait exploiter le système pour s’enrichir, mais plutôt par une personne qui aimerait avoir la reconnaissance que son mari a consacré une partie de sa santé pour servir le Canada et cette reconnaissance est demandée de façon posthume, intrinsèquement liée à la mémoire de son mari. De plus, le montant de la pension réclamé pourrait représenter une somme importante pour la veuve de monsieur Maurice Arial, madame Madeleine Arial; par ailleurs, madame Sonia Arial (qui n’est pas avocate, représente ses parents devant la Cour) mentionne dans un courriel apporté en preuve que son père vivait dans une maison mobile (Dossier des défendeurs à la p 105).

 

[3]               On ne peut ignorer le fait que la famille Arial a fait des demandes répétées à l’ACC, afin que quelqu’un puisse les aider à obtenir les documents nécessaires à leur demande de pension, à tout le moins en leur expliquant de façon claire et précise ce qui devait être déposé au dossier.

 

[4]               L’élément moral et le dévouement du soldat est toujours un ingrédient essentiel à n’importe quelle mission aussi est-il important au retour que le même appui soit offert par le gouvernement aux soldats qui ont acquitté leur mission. Tel que l’énonçait la juge Danièle Tremblay-Lamer dans Arial c Canada (Procureur général), 2010 CF 184, 367 FTR 1, dans un contexte lié à l’article 38 de la Loi sur les pensions, LRC, 1985, ch P-6 [LP] :

[34] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a unanimement réitéré l’importance d’ « une interprétation libérale et généreuse » de la Loi sur les pensions, tant parce qu’il s’agit d’une loi « relative au bien-être social » qu’à cause de ses termes exprès (Canada (Procureur Général) c. Frye, 2005 CAF 264, (2005) 338 N.R. 382 aux pars. 14-20).

 

[5]               Les devoirs d’information de l’ACC sont énoncés au paragraphe 81(3) de la LP:

81.      (1) Toute demande de compensation doit être présentée au ministre.

 

Examen par le ministre

 

(2) Le ministre examine la demande dès sa réception; il peut décider que le demandeur a droit à la compensation et en déterminer le montant payable aux termes de la présente loi ou il peut refuser d’accorder le paiement d’une compensation; il doit, dans tous les cas, aviser le demandeur de sa décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Service de consultation

 

(3) Le ministre fournit, sur demande, un service de consultation pour aider les demandeurs ou les pensionnés en ce qui regarde l’application de la présente loi et la préparation d’une demande.

 

81.      (1) Every application must be made to the Minister.

 

 

Consideration of applications

 

(2) The Minister shall consider an application without delay after its receipt and shall

 

(a) where the Minister is satisfied that the applicant is entitled to an award, determine the amount of the award payable and notify the applicant of the decision; or

 

(b) where the Minister is not satisfied that the applicant is entitled to an award, refuse to approve the award and notify the applicant of the decision.

 

Counselling service

 

(3) The Minister shall, on request,

 

(a) provide a counselling service to applicants and pensioners with respect to the application of this Act to them; and

 

(b) assist applicants and pensioners in the preparation of applications.

[6]               Le mandat de l’ACC est mentionné sur le site Internet du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et consiste à assurer que les anciens combattants et leur famille puissent obtenir toute l’assistance possible relative aux soins auxquels ils ont droit :

Le mandat d'ACC découle de lois et de règlements, notamment la Loi sur le ministère des Anciens Combattants, qui attribue au ministre des Anciens Combattants les responsabilités suivantes :

 

« [...] aux soins, au traitement ou à la réinsertion dans la vie civile de personnes ayant servi soit dans les Forces canadiennes ou dans la marine marchande du Canada, soit dans la marine, la marine marchande, l'armée de terre ou l'aviation de Sa Majesté, de personnes qui ont pris part, d'une autre manière, à des activités reliées à la guerre, et de personnes désignées [...] aux soins de leurs survivants ou des personnes à leur charge [...] ».

VAC's mandate stems from laws and regulations. Among the more significant is the Department of Veterans Affairs Act, which charges the Minister of Veterans Affairs with the following responsibilities:

 

 

"The care, treatment, or re-establishing in civil life of any person who served in the Canadian Forces or merchant navy or in the naval, army or air forces or merchant navies of Her Majesty, of any person who has otherwise engaged in pursuits relating to war, and of any other person designated . . . and the care of the dependants or survivors of any person referred to . . . "

 

 

(Site Internet du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, http://www.tbs-sct.gc.ca/dpr-rmr/2007-2008/inst/dva/dva01-fra.asp).

 

[7]               L’obligation d’information envers ses membres se trouve donc au cœur du mandat de l’ACC.

 

II.  Introduction

[8]               Le présent cas porte sur le contrôle judiciaire d’un réexamen d’une demande de pension d’invalidité qui avait été déposée auprès de l’ACC. Dans Thériault c Canada (Procureur général), 2006 CF 1070, 299 FTR 246, cette Cour a rappelé les conditions énoncées par le juge Marc Nadon à savoir les conditions qu’un demandeur doit remplir pour obtenir une pension :

[52]      Pour avoir droit à une pension, M. Thériault doit remplir les conditions suivantes, comme l’a résumé le juge Marc Nadon dans l’affaire MacNeill c. Canada, [1998] A.C.F. no 1115 (QL), au paragraphe 23 :

 

[…]      Selon les dispositions précitées, deux conditions doivent être remplies pour qu’il soit possible de dire que le demandeur a droit à une pension. En premier lieu, le trouble dont le demandeur est atteint doit donner droit à pension. À cet égard, il doit s’agir d’un trouble qui peut être considéré comme une « invalidité » résultant d’une blessure ou d’une maladie. À mon avis, le mot « invalidité » exige que le demandeur continue à être atteint de ce trouble. En second lieu, le trouble initial doit être directement attribuable au service militaire du demandeur. J’ai minutieusement examiné la disposition en question et j’ai conclu que le service militaire accompli par le demandeur doit être la cause principale de l’invalidité. Toutefois, la Loi prévoit également qu’une pension peut être accordée si l’invalidité est aggravée par le service militaire. Il faut dans les de [sic] cas établir le lien de causalité, et, sauf preuve contraire, le lien de causalité est réputé exister si le trouble est survenu pendant que le demandeur accomplissait son service. […]

 

[53]      Cette Cour a affirmé, dans Hunt c. Canada (Ministre des Anciens combattants), [1998] A.C.F. no 377 (QL), au paragraphe 9, confirmé par [1999] A.C.F. no 1601 (QL), qu’un demandeur doit faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que la condition dont il souffre a débuté durant le service militaire. La Cour a ajouté que lorsqu’un demandeur tente de faire cette preuve, le Tribunal doit accepter tout élément de preuve non contredit et crédible :

 

Bien que l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) impose au Tribunal d'accepter tout élément de preuve non contredit, encore faut-il que cette preuve soit crédible. Le requérant est tenu au critère applicable en matière civile et doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a effectivement contracté la maladie dont il souffre aujourd'hui alors qu'il servait sous les drapeaux. Son avantage réside dans le fait que la preuve sera interprétée de la manière qui lui est la plus favorable […] [La Cour souligne].

 

[9]               En introduction de la décision Succession Robertson c Canada (Ministre des Anciens combattants), 2010 CF 233, 360 FTR 306, le juge Richard Boivin explique sommairement en quoi consistent les différentes prestations actuelles possibles du système de pensions pour les anciens combattants en vertu de la LP :

[3]        L’article 39 de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, expose la manière dont la rétroactivité d’une pension doit être établie. Les prestations actuellement offertes par Anciens combattants Canada (ACC) sont réparties en quatre groupes : prestations d’invalidité; allocation aux anciens combattants; prestations versées en vertu du Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants (le RSSAC), DORS/90-594, et prestations versées en vertu de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, L.C. 2005, ch. 21.

 

[4]        Les pensions d’invalidité sont prévues par la Loi sur les pensions et peuvent être versées aux militaires actifs ou aux anciens militaires des Forces canadiennes qui souffrent d’un état pathologique lié au service.

 

[10]           Au cours des dernières années, monsieur Maurice Arial (ancien combattant décédé) et madame Madeleine Arial (conjointe survivante) ont effectué des démarches quant à des demandes de pensions concernant quatre invalidités différentes : hypoacousie, cyphose dorsale, maladie discale et ulcère duodénal. Les demandeurs avaient également déposé une demande d’allocation pour soins, allocation qui ne peut être obtenue qu’une fois que la pension pour invalidité a été accordée (résultat dans Arial, ci-dessus). Les dates du premier contact des demandeurs avec l’ACC au sujet des différentes invalidités de monsieur Arial vont comme suit :

  • Le 7 mars 1996 : demande d’invalidité pour ulcère duodénal récidivant;  
  • Le 13 octobre 1999 : demande d’invalidité pour l’estomac;
  • Le 11 août 2004 : demande d’invalidité pour hypoacousie, accompagnée d’une demande « exploratoire » d’allocation pour soins;
  • Le 9 novembre 2005 : demande d’invalidité : problème d’estomac ;
  • Le 17 novembre 2006 : demande d’invalidité : maladie discale lombaire et cyphose dorsale.

 

[11]           La présente demande porte sur les démarches effectuées par les demandeurs pour obtenir une pension pour l’invalidité de feu monsieur Maurice Arial pour des problèmes reliés à l’estomac. Monsieur Arial s’est présenté pour la première fois devant les agents de l’ACC le 7 mars 1996, accompagné de son épouse, madame Madeleine Arial, afin de faire effectuer une évaluation de son dossier et d’obtenir de l’information quant à ses droits en tant qu’ancien combattant. À cette époque, monsieur Arial, qui avait fréquenté l’école jusqu’à l’âge de 12 ans, était âgé de 80 ans, et il souffrait de séquelles causées par un accident cardiovasculaire [ACV] qu’il avait subi en janvier 1987. Il se déplaçait à l’aide d’une canne et souffrait de paralysie partielle au visage. Il est décédé le 25 septembre 2005. C’est désormais madame Sonia Arial, la fille des demandeurs, qui a obtenu l’autorisation de représenter ses parents suite à une ordonnance du protonotaire Richard Morneau, rendue le 4 mars 2011.

 

III.  Procédure judiciaire

[12]           La présente demande de contrôle judiciaire est soumise en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LR 1985, ch F-7, à l’encontre de la décision, rendue par le Tribunal des anciens combattants du Canada, en date du 2 décembre 2010, et rejetant la demande de réexamen en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, ch 18 [LTAC] de la décision rendue en date du 14 mai 2009, relative à l’octroi d’une rétroactivité pour l’ulcère duodénal récidivant.

 

IV.  Faits

[13]           Feu l’ancien combattant, monsieur Maurice Arial, est né le 8 janvier 1916. Ayant servi durant la Seconde Guerre mondiale; il a été membre des forces actives de juillet 1940 à juillet 1945. Il a travaillé à outre-mer de septembre 1940 à décembre 1944, assigné comme « stocker » dans les salles de machines sur différents navires.

 

[14]           Monsieur Arial a été démobilisé en 1945, après la Guerre, et il y avait des rapports de médecins datés du 7 mai 1944 et du 19 février 1945 et d’autres également.

 

[15]           Le 7 mars 1996, monsieur Arial, accompagné de son épouse, s’est présenté pour la première fois devant les agents de l’ACC afin de faire effectuer une évaluation de son dossier et d’obtenir de l’information quant à ses droits d’ancien combattant. Monsieur Arial souhaitait à l’époque se renseigner au sujet de la possibilité qu’il puisse obtenir une allocation pour soins. Il est allégué par madame Madeleine Arial que la personne ressource qu’ils ont rencontrée cette journée-là a informé son époux à l’effet qu’il ne se qualifiait pas à l’allocation suite au revenu familial excédentaire permettant l’admissibilité. Il aurait été mentionné qu’il ne servait à rien de rencontrer un agent de pension à cet effet.

 

[16]           Les deux époux ont tout de même rencontré un agent de pension et monsieur Arial a rempli un formulaire qui fut alors remis à l’agent de pension (Dossier du défendeur aux pp 98-101). Ce dernier aurait alors indiqué à monsieur Arial qu’il devrait déposer un rapport médical de son médecin traitant pour pouvoir faire identifier sa maladie exacte (Dossier des demandeurs à la p 14).

 

[17]           Monsieur Arial aurait rencontré le Dr Guy Lamontagne les 11 mars et 6 mai 1996. L’ACC aurait par la suite fait une demande aux Archives nationales pour obtenir les documents médicaux de service de monsieur Arial, lesquels furent envoyés au bureau du District de Québec, le 22 mai 1996 (Dossier du défendeur à la p 102).

 

[18]           Le 20 août 1996, l’agent de pension a rappelé, dans une lettre envoyée à monsieur Arial, qu’il lui fallait transmettre le rapport nécessaire à la préparation de sa demande de pension d’invalidité (Dossier du défendeur à la p 103).

 

[19]           Le 23 septembre 1996, madame Madeleine Arial a informé l’agent de pension que le médecin, pour une raison inconnue des demandeurs (connu, que plus tard, le médecin a pris sa retraite, donc s’est retiré de toutes ses fonctions), avait refusé de collaborer avec eux et de leur envoyer le rapport demandé par l’ACC. Madame Arial allègue que l’agent n’a alors proposé aucun support d’aide à la situation. Les demandeurs allèguent avoir été sous l’impression qu’ils n’avaient d’autre choix que de retirer leur demande (Dossier du défendeur à la p 104). À ce moment-là, l’ACC avait entre les mains le formulaire de pension qui avait été préalablement rempli par monsieur Arial, ainsi que les documents médicaux de service de monsieur Arial.

 

[20]           Le 30 mai 1997, monsieur Arial a subi un deuxième ACV qui l’a laissé avec des séquelles majeures. Le 13 octobre 1999, monsieur Arial nomme sa fille, Sonia Arial, comme représentante afin que celle-ci puisse présenter une demande de pension en bonne et due forme en son nom. Celle-ci aurait alors communiqué avec une agente de pension de l’ACC et se serait renseignée au sujet de l’allocation pour soins.

 

[21]           En octobre 1999, madame Arial a contacté l’ACC pour entamer un deuxième processus de demande de pension d’invalidité (Dossier du défendeur aux pp 105-106). Le 21 octobre 1999, un agent de pension a envoyé à monsieur Arial une lettre confirmant son intention de présenter une demande ainsi que le formulaire de « Demande de pension d’invalidité » (Dossier du défendeur aux pp 107-108). Dans sa lettre, l’agent de pension a informé monsieur Arial qu’il devait remettre à l’ACC un rapport médical récent de son médecin afin de préparer la demande de pension. Pour ce faire, il lui a envoyé un formulaire intitulé « Déclaration du médecin » et jalons médicaux. L’agent de pension a également joint sous pli une autre lettre à l’intention du médecin priant ce dernier de compléter le questionnaire médical intitulé « Déclaration du médecin », ou d’établir un rapport médical posant un diagnostic établissant la nature et l’étendue de l’invalidité de monsieur Arial.

 

[22]           Le 22 octobre 1999, l’ACC aurait fait une autre demande aux Archives nationales pour obtenir les documents médicaux de service de monsieur Arial lesquels furent envoyés au bureau du District de Québec le mois suivant.

 

[23]           Le 18 novembre 1999, madame Sonia Arial a envoyé à l’agent de pension en charge du dossier : une lettre de présentation, le formulaire de demande de pension portant le libellé « estomac », ainsi qu’une déclaration du médecin traitant. Au formulaire et dans la note de madame Sonia Arial, on indiquait notamment que le demandeur aurait refoulé les traumatismes causés par le stress de la guerre, qu’il aurait subi un traumatisme au système nerveux et qu’il avait toujours été suivi pour son estomac par ses médecins (Dossier du défendeur aux pp 120-121).

 

[24]           En décembre 1999, outre le formulaire de 1996, l’ACC avait au dossier le formulaire complété en 1999, la lettre explicative de madame Arial, la Déclaration du médecin sur le reflux gastro oesophagien [RGO] et les documents médicaux de service militaire.

 

[25]           Le 17 novembre 1999, le Dr Lamontagne a demandé et obtenu le consentement de madame Madeleine Arial à ce qu’elle autorise le Centre François Charron et l’Hôpital St-François d’Assise à communiquer au médecin le dossier médical de monsieur Arial (Dossier du défendeur aux pp 113-115).

 

[26]           L’ACC allègue qu’il n’a reçu aucun autre document de nature médicale par la suite. Le 29 décembre 1999, l’agent de pension en charge du dossier a envoyé une lettre à madame Sonia Arial dans laquelle il indique qu’ « [u]ne analyse de ses documents de service ne révèle aucune affection ni condition consécutives au service militaire ni aucune blessure résultant d’un accident attribuable au service. » (Dossier des demandeurs à la p 307).

 

[27]           Des années plus tard, lorsque l’état de santé de monsieur Arial a continué à se détériorer, madame Sonia Arial aurait communiqué à nouveau avec une agente de pension de l’ACC, en date du 11 août 2004. Alors qu’elle se serait vue refuser les demandes de pension à ce jour au nom de son père, un agent de pension contacté ce jour-là lui aurait fait savoir qu’elle pouvait déposer une demande d’invalidité pour l’hypoacousie de monsieur Arial. Le 27 septembre 2004, le formulaire de demande de pension pour la condition de l’hypoacousie est mis à la poste par madame Sonia Arial. Le 1er juin 2005, une décision favorable est rendue au sujet de l’hypoacousie de monsieur Arial (Dossier des demandeurs aux pp 178-179).

 

[28]           À la mi-juin 2005, madame Sonia Arial communique par téléphone avec un agent de pension d’invalidité. Monsieur Arial reçoit alors une pension totale de 886,86$ par mois. Madame Sonia Arial allègue que l’agent de pension lui aurait alors fait part qu’il s’agissait là de toute l’allocation à laquelle monsieur Arial pouvait faire demande et qu’aucune autre indemnité ne pouvait être accordée.

 

[29]           Madame Sonia Arial allègue qu’elle a communiqué avec le Bureau des services juridiques des pensions [BSJP] en date du 22 juillet 2005, étant sous l’impression que les intérêts de ses parents n’avaient pas été bien servis jusqu’à maintenant.

 

[30]           Le 21 septembre 2005, l’ACC rend une décision pour allocation pour soins avec remboursement rétroactif au 16 septembre 2005. Cette décision a été portée en révision.

 

[31]           Monsieur Arial est décédé le 25 septembre 2005.

 

[32]           Le 19 décembre 2005, madame Sonia Arial a écrit à l’ACC, demandant qu’une décision officielle soit prise concernant la demande de pension d’invalidité pour problème d’estomac acheminée en 1999. Elle a inclus à titre de complément d’information une déclaration de sa mère, madame Madeleine Arial, alléguant que monsieur Arial avait été traité pour ulcères d’estomac après la Seconde Guerre mondiale (Dossier du défendeur à la p 4).

 

[33]           Le 8 août 2006, une décision ministérielle refuse le droit à pension pour l’affection de RGO de l’ancien combattant en vertu des paragraphes 21(1) et 48(3) de la LP (Dossier des demandeurs aux pp 121 et suiv). Madame Sonia Arial allègue que cette demande pour RGO omettait en fait la question de l’ulcère duodénal – le RGO étant une maladie découlant de l’ulcère duodénal.

 

[34]           Le 24 janvier 2007, un comité de révision confirmait la décision ministérielle du 8 août 2006 (Dossier des demandeurs aux pp 125 et suiv). Le Comité de révision admettait que, selon des proches de monsieur Arial, celui-ci éprouvait des problèmes du tube digestif depuis son service. Toutefois, le comité notait que la preuve établissait que le diagnostic posé en 1995 était nettement postérieur à sa période de service. Le comité avait observé qu’aucun problème gastro-intestinal n’était mentionné aux documents de service, si ce n’est que le mal de mer dont a souffert monsieur Arial pendant presque quatre années en mer.

 

[35]           Le 30 octobre 2007, un comité d’appel du droit à pension modifie le diagnostic de « reflux gastro oesophagien » pour se lire « ulcère duonénal récidivant » et accorde un droit à pension de l’ordre de 5/5 pour le service de feu l’ancien combattant effectué durant la Seconde Guerre mondiale en vertu des paragraphes 21(1) et 48(3) de la LP avec une date d’entrée en vigueur en date du 9 novembre 2005, soit la date qui était considérée comme étant la date de présentation de la demande. La décision examinait entre autres un rapport médical datant du 20 août 1953, ainsi qu’un rapport médical du Dr Robert Lepage daté du 4 novembre 1999 et une lettre du même médecin datée du 2 février 2007. Celui-ci concluait que l’ulcère duodénal récidivant dont souffrait monsieur Arial datait de 1940 et que le RGO était une manifestation du problème d’ulcère duodénal (Dossier du défendeur aux pp 229-230).

 

[36]           Le 20 mars 2008, l’ACC a rendu une décision d’évaluation de l’ulcère duodénal récidivant de 5%. La décision est retournée pour un changement final à 20% reçue un an plus tard (Dossier des demandeurs aux pp 148 et suiv).

 

[37]           La décision au niveau de la date d’entrée en vigueur a été réexaminée par un comité de réexamen le 24 juin 2008. Le comité conclut qu’il n’y avait pas eu lieu de réexaminer la décision du comité d’appel du droit à pension considérant que cette dernière ne contenait aucune erreur de droit ni de fait (Dossier des demandeurs aux pp 154 et suiv).

 

[38]           Le 21 octobre 2008, le comité de révision a rendu une décision à l’égard d’une demande présentée du vivant de l’ancien combattant et demande de la survivante pour les affections d’hypoacousie, de cyphose dorsale et de maladie discale lombaire. Dans cette décision de révision, le comité conclut que l’agent des pensions n’avait pas rempli son mandat législatif en vertu du paragraphe 81(3) de la LP (Dossier des demandeurs aux pp 181 et suiv).

 

[39]           Le 14 mai 2009, un deuxième réexamen de la décision du comité d’appel du droit à pension est effectué. Le comité modifie la décision antérieure et accepte qu’une demande avait été faite en 1996 et que des délais hors du contrôle de l’appelant avaient été encourus. Le comité de réexamen statue donc qu’en vertu du paragraphe 48(2) et de l’alinéa 56(1) (a.1) de la LP, la date d’entrée en vigueur du droit à pension serait de trois ans de celle à laquelle le droit a été accordé par le comité d’appel dans sa décision du 30 octobre 2007, c’est-à-dire en date du 30 octobre 2004. De plus, le comité de réexamen accepte qu’il y ait eu des délais hors du contrôle de l’appelant, et accorde ainsi une compensation supplémentaire de 24 mois en vertu du paragraphe 56(2) de la LP.

 

[40]           Le 2 décembre 2010, le comité de réexamen rejette la demande des demandeurs et refuse de réexaminer la décision datée du 14 mai 2009.

 

[41]           Le 16 décembre 2010, l’ordonnance sur consentement par madame la juge Tremblay-Lamer de cette Cour, a été rendue concernant l’allocation pour soins.

 

V.  Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[42]           Dans la décision du 14 mai 2009, le comité d’appel a déterminé que la date d’entrée en vigueur du droit à pension pour l’ulcère duodénal récidivant serait au 30 octobre 2004 en vertu de l’alinéa 56(1) (a.1) de la LP, soit la date précédant de trois ans la date de la décision du comité d’appel qui a eu lieu en date du 30 octobre 2007, incluant une compensation supplémentaire de 24 mois de pension selon le paragraphe 56(2) de la LP, nous menant au 30 octobre 2002.

 

[43]           Dans sa décision de réexamen du 2 décembre 2010, qui est la décision qui fait l’objet de du présent contrôle judiciaire, le comité a accepté les conclusions du comité de réexamen qui n’a pas accepté l’argument à l’effet qu’il incomberait à l’agent des pensions d’obtenir les renseignements à l’appui d’une demande de compensation; comme par exemple le diagnostic de l’affection en cause. Le comité de réexamen a conclu que la prétention de l’avocat imposait un fardeau trop exigeant aux agents des pensions.

 

[44]           Plus précisément, le comité de réexamen en est venu à deux conclusions : premièrement, les agents de l’ACC ont respecté le devoir de service de consultation prévu au paragraphe 81(3) de la LP lors du traitement de la demande de pension d’invalidité du demandeur en ce qu’il appartient au demandeur et non à un agent de pension d’obtenir le diagnostic de l’affection en cause et deuxièmement, la détermination de la date de versement de la pension d’invalidité est conforme à la règle de droit prévue à l’alinéa 56(1)(a.1) de la LP, soit le 30 octobre 2004 (date précédant de trois ans la date de décision du comité d’appel).

 

VI.  Questions en litige

[45]           [1] Est-ce que le comité de réexamen a erré en concluant que les agents de pension de l’ACC n’avaient pas commis de bris d’obligation en vertu du paragraphe 81(3) de la LP?

[2] Est-ce que le comité de réexamen a erré dans son interprétation de l’article 39 et/ou de l’alinéa 56(1)(a.1) de la LP, dans des circonstances exceptionnelles, en limitant la date d’entrée en vigueur de la pension au 30 octobre 2004 (soit la date précédant de trois ans de la date de la décision du comité d’appel en date du 30 octobre 2007)?

[3] Est-ce que le comité de réexamen a failli à son devoir d’obtenir un résultat avec un traitement juste, équitable et dans les plus brefs délais pour les demandeurs?

 

 

VII.  Dispositions législatives pertinentes

[46]           L’article 2 de la LP dispose de la règle d’interprétation libérale de cette loi :

Règle d’interprétation

 

2. Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

Construction

 

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

 

 

[47]           Le paragraphe 5(3) de la LP stipule :

Ministre

 

5.      (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale ou de leurs règlements, le ministre a tout pouvoir de décision en ce qui touche l’attribution, l’augmentation, la diminution, la suspension ou l’annulation de toute pension ou autre paiement prévu par la présente loi ainsi que le recouvrement de tout versement excédentaire.

 

 

[…]

 

Décisions

 

(3) Lorsqu’il prend une décision, le ministre :

 

 

a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur ou au pensionné;

 

b) accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

 

c) tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Powers of the Minister

 

5.      (1) Subject to this Act and any other Act of Parliament and to the regulations made under this or any other Act of Parliament, the Minister has full power to decide on all matters and questions relating to the award, increase, decrease, suspension or cancellation of any pension or other payment under this Act and to the recovery of any overpayment that may have been made.

 

 

Benefit of doubt

 

(3) In making a decision under this Act, the Minister shall

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to the Minister every reasonable inference in favour of the applicant or pensioner;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister by the applicant or pensioner that the Minister considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or pensioner any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or pensioner has established a case.

 

[48]           Quant au paragraphe 39(1) et à l’alinéa 56(1)(a.1) de la LP, ils traitent de la règle de la rétroactivité de la date d’entrée en vigueur pour des demandes de pension d’invalidité ou pour des prestations de décès au conjoint survivant :

Date à partir de laquelle est payable une pension d’invalidité

 

39.      (1) Le paiement d’une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre :

 

a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

 

b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

 

Compensation supplémentaire

 

(2) Malgré le paragraphe (1), lorsqu’il est d’avis que, en raison soit de retards dans l’obtention des dossiers militaires ou autres, soit d’autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d’une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d’une demande de révision ou d’un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

 

 

 

 

[…]

 

Date à compter de laquelle la pension pour décès est payable

 

56.      (1) La pension accordée par suite du décès d’un membre des forces est payable comme il suit :

 

[…]

 

a.1) dans le cas où le membre ne recevait pas, à son décès, une pension supplémentaire visée aux alinéas 21(1)a) ou (2)a) à l’égard de cette personne ou dans le cas où une pension est accordée en vertu de l’article 48, à cette personne, ou à l’égard de celle-ci, à compter de la date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée ou, si elle est postérieure, la date de présentation initiale de la demande de pension;

 

 

Date from which disability pension payable

 

 

39.      (1) A pension awarded for disability shall be made payable from the later of

 

 

 

(a) the day on which application therefor was first made, and

 

(b) a day three years prior to the day on which the pension was awarded to the pensioner.

 

Additional award

 

 

(2) Notwithstanding subsection (1), where a pension is awarded for a disability and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension.

 

….

 

Date from which death pension payable

 

 

56.      (1) Pensions awarded with respect to the death of a member of the forces shall be payable with effect as follows:

 

 

(a.1) to or in respect of the member’s survivor or child, or to the member’s parent or any person in place of a parent who was wholly or to a substantial extent maintained by the member at the time of the member’s death, if no additional pension referred to in paragraph 21(1)(a) or (2)(a) was at the time of death being paid in respect of that person or that person is awarded a pension under section 48, from the later of

 

(i) the day on which application for the pension was first made, and

 

(ii) a day three years prior to the day on which the pension was awarded with respect to the death of the member;

 

[49]           Les articles 3 et 39 de la LTAC portent sur la règle d’interprétation libérale, ainsi que sur la preuve :

Principe général

 

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

 

[…]

 

Règles régissant la preuve

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

 

Construction

 

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

 

Rules of evidence

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[50]           L’article 3 du Règlement sur les compensations, DORS/96-66 stipule ce qui suit relativement à ce qu’un demandeur doit soumettre avec sa demande de compensation :

RENSEIGNEMENTS

 

3. Le demandeur de compensation doit fournir au ministre :

 

a) tout document nécessaire à l’appui de sa demande;

 

 

b) des renseignements sur sa situation de famille;

 

c) tout autre renseignement pertinent;

 

d) un affidavit ou une déclaration solennelle attestant la véracité des renseignements fournis.

INFORMATION

 

3. An applicant for an award shall provide the Minister with

 

 

(a) any documentation necessary to substantiate the applicant’s claim;

 

(b) information on the applicant’s domestic status;

 

(c) any other relevant information; and

 

(d) an affidavit or statutory declaration attesting to the truth of the information provided.

 

VIII.  Position des parties

[51]           Madame Sonia Arial soumet qu’il y a eu un bris d’obligation en vertu du paragraphe 81(3) de la LP de la part de l’ACC, dès la première demande de pension, qu’elle affirme avoir déposée le 7 mars 1996. Madame Sonia Arial soutient également qu’une deuxième demande de pension a été déposée le 13 octobre 1999, en vertu du paragraphe 81(3) de la LP, ayant comme conséquence un lien de cause à effet sur le traitement inéquitable qu’ont reçu l’ancien combattant et son épouse. Finalement, madame Sonia Arial soumet que le défendeur refuse d’interpréter l’article 39 ou l’alinéa 56(1) (a.1) de la LP de façon à atteindre l’objectif de la loi dans une telle situation.

 

[52]           Le défendeur soutient que la rétroactivité n’a pas lieu à s’appliquer pour une plus longue période que ce qui a été accordé. Il soumet que les demandes alléguées par madame Sonia Arial ne constituent en fait que des démarches visant à déposer des demandes; de plus, certaines des demandes ont été retirées par les demandeurs eux-mêmes. La LP prévoit qu’il incombe au demandeur et non à l’ACC de présenter sa demande; un demandeur demeure la personne responsable de fournir au ministre tous les documents nécessaires à la présentation de la demande. Le défendeur souligne par ailleurs que même si la demande de pension avait été présentée en premier lieu en 1996 ou en 1999, la date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée reste celle qui est postérieure (paragraphe 39(1) et alinéa 56(1)(a.1) de la LP).

 

IX.  Norme de contrôle

[53]           L’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, prévoit un choix entre deux normes de contrôle, soit la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. En l’espèce, la jurisprudence a établi que la question de la rétroactivité est régie par la norme de la décision correcte, alors que les autres questions posées devant cette Cour sont soumises à la norme de la raisonnabilité :

[32] Les parties s’accordent pour dire que la norme de contrôle qui est applicable aux décisions discrétionnaires du comité d’appel est la décision raisonnable (Atkins c. Canada (Procureur général), 2009 CF 939, [2009] A.C.F. n° 1159 (QL), paragraphe 19; Bullock c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1117, 336 F.T.R. 73, paragraphe 13).

 

[33] Cependant, la rétroactivité est une question d’interprétation législative qui ne relève pas du domaine de spécialisation propre au Tribunal et qui est donc soumise à la norme de la décision correcte (Atkins, paragraphe 20; Canada (Procureur général) c. MacDonald, 2003 CAF 31, 238 F.T.R. 172; Dugré c. Canada (Procureur général), 2008 CF 682, 170 A.C.W.S. (3d) 643; Lenzen c. Canada (Procureur général), 2008 CF 520, 327 F.T.R. 12).

 

(Succession Robertson, ci-dessus; également, Canada (Procureur général) c MacDonald, 2003 CAF 31, 238 FTR 172 au para 11).

 

X.  Analyse

            Question préliminaire

[54]           Selon la volonté du législateur de ne pas écarter pour considération les propos d’anciens combattants, soumis, avec preuve à l’appui, et pour s’assurer que l’ensemble de chaque dossier est compris selon la volonté du législateur, la Cour doit d’abord répondre à une question préliminaire soulevée par le défendeur avant de répondre aux questions posées à la Cour.

 

[55]           Malgré que le défendeur soumet au paragraphe premier de sa défense que la Cour devrait ignorer les paragraphes 2, 4, 6, 19, 37, 49, 55, 56, 57 et 59 du mémoire des demandeurs, car il s’agirait, selon lui, de faits non pertinents à ce dossier ou d’arguments qui auraient pu être soulevés dans la partie III du dossier des demandeurs, la Cour les juge pertinents et y accordera le poids qu’elle déterminera être juste. Autrement, en disséquant, ou amputant la loi d’elle-même à tel point qu’elle serait séparée de sa raison d’être, elle perdrait sa valeur intrinsèque pour laquelle elle a été mise en vigueur; cela donnerait un résultat où les coûts seraient évalués primordialement en mettant de côté l’importance de la valeur de service des anciens combattants que la loi voulait promouvoir et valoriser.

 

(1)  Est-ce que le comité de réexamen a erré en concluant que les agents de pension de l’ACC n’avaient pas commis de bris d’obligation en vertu du paragraphe 81(3) de la LP?

 

[56]           L’obligation de renseignements conférée à l’ACC en vertu du paragraphe 81(3) de la LP exige que l’ACC fournisse un service de consultation et prête assistance aux demandeurs dans la préparation d’une demande de pension. De par cette définition tirée des dispositions législatives, on peut conclure d’emblée que l’obligation de renseignement telle qu’encadrée par la LP ne signifie certes pas que l’ACC doive porter assistance à toute personne et en toute occasion, dans les cas où le demandeur visé ne se manifesterait pas :

[41]      ACC a l’obligation de prendre des dispositions pour s’occuper des ex-militaires en fonction de leurs besoins et de leur situation, mais la Cour signale que les anciens combattants ne se verront pas tous, et dans tous les cas, accorder les prestations qu’ils réclament. La Cour faisait observer, dans la décision Succession Krasnick c. Anciens combattants Canada, 2007 CF 1322, 321 F.T.R. 141, au paragraphe 25, qu’« [i]l n’y a rien dans la [Loi sur les pensions] ou dans le [Règlement sur les compensations] ni dans d’autres lois ou règlements qui oblige [ACC] à informer tout le monde ou certaines personnes de l’existence de certaines prestations, ou à être clairvoyant et à établir, à partir de signes, de signaux ou d’inférences, que certaines personnes peuvent avoir besoin de prestations et, si c’est le cas, de quelles prestations elles peuvent bénéficier et à quel moment » […]

 

(Succession Robertson, ci-dessus).

 

[57]           Or, il n’apparaît pas des faits que ce soit le cas des demandeurs en l’espèce. Tant feu monsieur Arial, que son épouse et leur fille en tant que représentante de ses parents ont, à plusieurs reprises, effectuer directement plusieurs démarches afin d’obtenir des renseignements au sujet des possibilités de demandes de pension d’invalidité, dont deux demandes qui ont par la suite été retirées (en 1996 et 1999). L’ACC a même occasionnellement semblé induire les demandeurs en erreur, en indiquant à plusieurs reprises que les demandeurs n’avaient droit à aucune pension.

 

[58]           Par exemple, dans la lettre datée du 29 décembre 1999, l’agent de pension a conclu « qu’une analyse de ses documents de service ne révèle aucune affection ni condition consécutives au service militaire ni aucune blessure résultant d’un accident attribuable au service ». À ce sujet, le défendeur, en faisant référence à la décision portant sur l’hypoacousie de monsieur Arial, a soumis comme argument que l’ACC, en 1996, venait de subir une réforme majeure qui a pu, effectivement, « contribué à une erreur involontaire qui aurait pu causer à un certain client, en l’instance, M. Arial, notre ancien combattant, de ne pas être informé et conseillé tel qu’il l’aurait dû » (Mémoire des faits et du droit du défendeur au para 99).

 

[59]           Or, la décision du 2 décembre 2010 est à l’effet que : « [l]e comité de réexamen a noté cette soumission mais en révisant les faits au dossier, ainsi que les autorités que vous avez fournies, le comité de réexamen doit toujours avouer que l’articles 3 du Règlement sur les compensations est suffisant pour conclure qu’il y a eu un bris de communication des agents des pensions dans cette cause. Le comité de réexamen, en ce qui concerne la première soumission, conclut qu’aucune erreur de droit n’a été commise. » (Décision du 2 décembre 2010, Dossier des demandeurs à la p 5). Toutefois, dans la procédure parallèle portant sur l’invalidité d’hypoacousie de monsieur Arial, l’ACC avait décidé que :

[…] Dans les circonstances, il est clair qu’avec le moindre approfondissement de l’entrevue de l’ancien combattant en 1996, alors qu’il était déjà affaibli, hémiplégique, ayant de la difficulté à s’exprimer et marchant avec une canne, il aurait eu dès lors accès aux services et aux droits qui lui étaient dûs […]

 

(Dossier des demandeurs à la p 181).

 

[60]           La Cour se permet de mentionner cette décision telle qu’apparaissant à la preuve puisque cette décision avait été rendue presque deux ans avant la décision du 2 décembre 2010, portait sur des démarches sensiblement similaires à celles effectuées par madame Sonia Arial dans le présent dossier, et par ailleurs, a été soulevée par les parties. Ainsi, la décision du 21 octobre 2008 portant sur la demande d’invalidité reliée à l’hypoacousie, la cyphose dorsale et la maladie discale lombaire de monsieur Arial concluait que :

Finalement, le Tribunal considère que c’est un des rares cas où l’on doit considérer que l’ancien combattant a droit à une rétroactivité maximale dans les circonstances. L’ancien combattant se présentant pour la première fois devant le Ministère en 1996 à l’âge de 80 ans n’ayant jamais rien demandé au gouvernement alors qu’il aurait pu le faire longtemps avant, le Tribunal pense aux mots du juge Harrington dans la cause de Melvin MacKenzie (ancien combattant) et Annie MacKenzie (épouse survivante) c. Procureur général du Canada lorsqu’il dit : « Melvin et Annie ont toujours agi honorablement envers nous, quand allons-nous agir honorablement envers eux. » Le Tribunal a dû se poser la même question aujourd’hui, Madeleine et Maurice ont toujours agi honorablement envers nous, quand allons nous agir honorablement envers eux?

 

Dans les circonstances, le Tribunal remercie non seulement postumment, l’ancien combattant pour son service dans la Seconde Guerre mondiale, mais lui accorde la rétroactivité maximale accordée par la loi en vertu des paragraphes pré-cités en début de la présente décision et rétroagit la date d’entrée en vigueur de l’affection d’hypoacousie au 1er juin 2000 et la date d’entrée en vigueur des affections de cyphoses dorsales et maladie discale lombaire au 31 mai 2002.

 

(Décision du 21 mars 2008, Dossier des demandeurs à la p 191) .

 

[61]           Dans ce dossier précis, le Tribunal avait conclu que le personnel de l’ACC avait en effet été dévoué à accomplir son devoir. Il avait cependant reconnu qu’un changement d’implémentation en cours avait pu causer qu’une erreur se produise : « et l’ancien combattant et son épouse en ont subi l’odieux par inadvertance » (Décision du 21 mars 2008). L’erreur du Tribunal résulte donc du fait qu’il a omis de prendre en compte tous les faits qui pouvait le mener à conclure que les agents de pension n’avaient pas rempli leur obligation de renseignement.

 

(2) Est-ce que le comité de réexamen a erré dans son interprétation de l’article 39 et/ou de l’alinéa 56(1)(a.1) de la LP, dans des circonstances exceptionnelles, en limitant la date d’entrée en vigueur de la pension au 30 octobre 2004 (soit la date précédant de trois ans la date de la décision du comité d’appel en date du 30 octobre 2007)

 

[62]           Sur la question de la rétroactivité, c’est l’alinéa 56(1)(a.1) de la LP qui s’applique; puisque monsieur Arial est décédé, il est alors question d’une prestation de décès plutôt que d’une pension d’invalidité (même si dans les faits, le montant de la pension est calculé en fonction de l’invalidité de monsieur Arial). L’alinéa 56(1)(a.1) de la LP dispose que « dans le cas où le membre ne recevait pas, à son décès, une pension supplémentaire visée aux alinéas 21(1)a) ou (2)a) à l’égard de cette personne ou dans le cas où une pension est accordée en vertu de l’article 48, à cette personne, ou à l’égard de celle-ci, à compter de la date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée ou, si elle est postérieure, la date de présentation initiale de la demande de pension ».

 

[63]           Il est vrai que tel que plaidé par madame Sonia Arial, la décision du 14 mai 2009 semblait accorder le fait qu’une demande de pension avait effectivement été présentée : « […] [p]uisque ce comité de réexamen accepte qu’une demande de pension d’invalidité a été présentée par l’ancien combattant de son vivant en 1996, pour un ulcère duodénal, alors il est clair que c’est le paragraphe 48(2) et non le paragraphe 48(3), qui s’applique dans les circonstances particulières de ce cas » (Décision du 14 mai 2009, Dossier des demandeurs à la p 99). La date de la présentation de la demande initiale de la demande de pension n’a néanmoins que peu d’importance en l’espèce, puisque cette date ne peut constituer un point de départ de la rétroactivité de l’octroi de la pension que lorsque cette date est postérieure à la date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée (Atkins c Canada (Procureur général), 2009 CF 939, 352 FTR 316).

 

[64]           L’article 39 de la LP se veut être un rempart législatif; tel que le fait remarquer le juge Boivin dans Robertson, ci-dessus, cet article a pour logique qu’une demande doit généralement avoir été entendue dans les trois années de son dépôt à l’ACC. Or, il s’est écoulé 11 années entre le premier contact avec l’ACC en date du 7 mars 1996 pour l’ulcère duodénal et l’octroi de ce droit en date du 30 octobre 2007.

 

[65]           Par ailleurs, le rôle de cette Cour n’est pas de déterminer si la pension devrait être rétroactive au 7 mars 1996 ou non, mais bien de déterminer si le dossier devrait être renvoyé devant un nouveau tribunal afin que les faits et le droit soit réétudiés dans le cas où une erreur de fait ou de droit aurait été commise. Ce sera au nouveau tribunal de déterminer si la rétroactivité doit être étendue jusqu’au 7 mars 1996. Il est évident que le législateur ne légifère pas en vain; comme le législateur a prévu des obligations de renseignements pour les agents de pension de l’ACC envers les anciens combattants qui souhaitent obtenir de l’information concernant les demandes de pension, un manquement à une telle obligation ne peut pas être sans conséquence.

 

[66]           Les demandeurs prétendent que le manque à son mandat législatif de l’ACC, dès le 7 mars 1996 est à la source de leur préjudice, considérant que tous les documents étaient versés au dossier presque dès le tout début du processus, sauf le rapport du Dr Lepage. Les demandeurs citent la décision Nelson c Canada (Procureur général), 2006 CF 225, 389 FTR 183, à l’effet qu’il « est de jurisprudence constante qu’un règlement ou une politique ne peut supplanter des dispositions d’un texte de loi » (au para 31).

 

[67]           Comme dans l’affaire MacKenzie c Canada (Procureur général), 2007 CF 481, 311 FTR 157, la Cour pose cette question : « [l]’article 56 de la Loi sur les pensions est très restrictif. L’expression « difficultés administratives » rend-elle véritablement compte de ce qui est arrivé ici ? » (au para 45). Dans cette décision, le juge Sean Harrington établit ensuite un parallèle avec la notion de déclaration inexacte :

[46]      Les propos tenus au fil des ans à Mme MacKenzie et à sa fille semblent avoir été des déclarations inexactes faites négligemment par des personnes ayant autorité. La notion de responsabilité délictuelle pour déclarations inexactes faites par négligence et la notion du droit des contrats qui concerne le déséquilibre du rapport de forces poussent certainement à la réflexion, même si ces deux notions ne s’appliquent pas nécessairement ici.

 

[68]           La structure législative ne permettra peut-être pas d’accorder un plus grand nombre d’années rétroactives aux demandeurs; cependant, le fait que le tribunal n’ait pas reconnu que le dossier de monsieur Arial avait subi de grandes difficultés au cours des onze dernières années démontre une erreur de fait et de droit. Il s’agit dans le cas présent d’une question touchant la dignité humaine. L’inviolabilité de la personne humaine est un principe qui doit être suivi et respecté. À ce sujet, il est pertinent de reprendre un passage de MacKenzie, ci-dessus, dont le débat portait sur le paragraphe 39(2) de la LP :

[55]      Les pensions versées aux anciens combattants et à leurs personnes à charge en vertu de la Loi sur les pensions devraient être mises en contraste avec les pensions payables en vertu du Régime de pensions du Canada, lequel s’applique à toute personne qui a financièrement contribué à ce régime. Le paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada prévoit que le ministre, s’il est convaincu « qu’un avis erroné ou une erreur administrative […] a eu pour résultat que soit refusé[e] à [une] personne […] en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit », doit prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se trouverait s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

[56]      Malheureusement, il n’y a aucune disposition semblable dans la Loi sur les pensions. Sans doute pourrait-on dire que les cotisants au Régime de pensions du Canada ont payé pour recevoir leurs prestations, mais les membres des Forces canadiennes et leurs familles ont eux aussi payé par leurs vies, leur sang et leurs sacrifices.

 

[57]      La Loi sur les pensions est silencieuse, mais l’article 34 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) parle d’allocations de commisération, encore que le montant d’une telle allocation puisse être restreint. Par ailleurs, le 4 avril 2007, le premier ministre, s’adressant à une foule d’anciens soldats, disait que son gouvernement s’employait à donner effet à une promesse électorale pour faire en sorte que les anciens combattants obtiennent d’Ottawa le respect qu’ils méritaient. Une charge d’ombudsman a été instituée, dotée d’une déclaration des droits, qui permettra semble-t-il à Anciens combattants Canada de veiller à ce que chaque ancien combattant soit traité avec « la justice, la dignité et le respect auquel il a droit ».

 

[58]      Melvin et Annie ont toujours agi honorablement envers nous. Quand allons-nous agir honorablement envers eux? [La Cour souligne].

 

(3)  Est-ce que le comité de réexamen a failli à son devoir d’obtenir un résultat avec un traitement juste, équitable et dans les plus brefs délais pour les demandeurs?

 

[69]           Le rôle du comité de réexamen est de trouver et d’appliquer l’interprétation la plus généreuse et la plus concordante avec l’objet de la loi dans l’octroi du droit à pension. En outre, il ne faut jamais oublier le respect envers la personne humaine qui a servi le Canada avec dévouement et dignité et on ne doit jamais oublier l’inviolabilité de la personne humaine, ainsi que la vulnérabilité des individus qui ont servi le Canada dans des missions où il était près de donner leur vie pour le Canada.

 

[70]           Toute cette situation difficile a été engendrée, en raison des manquements des employés de l’ACC; sans ces manquements, les demandeurs ne se seraient pas retrouvés dans une situation d’attente. De plus, la famille Arial n’a reçu une pension quant aux troubles de l’estomac de monsieur Arial qu’une fois que monsieur Arial est décédé. La présente demande n’émane donc pas d’un individu qui souhaiterait exploiter le système pour s’enrichir, mais plutôt par une personne qui aimerait avoir la reconnaissance que son mari a consacré une partie de sa santé pour servir le Canada et cette reconnaissance est demandée de façon posthume, intrinsèquement liée à la mémoire de son mari. De plus, le montant de la pension réclamé pourrait représenter une somme importante pour la veuve de monsieur Arial; par ailleurs, madame Sonia Arial mentionne dans un courriel apporté en preuve que son père vivait dans une maison mobile (Dossier des défendeurs à la p 105).

 

[71]           On ne peut ignorer le fait que la famille Arial a fait des demandes répétées à l’ACC, afin que quelqu’un puisse les aider à obtenir les documents nécessaires à leur demande de pension, à tout le moins en leur expliquant de façon claire et précise ce qui devait être déposé au dossier, ce qui n’était pas nécessairement que le rapport du médecin de monsieur Arial à l’époque des événements.

[72]           Le défi soulevé par la Cour n’en est pas nécessairement un de résultat, mais plutôt un de moyen, relatif à la manière dont les gens sont traités; si madame Sonia et Madeleine Arial avaient reçu des renseignements plus clairs par le personnel de l’ACC qui aurait pris le temps et le soin d’étudier le dossier avec la délicatesse due aux personnes vulnérable et non renseignées sur leurs droits à cause d’un manque d’instruction, adéquate et nécessaire pour les travaux qu’ils ont entrepris dans leur service pour le Canada. De la même façon que les anciens combattants ont pris les intérêts du Canada à cœur, le Canada doit aussi prendre soin d’eux aujourd’hui.

 

[73]           Peut-être que les comités ont-ils suivi la lettre de la loi, mais pas l’esprit de la loi. Les gens qui servent dans les forces armées doivent bénéficier de tout l’appui possible à leur retour. Le genre de situation des faits présents n’a pas lieu d’être, même dans les cas de changements et d’ajustements administratifs. Il n’est pas seulement question de longs délais ici, mais également de renseignements erronés qui ont été fournis aux demandeurs ainsi que d’un manque de soutien évident qui faisait en sorte que la famille Arial n’a pas toujours pu prendre les meilleures décisions quant à leur dossier, notamment de retirer les demandes de 1996 et 1999.

 

[74]           L’élément moral et le dévouement du soldat est toujours un ingrédient essentiel à n’importe quelle mission aussi est-il important au retour que le même appui soit offert par le gouvernement aux soldats qui ont acquitté leur mission. Tel que l’énonçait la juge Tremblay-Lamer dans Arial, ci-dessus, dans un contexte lié à l’article 38 de la LP :

[34] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a unanimement réitéré l’importance d’ « une interprétation libérale et généreuse » de la Loi sur les pensions, tant parce qu’il s’agit d’une loi « relative au bien-être social » qu’à cause de ses termes exprès (Canada (Procureur Général) c. Frye, 2005 CAF 264, (2005) 338 N.R. 382 aux pars. 14-20).

 

[75]           Même dans le cas où le gouvernement n’accorderait pas entièrement ce qui est réclamé par le demandeur, le traitement de ces gens aurait dû être différent et il y a une différence entre suivre la lettre de la loi et suivre l’esprit de la loi… autrement nous aurions des ordinateurs pour écrire des décisions que selon la lettre de la loi et pas selon l’esprit de la loi également.

 

XI.  Conclusion

[76]           Le manquement de l’ACC envers monsieur Arial a résulté en une baisse de qualité de vie pour cet ancien combattant. La Cour renvoie le dossier au Tribunal des Anciens Combattants pour que celui-ci révise sa responsabilité envers la famille Arial. Ce sera au Tribunal des Anciens Combattants de déterminer à quoi un manquement important à son obligation d’information équivaut selon la loi et la jurisprudence; compte tenu du fait que la loi fait plus que proposer mais plutôt énonce une nécessité, en elle-même, « d’aider les demandeurs ou les pensionnés en ce qui regarde l’application de la présente loi et la préparation de la demande » (paragraphe 81(3) de la LP). Le Tribunal est sous l’obligation d’être fidèle à son mandat de respecter cet énoncé et ne pas le considérer que comme un ajout cosmétique de relations publiques.

 

[77]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée et la demande de réexamen est renvoyée pour étude à la lumière des motifs par un comité de réexamen différemment constitué.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée et la demande de réexamen à nouveau soit renvoyée pour étude à la lumière des motifs par un comité de réexamen différemment constitué.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-250-11

 

INTITULÉ :                                       MAURICE ARIAL

                                                            (ANCIEN COMBATTANT – DÉCÉDÉ)

                                                            MADELEINE ARIAL

                                                            (CONJOINTE SURVIVANTE)

                                                            c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

CONTRÔLE JUDICIAIRE CONSIDÉRÉE PAR VIDÉO CONFÉRENCE LE 7 JUILLET 2011 ENTRE OTTAWA, ONTARIO ET QUÉBEC, QUÉBEC

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 8 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sonia Arial

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Marieke Bouchard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sonia Arial

Québec (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.