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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110621

Dossier : T-50-09

Référence : 2011 CF 735

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2011

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

INSTANCE PAR REPRÉSENTATION

ENTRE :

 

ROBERT MEREDITH ET BRIAN ROACH (REPRÉSENTANT TOUS LES MEMBRES DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               M. Robert Meredith et M. Brian Roach (les demandeurs), qui sont membres de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), ont engagé la présente demande de contrôle judiciaire en qualité de représentants de tous les membres de la GRC. Bien que les demandeurs n’aient pas présenté de requête en vue d’obtenir une ordonnance les nommant représentants de la GRC, conformément à l’article 114 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), le défendeur n’a pas contesté leur statut à cet égard.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008. Ils soutiennent que cette décision, ainsi que certaines dispositions de la Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393 (la LCD), portent atteinte aux droits à la liberté d’association que leur reconnaît l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte).

 

[3]               Subsidiairement, les demandeurs font valoir que la décision constitue une violation de contrat, eu égard aux dispositions de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (la Loi sur la GRC).

 

Les parties

[4]               Les demandeurs sont des militaires en activité de service de la GRC, dont ils représentent tous les membres au pays. M. Meredith est agent de la GRC à Sherwood Park, en Alberta. Il a été élu à l’exécutif national du Programme des représentants des relations fonctionnelles (le PRRF) en 2008. Pour sa part, M. Roach est agent de la GRC à Winnipeg, au Manitoba, et a été élu à l’exécutif national du PRRF en 2005.

 

[5]               Le procureur général du Canada, qui représente le Conseil du Trésor, est le défendeur dans la présente demande.

 

La preuve

[6]               La preuve se compose d’affidavits déposés au nom des demandeurs et du défendeur.

 

[7]               Les demandeurs ont déposé un affidavit de M. Meredith et deux affidavits de M. Roach. Ils ont également déposé les affidavits de M. Mike McDermott, président du Conseil de la solde depuis 2007, de M. Gord Dalziel, membre de la GRC, président du Comité de la solde et des avantages et membre du Conseil de la solde, et de Don Taylor, membre à la retraite de la GRC et ex-président du Comité de la solde et des avantages.

 

[8]               M. Eugene Swimmer, distingué professeur de recherche à la School of Public Policy and Administration de la Carleton University et le spécialiste de la rémunération au Conseil de la solde, a également signé un affidavit au soutien de la demande des demandeurs. Enfin, Ashley Deathe, stagiaire en droit au cabinet d’avocats des demandeurs, a signé au soutien de la demande un affidavit renvoyant aux procédures engagées devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario par l’Association de la police montée de l’Ontario.

 

[9]               Le défendeur a déposé trois affidavits. Le premier affidavit est celui de Mme Claudia Zovatto, directrice principale, Groupes exclus et politiques administratives du Secrétariat du Conseil du Trésor. Mme Hélène Laurendeau, sous-ministre adjointe, Secteur de la rémunération et des relations de travail au Secrétariat du Conseil du Trésor, et M. Paul Rochon, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique économique et fiscale du ministère des Finances, ont également signé des affidavits au soutien de la défense du défendeur.

 

Les faits

[10]           Selon l’article 22 de la Loi sur la GRC, « le Conseil du Trésor établit la solde et les indemnités versées aux membres de la Gendarmerie ».

 

[11]           L’alinéa 2(1)d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui constitue la partie 3 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, exclut les membres de la GRC du régime de négociation collective de la fonction publique fédérale. Aux paragraphes 16 à 18 de son affidavit, Mme Laurendeau explique la différence entre les employés qui sont régis par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et ceux qui ne le sont pas :

[traduction]

16. Les relations de travail à l’administration publique fédérale s’articulent autour de trois cercles concentriques. Le cercle intérieur correspond à l’administration publique centrale, dont le Conseil du Trésor est l’employeur. Les membres de la Gendarmerie royale du Canada font partie de l’administration publique centrale et ont également pour employeur le Conseil du Trésor.

 

17. Le cercle suivant se compose des différents organismes distincts visés par la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les responsables de ces organismes sont chargés de déterminer leurs propres exigences en matière de ressources humaines, notamment en ce qui concerne la classification des postes, la paie et les autres conditions d’emploi. Dans la plupart des cas, le président du Conseil du Trésor approuve les mandats de négociation collective de ces employeurs.

 

18. Le cercle extérieur correspond aux sociétés d’État qui dépendent des crédits parlementaires, dont la liste figure à l’annexe 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les responsables de ces sociétés d’État sont chargés de déterminer leurs propres exigences en matière de ressources humaines, notamment en ce qui concerne la négociation collective. En conséquence, le Conseil du Trésor n’approuve pas les mandats de négociation collective de ces sociétés. Le contrôle financier qu’il exerce se limite au transfert de fonds.

 

 

[12]           Avant 1996, les membres de la GRC n’avaient à leur disposition aucun mécanisme formel pour demander des augmentations de salaire. Conformément à l’article 96 du Règlement sur la Gendarmerie royale du Canada, (1988), DORS/88-361 (le Règlement sur la GRC), le PRRF, qui visait à représenter les intérêts des membres de la GRC, a été mis sur pied. L’exécutif national du PRRF se compose de deux représentants à temps plein et du président du Comité de la solde et des avantages. Ce comité a également été mis sur pied conformément à l’article 96 du Règlement sur la GRC.

 

[13]           Lors de l’adoption du PRRF, le commissaire de la GRC (le commissaire) a créé un conseil consultatif appelé Conseil de la solde, qui se compose d’un président neutre nommé par le commissaire, de deux membres de la direction de la GRC et de deux représentants des relations fonctionnelles (également RRF).

 

[14]           Un de ces représentants est le président du Comité de la solde et l’autre, un spécialiste externe en matière de travail nommé par le commissaire sur les conseils de l’exécutif national des RRF.

 

[15]           Le Conseil de la solde travaille sur la base du consensus et de la collaboration. Le commissaire participe tout au long du processus. Lorsque le Conseil de la solde en arrive à une recommandation finale, il la soumet au commissaire, qui en discute ensuite avec le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le commissaire peut, à son gré, accepter ou rejeter la recommandation, en tout ou en partie. Si le commissaire appuie la recommandation, il l’achemine au ministre responsable de la GRC qui, à l’heure actuelle, est le ministre de la Sécurité publique. Le ministre soumet ensuite une présentation officielle au Conseil du Trésor, qui décide à son tour comment réviser la solde et les avantages des membres de la GRC, le cas échéant.

 

[16]           Au paragraphe 26 de son affidavit, M. Taylor décrit comme suit la nature du Conseil de la solde :

[traduction] J’aimerais formuler un dernier commentaire au sujet du Conseil de la solde. Pendant toute la durée de mes fonctions au Conseil, j’ai pris soin de ne pas utiliser le mot « négocier » pour décrire le mandat ou les fonctions de celui-ci. La loi interdit aux membres de la GRC de faire partie d’un syndicat ou d’engager des négociations collectives avec le Conseil du Trésor ou avec la GRC. En conséquence, je devais éviter d’employer les mots « négocier » ou « négociation » pour décrire les fonctions du Conseil de la solde. J’utilisais plutôt des mots comme « recommandation », « collaboration » ou « consultation » pour décrire notre travail. Cependant, malgré l’emploi de ces mots, le Conseil de la solde était l’organe par l’entremise duquel les membres de la GRC négociaient avec la direction. Étant donné que je suis désormais à l’abri de sanctions disciplinaires de la part de la GRC, je peux affirmer aujourd’hui que mon travail au Conseil de la solde consistait à négocier les conditions d’emploi.

 

 

[17]           La constitutionnalité de l’article 96 du Règlement sur la GRC ainsi que du PRRF et des processus du Conseil de la solde a été contestée dans un litige porté devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Dans la décision publiée sous l’intitulé Mounted Police Association of Ontario c. Canada (Attorney General) (2009), 96 O.R. (3d) 20, la Cour supérieure de justice a conclu que l’article 96 du Règlement ainsi que le PRRF et les processus du Conseil de la solde étaient inconstitutionnels. Après avoir déclaré que l’article 96 était inopérant, elle a suspendu l’effet de cette déclaration pour une période de 18 mois suivant la date des motifs de son jugement.

 

[18]           La Cour d’appel de l’Ontario a prorogé la suspension initiale jusqu’à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la publication du jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, 301 D.L.R. (4th) 335, par suite de l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario.

 

[19]           Pour déterminer la rémunération appropriée, le Conseil de la solde utilise un groupe de comparaison appelé les « services de police référentiels » et composé de huit services de police canadiens, à l’exclusion de la GRC. En ce qui concerne la rémunération globale, le Conseil de la solde a pour but de recommander une rémunération qui situe la GRC dans la moyenne des trois services de police référentiels les mieux rémunérés.

 

[20]           Le Conseil de la solde s’est penché sur la question tout au long de l’année 2007 et a présenté au commissaire des recommandations au sujet de la solde et des avantages pour la période allant de 2008 à 2010.

 

[21]           Le Conseil du Trésor a accepté la plupart des recommandations que le Conseil de la solde avait présentées au commissaire. Le 26 juin 2008, le Conseil du Trésor a annoncé les augmentations suivantes :


 


Année

Augmentation économique

Ajustement au marché

Augmentation totale

2008

2 %

1,32 %

3,32 %

2009

2 %

1,5 %

3,5 %

2010

2 %

0 %

2 %

 

[22]           Le Conseil du Trésor a également convenu de doubler la solde de service, qui est un montant forfaitaire versé chaque année aux membres de la GRC selon le nombre d’années de service en fonction d’un pourcentage du salaire. Le Conseil du Trésor a aussi autorisé le paiement d’une indemnité aux moniteurs de formation pratique.

 

[23]           Au 31 décembre 2008, par suite de ces mesures, la rémunération globale des membres de la GRC, y compris la solde et les avantages, devait être inférieure de 0,43 % à la moyenne de la rémunération totale accordée aux trois services de police référentiels du Canada les mieux rémunérés. Cette différence se situait à l’intérieur de l’écart acceptable pour le Conseil de la solde.

 

[24]           Entre-temps, l’économie mondiale s’est effondrée et a atteint un état critique à l’automne 2008. Les perspectives économiques canadiennes ont été révisées à la baisse entre novembre 2008 et janvier 2009. Cette crise économique devait mener à la récession mondiale la plus grave depuis la Grande Dépression. Cette situation, bien connue de tous, est expliquée en détail dans l’affidavit de M. Rochon.

 

[25]           En raison de cette situation, le ministère des Finances a approché le Secrétariat du Conseil du Trésor en octobre 2008 afin de discuter de certaines mesures visant à réduire les dépenses, y compris la restriction touchant les salaires versés aux membres de la fonction publique. Mme Laurendeau a préparé un rapport faisant état de trois possibilités :

1. l’imposition de gels de la dotation;

2. le contrôle de la croissance des salaires par la suspension des promotions et des mouvements à l’intérieur des catégories salariales;

3. le gel ou la limitation des augmentations de salaire.

 

Mme Laurendeau a recommandé la troisième option; plus précisément, elle préférait limiter les augmentations de salaire plutôt que geler celles-ci.

 

[26]           Le Secrétariat du Conseil du Trésor a communiqué avec les responsables de tous les agents négociateurs de l’administration publique centrale à la fin d’octobre et au début de novembre 2008. Selon le paragraphe 20 de l’affidavit de Mme Laurendeau, la stratégie du Conseil du Trésor

[traduction] … consistait à tenter de créer un momentum en vue d’en arriver à un consensus dans l’ensemble de l’administration publique centrale, ce qui encouragerait les organismes distincts et les sociétés d’État à en faire autant.

 

[27]           Le 17 novembre 2008, le secrétaire du Conseil du Trésor a rencontré le chef d’état-major de la Défense et le commissaire de la GRC afin de discuter de la limitation des augmentations de salaire.

 

[28]           Le 18 novembre 2008, le secrétaire du Conseil du Trésor a rencontré les responsables des sociétés d’État au sujet des augmentations de salaire. Le même jour, le président du Conseil du Trésor a présenté une offre finale aux agents négociateurs en ce qui concerne l’administration publique centrale. Cette offre prévoyait une augmentation de salaire de 2,3 % pour l’exercice 2007-2008 et une augmentation de salaire de 1,5 % pour les trois exercices suivants.

 

[29]           Le 27 novembre 2008, le gouvernement du Canada a publié un énoncé économique et financier prévoyant notamment des augmentations salariales limitées pour le secteur public. Le même jour, le Secrétariat du Conseil du Trésor a fait savoir au commissaire que les augmentations limitées en question s’appliqueraient à la GRC.

 

[30]           Au début de décembre 2008, le Conseil du Trésor a signé des accords avec 14 agents négociateurs de l’administration publique centrale. À cette époque, plus de 30 organismes distincts avaient également conclu des accords avec leurs agents négociateurs respectifs; voir l’affidavit de Mme Laurendeau, aux paragraphes 23 à 29.

 

[31]           Entre-temps, des cadres supérieurs de la GRC ont communiqué avec Mme Zovatto pour savoir si la GRC serait en mesure de mettre en oeuvre les hausses salariales pour l’année 2009. Selon son affidavit, Mme Zovatto a avisé ces fonctionnaires de ne pas augmenter les salaires de plus de 1,5 %.

 

[32]           Par ailleurs, M. Dalziel a mentionné dans son affidavit que des rumeurs concernant ce conseil ont circulé entre les RRF. M. Dalziel, le RRF au Conseil de la solde, a communiqué avec le sous-commissaire Peter Martin, le dirigeant principal des droits de la personne, à ce sujet. En réponse, le commissaire a fait parvenir, le 28 novembre 2008, un bulletin dans lequel il a souligné qu’il ne savait pas si la GRC serait touchée par la restriction touchant les augmentations de salaire.

 

[33]           Le 11 décembre 2008, le Conseil du Trésor a officiellement approuvé une modification de la rémunération globale de la GRC qui avait été approuvée en juin 2008. Cette modification a eu pour effet d’annuler l’ajustement au marché pour 2009, de réduire l’augmentation économique de 2 % à 1,5 % pour 2009 et 2010 et d’annuler l’augmentation de la solde de service.

 

[34]           Le 12 décembre 2008, le commissaire a avisé les membres de l’exécutif national du PRRF, MM. Dalziel et McDermott, de la décision du Conseil du Trésor. Il a également informé l’ensemble des membres de la GRC de cette décision le même jour, soit le 12 décembre 2008.

 

[35]           Les demandeurs et leurs collègues ont commencé à solliciter des rencontres et des consultations avec différents représentants du gouvernement au sujet de la décision du Conseil du Trésor. Ainsi, selon l’affidavit de M. Roach, l’exécutif national du PRRF et le Conseil de la solde ont fait parvenir des lettres en décembre 2008 et janvier 2009 à Stockwell Day, le ministre du Commerce international, à l’ex-ministre responsable de la GRC, Mme Laurendeau, au premier ministre et à 75 députés. Aucune réponse n’a été donnée à l’une ou l’autre de ces lettres.

 

[36]           Dans la lettre qu’il a envoyée à Mme Laurendeau, M. McDermott a exprimé sa déception devant le fait qu’il n’avait pas été tenu compte du processus du Conseil de la solde.

 

[37]           Les 27 janvier et 2 février 2009, MM. Roach, Dalziel et Meredith ainsi que d’autres personnes ont rencontré l’honorable Peter Van Loan, le ministre de la Sécurité publique, afin d’engager des discussions sur les solutions de rechange à la réduction de salaire.

 

[38]           Le 5 février 2009, les mêmes membres de la GRC ont rencontré l’honorable Vic Toews, alors président du Conseil du Trésor. Lors de cette rencontre, M. Toews n’a pas voulu discuter de la décision du Conseil du Trésor ou de la LCD.

 

[39]           Le 6 février 2009, la LCD a été déposée devant le Parlement. Voici les dispositions pertinentes de cette Loi :

Augmentation des taux de salaire

 

16. Malgré toute convention collective, décision arbitrale ou condition d’emploi à l’effet contraire, mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les taux de salaire des employés sont augmentés, ou sont réputés l’avoir été, selon le cas, selon les taux figurant ci-après à l’égard de toute période de douze mois commençant au cours d’un des exercices suivants :

Augmentation des taux de salaire

 

a) l’exercice 2006-2007, un taux de deux et demi pour cent;

 

b) l’exercice 2007-2008, un taux de deux et trois dixièmes pour cent;

 

c) l’exercice 2008-2009, un taux de un et demi pour cent;

 

d) l’exercice 2009-2010, un taux de un et demi pour cent;

 

e) l’exercice 2010-2011, un taux de un et demi pour cent.

 

Employés non représentés ou exclus

 

Définitions

 

35. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 36 à 54.

 

« employé » Tout employé non représenté par un agent négociateur ou exclu d’une unité de négociation.

 

 

« condition d’emploi » Toute condition d’emploi s’appliquant aux employés.

 

 

(2) Pour l’application des articles 36 à 54, sont des conditions d’emploi établies celles qui émanent unilatéralement de l’employeur ou celles convenues par celui-ci et les employés.

 

38. S’agissant de conditions d’emploi établies avant le 8 décembre 2008, les règles suivantes s’appliquent :

 

 

 

b) en ce qui concerne toute période de douze mois commençant au cours de l’un ou l’autre des exercices 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, l’article 16 s’applique uniquement à l’égard de toute période commençant le 8 décembre 2008 ou après cette date, et toute disposition des conditions d’emploi prévoyant, pour une période donnée, une augmentation des taux de salaire supérieure à celle qui est prévue à cet article pour cette période est inopérante ou réputée n’être jamais entrée en vigueur, et est réputée prévoir l’augmentation prévue au même article pour cette période.

 

43. Sous réserve des articles 51 à 54 :

 

a) aucune condition d’emploi établie après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peut prévoir de restructuration des taux de salaire au cours de toute période commençant au cours de la période de contrôle;

 

 

b) toute condition d’emploi établie au cours de la période allant du 8 décembre 2008 à la date d’entrée en vigueur de la présente loi et prévoyant une restructuration des taux de salaire au cours de toute période commençant au cours de la période de contrôle est inopérante ou réputée n’être jamais entrée en vigueur;

 

 

 

c) toute condition d’emploi établie avant le 8 décembre 2008 et prévoyant une restructuration des taux de salaire au cours de toute période commençant au cours de la période allant du 8 décembre 2008 au 31 mars 2011 est inopérante ou réputée n’être jamais entrée en vigueur.

 

 

46. Est inopérante ou réputée n’être jamais entrée en vigueur toute disposition de conditions d’emploi établies avant le 8 décembre 2008 prévoyant, à l’égard de toute période commençant au cours de la période allant du 8 décembre 2008 au 31 mars 2011, une augmentation des montants ou des taux de toute rémunération additionnelle applicable, avant la première période qui commence le 8 décembre 2008 ou après cette date, aux employés régis par ces conditions d’emploi.

 

 

 

49. Est inopérante ou réputée n’être jamais entrée en vigueur toute disposition de conditions d’emploi établies avant le 8 décembre 2008 prévoyant, à l’égard de toute période commençant au cours de la période allant du 8 décembre 2008 au 31 mars 2011, une rémunération additionnelle qui est nouvelle par rapport à celle applicable, avant la première période qui commence le 8 décembre 2008 ou après cette date, aux employés régis par ces conditions d’emploi.

 

 

 

 

 

 

62. Malgré les articles 44 à 49, le Conseil du Trésor peut créer une nouvelle allocation applicable aux membres de la Gendarmerie royale du Canada ou modifier le montant ou le taux d’une allocation qu’ils reçoivent s’il estime qu’une telle mesure est indispensable à la mise en oeuvre de toute initiative de transformation relative à cet organisme.

Increases to Rates of Pay

 

 

16. Despite any collective agreement, arbitral award or terms and conditions of employment to the contrary, but subject to the other provisions of this Act, the rates of pay for employees are to be increased, or are deemed to have been increased, as the case may be, by the following percentages for any 12-month period that begins during any of the following fiscal years:

 

 

 

(a) the 2006–2007 fiscal year, 2.5%;

 

 

(b) the 2007–2008 fiscal year, 2.3%;

 

 

(c) the 2008–2009 fiscal year, 1.5%;

 

(d) the 2009–2010 fiscal year, 1.5%; and

 

(e) the 2010–2011 fiscal year, 1.5%.

 

Non-represented and Excluded Employees

 

Definitions

 

35. (1) The following definitions apply in sections 36 to 54.

 

“employee” means an employee who is not represented by a bargaining agent or who is excluded from a bargaining unit.

 

“terms and conditions of employment” means terms and conditions of employment that apply to employees.

 

(2) For the purposes of sections 36 to 54, terms and conditions of employment are considered to be established if they are established by an employer acting alone or agreed to by an employer and employees.

 

38. With respect to any terms and conditions of employment established before December 8, 2008 that provide for increases to rates of pay

 

 

(b) for any 12-month period that begins during any of the 2008–2009, 2009–2010 and 2010–2011 fiscal years, section 16 applies only in respect of periods that begin on or after December 8, 2008 and any provisions of those terms and conditions of employment that provide, for any particular period, for increases to rates of pay that are greater than those referred to in section 16 for that particular period are of no effect or are deemed never to have had effect, as the case may be, and are deemed to be provisions that provide for the increases referred to in section 16.

 

43. Subject to sections 51 to 54,

 

(a) no provision of terms and conditions of employment established after the day on which this Act comes into force may provide for the restructuring of rates of pay during any period that begins during the restraint period;

 

 

(b) any provision of terms and conditions of employment established during the period that begins on December 8, 2008 and ends on the day on which this Act comes into force that provides for the restructuring of rates of pay during any period that begins during the restraint period is of no effect or is deemed never to have had effect, as the case may be; and

 

(c) any provision of terms and conditions of employment established before December 8, 2008 that provides for the restructuring of rates of pay during any period that begins during the period that begins on December 8, 2008 and ends on March 31, 2011 is of no effect or is deemed never to have had effect, as the case may be.

           

46. If any terms and conditions of employment established before December 8, 2008 contain provisions that, for any period that begins in the period that begins on December 8, 2008 and ends on March 31, 2011, provide for an increase to the amount or rate of any additional remuneration that applied to the employees governed by those terms and conditions of employment immediately before the first period that began on or after December, 8, 2008, those provisions are of no effect or are deemed never to have had effect, as the case may be.

 

49. If any terms and conditions of employment established before December 8, 2008 contain, in relation to any employees, a provision that provides, for any period that begins in the period that begins on December 8, 2008 and ends on March 31, 2011, for any additional remuneration that is new in relation to the additional remuneration that applied to the employees governed by those terms and conditions of employment immediately before the first period that began on or after December 8, 2008, that provision is of no effect or is deemed never to have had effect, as the case may be.

 

62. Despite sections 44 to 49, the Treasury Board may change the amount or rate of any allowance, or make any new allowance, applicable to members of the Royal Canadian Mounted Police if the Treasury Board is of the opinion that the change or the new allowance, as the case may be, is critical to support transformation initiatives relating to the Royal Canadian Mounted Police.

 

[40]           Selon le paragraphe 30 de l’affidavit de M. Rochon, les objectifs de la LCD et de la décision de limiter les augmentations de salaire étaient les suivants :

1. réduire la pression à la hausse indue sur les salaires dans le secteur privé;

2. montrer la voie à suivre en faisant preuve de retenue et de respect à l’égard des fonds publics;

3. gérer la rémunération du secteur public de façon appropriée et prévisible, afin de préserver la stabilité de la situation financière du gouvernement.

 

[41]           Même si la mesure était temporaire, étant donné que la restriction touchant les augmentations de salaire devait prendre fin le 31 mars 2011, l’idée sous-jacente était de réduire en permanence les dépenses du gouvernement, de manière à rétablir l’équilibre budgétaire le plus rapidement possible. Cette affirmation figure au paragraphe 31 de l’affidavit de M. Rochon.

 

[42]           Les RRF ont poursuivi leurs efforts. Le 11 février 2009, le Conseil de la solde a présenté une offre globale sur les diminutions de salaire à M. Toews. Cette proposition a été formellement rejetée le 27 février 2009. Selon M. Roach, l’exécutif national du PRRF a fait savoir au Conseil de la solde que l’offre de celui-ci était rejetée parce qu’elle était incompatible avec la LCD.

 

[43]           Le 3 mars 2009, MM. Meredith, Dalziel et Roach ont rencontré le commissaire au sujet de la rémunération. Lors de cette rencontre, le commissaire a fait savoir que le premier ministre et les autres ministres ne répondraient pas à leurs demandes de rencontres. Étant donné que les ministres refusaient de rencontrer les syndicats de la fonction publique, ils ne pouvaient paraître appuyer la position de la GRC.

 

[44]           Lors d’une deuxième rencontre tenue le 4 mars 2009, le commissaire a présenté au Conseil de la solde une lettre de mandat portant sur l’examen de la façon d’accroître les allocations existantes afin de promouvoir les initiatives de transformation concernant la GRC, conformément à l’article 62 de la LCD.

 

[45]           Aux paragraphes 14 à 16 de son affidavit, M. Roach résume le résultat des différentes rencontres tenues entre des membres de la GRC et des représentants du gouvernement entre décembre 2008 et mars 2009 :

[traduction]

14. Les rencontres tenues le 5 février et les 3 et 4 mars 2009 sont les seules rencontres au cours desquelles la rémunération des membres de la GRC a fait l’objet de discussions.

 

15. Lors de ces rencontres, aucun représentant du gouvernement n’a voulu discuter de la possibilité de modifier la décision annoncée le 12 décembre 2008 au sujet de la diminution des augmentations de salaire prévues ou de la possibilité de modifier les dispositions de la Loi sur le contrôle des dépenses, y compris les dispositions autorisant la diminution en question.

 

16. Je ne décrirais pas ces rencontres avec des représentants du gouvernement comme des consultations ou des négociations. Ces réunions faisaient plutôt partie de nos mesures de pression : au cours de ces rencontres, nous avons exercé des pressions pour obtenir des changements, mais nous avons constamment essuyé des rebuffades. La diminution des augmentations de salaire prévues était un fait accompli.

 

 

[46]           La LCD a reçu la sanction royale le 12 mars 2009.

 

[47]           Le 13 mars 2009, le Conseil de la solde a présenté son rapport sur les initiatives de transformation. Le 9 juin 2009, le Conseil du Trésor a augmenté la solde de service de 1 % à 1,5 % pour chaque tranche de cinq années de service.

 

Les questions en litige

[48]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1.      La décision du 12 décembre 2008 par laquelle le Conseil du Trésor a réduit les augmentations de salaire prévues pour les membres de la GRC et les dispositions attaquées de la LCD vont-elles à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte?

2.      Dans l’affirmative, cette violation est-elle sauvegardée par l’article premier de la Charte?

3.      Subsidiairement, la décision du 12 décembre 2008 du Conseil du Trésor constituait‑elle une violation de contrat?

 

Examen

1. La décision du 12 décembre 2008 par laquelle le Conseil du Trésor a réduit les augmentations de salaire prévues pour les membres de la GRC et les dispositions attaquées de la LCD vont-elles à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte?

 

(i) Les prétentions des demandeurs

[49]           Invoquant l'arrêt de la Cour suprême du Canada Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Association c. Colombie-Britannique, [2007] 2 R.C.S. 391, les demandeurs soutiennent que la décision du Conseil du Trésor et les dispositions attaquées de la LCD ont pour effet de les priver de leur droit à la liberté d’association. Dans Health Services, où la Cour suprême se penchait sur une allégation d’entrave législative au processus de négociation collective, le critère suivant a été énoncé :

a) La mesure législative entrave-t-elle le processus de négociation collective?

b) L’entrave est-elle substantielle?

 

[50]           Dans Confédération des syndicats nationaux c. Québec (Procureur général), [2008] R.J.D.T. 1477, la Cour supérieure du Québec a donné des exemples de mesures de l’État qui constituent une entrave substantielle aux droits reconnus à l’alinéa 2d). Ces mesures comprennent l’omission de consulter, le refus de négocier de bonne foi, le retrait d’importants sujets de négociation et l’annulation unilatérale de conditions négociées.

 

[51]           Les demandeurs reprochent au Conseil du Trésor d’avoir pris sa décision sans tenir compte de l’avis des membres de la GRC ou du Conseil de la solde, et d’avoir refusé de discuter de la question salariale une fois que la décision a été annoncée.

 

[52]           De l’avis des demandeurs, la LCD est l'équivalant du texte législatif jugé inconstitutionnel dans Health Services. La LCD a pour effet d’invalider des ententes négociées sur les salaires et d’interdire toute autre négociation avant une date fixée ultérieurement. Les conditions salariales globales obtenues en 2008 pour les membres de la GRC ne constituaient pas une convention collective, mais ont été obtenues grâce aux efforts du Conseil de la solde. Le Conseil de la solde remplace la GRC aux fins de négociation collective, et les conditions salariales mises en oeuvre par suite des travaux dudit Conseil doivent être considérées comme des conditions analogues aux conventions collectives.

 

[53]           De l’avis des demandeurs, l’abrogation d’une offre salariale globale découlant des recommandations du Conseil de la solde et l’interdiction de mettre en oeuvre les offres salariales en question ont pour effet d’annuler une convention collective ou d’empêcher la négociation collective.

 

[54]           En ce qui concerne la question de l’entrave substantielle, les demandeurs soulignent que la LCD et la décision du Conseil du Trésor concernent les salaires et que la rémunération constitue la pierre angulaire de la négociation collective.

 

[55]           Par sa décision, le Conseil du Trésor a annulé l’entente salariale existante, tandis que la LCD interdit la négociation collective sur les salaires jusqu’en 2011. Les demandeurs font donc valoir que la LCD et la décision du Conseil du Trésor entravent la négociation de l’aspect le plus important de la négociation collective. Selon les demandeurs, la LCD empêche la négociation relative aux salaires et annule une offre salariale existante qui a été obtenue par l’entremise du Conseil de la solde. En conséquence, elle porte atteinte à l’alinéa 2d) de la Charte.

 

[56]           Les RRF et le Conseil de la solde ont tenté d’engager une consultation au sujet des salaires. Avant la décision du 11 décembre, il n’y a pas eu de consultation ou de négociation. La décision du Conseil du Trésor était unilatérale. Selon l’affidavit de M. Dalziel, lorsqu’un représentant du Conseil de la solde a demandé au commissaire de la GRC si la rémunération globale précédemment négociée serait abaissée, le commissaire a répondu qu’il ignorait si la GRC serait touchée par le programme de restrictions salariales du gouvernement.

 

[57]           Les demandeurs ajoutent que le Conseil du Trésor a refusé de négocier ou de consulter après avoir pris sa décision. Selon le deuxième affidavit de M. Roach, les RRF qui agissaient pour le compte des membres de la GRC ont eu deux rencontres avec le ministre de la Sécurité publique, une rencontre avec le président du Conseil du Trésor, une rencontre avec le commissaire et d’autres discussions avec des représentants de la GRC. Les représentants du Conseil du Trésor ont refusé de discuter des salaires à l’une ou l’autre de ces réunions. Le Conseil de la solde a élaboré une trousse de consultation qui a été rejetée, parce qu’elle était incompatible avec la LCD proposée.

 

[58]           Après l’audition initiale de la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour suprême du Canada a publié son jugement dans Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20. Les parties ont été invitées à présenter des observations verbales et écrites et elles ont répondu à cette invitation.

 

[59]           Les demandeurs ont soutenu que l’arrêt Fraser avait très peu de répercussions sur la présente affaire. Dans cet arrêt, la majorité de la Cour suprême a confirmé le jugement qu’elle avait rendu dans Health Services, soulignant que la négociation et la consultation de bonne foi étaient nécessaires pour que l’alinéa 2d) de la Charte soit respecté.

 

[60]           Les demandeurs ont ajouté que les faits de la présente affaire sont différents de ceux de l’arrêt Fraser.

 

(ii) Les prétentions du défendeur

[61]           Le défendeur soutient que l’alinéa 2d) de la Charte protège uniquement les demandeurs contre une entrave substantielle à l’activité associative, c’est-à-dire le processus qui permet aux employés d’atteindre des objectifs dans le cadre de négociations significatives avec l’employeur. Affirmant que l’analyse est contextuelle et factuelle, le défendeur met l’accent sur l’importance de la question touchée pour le processus de négociation collective et, en deuxième lieu, sur les répercussions de la mesure sur le droit collectif à la négociation et à la consultation de bonne foi.

 

[62]           Selon le défendeur, le PRRF et le processus du Conseil de la solde sont des mécanismes qui permettent aux membres de la GRC de poursuivre des activités associatives sur une base collégiale et consensuelle. Le commissaire examine les recommandations et présente celles qu’il juge pertinentes au ministre de la Sécurité publique. Ce modèle ne peut être comparé directement aux modèles traditionnels de relations de travail. De l’avis du défendeur, les demandeurs tentent d’imposer une obligation de négocier de bonne foi. L’alinéa 2d) accorde le droit de maintenir le processus d’engagement collectif, mais non le droit d’invoquer les avantages procéduraux d’un modèle traditionnel de négociation collective.

 

[63]           De plus, le défendeur fait valoir que la LCD n’entrave pas les activités associatives du PRRF ou du Conseil de la solde. La LCD s’applique à la détermination des salaires des personnes faisant partie de la fonction publique et ne touche nullement le processus existant en ce qui concerne la représentation des intérêts des membres de la GRC. La LCD n’a pas pour effet d’annuler les conditions négociées d’une convention collective ou de porter atteinte aux conventions collectives ultérieures; elle impose plutôt une restriction législative au pouvoir du Conseil du Trésor de fixer des conditions d’emploi.

 

[64]           De l’avis du défendeur, bien que les salaires constituent une question importante, la LCD ne limite les augmentations que pour une période de deux ans. Il ne s’agit pas d’un gel ou d’une réduction des salaires. Les répercussions sur la rémunération sont restreintes.

 

[65]           Le défendeur souligne que les RRF ont rencontré le président du Conseil du Trésor en février 2009. Le président du Conseil du Trésor a également reçu des observations du Conseil de la solde. Le président a écouté ces observations, mais n’a pas modifié la LCD. Selon le défendeur, le président a fait appel au processus de consultation ordinaire et a invité le Conseil de la solde à présenter des recommandations concernant les nouvelles allocations aux termes de l’article 62 de la LCD.

 

[66]           En dernier lieu, le défendeur soutient que la LCD ne touche pas le processus d’association existant. Elle restreint simplement les augmentations de salaire maximales pouvant être accordées aux membres de la GRC. La demande des demandeurs équivaut à une demande visant à obtenir un résultat économique précis, ce qui n’est pas protégé par l’alinéa 2d) de la Charte.

 

[67]           Selon le défendeur, la déception de la GRC au sujet de la limitation des augmentations de salaire ne constitue pas une perte de confiance à l’égard de la démarche associative existante ni une entrave substantielle. La façon dont les conditions d’emploi ont été modifiées va de pair avec des discussions et consultations menées de bonne foi. Le Conseil du Trésor a respecté cette norme en encourageant le commissaire à examiner la question avec la GRC avant que le Conseil du Trésor prenne sa décision.

 

[68]           En ce qui concerne l'arrêt Fraser de la Cour suprême du Canada, le défendeur fait valoir qu'il confirme le droit à la liberté d’association protégé par l’alinéa 2d), mais souligne que cette disposition ne protège pas un modèle de négociation collective donné ni ne garantit de résultats précis.

 

[69]           Le défendeur ajoute que l’arrêt Fraser crée un seuil global de l’impossibilité de fait selon lequel, pour porter atteinte à l’alinéa 2d), la mesure législative ou gouvernementale doit rendre de fait impossible la poursuite véritable d’objectifs collectifs.

 

[70]           Appliquant cette norme à la présente affaire, le défendeur fait valoir que la décision du Conseil du Trésor et la LCD ne rendent pas de fait impossible la poursuite d’objectifs collectifs. De l’avis du défendeur, l’accroissement de la solde de service dans le cadre des initiatives de transformation prouve que le Conseil de la solde a continué son travail sans être gêné par la décision du Conseil du Trésor et par la LCD.

 

(iii) Analyse

[71]           Le régime législatif exclut les membres de la GRC du régime de négociation collective : voir l’alinéa 2(1)d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et les articles 41 et 96 du Règlement sur la GRC, ainsi que les commentaires connexes formulés dans  Mounted Police Association of Ontario c. Canada.

 

[72]           Le travail du Conseil de la solde ne peut être considéré comme un processus équivalant tout à fait à la négociation collective. Néanmoins, c’est le seul mécanisme formel qui permet aux membres de la GRC de poursuivre collectivement des objectifs liés à la rémunération avec leur employeur, en l’occurrence le Conseil du Trésor.

 

[73]           Dans l’arrêt Fraser, la Cour suprême du Canada a décidé que tous les employés, et non seulement ceux qui sont assujettis à un régime de négociation collective semblable au modèle Wagner, ont le droit de formuler des observations collectives et de les voir prises en compte de bonne foi : voir les paragraphes 42 et 46 à 48. Il s’ensuit que le processus du Conseil de la solde est important et devrait bénéficier de la protection prévue à l’alinéa 2d) de la Charte.

 

[74]           Dans ce même arrêt, la Cour suprême du Canada a adopté le raisonnement suivi dans Health Services pour savoir s’il y avait eu violation de l’alinéa 2d), mais n’a pas appliqué le critère à deux volets énoncé dans cette même décision. La majorité de la Cour suprême a plutôt reformulé la question comme suit au paragraphe 47 de l’arrêt Fraser :

 [47] [...] S’il est démontré qu’une loi (ou l’absence de loi : voir Dunmore) ou une action de l’État rend impossible en l’entravant substantiellement l’exercice véritable du droit d’association, la restriction du droit garanti à l’al. 2d) est établie. Il appartient à l’État de justifier cette restriction en application de l’article premier de la Charte.

 

[75]           À la lumière des faits dont elle était saisie, la majorité formule le critère comme suit aux paragraphes 98 et 99 de l’arrêt Fraser :

[98] La Cour doit essentiellement se demander si, à l’instar des textes législatifs considérés dans Dunmore, la LPEA rend de fait impossible l’association véritable en vue de réaliser des objectifs liés au travail. Si, considéré sous l’angle de son effet, le processus de la LPEA rend effectivement impossible le règlement de bonne foi des différends liés au travail opposant employés et employeurs, on se trouve devant une restriction du droit d’association véritable garanti à l’al. 2d) de la Charte et la loi est inconstitutionnelle sauf justification au regard de l’article premier de la Charte. Il incombe aux travailleurs agricoles d’établir que la LPEA porte ainsi atteinte à leur droit constitutionnel de s’associer.

 

[99] Rappelons que le droit d’une association d’employés de présenter des observations à l’employeur et de les voir prises en compte de bonne foi est dérivé de la liberté garantie à l’al. 2d) de la Charte et qu’il est nécessaire à l’exercice véritable du droit de libre association. Il faut alors rechercher si la LPEA prévoit un processus qui satisfait à cette exigence constitutionnelle.

 

[76]           Dans ses observations sur l’arrêt Fraser, le défendeur a insisté à maintes reprises sur le mot « impossible », soutenant que ce mot crée un seuil global. À mon avis, l’argument du défendeur à cet égard est trop restrictif.

 

[77]           Il faut examiner le mot « impossible » dans le contexte d’autres mots, comme « meaningfully » (véritable) et « effectively » (de fait), et de l’expression « good faith » (bonne foi). Si la mesure législative permet aux employés de formuler des observations collectives qui ne sont pas réelles ou véritables ou s’il est possible de formuler des observations, mais que la conduite du gouvernement est entachée de mauvaise foi, il y aura encore violation de l’alinéa 2d) de la Charte.

 

[78]           À mon avis, la notion d'impossibilité qu'utilise la Cour suprême du Canada ne constitue pas un seuil ou un facteur primordial. Il fait plutôt partie du critère global énoncé et appliqué dans l’arrêt Fraser.

 

[79]           Il est facile de reformuler le test appliqué dans Fraser pour en illustrer l’applicabilité à la présente affaire : la LCD et la décision du Conseil du Trésor rendent-elles de fait impossible pour le Conseil de la solde de présenter des observations au nom des membres de la GRC et de les voir prises en compte de bonne foi?

 

[80]           À la différence de l'affaire Fraser, les demandeurs ne soutiennent pas en l’espèce que le PRRF ou le régime d’association du Conseil de la solde porte en soi atteinte à l’alinéa 2d) de la Charte. Cette question était en litige dans Mounted Police Association of Ontario c. Canada. Dans la présente affaire, comme c’était le cas dans Health Services, les demandeurs font valoir qu’une décision particulière du Conseil du Trésor et certaines dispositions de la LCD portent ensemble atteinte aux droits reconnus par l’alinéa 2d), parce qu’elles ne respectent pas le processus du Conseil de la solde.

 

[81]           En juin 2008, après avoir consulté le Conseil de la solde, le Conseil du Trésor a approuvé une augmentation de salaire de 2 % et un ajustement au marché de 1,32 % pour la GRC pour l’année 2008, une augmentation de salaire de 2 % et un ajustement au marché de 1,5 % pour l’année 2009 et une augmentation de salaire de 2 % pour l’année 2010. Le 11 décembre 2008, sans consulter le Conseil de la solde, le Conseil du Trésor a abaissé les augmentations de salaire à 1,5 % pour les trois années et annulé les ajustements au marché pour les années 2009 et 2010.

 

[82]           Eu égard à la preuve présentée, il appert que la décision prise par le Conseil du Trésor en décembre 2008 laissait présager l’adoption de la LCD. En d’autres termes, la LCD a donné un effet légal au contenu de la décision prise le 11 décembre 2008.

 

[83]           Bien que les dispositions de la LCD soient différentes de celles qui ont été examinées dans Health Services, les répercussions des deux textes législatifs sont sensiblement les mêmes. Premièrement, les deux textes confirment la décision du Conseil du Trésor de mettre fin à une entente antérieure et, deuxièmement, ils restreignent la façon de traiter une question donnée dans des ententes ultérieures.

 

[84]           Le défendeur fait valoir que le processus du Conseil de la solde n’est pas touché et que seuls les résultats du processus ont été limités. À son avis, l’augmentation de la solde de service prouve que le Conseil de la solde demeure en mesure de représenter la GRC pour ce qui est des questions salariales.

 

[85]           Il appert clairement de la preuve au dossier que les initiatives de transformation, comme l’augmentation de la solde de service, constituaient le seul aspect de la rémunération de la GRC dont les représentants du Conseil du Trésor étaient prêts à discuter avec le Conseil de la solde et les RRF après la décision de décembre 2008 et l’adoption de la LCD.

 

[86]           À mon avis, cet engagement restreint démontre que le Conseil du Trésor a exclu la question de l’examen et refusé de négocier de bonne foi. L’annulation unilatérale d’une entente antérieure porte également atteinte aux droits que reconnaît l’alinéa 2d) : voir Confédération des syndicats nationaux c. Québec.

 

[87]           Le défendeur soutient que les effets de la LCD sont restreints, puisqu’ils expireront le 31 mars 2011. Cependant, le témoignage de M. Rochon montre fort bien que si les mesures elles‑mêmes sont temporaires, les répercussions sont destinées à être permanentes. L’intention consiste à réduire de façon permanente les dépenses du gouvernement au titre des salaires des fonctionnaires. Il s’agit là d’une conséquence inévitable de la LCD.

 

[88]           Si les augmentations de salaire des membres de la GRC sont limitées, ne serait-ce que pour une période de trois ans, cette mesure aura quand même des effets durables sur le montant que le Conseil du Trésor sera tenu de dépenser au titre de la pension, de la solde de service et des autres avantages qui dépendent du salaire gagné par les membres de la GRC. En termes pratiques, cette mesure fixe également le point de départ des négociations relatives aux futures augmentations de salaire.

 

[89]           Les répercussions financières de la LCD ne sont pas pertinentes. Dans les arrêts Health Services et Fraser, la Cour suprême du Canada a mis l’accent sur l’importance, non pas des répercussions financières des dispositions législatives examinées, mais plutôt des répercussions de l’entrave au processus de négociation.

 

[90]           Dans la présente affaire, le processus du Conseil de la solde est fortement entravé. Le Conseil de la solde a travaillé pendant plus d’un an pour élaborer ses recommandations afin que le Conseil du Trésor mette en place un régime d’augmentations de salaire acceptable. La décision du Conseil du Trésor et le texte législatif ont eu pour effet d’annuler unilatéralement ce régime, de sorte que le processus du Conseil de la solde n’a nullement été pris en compte.

 

[91]           Les fonctions du Conseil de la solde consistent en bonne partie à présenter des recommandations au sujet des salaires des membres de la GRC. L’établissement d’une faible augmentation de salaire pour une période de trois ans est un indice clair du fait que la question a été exclue des discussions et des consultations. Cette mesure élimine à toutes fins utiles pour une période de trois ans le processus du Conseil de la solde concernant l’établissement des salaires.

 

[92]           La décision du Conseil du Trésor et la LCD ont rendu de fait impossible pour le Conseil de la solde de présenter des observations au nom des membres de la GRC et de les voir prises en compte de bonne foi. À mon avis, il s’agit là d’une entrave substantielle qui constitue une violation de l’alinéa 2d) de la Charte.

 

2. La violation de l’alinéa 2d) est-elle sauvegardée par l’article premier de la Charte?

 

(i) Les prétentions des demandeurs

[93]           Les demandeurs soutiennent que la décision du Conseil du Trésor et les dispositions attaquées de la LCD ne sont pas sauvegardées par l’article premier. D’abord, ils font valoir que la décision du Conseil du Trésor ne constitue pas « une règle de droit ». En deuxième lieu, ils allèguent que la décision du Conseil du Trésor et la LCD ne satisfont pas au test énoncé dans R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, dont les éléments sont les suivants :

1. l’objectif de la loi doit être urgent et réel;

2. il doit exister un lien rationnel entre l’objectif urgent et réel et les moyens choisis par le législateur pour atteindre cet objectif;

3. la loi contestée ne doit porter qu’une atteinte minimale au droit garanti;

4. il doit y avoir proportionnalité entre l’objectif et les mesures adoptées dans la loi et, plus particulièrement, entre les effets bénéfiques de la loi et ses effets préjudiciables.

 

Règle de droit

[94]           Les demandeurs soutiennent que l’article premier de la Charte ne peut être invoqué pour justifier la décision du Conseil du Trésor, étant donné que celle-ci n’est pas une règle de droit. De l’avis des demandeurs, pour qu’une mesure soit une règle de droit, elle doit remplir les conditions suivantes :

1. elle doit être suffisamment accessible au citoyen;

2. elle doit être formulée avec suffisamment de précision pour que les citoyens puissent se comporter en conséquence et elle doit offrir des repères à celui qui l’applique.

 

[95]           Les demandeurs font valoir qu’une décision du Conseil du Trésor est un document confidentiel du Cabinet, étant donné que le Conseil du Trésor est un comité du Conseil privé de la Reine. En conséquence, les décisions du Conseil du Trésor ne sont pas accessibles au public et, de ce fait, ne constituent pas des règles de droit; voir Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants – Section Colombie-Britannique, [2009] 2 R.C.S. 295.

 

Objectif urgent et réel

[96]           Les demandeurs reconnaissent que le premier objectif, soit réduire la pression à la hausse sur les salaires et réduire les pertes d’emploi, constitue un objectif urgent et réel.

 

Lien rationnel

[97]           Les demandeurs admettent qu’il pourrait y avoir un lien rationnel entre le fait de limiter les salaires dans le secteur public et de diminuer les pertes d’emplois, mais ils font valoir que le problème réside dans le taux choisi. Rien ne permet d’expliquer le lien rationnel entre une limite prescrite de 1,5 % et la réduction de la pression sur les salaires dans le secteur privé alors que, selon l’affidavit que M. Rochon a déposé au nom du défendeur, ces derniers salaires ont augmenté de 2,5 % en 2008 et de 1,8 % en 2009. De l’avis des demandeurs, il n’est pas nécessaire que la limite prescrite par la loi soit inférieure à l’augmentation des salaires dans le secteur privé.

 

Atteinte minimale

[98]           En ce qui concerne l’atteinte minimale, les demandeurs soutiennent que le défendeur n’a pas établi qu’il était nécessaire d’interdire entièrement la négociation collective à l’égard des salaires.

 

[99]           Dans l’arrêt Health Services, la Cour suprême du Canada a conclu qu’une interdiction absolue ne constituait pas une atteinte minimale. Les demandeurs soulignent que le Conseil du Trésor a envisagé la possibilité de consulter le Conseil de la solde, mais qu’il ne l’a pas fait. À cet égard, je me reporte au contre-interrogatoire de Mme Laurendeau.

 

[100]       Les demandeurs affirment également que d’autres agents négociateurs ont été informés du processus et ont eu la possibilité de présenter des observations. À ce sujet, les demandeurs invoquent la décision que la Commission des relations de travail dans la fonction publique a rendue dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP, conf. par 2010 CAF 109.

 

Proportionnalité

[101]       Les demandeurs font valoir que le défendeur n’a présenté aucun élément de preuve au sujet des effets bénéfiques de la LCD ou des répercussions que cette Loi a eues sur les pertes d’emplois. Dans la même veine, il n’y a pas le moindre élément de preuve concernant les économies que le gouvernement a réalisées en application de cette même Loi.

 

[102]       Les demandeurs allèguent que les effets préjudiciables sont de nature financière et procédurale. Les vices de procédure représentent les effets préjudiciables les plus importants et l’emportent sur les effets bénéfiques non prouvés.

 

(ii) Les prétentions du défendeur

[103]       Le défendeur affirme que la décision du Conseil du Trésor constitue une règle de droit. Il précise que, eu égard à la détérioration rapide de la situation économique à l’automne de 2008, les objectifs de cette décision et des limitations des augmentations salariales décrétées par la LCD sont urgents et réels. Un lien rationnel existe entre ces objectifs et les restrictions touchant les augmentations de salaire. Ces restrictions constituent une atteinte minimale aux libertés d’association et leurs effets bénéfiques l’emportent sur leurs effets préjudiciables.

 

[104]       Le défendeur ajoute que la réaction du gouvernement à la crise financière appelle une certaine retenue. Les dispositions de la LCD ont pour effet d’imposer une limite annuelle de l’augmentation des salaires de 1,5 % pour deux exercices financiers, d’annuler les conditions fixées en juin 2008 par le Conseil du Trésor et d’interdire l’adoption de nouvelles conditions avant le 31 mars 2011. Le défendeur affirme que ces conséquences sont justifiées par une crise économique soudaine et majeure.

 

Règle de droit

[105]       Le défendeur fait valoir que l’article premier s’applique à la décision du Conseil du Trésor, puisque celle-ci était une règle de droit. Bien que la décision constitue un document confidentiel du Cabinet, le commissaire l’a communiquée aux membres de la GRC et ladite décision a été appliquée dès le 1er janvier 2009. Selon le défendeur, la décision remplit les conditions de l’accessibilité et de la précision.

 

Objectifs urgents et réels

[106]       Le défendeur affirme que la LCD ne constitue pas une mesure isolée, mais fait partie d’une réponse plus vaste à une crise économique sans précédent. Les agents négociateurs de l’administration publique centrale ont été informés de l’urgence de la crise en novembre 2008. Les objectifs déclarés de la LCD ne se limitent pas à des considérations budgétaires; les dispositions en question constituent des mesures économiques adoptées dans le cadre d’une politique financière globale.

 

Lien rationnel

[107]       Invoquant l’arrêt Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 R.C.S. 567, le défendeur soutient qu’il lui faut démontrer qu’il est raisonnable de supposer que la restriction adoptée peut contribuer à la réalisation de ses objectifs, et non qu’elle y contribuera effectivement. Le défendeur invoque l’affidavit de M. Rochon pour démontrer l’existence d’un lien rationnel.

 

[108]       Dans son affidavit, M. Rochon mentionne des études économiques appuyant sa position selon laquelle le fait de limiter les augmentations de salaire dans le secteur public permet de réduire la pression à la hausse sur les salaires dans le secteur privé et d’éviter ainsi des pertes d’emplois. M. Rochon cite également en exemple les gouvernements de la Nouvelle‑Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, du Manitoba, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, qui ont limité les augmentations de salaire dans le secteur public afin de réduire la pression sur les salaires dans le secteur privé. M. Rochon estime également qu’une croissance modérée des salaires dans le secteur public est très importante pour rétablir la confiance du public à une époque où les pertes d’emplois sont très nombreuses dans le secteur privé.

 

Atteinte minimale

[109]       Selon le défendeur, le Conseil du Trésor a envisagé plusieurs options pour contrôler la croissance des dépenses liées aux salaires dans le secteur public, y compris le contrôle du nombre d’employés au moyen de licenciements ou de gels des effectifs, la suspension des mouvements à l’intérieur des échelles salariales, des promotions et des reclassifications et, enfin, le gel, la réduction ou la limitation des augmentations de salaire.

 

[110]       Le défendeur fait valoir que la limitation des augmentations de salaire est temporaire. La GRC peut négocier des augmentations de salaire jusqu’à concurrence des limites prescrites dans la LCD. À l’automne de 2008, le gouvernement a dû examiner la question de limiter les augmentations de salaire pour 17 agents négociateurs ainsi que pour les employeurs distincts, les sociétés d’État, l’armée et la GRC. Il n’a pas eu le temps de suivre tous les processus connexes pour réaliser ses objectifs.

 

Proportionnalité

[111]       Le défendeur se fonde sur les objectifs de la LCD pour décrire les effets bénéfiques de cette Loi. Invoquant à nouveau l’arrêt Hutterian Brethren, le défendeur soutient que la Cour suprême du Canada a décidé dans cet arrêt que l’article premier de la Charte n’exigeait pas la preuve de la réalisation d’avantages ultérieurs.

 

[112]       De l’avis du défendeur, les effets préjudiciables des restrictions touchant les augmentations de salaire sont des effets entièrement financiers et la capacité de la GRC de poursuivre ses objectifs n’est nullement touchée. La GRC peut examiner les questions salariales, mais elle doit le faire dans les limites de la LCD.

 

[113]       En tout état de cause, l’alinéa 2d) de la Charte ne protège pas les résultats économiques, mais plutôt la liberté d’association.

 

(iii) Analyse

Règle de droit

[114]       Au paragraphe 53 de l’arrêt Greater Vancouver, la Cour suprême du Canada a commenté comme suit l’exigence selon laquelle la restriction doit découler d’une « règle de droit » au sens de l’article premier de la Charte :

[…] Ces textes constituent des « règles de droit » parce que, à l’instar des règlements et autres mesures législatives subordonnées, leur adoption est autorisée par une loi, ils sont obligatoires et d’application générale et ils sont suffisamment accessibles et précis pour ceux qui y sont assujettis. À cet égard, ils répondent aux préoccupations justifiant l’exigence de la restriction « par une règle de droit » dans la mesure où il s’agit de faire obstacle à l’arbitraire de l’État et d’offrir aux citoyens et aux entités gouvernementales suffisamment d’information sur la conduite à adopter. [Non souligné dans l’original]

 

[115]       Tel qu’il est mentionné plus haut, l’article 22 de la Loi sur la GRC accorde au Conseil du Trésor le pouvoir de déterminer la solde des membres de la GRC. Le Conseil du Trésor bénéficie du privilège de confidentialité du Cabinet à l’égard des documents consultés et des communications faites au cours des délibérations menant à une décision. Cependant, les demandeurs n’ont cité aucun texte officiel selon lequel les documents confidentiels du Cabinet englobent les décisions du Conseil du Trésor elles-mêmes, comme celles qu’autorise l’article 22 de la Loi sur la GRC.

 

[116]       Même si la décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008 est privilégiée à titre de document confidentiel du Cabinet, il n’en demeure pas moins qu’elle a été communiquée au commissaire de la GRC le 12 décembre 2008. À son tour, le commissaire a communiqué la décision à l’exécutif national du PRRF et aux membres de la GRC à cette même date.

 

[117]       À mon avis, en communiquant sa décision du 11 décembre 2008 au commissaire de la GRC, le Conseil du Trésor a rendu celle-ci suffisamment accessible pour ceux qui y sont assujettis, c’est-à-dire les membres de la GRC.

 

[118]       En conséquence, la décision du Conseil du Trésor était une règle de droit.

 

Objectif urgent et réel

[119]       Le Conseil du Trésor n’a présenté aucune donnée précise au sujet du montant qui sera économisé par suite de la limitation des augmentations de salaire de la GRC au regard des déficits budgétaires enregistrés pendant la crise économique. Néanmoins, les demandeurs admettent que le fait de réduire la pression à la hausse sur les salaires dans le secteur privé constitue un objectif urgent et réel. À mon avis, une intervention consécutive à la crise financière mondiale va au-delà d’une simple considération budgétaire et constitue un objectif urgent et réel.

 

[120]       L’objectif de montrer la voie à suivre et de faire preuve de retenue et de respect à l’égard des fonds publics est plutôt abstrait et semble être de nature politique. À mon sens, cet objectif déclaré n’est pas urgent et réel.

 

Lien rationnel

[121]       Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel, compte tenu de l’arrêt Hutterian Brethren, il n’est pas nécessaire de démontrer de façon concluante que les restrictions touchant les droits protégés par l’alinéa 2d) contribueront effectivement à la réalisation des objectifs déclarés, mais uniquement qu’il est raisonnable de supposer qu’elles peuvent y contribuer.

 

[122]       Tel qu’il est mentionné plus haut, le défendeur se fonde en grande partie sur l’affidavit de M. Rochon pour démontrer l’existence d’un lien rationnel entre la rémunération des employés du secteur public et la pression à la hausse sur les salaires dans le secteur privé, ce qui peut mener à des pertes d’emplois. Bien que M. Rochon renvoie à de nombreuses études, une seule d’entre elles traite de cet effet dans le contexte d’une récession imminente. À ce sujet, je cite l’étude « Regard sur les salaires : Comparaison entre les salaires du secteur public et du secteur privé » (Ted Mallett et Queenie Wong, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, décembre 2008), où les auteurs soulignent que les augmentations de salaire ne devraient pas dépasser le taux d’inflation et qu’il y a lieu d’envisager des gels salariaux au cours d’une récession, afin d’éviter les hausses d’impôt.

 

[123]       En général, les résumés et conclusions des études fournies ne donnent pas de description détaillée des types d’employés pris en compte lors des comparaisons entre les secteurs public et privé. Cependant, il existe une exception.

 

[124]       Dans la dernière étude que M. Rochon mentionne, « The Spillover Effect of Public-Sector Wage Contracts in Canada » (Robert Lacroix et François Dussault, The Review of Economics and Statistics, volume 66, no 3, août 1984), les auteurs analysent le phénomène qu’ils appellent [traduction] « effet d’entraînement » par catégorie d’employé et tirent la conclusion suivante :

[traduction] L’effet d’entraînement n’est présent que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : les travailleurs du secteur public sont des cols blancs ou des cols bleus et ils se trouvent dans la même région urbaine que les travailleurs du secteur privé.

 

 

[125]       Les agents de police ne sont pas considérés comme des cols blancs ou des cols bleus. En fait, la conclusion suivante est exprimée dans l’étude :

[traduction] […] l’effet est nul lorsque les travailleurs visés par le règlement du secteur ou du gouvernement sont des enseignants, des infirmières, des pompiers ou des policiers ou qu’ils se trouvent dans une région urbaine différente.

 

 

[126]       Dans la seule étude qui a été menée au sujet de la pression à la hausse sur les salaires du secteur privé et dans laquelle les employés du secteur public sont répartis en groupes, il a été conclu que les salaires des policiers n’exerçaient pas de pression à la hausse sur la rémunération des employés du secteur privé. À mon avis, aucun lien rationnel n’existe entre la limitation des augmentations de salaire qui s’applique à l’ensemble de la fonction publique fédérale et qui couvre les employés qui ne sont ni des cols bleus ni des cols blancs, comme les membres de la GRC, et la réduction de la pression à la hausse sur les salaires dans le secteur privé, laquelle hausse pourrait mener à des pertes d’emplois.

 

[127]       À mon sens, le défendeur n’a pas présenté d’éléments de preuve établissant de façon convaincante que la réduction des augmentations de salaire de la GRC montre la voie à suivre ou témoigne d’une retenue à l’égard des fonds publics.

 

Atteinte minimale

[128]       Les arguments du défendeur au sujet de l’atteinte minimale mettent l’accent sur les répercussions financières de la limitation pour les membres de la GRC. À mon avis, l’importance attachée à cet aspect n’est pas justifiée.

 

[129]       Ce qu’il faut examiner, ce ne sont pas les conséquences financières, mais plutôt la violation du droit prévu à l’alinéa 2d) de la Charte, c’est-à-dire l’entrave au processus relatif aux activités associatives. D’après la preuve soumise, le processus touché est celui du Conseil de la solde. Le seul argument que le défendeur a formulé à ce sujet est le fait que le Conseil du Trésor n’avait tout simplement pas le temps d’examiner la limitation des augmentations de salaire avec 17 agents négociateurs, les employeurs distincts, les sociétés d’État, l’armée et la GRC.

 

[130]       Selon l’affidavit de Mme Laurendeau, le Conseil du Trésor a pu en arriver à un consensus avec 17 agents négociateurs de l’administration publique centrale et rencontrer des représentants d’autres organismes et sociétés d’État avant d’adopter la LCD; voir l’affidavit de Mme Laurendeau, aux paragraphes 20 à 24.

 

[131]       Dans l’ensemble, le Conseil du Trésor et différents organismes gouvernementaux distincts ont signé plus de 44 ententes avec des agents négociateurs faisant ou non partie de l’administration publique centrale. Si d’autres agents négociateurs ont été informés et qu’ils ont eu la possibilité de consulter, voire de signer des ententes, il est évident que l’atteinte découlant de la mesure unilatérale et de l’indifférence totale à l’égard du processus du Conseil de la solde n’était pas une atteinte minimale.

 

Proportionnalité

[132]       Le seul avantage justifié de la LCD en ce qui concerne la GRC réside dans le fait que la mesure permet au Conseil du Trésor d’épargner une somme d’argent non dévoilée. En revanche, la LCD annule des augmentations de salaire qui avaient été fixées par suite d’un consensus avec le Conseil de la solde et prive les membres de la GRC, pour une période de trois ans, du seul mécanisme dont ils disposent pour négocier des augmentations de salaire. L’octroi d’un avantage connexe conformément à l’article 62 de la LCD n’atténue pas ces effets préjudiciables. Dans l’ensemble, les effets préjudiciables de la LCD l’emportent sur ses effets bénéfiques.

 

[133]       En conclusion, je suis d’avis que l’atteinte aux droits que l’alinéa 2d) de la Charte reconnaît aux demandeurs n’est pas sauvegardée par l’article premier de la Charte.

 

3. La décision du Conseil du Trésor constitue-t-elle une violation de contrat?

 

 (i) Les prétentions des demandeurs

[134]       Invoquant l'arrêt de la Cour suprême du Canada Wells c. Terre‑Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199, les demandeurs soutiennent que la relation entre les fonctionnaires et l’État est une relation contractuelle. Il en va de même pour la relation entre la Couronne et la quasi-totalité des fonctionnaires non syndiqués; voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[135]       De l’avis des demandeurs, l’employeur ne peut modifier unilatéralement un contrat d’emploi; voir Wronko c. Western Inventory Service Ltd. (2008), 292 D.L.R. (4th) 58 (C.A. Ont.). Selon eux, le contrat conclu avec la Couronne continue à lier les parties, à moins qu’une disposition législative explicite ne prévoie le contraire, suivant l’arrêt Wells. Selon les demandeurs, le Conseil du Trésor n’a pas respecté les conditions du contrat qu’il avait conclu avec les membres de la GRC et ceux-ci ont droit à une réparation.

 

[136]       Les demandeurs soutiennent en dernier lieu que l’article 22 de la Loi sur la GRC ne libère pas la Couronne de sa responsabilité. L’article 22 autorise le Conseil du Trésor à fixer les taux de la solde, mais non à les réduire unilatéralement.

 

[137]       Les demandeurs font également valoir que la Loi sur la GRC n’empêche pas une partie d’obtenir réparation par suite de la violation d’un contrat. La décision qui est fondée sur un texte de loi peut quand même constituer une violation de contrat et la Couronne ne peut échapper à sa responsabilité lorsqu’elle ne respecte pas un contrat; voir Arsenault c. Canada (2008), 330 F.T.R. 8 (C.F.), conf. par (2009), 395 N.R. 377 (C.A.F.).

 

(ii) Les prétentions du défendeur

[138]       Le défendeur soutient que le Conseil du Trésor est habilité par la loi à déterminer la solde des membres de la GRC. Les décisions du Conseil du Trésor ne créent pas d’obligations contractuelles entre celui-ci et les membres de la GRC. À cet égard, le défendeur invoque les décisions Babcock c. Canada (Attorney General), 2005 BCSC 513, et Appleby‑Ostroff c. Canada (Procureur général), 2010 CF 479. De l’avis du défendeur, on peut établir une distinction d'avec l'affaire Wells, parce que celle-ci concernait un décret qui n’était pas assujetti à une disposition législative conférant des pouvoirs.

 

(iii) Analyse

[139]       Les demandeurs ont raison de soutenir que, selon l’arrêt Wells, la Couronne n’échappe pas à la responsabilité lorsqu’elle viole un contrat, même si elle est habilitée par une loi à prendre la mesure qui conduit à la violation en question. Cependant, je ne suis pas convaincue que les taux de la solde de la GRC constituent des conditions contractuelles.

 

[140]       Dans Babcock, il a été décidé que le contenu du régime d’administration des traitements, qui comprend les taux de salaire des avocats du ministère de la Justice et est établi unilatéralement par le Conseil du Trésor, ne crée pas d’obligations contraignantes.

 

[141]       Dans Appleby, la Cour fédérale a décidé que le Conseil du Trésor avait le pouvoir de modifier unilatéralement les conditions d’emploi de la demanderesse et qu’il n’était pas lié par les versions antérieures desdites conditions.

 

[142]       À mon avis, la présente affaire est différente de la situation examinée dans l’arrêt Wells, mais pas pour les raisons que le défendeur a invoquées.

 

[143]       Dans Wells, le gouvernement de Terre-Neuve avait nommé une personne pour siéger à un tribunal administratif. Au moyen d’une loi, le gouvernement a modifié la constitution du tribunal sans nommer à nouveau la personne en question. Même si la conduite du gouvernement était conforme au texte législatif, les conditions d’emploi de la personne concernée étaient encore en vigueur et le gouvernement n’était pas habilité par la loi à modifier le contrat de cette personne.

 

[144]       Dans la présente affaire, le Conseil du Trésor est expressément autorisé à modifier les taux de la solde de la GRC.

 

[145]       De plus, l’article 22 de la Loi sur la GRC, dont le texte est reproduit ci-dessous, peut être considéré comme une modification du droit général en matière de contrat :

Fixation par le Conseil du Trésor

 

22. (1) Le Conseil du Trésor établit la solde et les indemnités à verser aux membres de la Gendarmerie.

 

Cas de rétrogradation

 

(1.1) La rétrogradation d’un membre conformément à la présente loi entraîne la réduction du barème de sa solde au barème de la solde la plus élevée du grade ou échelon auquel il est reporté, qui ne dépasse pas le barème de sa solde au moment de sa rétrogradation.

 

Cas d’emprisonnement

 

(2) Il ne peut être versé ni solde ni indemnités à un membre pour toute période durant laquelle il purge une peine d’emprisonnement.

 

Cas de suspension

 

(3) Le Conseil du Trésor peut prendre des règlements régissant la cessation de la solde et des indemnités des membres suspendus de leurs fonctions.

Pay and allowances

 

22. (1) The Treasury Board shall establish the pay and allowances to be paid to members.

 

Reduction in pay where demotion

 

(1.1) Where, pursuant to this Act, a member is demoted, the rate of pay of that member shall be reduced to the highest rate of pay for the rank or level to which the member is demoted that does not exceed the member’s rate of pay at the time of the demotion.

 

 

During imprisonment

 

(2) No pay or allowances shall be paid to any member in respect of any period during which the member is serving a sentence of imprisonment.

 

During suspension

 

(3) The Treasury Board may make regulations respecting the stoppage of pay and allowances of members who are suspended from duty.

 

[146]       De façon générale, une partie ne peut fixer unilatéralement les conditions d’un contrat sans le consentement explicite de l’autre partie.

 

[147]       L’article 22 de la Loi sur la GRC, reproduit ci-dessus, permet clairement au Conseil du Trésor de fixer les taux de la solde. À mon avis, l’exercice de ce pouvoir ne constitue pas une violation de contrat. En conséquence, je suis d’avis que les demandeurs n’ont pas prouvé qu’il y avait eu violation de contrat et, de ce fait, le Conseil du Trésor n’est pas tenu de verser des dommages-intérêts à ce titre.

 

Conclusion

[148]       À mon avis, la décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008 ainsi que les articles 16, 35, 38, 43, 46 et 49 de la LCD vont à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte et cette violation n’est pas sauvegardée par l’article premier.

 

[149]       En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens en faveur des demandeurs. La décision du Conseil du Trésor en date du 11 décembre 2008 est annulée.

 

[150]       Les demandeurs ne sollicitent aucune réparation au sujet des dispositions de la LCD. En conséquence, je refuse d’ordonner une réparation à cet égard. De plus, la décision du Conseil du Trésor ne constitue pas une violation de contrat et ne donne pas ouverture à une demande de dommages-intérêts.

 

[151]       Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, elles pourront informer la Cour en ce sens dans les cinq jours suivant le prononcé de l’ordonnance faisant droit à la présente demande et des directives seront données au sujet des dépens.

 


ORDONNANCE

 

La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens en faveur des demandeurs. La décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008 va à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte et est annulée. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, elles pourront informer la Cour en ce sens dans les cinq jours suivant le prononcé de la présente ordonnance et des directives seront données au sujet des dépens.

 

« E. Heneghan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-50-09

 

INTITULÉ :                                       ROBERT MEREDITH ET BRIAN ROACH (REPRÉSENTANT TOUS LES MEMBRES DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA) c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATES DES AUDIENCES :            Les 3 novembre 2010 et 18 mai 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Rootham

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sanderson Graham

Yvonne Milosevic

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nelligan O'Brien Payne

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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