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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110302

Dossier : T-737-10

Référence : 2011 CF 251

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

 

SCOTT BURDEN ET MARTIN CYR

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 21 avril 2010 prononcée par la vice-présidente Michele A. Pineau, siégeant en qualité d’arbitre de la Commission des relations de travail de la fonction publique (CRTFP), à l’égard de deux griefs renvoyés à l’arbitrage conformément à l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (LRTFP). Il était allégué dans ces griefs que l’employeur, l’Agence Parcs Canada (APC), avait refusé de rembourser les frais de déplacement engagés pendant que les demandeurs étaient en congé saisonnier, et qu’elle n’avait donc pas appliqué correctement les clauses de la Politique sur les postes isolés (PPI), qui était incorporée dans la convention collective des fonctionnaires. L’arbitre a décidé que les avantages prévus par la politique en question et contestés ici (remboursement des frais de voyage relatifs à des soins dentaires et médicaux) ne pouvaient être accordés aux demandeurs que pendant les périodes d’emploi saisonnier, une seule exception étant permise mais celle-ci ne s’appliquait pas aux demandeurs.

 

I.          Les faits

[2]               Les faits ne sont pas contestés. Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, dont les passages essentiels sont repris dans les paragraphes qui suivent.

 

[3]               Les demandeurs, M.M. Burden et Cyr, sont des employés saisonniers nommés pour une période indéterminée de l’Agence Parcs Canada qui travaillent dans des régions isolées du Canada pendant la saison estivale. Ils sont tous deux membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC ou le syndicat), une organisation syndicale accréditée par l’ancienne Commission des relations de travail dans la Fonction publique (devenue la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique) qui représente certains fonctionnaires de l’APC.

 

[4]               L’employeur, l’APC, est un employeur distinct qui figurait, à la date du dépôt du grief, à l’annexe 1 de la partie II de l’ancienne LRTFP et qui, depuis le 1er avril 2005, figure maintenant à l’annexe V de la Loi sur la gestion financière (L.R., 1985, ch. F-11).

 

[5]               Les parties sont liées par les dispositions de la Politique sur les postes isolés de Parcs Canada. Cette politique est réputée faire partie intégrante de la convention collective conclue entre l’Agence Parcs Canada et le syndicat, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2003. Les différends découlant d’une présumée erreur d’interprétation ou d’application de la PPI sont assujettis à la procédure de règlement des griefs de Parcs Canada.

 

[6]               Les parties ne s’entendent pas sur l’application de l’art. 2.1 de la PPI, qui traite du remboursement des frais de transport et de voyage en cas de recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire pour les fonctionnaires affectés à des postes isolés. Les parties admettent que les fonctionnaires s’estimant lésés ont satisfait aux normes décrites au paragraphe 2.1.2 de la politique – à savoir que les traitements en question étaient non facultatifs, n’étaient pas offerts à leur lieu d’affectation et s’imposaient de toute urgence.

 

[7]               Monsieur Burden est un employé saisonnier affecté à l’Anse Aux Meadows, un lieu historique national situé à Terre-Neuve. Ce lieu est considéré comme un poste isolé aux termes de la PPI. En juillet 2003, la fille de M. Burden a souffert d’un trouble médical aigu, a eu besoin d’être hospitalisée et a été référée à un spécialiste de St. John’s. Il a été impossible d’obtenir un rendez-vous avez le spécialiste avant le 27 octobre 2003, soit deux semaines après que l’emploi saisonnier de M. Burden ait pris fin pour le reste de l’année. Monsieur Burden était donc en congé saisonnier au moment du rendez-vous de sa fille chez le médecin. Il s’est rendu avec sa fille à St. John’s, le 26 octobre 2003, et de nouveau le 27 novembre 2003, pour qu’elle soit examinée par le spécialiste.

 

[8]               Monsieur Burden s’est entretenu initialement avec la gestionnaire du lieu, qui lui a indiqué de vive voix et par écrit qu’il avait droit aux prestations prévues par la politique même s’il ne faisait pas partie de l’effectif (congé saisonnier) à l’époque. Par la suite, la gestionnaire du lieu a reçu un courriel du gestionnaire des Services administratifs, qui l’a informée que les employés en congé saisonnier n'avaient pas droit à ces prestations. Monsieur Burden n’a donc pas obtenu le remboursement des prestations prévues par la politique. Il a alors déposé un grief le 6 avril 2004, qui a été rejeté tant à l’issue de la procédure de règlement des griefs qu’à l’issue de l’arbitrage.

 

[9]               L’autre demandeur, M. Cyr, est un employé saisonnier affecté à la réserve du Parc national du Canada de l’Archipel-de-Mingan; ce lieu est également considéré comme un poste isolé selon la politique. Dans l’unité de gestion de M. Cyr, des employés en congé saisonnier avaient déjà obtenu le remboursement de certains frais de voyage relatifs à des traitements médicaux et dentaires non facultatifs. Cependant, tous les employés de son unité, y compris M. Cyr, ont été informés par une note de service, le 17 juin 2002, qu’ils n’avaient pas droit au remboursement des frais de voyage engagés à l’égard d’un traitement pendant qu’ils étaient en congé saisonnier.

 

[10]           Le 29 novembre 2002, M. Cyr s’est rendu à Sept-Îles (Québec), avec son enfant, qui avait rendez-vous chez un orthodontiste; le congé saisonnier de ce dernier avait commencé quelques semaines plus tôt, le 5 octobre 2002. Il a répondu lui aussi aux conditions de l’art. 2.1.2 de la PPI en démontrant que le traitement n’était pas facultatif, n’était pas offert à son lieu d’affectation et s’imposait de toute urgence. Sa demande de remboursement de ses frais de voyage a été rejetée parce que le déplacement avait eu lieu pendant qu’il était en congé saisonnier. Il a présenté un grief, qui a été rejeté tant à l’issue de la procédure de règlement des griefs qu’à l’issue de l’arbitrage.

 

II.         La décision contestée

[11]           L’arbitre a commencé par résumer les faits susmentionnés, et ensuite les arguments des parties, de façon assez détaillée. Elle a expliqué que le syndicat avait soulevé les arguments suivants :

-        Les principes d’interprétation des lois exigent que la PPI soit interprétée de façon conforme à l’économie générale de la politique et à l’intention des parties;

-        La politique vise à faciliter le recrutement et la rétention des fonctionnaires affectés dans des localités isolées; le fait d’offrir aux employés annuels les avantages en cause est conforme à cet objectif;

-        Rien dans la politique ne prive expressément les fonctionnaires saisonniers de cet avantage; ils doivent donc être réputés y avoir droit;

-        Les employés saisonniers ne devraient pas être pénalisés injustement en étant privés de ces avantages pendant leur période de congé;

-        Il est vrai que la politique prévoit des congés annuels différents pour les employés saisonniers et les employés permanents, mais les avantages médicaux sont de nature différente de ceux qui sont reliés aux congés annuels parce que le traitement doit être obtenu d’urgence; c’est pourquoi le remboursement ne devrait pas être calculé au prorata comme le sont les congés annuels.

-        L’arbitre a ensuite pris note des arguments suivants invoqués par l’employeur :

-        Les employés saisonniers nommés pour une période indéterminée constituent une catégorie unique d’employés parce qu’ils n’ont plus d’obligations une fois la saison terminée et qu’ils peuvent déménager où ils le souhaitent. Pendant cette période, ils sont « radiés de l’effectif » et ne reçoivent pas de rémunération ni d’avantages. Leur relation avec l’employeur est suspendue et réactivée le jour où ils sont rappelés au travail;

-        La politique a pour but de faciliter la mise en œuvre des programmes de l’employeur; les employés saisonniers ne participent à la prestation des services que lorsqu’ils travaillent;

-        Les employés en congé non payé n’ont pas le même statut que les employés saisonniers en congé;

-        Les demandeurs étaient en congé saisonnier pendant la période pour laquelle ils demandent des avantages; le fait qu’il ne soit pas précisé que les employés en congé n’ont pas droit aux avantages dans l’ensemble de la politique ne veut pas nécessairement dire que l’ensemble de la politique leur est applicable;

-        Il serait déraisonnable que les employés saisonniers bénéficient des mêmes avantages que les employés à plein temps pendant leur congé;

-        L’article 2.7.3 est la seule disposition qui accorde un avantage aux employés saisonniers pendant la période de congé;

-        Si la politique avait eu pour but d’accorder des avantages aux employés saisonniers pendant leur congé, cela aurait été expressément indiqué; la politique ne s’applique pas aux employés saisonniers, sauf lorsqu’ils sont expressément mentionnés.

 

[12]           Après avoir pris note de ces arguments, l’arbitre a ensuite donné gain de cause à l’employeur en déclarant que la situation des employés saisonniers n’était pas comparable à celle des employés en congé non payé (qui ont droit aux avantages en cause) parce qu’un congé discrétionnaire est de nature différente d’un congé saisonnier. Elle a estimé que les avantages en cause ne sont offerts que pendant la période d’emploi saisonnier et non pas pendant la période de congé, à une exception près : lorsque, en raison des nécessités du service, l’employeur ne peut donner suite à la demande de l’employé durant son emploi saisonnier. Dans une telle situation, l’employé peut suivre le traitement après la fin de la saison et obtenir ensuite le remboursement des frais de voyage qui sont reliés. L’arbitre a jugé qu’il n’y avait pas d’éléments indiquant que la situation des parties était visée par cette exception. Elle a donc conclu que, malgré ces circonstances regrettables, elle était obligée de rejeter les griefs, de sorte que les prestations n’ont pas été versées.

 

III.       La question en litige

[13]           La seule question à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l’arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a interprété la politique de manière à refuser le remboursement des frais de voyage reliés à un traitement médical ou dentaire non facultatif pour des employés en congé saisonnier.

 

IV.       L’analyse

[14]           Les deux parties estiment que la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable. Comme le font remarquer les demandeurs, les questions portent sur l’interprétation et sur l’application de la convention collective ainsi que sur l’appréciation de l’arbitre à l’égard des documents déposés, ce qui appelle l’application de la norme de la raisonnabilité. En fait, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des arbitres qui doivent trancher des questions de ce genre : voir, par exemple, Alliance de la fonction publique Canada c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2005 CAF 366, au par. 18; Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 733, aux par. 11 à 15, infirmé pour d’autres motifs par 2006 CAF 194, au par. 20; Nitschmann c. Canada, 2008 CF 1194, au par. 8, modifié pour d’autres motifs par 2009 CAF 263, au par. 8; Chan c. Canada (Procureur général), 2010 CF 708, au par. 17. Selon la norme de la raisonnabilité, la Cour est appelée à juger si la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47.

 

[15]           Il est possible d’affirmer que les principes d’interprétation législative s’appliquent également aux conventions collectives et aux politiques qui en font partie. La principale méthode d’interprétation législative, qui est appelée la « méthode moderne », est décrite de la façon suivante par Mme Ruth Sullivan :

[traduction]
Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention des parties.

 

Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Markham, Butterworths, 2002, aux p. 19 à 24.

 

 

[16]           Le but de la PPI est décrit sous le titre « Objet et portée » :

La présente politique vise à faciliter le recrutement et la rétention de fonctionnaires chargés d’exécuter les programmes gouvernementaux dans des localités isolées.

 

 

[17]           La PPI contient cinq parties. La partie I traite de l’administration des indemnités et précise la nature des indemnités accordées aux employés aux termes de la politique. La partie II précise la nature et les montants des dépenses remboursées aux fonctionnaires admissibles, ce qui comprend le remboursement des frais de déplacement pour les traitements médicaux et dentaires non facultatifs, qui sont en litige en l’espèce. La partie III traite de la réaffectation des fonctionnaires dans des postes isolés. La partie IV traite des droits accordés en cas de réinstallation dans un poste isolé en fin d’emploi du fonctionnaire. La partie V précise les endroits désignés à titre de poste isolé ainsi que, le cas échéant, les conditions à remplir pour qualifier un endroit de poste isolé.

 

[18]           Il ressort clairement de la structure de la politique que celle-ci accorde des prestations, sous la forme d’indemnités, de dépenses et d'avantages, aux employés admissibles. En accordant ces prestations aux fonctionnaires admissibles qui exécutent les programmes de Parcs Canada dans les postes isolés, Parcs Canada met en œuvre l’objet de la PPI qui consiste à recruter et à retenir les fonctionnaires en assumant une partie des coûts associés au fait de vivre et de travailler dans des endroits isolés.

 

[19]           Dans sa décision, l’arbitre en est arrivée à la conclusion que les prestations contestées ne sont accordées aux fonctionnaires que pendant la période de travail saisonnier, sauf dans les cas où, en raison des nécessités du service, l’employeur ne peut faire droit à la demande de l’employé durant l’emploi saisonnier, ce qui est une exception non applicable à la présente affaire. Cette conclusion semble être fondée exclusivement sur l’article 2.7.3 de la politique. En fait, le raisonnement de l’arbitre sur ce point se trouve dans les paragraphes suivants des motifs de sa décision :

[19] Afin de résoudre les deux griefs, je pars du principe que les prestations prévues par la PPI en litige ne sont payables que durant la période de travail saisonnier, sauf dans un cas : quand l’employeur ne peut pas approuver la demande de l’employé pendant sa saison de travail, en raison des nécessités du service. J’estime qu’il n’y a pas de comparaison possible entre la situation des employés saisonniers et celle des employés en congé non payé, car ces derniers bénéficient d’un congé discrétionnaire qui n’est pas de nature saisonnière. Les employés saisonniers sont rappelés chaque année pour une période déterminée et il n’existe aucune preuve que c’est une pratique discrétionnaire. Même si l’objet, le champ d’application et la politique visent à faciliter le recrutement et la rétention du personnel chargé d’exécuter les programmes gouvernementaux dans des localités isolées, cet argument ne suffit pas pour me convaincre d’accorder un autre sens à une disposition par ailleurs explicite de la PPI.

 

[20] Rien ne prouve en l'occurrence que Mme Anderson a approuvé la demande du fonctionnaire parce que les nécessités du service l’avaient empêché de se rendre à la consultation médicale. Les parties admettent que M. Burden n’a pas réussi à obtenir une consultation médicale durant son emploi saisonnier parce qu’il était impossible d’avoir un rendez-vous avec le spécialiste avant le 27 octobre 2003. M. Burden n’a pas demandé ni obtenu le report des prestations en raison des nécessités du service.

 

[21] Bien que M. Burden soit la victime de circonstances très regrettables, mon rôle est d’appliquer l’accord des parties, et je n’ai pas le pouvoir de modifier cet accord pour tenir compte de la situation personnelle de M. Burden.

 

[22] Un raisonnement similaire s’applique au cas de M. Cyr, qui s’est rendu à un rendez-vous chez le médecin durant la période de congé. Il n’existe aucune preuve qu’il a demandé que ce rendez‑vous soit fixé durant son emploi saisonnier et qu’il a été obligé de le reporter en raison des nécessités du service. Il est évident que M. Cyr s’est appuyé sur l’ancienne interprétation de l’employeur consistant à payer cette prestation. Cependant, à la lumière du libellé explicite du paragraphe 2.7.3 de la PPI, je conclus que la décision de l’employeur de ne plus verser cette prestation constituait non pas une modification de la convention, mais plutôt son interprétation juste.

 

 

[20]           En toute déférence pour l’arbitre, j’estime qu’elle a commis une erreur en accordant trop d’importance à la disposition de l’art. 2.7.3, qui ne s’applique pas en fait aux frais de transport reliés aux soins médicaux et dentaires en cause. Les 10 articles de la partie II – à l’exception de l’article 2.7 – traitent des prestations en matière de frais de transport associées à différents types de congés. Voici la présentation des divers articles qui constituent la partie II :

Partie II – Frais et congé

 

Frais de transport et de voyage

 

2.1 Recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire

2.2 Raisons familiales : voyage et frais

2.3 Frais de voyage à l’occasion d’un décès

2.4 Aide au titre des voyages pour congé annuel

2.5 Aide de 100 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sur justification

2.6 Aide de 80 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sans justification

2.7 Emplois à temps partiel et saisonniers

2.8 Report du remboursement des frais

2.9 Voyages aux fins des études postsecondaires

2.10 Adoption d’un enfant

Part II – Expenses and leave

 

Travelling and Transportation Expenses

 

2.1 Non-Elective Medical or Dental Treatment

2.2 Compassionate Travel and Expenses

2.3 Bereavement Travel Expenses

2.4 Vacation Travel Assistance

 

2.5 100% Accountable Vacation Travel Assistance

 

2.6 80% Non-accountable Vacation Travel Assistance

 

2.7 Part-time and Seasonal Employment

2.8 Carry-over of Expenses

 

2.9 Post-Secondary Educational Travel

2.10 Adoption of a Child

 

[21]           L’article 2.7 est reproduit ci-dessous :

2.7 Emplois à temps partiel et saisonniers

 

2.7.1 Sous réserve de l’article sur le Champ d’application, un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier est admissible aux avantages décrits à l’Appendice I ou J, proportionnellement au nombre total des heures annuelles de travail du dit fonctionnaire, par rapport à celui d’un fonctionnaire à temps plein occupant un poste de même groupe et niveau (calcul au prorata).

 

2.7.2 Le fonctionnaire est admissible à un remboursement équivalant au moindre des montants suivants :

a) le montant maximal auquel le fonctionnaire a droit calculé au prorata (Appendice I), ou

b) les dépenses remboursables engagées (Appendice J).

 

2.7.3 Quant au fonctionnaire saisonnier nommé pour une période indéterminée résidant au lieu d’affection ne peut pas se prévaloir des prestations accordées en vertu du présent article pendant sa saison de travail, en raison des nécessités du service, l’employeur les lui accorde pendant sa période de congé, s’il en fait la demande.

 

2.7.4 Un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier peut choisir de demander de l’aide à 80% au titre des voyages pour congé annuel qui sera alors calculée au prorata.

2.7 Part-time and Seasonal Employment

 

2.7.1 Subject to the Application section of this Policy, part-time and seasonal employees shall be entitled to the benefits of Appendix I or J, in the same proportion as their total annual hours of work compare to the total annual hours of work of a full-time employee occupying a position at the same occupational group and level (prorating).

 

 

 

2.7.2 Employees will be eligible to be reimbursed the lessor of:

 

 

a) the prorated maximum entitlement (Appendix I); or

 

b) the actual expenses incurred (Appendix J).

 

2.7.3 When, because of operational requirements, an indeterminate seasonal employee who resides at the headquarters cannot be granted the benefits of this section during the operational season, the employer shall, at the employee’s request, grant the benefits of this section during the off-season.

 

2.7.4 Part-time and seasonal employees may choose the 80% non-accountable Vacation Travel Assistance which will then be prorated.

 

[22]           Comme le soutient le défendeur, l’article 2.7 porte effectivement sur le traitement accordé à deux groupes précis de fonctionnaires : les fonctionnaires à temps partiel et les fonctionnaires saisonniers. Cependant, contrairement à ce que soutient le défendeur, l’article 2.7 ne semble pas établir de différence entre les prestations offertes aux fonctionnaires saisonniers et à temps plein pour ce qui est de tous les articles de la partie II, dont les prestations prévues à l’article 2.1 en cause en l’espèce. Si l’article 2.7 avait pour but d’établir une distinction entre les fonctionnaires saisonniers et les fonctionnaires à temps plein pour ce qui est de toutes les prestations de la partie II, il aurait été logiquement placé au tout début de la partie II.

 

[23]           Il est évident que l’article 2.7 aurait pu être rédigé en termes plus clairs. Cependant, il est possible d’affirmer que cet article a, à première vue, uniquement pour objet de s’appliquer aux seules prestations pour congé annuel, et non pas à toutes les prestations mentionnées dans la partie II. Cela s’explique pour plusieurs raisons : premièrement, l’article 2.7 mentionne les appendices I (Calcul de la prestation maximale) et J (Frais remboursables), qui concernent tous les deux clairement les prestations relatives aux voyages pour congé annuel. Deuxièmement, les articles précédents et suivants traitent tous des prestations pour congé annuel : 2.4 (Aide au titre des voyages pour congé annuel), 2.5 (Aide de 100 % au titre des voyages pour congé annuel accordée sur justification), 2.6 (Aide de 80% au titre des voyages pour congé annuel accordée sans justification) et 2.8 (Report du remboursement des frais). Troisièmement, un des paragraphes de l’article 2.7 (p. ex., le par. 2.7.4) fait expressément référence à l’aide au titre des voyages pour congé annuel.

 

[24]           Il est, en fait, logique d’interpréter de cette façon la disposition, parce qu’il existe un motif clair qui explique l’ajout du paragraphe 2.7.3; le but était d’établir une différence entre les indemnités de voyage reliées aux congés annuels accordés aux fonctionnaires permanents et celles qui sont accordées aux employés saisonniers (même si les employés saisonniers ont droit aux prestations prévues par la PPI). Étant donné que les employés saisonniers ne travaillent pas pendant le même nombre d’heures annuellement que les employés à temps plein, l’article 2.7 leur accorde des prestations pour congé annuel calculées au prorata. Cependant, en raison de la nature du travail saisonnier, qui est accompli uniquement durant la période où ces fonctionnaires sont le plus demandés, il peut arriver que certaines personnes ne soient pas en mesure de prendre les congés prévus pendant leur emploi saisonnier. Par conséquent, le paragraphe 2.7.3 avait pour but d’autoriser les employés saisonniers à obtenir certaines prestations de nature financière durant leur période de congé dans le cas où ils n’ont pas été en mesure de prendre tous leurs congés pendant la saison.

 

[25]           Les demandeurs ont donc raison de soutenir qu’il était déraisonnable que l’arbitre se fonde uniquement sur l’art. 2.7.3, un article tout à fait distinct des dispositions régissant les frais de transport reliés aux traitements médicaux et dentaires non facultatifs, pour conclure que les travailleurs saisonniers embauchés pour une période indéterminée n’avaient pas droit à ces prestations.

 

[26]           Cette erreur est aggravée par le fait que l’arbitre n’a pas tenu compte de l’article intitulé « Champ d’application » qui, d’après les demandeurs, leur reconnaît le statut de fonctionnaire qui donne d’une façon générale, aux termes de la politique, droit aux prestations offertes par celle‑ci. Elle ne s’est pas non plus demandé si en qualité de « fonctionnaire », les demandeurs avaient droit aux prestations de transport reliées aux soins médicaux et dentaires, qui sont accordées, aux termes de la politique, aux « fonctionnaires ».

 

[27]           Voici la définition de « fonctionnaire» que donne la politique  ainsi que l’article intitulé « Champ d’application » :

Généralités

 

[…]

 

Champ d’application

 

La présente politique s’applique à tous les fonctionnaires éligibles de Parcs Canada; l’Agence est inscrite à la Partie II de l’annexe 1 la Loi sur les relations de travail dans la fonction Publique; l’Agence a choisi de suivre cette politique.

 

Les personnes employées :

a) pour une durée déterminée de moins de trois (3) mois oui

b) qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à plein temps nommé pour une période indéterminée à un poste du même groupe et du même niveau

 

Ne peuvent se prévaloir des avantages prévus à la Partie II (Frais et congé) ou au paragraphe 3.3.2 ou à l’article 3.6 de la Partie III(Réinstallation dans un poste isolé) de la présente politique.

 

[…]

 

Définitions

 

[…]

 

Fonctionnaire (employee) – désigne, sous réserve des dispositions du Champ d’application, une personne :

a) visée par la présente politique,

b) touchant un traitement tiré à même le Trésor.

General

 

[…]

 

Application:

 

This Policy apples to all eligible employees of Parks Canada; the Agency is listed in Part II of Schedule I of the Public Service Staff Relations Act and has elected to follow this Policy.

 

 

 

Persons employed:

a) for a specified term of less than three (3) months or

b) working less than one-third of the normal working hours of a full time indeterminate employee of the same occupation group and level

 

 

 

are not eligible for any of the benefits provided in Part II (Expenses and Leave) or those provided in Sub-section 3.2.2 or Section 3.6 of Part III (Relocation to an Isolated Post) of this Policy.

 

 

[…]

 

Definitions

 

[…]

 

Employee (fonctionnaire) – means, subject to the Application section, a person

 

a) To whom this policies applies

b) Whose salary is paid out of the Consolidated Revenue Fund.

 

[28]           L’article concernant le champ d’application n’est pas un modèle de clarté, mais il semble accorder à toutes les personnes à l’emploi de Parcs Canada les prestations prévues par la partie II, à l’exception des personnes qui sont nommées pour une durée inférieure à trois mois ou de celles qui travaillent moins d’un tiers des heures de travail normales d’un fonctionnaire à temps plein nommé pour une durée indéterminée. En qualité de fonctionnaires nommés pour une période indéterminée, il semble que les employés saisonniers soient des « fonctionnaires » aux fins de la politique, à moins qu’ils ne soient visés par l’une de ces deux exceptions, ce qui n’est pas le cas comme les parties en conviennent.

 

[29]           L’avocat du défendeur s’est fondé sur la version française de la définition du terme « fonctionnaire », et plus précisément sur le mot « touchant » (qui traduit l’expression « paid out » dans la version anglaise), pour essayer de justifier la conclusion de l’arbitre en soutenant qu’une personne ne peut être considérée comme un fonctionnaire que lorsqu’elle est [traduction] « payée ». D’après cette interprétation, lorsque les employés saisonniers sont rayés de l’effectif, ils ne sont pas payés; à ce titre, ils ne sont pas couverts par ces dispositions à titre de fonctionnaire pendant cette période et n’ont pas droit aux prestations prévues.

 

[30]           Cet argument, comme la plupart des arguments de texte, pourrait être renversé par des contre-arguments tout aussi convaincants. Pris isolément, ce type d’argument est rarement convaincant à moins qu’il ne soit étayé par la structure générale de la Loi par les dispositions connexes et par l’objet du régime législatif. En l’espèce, il est bon de souligner que l’objectif déclaré de la politique est de recruter et de retenir les gens qui exécutent des services gouvernementaux dans des postes isolés, ce qui, pour répondre à l’argument de texte du défendeur, milite présumément en faveur de l’application aux fonctionnaires saisonniers d’un traitement correspondant à celui des « fonctionnaires » à temps plein.

 

[31]           Quoi qu’il en soit, l’arbitre ne s’est pas fondé sur l’argument concernant le mot « touchant » et il n’appartient pas à la Cour de proposer, dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire, des motifs subsidiaires pour renforcer le caractère raisonnable de la décision, ni non plus pour substituer son propre point de vue concernant la bonne façon d’interprétation la politique à celui qu’a fourni l’arbitre. Lorsqu'elle applique la norme de la raisonnabilité, la Cour est uniquement appelée à décider si la décision contestée fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. J’estime qu’il était déraisonnable d’écarter complètement l’article définissant le champ d’application de la PPI pour décider si les fonctionnaires saisonniers nommés pour une période indéterminée ont droit à certaines prestations aux termes de cette politique. Comme nous l’avons vu ci-dessus, il était également déraisonnable d’accorder autant d’importance au paragraphe 2.7.3, alors que cette disposition ne s'applique pas en fait à la situation des demandeurs, puisqu’elle traite en réalité des prestations pour congé annuel.

 

[32]           Le fait pour l’arbitre de ne pas avoir examiné l’article précis (section 2.1) sur lequel les demandeurs fondent leur thèse est également déraisonnable. Pour plus de commodité, je reproduis cet article :

Frais de transport et de voyage

 

2.1 Recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire

 

2.1.1 Les fonctionnaires qui obtiennent un congé non payé pour les raisons suivantes ont droit aux prestations mentionnées au présent article : maladie, accident de travail ou congé de maternité/parental.

 

2.1.2 Sous réserve du présent article, lorsque les fonctionnaires ou les personnes à leur change subissent un traitement médical ou dentaire dans la localité canadienne la plus proche où un traitement approprié peut être obtenu, de l’avis du dentiste ou du médecin, et qu’ils convainquent leur DUG, au moyen d’un certificat délivré par le dentiste ou le médecin, que le traitement :

a) n’était pas facultatif

b) n’était pas offert à leur lieu d’affection et

c) s’imposait de toute urgence,

 

Le DUG autorise le remboursement des frais de voyage et de transport engagés à l’égard de ce traitement.

 

Travelling and Transportation Expenses

 

2.1 Non-Elective Medical or Dental Treatment

 

 

2.1.1 Employees who are granted leave without pay for the following reasons are also entitled to the benefits of this section: illness, injury-on-duty, or maternity/parental leave.

 

 

 

2.1.2 Subject to this section, when employees or their dependents obtain medical or dental treatment at the nearest location in Canada where adequate medical or dental treatment is available, as determined by the attending medical or dental practitioner, and they satisfy their FUS by means of a certificate of the attending medical or dental practitioner that the treatment

 

 

a) was not elective,

b) was not available at their headquarters, and

c) was required without delay,

 

the FUS shall authorize reimbursement of the transportation and traveling expenses in respect of that treatment.

 

[33]           Le paragraphe 2.1.1 énonce que les fonctionnaires qui obtiennent un congé non payé pour raison de maladie, accident de travail et congé de maternité/parental ont également droit aux prestations couvrant les frais de voyage et de transport. Il est évident que l’on peut tirer des conclusions contraires de cette disposition. Par exemple, les demandeurs soutiennent que cette disposition a pour but d’étendre le champ d’application de la politique (p. ex., le mot « also » dans la version anglaise veut dire que ces catégories de personnes ont également droit aux prestations, en plus des « fonctionnaires » réguliers, de sorte que les demandeurs ont droit à ces prestations). Quoi qu’il en soit, étant donné que les demandeurs n’étaient pas en congé non payé, ils n’avaient pas besoin d’invoquer l’article 2.1.1 parce qu’ils affirment être couverts par l’article 2.1.2 : dans la mesure où l’article 2.1.2 s’applique aux « fonctionnaires et aux personnes à leur charge » sans autre restriction, ils affirment avoir le droit au remboursement des frais de transport encourus pour des traitements médicaux ou dentaires non facultatifs, pourvu qu’ils répondent aux conditions posées par cet article et qu’ils puissent être considérés comme des « fonctionnaires » aux termes de l’article relatif au champ d’application. De son côté, le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas droit aux prestations parce qu’ils n’étaient pas en congé non payé. Du point de vue du défendeur, étant donné que les prestations mentionnées au paragraphe 2.1.2 ne sont accordées qu’aux employés saisonniers lorsqu’ils font partie de l’effectif, à moins qu’ils ne tombent dans la catégorie décrite au paragraphe 2.1.1 comme celle qui traite des « congés non payés » ou ne soient visés par l’exception du paragraphe 2.7.3, les demandeurs n’ont pas droit à ces prestations.

 

[34]           L’arbitre a indirectement retenu l’argument du défendeur lorsqu’elle a déclaré que « […] il n’y a pas de comparaison possible entre la situation des employés saisonniers et celle des employés en congé non payé, car ces derniers bénéficient d’un congé discrétionnaire qui n’est pas de nature saisonnière ». Avec égards, j’estime que cet argument ne tient pas et qu’il présume résolue la question de savoir pourquoi les fonctionnaires saisonniers ne sont pas couverts en dehors de la période de travail saisonnier. Bien évidemment, on pourrait soutenir qu'en l'absence du paragraphe 2.1.1, les employés en congé non payé n’auraient pas droit aux prestations de l’article 2.1. Cela serait conforme à l’idée que le « fonctionnaire » qui a droit aux prestations prévues par la PPI n’est généralement qu’un employé rémunéré (d’où la nécessité d’ajouter les prestations accordées aux fonctionnaires en congé par le biais du paragraphe 2.1.1). En revanche, cet argument n’est valable que si nous acceptons que les employés saisonniers ne sont pas déjà visés par la définition de « fonctionnaire ». Cela ne veut pas dire qu’une interprétation  doit nécessairement l’emporter sur l’autre ou qu’il ne peut y avoir qu’une seule décision raisonnable sur ce point. Le fait est, en réalité, que la décision de l’arbitre ne peut être jugée raisonnable parce qu’elle ne tient pas compte de ces dispositions, qui sont au cœur du litige qui oppose les parties. Comme la Cour suprême l’a déclaré dans Dunsmuir, précité (au par. 47), « […] le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ». En l’absence d’élément indiquant pourquoi l’article relatif au champ d’application de la PPI et son article 2.1 doivent être interprétés de façon à exclure les employés saisonniers du droit au remboursement des dépenses de transport et de voyage engagées pour des traitements médicaux ou dentaires non facultatifs, il est difficile d’affirmer que la décision de l’arbitre est raisonnable.

 

[35]           Pour tous les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la décision de l’arbitre doit être annulée et que les griefs des demandeurs doivent être renvoyés à un autre arbitre qui statuera en conformité avec les présents motifs de la Cour.

 


JUGEMENT

 

LE JUGEMENT DE LA COUR est le suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre arbitre qui statuera en conformité avec les motifs qui précèdent;
  2. Les dépens sont adjugés aux demandeurs.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-737-10

 

INTITULÉ :                                       Scott Burden et autres c. PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                      le 2 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yazbeck

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Anne-Marie Duquette

POUR LE DÉFENDEUR

 

Richard Fader

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

                                                                                    

 

 

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