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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110217

 

Dossier : T-219-07

Référence : 2011 CF 174

 

 

Toronto (Ontario), le 17 février 2011

 

En présence de madame la juge Johanne Gauthier

 

 

ENTRE :

VALENCE TECHNOLOGY, INC.

demanderesse

défenderesse reconventionnelle

et

 

PHOSTECH LITHIUM INC.

défenderesse

demanderesse reconventionnelle

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Motifs confidentiels du jugement rendus le 11 février 2011)

[1]               La demanderesse dans la présente affaire, Valence Technology, Inc. (Valence), allègue que ses droits aux termes des brevets canadiens nos 2,395,115 (le brevet 115), 2,483,918 (le brevet 918) et 2,466,366 (le brevet 366) ont été enfreints par la défenderesse (demanderesse reconventionnelle), Phostech Lithium, Inc. (Phostech) par la fabrication, la distribution, la mise en vente, la vente et l’utilisation au Canada de matériaux de cathode en phosphate de fer et de lithium (LiFePO4).

 

[2]               La demanderesse, Valence, est une société états‑unienne dont le siège social est à Austin, au Texas, et elle est la titulaire du brevet 115, du brevet 918 et du brevet 366 (les brevets de Valence).

 

[3]               La défenderesse, Phostech, est une entreprise canadienne qui fabrique son produit, du phosphate de fer et de lithium recouvert de carbone (C-LiFePO4), à ses installations à Saint‑Bruno‑de‑Montarville, au Québec, suivant le « procédé P1 ». À l’origine, Phostech était une entreprise dérivée d’Hydro-Québec et bénéficiait d’un financement de la part de l’Université de Montréal. En 2008, Phostech ne comptait plus qu’un seul actionnaire, soit Süd-Chemie, une entreprise allemande[1]. Süd-Chemie est en train de construire une nouvelle usine au Québec; destinée à la production de C-LiFePO4 à l’aide d’une technique différente (le procédé P2), celle-ci sera prête en 2012[2].

 

[4]               Les brevets de Valence concernent tous des procédés de synthèse de matériaux de cathode composés de lithium et d’un métal destinés à être utilisés dans les piles lithium-ion, la portée du brevet 918 étant toutefois plus étendue. Le brevet 366 est un brevet complémentaire au brevet 115. La date d’antériorité de ces brevets est le 18 janvier 2000 (sur le fondement de la demande 09/484,919 présentée aux États­Unis), leur date de dépôt est le 22 décembre 2000 et leur date de publication est le 26 juillet 2001. Le brevet 115 a été délivré le 20 juillet 2004, et le brevet 366 a été délivré le 27 mars 2007, après que Valence eut déposé des modifications volontaires de ses revendications le 23 août 2005. La date d’antériorité du brevet 918 est le 17 mai 2002 (sur le fondement des demandes 10/150,343 et 10/150,353 présentées aux États­Unis), sa date de dépôt est le 6 mai 2003 et sa date de publication est le 4 décembre 2003. Le brevet 918 a été délivré le 9 janvier 2007.

 

[5]               Dans sa déclaration modifiée[3], Valence allègue que 114 revendications des brevets 115, 918 et 366 ont été contrefaites par la défenderesse. Dans sa dernière défense, Phostech allègue qu’elle n’a pas contrefait les brevets de Valence parce que son produit (C-LiFePO4) est fabriqué suivant le brevet canadien no 2,307,119 (le brevet 119) et la demande de brevet canadien no 2,423,129 (la demande de brevet 129) dont elle est titulaire des licences. Phostech conteste également la validité des brevets de Valence et soutient que les brevets 918 et 366 détournent la demande de brevet 129.

 

[6]               Lors de la conférence préparatoire, Phostech a confirmé que, même si Valence réduisait le nombre de revendications qu’elle souhaitait invoquer – vu que la contrefaçon d’une seule revendication suffit – Phostech insistait pour que, dans le cadre de sa demande reconventionnelle,  la Cour se penche sur les 234 revendications composant les trois brevets. Au début de l’instruction, Valence a réduit le nombre de ses allégations de façon à ce qu’elles ne visent que 39 revendications, puis, le dernier jour des plaidoiries, Valence a concédé que, si les revendications indépendantes des brevets (la revendication 3 du brevet 115, la revendication 26 du brevet 366 et la revendication 1 du brevet 918) étaient estimées invalides, les revendications dépendantes le seraient également[4]. Phostech a accepté que,  en ce qui à trait à sa demande reconventionnelle, la Cour limite son analyse à ces trois revendications[5]. En outre, Phostech a laissé tombée sa contestation de la validité du brevet 115 lorsqu’il est devenu évident que le principal élément de preuve lié à l’antériorité invoqué par un expert n’était pas admissible en tant que réalisation antérieure[6].

 

[7]               En application d’une ordonnance de disjonction rendue par la protonotaire Tabib le 20 juin 2007, les questions liées à l’étendue de la contrefaçon, au montant des dommages‑intérêts, à la comptabilisation des profits et à l’indemnité raisonnable, le cas échéant, seront tranchées après l’instruction.

 

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphe

 

Le contexte général                                                                                                                     8

Réactions d’oxydation et de réduction                                                                                      8

            Piles : principes scientifiques de fonctionnement et composition                                 13

            Élaboration de matériaux de cathode pour les piles lithium-ion                                  20

 

La preuve                                                                                                                                   26

1.         L’interprétation des revendications                                                                                  62

i. Les principes                                                                                                                          62

ii. La personne versée dans l’art                                                                                   66

iii. Les connaissances générales courantes                                                                   70

iv. Le brevet 115                                                                                                           78

v. Le brevet 366                                                                                                           129

vi. Le brevet 918                                                                                                          147

a.         Les connaissances générales courantes quant au brevet 918                         147

b.         Le brevet                                                                                               150

2.         La contrefaçon                                                                                                               153

3.         La validité                                                                                                                      179

a. Le brevet 366 – L’insuffisance                                                                     182

b. Le brevet 366 – Le détournement d’invention et le paragraphe 53(1)       195    c. Le brevet 918 – L’antériorité                                                                 222

4.         Réparation et dépens                                                                                                     232

 

 

Le contexte général

 

Réactions d’oxydation et de réduction

[8]               L’un des principes scientifiques déterminants en l’espèce est la possibilité, pour les atomes (du tableau périodique), d’exister dans divers états d’oxydation; sont aussi importantes les réactions chimiques dites de réduction et d’oxydation, qui modifient l’état d’oxydation.

 

[9]               On appelle la charge nette d’un atome son état d’oxydation ou son état de valence. L’état d’oxydation des éléments purs est zéro (p. ex., le fer métallique est du Fe0). Certains atomes peuvent exister dans divers états d’oxydation (p. ex., le fer peut exister à l’état +2 ou +3, ce que l’on écrit respectivement Fe2+ et Fe3+). De manière caractéristique, les métaux de transition du tableau périodique (dont fait partie le fer) peuvent adopter différents états de valence.

 

[10]           L’état d’oxydation d’un atome peut changer lorsque celui-ci subit, en interagissant avec un autre atome, une réaction d’oxydation ou de réduction. Dans une réaction de réduction, l’atome gagne un électron (ou plusieurs électrons) lorsqu’il réagit avec un autre atome, et son état d’oxydation est réduit. Par exemple, le Fe3+ peut être réduit en Fe2+ s’il gagne un électron (chargé négativement). À l’inverse, dans une réaction d’oxydation, l’atome perd des électrons lorsqu’il réagit avec un autre atome, et son état d’oxydation s’en trouve augmenté en raison de la perte de cet ou de ces électrons. Par exemple, le Fe2+, avec un électron en moins, devient du Fe3+ (il est oxydé). Typiquement, le fer métallique, Fe0, sera oxydé en Fe3+ par réaction avec l’air (perte d’électrons).

 

[11]           Certaines propriétés du carbone sont généralement reconnues. Le carbone (dont le symbole dans le tableau périodique est « C ») peut exister sous des formes variées, comme le carbone amorphe (noir de carbone), le graphite et le diamant. Le carbone constitue également [traduction] le squelette de tous les composés organiques, y compris les polymères organiques » ([traduction] « molécules de masse moléculaire élevée composées d’une série d’unités se répétant dans la chaîne qu’elles forment ») [7].

 

[12]           Dans une réaction de réduction carbothermique (RCT), le carbone réduit un composé, ce qui génère du monoxyde de carbone (CO) et du dioxyde de carbone (CO2) gazeux. La quantité de CO et de CO2 produite varie en fonction de la température à laquelle se déroule la réaction. Dans le monoxyde de carbone gazeux, l’atome de carbone est à l’état d’oxydation +2 et a deux électrons libres à donner aux atomes voisins, tandis que dans le dioxyde de carbone gazeux, l’atome de carbone est à l’état d’oxydation +4 et n’a aucun électron à donner[8].

 

Piles : principes scientifiques de fonctionnement et composition

 

[13]           Une pile lithium-ion se compose d’une cellule électrochimique ou plus. Chaque cellule comporte une anode (électrode négative), une cathode (électrode positive), un électrolyte, qui permet le déplacement des ions lithium chargés (c’est-à-dire Li+) et un collecteur de courant.

  

(Figure tirée de D. Linden and T.B. Reddy, eds., Handbook of Batteries, 3d (New York: McGraw-Hill, 2001), reproduite dans la pièce V-5.)

 

[14]           La partie droite de la figure ci-dessus représente l’anode, qui est habituellement constituée de couches de graphite (c’est-à-dire du carbone), indiquées ici par les hexagones. Le lithium peut être emmagasiné entre ces couches de graphite. L’anode est reliée à une feuille de cuivre à l’aide d’un liant. Le centre de la pile est formé par un électrolyte (liquide), qui contient un sel de lithium en solution. La partie gauche de la figure est la cathode; ici, il s’agit d’un oxyde métallique de lithium, qui prend la forme d’une série de couches d’oxygène avec une couche d’un métal donné entre chacune d’elles. Il y a entre les couches de l’espace où peut se loger le lithium. L’oxyde métallique de lithium est relié à un collecteur de courant en aluminium.

 

[15]           La pile fonctionne grâce au transfert des ions lithium du graphite (dans lequel le lithium n’est que faiblement lié au carbone), à l’anode, vers l’oxyde métallique (où le lithium est fortement attiré par l’oxygène), à la cathode. Lorsque l’anode négative est reliée à la cathode positive par un fil électrique, les ions lithium se déplacent dans l’électrolyte et les électrons se déplacent vers la cathode en suivant le fil électrique, ce qui génère un courant électrique utilisé par la suite pour alimenter un dispositif. En bref, le lithium quitte l’espace entre les couches de graphite pour se rendre entre les couches d’oxyde métallique de lithium. Pour recharger la pile, on force les électrons à se déplacer en sens inverse, et les ions lithium, à retourner à l’anode.

 

[16]           Des réactions d’oxydation et de réduction se produisent lorsque la pile se charge et se décharge, quand le lithium passe de l’anode à la cathode, ou le contraire. Pour les besoins de l’explication, supposons que l’on a une pile dont la cathode est faite de phosphate de fer et de lithium. Le fer, dans le LiFePO4, est à l’état d’oxydation +2. Dans le phosphate de fer (FePO4), il est à l’état d’oxydation +3. Ainsi, pendant la décharge de la pile, le lithium s’insère dans le FePO4 à la cathode, ce qui réduit le FePO4 en LiFePO4. Pendant la charge, la réaction inverse se produit. Le lithium est extrait de la cathode, ce qui entraîne l’oxydation du LiFePO4 en FePO4.

 

[17]           Il est important que l’insertion de lithium dans le matériau de cathode ne perturbe pas de manière significative la structure de cette dernière. Par exemple, on a noté que les cellules de piles dont la cathode est en LiFePO4 possèdent une excellente réversibilité pendant un cyclage répété (capacité à se charger et à se décharger) parce que la structure du FePO4 (dont le lithium a été extrait) et celle du LiFePO4 (dans lequel le lithium s’est inséré) sont très similaires[9]. Le choix du matériau de cathode est donc un facteur critique pour les piles à longue durée de vie.

 

[18]           Les matériaux de cathode choisis offrent souvent [traduction] « un compromis entre l’importance relative du coût, de la puissance, de l’énergie et de la stabilité thermique » [10].

 

[19]           D’autres facteurs que le choix du matériau de cathode ont de l’importance dans la fabrication d’une pile, par exemple le coût, la disponibilité des produits de départ, les effets sur l’environnement ainsi que la facilité de production[11].

 

Élaboration de matériaux de cathode pour les piles lithium-ion

[20]           Les piles lithium-ion sont employées dans pour ainsi dire tous les appareils électroniques portatifs, y compris les ordinateurs portables, les téléphones cellulaires et les appareils photos numériques. Ces piles alimentent maintenant aussi de nombreux outils, par exemple des perceuses et des scies, en plus d’être utilisées dans les vélos et les scooters électriques. La technologie de la pile lithium‑ion est largement répandue en raison de [traduction] « sa capacité unique à offrir un rendement élevé à bien des égards, dont la densité d’énergie, l’énergie spécifique, l’endurance cyclique, la durée de conservation et la plage de températures, tout cela de la part d’un produit sans danger et peu coûteux » [12].

 

[21]           Les recherches sur les piles au lithium ont commencé dès la fin des années 1960 et le début des années 1970[13], mais ce n’est qu’à partir de 1980 que des avancées importantes ont été faites dans le domaine : cette année-là, M. Goodenough a découvert que l’oxyde de cobalt et de lithium (LiCoO2) possédait des qualités propices à son utilisation comme matériau de cathode dans les piles rechargeables[14]. Sony Corporation a tiré parti de ces résultats, et c’est en 1991 qu’a été lancée sur le marché la première pile lithium‑ion ayant connu un succès commercial[15]. Comparativement aux précédentes piles rechargeables, la pile lithium-ion procurait plus d’énergie et une plus grande tension, et son cycle de vie était significativement plus long[16].

 

[22]           Le LiCoO2 avait une longue durée de vie et une excellente capacité, mais le cobalt ne constituait pas un matériau idéal vu [traduction] « le caractère limité de ses réserves dans la nature, son coût relativement élevé, et le fait qu’il n’est pas considéré comme sans danger pour l’environnement »[17]. Les chercheurs se sont donc mis en quête d’autres matériaux de cathode (oxydes de métaux de transition) pouvant se substituer au cobalt[18]. Ainsi, ils ont entrepris des travaux, en particulier au Japon, sur les possibilités des oxydes de fer comme matériaux de cathode, avec peu de succès[19].

 

[23]           L’utilisation de métaux de transition posait certaines difficultés; il fallait par exemple [traduction] « maintenir le métal de transition dans l’état d’oxydation approprié, sous une atmosphère non oxydante »[20]. Les chercheurs ont donc privilégié des matières qui contenaient leur métal de transition dans l’état d’oxydation voulu[21].

 

[24]           En 1997, le groupe de recherche de M. Goodenough, à l’Université du Texas, a annoncé que le LiFePO4 constituait un excellent nouveau candidat comme matériau de cathode[22]. Malgré cela, en janvier 2000, on ne trouvait toujours sur le marché que des piles à cathode en oxyde de cobalt et de lithium, en oxyde de nickel et de lithium ou en oxyde de manganèse et de lithium[23].

 

[25]           Depuis, les chercheurs ont amélioré la capacité de la pile au phosphate de fer et de lithium. Un témoin présenté par Phostech a expliqué que le commerce des piles au fer et au lithium a démarré en 2001, avec un marché de 2 milliards de dollars, qui représente aujourd’hui environ 8 milliards de dollars, et qui devrait atteindre à peu près 40 milliards d’ici 2020[24]. La pile au lithium-ion est importante car elle constitue un substitut efficace au carbone (c’est-à-dire aux combustibles fossiles) pour le stockage de l’énergie et car elle est aussi employée dans des applications de grande échelle, comme les transports[25].

 

La preuve

 

[26]           Les parties ont soumis une liste d’admissions[26], des extraits des interrogatoires préalables (Valence : pièce V-11, et Phostech : pièces P36A à P36F) et une chronologie des faits convenue (voir l’annexe B).

 

 

[27]           En ce qui a trait à la contrefaçon, Valence avait un témoin ordinaire, M. Randall J. Adleman, et un expert, M. Jeffery Dahn. En réponse à la prétention d’invalidité de Phostech, Valence avait deux experts, M. Elton Cairns et M. Dane Morgan.

 

[28]           Phostech avait trois témoins ordinaires, M. Denis Geoffroy, Mme Nathalie Ravet et M. Michel Gauthier, un expert quant à la question de la contrefaçon, M. Christopher Bale, et un expert quant à la question de la validité, M. Michael Stanley Whittingham.

 

[29]           Mr. Adleman est le vice‑président des ventes et du marketing pour Valence Technology Inc. depuis mars 2010.

 

[30]            Son témoignage avait pour principal objet d’expliquer la nature des affaires actuelles de Valence, qui consistent à des fournir systèmes d’énergie haute performance au phosphate de lithium, notamment des piles au phosphate de lithium (dont les matériaux de cathode sont fabriqués dans les usines de Valence en Chine), ainsi que des systèmes de gestion des piles à des clients partout dans le monde. Valence possède des filiales aux États-Unis (à Austin, au Texas, et à Las Vegas, au Nevada) et au Royaume-Uni.

 

[31]           M. Adleman a également expliqué que Valence fabriquait auparavant ses matériaux de cathode à partir d’oxydes de lithium mais que, pour des motifs de sécurité (c’est-à-dire les risques d’emballement thermique) et en raison des possibilités de cyclage accru, l’entreprise a plutôt opté pour les matériaux de phosphate de lithium maintenant. Valence existe depuis 1989, mais la société était principalement axée sur la recherche et le développement jusqu’à la commercialisation de ses produits, il y a environ 5 ans.

 

[32]           M. Geoffroy est le directeur technique de Phostech; il est chargé de la production, de l’ingénierie et de l’achat du matériel. Bien qu’il possède de l’expérience en génie chimique (il a obtenu une maîtrise en 1996), à son arrivée à Phostech en 2002, il a travaillé pendant trois ans au développement de l’entreprise (p. ex., aux ventes et dans l’établissement de partenariat commercial).

 

[33]           Le témoignage de M. Geoffroy visait principalement à confirmer les détails du procédé P1 de Phostech (comme les détails de ce procédé sont protégés par l’ordonnance de confidentialité de la protonotaire Tabib[27], les renseignements sur lesquels se fonde la Cour seront expliqués à l’annexe confidentielle A). M. Geoffroy a également produit deux échantillons issus du procédé P1 de Phostech : le mélange de poudres de phosphate de fer et de carbonate de lithium (pièce P-3) et le produit final C-LiFePO4 (pièce P-4).

 

[34]           Mme Nathalie Ravet est responsable du contrôle de la qualité à Phostech. Elle détient un doctorat en électrochimie (1994). Bien qu’elle ait officiellement commencé à travailler pour Phostech en 2007, elle faisait auparavant partie de l’équipe du professeur Michel Armand à l’Université de Montréal, où elle a aussi participé au contrôle de la qualité visant la partie relevant de l’électrochimie pour Phostech.

 

[35]           Le point principal du témoignage de Mme Ravet concernait ses recherches antérieures sur le LiFePO4, ses divers exposés, publications et affiches sur le sujet et sa collaboration avec Hydro‑Québec dans le brevet 119 (pièce P‑14), la demande de brevet 129 (pièce P‑18) et le brevet canadien no 2,230,661 (la demande de brevet 661) (pièce P‑21). Ces travaux sont invoqués par Phostech à titre de réalisation antérieure et ils constitueraient le fondement du procédé P1[28].

 

[36]           Mme Ravet a indiqué dans son témoignage qu’elle a commencé à travailler sur le composé de LiFePO4 en 1998. À cette époque, M. Armand et Hydro-Québec avaient déjà établi une collaboration avec le groupe de M. Goodenough à l’Université du Texas[29]. En 1998, le laboratoire de M. Armand employait un procédé en une étape pour la synthèse du LiFePO4 , à partir d’un précurseur dans lequel le fer est à l’état d’oxydation +2; les chercheurs ont ensuite adopté une synthèse en deux étapes en projetant d’optimiser chacune des étapes.[30] L’objectif de Mme Ravet était de trouver une autre voie de synthèse du LiFePO4 que celle proposée par M. Goodenough, car les produits de départ dans le procédé de M. Goodenough (c’est-à-dire les précurseurs de Fe2+) étaient très chers.[31] Comme Hydro-Québec cherchait à commercialiser sa propre pile, l’équipe de Mme Ravet participait à l’amélioration du procédé de production du LiFePO4[32].

 

[37]           Mme Ravet a parlé de la toute première fois où elle a présenté ses travaux de recherche sur le LiFePO4, c’est-à-dire lors de la 196e réunion de l’Electrochemical Society (17 au 22 octobre 1999) à Honolulu, à Hawaï. Comme il s’agissait de sa première conférence en anglais, sa deuxième langue, elle avait appris la présentation par cœur et elle a déclaré dans son témoignage que ses transparents reflétaient de manière fidèle ce qu’elle avait dit pendant la présentation (voir son abrégé et ses transparents de rétroprojection [pièce P-11]) [33]. Elle a indiqué très clairement qu’elle n’avait pas parlé du mécanisme de synthèse du LiFePO4 ni de l’utilisation de carbone ou de sucrose, mais qu’elle s’était plutôt attardée sur la conductivité électronique accrue de l’un des échantillons[34]. Elle a cependant précisé que, après son exposé, elle avait lu des articles qui qualifiaient sa présentation de « moment où on avait révélé le dépôt de carbone obtenu […] par décomposition d’une matière organique », alors que selon elle ce n’est tout simplement pas vrai[35].

 

[38]           À ce sujet, Mme Ravet a présenté une affiche lors de la 10e conférence internationale sur les piles au lithium qui s’est tenue à Côme, en Italie, du 28 mai au 2 juin 2000). L’affiche (qui a depuis été détruite) contenait les mots « carbon coating »[36] [revêtement de carbone] et, pendant la présentation par affiches, elle a répondu aux questions des personnes intéressées; il est possible qu’elle ait discuté du sucrose. En juillet 2000, elle a publié un court article exposant ses résultats, lequel a été accepté le 29 janvier 2001 et publié en juillet 2001 (pièce P-15)[37]. L’article constituait la première publication dans laquelle était divulguée la réalisation d’un dépôt d’un carbone à l’aide d’un précurseur de carbone sur du LiFePO4 [traduction] « déjà synthétisé »[38].

 

[39]           Après soumission de l’article de Côme à l’été 2000, le laboratoire de M. Armand a intensifié ses recherches sur un procédé en une étape faisant appel à un précurseur de Fe3+,[39] car l’oxydation du Fe2+ posait de nombreux problèmes[40]. À cette époque, on employait au laboratoire des atmosphères gazeuses réductrices composées d’une combinaison CO/CO2, d’ammoniac et d’hydrogène[41].

 

[40]           Lors du contre-interrogatoire, Mme Ravet a répondu à des questions au sujet d’un abrégé rédigé par M. Zaghib, de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, qui citait Mme Ravet et M. Michel Gauthier comme coauteurs (pièce V-14). Elle a reconnu que, à l’époque, entre 2006 et 2007, Phostech annonçait publiquement qu’elle fabriquait du LiFePO4 suivant un procédé dans lequel le Fe3+ était réduit en Fe2+ par effet carbothermique[42]; cependant, elle ne souscrit pas à ce qui a été écrit[43].

 

[41]           M. Michel Gauthier a été le président de Phostech de sa création en 2001 jusqu’en juin 2009. Après son départ, il a accepté de représenter Phostech pour les besoins du litige[44].

 

[42]           M. Gauthier détient un doctorat en électrochimie (1970). Il travaille dans le domaine des piles au lithium depuis 30 à 35 ans. Pendant ses 27 années de service à l’Institut de recherche d’Hydro‑Québec (IREQ), il a introduit la technologie de la pile au lithium à Hydro‑Québec et l’a développée[45].

 

[43]           Dans son témoignage, il a parlé de sa participation et de sa contribution aux divers brevets dont Phostech détient la licence (le brevet 119, la demande de brevet 129 et la demande de brevet canadien 2,422,446 (la demande de brevet 446)), de l’historique du litige et des relations d’affaires antérieures de Phostech avec Valence. Il a également témoigné de la façon dont Phostech a essayé de déterminer, grâce à divers tests, si elle contrefaisait les brevets de Valence. Enfin, il a témoigné à l’appui de l’argument de la défenderesse lié au détournement, lequel argument est fondé sur l’article 53 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4.

 

[44]           Comme les autres témoins des faits, M. Gauthier était crédible, et la Cour n’a aucune raison de croire que Phostech a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé d’avoir recours au procédé P­1 ou de continuer de l’utiliser après avoir reçu la mise en demeure de Valence.

 

[45]           En ce qui concerne l’argument de Phostech quant au détournement d’invention (paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets), sa position est fondée sur sa croyance que l’agent des brevets de Valence a clairement repris les revendications de la demande de brevet 129 d’Hydro­Québec dans les revendications du brevet 366, y compris l’utilisation du terme « C‑LiFePO4 » dans la revendication 73, qui, selon Phostech, a été pris dans la demande de brevet 446.

 

[46]           Enfin, M. Gauthier a expliqué quelles seraient les conséquences d’une déclaration de contrefaçon et d’une injonction interdisant l’utilisation du procédé P1 avant que le procédé P2 soit utilisable en 2012 en ce qui a trait aux 55 employés de Phostech et à la capacité de cette dernière de faire concurrence sur les marchés en Asie, où la plupart de ses produits sont vendus[46].

 

[47]           L’expert de Valence quant à la question de la contrefaçon, M. Jeffery Dahn, détient un doctorat en physique (1982) et il est professeur au département de physique de l’Université Dalhousie en Nouvelle­Écosse depuis 1996 et il est également professeur, grâce à une nomination conjointe, au département de chimie. Il possède une vaste expérience dans le domaine des piles lithium­ion et il a remporté de multiples prix pour ses travaux et en qualité d’enseignant. M. Dahn a rédigé plusieurs centaines d’articles scientifiques sur les piles lithium­ion et il a récemment terminé un chapitre sur le sujet dans la 4e édition du Handbook of Batteries[47].

 

[48]           M. Dahn a été qualifié comme expert en piles lithium-ion et en ce qui concerne les procédés et les matériaux utilisés dans la fabrication des matériaux de cathode destinés aux piles lithium-ion. Il a soumis trois rapports d’expert. Son premier rapport (pièce V-5) concerne l’interprétation des revendications ainsi que la contrefaçon des brevets de Valence. Dans ce rapport, il analyse l’expérimentation, notamment l’analyse thermogravimétrique (TGA) et la diffraction des rayons X (XRD) effectuées par ENERGY pour évaluer le procédé P1 (pièce V-5, onglet O). Son deuxième rapport (pièce V-6) est un complément au premier rapport; il concerne d’autres faits relatifs à certaines caractéristiques du four de Phostech et du procédé P1 apparus après la rédaction de l’ébauche du premier rapport. Enfin, le troisième rapport de M. Dahn (pièce V-7) est une réponse aux deux premiers rapports de M. Bale (pièces P-6 et P-7). M. Dahn y commente les essais effectués par M. Bale sur les produits commerciaux de Phostech ainsi que l’essai réalisé par M. Bale dans la pièce P-7 (test par phase vapeur de M. Bale). Il y répond également aux critiques formulées par M. Bale au sujet des essais de Canmet ENERGY (nommément la taille inappropriée des particules) et y explique les autres essais menés par Canmet ENERGY (V-7, onglet A) pour dissiper ces préoccupations et démontrer que les résultats de TGA obtenus par M. Bale et par Canmet sont équivalents.

 

[49]           Malgré les essais de Phostech pour miner la crédibilité de cet expert, soit M. Dahn, et pour contester le poids devant être accordé à son témoignage (voir le paragraphe 165), la Cour a conclu que M. Dahn était un témoin très crédible et convaincant dont les explications étaient claires et précises.

 

[50]           L’expert présenté par Phostech pour démontrer la contrefaçon, M. Christopher Bale, est titulaire d’un doctorat en génie (1973). Professeur retraité de l’Université de Montréal (École polytechnique de Montréal), il a enseigné au département de génie métallurgique de cet établissement à partir de 1977, tant au premier cycle qu’aux cycles supérieurs. Il est également cofondateur et codirecteur du Centre de recherche en calcul thermochimique, où l’on met au point et l’on commercialise des logiciels qui utilisent les propriétés thermochimiques provenant de l’expérimentation et les traitent pour calculer les résultats et les mettre en graphique ou encore pour prédire des systèmes encore inexistants. M. Bale possède une expérience de plus de 35 ans en chimie, en métallurgie chimique et dans les domaines connexes; ses principaux champs d’expertise sont la thermochimie et la simulation des procédés chimiques.

 

[51]           M. Bale a été qualifié comme expert sur les points de thermochimie et de thermodynamique de la chimie et de la science des matériaux, et comme expert dans l’analyse et la simulation des procédés utilisés pour la production des matériaux. Les parties n’ont pas remis en question la qualification des experts entendus, mais Valence a tenu à préciser que le terme « matériaux » ne pouvait ici désigner des matériaux de phosphate de fer et de lithium puisque M. Bale n’a jamais travaillé avec ce genre de matériaux pour piles[48].

 

[52]           Il n’est pas contesté que M. Bale ne peut pas se prononcer sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art ni sur la façon dont elle comprendrait le brevet en cause. À cet égard, M. Bale a dû entièrement s’en remettre à l’avis de M. Whittingham.

 

[53]           Comme M. Dahn, M. Bale a produit trois rapports d’expert. Son premier rapport (pièce P‑6) a principalement trait à la contrefaçon des brevets de Valence par le procédé P1. M. Bale y discute des essais qu’il a effectués pour analyser les précurseurs et le produit final du procédé P1 de Phostech, qui comprennent la TGA, la XRD, l’analyse calorimétrique différentielle (DSC), la spectrométrie de masse (MS) et la microscopie électronique à balayage (SEM). Dans son deuxième rapport (pièce P-7), M. Bale répond au premier rapport de M. Dahn (V-5) et discute d’un autre essai qu’il a fait pour montrer que le FePO4 pouvait être réduit par les vapeurs de polymère (test par phase vapeur de M. Bale, annexe à la pièce P-7). Son dernier rapport (pièce P-8) est un complément à son deuxième rapport; il y présente d’autres essais expérimentaux menés sur le produit commercial de Phostech (expériences de SM-TGA-DSC combinées).

 

[54]           Essentiellement, les opinions de ces experts divergent sur la question de savoir si la réduction du Fe3+ dans le procédé P1 se fait effectivement par RCT. Selon M. Bale, lorsque le temps (et la température) d’activation du carbone (le résidu de carbone issu de la pyrolyse du polymère employé dans le procédé P1) sont atteints, le fer a déjà été réduit par les gaz, dont on ne connaît pas entièrement la composition. Pour M. Dahn, vu les particularités du procédé P1, même si une très faible fraction du fer pourrait être réduite par les gaz générés lors de la pyrolyse du polymère organique employé par Phostech, le procédé de réduction est celui de la RCT, et le procédé P1 inclut tous les principaux éléments de la revendication en litige.

 

[55]           Pour ce qui est des arguments relatifs à l’invalidité et de la demande reconventionnelle, Phostech a présenté M. Michael Stanley Whittingham, qui est titulaire d’un doctorat en chimie, avec une spécialisation en chimie de l’état solide (1968). M. Whittingham est actuellement professeur en sciences et génie de la chimie et des matériaux à l’Université Binghamton, dans l’État de NewYork, où il enseigne au premier cycle et aux cycles supérieurs. Il a à son actif la mise au point de matériaux pour piles lithium-ion ainsi que de nombreuses publications dans le domaine, notamment une revue des matériaux pour piles au lithium et des matériaux de cathode publiée en 2004 (pièce P-27, p. 291 à 321). M. Whittingham a été qualifié comme expert dans le domaine de la fabrication de matériaux de piles lithium-ion et dans celui de l’analyse physique et chimique de ces matériaux. M. Whittingham est connu dans son domaine en particulier pour la technique de synthèse de phosphates de fer et de lithium par hydrothermie, c’est-à-dire essentiellement le procédé P2 qui sera utilisé sous peu par Phostech à sa nouvelle usine.

 

[56]           M. Whittingham a déposé trois rapports. Son premier rapport (pièce P­27) porte sur l’interprétation des brevets de Valence et, à son avis, tous ces brevets sont invalides pour cause d’évidence, d’antériorité et d’absence de prédiction valable; il plaide également la portée excessive, le détournement d’invention et l’absence d’utilité (brevet 366), la portée excessive (brevet 115) et le double brevet (brevet 918). Il a fourni un contexte historique quant aux piles au lithium rechargeables. Il a également parlé de ce qu’il considérait être du plagiat, et ce, même si la Cour ne lui a pas accordé le statut d’expert à cet égard[49]. Son deuxième rapport (la pièce P­28) constitue une réponse au rapport de M. Dahn et il porte sur certains aspects de l’interprétation des revendications, alors que son troisième rapport (pièce P­38) est une réponse aux rapports d’experts de M. Cairns et M. Morgan, et il porte en particulier sur les passages se trouvant de la ligne 14 de la page 13 à la ligne 2 de la page 14 des brevets 115 et 366.

 

[57]           M. Elton J. Cairns est titulaire d’un doctorat en génie chimique (1959). Il se consacre depuis 20 ans à la recherche sur les matériaux pour piles lithium-ion et sur les matériaux d’électrode. Ses travaux ont porté sur la préparation et la caractérisation de matériaux d’électrode pour les piles au lithium, surtout des matériaux de cathode. Il a été directeur de deux importantes revues d’électrochimie, soit The Journal of the Electrochemical Society et Electrochemica Acta, ainsi que président de l’International Society for Electrochemistry et de l’Electrochemical Society. M. Cairns a été qualifié comme expert en électrochimie et en matière de piles lithium-ion.

 

[58]           M. Cairns a présenté un rapport (pièce V-20). Ce document traite de la validité et de l’interprétation des revendications des brevets de Valence, et est une réponse au premier rapport de M. Whittingham sur ces questions. M. Cairns fournit également de l’information générale sur la science des piles ainsi qu’un bref historique du développement des matériaux de cathode pour les piles lithium-ion.

 

[59]           Second expert de Valence sur les questions de validité, M. Morgan est titulaire d’un doctorat en physique (1998). De 1998 à 2004, il a étudié les piles lithium-ion et modélisé leurs propriétés thermodynamiques et cinétiques au département des sciences et du génie des matériaux au Massachusetts Institute of Technology. Il enseigne depuis 2004 au département des sciences et du génie des matériaux à l’Université du Wisconsin à Madison, où il est maintenant professeur agrégé. Ses travaux portent sur les propriétés thermodynamiques et cinétiques des matériaux pour piles, en particulier les matériaux pour piles au lithium (phosphate de fer et de lithium) ainsi que les procédés d’intercalation du lithium. Il a été qualifié comme expert dans le domaine de la science des matériaux pour piles lithium-ion.

 

[60]           M. Morgan a rédigé un long rapport (pièce V­24), mais, à l’instruction, seulement certains paragraphes de son rapport ont été mis en preuve (les paragraphes 1 à 50, 85 à 90, 113 à 128, 161 à 164 et 182) afin d’éviter des répétitions; il s’agit d’une question ayant été soulevée par Phostech plus tôt dans l’instance.

 

[61]           Les parties ont convenu que tous ces experts avaient la compétence nécessaire pour se pencher sur les questions ayant fait l’objet de leurs rapports (à l’exception de la question du plagiat soulevée par M. Whittingham et des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art soulevée par M. Bale). Je suis d’accord. Tous les témoins étaient crédibles, mais la Cour a, en fin de compte, accordé moins de poids aux avis de M. Bale et de M. Whittingham pour diverses raisons qui seront examinées ci­dessous. Le témoignage de M. Bale n’était pas vraiment clair, et M. Bale a eu de la difficulté à se limiter aux véritables questions en litige. Peut-être est-ce dû à son manque d’expérience dans le processus judiciaire. Je dois dire que je n’ai pas vraiment été impressionnée par le témoignage de M. Whittingham.

 

1.         L’interprétation des revendications

i.          Les principes

[62]           Les principes applicables en matière d’interprétation des revendications des brevets sont bien connus. Je me contenterai donc de renvoyer aux propos que j’ai tenus aux paragraphes 87 et 88 de la décision Eli Lilly, 2009 CF 991 :

87        Avant d’examiner les allégations de contrefaçon et d’invalidité, la Cour doit interpréter les revendications en cause en l’espèce. Les principes d’interprétation sont bien établis. Ils sont énoncés dans les arrêts Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024 (Free World Trust), et Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool). Depuis que ces arrêts ont été rendus, la Cour a beaucoup écrit sur ce sujet. Qu’il suffise de dire que « [l]’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments ‘essentiels’ de son invention. » En ce qui a trait aux détails supplémentaires concernant la date à laquelle les revendications doivent être interprétées, au moyen de quels critères, de quelles ressources, du point de vue de qui et ce qu’on fait de l’interprétation qui est obtenue, la Cour adopte les paragraphes 32 à 48 de la décision du juge Roger Hughes dans Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725, 285 F.T.R. 1 et y renvoie.

 

88        Tel qu’il a été noté dans Shire Biochem Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 538, 328 F.T.R. 123, au paragraphe 21 (Shire), la Cour « ne peut interpréter une revendication dans l’ignorance de l’objet du litige entre les parties. » […]

[Notes de bas de page omises.]

                                                           

 

[63]           Il n’y avait pas vraiment de désaccord entre les parties à cet égard[50], à l’exception, peut‑être, que Phostech soutient qu’en l’espèce les exemples donnés dans les brevets, particulièrement ceux des brevets 115 et 366, sont très utiles pour déterminer comment certains termes, tels que « carbone », seraient compris. La défenderesse invoque la décision Janssen-Ortho Inc c. Novopharm Ltd, 2006 CF 1234, conf. par 2007 CAF 217.

 

[64]           La Cour tiendra bien évidemment compte des exemples donnés dans les brevets contestés parce qu’ils font partie de leur mémoire descriptif. Cependant, il faut faire attention de ne pas leur accorder trop de poids parce que, comme leur désignation le donne à penser, il s’agit d’« exemples » de certaines variantes de l’invention et, comme il est mentionné dans la plupart des brevets, ces exemples n’ont pas pour objet de limiter la portée du monopole établi par les revendications (voir, par exemple, les lignes 19 à 21 de la page 35 du brevet 115) [51].

 

[65]           Vu que les brevets en cause ont tous été déposés après le 1er octobre 1989, ils sont régis par la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P­4) (parfois encore appelée la « nouvelle loi »). Ils doivent être interprétés en fonction de la date de publication de leur demande. Par conséquent, la Cour doit tenir compte des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en date du 26 juillet 2001 en ce qui a trait aux brevets 115 et 366 et du 4 décembre 2003 en ce qui a trait au brevet 918.

 

ii.         La personne versée dans l’art

[66]           Il n’est pas contesté que la personne versée dans l’art en l’espèce connaîtrait la technologie dont il est question dans ces brevets et saurait comment faire usage des procédés décrits dans ces brevets.

 

[67]           Bien qu’il y ait eu quelques discussions quant à savoir si l’on devait inclure dans la définition de la personne versée dans l’art une personne détenant un baccalauréat en sciences ou un diplôme de cycle supérieur en physique[52] par opposition à un diplôme en électrochimie ou en science des matériaux, à la fin de l’instruction, il était clair que Phostech convenait qu’une telle personne serait incluse. Phostech a toutefois noté que cette personne fictive possédant des connaissances en physique devrait posséder quelques années d’expérience pratique supplémentaires dans le domaine des piles au lithium. À mon avis, cela est visé par les trois à cinq années d’expérience dont il est question ci‑dessous.

 

[68]           J’accepte donc la définition qui suit de la personne versée dans l’art proposée par M. Cairns : une personne détenant un diplôme en science des matériaux, en électrochimie, en physique ou en chimie physique et entre trois à cinq ans d’expérience dans le domaine des piles au lithium, ou un diplôme de cycle supérieur (maîtrise ou doctorat) sur un sujet lié à ce domaine. Il est évident que, si la thèse rédigée dans le cadre du diplôme de cycle supérieur ne portait pas sur le domaine des piles au lithium, il faut que le diplômé ait une certaine expérience pratique dans le domaine en question.

 

[69]           Enfin, on tient pour acquis que la personne versée dans l’art se tient informée des développements dans son domaine. Cependant, il semble que les personnes qui travaillent dans le domaine en question se tiennent informées par la lecture de publications et de revues scientifiques de premier plan plutôt par l’analyse des demandes de brevet.

 

iii         Les connaissances générales courantes

[70]           La Cour est d’avis que les personnes versées dans l’art sauraient en général que le carbone est un agent réducteur employé pour réduire les métaux jusqu’à leur état élémentaire (voir également p. 60 des brevets 115 et 366). M. Bale a dit dans son témoignage que la RCT n’est pas une matière qui est couramment enseignée en chimie, mais qu’elle est enseignée en génie (voir les notes sténographiques du 7 septembre 2010, p. 45 et 46). Il a également indiqué que la RCT est enseignée au premier cycle et aux cycles supérieurs en chimio-métallurgie. À partir de cette information et d’autres éléments de preuve présentés à la Cour, je déduis que les connaissances d’une personne versée dans l’art en cette matière seraient d’ordre général, et qu’elles ne seraient pas aussi précises que celles d’un métallurgiste ou d’un ingénieur chimiste. Le diagramme d’Ellingham dont a parlé M. Bale serait généralement connu des personnes versées dans l’art, et celles-ci sauraient en général que l’hydrogène gazeux peut être employé comme agent réducteur.

 

[71]           Même si l’on sait que le carbone produit des gaz tels que le CO et le CO2 lorsqu’il est en contact avec de l’oxygène, il est aussi généralement admis que le carbone ne peut exister à l’état gazeux ou liquide sous pression atmosphérique normale ou à des températures inférieures à 3 600 °C[53].

 

[72]           Bien entendu, la personne versée dans l’art connaîtrait l’ensemble des renseignements généraux se trouvant dans les brevets et dans la partie des présents motifs intitulée « Le contexte général » en ce qui a trait aux piles rechargeables, y compris les renseignements donnés dans les paragraphes qui suivent des pièces déposées par les parties, lesquels paragraphes ont été reconnus comme faisant partie des connaissances générales courantes (pièce V­24 : paragraphes 10 à 27, 29, 30 et 32 du rapport de M. Morgan; pièce V­20 : paragraphes 10 à 29, 31, 33, 35 et 36 du rapport de M. Cairns; pièce V­5 : paragraphes 13 à 17 et 19 à 27 du rapport de M. Dahn; pièce P­27 : partie 1 de la section « Background » [Contexte] du rapport de M. Whittingham; pièce P­6 : points 2.1.1(i), (ii) et (iii) et 2.2.2 du rapport de M. Bale, à l’exclusion des annexes auxquelles M. Bale renvoie dans ces points).

 

[73]           Avant 2000, la seule méthode de synthèse largement connue et réellement utilisée pour fabriquer des matériaux de cathode en phosphate de fer et de lithium consistait à employer un précurseur de phosphate de fer, dans lequel le fer se trouve à l’état d’oxydation +2, et à maintenir cette valence tout au long de la synthèse grâce à l’utilisation d’une atmosphère non oxydante.

 

[74]           Les personnes versées dans l’art savaient que, pour fabriquer une cellule de pile au lithium (tant l’anode que la cathode), on utilise normalement une matière carbonée telle que le graphite ou le noir de carbone ainsi que des liants. Dans la cathode, du noir de carbone broyé a été mélangé à la matière active afin d’améliorer sa conductivité électrique[54].

 

[75]           La Cour est également d’avis que le témoignage de M. Dahn[55], faisant référence à des ouvrages courants tels que le manuel intitulé Chemistry and Physics of Carbon, publié en 1971 (pièce V-5, onglet R, p. 318), a permis d’établir qu’il est de connaissance générale que de nombreux polymères se décomposent pour donner des matériaux carbonés ou des résidus de carbone lorsqu’on les soumet à la pyrolyse[56].

 

[76]           Compte tenu de ce que l’on entend par connaissances générales courantes (voir Eli Lilly, précitée, paragraphes 96 à 100), la Cour n’estime pas que les propos tenus par Mme Ravet ou tout membre de son équipe de recherche lors de la conférence à Honolulu ont commencé à faire partie des connaissances générales courantes en 1999, c’est­à­dire, avant la publication du premier article de Mme Ravet et de son équipe en juillet 2001. En outre, vu qu’il n’est pas certain à quelle date en juillet la personne versée dans l’art aurait été mise au fait de cette publication, la Cour ne peut pas tenir pour acquis que ce qui se trouve dans cet article (pièce P­15) faisait partie des connaissances générales courantes que la personne versée dans l’art aurait à l’esprit lors de la lecture de la demande relative au brevet 115 en juillet 2001[57].

 

[77]           La Cour note enfin qu’elle a dû être particulièrement prudente envers le témoignage de M. Whittingham sur ce qui était bien connu et généralement accepté par la personne versée dans l’art. En effet, cet expert a admis ne pas avoir fait attention au choix de ses mots à cet égard. Dans son rapport, il a parfois mentionné des connaissances accessibles maintenant au lieu de celles accessibles à la date de publication des brevets en cause (voir, par exemple, la pièce P­‑27 à la page 5 (paragraphe 3) et à la page 6 (paragraphe 4), et les notes sténographiques du 14 septembre 2010 aux pages 76 et 77), ainsi que des renseignements divulgués dans les réalisations antérieures qui ne faisaient pas encore partie de ce que l’on pouvait considérer comme étant les connaissances générales courantes.

 

iv. Le brevet 115

[78]           Comme il a déjà été mentionné, le nombre de revendications en jeu dans le présent brevet a été grandement réduit, et la Cour doit seulement interpréter la revendication indépendante no 3[58].

 

[79]           La revendication se lit comme suit :

[traduction]

 

3.         Dans une méthode de fabrication d’un polyanion mixte de métal et de lithium par réaction d’un mélange d’un composé de lithium et d’au moins un composé renfermant un métal, lesdits composés étant sous forme particulaire, l’amélioration comprend :

l’incorporation de carbone dans le mélange en question, cela en quantité suffisante pour réduire l’état d’oxydation d’au moins un ion métallique du composé renfermant le métal sans pour autant que la réduction soit complète et que l’état élémentaire soit atteint, ainsi que l’exécution de la réaction en présence du carbone.

 

 

[80]           Le brevet 115 est intitulé Production de matériaux contenant du lithium, et les 63 pages de la divulgation est suivie de 140 revendications. Vu la revendication en cause en l’espèce, la Cour examinera plus particulièrement dans les présents motifs les éléments de la divulgation auxquels les parties ont renvoyé et qui semblent être les plus pertinents[59]. En outre, vu que le brevet 366 et le brevet 115 ont une divulgation commune (à l’exception des pages 20o à 20r), je me pencherai sur un certain nombre de passages qui pourraient toucher davantage le brevet 366. Ainsi, lors de l’interprétation des revendications du brevet 366, je n’aurai pas à renvoyer de nouveau à la divulgation en question.

 

[81]           Sous la rubrique « Domaine de l’invention », à la page 1, on peut lire que l’invention concerne des [traduction] « matériaux améliorés utilisables comme matières actives d’électrode et leur fabrication ». Sous la rubrique « Contexte de l’invention », l’inventeur décrit en termes généraux la préparation de piles au lithium, le matériau utilisé pour l’anode ainsi que les matières actives privilégiées pour l’électrode positive, dont on dit [traduction] « qu’elles ont toutes comme désavantage que la capacité de charge d’une pile équipée de telles cathodes souffre d’une perte significative » (page 2, lignes 32 à 34).

 

[82]           Sous la rubrique « Sommaire de l’invention », à la page 4, il devient évident que les méthodes visées par l’invention sont utiles pour préparer des composants de produits connus ainsi que de nouveaux composés (voir la page 14). Le phosphate mixte de métal et de lithium souhaité est représenté par la formule générale LiaMIbMIIc(PO4)d. Dans un aspect de l’invention, MI et MII sont identiques, mais dans un aspect préféré ils sont différents l’un de l’autre. Au moins MI ou MII est un élément capable d’atteindre un état d’oxydation supérieur à celui dans lequel il se trouve initialement dans le composé de phosphate mixte de métal et de lithium (page 4, ligne 35, à page 5, ligne 2). On indique que l’invention s’applique à divers métaux; par exemple, MI est choisi parmi les métaux suivants : Fe (fer), Co (cobalt) , Ni (nickel), Mn (manganèse), Cu (cuivre), V (vanadium), Sn (étain), Ti (titane), Cr (chrome) et mélanges de ces métaux (page 5). Entre autres choses, il est dit que, idéalement, MI est à l’état d’oxydation +2 (page 6). On aborde ensuite dans la divulgation les aspects où la structure du produit peut être différente en raison de variations de la formule du produit.

 

[83]           L’inventeur indique aussi que la matière active de l’anode (électrode négative) comporte également [traduction] « une matière carbonée telle que le graphite » (page 7)[60].

 

[84]           À la page 7 de la divulgation, il est évident que dans une réalisation :

[traduction]

 

Les produits de départ (précurseur) comprennent un composé renfermant du lithium, au moins un composé contenant un métal, un composé capable de fournir l’anion phosphate (PO4) -3, et du carbone. Idéalement, le composé renfermant du lithium est sous forme particulaire, par exemple un sel de lithium. Idéalement, le composé renfermant l’anion phosphate est sous forme particulaire, par exemple un sel métallique de phosphate, de l’hydrogénophosphate de diammonium (DAHP) ou du dihydrogénophosphate d’ammonium (ADHP). Le composé de lithium, le ou les composés métalliques et le composé de phosphate sont utilisés dans des proportions permettant d’obtenir la formule générale indiquée. Les produits de départ sont mélangés ensemble, avec le carbone, lequel est fourni en quantité suffisante pour réduire l’état d’oxydation de l’ion métallique d’au moins un des produits de départ renfermant un métal sans pour autant que la réduction soit complète et que l’état élémentaire du métal soit atteint. On peut utiliser un excès de carbone et d’un ou de plusieurs des produits de départ (c’est-à-dire 5 à 10 % d’excès) pour améliorer la qualité du produit. Une petite quantité de carbone restant après la réaction joue le rôle de conducteur dans la formulation finale de l’électrode. C’est là un avantage puisque le carbone restant est très intimement mélangé avec la matière active du produit. En conséquence, on peut employer des quantités importantes de carbone en excès, de l’ordre de 100 % d’excès, dans le procédé. On pense que le carbone présent pendant la formation du composé est finement dispersé dans le précurseur et le produit. Cela procure de nombreux avantages, notamment la conductivité accrue du produit. On croit aussi que la présence de particules de carbone dans les produits de départ offre des sites de nucléation pour la génération des cristaux de produit.

 

(page 7, ligne 28, à page 8, ligne 23)

 

 

[85]           La divulgation porte ensuite sur divers aspects de cette méthode pouvant être réalisés dans une seule phase ou dans deux phases avec différents précurseurs. Puis, à la page 13, l’inventeur donne d’autres détails sur la préparation des produits de départ et sur la manière de les faire réagir :

[traduction]

 

Avant de faire réagir les composés, les particules sont mélangées ensemble pour former une poudre essentiellement homogène des précurseurs. Dans un aspect, les poudres de précurseurs sont mélangées à sec à l’aide d’un broyeur à billes, par exemple de la zircone. Les poudres mélangées sont ensuite pressées pour former des granules. Dans un autre aspect, les poudres de précurseurs sont mélangées avec un liant. Le liant est choisi de sorte qu’il n’inhibe pas la réaction entre les particules des poudres. Par conséquent, on sélectionnera de préférence un liant qui se décompose ou qui s’évapore à une température inférieure à la température de réaction. On peut par exemple utiliser des huiles minérales (c’est-à-dire du glycérol ou de l’huile minérale hydrocarbonée en C18) et des polymères qui se décomposent (se carbonisent) pour former des résidus de carbone avant que la réaction ne commence, ou qui s’évaporent avant que la réaction ne commence. Dans un autre aspect encore, le mélange se fait par formation d’une mixture humide à l’aide d’un solvant volatil, puis par pressage des particules mélangées pour former des granules et ainsi assurer un bon contact entre les grains.

 

(page 13, ligne 19, à page 14, ligne 2; [non souligné dans l’original])

 

[86]           À la page 14, on lit encore que, s’il est possible d’utiliser les précurseurs [traduction] « dans des proportions permettant d’obtenir la formule générale indiquée », le carbone peut aussi être présent en excès (jusqu’à 100 % en excès) par rapport à la quantité stœchiométrique requise pour effectuer la réduction.

 

[87]           À la page 16, l’inventeur indique ce qui suit :

[traduction]

 

Il est souhaitable que la réaction soit effectuée à une température où le composé de lithium réagit avant de fondre. La température devrait être d’environ 400 °C ou plus ou, encore mieux, de 450 °C et, idéalement, de 500 °C ou plus; en général, la réaction sera plus rapide à température élevée. Les différentes réactions génèrent du CO ou du CO2 comme gaz d’échappement.

 

 

[88]           L’inventeur poursuit ensuite en expliquant que, selon la production de CO ou de CO2, il faudra utiliser plus de carbone si l’on souhaite employer seulement la quantité stœchiométrique nécessaire pour réduire le métal jusqu’à une certaine valence.

 

[89]           À la page 17, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

 

La méthode proposée selon l’invention fait appel aux propriétés réductrices du carbone, cela de manière unique et contrôlée, pour générer les produits désirés, ayant une teneur en lithium qui convient pour des matières actives d’électrode. La méthode permet d’obtenir des produits renfermant du lithium, du métal et de l’oxygène à l’aide d’un procédé économique et commode. La possibilité de lithier des précurseurs et de modifier l’état d’oxydation d’un métal sans éliminer l’oxygène d’un précurseur était auparavant imprévue. Ces avantages sont au moins en partie procurés par l’agent réducteur, le carbone, qui possède un oxyde dont l’énergie de Gibbs devient de plus en plus négative à mesure que la température croît.

 

[90]           La méthode est réputée utiliser [traduction] « une combinaison efficace de carbone, de temps et de température pour générer de nouveaux produits et pour obtenir des produits connus, mais d’une manière nouvelle » (page 18, lignes 4 à 7). On donne ensuite diverses précisions sur les gaz produits à différentes températures et sur la montée en température pendant la réaction, avant de faire remarquer [traduction] « qu’il est préférable de procéder au chauffage sous atmosphère gazeuse non oxydante ou inerte, par exemple sous argon ou sous vide. Il n’est pas nécessaire d’effectuer la réaction sous atmosphère réductrice, mais il est toutefois possible de le faire » (page 18, ligne 35, à page 19, ligne 2; [non souligné dans l’original]).

 

[91]           Selon l’inventeur, l’invention résout le problème de capacité posé par les matériaux de cathode couramment utilisés en améliorant cette capacité grâce à une méthode relativement économique et facilement adaptable dans une perspective de production commerciale, surtout pour une préparation en grandes quantités.

 

[92]           À la page 20, l’inventeur discute d’une autre réalisation de la méthode proposée selon l’invention, réalisation consistant en ceci :

[traduction]

 

Méthode de fabrication d’un polyanion mixte de métal et de lithium par réaction d’un mélange d’un composé de lithium et d’au moins un composé renfermant un métal, lesdits composés étant sous forme particulaire, l’amélioration comprenant l’incorporation de carbone dans le mélange en question, cela en quantité suffisante pour réduire l’état d’oxydation d’au moins un ion métallique du composé renfermant le métal sans pour autant que la réduction soit complète et que l’état élémentaire soit atteint, ainsi que l’exécution de la réaction en présence du carbone.

 

Cette réalisation est décrite en des termes similaires, sinon identiques à ceux employés dans la revendication 3.

 

[93]           Les pages complémentaires (20a à 20n)[61] ajoutées avant la délivrance du brevet décrivent d’autres réalisations ou aspects des méthodes proposées selon l’invention; certaines réalisations et certains aspects sont plus précis que les autres pour ce qui est des précurseurs à employer, tandis que d’autres prévoient différentes étapes, le carbone faisant parfois partie des produits de départ décrits, alors que dans d’autres cas il est simplement dit que le carbone est incorporé aux produits de départ décrits. Parfois, cette incorporation précède le chauffage (page 20a, ligne 10), et parfois elle a lieu juste avant la réaction (page 20i, ligne 32).

 

[94]           Une réalisation préférentielle en particulier est le cas où les compositions décrites utilisent du carbone en excès, préférablement un excès stœchiométrique allant jusqu’à 100 % (page 20i, ligne 9 à 13).

 

[95]           À la page 20j, l’inventeur décrit une réalisation dans laquelle les produits de départ incluent préférablement du carbone, sous forme de poudre, et dans laquelle la réaction consiste à faire réagir [traduction] « un mélange finement dispersé » des réactifs.

 

[96]           Aux pages 20o à 20r (lesquelles ne figurent que dans le brevet 366), divers aspects de l’invention comprennent le mélange des produits de départ sous forme particulaire avec un solvant volatil ou un liant, les produits de départ incluant du carbone. En outre, on décrit dans ces pages différentes compositions obtenues grâce à un procédé suivant lequel les précurseurs sont mélangés avec un solvant volatil ou un liant, après quoi on les fait réagir en présence de carbone.

 

[97]           Je ne suis pas convaincue que l’on doive tenir compte des modifications apportées bien après la date de publication dans l’interprétation des brevets vu que ces modifications n’étaient pas accessibles à la date de publication. Les parties n’ont pas soulevé ni débattu cette question, et je n’ai pas besoin de la trancher en l’espèce parce que je suis convaincue que mon interprétation (à l’égard des revendications des brevets 115 et 366) serait la même que je tienne compte de la divulgation à la date de la publication ou de la divulgation modifiée.

 

[98]           La divulgation se poursuit ensuite par une brève description des 23 figures se trouvant à la fin du brevet, les trois premières concernant le LiFePO4, soit la matière en litige dans la présente procédure. Ce produit final est spécifiquement mentionné à de nombreuses reprises dans la divulgation.

 

[99]           À la page 27, on peut lire une description détaillée des réalisations préférentielles qui donne les paramètres de la construction de l’électrode positive et de la pile au fer et au lithium[62].

 

[100]       La description est suivie d’une série de dix exemples. Les trois premiers ont trait à la réaction du LiFePO4 avec des matières (dont du carbone) au sujet desquelles on donne peu de précisions. Les exemples 4 à 10 concernent d’autres composés visés par la formule nominale citée précédemment. Encore une fois, le carbone employé n’est pas décrit de manière détaillée, sauf dans l’exemple 9, où l’on précise qu’il s’agit de « Shiwinigan Black » [sic] [63].

 

[101]       De la page 45 à la page 60, l’inventeur discute de la caractérisation des matières actives ainsi que de la formation des cellules et des essais sur celles-ci.

 

[102]       À la page 60, l’inventeur affirme que [traduction] « l’on se sert sélectivement de la capacité de réduction du carbone sur une vaste plage de températures ainsi que de certaines considérations thermodynamiques et cinétiques afin d’obtenir un procédé éconergétique, économique et commode pour produire des substances de composition et de structure déterminées. Cela contraste avec les méthodes connues. » Puis, à la ligne 16, on trouve un passage qui a fait l’objet de bien des discussions au cours du procès, soit le suivant :

[traduction]

 

On a appliqué les principes de la réduction carbothermique pour produire du métal pur à partir d’oxydes de métaux, cela par retrait de l’oxygène. Voir par exemple les brevets américains 2,580,878, 2,570,232, 4,177,060 et 5,803,974. Les principes de la réduction carbothermique et de la réduction thermique ont également été employés pour former des carbides – voir par exemple les brevets américains 3,865,745 et 5,384,291 – ainsi que des céramiques non-oxyde (voir le brevet américain 5,607,297). De telles méthodes ne sont pas réputées avoir été appliquées pour générer des produits lithiés ou pour former des produits sans retirer l’oxygène du précurseur. Les méthodes décrites en ce qui concerne la présente invention procurent des produits de qualité élevée, préparés à partir de précurseurs qui sont lithiés en cours de réaction sans retrait de l’oxygène. Il s’agit d’un résultat surprenant.

 

[103]       À la page 61, on lit :

[traduction]

 

La commodité et le caractère éconergétique du présent procédé se distinguent également des caractéristiques des méthodes connues pour former des produits sous une atmosphère réductrice telle qu’une atmosphère de H2, lesquelles sont difficiles à réguler et font appel à des précurseurs complexes et coûteux[[64]]. Dans la présente invention, le carbone est l’agent réducteur, et on peut employer des précurseurs simples, peu coûteux et même des précurseurs existant à l’état naturel. Par exemple, il est possible de produire du LiFePO4 à partir de Fe2O3, un oxyde simple et commun.

 

 

[104]       Les parties conviennent que tous les éléments mentionnés dans la revendication indépendante 3, peu importe leur signification, sont essentiels. La Cour est d’accord.

 

[105]       Dans leur liste des questions en litige convenues, les parties ont inclus la signification du terme « carbone » et de l’expression [traduction] « incorporation de carbone dans ledit mélange ».

 

[106]       En outre, même si la liste approuvée des questions en litige convenues ne comprenait pas ce point, qui n’est apparu que dans les plaidoyers finaux[65], Phostech soutient que, vu la quantité de carbone devant être incluse – du point de vue de Phostec, une quantité stœchiométrique – et la nécessité que la réaction soit effectuée en présence de carbone, le fait que le carbone constitue le seul agent réducteur employé dans le procédé est également un élément essentiel de la revendication.

 

[107]       D’après mon examen de la divulgation et de toutes les revendications, il semble que l’invention présentée dans le brevet 115 puisse être résumée comme suit : méthode améliorée par laquelle on fait appel à une RCT sélective pour fabriquer des composés mixtes de métal et de lithium (comme le LiFePO4) pouvant contenir des formes conductrices de carbone intimement mélangées au produit final de la réaction. Ainsi, l’une des caractéristiques de l’invention est que le carbone joue un double rôle : il permet d’utiliser des composés de métaux moins coûteux, ayant une valence qui sera réduite par RCT, et il accroît la conductivité du produit final.

 

[108]       Le monopole particulier revendiqué dans la revendication 3 a plus spécifiquement trait à l’utilisation du carbone ou de la RCT pour fabriquer un [traduction] « polyanion mixte de métal et de lithium ».

 

[109]       Ici, on prendra le terme « polyanion » dans son acception habituelle qui requiert la présence d’au moins deux espèces anioniques, à savoir de multiples éléments et une charge négative globale, comme dans le phosphate (PO4)3-.

 

[110]       Il est entendu que la nécessité pour les précurseurs ou les produits de départ de se trouver sous « forme particulaire » signifie que le lithium et le composé renfermant le métal ou les métaux de transition peuvent se trouver sous différentes formes, par exemple des cristaux, des granules ou des poudres, et que les personnes versées dans l’art comprendraient qu’ils doivent être de taille suffisamment petite pour être réactifs.

 

[111]       En ce qui concerne les questions en litige, maintenant, M. Whittingham est d’avis que le mot « carbone » signifiait du carbone sous forme particulaire ou des particules de carbone. Il fait remarquer que le terme « carbone » doit nécessairement désigner du carbone solide, et que la forme habituellement employée dans l’industrie pour fabriquer des piles au lithium est le noir de carbone en poudre. Il suppose donc que c’est ce que l’inventeur avait en tête, particulièrement à la lumière de l’exemple 9, dans lequel on emploie du noir de Shawinigan. Cependant, M. Whittingham semble reconnaître, quoique à contrecœur[66], que la référence à un liant qui « carboniserait », à la page 13, implique que les résidus renfermant le carbone seraient sous forme particulaire. Pourtant, selon lui, il serait exclu de la revendication, à moins d’être ajouté sous cette forme au mélange de produits de départ. À toutes fins pratiques, à part le fait que la revendication 3 vise seulement des composés polyanioniques, M. Whittingham interprète la revendication 3 exactement comme la revendication 1 indépendante, laquelle mentionne expressément que le carbone sous forme particulaire doit faire partie des produits de départ.

 

[112]       M. Whittingham est également d’avis que les personnes versées dans l’art, en lisant la revendication 3, comprendraient qu’il faut ajouter la quantité exacte de carbone qui est nécessaire pour réduire un des métaux de transition, c’est-à-dire en proportion stœchiométrique.

 

[113]       Pour Valence, le terme « carbone » ne se limite pas aux formes où le carbone est élémentaire ou pur puisqu’on ne dit rien de la source ou de la provenance du carbone dans la revendication. La revendication exige seulement que la réduction ait lieu en présence de carbone. Pour M. Cairns, il est clair que, pour une personne versée dans l’art, le terme « carbone » désignerait non seulement de la poudre de noir de carbone, mais aussi, entre autres choses[67], le carbone dans les résidus mentionnés à la page 13, qui proviennent de la pyrolyse de liants tels qu’une huile minérale hydrocarbonée et des polymères, dont on dit explicitement qu’ils « carbonisent ». M. Dahn et M. Morgan partagent ce point de vue.

 

[114]       M. Dahn[68] a témoigné que [traduction] « l’incorporation de carbone dans le mélange en question » signifie seulement, pour une personne versée dans l’art, qu’il faut ajouter du carbone au mélange réactionnel pour effectuer la réduction nécessaire, et que la manière dont le carbone est introduit importe peu. Il peut s’agir de carbone déjà sous la forme dans laquelle il réagira, ou d’un précurseur tel qu’un liant (y compris un polymère) qui générera du carbone sous une forme utilisable pour la RCT. M. Dahn compare l’énoncé des revendications 2 et 3, par exemple, faisant ressortir que, dans la revendication 2, le carbone est ajouté aux produits de départ sous forme particulaire tandis que, dans la revendication 3, la formulation indique qu’il pourrait être ajouté de n’importe quelle manière, et non seulement sous forme particulaire. Encore une fois, M. Cairns et M. Morgan ont appuyé cette interprétation.

 

[115]       On ne conteste pas que la personne versée dans l’art comprendrait que, pour effectuer une RCT sélective, le « carbone » doit être intimement mélangé avec les produits de départ avant que la réduction ne démarre, et que cette personne saurait que le carbone, qu’il soit incorporé sous forme particulaire avant chauffage du mélange ou sous forme particulaire avant le début de la réduction, comme produit de la décomposition d’un polymère, serait propre dans les deux cas à l’exécution de la RCT.

 

[116]       La Cour note que la revendication indépendante 108 vise une composition préparée à l’aide du procédé décrit en termes très similaires à ceux de la revendication 3. La revendication 109 (dépendant de la revendication 108) est limitée à une composition préparée par le procédé suivant dans lequel on emploie du carbone en poudre, ce qui laisse supposer que le « carbone » utilisé dans la revendication 108 peut se trouver sous d’autres formes en plus de celle-là.

 

[117]       L’explication donnée par l’avocat de Phostech pour justifier la différence entre le libellé employé dans la revendication 1 par rapport à celui de la revendication 3 ou entre celui de la revendication 25 par rapport à la revendication 26, n’est pas convaincante. Bien qu’il soit évident que ces revendications portent sur des réalisations pouvant être distinguées pour d’autres motifs, cela n’explique pas en soi pourquoi l’inventeur a choisi des libellés si différents pour décrire le carbone ou la façon dont il est utilisé dans le procédé.

 

[118]       La Cour note que M. Whittingham semble avoir fait appel à ses connaissances et à sa compréhension des brevets 366 et 918 pour confirmer son interprétation de la revendication 3 ou y parvenir (et plus tard, son opinion sur la revendication 26, laquelle sera discutée plus bas, dans la partie consacrée au brevet 366)[69]. On ne peut pas se reposer sur des sources externes de ce genre pour interpréter un brevet. En outre, M. Whittingham a admis avec réticence lors du contre-interrogatoire que, en définitive, la personne versée dans l’art comprendrait que le « carbone » dont il est question dans la revendication 3 doit être sous une forme permettant la RCT[70].

 

[119]       « Carbone » est un terme vaste. Le fait que le noir de carbone en poudre soit la substance qui vient d’abord à l’esprit parce qu’elle est employée dans la fabrication de cathodes ou parce qu’elle est utilisée dans l’exemple 9 et semble être l’une des formes privilégiées n’est pas suffisant comme motif pour limiter la revendication de la manière proposée par M. Whittingham, surtout qu’il est clair et que l’on savait que cela ne change rien à la capacité du carbone à réduire un métal par RCT[71]. Ayant considéré l’expression dans son contexte entier, la Cour préfère l’interprétation donnée par MM. Cairns, Dahn et Morgan.

 

[120]       Cela ne laisse qu’une question, à savoir si la revendication 3 donne comme un de ses éléments essentiels que le carbone soit le seul réducteur employé dans le procédé.

 

[121]       Il est évident, à mon avis, que, dans les faits, cette revendication n’indique que la quantité minimale de carbone qui doit être incorporée avant l’exécution de la réduction. Il suffit d’examiner les revendications 52 et 53, qui englobent nécessairement les réalisations comprises dans la revendication3 pour conclure que l’interprétation proposée par M. Whittingham n’est pas défendable dans ce contexte particulier. En effet, ces revendications dépendantes renvoient à des procédés où le carbone est ajouté en quantité supérieure à la quantité stœchiométrique dans une proportion pouvant atteindre 100 %.

 

[122]       Le fait que le carbone soit le seul réducteur revendiqué n’est pas contesté. Cependant, la revendication telle qu’elle est rédigée ne le décrit que dans la portion suivant le commentaire d’introduction [traduction] « l’amélioration comprend » : avec les caractéristiques qui sont nouvelles. Cela indique qu’il pourrait y avoir d’autres éléments non essentiels employés en conjonction avec les éléments essentiels de la méthode revendiquée[72]. Par exemple, il n’y a aucune mention de l’atmosphère gazeuse que l’on s’attendrait à ce que la personne versée dans l’art utilise pour effectuer une RCT. Tous les experts se sont entendus pour dire que, conformément à la divulgation (par. 90 ci-dessus), une personne versée dans l’art emploierait normalement une atmosphère non oxydante. Il peut s’agir d’un gaz inerte, d’un vide (pression négative) ou d’une atmosphère réductrice (plus coûteuse et parfois plus difficile à réguler) et, quoique l’utilisation de cette dernière ne soit pas nécessaire, il est clairement admis que quelqu’un pourrait tout de même décider d’y recourir.

 

[123]       Je suis également convaincue que la personne versée dans l’art saurait que certains gaz sont produits lorsque le liant ou le solvant mentionnés à la page 13 du brevet 115 s’évaporent ou sont carbonisés[73]. En outre, la personne versée dans l’art saurait que si l’on emploie un composé hydraté comme produit de départ, comme un dihydrate de phosphate, il y aura évaporation d’eau pour produire de l’H2O sous forme de gaz.

 

[124]       La Cour accepte la preuve de M. Dahn que la RCT comme telle génère des gaz (comme le CO) qui contribueront à la réaction de réduction. En fait, la divulgation elle-même indique que, selon la température de la réaction, différents gaz seront produits, c’est-à-dire du CO, du CO2 ou une combinaison des deux[74].

 

[125]       Tout ceci pour dire que les personnes versées dans l’art pourraient s’attendre, en utilisant certaines réalisations visées par la revendication 3, à ce que certains gaz, y compris, dans certains cas, une atmosphère réductrice employée comme milieu non oxydant, contribuent à la réduction des ions métalliques dans le composé renfermant le métal, même lorsque c’est la méthode de RCT décrite dans la revendication 3 qui est utilisée.

 

[126]       Bien entendu, cela ne signifie pas que la revendication 3 engloberait une méthode consistant à employer une atmosphère réductrice ou un autre agent réducteur pour réduire tous les ions métalliques dans le composé renfermant le métal, ou la plupart d’entre eux, avant que le procédé de RCT décrite dans la revendication 3 puisse avoir lieu. On peut penser par exemple à quelqu’un qui aurait recours à une atmosphère réductrice d’hydrogène dans des conditions (durée, température, quantité) telles qu’il est clair que l’hydrogène réduira la valence du composé renfermant le métal bien avant que le procédé revendiqué ne puisse se produire.

 

[127]       Il y a aussi de nombreuses variations qui pourraient se produire entre ces deux extrêmes. La Cour n’est pas prête à conjecturer sur où il faudrait tracer la ligne vu que le dossier de preuve dont je dispose n’est ni adéquat ni suffisant pour que je puisse trancher cette question. Si Phostech avait clairement exprimé sa position avant la fin de la présentation de la preuve, notamment lorsque la Cour a expressément exigé des précisions à cet égard, la Cour aurait insisté pour obtenir de meilleurs éléments de preuve de la part des experts. Dans l’état actuel des choses, il vaut mieux reporter à plus tard la formulation d’une interprétation plus précise de la revendication 3, soit lorsque la preuve d’expert traitera de cette question de manière satisfaisante.

 

[128]       Étant donné ce qui précède et au vu des témoignages présentés par les experts, la Cour conclut que le fait que chaque ion du composé renfermant le métal sans exception soit réduit par le carbone décrit dans la revendication ne constitue pas un élément essentiel de la revendication 3.

 

v. Le brevet 366

[129]       Comme je l’ai mentionné précédemment, le brevet 366 a la même divulgation que le brevet 115, à l’exception des pages 20o à 20r. Il a en tout 82 revendications.

 

[130]       La seule revendication indépendante qu’il faut interpréter est la revendication 26. Elle se lit comme suit :

[traduction]

 

Méthode de synthèse d’un composé métallique de Li de formule

                                    LiaMI1-yMIIy(XO4)d

où le lithium du composé métallique est lié par nucléation ou par liaison avec le carbone, a est supérieur à 0, mais inférieur ou égal à 3, et y est supérieur ou égal à 0 et inférieur ou égal à 1, d est supérieur à 0 0 et inférieur ou égal à 3, X est du P, du S ou du Si, MI est un métal de transition ou un mélange de métaux de transition choisis parmi Fe, Co, Ni, Mn, Cu, V, Ti et Cr, et MII est un élément de valence fixe choisi parmi Mg, Ca, Zn, Sr, Pb, Cd, Sn, Ba, Be et des mélanges de ces éléments, consistant à amener à l’équilibre pour une réaction thermique un mélange renfermant au moins un précurseur :

a)   d’une source de l’élément MI, au moins une partie du métal ou des métaux de transition constitutifs de MI se trouvant dans un état d’oxydation supérieur à celui du métal dans le composé dont la formule est donnée ci-dessus;

b)   d’une source de l’élément MII;

c)   d’un composé constituant une source de lithium;

d)   d’un composé constituant une source de l’élément XO4 si l’élément X n’est pas présent dans un autre composé ou une autre source;

e)   d’une source de carbone,

            le ou les précurseurs en question des sources a) à d) étant présents dans le mélange dans la proportion requise pour former le composé métallique du lithium, et le ou les précurseurs en question comportant au moins un élément autre que les éléments a) à d),

la méthode en question consistant à effectuer une réaction de synthèse thermique entre le ou les précurseurs en question dudit mélange sous atmosphère gazeuse pour réduire la valence du métal ou des métaux de transition jusqu’à la valence désirée, et comprenant une étape de contrôle de la composition de l’atmosphère gazeuse, de la température de réaction et de la quantité relative de la source de lithium par rapport aux sources de a), b) et (d),

la méthode en question comportant au moins une étape thermique qui consiste à chauffer la source de carbone et à décomposer ou transformer celle-ci, pour obtenir le composé métallique mixte possédant une conductivité électrique.

 

[131]       On s’entend pour dire que, à l’exception du MII, chacun des éléments mentionnés est essentiel. Il y a litige sur la signification des expressions [traduction] « source de carbone » et « élément autre », et sur ce qui constitue l’agent réducteur dans la revendication.

 

[132]       D’autres questions ayant trait à l’interprétation que M. Whittingham avait soulevées dans son rapport initial[75], par exemple des questions relatives aux expressions [traduction] « composé métallique mixte possédant une conductivité électrique » et « décomposer ou transformer » ont été abandonnées par Phostech avant la fin des plaidoiries.

 

[133]       Selon M. Whittingham, on devrait normalement entendre par « source de carbone » du carbone comme tel ou un composé contenant du carbone. Cependant, comme l’alinéa e) ne comporte pas les mots « un composé constituant une source de », comme aux alinéas c) et d) de la revendication, il doit viser seulement du carbone comme tel, et non un composé contenant du carbone. D’après l’expert de Phostech, le mémoire descriptif et les exemples ne permettent aucune autre interprétation.

 

[134]       Cette interprétation est contestée par Valence, dont les experts ont affirmé que, pour une personne versée dans l’art, l’expression désignerait du carbone comme tel ou toute matière carbonée comme celles pouvant générer du carbone sous une forme qui permet la RCT. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont notamment pris en compte une autre partie de la revendication, qui fait référence à [traduction] « une étape thermique qui consiste à chauffer la source de carbone et à décomposer ou transformer celle-ci ». Même si les mots « source de » ne sont pas employés comme tels dans la divulgation, on supposerait que cette étape comprend ce qui est décrit à la page 13 du mémoire descriptif (c’est‑à‑dire un liant qui se décompose pour former un résidu de carbone). Ici encore, selon l’interprétation qu’en donnent les experts de Valence, cette expression ne désigne pas exclusivement le carbone sous forme particulaire.

 

[135]       En ce qui concerne [traduction] « [l’]étape thermique » citée ci-dessus, M. Whittingham a reconnu qu’elle serait comprise comme étant une étape où l’on chauffe la « source de carbone » pour en modifier la composition chimique (décomposition) ou la transformer. M. Whittingham a aussi admis qu’il y a des éléments à l’appui (même s’il s’agit de la seule occurrence) de l’interprétation voulant qu’une source puisse être autre chose que du carbone comme tel, à la page 13 du mémoire descriptif.

 

[136]       Selon M. Dahn, cette étape thermique est destinée à permettre au carbone de réduire le métal et de générer ainsi le produit de réaction (produit final) conducteur, ce que conteste M. Whittingham, qui comprend que cette source de carbone ne servira que de carbone résiduel dans le produit final. Son opinion est fondée sur la description des réalisations aux pages 20o à 20r de la divulgation, où le procédé décrit comporte l’utilisation d’un liant ou d’un solvant volatil ainsi que de carbone sous forme particulaire.

 

[137]       Pour ce qui est de « [l’]élément autre », personne ne conteste que cela désigne un élément participant à la réaction globale, mais ne faisant pas partie du produit final, étant donné la formule indiquée au début de la revendication 26. D’après M. Cairns, cela souligne l’utilisation d’un composé plutôt que d’éléments purs[76]. Ce passage exige l’inclusion d’un élément du tableau périodique autre que MI, MII, Li, XO4 dans les précurseurs devant être présents, tels que décrits aux alinéas a) à d) de la revendication. Un exemple illustrant cela serait le cas où la source de lithium c) est du carbonate de lithium. Le carbone et l’oxygène dans le carbonate de lithium constitueraient les « éléments autres ». Pour M. Cairns, cet « élément autre » pourrait être du carbone jouant le rôle d’agent réducteur, mais ce n’est pas forcément le cas dans toutes les réalisations recensées. Tous s’entendent pour dire que la signification de ce terme serait la même dans toutes les revendications (comme la revendication 1)[77].

 

[138]       Selon M. Whittingham, cette expression renvoie nécessairement au carbone parce qu’il estime que la divulgation ne renferme aucun autre renseignement au sujet de cet élément autre. Il fait également remarquer que l’élément autre, dans la revendication 1, doit être du carbone puisqu’aucun autre réducteur n’est indiqué dans la revendication, sauf l’atmosphère réductrice. Il semblerait donc que la portée de la revendication dépasse celle de l’invention parce qu’elle ne prévoit pas de RCT. Cependant, Phostech a reconnu que, peu importait à ce stade que la revendication soit annulée pour cause d’insuffisance ou parce que la portée de ladite revendication dépasse celle de l’invention, la Cour devait interpréter la revendication sans égard à sa validité.

 

[139]       La Cour estime que l’interprétation donnée à « source de carbone » par les experts de Valence cadre mieux avec le contexte dans lequel il faut lire la revendication 26, surtout compte tenu de la structure des revendications qui suivent. En effet, même si, dans leur ensemble, les revendications ne sont pas particulièrement bien écrites et même si l’on décèle de nombreux recoupements, pour ne pas dire des redondances, la Cour ne peut pas tout simplement les ignorer, comme M. Whittingham semble l’avoir fait.

 

[140]       Dans la présente instance, les revendications 33 à 36, qui sont toutes dépendantes de la revendication 26, concernent chacune un type précis de source de carbone, soit :

 

a.       la source de carbone est du carbone ou un précurseur du carbone (revendication 33);

b.      la source de carbone comprend un polymère (revendication 36);

c.       la source de carbone comporte une source d’oxygène et d’hydrogène qui sont chimiquement liés (revendication 34);

d.      la source de carbone est un polymère ou une huile minérale capable de se dégrader à la température indiquée (revendication 35).

 

[141]       Comme on peut le constater, il n’est pas vraiment sensé, dans le présent contexte, d’interpréter la source de carbone comme renvoyant seulement à du carbone solide, ce que propose M. Whittingham.

 

[142]       En ce qui a trait à l’« élément autre », la Cour privilégie de nouveau l’interprétation proposée par M. Cairns parce qu’elle respecte davantage le libellé de la revendication même qui ne semble être aucunement ambiguë[78] sauf si l’on tient compte des questions liées à l’invalidité, telles que l’insuffisance ou la portée excessive.

 

[143]       Par « atmosphère gazeuse », on entend une atmosphère non oxydante pouvant comprendre, comme l’indique la revendication dépendante 29, une atmosphère réductrice ou neutre. L’atmosphère réductrice peut être du CO (revendication 42), du CO en présence d’un gaz neutre (revendication 44) ou du CO en mélange avec du CO2 (revendication 46). En outre, comme on le mentionne dans la revendication 49, l’atmosphère réductrice peut être obtenue par la décomposition thermique de la source de carbone, qui génère du CO ou encore un mélange CO/CO2 avec de la vapeur d’eau.

 

[144]       Comme il est mentionné ci‑dessus, la Cour est convaincue que les personnes versées dans l’art comprendraient que certains de ces gaz pourraient être dégagés soit lors de la décomposition de certains des liants ou des solvants volatils énumérés à la page 13 du brevet, soit lors de la réaction de RCT.

 

[145]       Dans ce contexte, la Cour estime que l’agent ou les agents réducteurs du brevet 366, en particulier de la revendication 26, comprend ou comprennent la source de carbone et l’atmosphère réductrice, dans laquelle peuvent se trouver des gaz issus de la décomposition de la source de carbone ou de la RCT ainsi que des gaz provenant d’une alimentation externe, par exemple du CO et du CO2, avec ou sans gaz neutres.

 

[146]       Enfin, la Cour juge que, pour une personne versée dans l’art, l’expression [traduction] « lié par nucléation ou par liaison avec le carbone » ne désignerait pas seulement la liaison moléculaire comme telle entre le lithium et le carbone, comme le proposait M. Whittingham, mais plutôt, comme l’expliquaient M. Morgan et M. Dahn, le fait que le phosphate de fer et de lithium serait intimement associé ou lié au carbone. Le terme « nucléation » est associé aux termes « lié » et « liaison », et par le fait que l’inventeur, aux lignes 22 et 23 de la page 8 de la divulgation, se contente de formuler une hypothèse (il [traduction] « pense que »[79]). Comme l’explique M. Dahn, le revêtement auquel il est fait référence dans la revendication 31 constitue un seul de ces types d’association ou de liaison.

 

vi.        Le brevet 918

            a.         Les connaissances générales courantes quant au brevet 918

[147]       En plus des connaissances générales courantes mentionnées précédemment à l’égard des brevets 115 et 366, la Cour est convaincue que le contenu général de la divulgation du brevet 119 et des séries d’articles publiés avant 2003 en lien avec ce brevet faisaient partie des connaissances générales en décembre 2003 ou avant ce mois.

 

[148]       J’accepte également que la personne versée dans l’art aurait su en décembre 2003 que la plupart des polymères se décomposent à une température inférieure à 400oC, comme l’a mentionné M. Cairns.

 

[149]       La preuve ne justifie pas que la Cour conclut que le contenu de la demande initiale relative au brevet 115, bien que ce contenu fasse clairement partie des réalisations antérieures publiées à cette époque, faisait alors partie des connaissances générales courantes.

 

                        b.         Le brevet

[150]       Le brevet 918 s’intitule « Synthèse de composés métalliques utilisés comme matériaux actifs cathodiques », et sa divulgation de 57 pages se clôt par 12 revendications. Les parties conviennent que seule la revendication 1, qui est la seule revendication indépendante du brevet, doit être interprétée par la Cour. Cette revendication se lit comme suit :

[traduction]

 

1.         Méthode de synthèse à l’état solide d’un composé métallique inorganique, comportant les étapes suivantes :

combinaison des produits de départ, qui comprennent au moins un composé métallique particulaire et au moins une matière organique, pour former un mélange;

chauffage du mélange à une température propre à la formation d’un produit de réaction, chauffage pendant lequel ladite ou lesdites matières organiques se décomposent pour former un produit de décomposition contenant du carbone sous une forme lui permettant de jouer le rôle de réducteur;

où l’état d’oxydation d’au moins un des métaux faisant partie des produits de départ est réduit pendant le chauffage, ce qui génère un composé métallique inorganique.

                       

 

[151]       Le sens de cette revendication ou de l’invention décrite dans le brevet n’est pas contesté. Les parties ont également convenu que tous les éléments de la revendication 1 sont essentiels, et la Cour est d’accord. Bien que la Cour ait bien entendu examiné avec attention la divulgation, il ne serait pas utile, vu ce qui précède, de se pencher sur la divulgation dans les présents motifs. Il faut également mentionner que la formulation indique qu’il suffit que le carbone soit un réducteur (voir les par. 12 et 18 de la divulgation), ce qui n’empêche pas l’utilisation d’une atmosphère gazeuse participant à la réduction[80].

 

[152]       La revendication 1 porte sur une vaste gamme de précurseurs (dont des composés organiques) et une grande variété de matières produites par la synthèse. Par exemple, rien n’oblige à ce que les produits comprennent du lithium ou du PO4.

 

2. La contrefaçon

[153]       Il n’est pas contesté que le fardeau de preuve incombe à Valence et que cette dernière doit établir, suivant la prépondérance de la preuve, que le procédé utilisé par Phostech renferme tous les éléments essentiels d’au moins une revendication du brevet en cause.

 

[154]       Depuis le début de la présente procédure, Phostech a soutenu que son procédé ne fait pas intervenir de RCT. En outre, le « carbone » (sous forme particulaire) ne figure pas parmi les produits de départ et n’est pas incorporé à ceux-ci. Il ne peut donc y avoir de contrefaçon du brevet 115.

 

[155]       Il a été établi que les produits de départ employés dans le procédé P1 sont des granules formées de fines particules[81] de carbonate de lithium (Li2CO3) et de phosphate de fer (FePO4×2H2O) mélangées et revêtues avec un polymère – un liant qui est carbonisé à une température inférieure à 400 °C, laissant un résidu de carbone mélangé avec les produits de départs décrits précédemment avant que la réaction ne se produise en présence de ce carbone.

 

[156]       M. Dahn a calculé la quantité de carbone qui serait présente dans le résidu laissé au terme de la décomposition du polymère (pyrolyse ou carbonisation) et s’est dit convaincu que cette quantité était suffisante pour réduire le fer du phosphate de fer utilisé dans le procédé P1 de Fe3+ à Fe2+. Cette affirmation n’a pas été contestée.

 

[157]       Personne ne remet en question le fait que le produit final de Phostech renferme entre 1 et 2 % de carbone résiduel.

 

[158]       Vu l’interprétation adoptée par la Cour, le procédé P1 renferme, à première vue, tous les éléments essentiels dont il est expressément question dans la revendication 3 du brevet 115.

 

[159]       Cependant, comme on l’a mentionné, Phostech soutient malgré tout qu’elle n’emploie pas l’invention puisque le carbone qu’elle utilise ne joue pas le rôle de réducteur dans son procédé[82].

 

[160]       Il fait peu de doute que, aux températures employées dans le procédé P1, lequel se déroule pour une portion très importante à plus de 700 °C (voir l’annexe A), le carbone présent est capable de réduire le fer à une valence de +2 par RCT. Comme on l’a expliqué, les éléments de preuve avancés par M. Bale sont destinés à établir que, avant que la RCT ait le temps de se produire, tout le fer a déjà été réduit par les gaz et les vapeurs générés lors de la décomposition (carbonisation) du polymère.

 

[161]       Selon la théorie de M. Bale, et c’est là un point sur lequel il a insisté lors de l’instruction, le carbone ne peut réduire le fer à des températures inférieures à 600 °C, et certainement pas entre 400 et 500 °C.

 

[162]       Comme on l’expliquera plus loin, M. Dahn n’est pas d’accord avec M. Bale. Il conclut que, bien qu’il soit possible (sans que cela constitue un fait avéré en l’espèce) qu’une très faible fraction du fer soit réduit par les gaz issus de la décomposition du polymère[83], la réduction du fer dans la synthèse de C-LiFePO4 par Phostech se fait par RCT. Le carbone (y compris les effluents gazeux qu’il produit) est l’agent réducteur[84].

 

[163]       Personne ne conteste qu’il est impossible de mesurer directement ce qui se passe dans le four fermé utilisé par Phostech. De plus, les températures sont maintenues de l’extérieur, et il est réputé impossible de mesurer comme telle la température des granules se déplaçant dans le four. C’est pourquoi les deux experts ont effectué ou fait effectuer, selon leurs directives, différentes expériences destinées à simuler les réactions en jeu dans le procédé P1. Personne ne conteste que ces expériences ont été menées de manière professionnelle, conformément à l’état de la technique[85]. La différence d’opinions entre ces experts tient principalement à leur interprétation des résultats des différents essais effectués et de ce qu’ils révèlent sur ce qui se produit réellement dans le procédé P1.

 

[164]       M. Bale a reconnu que lui et M. Dahn sont en désaccord sur deux points essentiellement :

a.       à quelle température la réduction a lieu dans le procédé P1;

b.      pendant combien de temps les vapeurs ou les gaz dégagés par la décomposition du polymère seraient en contact avec les autres matières à l’intérieur des granules employées par Phostech dans le procédé P1.

 

[165]       Dans leurs plaidoyers finaux, les avocats de Phostech ont avancé six raisons pour lesquelles la Cour devrait accorder plus de poids aux éléments de preuve soumis par M. Bale qu’à ceux présentés par M. Dahn, soit les suivantes :

a.       M. Bale a utilisé un plus grand nombre de techniques expérimentales pour analyser les réactions en jeu dans le procédé P1.

b.      Les explications données par M. Bale sur les résultats de TGA obtenus pour le procédé P1 concordent avec tous les résultats de TGA enregistrés précédemment. En cette matière, M. Bale a exécuté quatre séries d’essais (polymère seul, carbonate de lithium et phosphate de fer dihydraté seuls, carbonate de lithium et phosphate de fer dihydraté avec noir de carbone, et précurseurs du procédé P1, y compris le polymère). Pour sa part, M. Dahn s’est concentré sur les résultats du dernier type d’essais (précurseurs du P1) et sur son hypothèse voulant que le carbone soit dans un tel cas sous une forme beaucoup moins stable et en contact étroit avec les précurseurs, ce qui réduit la température de réaction (RCT).

c.       M. Bale a soumis individuellement les deux réducteurs présents dans le procédé P1 à des essais, à savoir les vapeurs de polymère seules (ce qui est appelé le test par phase vapeur, mené à 400 °C pour une durée de 120 minutes) et la poudre de noir de carbone (mélange de graphite et de carbone amorphe).

d.      M. Dahn a reconnu que, pour effectuer ses TGA, il a employé un débit de gaz inerte plus élevé que le débit réellement appliqué dans le four de Phostech[86]. Les gaz générés par la décomposition du polymère ont donc été entraînés plus rapidement que dans le four de Phostech[87].

e.       M. Bale a fait d’autres analyses par XRD démontrant la formation complète du LiFePO4 à 400 ° au bout de 2 heures;

f.        La Cour ne devrait pas accorder d’importance à la différence de teneur en carbone des échantillons analysés par M. Dahn puisqu’il ne s’agit pas là d’une preuve concluante de RCT dans la mesure où il y a d’autres atomes de carbone dans le système (par exemple, lorsque le carbonate de lithium réagit).

 

[166]       Pour qui était présent à l’instruction, il ne sera pas surprenant de lire que le témoignage de M. Bale était embrouillé et créait de la confusion à bien des égards. Cela dit, la Cour a examiné très attentivement tous les éléments de preuve apportés par le témoin, en gardant à l’esprit les six points énumérés ci-dessus. Au terme de cet exercice, la Cour a conclu que Valence s’était acquittée de son fardeau de démontrer à la Cour, selon la prépondérance de la preuve, que le fer est réduit par RCT dans le procédé P1 de Phostech.

 

[167]       Malgré les efforts très louables de l’avocat de Phostech, ni son contre­interrogatoire de M. Dahn ni aucun des six points mentionnés ci­dessus n’a sérieusement miné crédibilité de M. Dahn ou remis en cause le poids accordé à son opinion. Avant de rendre une opinion définitive, M. Dahn a clairement tenu compte de l’ensemble des tests effectués, y compris les résultats des tests faits par le propre directeur technique de Phostech. L’expertise de M. Dahn dans le domaine des piles au lithium est largement reconnue, et M. Dahn avait compris que son rôle consistait à conseiller la Cour et non à défendre la position d’une partie donnée. Il avait clairement le sentiment d’avoir assez de renseignements pour tirer une conclusion scientifique valable. Il s’est penché sur la question d’une façon posée, à l’exemple des autres experts techniques que la Cour est habituée d’entendre. Cela contraste avec la conclusion de M. Bale, par exemple lorsqu’il dit, à la page 31 de la pièce P-7, pouvoir [traduction] « affirmer hors de tout doute que le procédé P1 de Phostech n’est PAS un procédé de réduction carbothermique […] »[88]. J’ai rarement vu un scientifique faire preuve d’autant de conviction alors même qu’il était impossible de soumettre le paramètre en litige à des tests directs. Cela étant dit, il se peut bien que cela soit simplement dû à un excès d’« enthousiasme » combiné avec un manque d’expérience quant à la comparution en Cour en qualité d’expert. Je n’ai aucun doute que M. Bale est un excellent professeur et qu’il est très apprécié par ses étudiants, comme le montre le prix de l’excellence en enseignement qu’il a reçu.

 

[168]       Phostech a fait valoir que M. Dahn aurait dû faire davantage de tests, et en cela elle a peut‑être raison. Mais ce qui me surprend davantage est le fait que l’expert de Phostech n’ait pas effectué des essais reproduisant de manière plus fidèle la durée et la température réellement prévues selon le procédé P1.

 

[169]       M. Dahn a fondé ses tests originaux sur les paramètres transmis à Valence au cours de l’interrogatoire préalable de Phostech[89]. Par exemple, la durée du procédé (temps de séjour des granules dans le four) indiquée à M. Dahn à cette époque était le double de ce que M. Geoffroy a décrit en réalité[90]. Il semble que M. Bale avait les données exactes sur le temps de séjour pour son premier rapport, en mai 2010, mais M. Dahn n’a pas reçu les bons renseignements avant son rapport du mois d’août. M. Bale aurait dû être plus avisé. Il aurait certainement été plus pertinent et plus utile à la Cour de savoir si les gaz qui, selon M. Bale, réduisaient sans conteste entièrement le fer, étaient effectivement capables de le faire dans des conditions reflétant de manière plus proportionnelle celles du procédé P1. Pourquoi le test par phase vapeur a-t-il été effectué à 400 °C sur une durée de 2 heures alors que l’on sait que les granules, dans le procédé P1, ne demeurent pas pendant une durée appréciable à cette température? Par exemple, pourquoi ces gaz n’ont-ils pas fait l’objet d’essais d’une durée d’une demi-heure à des températures de 350 à 500 °C?

 

[170]       Comme M. Dahn, la Cour trouve que le test par phase vapeur de M. Bale prouve très peu de choses à part le fait que les gaz générés par la décomposition du polymère peuvent, dans les conditions uniques de l’expérience, réduire le fer. Cela soulève effectivement la possibilité que ces gaz soient actifs dans le procédé P1 également, mais il ne s’agit de rien de plus qu’une possibilité. M. Dahn n’a pas hésité à reconnaître qu’une petite fraction des ions métalliques pourrait être réduite par ces gaz.

 

[171]        Lors de l’instruction, M. Bale a invoqué à de nombreuses reprises le fait que le carbone ne pouvait effectuer de réduction ou jouer un rôle significatif sous 600 °C. M. Bale fondait cette conclusion principalement sur le diagramme d’Ellingham, qui date de 1944, et sur les essais qu’il avait effectués avec de la poudre de noir de carbone. Cependant, il a admis lors de son contre‑interrogatoire que le diagramme[91] ne s’appliquait pas vraiment au procédé P1, sauf en ce qui concerne l’hydrogène. La principale raison à cela est, de mon point de vue, que le diagramme ne reflète pas de manière exacte la réduction des phosphates (p. ex. le FePO4) dans un milieu complexe faisant intervenir diverses propriétés cinétiques qui ne sont pas représentées par le diagramme.

 

[172]       La Cour accepte la preuve présentée par M. Dahn pour établir que, lorsqu’une forme de carbone moins stable que le graphite parfait est employée, cela a un effet sur la température à laquelle la réduction a lieu. Plus la structure du carbone est désordonnée et imparfaite, moins elle est stable, et plus le carbone commencera à réagir avec des espèces comme l’oxygène à basse température. Le carbone dans le résidu laissé dans la présente instance est un exemple d’une forme de carbone désordonné et instable. En outre, comme en a convenu M. Bale, l’utilisation d’un catalyseur peut permettre de diminuer la température à laquelle le carbone commencera à réagir dans un processus de réduction carbothermique. Même la taille des réactifs a une incidence sur la température à laquelle les réactions en jeu dans la synthèse se produiront, comme on peut facilement le voir d’après les différences dans les résultats des essais menés par Canmet ENERGY – une série d’essais avec des particules de grande taille (pièce V-5, onglet O), une autre série avec des particules plus petites (pièce V-7, onglet A).

 

[173]       La théorie de M. Bale voulant que les gaz soient les réducteurs véritables dans le procédé P1 semble avoir évolué entre le moment où il a soumis ses rapports et celui où il a témoigné. Il n’est pas contesté que c’est lors de l’instruction même que Valence a pour la première fois entendu parler de l’opinion de M. Bale sur le rôle de principal réducteur joué à son avis par l’hydrogène. M. Bale a affirmé que les radicaux libres produits par la pyrolyse du polymère exercent une fonction importante dans le procédé P1; cependant, il n’a pas été en mesure de définir exactement en quoi consistait cette fonction, et même l’auteur de l’un des articles cités par le témoin (pièce P-7, onglet A, p. 31 et 47) a reconnu que les mécanismes de formation des radicaux sont réellement complexes et difficiles à prévoir. La difficulté à caractériser toutes les composantes de la vapeur générée lors de la pyrolyse (carbonisation) pourrait expliquer la nature évolutive de la théorie de M. Bale.

 

[174]       Quoi qu’il en soit, M. Bale a convenu que, dans le brevet 115, il est clairement indiqué que la RCT peut permettre la réduction du métal dans le procédé décrit ici à des températures de 400 °C ou plus. Cette déclaration n’a pas été remise en question par Phostech dans sa demande reconventionnelle ou dans sa défense sur la base de l’invalidité alléguée du brevet 115 ou 366. Qui plus est, lorsque l’on a demandé à Phostech, au cours de l’un des interrogatoires menés par l’avocat de Valence, si elle était au courant de l’existence d’autres publications signées par d’autres personnes que celles concernées par le présent litige ou la demande de brevet 129, qui confirmeraient que le procédé carbothermique ne permettrait pas de réduire le phosphate à 400 °C, Phostech a répondu par la négative[92].

 

[175]       Dans le four, les granules se déplacent continuellement de la gauche vers la droite, tandis que l’atmosphère contrôlée (flux de gaz) circule dans la direction opposée. Même si les deux mouvements sont lents, la Cour est convaincue que, peu importe si les gaz générés par la décomposition du polymère sont emportés ou non comme le propose M. Dahn, ils ne se déplacent probablement pas de gauche à droite, c’est-à-dire contre le flux du gaz inerte[93]. Cela dit, les deux experts conviennent que, pour que la réduction ait lieu, il est important que le réducteur (gaz ou carbone) soit en contact étroit avec les précurseurs. M. Dahn a expliqué que, étant donné le volume de gaz produit lors du chauffage du polymère par rapport à la taille des granules, les gaz ne resteraient pas en contact étroit avec les précurseurs pendant plus de sept minutes environ. La réponse donnée par M. Bale à ce sujet était générale et plutôt vague. Il n’a à aucun moment tenté de quantifier la durée d’un tel contact étroit. À l’instar de M. Dahn, la Cour refuse la [traduction] « théorie de l’éponge » avancée par l’avocat de Phostech lors du contre-interrogatoire de cet expert.

 

[176]       Quant au sixième point soulevé par l’avocat de Phostech, la Cour note que M. Dahn a d’emblée admis que la variation de la masse de carbone ne permettait pas à elle seule de conclure quoi que ce soit puisque d’autres composants, comme le carbonate de lithium, produisent du carbone. Il a bien expliqué n’avoir jamais considéré cette information seule. Celle-ci constituait plutôt un facteur concordant avec les données obtenues grâce à tous les autres tests.

 

[177]       Avant de conclure, il faut mentionner, ne serait-ce que pour l’anecdote, que M. Whittingham lui-même, à l’examen de l’exemple 5 de la demande de brevet 129, estimait que la personne versée dans l’art[94] conclurait que la réduction s’effectuait par RCT, la source de carbone étant le polymère employé dans l’expérience. M. Zaghib, de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ), qui a cosigné avec Mme Ravet et M. Gauthier un article dont l’abrégé a été déposé en preuve (pièce V14), semblait être du même avis. Dans cette publication, les auteurs font part des résultats obtenus avec la nouvelle génération de LiFePO4 de Phostech utilisée dans les piles lithium-ion fonctionnant à 60 °C. On dit que la formation de LiFePO4 relativement pur est [traduction] « le résultat net d’un effet carbothermique, du revêtement de carbone et de la soigneuse sélection du précurseur de Fe3+ ». De toute évidence, on n’a accordé aucun crédit à cette preuve puisqu’aucun des auteurs n’a témoigné comme expert en cette matière, et que Mme Ravet et M. Gauthier ont affirmé être en désaccord avec cette description.

 

[178]       La Cour conclut que le procédé P1 de Phostech contrefait la revendication 3 du brevet 115. Comme je l’ai mentionné précédemment, la validité de ce brevet n’est plus contestée, il ne sert donc à rien que la Cour détermine si le procédé P1 contrefait les deuxième et troisième brevets en cause. Je souligne simplement que le témoignage de M. Dahn à cet égard était crédible de façon générale et allait dans le sens de l’interprétation adoptée par la Cour. Les éléments de preuve relatifs à la liaison requise, dans la revendication 26, entre le produit final et le carbone n’étaient pas très clairs mais, si le revêtement est, tel que le décrit M. Gauthier, comme du vernis à ongles, cela signifie qu’il doit bien être attaché ou étroitement associé au LiFePO4.

 

3.         La validité

[179]       Pour les motifs expliqués aux paragraphes 349 à 369 de la décision Eli Lilly, précitée, la Cour examinera le bien­fondé de la défense et de la demande reconventionnelle de Phostech, présentées sur la base de l’invalidité des brevets de Valence, au regard du principe selon lequel la défenderesse doit établir, selon la prépondérance de la preuve, tout fait qui, en application de la Loi sur les brevets ou d’autres lois, rendrait invalide les brevets 366 ou 918, sous réserve de la présomption de validité applicable.

 

[180]       Pendant les observations orales, Phostech a laissé tomber l’ensemble de ses contestations liées au brevet 115 et la plus grande partie de ses contestations[95] liées au brevet 366; il ne reste que les deux questions suivantes à trancher :

a.       l’insuffisance de la divulgation en ce qui concerne les expressions « source de carbone »[96] et « lié par nucléation ou par liaison avec le carbone » employées dans la revendication 26 étant donné que, comme on l’a mentionné précédemment, cette dernière expression est censée comprendre les « revêtements » (revendication dépendante 31);

b.      le détournement, par Valence, de revendications de la demande initiale relative au brevet 129 de Phostech et la fausse déclaration faite au Bureau des brevets selon laquelle trois de ses employés étaient les inventeurs de l’invention décrite dans ces revendications, le tout en violation du paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets.

 

[181]       En ce qui concerne le brevet 918, bien que Phostech maintienne tous les points soulevés dans sa dernière défense, la Cour, pour des motifs expliqués ci­dessous, n’aura qu’à trancher la question de l’antériorité.

 

            a. Le brevet 366 - L’insuffisance

[182]       En application du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, l’inventeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en œuvre. Afin d’être suffisante, la divulgation d’un brevet doit fournir assez de renseignements pour que la personne versée dans l’art puisse utiliser l’invention avec le même succès que le breveté ou, autrement dit, mettre en pratique l’invention (Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, page 525).

 

[183]       La Cour d’appel fédérale a récemment examiné les principes applicables à la question de l’insuffisance ainsi que le paragraphe 27(3) dans l’arrêt Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108. Elle a notamment noté ce qui suit :

36        Dans Hughes and Woodley on Patents, 2e éd., volume 1, à la page 333, les auteurs décrivent ainsi l’exigence voulant qu’une divulgation soit suffisante :

 

[traduction]

 

L’insuffisance vise à établir si le mémoire descriptif suffit pour permettre à une personne versée dans l’art de comprendre comment ce qui fait l’objet du brevet est fabriqué [...] Une allégation d’insuffisance est une attaque technique qui ne devrait pas servir à repousser un brevet pour une invention méritoire; une telle attaque sera couronnée de succès lorsqu’une personne versée dans l’art ne pourra mettre en pratique l’invention.

[Non souligné dans l’original.]

 

37        Le paragraphe 27(3) de la Loi n’exige pas qu’un breveté explique à quel point son invention fonctionne bien par rapport à d’autres inventions. On n’exige pas de lui qu’il décrive en quoi son invention est nouvelle ou utile, et il n’est pas non plus obligé de « de vanter l’effet ou l’avantage de sa découverte s’il décrit son invention de manière à la produire » : voir Consolboard, précité, à la page 526.

 

[…]

 

56        Le juge des demandes a eu tort d’interpréter l’exigence de divulgation du paragraphe 27(3) de la Loi comme exigeant qu’un breveté appuie son invention sur des données. Ce faisant, il a confondu l’exigence qu’une invention soit nouvelle, utile et non évidente avec l’exigence, suivant le paragraphe 27(3), que le mémoire descriptif divulgue « l’usage » auquel l’invention se prêtait selon l’inventeur : Consolboard, précité, à la page 527. La question de savoir si un breveté a obtenu suffisamment de données pour étayer son invention n’est pas pertinente, à mon sens, au regard de l’application du paragraphe 27(3). L’analyse à cet égard met en cause le caractère suffisant de la divulgation et non le caractère suffisant des données sous-jacentes à l’invention. Permettre à Ranbaxy d’attaquer l’utilité, la nouveauté et/ou l’évidence du brevet 546 par le biais de l’exigence de divulgation élargit indûment la portée de l’obligation de l’inventeur suivant le paragraphe 27(3), et ignore l’objet de cette disposition.

 

57        Bien qu’il soit vrai que le paragraphe 27(3) exige que l’inventeur « décrive d’une façon exacte et complète » son invention, cette disposition veut qu’on s’assure que le breveté fournit l’information nécessaire à la personne versée dans l’art pour qu’elle utilise l’invention avec le même succès que le breveté. La Cour suprême du Canada, dans Consolboard, précité, à la page 526, a cité en l’approuvant le passage suivant de R. c. American Optical Company et al. (1950), 11 Fox Pat. C. 62, à la page 85 :

 

[traduction] […] Il suffit que le mémoire descriptif décrive de façon complète et correcte l’invention et son emploi aux fonctionnements prévus par l’inventeur de telle sorte que le public, c’est‑à‑dire les personnes versées dans l’art, puissent, en n’ayant que le mémoire descriptif, utilisé l’invention avec le même succès que l’inventeur.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

58        C’est le paragraphe 53(1) de la Loi, et non le paragraphe 27(3), qui exige que le mémoire descriptif d’un brevet soit conforme à la vérité et n’induise personne en erreur. Le paragraphe 53(1) est ainsi rédigé :

 

Void in certain cases, or valid only for parts

 

53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

 

[…]

 

Nul en certains cas, ou valide en partie seulement

 

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation

importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

 

59        Seules deux questions sont pertinentes aux fins du paragraphe 27(3) de la Loi. En quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle? : voir Consolboard, précité, à la page 520. Dans le cas de brevets de sélection, répondre à la question « En quoi consiste l’invention? » suppose la divulgation des avantages conférés par la sélection. Si le mémoire descriptif du brevet (divulgation et revendications) répond à ces questions, l’inventeur a respecté son engagement. En l’espèce, le brevet 546 répond à chacune de ces questions.

 

 

[184]       Il importe de souligner que les commentaires du juge Roger Hughes dans l’arrêt Ratiopharm Inc. c. Pfizer Ltd., 2009 CF 711, à l’égard du paragraphe 27(3) (ainsi que ceux portant sur le paragraphe 53(1)) ont été qualifiés de simples « obiter dicta »[97] par la Cour d’appel fédérale (2010 CAF 204, paragraphe 2).

 

[185]       Les seules preuves écrites déposées par Phostech pouvant être considérées comme valables à l’appui de l’argument intitulé « Portée excessive des revendications et insuffisance des divulgations » dans ses observations écrites (page 82, section E), se trouvent à la page 164 de l’onglet F de la pièce P-27; là, M. Whittingham affirme essentiellement que i) dans le mémoire descriptif, rien n’indique qu’il y ait un réducteur autre que le carbone lui-même; ii) le terme « source de carbone » comme tel n’est pas employé; iii) il n’y a pas d’exemple où une source de carbone autre que le carbone lui-même soit utilisée.

 

[186]       Ces commentaires semblent être en lien étroit avec l’opinion de M. Whittingham sur la signification des termes techniques figurant dans la revendication 26. Comme on a discuté lorsqu’il a été question de l’interprétation, précédemment, tous les autres experts s’entendaient pour dire qu’une personne versée dans l’art comprendrait qu’une « source de carbone » inclurait le type de liants qui se carbonisent aux températures inférieures à celles utilisées pour la réduction, comme on le divulgue à la page 13 du mémoire descriptif.

 

[187]       Au-delà de cette simple exposition des faits, M. Whittingham n’a pas expliqué quelle information manquerait exactement pour qu’une personne versée dans l’art puisse utiliser l’invention décrite dans la revendication 26. Rien n’indique que le carbone issu de la carbonisation du liant réagirait différemment des particules de carbone dont parle M. Whittingham. À part un bref commentaire dont il sera maintenant question, aucun élément de preuve ne permet de croire qu’une personne versée dans l’art nécessiterait plus d’information pour capable d’utiliser le carbone dans le résidu à des fins de RCT. À cet égard, M. Whittingham a répondu à la Cour qui l’interrogeait à ce sujet qu’il ne pourrait dire spontanément quels polymères s’évaporeraient totalement et lesquels se carboniseraient[98]. Il a reconnu savoir que certains polymères comme le sucrose se carboniseraient, mais a affirmé qu’il devrait faire un essai avant d’utiliser un polymère qu’il ne connaissait pas de prime abord. Rien n’indique, cependant, qu’un tel test soit autre chose qu’un test de routine (ne nécessitant pas d’activité inventive) qu’on s’attendrait à ce que quelqu’un effectue avant d’employer un réactif qui ne lui est pas familier. En outre, même si le brevet 366 comportait quelques exemples dans lesquels on emploierait un liant ou un polymère mentionné à la page 13, ne s’attendrait-on pas à ce qu’une personne versée dans l’art effectue exactement le même essai, ou du moins consulte les publications, pour connaître les particularités d’un polymère qui n’est pas précisément employé dans les exemples?

 

[188]       La Cour note que la demande de brevet 129 sur laquelle s’appuie largement Phostech pour étayer son allégation de détournement d’invention comporte quelques exemples de polymères se décomposant pour donner un résidu de carbone mais que, aux lignes 10 et 11 de la page 37, lorsqu’il parle de l’acétate de cellulose, l’inventeur se contente d’indiquer le rendement de carbonisation de l’acétate de cellulose donné « dans la littérature » (sans citation). Le fait que l’auteur n’ait pas cité un article en particulier laisse supposer qu’une personne versée dans l’art connaîtrait cette littérature ou y aurait facilement accès[99]. Cela concorde parfaitement avec le témoignage de M. Dahn, qui a fait référence à un manuel commun traitant de la pyrolyse des polymères.

 

[189]       Pour ce qui est de l’expression [traduction] « lié par nucléation ou par liaison avec le carbone », il semble que la principale question soulevée par M. Whittingham aux pages 163 et 164 de l’onglet F de la pièce P-27 (par. 8) soit encore une fois une question d’interprétation. Comprendrait-on que la nucléation ou le lien exigeait l’existence d’un lien Li-C ou d’une liaison chimique avec le lithium lui-même plutôt qu’avec le composé dans son entier, par exemple le LiFePO4? Pour des motifs qui ont déjà été exposés, la Cour privilégie le témoignage des autres experts sur ce point, d’autant plus que, finalement, M. Whittingham a reconnu que son interprétation initiale de la phrase était plutôt absurde. Son interprétation était tout simplement trop littérale, et elle n’aurait pas de sens pour une personne versée dans l’art cherchant à comprendre l’énoncé[100].

 

[190]       Cependant, il est intéressant de voir que, dans le paragraphe cité, M. Whittingham mentionne également [traduction] « la pratique bien connue et courante consistant à ajouter du carbone aux matériaux cathodiques » afin de procurer de la conductivité électronique à la structure de la cathode[101], et qu’il indique explicitement que, [traduction] « dans de tels cas, la matière carbonée doit être nucléée sur la surface du composé métallique ». Cela signifie-t-il que, une fois la revendication correctement interprétée, la personne versée dans l’art n’aurait aucune difficulté à comprendre le concept de nucléation entre le compos. métallique entier et le carbone[102]?

 

[191]       Aux paragraphes 244 à 250 de ses observations écrites, Phostech insiste grandement sur un passage du témoignage de M. Cairns (notes sténographiques du 15 septembre 2010, page 78, ligne 15, à la page 79). En réalité, M. Cairns a simplement affirmé que, de son point de vue, la nucléation à laquelle il est fait référence en page 8 de la divulgation n’est rien de plus qu’une hypothèse avancée par les inventeurs. En effet, à nulle part les inventeurs ne cherchent à corroborer leur explication. M. Cairns précise (à la page 84) cependant que le fait de n’être pas personnellement d’accord avec cette hypothèse ne l’a pas empêché de comprendre la revendication 26.

 

[192]       Rien de cela ne constitue une preuve que la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure d’utiliser la méthode décrite dans la revendication 26 en raison de l’insuffisance des précisions techniques données à l’appui de ce que l’inventeur qualifie d’hypothèse. Cela est particulièrement vrai dans un contexte où l’inventeur qualifie cette hypothèse, dans la revendication 26, en employant les mots « lié par » [en anglais, « linked by » et « or bound »]. En outre, rien n’indique qu’il faille faire autre chose que ce qui est clairement décrit dans la divulgation pour obtenir le composé qu’on allègue être lié par nucléation ou lié au carbone résiduel. D’après tous les éléments de preuve déposés, il semble s’agir du simple résultat de chauffage du carbone intimement mélangé avec les précurseurs à la température indiquée dans la divulgation.

 

[193]       On ne conteste pas que le carbone en excès dans le produit final obtenu à l’aide de la méthode décrite dans le brevet 366 accroîtrait la conductivité de ce produit. C’est là le seul avantage promis dans le brevet 366 en ce qui concerne ce carbone en excès. On ne conteste pas non plus que l’utilisation de la méthode décrite n’assurera pas nécessairement une liaison ou une association intime entre le composé final et le carbone, ce qu’une personne versée dans l’art comprendrait à la lecture de la revendication 26.

 

[194]       La Cour n’est pas convaincue que Phostech s’est acquittée de son fardeau d’établir que le brevet en cause devrait être annulé pour cause d’insuffisance.

 

            b. Le brevet 366 – Le détournement d’invention et le paragraphe 53(1)

[195]       Le paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets est ainsi rédigé :

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

 

[196]       Il est maintenant bien établi que, pour respecter les exigences de cette disposition, Phostech devait établir qu’une « fausse déclaration importante » a été faite « volontairement [...] pour induire en erreur ». Comme l’a mentionné le juge Hughes dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142, aux paragraphes 62 et 63, conf. par 2009 CAF 97, une allégation fondée sur l’article 53 « implique la notion de fraude ».

 

[197]       Phostech s’appuie de façon importante sur les commentaires du juge Hughes dans la décision Ratiopharm, précitée, pour affirmer que la Cour doit conclure de l’usage inapproprié de grandes parties des revendications de la demande de brevet 129, dans le contexte particulier où cela a été fait, que Valence a volontairement induit en erreur le Bureau des brevets quant à savoir qui était les véritables inventeurs de l’invention revendiquée dans le brevet 366[103].

 

[198]       Il importe ici de mentionner que, lorsque la conclusion principale du juge Hughes – selon laquelle le brevet en cause dans l’affaire Ratiopharm, précitée, était nul pour cause d’évidence – a été confirmée par la Cour d’appel fédérale (2010 CAF 204), cette dernière a affirmé ce qui suit au paragraphe 34 :

Pfizer a fait valoir que la conclusion formulée par le juge de première instance sous le régime du paragraphe 53(1) de la Loi pourrait se fonder sur une interprétation trop large de ce paragraphe. Or il me paraît que cette conclusion se limite aux circonstances particulières de la présente affaire : elle n’a que peu de valeur, si même elle en a, en tant que précédent.

 

[199]       Dans la décision Ratiopharm, le juge Hughes a clairement précisé que l’affaire dont il était saisi était tout à fait exceptionnelle. Dans le contexte d’une longue instruction, le juge Hughes a entendu les témoignages des deux inventeurs du brevet en cause, qui ont expliqué précisément leur rôle respectif, les tests effectués, ce qui n’avait pas été fait ainsi que les véritables avantages qu’ils avaient découverts en testant le composé revendiqué en comparaison avec d’autres composés de la même classe. Le juge Hughes a été en mesure de conclure qu’il y avait plusieurs fausses déclarations importantes dans le brevet en cause. Il est également évident qu’il était profondément convaincu que ces fausses déclarations avaient été faites volontairement par le breveté afin de s’assurer qu’il obtiendrait un brevet.

 

[200]       En l’espèce, peu importe la valeur intrinsèque des commentaires du juge Hughes sur le droit, je suis convaincue que l’affaire dont je suis saisie est très différente de Ratiopharm, non seulement à cause du contexte, mais également en raison de la nature et de l’étendue de la preuve dont le juge Hughes disposait (particulièrement la preuve produite par les inventeurs) à comparer avec celle dont la Cour disposait dans la présente affaire. Pour les motifs que j’énoncerai sous peu, la Cour n’est pas prête à conclure que Valence avait l’intention d’induire en erreur en l’espèce.

 

[201]       Avant d’aller plus loin, il est important de placer les arguments de Phostech dans le contexte approprié. À la ligne 25 de la page 24 de la demande de brevet 129 (pièce P-18)[104], on lit ce qui suit :

Nous rapportons ici, pour la première fois, la synthèse d’un composé LixMXO4 de type olivine, en l’occurrence LiFePO4, réalisée par réduction d’un sel de fer (III). Les sels de départ n’étant plus sensibles à l’oxydation, le processus de synthèse s’en trouve très simplifié. De plus l’utilisation possible de Fe2O3 comme source de fer réduit considérablement le coût de synthèse de LiFePO4. Ce matériau aurait alors la préférence face à d’autres matériaux de cathode pour batterie au lithium, tels que les oxydes de cobalt ou de nickel dans le cas des accumulateurs de type lithium-ion, ou les oxydes de vanadium V2O5 ou analogues moins inoffensifs pour l’environnement.

[Non souligné dans l’original.]

 

[202]       Nous savons qu’il ne s’agissait pas là du premier compte rendu de la synthèse de LiFePO4 par réduction d’un précurseur de fer (III) puisque la demande pour le brevet 115 avait été publiée le 26 juillet 2001, soit plusieurs mois avant la publication de la demande de brevet 129.

 

[203]       C’est également un fait avéré que Mme Ravet et son équipe avaient en main la demande pour le brevet 115 avant la publication de la demande de brevet 129. Apparemment, ce paragraphe a été conservé, et de nouveaux exemples ont été rédigés de manière à estomper le fait que les inventeurs recouraient à la RCT et utilisaient le carbone comme réducteur[105], celui-ci jouant un rôle dans la conductivité du produit final.

 

[204]       Il est également à noter que la demande de brevet 129 ne revendique pas le revêtement de carbone du produit final. Cette invention était déjà visée par le brevet 119[106]. Par conséquent, les similarités entre les brevets 115 et 366 ainsi que la demande de brevet 129 sont évidentes puisque leurs auteurs respectifs voulaient breveter une méthode de synthèse d’un composé métallique lithié à partir d’un précurseur dans un état d’oxydation supérieur, et comportant l’incorporation de carbone avant la synthèse de la matière active de la cathode pour en accroître la conductivité.

 

[205]       Nous ne saurons jamais hors de tout doute qui a réellement eu le premier « l’idée »[107] d’utiliser du Fe3+ ou même d’ajouter du carbone avant la synthèse de la matière active plutôt qu’après, comme on avait à l’époque coutume de le faire.

 

[206]       En ce qui a trait aux brevets déposés avant le 1er octobre 1989 (donc ceux assujettis à l’ancienne loi), une telle situation était alors tranchée grâce au processus en cas de conflit établi par l’article 43. Cependant, en ce qui concerne les brevets déposés après 1989, cela ne devrait plus être important vu que le législateur a décidé de changer la règle : ce n’est plus le « premier inventeur » qui a droit au brevet, mais plutôt le « premier déposant »; il s’agit de la règle la plus utilisée. Il va sans dire que les conflits n’étaient pas rares parce qu’il arrivait souvent que différentes équipes de recherche mettaient au point une invention à peu près en même temps. La nouvelle règle a permis d’éviter le recours à ce processus difficile qui durait souvent des années.

 

[207]       Phostech a déployé de grands efforts pour établir un fait que Valence ne contestait pas vraiment, c’est‑à‑dire que l’agent des brevets avait recommandé que Valence reprenne dans son brevet complémentaire[108], qui avait déjà été déposé, un libellé qui ressemblait beaucoup à celui utilisé dans la demande de brevet 129 (ou la demande de brevet 446 connexe) dans tout les cas où le contenu de la divulgation de Valence justifiait de telles modifications.

 

[208]       Il ne s’agit pas d’une nouvelle stratégie parce que c’est exactement ce que l’on devait faire suivant le paragraphe 43(2) avant que le processus de conflit soit engagé. Le chapitre intitulé « The Art of Claiming and Reading a Claim »[109] rédigé par William Hayhurst explique qu’il incombe à l’agent des brevets – une fois qu’il comprend l’invention tel que l’inventeur l’a décrite, y compris ses réalisations privilégiées (souvent le produit ou les procédés) – de veiller à ce que les revendications prévoient non seulement ce que l’inventeur a déjà imaginé, mais également les variations que l’on pourrait raisonnablement prévoir et qui pourraient tirer partie de la contribution à l’art de l’inventeur. Cela veut dire que l’agent des brevets non seulement doit examiner les réalisations antérieures, mais il doit aussi se tenir au courant des nouvelles publications et des avancées dans le domaine tout au long de la poursuite de la demande de brevet. C’est pourquoi on trouve un tel éventail de revendications allant des revendications les plus larges que l’agent des brevets peut imager et que le Bureau des brevets acceptera jusqu’aux revendications les plus limitées qui prévoient, à tout le moins, les produits et les procédés concurrents les plus vraisemblables[110].

 

[209]       Comme le mentionne l’éminent auteur, [traduction] « [c]’est pourquoi on considérait que “l’inventeur invente le produit et l’agent des brevets invente l’invention” »[111], ce qui selon M. Hayhurst, témoigne de ce qui suit :

[traduction]

 

Trop souvent l’inventeur ne comprend pas l’importance des revendications ni les subtilités de la rédaction des revendications et, trop souvent encore, il se contente de s’assurer que les descriptions du mémoire descriptif et les dessins connexes sont exacts et que toute réalisation antérieure susceptible d’être découverte peut être différenciée, laissant ainsi sur les seules épaules de l’agent les arcanes de la rédaction des revendications (page 204).

 

[210]       Vu que les agents des brevets doivent également connaître le droit des brevets et les exigences de la Loi sur les brevets, il est clair qu’ils préféreront rédiger les revendications en même temps que la divulgation afin d’éviter toute ambiguïté et d’être certains que les termes utilisés dans la revendication concordent avec ceux de la divulgation. Cela étant dit, cependant, les revendications peuvent, pour diverses raisons, faire l’objet de négociation avec l’examinateur des brevets pendant la poursuite de la demande de brevet, et d’importantes modifications leur sont apportées, telles que celles exigées suivant le paragraphe 43(2) de la l’ancienne loi. Cette façon de faire a souvent par la suite créé des problèmes que la Cour devait dénouer lors de l’interprétation des revendications. On risque également ainsi que la divulgation soit trouvée inadéquate (paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et article 34 de l’ancienne loi). Cependant, c’est exactement ce dont l’agent des brevets doit tenir compte lorsqu’il ajoute dans un brevet dont il est saisi des revendications tirées d’autres brevets ou d’autres demandes de brevet.

 

[211]       La Cour est d’accord avec Valence que le libellé des revendications n’est aucunement protégé par le droit d’auteur.

 

[212]       L’inventeur, en empruntant le libellé employé par d’autres inventeurs, court le risque que le Bureau des brevets rejette les revendications sur le fondement du paragraphe 27(3) ou pour cause d’ambiguïté ou que la Cour les annule plus tard pour ces motifs. En l’espèce, l’examinateur des brevets était convaincu que les renseignements donnés étaient suffisants pour appuyer ces revendications.

 

[213]       Phostech n’a invoqué aucun précédent pour étayer sa position selon laquelle un tel comportement constituerait un détournement d’invention. Je doute fort que le législateur souhaitait que le paragraphe 53(1) vise ce type de situation.

 

[214]       Tous ces commentaires, qui peuvent sembler quelque peu superflus, ont été faits afin d’aborder la question de la frustration, voire de l’indignation, ressentie par M. Gauthier lorsqu’il s’est aperçu que tant d’expressions employées dans sa demande de brevet avaient été utilisées dans la demande de brevet 366, notamment le fameux « C­LiFePO4 ».

 

[215]       Cela étant dit, pour reprendre les mots du juge Walsh dans la décision Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1984), 78 CPR (2d) 1 (C.F. 1re inst.), page 30[112], il « faudrait en effet des preuves très probantes et non de simples déductions de la preuve documentaire et de présumés motifs » pour établir que l’inventeur désigné n’est pas l’inventeur de l’invention décrite dans le brevet en cause.

 

[216]       C’est d’autant plus vrai qu’il n’est pas contesté que les inventeurs désignés dans le brevet 366 sont les auteurs de la divulgation de la demande de brevet 115 qui a été déposée avant la demande de brevet 129. C’est grâce au libellé de cette divulgation initiale que la Cour a été en mesure d’interpréter la revendication 26 du brevet 366. En outre, c’est sur le fondement de cette divulgation que les experts ont affirmé dans leur témoignage que la personne versée dans l’art serait capable de mettre en œuvre l’invention décrite dans la revendication 26.

 

[217]       Comme je l’ai déjà mentionné, fort peu d’éléments de preuve provenant des inventeurs ont été portés à la connaissance de la Cour. Phostech a déposé, du consentement des parties, quelques passages de l’interrogatoire préalable de M. Barker, l’un des trois inventeurs désignés dans le brevet 366. La preuve est aussi presque muette quant au rôle exact joué par M. Barker à comparer à celui joué par les deux autres inventeurs lors de la mise au point de l’invention. Il ressort clairement de la correspondance dont disposait la Cour que M. Barker estimait que M. Yazid Saidi, l’un des inventeurs, pourrait apporter des précisions quant à un certain nombre de questions soulevées. Bien qu’aucune correspondance de M. Saidi n’ait été trouvée, rien ne donne à penser qu’il n’a pas parlé avec l’agent des brevets. M. Barker a également affirmé que le service du contrôle de la qualité de Valence serait mieux placé pour répondre à certaines demandes de renseignements quant à la fabrication du produit de Valence. Il ressort clairement des quelques passages produits que M. Barker n’a pas une bonne mémoire pour les détails. Il est très vraisemblable que M. Barker a effectivement participé personnellement à la rédaction de la divulgation du brevet 115. Il a aussi probablement choisi les expériences dont il était question dans ce brevet. Il n’a vraisemblablement pas participé à la rédaction des revendications même.

 

[218]       L’avocat de Phostech a mis l’accent sur une réponse à l’une des questions que l’agent des brevets avait posées à M. Barker quant à savoir si un passage précis de la demande de brevet 129 (ou son équivalent dans la demande de brevet 446) s’appliquait au produit de Valence – le produit de Valence avait‑il un noyau? M. Barker a répondu que [traduction] « c’est très difficile à dire ». On n’a jamais demandé à M. Barker comment exactement il avait compris cette question, s’il avait une copie de la demande présentée par M. Armand et si, dans tous les cas, il était question d’une façon ou d’une autre d’un [traduction] « noyau » dans le brevet 366.

 

[219]       Aucun de ces éléments de preuve ne me convainc que les inventeurs désignés n’ont pas inventé ce qui est revendiqué dans le brevet 366. Aucune fausse déclaration n’a été établie à cet égard.

 

[220]       Je souligne également que Phostech ne m’a pas convaincue que je devrais conclure que Valence avait l’intention d’induire en erreur. La Cour n’accepte pas de sauter à la conclusion proposée par l’avocat de Phostech, selon laquelle Valence aurait demandé un brevet complémentaire afin d’éviter d’avoir à négocier avec l’examinateur des brevets saisi de la demande de brevet 115 et afin de pouvoir se soustraire aux objections que l’examinateur des brevets avait soulevées. Il y a de nombreuses autres raisons pour demander un brevet complémentaire, notamment lorsque l’on sait qu’un concurrent commercialise ou commercialisera bientôt un produit qui pourrait constituer une contrefaçon. Une personne pourrait souhaiter qu’un premier brevet renfermant un libellé qui, selon cette personne, sera acceptable pour l’examinateur, soit rapidement délivré.

 

[221]       La contestation de Phostech sur le fondement du paragraphe 53(1) n’est pas retenue.

 

            c. Le brevet 918 – L’antériorité

[222]       Le sens de l’article 28.2 de la Loi sur les brevets et les principes applicables afin de déterminer si une revendication est antériorisée sont bien établis, surtout étant donné que la Cour suprême du Canada les a récemment examinés dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, paragraphes 24 à 29.

 

[223]       Le juge Marshall Rothstein, au nom de la Cour suprême, a clairement établi que, comme l’avait expliqué lord Hoffman dans l’arrêt Synthon B.V. c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59, au paragraphe 22, pour qu’il constitue une antériorité, l’objet de l’antériorité alléguée doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait la revendication contestée. Lors de l’examen quant à savoir si une publication renferme une divulgation suffisante, la publication doit être interprétée par un esprit désireux de comprendre et aucun test n’est permis.

 

[224]       Parce que la divulgation doit aussi permettre la réalisation de l’invention, elle doit renfermer, tout comme le brevet en cause (paragraphe 27(3)), assez de renseignements pour qu’une personne versée dans l’art soit capable d’utiliser ou de mettre en œuvre l’invention. Un certain nombre d’essais successifs est permis tant et aussi longtemps qu’ils ne comportent aucune étape inventive.

 

[225]       La date pertinente quant à la revendication 1 est le 17 mai 2002. Il n’est pas contesté que c’est à ce moment que la demande de brevet 129 a été publiée[113] et était accessible au public. Dans l’exemple 5[114], la méthode suivante est divulguée et mise en œuvre (il s’agit de mon résumé) :

 

On broie et on mélange ensemble du FePO4 ×2H2O (186,85 g), du Li2CO3 (36,94 g) et de l’acétate de cellulose (11,19 g). Entre autres choses, ce mélange est chauffé sous atmosphère inerte d’argon gazeux à 400 °C pour permettre la décomposition de l’acétate de cellulose, puis jusqu’à 700 °C pendant une durée suffisante pour assurer une bonne cristallinité au LiFePO4 produit. Le rapport d’analyse confirme que des résidus de carbone demeurent dans le composé de LiFePO4 pur produit par cette méthode.

 

Aux lignes 23 à 25 de la page 37 de la demande de brevet 129, on divulgue que le carbone provenant de l’acétate de cellulose possède un pouvoir réducteur suffisant pour agir sur le métal de transition et réduire le Fe3+ en Fe2+. Cependant, les inventeurs[115] notent que la quantité de carbone consommée dans l’expérience n’est pas suffisante pour expliquer toute la réduction (lignes 13 à 15). Par conséquent, on a conclu que l’atmosphère gazeuse produite par la décomposition de l’acétate devait avoir joué un rôle dans le processus de réduction (lignes 16 à 18).

 

[226]       On ne conteste pas que les produits de départ dans l’exemple 5 sont les précurseurs inclus dans la revendication 1 du brevet 918. La source de carbone – l’acétate de cellulose – est une matière organique qui, lorsqu’on la chauffe, forme un résidu contenant du carbone sous une forme capable d’agir comme un réducteur. M. Whittingham a affirmé dans son témoignage qu’une personne versée dans l’art qui examinerait cet exemple ou qui le réaliserait comprendrait qu’il s’agit de RCT et que le carbone est le réducteur.

 

[227]       Valence conteste l’allégation d’antériorité de Phostech en se fondant sur la demande de brevet 129, disant que celle-ci s’écarte de l’utilisation de la RCT comme procédé industriel (exemple 5); cela est contraire à ce qu’on apprend du brevet 918[116].

 

[228]       Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’exemple 5 de la demande de brevet 129 constitue une divulgation permettant la réalisation de l’invention au sens de l’arrêt Sanofi‑Synthelabo Canada, précitée, et que la méthode utilisée vu les instructions dans cet exemple contreferait la revendication 1 du brevet 918. Il antériorise donc le brevet.

 

[229]       Le fait que l’inventeur, dans la demande de brevet 129, affirme que le carbone ne constituerait pas le seul réducteur n’empêche pas cette divulgation d’être une divulgation habilitante puisque, selon l’interprétation des propres experts de Valence, rien dans la revendication 1 du brevet 918 n’exige que le carbone (ou la RCT) soit le seul réducteur[117].

 

[230]       M. Cairns a été clair : bien que le nouvel objet du brevet 918 était l’extension de la portée de l’invention revendiquée dans les brevets 115 et 366 à un plus grand éventail de composés inorganiques, la revendication 1, telle qu’elle est libellée, chevauche et renferme effectivement l’ensemble des composés décrits dans les brevets 115 et 366, notamment le LiFePO4 décrit dans l’exemple 5 de la demande de brevet 129. Si les inventeurs avaient mieux cerné leur monopole, la demande de brevet 129 n’aurait pas antériorisé leur invention. Ils ont choisi de ne pas le faire et, comme l’a mentionné le juge Binnie dans l’arrêt Whirpool, ils ont couru le risque de tout perdre.

 

[231]       La demanderesse a convenu que, si la revendication 1 était estimée invalide, les 11 autres revendications seraient également invalides. La Cour conclut que le brevet 918 est nul.

 

4.         Réparation et dépens

[232]       Phostech produit du LiFePO4 depuis juin 2002. En application du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets, un breveté a droit à une indemnité raisonnable pour la période de temps entre la date où la demande est devenue accessible au public (le 26 juillet 2001) et la date où le brevet a été délivré (le 20 juillet 2004).

 

[233]       L’indemnité raisonnable diffère des dommages‑intérêts; il s’agit plutôt d’un type de redevance raisonnable. Le montant de cette redevance sera déterminé, en application de l’ordonnance de disjonction concernant le montant des dommages‑intérêts ou des profits, lors d’une étape subséquente.

 

[234]       En ce qui concerne la période après la délivrance du brevet 115, Valence sollicite le droit de choisir entre les dommages­intérêts et la comptabilisation des profits. Les principes applicables à cet égard sont bien établis (voir Eli Lilly, paragraphes 647 et 648), où je les ai résumés comme suit :

Pour ce qui concerne la comptabilisation des profits, la Cour d’appel fédérale a récemment répété le principe bien établi selon lequel « un juge de première instance a l’entière discrétion de décider si oui ou non il accordera ce redressement en equity » [Merck & Co. (CAF)]. Il est également de droit constant que le demandeur qui obtient gain de cause dans une instance en contrefaçon n’a pas automatiquement droit à cette mesure de redressement. La juge Aline Desjardins a déclaré dans AlliedSignal Inc. c. Du Pont Canada Inc. (1995), 95 F.T.R. 320 n, 184 N.R. 113 (C.A.F.), que « le choix entre les deux redressements [les dommages-intérêts et la restitution des bénéfices] ne peut être laissé entièrement à la discrétion de la partie demanderesse qui a gain de cause » (paragraphe 77).

 

La jurisprudence révèle que le droit de choisir le mode d’indemnisation a été refusé pour diverses raisons : le caractère tardif de l’action en contrefaçon : Consolboard (1978); « toute mauvaise conduite de la part du breveté » et « la bonne foi du contrefacteur » : Beloit Canada Ltée c. Valmet-Dominion Inc., [1997] 3 C.F. 497, 214 N.R. 85 (C.A.F.), paragraphes 111 et 119; et le fait que « les demanderesses ont fondamentalement abandonné la partie et ont laissé évoluer l’action sans presse » : Merck & Co. c. Apotex Inc., 2006 CF 524, 282 F.T.R. 161 [Merck & Co. (CF)], paragraphe 229. Évidemment, chacune de ces affaires s’inscrit dans un contexte factuel tout à fait particulier et se distingue nettement de la présente espèce. Ces décisions n’en restent pas moins utiles s’agissant de définir les facteurs à prendre en considération par notre Cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire[118].

 

 

[235]       Dans la présente affaire, Phostech soutient que Valence n’a pas eu une conduite irréprochable avant de s’adresser à la Cour en raison des faits mentionnés ci‑dessus à l’égard du paragraphe 53(1). En outre, elle affirme qu’elle a agi de bonne foi et que Valence a inutilement prolongé l’instance en invoquant 107 revendications de ses brevets jusqu’en avril 2010.

 

[236]       La Cour n’estime pas qu’il y a eu des retards déraisonnables dans l’instruction de la présente affaire. Comme on l’a expliqué lors de la première conférence de gestion de l’instruction, la Cour pensait qu’il était déraisonnable d’invoquer, à cette étape de l’instance, 107 revendications vu qu’une décision à l’égard d’une seule revendication suffirait. En outre, Phostech même a insisté jusqu’au début de l’instruction pour que la Cour examine la validité de chacune des revendications des trois brevets, soit plus de 230 revendications. Ce n’est qu’après les demandes répétées de la Cour que les parties ont réévalué leur position respective. La Cour remercie bien entendu les parties de l’avoir fait, et personne ne devrait être puni pour avoir adopté une attitude si raisonnable.

 

[237]       Comme il a été mentionné précédemment, la Cour est convaincue que ni l’une ni l’autre des parties n’a agi de mauvaise foi. En outre, comme l’a reconnu Mme Ravet en 2006, Phostech a effectivement fait savoir au monde entier qu’elle avait recours à la RCT. Il était certainement légitime pour Valence de faire respecter les droits conférés par ses brevets. Il n’est aucunement question d’abus en l’espèce.

 

[238]       Tout cela pour dire que la Cour n’est pas convaincue qu’il serait inapproprié qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire en faveur du droit de choisir. Valence aura le droit de faire un tel choix.

 

[239]       Phostech soutient que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas accorder d’injonction tant que Phostech n’est pas en position d’utiliser son procédé P2 dans sa nouvelle usine qui est en cours de construction au Québec. Elle affirme que la Cour devrait lui accorder une période de grâce de deux ans parce que l’usine en question ne sera pas prête avant 2012 au plus tôt. À cet égard, Phostech invoque la décision Unilever PLC c. Procter & Gamble Inc. (1993), 47 CPR (3d) 479, à la page 572, et Merck & Co. c. Apotex Inc., 2006 CF 524, au paragraphe 230.

 

[240]       Les faits de ces précédents se distinguent clairement de ceux en l’espèce. La Cour ne devrait refuser d’accorder une injonction permanente lorsque la contrefaçon est établie que dans de très rares circonstances. Je ne suis pas convaincue que les circonstances en l’espèce justifient une telle exception.

 

[241]       Les parties n’ont présenté aucune observation précise quant aux intérêts demandés par Valence (voir le projet d’ordonnance soumis). La demande de Valence tient certainement compte de mes commentaires dans la décision Eli Lilly, précitée, paragraphes 665 à 675. Je n’ai aucune raison de tirer une conclusion différente en l’espèce.

 

[242]       Les parties n’ont présenté aucune observation à l’égard de l’ordonnance sollicitée afin que les produits contrefacteurs soit remis à Valence. La Cour ne sait pas pourquoi dans le présent contexte (la nature des produits des parties, les questions de confidentialités, etc.) il ne conviendrait pas mieux de veiller à ce que les produits visés soient détruits. Si les parties sont incapables de s’entendre à cet égard, elles devront déposer des observations écrites d’au plus cinq pages. La Cour demeure saisie de l’affaire jusqu’à ce moment, et une décision modifiée ou une ordonnance distincte sera rendue.

 

[243]       En ce qui concerne les dépens, les parties ont convenu que, puisqu’il se peut que l’article 420 des règles s’applique, la Cour tranchera l’adjudication des dépens dans une ordonnance distincte après leur avoir donné une autre occasion de présenter des observations à cet égard. Les parties ont le droit de déposer des observations écrites d’au plus cinq pages au plus tard le 25 février 2011.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La défenderesse Phostech Lithium Inc. a contrefait à tout le moins la revendication 3 du brevet canadien no 2,395,115, en fabriquant, en distribuant, en mettant en vente, en vendant ou en mettant d’une façon ou d’une autre à la disposition du public au Canada des matériaux de cathode en phosphate de fer et de lithium (LiFePO4) fabriqués grâce à son procédé P1 ou bien par l’octroi de licence liée à ces matériaux;

 

2.         La demanderesse a droit à une indemnité raisonnable suivant le paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, vu les actes de la défenderesse, et ce, à compter de la date où la demande relative au brevet canadien no 2,395,115 est devenue accessible au public jusqu’à la date de délivrance de ce brevet. Le montant de cette indemnité sera déterminé dans le cadre du renvoi qui sera précédé d’un interrogatoire préalable si on en fait la demande;

 

3.         La demanderesse a le droit de choisir entre la comptabilisation des profits de la défenderesse ou les dommages‑intérêts subis en raison des ventes directement perdues du fait de la contrefaçon par la défenderesse du brevet mentionné ci‑dessus. Le montant de cette réparation sera déterminé dans le cadre du renvoi qui sera précédé d’un interrogatoire préalable si on en fait la demande;

 

4.         La demanderesse a droit aux intérêts avant jugement sur le montant des dommages-intérêts qui lui seront octroyés (dans le cas où elle choisirait d’être indemnisée par voie de dommages-intérêts), intérêts non composés, d’un taux à calculer séparément pour chaque année à compter du début de l’activité de contrefaçon, égal au taux bancaire annuel moyen établi par la Banque du Canada comme taux minimum auquel elle consent des avances à court terme aux banques énumérées à l’annexe 1 de la Loi sur les banques, L.R.C. 1985, ch. B-1 Toutefois, l’octroi d’intérêts est conditionnel à ce que le juge chargé du renvoi n’accorde pas d’intérêts en vertu de l’alinéa 36(4)f) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

 

5.         Si la demanderesse choisit la comptabilisation des profits, le juge chargé du renvoi établira les intérêts applicables.

 

6.         La demanderesse a droit aux intérêts après jugement, non composés, au taux de cinq pour cent par année, comme le prévoit l’article 4 de la Loi sur l’intérêt, L.R.C. 1985, ch. I-15. Ces intérêts commenceront à courir au moment de l’évaluation définitive du montant des dommages-intérêts ou des profits à restituer. Jusqu’à ce moment, les intérêts avant jugement seront applicables.

 

7.         Une injonction est accordée à la demanderesse pour empêcher la défenderesse elle-même ou ses actionnaires, administrateurs, dirigeants, mandataires, préposés, employés, sociétés affiliées, société mère, filiales ou toute autre entité sous son autorité ou contrôle ainsi que chacune de ces personnes ou entités de :

                        a.   fabriquer, utiliser ou vendre à une tierce partie, ou inciter et amener une tierce partie à fabriquer des matériaux de cathode en phosphate de fer et de lithium (LiFePO4) faits à l’aide du procédé P1 de la défenderesse ou de tout autre procédé similaire constituant une contrefaçon du brevet canadien 2,395,115;

                        b.   contrefaire directement ou indirectement toute revendication du brevet canadien no 2,395,115.

 

8.         Les parties ont jusqu’au 25 février 2011 pour informer la Cour quant à savoir s’il faudra rendre une ordonnance quant à la remise ou la destruction des produits contrefacteurs. Dans l’affirmative, elles devront déposer leurs observations à cet égard au plus tard le 25 février 2011.

 

9.         Les dépens de la demanderesse seront taxés dans une ordonnance distincte.

 

10.       La demande reconventionnelle des défenderesses est seulement accordée à l’égard du brevet no 2,483,918 (le brevet 918). Ce brevet est déclaré nul, et les dépens seront taxés dans l’ordonnance distincte dont il est question ci­dessus.

 

11.       Les parties déposeront de nouvelles observations écrites quant au montant des dépens conformément à mes motifs au plus tard le 25 février 2011.

 

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge


ANNEXE B

 

Les parties ont soumis le 20 septembre 2010 la chronologie des faits convenue qui suit :

 

 

Année

 

Date

Description

Pièce

1956

 

 

28 février

Brevet états­unien no 2,736,708 (délivré)

 

Instr. P-32

DCD-11 (P‑8)

1995

 

 

7 novembre

Demande de brevet japonais no JP H9‑134725 (date de dépôt)

 

Instr. P­31

DCD-10 (P­7)

1996

 

 

23 avril

Brevet canadien no 2,251,709 (date de dépôt) (Goodenough)

Instr. P­19

DCD-38 (P­35)

 

 

23 septembre

Brevet états­unien no 5,871,866 (date de dépôt)

 

Instr. P­40

DCD-27 (P­21)

* déposé sur consentement

1997

 

 

20 mai

Demande de brevet japonais no JP H9‑134725 (date de publication)

 

Instr. P­31

DCD-10 (P­7)

 

30 octobre

Brevet canadien no 2,251,709 (date de publication)

Instr. P­19

DCD-38 (P­35)

 

 

4 novembre

Brevet états­unien no 5,683,835 (délivré)

Instr. P­33

DCD-12 (P­10)

1999

 

 

16 février

Brevet états­unien no 5,871,866 (date de publication)

 

Instr. P­40

DCD-27 (P­21)

 

6 avril

Traduction en anglais de la demande de brevet japonais no 11‑099407 (date de dépôt)

 

Instr. P­29

DCD-8

 

6 avril

Date de priorité de la demande relative au brevet canadien no 2,334,386

 

Instr. P­30

DCD-9

 

30 avril

Demande relative au brevet canadien no 2,270,771 (date de dépôt)

 

Instr. P­10

DCD-40 (P­37)

 

30 avril

Date de priorité de la demande relative au brevet canadien no 2,307,119

Instr. P­14

DCD-14

(P­11)

 

17 au 22 octobre

Improved Iron Based Cathode Material, Ravet

(présentation à Honolulu, 1999).

 

Instr. P­11

(DCD-28) P­23

 

17 au 22 octobre

LiFePO4 as Cathode Material for Rechargeable Lithium Battery, Besner

(présentation à Honolulu, 1999).

 

Instr. P­12

DCD-29

(P­24)

 

17 au 22 octobre

New Lithium Ion Polymer Technology at Hydro-Quebec, Vallée

(présentation à Honolulu, 1999).

 

Instr. P­13

DCD-30

2000

 

 

18 janvier

Date de priorité pour le brevet 115 et le brevet 366

 

Instr. V­1

DCD-1 (brevet 115)

Instr. V­2

DCD-3 (brevet 366)

 

Mai

Abstract

Electro-activity of Natural and Synthetic Triphylite, Ravet, Chouinard, Magnan, Besner, Gauthier, Armand, Journal of Power Sources, 97-98 (2001), 503-507

 

 

Instr. P­15

DCD-31 (dernière page)

 

 

26 septembre

Demande relative au brevet canadien no 2,423,129 (date de priorité)

 

Instr. P­18

DCD-16

(P­12)

 

26 septembre

Demande relative au brevet canadien no 2,422,446 (date de priorité)

Instr. P­20

DCD-25

(P­20)

 

12 octobre

Traduction en anglais de la demande de brevet japonais no 11‑099407 (date de publication)

 

Instr. P­29

DCD-8

 

12 octobre

Demande relative au brevet canadien no 2,334,386 (date de publication)

 

Instr. P­30

DCD-9

 

30 octobre

Copie certifiée de la demande relative au brevet canadien n2,270,771 (date de publication)

Instr. P­10

DCD-40 (P­37)

 

30 octobre

Date de publication pour la demande relative au brevet 119

 

Instr. P­14

DCD-14

(P­11)

 

22 décembre

Date de dépôt pour le brevet 115

 

Instr. V­1

DCD-1

2001

 

 

Juillet

Electro-activity of Natural and Synthetic Triphylite, Ravet, Chouinard, Magnan, Besner, Gauthier, Armand, Journal of Power Sources, 97-98 (2001), 503-507

 

Instr. P­15

DCD-31

P­26 (papier)

 

Du 1er au 6 juillet

Lithium Iron Phosphate: Towards a Universal Electrode Material, Ravet, Magnan, Gauthier, Armand, présentation à l’ICMAT 2001, Singapour, 1er au 6 juillet 2001.

Instr. P­17

DCD-18

(P­13)

 

 

26 juillet

Date de publication pour les demandes relatives au brevet 115 et au brevet 366

Instr. V­1

DCD-1 (brevet 115)

Instr. V­2

DCD-3 (brevet 366)

 

17 août

Hydrothermal synthesis of lithium iron phosphate cathodes, Yang, Whittingham & al.

Instr. P­27 (pièce J, page 190)

DCD-61

(P­53)

 

20 août

Approaching Theoretical Capacity of LiFePO4 at Room Temperature at High Rates, H. Huang, S.-C. Yin and L.F. Nazar ECS, 4(10 A-170 – A-172)

 

Instr. P­27 (pièce J, page 187)

DCD-20

(P­54)

 

21 septembre

Date de dépôt de la demande relative au brevet 129

DCD-16

 

 

13 novembre

Formulaire de divulgation de l’invention en plusieurs parties no 2440

Instr. P­35

DCD-186

2002

 

 

4 avril

Date de publication de la demande relative au brevet 129

Instr. P­18

DCD-16

(P­12)

 

4 avril

Date de publication de la demande relative au brevet 446

Instr. P­20

DCD-25

(P­20)

Priorité seulement

17 mai

Date de priorité et date de dépôt pour le brevet 918       

 

Instr. V­3

DCD-5

 

Juillet

Première vente commerciale de Phostech

 

 

2003

 

 

Du 17 au 20 mars

Carbon-coated Lithium Iron Phosphate. Road to Commercialization. Présentation de Phostech aux Florida Educational Seminars, 20th International Seminar and Exhibit on Primary and Secondary Batteries.

Instr. P­24

DCD-23

 

6 mai

Date de dépôt pour le brevet 918

 

Instr. V­3

DCD-5

 

1er juin

Accord de licence d’exploitation de brevet de Phostech avec Hydro-Québec et l’Université du Texas (Goodenough)

Instr. P­21

DCD-39

 

2 juillet

Commande de Valence adressée à Phostech

Instr. P­25

DCD-35

 

16 septembre

“Long-term Cyclability of Nanostructured LiFePO4”, Prosini et al., Electrochimica Acta 48 (2003) 4205-4211

Instr. P­34

DCD-32

 

4 décembre

Date de publication pour la demande relative au brevet 918

 

Instr. V­3

DCD-5

 

9 décembre

Lettre officielle 115, page 7, exigeant que les produits de départ soient sous forme particulaire.

 

 

Instr. P­39A (page Val­039 – B­231

DCD-2

(V­39B­231)

2004

 

 

4 février

Modification volontaire du brevet 115

Instr. P­39A (page Val­039 – B­191)

DCD-2

(V­39B­191)

 

21 mai

Contrat de licence (vise les demandes relatives aux brevets 129 et 446)

Instr. P­22

DCD-66

 

21 mai

Contrat de licence (vise la demande relative au brevet 119)

Instr. P­23

DCD-67

 

28 mai

Pétition visant le brevet 366

 

Instr. V­23A (page Val­041 – B­295)

DCD-4

(V­41B­295)

 

20 juillet

Date de délivrance du brevet 115

Instr. V­1

DCD-1 (‘115)

 

8 octobre

Entente d’approvisionnement entre Phostech et Valence

Instr. P­26

DCD-34

2005

 

 

30 juin 

8 h 36 min 26s

Courriel de Cindy Kovacevic à Sharon Lango Objet : US 2004/0086445 et US 2004/0033360

 

UT-22 – Le 2 novembre, ordonnance de répondre à des questions 

Instr. P­36F, onglet F

DCD-175

V­110

 

30 juin 

8 h 41 min 37s

Courriel de Cindy Kovacevic à Sharon Lango Objet : US 2004/0086445 et US 2004/0033360

 

UT-22 –Le 2 novembre, ordonnance de répondre à des questions 

 

Instr. P­36F, onglet F

DCD-176

V­111

 

5 juillet

Échange de courriels entre Jerry Barker, Cindy Kovacevic et Yazid Saidi

Objet : VT-2005 Canada

 

UT-101 et UT-102

Instr. P­36F, onglet K

DCD-214

V­149

 

13 juillet

Courriel de Cindy Kovacevic à Sharon Lango Objet : Demande relative au brevet canadien no 2,466,366

 

UT-22 – Le 2 novembre, ordonnance de répondre à des questions 

 

Instr. P­36F, onglet F

DCD-178

V­113

 

15 août

Courriel de Cindy Kovacevic à Sharon Lango Objet : Proposition de revendications pour la modification volontaire

 

UT-22 – Le 2 novembre, ordonnance de répondre à des questions 

 

Instr. P­36F, onglet F

DCD-179

V­114

 

17 août

Courriel de Cindy Kovacevic à T. Williams Objet : Proposition de revendications pour la modification volontaire

 

UT-22 – Le 2 novembre, ordonnance de répondre à des questions 

 

Instr. P­36F, onglet F

DCD-180

V­115

 

23 août

Modification de revendications dans la demande relative au brevet 366

 

Instr. V­23C (page VAL­041 – B­229)

DCD-4

(V­41B­229)

2007

 

 

9 janvier

Date de délivrance du brevet 918

 

Instr. V­3

DCD-5

 

31 janvier

Début de l’instance no T-219-07

 

 

 

27 mars

Date de délivrance du brevet  366

 

Instr. V­2

DCD-3

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-219-07

 

INTITULÉ :                                       VALENCE TECHNOLOGY, INC.

                                                            c.

                                                            PHOSTECH LITHIUM INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec) et

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATES DES AUDIENCES :            Les 1, 2, 3, 7, 8, 9, 10, 13, 14, 15 et 16 septembre 2010

                                                            Les 29 et 30 septembre 2010 et le 1 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS:                       Le 17 février 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ron Dimock

Angela Furlanetto

Ryan Evans

 

POUR LA DEMANDERESSE

Eric Ouimet

Simon Pelletier

Pascal Lauzon

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dimock Stratton LLP

 

POUR LA DEMANDERESSE

BCF LLP

 

POUR LA DÉFENDERESSSE

 



[1] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 297 et 298.

[2] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 10 septembre 2010, p. 46.

[3] Déclaration modifiée (le 2 avril 2007).

[4] Même si ce n’est pas nécessairement vrai en droit. Plaidoiries, notes sténographiques du 30 septembre 2010, p. 4 et 5.

[5] Plaidoiries, notes sténographiques du 1er octobre 2010, p. 143.

[6] Plaidoiries, notes sténographiques du 30 septembre 2010, p. 142.

[7] Pièce V-5, par. 26.

[8] Pièce V-5, par. 25

[9] A.K. Padhi, K.S. Nanjundaswamy et J.B. Goodenough, « Phopho-olivines as Positive-Electrode Materials for Rechargeable Lithium Batteries » (1997) 144 J. Electrochem. Soc. 1188, p. 1191 (pièce P‑27, 332 à 338).

[10] Pièce V-5, par. 20.

[11] Pièce V-20, par. 24.

[12] Pièce V-5, par. 20.

[13] Pièce P-27, p. 3.

[14] M. Stanley Whittingham, « Lithium Batteries and Cathode Materials » (2004) 104 Chem Rev 4271, p. 4280 (pièce P-27, p. 291 à 321)

[15] Pièce V-20, par. 25.

[16] Pièce V-20, par. 25.

[17] Pièce V-20, par. 26.

[18] Pièce V-20, par. 27.

[19] M. Stanley Whittingham, « Lithium Batteries and Cathode Materials » (2004) 104 Chem Rev 4271, p. 4293 (pièce P-27, p. 291 à 321).

[20] Pièce V-20, par. 31.

[21] Pièce V-20, par. 31.

[22] Ibid.

[23] Pièce V-20, par. 33.

[24] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 298.

[25] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, 298 et 299.

[26] Liste détaillée des admissions de Phostech (le 3 avril 2009), la réponse de Valence (le 22 avril 2009) et l’admission de Phostech (le 11 novembre 2009).

[27] Le 8 janvier 2008, modifiée le 4 janvier 2010.

[28] La Cour n’a pas à tirer de conclusion de fait à cet égard.

[29] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 51.

[30] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 221 et 222.

[31] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 52.

[32] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 52 et 53.

[33] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 98.

[34] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 87 à 92 et p. 96.

[35] Les notes sténographiques se lisent comme suit : « J’ai lu des articles qui référaient à cette présentation comme étant le moment où on avait révélé le dépôt de carbone obtenu d’une matière – par décomposition d’une matière organique et c’est pas vrai. » (Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 décembre 2010, p. 96).

[36] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 141.

[37] N. Ravet et al., « Electroactivity of natural and synthetic triphylite » (2001) 97-98 J. Power Sources 503; témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 145 et 146.

[38] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 147.

[39] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 222 à 227.

[40] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p.154 à 156.

[41] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 222 à 227.

[42] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 266.

[43] Témoignage de Mme Nathalie Ravet, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 269.

[44] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 279 à 281.

[45] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 281.

[46] Témoignage de M. Michel Gauthier, notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 298 à 303.

[47] M. Dahn, à qui Phostech a fait appel pour se préparer à la présente affaire, est clairement un éminent expert dans le domaine des piles au lithium, un fait confirmé par M. Whittingham.

[48] Notes sténographiques du 7 septembre 2010, p. 27.

[49] La Cour n’a pas besoin d’aide sur la question du plagiat. (R c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9).

[50] Voir le Plan de plaidoirie de Phostech, par. 68 à 76, et le document Primer of Law de la demanderesse, par. 1 à 9.

[51] Dans la décision Janssen-Ortho Inc., précitée, le juge Roger Hughes a interprété la revendication 4 comme comprenant une substance obtenue « sous une forme raisonnablement pure ». Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale aux paragraphes 14 à 18, l’interprétation du juge Hughes était fondée non seulement sur les exemples, mais également sur la prépondérance de la preuve d’expert pertinente dont il disposait.

[52] En pratique, certains des chercheurs les plus connus dans le domaine, tels que M. Dahn et M. Goodenough, détiennent un doctorat en physique.

[53] Voir par. 80d) du plan de plaidoirie de Phostech, ce qu’a admis Valence.

[54] Voir la pièce P-27, p. 332 à 338 (article de Padhi, précité, note 9) à la p. 334, sous la rubrique « Experimental »; pièce P-27, p. 187 à 189, à la p. 188 (H. Huang, S.-C. Yin et L.F. Nazar, « Approaching Theoretical Capacity of LiFePO4 at Room Temperature at High Rates » (2001) 4 Elect. Sol. State Lett. A170); brevet 119, p. 2, ligne 19 et suivantes. Il semble que même avec une matière active renfermant du carbone en excès dans le produit final, il faut ajouter du noir de carbone lorsque l’on construit la cathode (voir le brevet 115, p. 31, ligne 33 et suivantes, p. 57, ligne 16 et suivantes, p. 46, ligne 26 à 28; voir aussi le brevet 119, exemples 1, 6, 7, 8 et 14, et la demande de brevet 129, exemple 1’’ et 10’).

[55] Voir également le témoignage de M. Cairns, notes sténographiques du 14 septembre 2010, p. 190; pièce V-20, par. 207.

[56] La pyrolyse désigne le fait de chauffer un polymère sous une atmosphère sans oxygène, tandis que la même réaction en présence d’oxygène serait appelée combustion.

[57] La demande relative au brevet 119 publiée le 30 octobre 2000 ainsi que le résumé de l’article publié en juillet 2001 (pièce P­15) peuvent tout de même être pertinents comme réalisation antérieure, mais il en sera question ci­dessous, lorsque j’examinerai la validité des brevets en cause.

[58] Voir la page 5 des notes sténographiques du 30 septembre et la page 143 des notes sténographiques du 1er octobre. La Cour tiendra bien entendu compte des autres revendications parce qu’elles font partie du contexte dans lequel la revendication 3 doit être interprétée.

[59] Par exemple, il ne sert à rien d’examiner les compositions ou les composés nouveaux dont il est question dans la divulgation.

[60] Comme on l’indiquait précédemment, de la matière carbonée est employée non seulement dans l’anode, mais aussi dans la cathode lorsque l’on monte la cellule avec un solvant tel que l’EPS. Il faut évidemment distinguer cette matière du carbone auquel on fait référence dans le contexte de la synthèse de la matière active dont il est question dans ce brevet.

[61] Le Bureau des brevets a convenu que ces modifications pouvaient toutes être raisonnablement déduites à partir de l’information contenue dans la divulgation originale. Voir par. 38.2. Cette décision n’a pas été contestée.

[62] On trouve une référence au terme « liant » à la page 35 par rapport à l’électrode négative.

[63] Les détails de l’exemple se trouvent au tableau 9 de la pièce P-27A.

[64] Phostech a fait valoir que cela signifie que la fabrication de produits lithiés sous une atmosphère d’hydrogène réduisant le métal était une méthode généralement connue. Aucun expert n’a fait de commentaire sur cette section et, en l’absence de preuve que l’utilisation d’hydrogène gazeux était connue pour réduire un métal dans les produits lithiés, plutôt que pour constituer une atmosphère non oxydante destinée à prévenir la présence d’impuretés, la Cour n’accepte pas cet argument.

[65] En fait, Phostech avait avisé la Cour, plus tôt dans le processus, qu’elle ne contestait pas le fait que la formulation de la revendication 3 n’écartait pas la possibilité d’utiliser une atmosphère réductrice (un élément non essentiel).

[66] Voir notes sténographiques du 13 septembre 2010, p. 150, lignes 13 à 20.

[67] M. Cairns a fait remarquer que cela pouvait inclure le « goudron », dans lequel le carbone n’est de toute évidence pas sous forme particulaire.

[68] Il convient de mentionner que le témoignage de M. Dahn au sujet de l’interprétation des brevets de Valence n’a pas été soulevé lors de son contre-interrogatoire.

[69] Voir par exemple les notes sténographiques du 10 septembre 2010, p. 121 et 122.

[70] Voir les notes sténographiques du 13 septembre 2010, p. 149, ligne 25 à p. 150, ligne 11.

[71] Rien ne donne à penser que cela changerait le procédé décrit au par. 12 ci-dessus.

[72] Cela est également conforme au principe selon lequel les variations touchant les éléments non essentiels ne sont pas une garantie de non-contrefaçon.

[73] Cela ne signifie pas que les personnes versées dans l’art sauraient exactement quels gaz seraient produits, mais elles seraient certainement en mesure de prévoir certains d’entre eux simplement en regardant la composition du liant ou du solvant.

[74] Voir la pièce V-7, par. 5.

[75] Questions découlant de la démarche excessivement littérale et grammaticale adoptée par M. Whittingham.

[76] Toutefois, M. Cairns a effectivement reconnu qu’il ne comprenait pas entièrement pourquoi l’inventeur avait inclus une telle limitation dans sa revendication (notes sténographiques du 14 septembre 2010, p. 196-197).

[77] Valence a reconnu lors des plaidoyers finaux que la revendication 1 du brevet 366 comportait des [traduction] « problèmes », et que c’est l’une des raisons pour lesquelles elle a été exclue du litige en l’espèce. Il ne fait pas de doute que, selon l’interprétation de M. Dahn, la revendication 1 n’exige pas nécessairement la présence de carbone. La réduction du composé contenant le métal pourrait être entièrement assurée par l’atmosphère réductrice figurant parmi les éléments essentiels de la revendication. Cela soulève de toute évidence la question de savoir si la portée de la revendication 1 est plus étendue que l’invention.

[78] M. Dahn et le représentant de Phostech, M. Michel Gauthier, semblent n’avoir eu aucune difficulté à cerner cet élément qui, a‑t‑on admis, fait partie du procédé P1 de Phostech (voir la pièce V‑5, onglet T, p. 6, et le dossier d’instruction, onglet 5, p. 48, et onglet 6, p. 3).

[79] Les éléments de preuve pertinents se trouvent aux par. 85 à 90 de la pièce V-24, aux par. 82 et 83 de la pièce V‑20, à la diapositive 15 de la pièce V-8, et dans les notes sténographiques du 2 septembre 2010 (ligne 18 de la p. 132 à la ligne 11 de la p. 135). Voir aussi l’annexe C de la pièce P-27, p. 18 et 19. La Cour abordera plus loin les éléments de preuve pertinents dans les rapports de M. Bale (pièces P-6 et P-7).

[80] Cela a été contesté au départ par Phostech mais, à la fin de l’instruction, cette question n’était plus en litige; notes sténographiques du 29 septembre 2010, p. 107 et 108; notes sténographiques du 14 septembre 2010, p. 56.

[81] Les particules sont très petites, de sorte qu’on en compte littéralement des millions dans chaque granule (voir l’annexe A).

[82] L’objet de la contestation est qu’il est effectivement à l’origine de la réduction.

[83] Pièce V-5, par. 38et 39; pièce V-7, par. 5; notes sténographiques du 14 septembre 2010, p. 156.

[84] Pièce V-5, par. 154; pièce V-7, par. 5.

[85] Quoique la pertinence des paramètres employés, par exemple la taille des particules, le débit gazeux, la position des réactifs par rapport aux gaz, etc., soit parfois contestée.

[86] Tandis que, dans le test par phase vapeur de M. Bale, un couvercle garde les gaz en contact avec les précurseurs plus longtemps que dans le procédé P1, et que les vapeurs parviennent sans contrainte aux précurseurs puisque le polymère en décomposition est situé directement sous lesdits précurseurs.

[87] Même si la Cour note que, à la page 7 de la pièce P-7, M. Bale reconnaît que, dans les TGA – ce que l’on peut supposer englober ses propres TGA – les sous-produits gazeux de la réaction sont évacués plus rapidement que dans le procédé P1 comme tel.

[88] M. Bale poursuit ainsi : [traduction] « c’est-à-dire que le carbone solide n’est pas un agent réducteur ». Vu l’utilisation de ces termes, la Cour a voulu déterminer si les parties s’entendaient sur ce que constitue une RCT car, dans le brevet, il est clair que l’inventeur fait référence à des gaz effluents tels que le CO et le CO2, produits lorsque le carbone est chauffé. Une fois qu’il a été établi que les deux parties s’accordaient sur ce point, la Cour a supposé que M. Bale donnait à l’expression « réduction carbothermique » le même sens que M. Dahn au par. 5 de la pièce V‑7.

[89] Pièce V-5, par. 128 à 134, citant l’interrogatoire préalable de M. Michel Gauthier, en mai 2009 (pièce V-5, onglet I).

[90] Valence a été avisée du changement le 1er juin 2010, ou autour de cette date (pièce V-6, onglet A).

[91] Notes sténographiques du 8 septembre 2010, p. 184 et 185; voir aussi pièce P-6, p. 16 et 17.

[92] Interrogatoire préalable de M. Michel Gauthier, 28 mai 2009, p. 226 à 229 (pièce V-11, onglet 1, p. 32-33).

[93] M. Bale a indiqué que le débit de gaz était suffisant pour empêcher la vapeur d’eau de se déplacer vers l’extrémité droite du tube et d’entrer en contact avec le produit final (pièce P-7, p. 5).

[94] Cet exemple a été déclaré être le fondement du procédé P1 de Phostech.

[95] Ces contestations étaient toutes résumées dans le tableau des revendications déposé à titre de documents de synthèse à l’attention du juge. Bien que l’avocat de Phostech ait mentionné lors de l’audience que le brevet 366 constituait un brevet complémentaire irrégulier parce que sa divulgation était insuffisante, il n’y a rien à cet égard dans les tableaux des revendications ou dans les observations écrites de Phostech hormis des prétentions générales fondées sur le paragraphe 27(3). Il n’y avait pas non plus de prétentions quant à l’allégation de double brevet entre les brevets 115 et 366, les seules prétentions à cet égard concernaient les brevets 366 et 918.

[96] Dans ses observations écrites (plan de plaidoirie), Phostech n’aborde pas la question de la « source de carbone » (voir les par. 240 à 250). Cependant, lorsque Valence a répondu à l’argument d’invalidité soulevé, elle a fait remarquer que, en ce qui concernait l’insuffisance des divulgations, les deux expressions avaient été contestées sans objection de la part de l’avocat de Phostech. Pour s’assurer que la question soit entièrement traitée, la Cour se penchera sur les deux expressions. Voir aussi p. 21-22 du tableau des revendications comme documents de synthèse à l’attention du juge no 20.

[97] Phostech a mis l’accent sur cette décision à l’appui de sa prétention liée à l’insuffisance, particulièrement en ce qui concerne le détournement d’invention dont il est question aux paragraphes 195 à 208 (Voir le plan de plaidoirie de Phostech, paragraphes 217 à 227).

[98] Notes sténographiques du 13 septembre 2010, p. 150 et 151.

[99] Il est raisonnable de supposer que la personne versée dans l’art serait la même pour les brevets 115, 366 et 918, vu la similarité de sujet de ces trois documents.

[100] Phostech a finalement abandonné l’argument lié au « du » (c’est-à-dire [traduction] « le lithium du composé métallique »).

[101] Voir aussi le par. 74 et la note 54, ci‑dessus.

[102] Voir aussi la référence simple à la nucléation à la ligne 28 de la page 11 de la demande de brevet 129, qui ne semble pas, elle non plus, requérir d’explication.

[103] Cela vise également le brevet 918.

[104] Version française officielle de la demande de brevet 129 tirée de la demande de brevet états­unien 2004/0086445 (pièce P‑27, p. 206 à 233), par. 0119.

[105] La Cour n’a pas eu le loisir d’examiner le dossier de la demande de brevet 129.

[106] Présentée à l’examinateur de brevet.

[107] Voir la façon dont Mme Ravet a mis au point l’invention décrite dans le brevet 119 (notes sténographiques du 9 septembre 2010, p. 54 à 63).

[108] La Cour n’a pas de copie de tous les dossiers des demandes relatives aux brevets 115 et 336, mais il est clair qu’un brevet complémentaire renfermant une nouvelle série de revendications avait été déposé au plus tard le 28 mai 2004 (pièce V‑23a). Les nouvelles pages 20a à 20r avaient déjà été déposées à ce moment.

[109] William L. Hayhurst, c.r., « The Art of Claiming and Reading a Claim » in Gordon F. Henderson, éd., Patent Law of Canada (Toronto: Thomson, 1994) 177.

[110] Ibid, p. 213.

[111] Ibid, p. 204.

[112] Décision annulée pour un autre motif, (1986), 8 CPR (3d) 289 (C.A.F.).

[113] Le 4 avril 2002; voir la chronologie jointe à l’annexe B.

[114] Le seul effectué sans atmosphère réductrice d’hydrogène.

[115] Ce qui comprend M. Gauthier et Mme Ravet.

[116] Pièce V-20, par. 174, 175 et 177.

[117] Voir la page 4 du tableau des revendications soumis comme document de synthèse à l’intention du juge no 21.

[118] La juge Judith Snider a récemment exercé son pouvoir discrétionnaire pour empêcher le recours à un tel choix dans la décision Merck & Co. c. Apotex, 2010 CF 1265, au paragraphe 624.

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