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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20101108

Dossier : T-1384-09

Référence : 2010 CF 1109

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

 

MOLSON CANADA 2005

(UNE SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF DE L’ONTARIO)

ET COORS BREWING COMPANY

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

DRAKE J. BEAUCHAMP

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Des requêtes dans trois dossiers distincts, mais dont les faits sont analogues, ont été présentées à la Cour le 1er novembre 2010. Chacune des requêtes concerne une action introduite contre le défendeur Drake J. Beauchamp et chacune allègue qu’il a vendu des articles portant la marque de commerce des demanderesses (Calvin Klein Trademark Trust et Calvin Klein, Inc. dans le dossier T-1381-09, Harley-Davidson Motor Company Group, Inc., H-D Michigan, LLC, Harley-Davidson Motor Company, Inc., et Fred Deeley Imports Limited dans le dossier T-1383-09, et Molson Canada 2005 (une société en nom collectif de l’Ontario) et Coors Brewing Company dans le dossier T-1384-09). Pour chacune de ces requêtes, Drake J. Beauchamp demande que soit rendue une ordonnance visant à 1) faire annuler la constatation du défaut et les jugements par défaut rendus par le juge Hughes de la Cour le 8 mars 2010 dans le dossier T-1381-09, le 18 novembre 2009 dans le dossier T-1384-09, et le 27 septembre 2010 dans le dossier T-1383-09, ainsi qu’à 2) faire annuler tous les brefs de saisie-exécution délivrés conformément au jugement par défaut et à remettre au défendeur tous les articles saisis conformément à ces brefs.

 

  • [2] Ces trois requêtes ont été instruites ensemble. Par conséquent, même si je rendrai les motifs de l’ordonnance et ordonnance séparément pour chacune d’entre elles, ils seront identiques dans les trois cas.

 

  • [3] Drake J. Beauchamp exploite une entreprise de vente au détail d’articles de cuir à titre de propriétaire. Il vend principalement des sacs à main, des ceintures, des boucles de ceinture et des portefeuilles en exploitant des kiosques dans des centres commerciaux ou lors d’événements spéciaux. Les demanderesses soutiennent qu’il a vendu des articles contrefaits, c’est‑à‑dire des articles portant la marque de commerce ou le nom commercial des demanderesses sans leur autorisation.

 

  • [4] Dans chaque action, les demanderesses ont déclaré que la signification avait été dûment faite au défendeur. Aucune défense n’a été présentée par le défendeur. Par conséquent, la demande de jugement par défaut a été accueillie. Chaque jugement ordonnait au défendeur de remettre aux demanderesses dans chaque action tous les articles contrefaits et de leur payer différents montants à titre de dommages-intérêts généraux (3 000 $ dans le dossier T-1381-09, 6 000 $ dans le dossier T‑1383-09 et 10 875 $ dans le dossier T-1384-09). Le défendeur a aussi été condamné à des dépens de divers montants dans chaque action. Il n’y a que dans le dossier T-1384-09 que des dommages-intérêts punitifs de 21 750 $ ont été accordés.

 

  • [5] Le critère auquel il doit être satisfait pour annuler le jugement par défaut se décline en trois volets, comme il ressort de la jurisprudence. Drake J. Beauchamp doit ainsi convaincre la Cour qu’il :

    • 1) a une explication raisonnable justifiant le défaut de présenter une défense;

    • 2) a une défense prima facie sur le fond à opposer à la déclaration;

    • 3) a agi promptement en vue de faire annuler le jugement par défaut.

 

L’explication justifiant le défaut de présenter une défense

  • [6] Drake J. Beauchamp a déposé des affidavits de lui-même et de son frère dans lesquels il affirme que les déclarations ne lui ont pas été signifiées à lui, mais bien seulement à son frère, alors qu’ils travaillaient tous les deux à l’Exposition nationale canadienne (ENC). Je suis d’accord avec les parties intimées sur le fait que la signification a été effectuée à la personne de Drake J. Beauchamp conformément aux Règles des Cours fédérales (les Règles), puisque les trois déclarations ont été remises à « la personne qui semble diriger ou gérer tout établissement de l’entreprise » ou à « la personne qui, au moment de la signification, semble être le responsable de l’établissement de l’entreprise », comme il est énoncé respectivement au paragraphe 128(1) et à l’article 131.1 des Règles.

 

  • [7] Toutefois, même si la signification lui en a été faite, Drake J. Beauchamp soutient que les déclarations ne sont jamais venues à son attention et c’est pourquoi il demande à la Cour de le relever de son défaut en vertu des articles 148 et 399 des Règles.

 

  • [8] Drake J. Beauchamp prétend que, après que son frère eut reçu les déclarations à l’ENC, leur père, qui souffre de troubles psychologiques, les a déchirées. Le père a par la suite été ramené à la maison par Drake J. Beauchamp. Dans son affidavit, Drake J. Beauchamp déclare que son père [TRADUCTION] « a saisi les déclarations et, sans même les lire ni les retirer de l’enveloppe, les a déchirées en mille morceaux ». C’est ainsi qu’il déclare sous serment que [TRADUCTION] « personne n’a pu lire les documents ». Dans son affidavit, le frère du défendeur, Percy Beauchamp, déclare ce qui suit [TRADUCTION] : « J’ai remis les documents à mon père, qui s’est ensuite mis en colère en raison de ses troubles psychologiques et qui s’est mis déchirer les documents dans son mouvement de colère. »

 

  • [9] Outre la discordance entre la version des deux frères quant à savoir si leur père a saisi les documents ou s’ils lui ont été plutôt remis et si les documents se trouvaient ou non dans une enveloppe, leur version des faits respective soulève d’autres questions dans mon esprit.

 

  • [10] La déclaration dans chaque action comprend 14 pages, en plus de l’endos et d’une annexe. Les annexes font, quant à elles, entre 5 et 30 pages. C’est donc dire que les déclarations dans ces trois actions totalisent respectivement 19, 23 et 44 pages. Je ne peux simplement pas accepter la prétention selon laquelle le père du défendeur pourrait avoir déchiré des documents d’une telle épaisseur en lambeaux, de sorte qu’il était impossible de déterminer la nature des documents, si effectivement Drake J. Beauchamp souhaitait savoir de quoi il s’agissait.

 

  • [11] Les gestes de M. Beauchamp à la date de la signification et son défaut antérieur de répondre aux ordonnances de cessation et d’abstention sont la preuve de son aveuglement volontaire, et non pas le résultat d’une [TRADUCTION] « comédie d’erreurs », comme le fait valoir son avocat. Par conséquent, je conclus que le défendeur n’est pas parvenu à fournir une explication raisonnable justifiant son défaut d’avoir présenté une défense. C’est seulement lorsque ses articles ont été saisis et que la gravité de la situation l’a forcé à réagir qu’il l’a fait. Je me rallie volontiers aux observations du juge Cullen dans la décision UMACS of Canada c. S.G.B. 2000 Inc., [1990] A.C.F. no 112 lorsqu’il affirme que « [l]es gens qui sont dans les affaires au Canada devraient accorder aux actes de procédure bien plus d’attention » que ne l’a fait le défendeur en l’espèce. En effet, une bien plus grande attention de la part du défendeur était justifiée au cours de plusieurs mois.

 

La défense prima facie

  • [12] La défense soulevée par le défendeur pour opposer chaque action est qu’il n’a vendu aucun bien de contrefaçon, contrairement à l’allégation faite dans les déclarations. Il soutient par ailleurs que « [l]e critère préliminaire permettant de conclure que cet élément a été respecté n’est pas très exigeant »; voir Louis Vuitton Malletier S.A. c. Yang, 2008 CF 45. Le défendeur ne nie pas avoir vendu des articles portant une ou plusieurs des marques de commerce appartenant aux demanderesses, mais affirme que ces articles de marque, à sa connaissance, étaient des articles légitimes et non pas des articles contrefaits. En l’espèce, le simple fait de nier l’allégation sans offrir quelque élément de preuve que ce soit visant à démontrer que la défense n’est pas dénuée de tout fondement, par exemple un affidavit du fournisseur attestant que les articles ont été fabriqués sous licence, ne peut constituer une défense prima facie. À part un simple déni, M. Beauchamp n’a rien offert, ni même le nom de son fournisseur. Je suis donc d’avis que le défendeur n’a même pas satisfait au critère préliminaire peu exigeant qui permet de conclure à l’existence d’une défense prima facie.

 

Le fait d’agir promptement

  • [13] Je suis prêt à concéder que M. Beauchamp a agi promptement lorsqu’il a pris connaissance du jugement par défaut, soit lorsque les articles ont été saisis.

 

Dépens

  • [14] Les demanderesses ont droit à leurs dépens. Elles ont demandé 7 500 $ dans chaque action, un montant que j’estime être trop élevé. Comme l’a fait remarquer l’avocat de M. Beauchamp, une adjudication des dépens n’a pas pour objet d’indemniser complètement une partie, sauf circonstances exceptionnelles. Je conclus donc que des dépens de 3 000 $ pour chacun des litiges représentent un montant juste et proportionnel.

 


ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE que la requête du défendeur soit rejetée, avec dépens fixés à 3 000 $, taxes et débours compris, en faveur des demanderesses.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 


 


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1384-09

 

INTITULÉ :  MOLSON CANADA 2005 ET AL c.

DRAKE J. BEAUCHAMP

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 1er novembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
  Le 8 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Ovadia (par téléconférence)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

David A. S. Mills

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

KESTENBERG SIEGAL LIPKUS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

MILLS & MILLS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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