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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20101008

Dossier : T-1787-08

Référence : 2010 CF 1001

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

APOTEX INC.

 

demanderesse

et

 

SHIRE CANADA INC.

 

défenderesse

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

  • [1] Par la présente requête, la défenderesse, Shire Canada Inc. (« Shire »), interjette appel de l’ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 4 juin 2010 (motifs de l’ordonnance datés du 19 août 2010) ayant rejeté, en partie, sa requête en modification de sa défense amendée. La protonotaire Tabib a rendu cette décision en exerçant ses pouvoirs en sa qualité de protonotaire chargée de la gestion de l’instance pour la présente affaire.

  • [2] La protonotaire a rejeté la demande d’autorisation de Shire en vue de modifier sa défense pour ainsi plaider que la demanderesse, Apotex Inc. (« Apotex »), ne devrait pas pouvoir recouvrer des dommages-intérêts dans le cadre de la présente affaire en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, dans l’éventualité où la Cour venait à la conclusion qu’il y a une contrefaçon des lettres patentes canadiennes portant le numéro 2 201 967 (le « brevet 967 ») dans une autre affaire, dont le numéro de dossier de la Cour est le T-609-09.

 

  • [3] En rejetant la requête de Shire, la protonotaire Tabib a conclu ce qui suit :
    [traduction]

[5]  Au lieu de plaider directement en défense contre le moyen de l’action d’Apotex l’argument selon lequel le brevet 967 est valide et contrefait et qu’Apotex ne devrait donc pas être en droit de recouvrer des dommages-intérêts fondés sur la perte de ventes contrefaisantes, Shire propose de s’appuyer sur l’issue d’une action en contrefaçon distincte intentée par Cephalon et à laquelle elle n’est pas partie. Ainsi, elle ne propose pas d’apporter d’éléments de preuve dans la présente action quant à la validité ou à la contrefaçon du brevet 967 afin que la Cour puisse trancher directement ces questions dans le cadre de la présente action. Elle envisage plutôt de s’en tenir strictement à l’issue de l’action de Cephalon, comme si elle était certaine. Or, il ressort clairement du libellé des allégations que l’action de Cephalon a été introduite seulement en avril 2009 et qu’elle n’a pas été tranchée. L’issue de l’action de Céphalon, dont dépend le succès de la défense proposée, est clairement un événement futur incertain, qui n’est pas susceptible d’être déterminé ou même influencé dans le cadre de la présente action. Essentiellement, Shire allègue que si un certain événement se produit (sur lequel ni la Cour ni les parties n’ont de contrôle ou sur lequel elles ne peuvent pas se prononcer dans le cadre de la présente action), alors elle aura une défense valable. C’est l’essence d’un plaidoyer spéculatif et hypothétique qui doit être radié (voir Bell Canada v. Pizza Pizza Ltd. [1993], 48 C.P.R. (3rd) 129). De plus, si jamais Shire est autorisée à déposer lesdites allégations en défense, les questions soulevées ne pourront pas être tranchées tant que ne sera pas connue l’issue des procédures engagées par Cephalon contre Apotex dans un autre dossier de la Cour. L’instruction de la présente action s’en trouverait retardée, entravée et compromise.

 

 

 

  • [4] Shire fait valoir que les modifications en cause, que l’on retrouve aux paragraphes 55F à 55H de la deuxième défense amendée qu’elle propose, touchent le cœur de la question de savoir si Apotex a droit de revendiquer des dommages-intérêts à l’égard du brevet 967. Shire soutient également que la protonotaire a erré en concluant que la défense proposée par Shire est spéculative et hypothétique, et que l’instruction de la présente action s’en trouverait retardée, entravée et compromise.

 

  • [5] Pour sa part, Apotex soutient essentiellement que le plaidoyer proposé par Shire d’incorporer les allégations et l’issue d’une autre action, à laquelle Shire n’est pas partie, dans la présente instance au moyen d’une modification, est à la fois difficilement réalisable et mal fondé en droit.

 

  • [6] Les avocats des deux parties font valoir que les questions soulevées dans la requête en modification ont une influence déterminante sur l’issue de cette affaire et, par conséquent, que cette Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire de novo. Je suis d’accord.

 

  • [7] Après avoir vu les plaidoiries des avocats et lu les documents déposés, je conclus que l’appel de Shire doit être rejeté pour les motifs suivants :

  1. Il n’y a aucune cause d’action valable ou de défense valable soulevée par Shire. On ne peut parler d’une cause d’action bien fondée lorsqu’une partie plaide, comme défense à une action, une éventualité incidente reposant sur une instance distincte et indépendante. Au contraire, un tel acte de procédure est, de par sa nature même, déraisonnable puisqu’il tente d’intégrer à une action une allégation qui ne peut être tranchée par la Cour qui entend l’affaire, et pour laquelle le litige n’est pas entre les parties devant la Cour. (Voir, par exemple, Merck & Co. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459, aux paragraphes 35 à 39 (C.A.) et Chavali c. Canada et al. (2001), 202 F.T.R. 166, au paragraphe 21 (CF), conf. par (2002), 291 N.R. 311 (CAF).)

  2. Un acte de procédure qui a pour but d’incorporer une instance distincte mettant en cause d’autres parties est clairement défaillant et ne devrait pas être autorisé. Dans sa forme actuelle, l’acte de procédure ne présente pas de faits essentiels à l’appui de l’allégation de contrefaçon opposée en défense, et il n’offre pas à Apotex la possibilité de se défendre contre ladite allégation de contrefaçon sur le fond de l’affaire. Si elle estime disposer d’un moyen de défense valable contre la prétention d’Apotex fondée sur l’article 8 dans la présente instance, à savoir que le produit d’Apotex aurait contrefait le brevet durant la période hypothétique visée, Shire aurait dû présenter un plaidoyer de contrefaçon, conformément à la pratique prescrite. Shire ne peut pas se dérober à son obligation de présenter un acte de procédure approprié et conforme aux Règles des Cours fédérales (1998), DORS/98-106, et notamment aux articles 181 et 174 des Règles, qui prévoient que tout acte de procédure doit contenir « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde » et « des précisions sur chaque allégation ».

  3. Étant donné que Shire n’est pas partie au dossier de la Cour no T-609-09, une action introduite en avril 2009 et qui demeure non résolue à ce jour, et qu’elle a omis d’exposer les faits substantiels concernant la validité ou la contrefaçon du brevet 967, la Cour se retrouverait probablement confrontée à des questions sur lesquelles elle ne pourrait pas se prononcer directement. L’instruction de la présente action s’en trouverait retardée, entravée et compromise.

 

  • [8] Pour les motifs précités, la requête de la défenderesse est rejetée et les dépens sont adjugés à la demanderesse.

 

 

ORDONNANCE

 

  La requête de la défenderesse est rejetée et les dépens sont adjugés à la demanderesse.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1787-08

 

INTITULÉ :  APOTEX INC. c. SHIRE CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 5 OCTOBRE 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :  LE 8 OCTOBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jerry Topolski      POUR LA DEMANDERESSE

 

Jay Zakaïb et

Viktor Haramina          POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP      POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario) 

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.  POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario) 

 

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