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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20100910

Dossier : T-1608-09

Référence : 2010 CF 893

[Traduction certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

STEMIJON INVESTMENTS LTD.

demanderesse

 

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente est une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par M. Doug McLean, directeur du bureau des services fiscaux à Winnipeg (le délégué du ministre), qui est un agent de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), par laquelle la demanderesse s’est vue refuser sa demande d’allègement des pénalités et des intérêts sur arriérés établis en raison de la production tardive des formulaires T1135 relatifs aux biens de placement étrangers.

 

[2]               Il y a sept demandes de contrôle judiciaire concernant différentes personnes morales qui sont toutes liées et collectivement appelées le groupe de sociétés Asper. Ces demandes n’ont pas été réunies, mais elles ont été entendues ensemble dans le cadre d’une seule audience. Les questions et les faits essentiels sont communs à toutes.

 

[3]               La demanderesse a sollicité une dispense au sens du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) qui confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et aux intérêts. Cette demande a été refusée. La demanderesse a soumis les points suivants : premièrement, le ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire en ne tenant compte que des dispositions d’allègement pour les contribuables alors que le paragraphe 220(3.1) a une portée plus large et deuxièmement, la décision du ministre était déraisonnable.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

 

Le contexte

 

[5]               La demanderesse en l’espèce est l’une des sociétés affiliées (collectivement appelées le groupe de sociétés Asper), qui sont :

 

a.                   Leonard Asper Holdings Inc.

b.                  David Asper Holdings Inc.

c.                   Canwest Direction Ltd.

d.                  Daremax Enterprises Ltd.

e.                   Stemijon Investments Ltd.

f.                    Lenvest Enterprises Inc.

g.                   Canwest Communications Corporation.

 

[6]               Le groupe de sociétés Asper fonctionne sous une même administration à des fins de gestion comptable et de déclaration fiscale. Brooke & Partners (le représentant de la demanderesse) prépare les états financiers et s’occupe du dépôt des déclarations d’impôt pour le compte du groupe de sociétés Asper. Bien que les détails spécifiques à chaque société peuvent varier, les décisions portant sur des questions comme, par exemple, quels formulaires de déclaration doivent être déposés, sont prises à titre collectif par le représentant de la demanderesse, qui ensuite dépose les formulaires requis. Il n’est pas contesté que la demanderesse est responsable des gestes de son représentant financier.

 

[7]               Le bilan de vérification du revenu étranger, le formulaire T1135, doit être déposé chaque année lorsque la valeur totale des biens étrangers du déclarant s’élève à plus de 100 000 $, et ce, conformément au paragraphe 233.3(3) de la Loi. La demanderesse détenait des biens étrangers qui généraient un revenu. En 1998 et 1999, les formulaires T1135 ont été produits quant aux biens étrangers du groupe de sociétés Asper.

 

[8]               Tous les investissements à l’étranger détenus par le groupe de sociétés Asper sont gérés par des experts financiers professionnels qui font état, tous les mois, de tous les investissements et des revenus connexes et qui publient des rapports annuels. Le représentant de la demanderesse comprend que ces experts financiers doivent déclarer toutes activités commerciales et tous revenus à l’ARC. De plus, le groupe de sociétés Asper a déclaré tout revenu provenant de biens étrangers. Après avoir examiné les dispositions actuelles en matière de déclaration, le représentant de la demanderesse a conclu que le dépôt de formulaires T1135 n’était pas nécessaire lorsqu’un portefeuille de valeurs est administré par un gestionnaire canadien assujetti aux exigences canadiennes en matière de déclaration fiscale. Il convient de souligner que, en l’espèce, il n’est pas question de non-déclaration de revenus en vue d’éviter de payer de l’impôt.

 

[9]               La demanderesse n’a pas produit de formulaires T1135 pour les années d’imposition 2000 à 2003. M. Fred de Koning, un comptable agrée travaillant pour le représentant de la demanderesse, a expliqué ce qui suit au paragraphe 11 de son affidavit :

[traduction] « Pour les années postérieures à 1999, le groupe Asper ne produisait pas de déclarations de renseignements T1135. La décision initiale de ne pas déposer de formulaires T1135 découlait d’une conclusion selon laquelle lorsqu'un portefeuille de valeurs est administré par un gestionnaire canadien assujetti aux exigences canadiennes en matière de déclaration fiscale, il n’est pas nécessaire de produire les formulaires T1135 ».

 

[10]           En avril 2005, l’ARC a avisé le groupe de sociétés Aspen que la demanderesse n’avait pas produit de T1135 depuis 2000. Elle a demandé à consulter le grand livre/le solde des comptes de la société qui décrit le type d’investissement qu’elle possédait durant les années d’imposition 2000 à 2003. Le 2 juin 2005, le représentant de la demanderesse a envoyé une lettre à l’ARC, accompagnée des T1135 manquants, dans laquelle il a mentionné ce qui suit :

[traduction] « Jusqu’en 1999, nous avons vu à ce que les T1135 relatifs à ces sociétés soient déposés. Cependant, en raison d’une conclusion erronée et de la certitude que tous les revenus tirés d’investissements étrangers étaient déclarés adéquatement et consciemment, nous avions décidé que les T1135 ne s’appliquaient pas. Nous avons pris une décision délibérée en sachant que les placements étrangers étaient pris en compte dans toutes les déclarations de revenus ».

 

[11]           En décembre 2005, l’ARC a écrit qu’elle traitait les T1135. En réponse à une demande orale qu’aucune pénalité ne soit imposée conformément au paragraphe 162(7) de la Loi, l’ARC a décidé que des pénalités seraient imposées pour chaque année d’imposition à l’égard de laquelle le formulaire T1135 a été produit en retard.

  

[12]           La demanderesse a écrit au comité de l’équité de l’ARC pour lui demander d’annuler les pénalités et les intérêts. Elle a avancé que ses bons antécédents en matière de conformité avec l’ARC ont amené un vérificateur à conclure qu’aucune pénalité ne serait imposée. Elle a aussi fait mention de la [traduction] « politique de l’occasion unique » énoncée dans un communiqué de l’ARC. La « politique de l’occasion unique » s’applique quand un contribuable démontre qu’il a mal compris la loi et que, par la suite, il fait une déclaration volontaire. Les facteurs pris en compte dans le cadre de cette politique comprennent les antécédents du contribuable en matière de conformité, les connaissances du contribuable sur le plan fiscal, le degré de participation du contribuable dans la préparation de ses déclarations, de ses livres et de ses registres, et la question de savoir si le revenu a été déclaré.

 

[13]           L’ARC a envoyé sa réponse le 10 septembre 2008. Elle a rejeté la demande de la demanderesse visant l’annulation des pénalités et des intérêts. Elle a conclu que la demanderesse ne se trouvait pas dans une situation semblable aux scénarios visés par les dispositions d’allègement pour les contribuables énoncés au paragraphe 23 du Circulaire d’information (CI) 07-01 qui prévoit trois situations qui peuvent justifier l’annulation des pénalités et des intérêts :

 

1.                  circonstances exceptionnelles;

2.                  actions de l’ARC;

3.                  incapacité de payer ou difficultés financières.

 

[14]            L’ARC a conclu qu’aucune de ces situations ne correspondait à celle en l’espèce. Elle a ensuite examiné la « politique de l’occasion unique ». L’ARC a conclu que même si la politique n’était plus en vigueur au moment où les T1135 ont été déposés, elle était disposée à songer à appliquer la politique puisque cette dernière était en vigueur pendant les années d’imposition visées par les déclarations en litige. Cependant, l’ARC a conclu que la politique ne visait que les contribuables qui font une déclaration volontaire.

 

[15]           Le 8 juillet 2009, la demanderesse a présenté une demande d’allègement fiscal de second niveau. La demanderesse a demandé à l’ARC de réexaminer les pénalités et les intérêts. Elle a soutenu que les pénalités n’étaient ni justes, ni raisonnables. La demanderesse a aussi soulevé la question du long délai qui s’est écoulé entre sa demande d’annulation et la décision.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[16]           Le 28 août 2009, le délégué du ministre, M. McLean, a rejeté la demande d’équité de second niveau. Il a approuvé une réduction des intérêts imposés pendant six mois afin de pallier sa réponse tardive à la première demande d’allègement. Cependant, le reste de la demande a été rejeté. Le délégué du ministre a écrit :

[traduction]  « J’ai conclu que je ne peux pas accueillir la demande d’annulation de la pénalité pour déclaration tardive et le solde des intérêts sur arriérés. Bien que je sois sensible à vos arguments, les dispositions d’allègement pour les contribuables ne permettent pas l’annulation des pénalités et des intérêts lorsqu’un contribuable ou son représentant connaît mal la Loi ou ne respecte pas les échéances. J’espère que ce qui précède vous éclairera quant à notre position sur cette question ».

 

[17]           La demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire le 25 septembre 2009.

Les dispositions législatives pertinentes

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

 

220 (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

[…]

(3) Un déclarant pour une année d’imposition ou un exercice est tenu de présenter au ministre pour l’année ou l’exercice une déclaration sur le formulaire prescrit au plus tard à la date suivante :

a) si le déclarant est une société de personnes, la date où une déclaration doit être produite pour son exercice, en application de l’article 229 du Règlement de l’impôt sur le revenu, ou devrait ainsi être produite si cet article s’appliquait à lui;

b) sinon, la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année.

220 (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

(3) A reporting entity for a taxation year or fiscal period shall file with the Minister for the year or period a return in prescribed form on or before the day that is

(a) where the entity is a partnership, the day on or before which a return is required by section 229 of the Income Tax Regulations to be filed in respect of the fiscal period of the partnership or would be required to be so filed if that section applied to the partnership; and

(b) where the entity is not a partnership, the entity’s filing-due date for the year.

 

 

 


Loi sur les Cours fédérales, L.R.C, 1985, ch. F-7

 

18.1  (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[…]

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

18.1  (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

 


Les questions en litige

 

[18]           La demanderesse a soulevé deux questions.

 

1.                  Le ministre a-t-il commis une erreur dans son interprétation de la portée de son pouvoir discrétionnaire de renonciation à des pénalités et à des intérêts prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi?

 

2.                  La décision du ministre de refuser l’annulation sollicitée par la demanderesse en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi était-elle raisonnable?

 

La norme de contrôle

 

[19]            La Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’existe que deux normes de contrôle, soit celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9, au paragraphe 45 (Dunsmuir). Lorsque la jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle applicable dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision administrative, alors la question de la norme de contrôle applicable peut donc être considérée comme réglée : Dunsmuir,

au paragraphe 62.

 

[20]           La norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires prises par le ministre est la décision raisonnable : Lanno c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 CAF 153. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur l’arrêt Dunsmuir dans lequel la norme est décrite au paragraphe 47 comme suit :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

Analyse

 

[21]            La demanderesse soutient que le délégué du ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire en se limitant aux recours prévus dans les dispositions d’allègement pour les contribuables, soit les trois scénarios suivants :

 

a.                   circonstances exceptionnelles;

b.                  actions de l’ARC;

c.                   incapacité de payer ou difficultés financières.

 

[22]           La demanderesse s’appuie sur la conclusion tirée par le juge Campbell dans la décision Nixon c. Canada (Ministre du Revenu National), 2008 CF 917, au paragraphe 5 :

Il est important de procéder à un examen détaillé des lignes directrices en l’espèce, car il appert que la décision a été rendue en fonction d’une mauvaise interprétation de leur contenu. Comme il a été indiqué précédemment, le paragraphe 220(3.1) de la Loi attribue un pouvoir discrétionnaire absolu au ministre d’accorder un allègement à l’égard d’une pénalité et, bien entendu les délégués du ministre disposent de ce pouvoir discrétionnaire dans leur évaluation des situations précises présentées par les contribuables qui demandent l’allègement. Les lignes directrices précisent qu’elles n’ont aucune incidence sur ce large pouvoir discrétionnaire accordé par la loi :

 

6.   Il ne s’agit que de lignes directrices. Celles-ci n’ont pas pour objet d’être exhaustives ni de restreindre l’esprit ou l’intention de la législation.

 

[23]            La demanderesse a soutenu que le représentant du ministre comprenait la situation de la demanderesse, mais qu’il a semblé exprimer l’idée que son pouvoir discrétionnaire ne lui « permettait » pas d’accueillir la demande. Essentiellement, le ministre dit qu’il ne peut rien faire et, si c’est le cas, il a mal interprété son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi.

 

[24]           La demanderesse a aussi soutenu que sa décision de ne pas produire les formulaires T1135 est le résultat d’une confusion. Elle a fait référence aux pénalités relatives à l’omission de déposer les formulaires T1135 :

[traduction] « Aucune pénalité ne sera imposée lorsqu’il semble qu’il y a eu confusion quant aux obligations et que c’est la première fois qu’une pénalité est envisagée ».

 

[25]           La demanderesse a fait valoir que s’il y avait de la confusion quant aux règlements, l’ARC devrait alors être moins sévère en ce qui a trait aux pénalités. À tout le moins, l’ARC aurait dû reconnaître que le représentant de la demanderesse interprétait les règlements de bonne foi, en s’appuyant sur les déclarations précises et envoyées en temps opportun à l’ARC par les experts financiers. Elle a écrit : [traduction] « La conclusion était erronée, mais cela ne devrait pas porter atteinte au caractère raisonnable de la croyance que les formulaires ne devaient pas être produits ».

 

[26]           En outre, la demanderesse a soutenu que le délégué du ministre n’a pas adéquatement tenu compte des facteurs pertinents lors de sa prise de décision. La demanderesse allègue que tous ces facteurs jouent en sa faveur.

 

[27]           Enfin, quant à l’annulation des intérêts sur les pénalités, la demanderesse allègue que le délégué du ministre a fondé sa décision sur une appréciation d’une durée moyenne et n’a pas examiné la demande en fonction des faits de l’espèce.

 

 

Le ministre a-t-il commis une erreur dans son interprétation de la portée de son pouvoir discrétionnaire de renonciation à des pénalités et à des intérêts prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi?

 

[28]           La demanderesse soutient que le représentant du ministre a limité son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable lorsqu’il a écrit : [traduction] « Je conclus que je ne peux pas faire droit à votre demande d’annulation de la pénalité relative à la production tardive et du solde des intérêts sur arriérés […] les dispositions d’allègement pour les contribuables ne permettent pas l’annulation des pénalités et des intérêts lorsqu’un contribuable ou son représentant comprend mal la Loi ou ne respecte pas l’échéance prévue pour la production de son formulaire ».

 

[29]           La demanderesse a souligné l’utilisation des expressions « je ne peux pas » et « les dispositions d’allègement pour les contribuables ne permettent pas ». La demanderesse a affirmé que la Loi confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire en matière de renonciation aux pénalités et aux intérêts et qu’il n’aurait pas dû se limiter aux trois dispositions prévues dans les directives.

 

[30]           Le pouvoir discrétionnaire du ministre prévu au paragraphe 220(3.1) n’est pas lié par les critères prévus par la Loi. Le ministre n’est lié que par son devoir d’équité procédural. Cette conclusion se dégage des affaires citées par la demanderesse et le défendeur. Dans la décision Succession de feu Henry H. Floyd c. Ministre du Revenu National, (1993) 93 D.T.C. 5499 (C.F.)(1re inst.), le juge Dubé a écrit :

Soulignons au départ qu’il n’appartient pas à la Cour de décider si les intérêts par ailleurs payables par la contribuable doivent faire l’objet d’une renonciation ou être annulés. Cela relève du pouvoir discrétionnaire du ministre. Tel que je le comprends, le rôle de la Cour dans le cadre de ce contrôle judiciaire consiste à déterminer si le ministre a manqué à l’obligation d’équité procédurale ou si sa décision est entachée d’une erreur de droit, cas qui sont prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.

 

[31]           L’allégation de la demanderesse selon laquelle le ministre n’a pas tenu compte des facteurs autres que les scénarios figurant dans les dispositions d’allègement n’est pas étayée par le dossier.

 

[32]           Le délégué du ministre était saisi de la requête datée du 8 juillet 2009 présentée par la demanderesse en vue d’obtenir un deuxième examen, du rapport relatif à l’allègement pour les contribuables datée du 30 juillet 2009, du communiqué de la Direction de l’impôt international de l’ARC au sujet des pénalités prévues par les exigences en matière de déclaration de biens étrangers, et du Circulaire d’information IC07-1 de l’ARC intitulé Dispositions d’allègement pour les contribuables.

 

[33]           La demande d’allègement pour les contribuables du 30 juillet 2009 comprenait un examen de la requête initiale présentée par la demanderesse en vue d’obtenir un allègement et la décision connexe dans laquelle il était question de la « politique de l’occasion unique ». La portée de l’examen figurant dans la demande allait au-delà des trois scénarios prévus par les dispositions d’allègement pour les contribuables.

 

[34]           Compte tenu des renseignements dont il était saisi, je conclus que le délégué du ministre, dans le cadre de son examen de la politique d’allègement pour les contribuables, ne s’est pas limité qu’aux trois scénarios prévus dans les dispositions d’allègement pour les contribuables.

 

[35]           Je ne suis pas prêt à inférer que l’expression de sympathie de la part du délégué du ministre indiquait qu’il en serait venu à une autre conclusion s’il avait mal interprété l’étendue de son pouvoir discrétionnaire. Il s’agissait plutôt d’une marque de compassion à l’égard des conséquences de l’erreur commise par la demanderesse.

 

[36]           Je suis convaincu que le délégué du ministre n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire pour en venir à sa décision de ne pas accorder la renonciation demandée par la demanderesse.

 


La décision du ministre de refuser l’annulation sollicitée par la demanderesse en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi était-elle raisonnable?

 

[37]           Le pouvoir discrétionnaire du ministre prévu au paragraphe 220(3.1) doit mener à une décision raisonnable, dont les motifs sont justifiés, transparents et intelligibles et qui appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », au sens de l’arrêt Dunsmuir.

 

[38]           La demanderesse soutient que sa décision de ne pas produire les formulaires découlait d’une [traduction] « erreur administrative », alors qu’auparavant, la demanderesse affirmait qu’il s’agissait d’une [traduction] « conclusion erronée ». La demanderesse a souligné que tous les revenus relatifs aux investissements à l’étranger ont été adéquatement déclarés.

 

[39]           Le délégué du ministre était bien au courant des explications avancées par la demanderesse. Il connaissait également les faits de l’espèce. Pendant l’interrogatoire sur son affidavit, le délégué du ministre a expliqué que le contribuable est responsable des erreurs de son représentant. Il a souligné qu’on a délibérément choisi de ne pas produire les formulaires T1135; le représentant du contribuable était un comptable professionnel, et les déclarations n’ont été produites qu’après la signification de la mise en demeure.

 

[40]           À mon avis, les motifs du délégué du ministre découlaient des faits qui lui ont été soumis. Il a qualifié la décision de décision délibérée de la part du représentant de la demanderesse ou de la part de la demanderesse, une décision découlant d’un manque de diligence raisonnable plutôt que de la confusion. Je conclus que la conclusion découlant des motifs appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits. En outre, puisqu’au terme du paragraphe 220(3.1) de la Loi, le ministre n’est pas tenu d’accorder un allègement, la décision peut se justifier au regard des faits et du droit.

 

[41]           Enfin, le délégué du ministre a tenu compte des arguments de la demanderesse au sujet de l’allègement des pénalités d’intérêt en raison du long délai de traitement. À cet effet, le délégué du ministre a tenu compte du fait que l’ARC prend habituellement 6 mois pour rendre une décision quant à une demande d’allègement. Puisque le délégué du ministre était saisi de toutes les dates pertinentes ainsi que de la recommandation des auteurs du rapport, je conclus que sa décision d’annuler les intérêts courus en raison du retard supplémentaire était raisonnable.

 

Conclusion

 

[42]           Je conclus que le délégué du ministre n’a pas commis d’erreur susceptible de révision.

 

[43]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Je conclus que le délégué du ministre n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle.

 

2.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1608-09

 

 

INTITULÉ :                                       STEMIJON INVESTMENTS LTD. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 JUIN 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS                       

ET DU JUGEMENT :                       LE 10 SEPTEMBRE 2010      

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ian MacGregor

Peter Macdonald

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jennifer Neill

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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