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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100804

Dossier : IMM-6326-09

Référence : 2010 CF 796

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 août 2010

En présence de Monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

QALABA ABBAS SAYED

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire d’une décision défavorable découlant d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). L’agente a décidé que les preuves supplémentaires présentées par le demandeur n’ont pas réfuté la conclusion défavorable en matière de crédibilité tirée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et que le demandeur ne serait pas exposé à un risque s’il retournait au Pakistan.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

 

Le contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen pakistanais et un musulman chiite. Il a participé à des activités religieuses au Pakistan et affirme être en danger à cause de ces activités; il soutient qu’il serait persécuté ou maltraité par des extrémistes musulmans sunnites s’il était renvoyé au Pakistan.

 

[4]               Le demandeur allègue avoir été menacé par des membres de la Sipah-e-Sahaba (la SSP) à la fin des années 1980 à cause de ses activités au sein de la communauté chiite locale. Il affirme avoir été agressé et battu par des membres de la SSP pendant qu’il assistait à une cérémonie religieuse. Il affirme ne pas avoir signalé cet incident à la police parce que celle-ci est réticente à faire enquête sur les actes de violence sectaire commis par la SSP.

 

[5]               Le demandeur affirme qu’il a continué d’être un membre actif de la communauté chiite et qu'il n’y a eu aucun cas de menaces ou de persécution au cours d’une période de dix ans, malgré ses nombreuses activités.

 

[6]               À la fin des années 1990, la violence sectaire a entraîné la mort d’un certain nombre de musulmans chiites. M. Sayed allègue avoir été attaqué par la SSP pour avoir secouru les familles de ces victimes. Il affirme que la police a refusé d’enregistrer une plainte, parce qu’il n’était pas en mesure d’identifier ses attaquants et parce que les policiers étaient réticents à faire enquête sur la SSP. Le demandeur affirme qu’il a commencé à recevoir des menaces par téléphone après cette attaque.

 

[7]               Peu de temps après, M. Sayed a quitté le Pakistan et est arrivé au Canada, où il a déposé une demande d’asile. Le 27 juillet 2001, la Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur. L’aspect qui a eu un effet déterminant sur la décision de la Commission était la crédibilité. La Commission a tiré de nombreuses conclusions défavorables en matière de crédibilité et a jugé que son [traduction] « témoignage n’était pas crédible ou digne de foi ». La Commission a conclu que le demandeur [traduction]  « pourrait inventer une histoire pour renforcer sa cause ». La Commission a admis que le demandeur était de confession musulmane chiite mais elle n’a pas donné foi à ses déclarations concernant la persécution dont il avait fait l’objet au Pakistan. Le demandeur a sollicité l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision mais sa demande d’autorisation a été rejetée.

 

[8]               En juin 2003, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Cette demande a également été rejetée. L’agent a décidé que le demandeur ne ferait pas face à des difficultés excessives, injustifiées ou disproportionnées s’il était obligé de demander la résidence permanente au Canada à partir du Pakistan.

 

[9]               En juin 2009, le demandeur a présenté la demande d’ERAR dont il s’agit ici. Le demandeur a fourni diverses lettres à titre de preuves nouvelles du risque auquel il ferait encore face s’il était renvoyé au Pakistan. Le 17 novembre 2009, la demande d'ERAR du demandeur a été rejetée. C’est cette décision qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

 

[10]           L’agente a commencé par noter que la demande d'asile du demandeur était antérieure à la Loi actuelle et qu’il fallait donc examiner l’ensemble des preuves présentées par le demandeur sans chercher à décider s’il s’agissait de « nouvelles preuves ». Elle a noté que la Commission avait rejeté la demande d'asile, qu’elle avait tiré de nombreuses conclusions défavorables en matière de crédibilité et qu'elle avait conclu que [traduction] « le demandeur avait tenté de les tromper ».

 

[11]           L’agente a ensuite examiné les preuves supplémentaires fournies par le demandeur. L’agente a accordé une faible valeur probante à la lettre écrite par l’épouse du demandeur parce qu’elle était [traduction] « écrite par une personne ayant un intérêt dans l’issue de la demande » et parce qu’elle était vague et ne contenait pas de détails concernant les menaces visant le demandeur. L’agente a accordé une faible valeur probante à la lettre écrite par la sœur du demandeur parce qu’elle était également vague, peu détaillée et ne fournissait pas d’autres preuves objectives à l’appui de ses allégations. L’agente a accordé peu de poids à diverses autres lettres présentées à l’appui de la demande :

[traduction]

 

Figurent également dans les observations des lettres et des affidavits émanant d’autres amis et membres de la famille au Pakistan. Ces documents sont également vagues, peu détaillés quant aux activités antérieures du demandeur au Pakistan. Les auteurs de ces documents n’affirment pas qu’ils ont été témoins des faits décrits par le demandeur ou qu'ils ont une connaissance personnelle des menaces qu’ils mentionnent. Les preuves n’établissent pas le moment, le lieu ni l’auteur des menaces qui ont été faites ni si les personnes menacées ont signalé ces incidents aux autorités. Les allégations mentionnées dans ces lettres ne sont pas étayées par des preuves objectives. J’estime que les preuves apportées dans le cadre de cet examen ont une faible valeur probante.

 

[12]           L’agente a également pris en compte des lettres émanant de diverses organisations musulmanes au Canada décrivant le risque auquel le demandeur était exposé. Elle a conclu que leurs auteurs [traduction] « n'ont pas mentionné qu’ils fondaient leurs croyances sur d’autres renseignements que ceux que leur avait fournis le demandeur. Ils n’affirment pas qu’ils ont été témoins ou qu’ils possèdent une connaissance directe des faits ». L’agente a accordé une faible valeur probante à ces lettres.

 

[13]           L’agente a ensuite examiné l’existence de la protection de l’État en déclarant que [traduction] « la question dont dépend l’issue de la présente demande est la situation actuelle dans le pays concernant la liberté de religion et la protection de l’État ». L’agente a déclaré privilégier [traduction] « les preuves objectives récentes qui se trouvent dans les rapports nationaux actuels ».

 

[14]           L’agente a ensuite examiné l’appareil gouvernemental pakistanais et la fréquence de la violence sectaire au Pakistan. L’agente a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État :

[traduction]

 

Le demandeur a quitté le Pakistan depuis 10 ans. Les preuves présentées ne donnent pas à penser que le demandeur a un profil qui intéresserait les extrémistes au Pakistan. Le demandeur n’a pas fourni de preuves claires et convaincantes susceptibles de réfuter la présomption concernant la protection de l’État. Les preuves documentaires montrent que la situation qui règne dans le pays n’est pas idéale mais qu’il existe une protection adéquate au Pakistan et que le demandeur aurait accès, s’il le souhaitait, à des voies de recours.

 

[15]           L’agente a conclu [traduction] « que les preuves n'établissaient pas que le demandeur serait exposé à l’avenir à un risque au sens des articles 96 ou 97 de la LIPR ». L’agente a donc rejeté la demande du demandeur.

 

Les questions en litige

[16]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

1.         L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de façon appropriée des documents présentés par le demandeur à l’appui de sa demande et en les rejetant tous?

2.         L’agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant mal les preuves soumises ou en omettant d’en tenir compte?

3.         L’agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur de droit et violé l’obligation d’équité en s’abstenant de convoquer le demandeur à une audience aux termes de l’alinéa 113b) de la Loi?

 

Analyse

1.      L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de façon appropriée des documents présentés par le demandeur à l’appui de sa demande et en les rejetant tous?

 

[17]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en rejetant toutes les lettres d’appui à sa demande en se fondant sur des considérations générales qui ne reposent pas sur les preuves. Il affirme que les lettres fournies par les organisations musulmanes établissent son « profil » et ne concernent pas les allégations de persécution qu’il a faites antérieurement. Le demandeur cite la décision Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 422, à l’appui du principe suivant lequel le fait d’écarter des preuves « uniquement parce qu’elles contredisent [des] conclusions antérieures » constitue une erreur de droit. Le demandeur cite également Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1336, pour étayer son affirmation selon laquelle l’agente a commis une erreur en écartant la lettre de son épouse parce que celle-ci était une partie intéressée.

 

[18]           Le défendeur cite Iqbal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 1793, au paragraphe 8 (1re inst.) (QL), pour affirmer qu’« aucun énoncé ou document ne prouve quoi que ce soit s’il n’est pas jugé crédible. On ne saurait accorder plus de crédibilité à une affirmation parce qu’elle est sous forme écrite ». Le défendeur soutient que l’agente a fourni de nombreux motifs pour n’accorder qu’une faible valeur probante aux preuves présentées par le demandeur. Le défendeur affirme qu’il est possible d’établir une distinction entre l'espèce et l’affaire Elezi parce que, en l'espèce, l’agente ne s’est pas uniquement fondée sur la conclusion défavorable de la Commission en matière de crédibilité pour écarter certaines preuves. Le défendeur soutient également que l’on peut établir une distinction d'avec la décision Sanchez parce que, en l'espèce, l’agente a expliqué pourquoi elle écartait certaines preuves et n’a pas simplement déclaré qu’elle s'en tenait à certaines preuves plutôt qu'à d’autres sans fournir d’explication. Le défendeur cite Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, pour l’affirmation selon laquelle l’agente avait toute latitude pour accorder peu de poids aux preuves présentées.

 

[19]           Il est bien établi qu’une demande d'ERAR ne doit pas être traitée comme étant une deuxième demande d'asile : Kaybaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 32.  Une demande d’asile rejetée « fait office de point de départ à partir duquel le demandeur peut soumettre la preuve de faits nouveaux » : Mikhno c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 385, au paragraphe 25. Lorsque le demandeur ne réussit pas à réfuter les conclusions sur lesquelles repose le rejet de la demande d'asile, l’agent d'ERAR « ne peut que rendre une décision négative » : Mikhno, précité, au paragraphe 25.

 

[20]           En l’espèce, la preuve que le demandeur a fournie ne réfute pas les nombreuses conclusions défavorables de la Commission en matière de crédibilité. En outre, les lettres d’appui, rédigées sous serment ou non, et quelle que soit la qualité de leurs auteurs, n’ont pas expliqué les incohérences que contenait le témoignage du demandeur et qu’a constatées la Commission.

 

[21]           Dans Augusto c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 673, au paragraphe 9, la juge Layden-Stevenson (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) a jugé que « [à] moins qu'il ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou ait tenu compte de facteurs non pertinents, l'appréciation de la preuve relève de l'agent chargé de l'examen et n'est normalement pas sujette à un contrôle judiciaire ». En d’autres termes, l’appréciation des preuves est une question de fait, un aspect qui doit faire l’objet d’une grande retenue de la part de la Cour et qui est susceptible d’être examiné selon la norme de raisonnabilité.

 

[22]           Il était loisible à l’agente d’accorder une faible valeur probante aux lettres d’appui. Je suis d'accord avec le défendeur que l’agente a motivé la force probante qu’elle a attribuée à ces preuves et qu’elle n’a pas écarté des preuves en tenant uniquement compte de la décision défavorable de la Commission. L’agente a cité l’absence de détails précis, le ouï-dire, l’absence de preuves objectives, le fait que de nombreux auteurs des lettres d’appui étaient intéressés à l’issue de l’affaire ainsi que l’absence de connaissance personnelle des auteurs comme les motifs qui l’ont poussée à n’accorder qu’une faible valeur probante aux lettres en question.

 

[23]           Il est possible d’établir une distinction entre l'espèce et Elezi. Dans cette affaire, l’agent avait attribué peu de poids à des preuves que la Cour avait dans une décision antérieure jugées extrêmement probantes. L’agent avait fondé sa décision sur le fait que les preuves présentées constituaient du ouï-dire, qu'elles provenaient de parties intéressées, qu'elles portaient sur des faits que la Commission avait écartés en raison d’un manque de crédibilité et qui auraient pu être fournis à la Commission. La juge Tremblay-Lamer avait fait droit à la demande de contrôle judiciaire et jugé que :

[…] dans les cas où on admet des nouveaux éléments de preuve qui vont à l’encontre des conclusions de fait tirées antérieurement par la Commission, il n’est pas possible de les écarter uniquement parce qu’ils contredisent ces conclusions antérieures; il faut plutôt évaluer leur capacité de nuancer ces conclusions aux fins de l’analyse relative à l’ERAR à effectuer.

 

 

[24]           En l’espèce, l’agente ne s’est pas uniquement fondée sur les conclusions défavorables de la Commission en matière de crédibilité. L’agente a fourni des raisons précises, en particulier l’absence générale de détails précis dans les lettres, pour expliquer pourquoi elle leur accordait une faible valeur probante. Je suis d'accord avec le demandeur que le fait que la femme du demandeur soit « intéressée » ne justifie pas, à lui seul, l’attribution d’une faible valeur probante à sa lettre; ce n’était toutefois pas la seule raison que l’agente a fournie au sujet de cette lettre.

 

[25]           L’agente a fourni des motifs transparents, intelligibles et justifiés au sujet de la force probante des preuves présentées par le demandeur. Le demandeur n’a pas démontré que l’appréciation des preuves par l’agente était déraisonnable.

 

2.      L’agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant mal les preuves soumises ou en omettant d’en tenir compte?

 

[26]           Le demandeur soutient que l’agente a évalué de façon sélective les preuves documentaires, qu’elle n’a pas tenu compte, dans l'examen de ces preuves, du profil particulier du demandeur et qu'elle a tenu compte d’éléments non pertinents dans son analyse de la protection de l’État sans fournir d’explication à ce sujet.

 

[27]           Le défendeur soutient que l’agente a correctement évalué le « profil » du demandeur et conteste que c’est celui d’un activiste religieux comme l’alléguait l’avocate du demandeur à l’audience, et que l'agente a conclu correctement qu’il ne serait pas exposé à un risque s’il retournait au Pakistan.

 

[28]           Je conviens avec le demandeur que le raisonnement que l’agente a tenu au sujet de la protection de l’État était insuffisant. L’agente n’a cité aucune preuve, parmi celles qui lui avaient été présentées, au sujet de la violence sectaire. L’agente a mentionné des éléments non pertinents liant le recours à de fausses accusations de blasphème à du harcèlement et n’a pas expliqué pourquoi il était pertinent de citer des renseignements concernant le grand nombre des documents frauduleux au Pakistan.

 

[29]           Cependant, même si je convenais avec le demandeur que la conclusion de l’agente au sujet de la protection de l’État est déraisonnable, le demandeur devrait tout de même réfuter la conclusion déterminante de l'agente selon laquelle ses preuves n'établissaient pas qu'il ferait face à un risque. Le raisonnement médiocre qu’a tenu l’agente au sujet de la protection de l’État ne constitue donc pas une erreur susceptible d’être révisée.

 

3.      L’agente d'ERAR a-t-elle commis une erreur de droit et violé l’obligation d’équité en s’abstenant de convoquer le demandeur à une audience aux termes de l’alinéa 113b) de la Loi?

 

[30]           Le demandeur soutient que l’agente aurait dû tenir une audience, étant donné que le témoignage du demandeur concernait une grave question de crédibilité qui était au cœur de la décision de l’agente et qui aurait justifié de faire droit à la demande si ce témoignage avait été retenu. Il invoque la décision Liban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, pour affirmer qu’il ne faut pas faire passer des conclusions défavorables en matière de crédibilité pour des conclusions d'insuffisance de la preuve objective.

 

[31]           Le défendeur cite Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, et affirme que l’agente n’était pas obligée de tenir une audience, parce qu’elle procédait simplement à l’appréciation des preuves et non pas à une analyse de la crédibilité. Le demandeur soutient que [traduction] « l’appréciation du caractère suffisant des preuves et la question de la crédibilité sont deux choses distinctes ».

 

[32]           Les décisions Liban et Ferguson permettent d’affirmer que les conclusions défavorables en matière de crédibilité ne devraient pas être présentées comme étant des conclusions d'insuffisance de la preuve objective. Dans Ferguson, au paragraphe 16, j’ai estimé que « la Cour doit aller au-delà des termes expressément utilisés dans la décision de l’agent pour décider si en fait, la crédibilité de la demanderesse était en cause ».

 

[33]           En l’espèce, l’agente n’a pas évalué la crédibilité du demandeur parce que les preuves présentées ne permettaient pas à ce dernier de s’acquitter du fardeau de la preuve que lui imposait la Loi. « Il est loisible au juge des faits, lorsqu’il examine la preuve, de passer directement à une évaluation du poids ou de la valeur probante de la preuve, sans tenir compte de la question de la crédibilité » : Ferguson, au paragraphe 26. Comme je l’ai déjà exposé, l’agente a apprécié la preuve de façon raisonnable.

 

[34]           La seule question qui demeure est de savoir s’il y avait lieu de tenir une audience en raison du témoignage du demandeur. L’article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, énonce que les agents d’ERAR doivent tenir compte des éléments suivants pour décider s’il y a lieu de tenir une audience :

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

[35]           Dans le contexte des demandes d’ERAR consécutives au rejet d’une demande d'asile, compte tenu des directives réglementaires mentionnées ci-dessus et de la jurisprudence de la Cour selon laquelle les demandes d'ERAR ne doivent pas se transformer en un appel des rejets des demandes d'asile, le critère qui détermine la tenue d’une audience est le suivant : lorsque le témoignage du demandeur, s’il était retenu, permettrait de réfuter les principales conclusions sur lesquelles la Commission s’est appuyée pour rejeter la demande d'asile du demandeur, alors l’équité procédurale exige que l’agent d’ERAR tienne une audience dans le but d’examiner la crédibilité de ce témoignage, sauf dans le cas où l’agent en question est disposé au départ à l’accepter.

 

[36]           En l’espèce, il est évident que l’agente a rejeté d'emblée l’affidavit du demandeur. L’affidavit du demandeur ne touche pas les conclusions essentielles tirées par la Commission qui, en l’espèce, concernaient son manque de crédibilité et de fiabilité. Le demandeur ne fournit aucun élément expliquant les incohérences de son témoignage au sujet de ses titres de voyage et de la façon dont il est arrivé au Canada. Le demandeur n’a fourni aucune explication au sujet de son manque de connaissance des faits auxquels il prétend avoir assisté. Le demandeur n’a aucunement expliqué les contradictions existant entre son Formulaire de renseignements personnels et le témoignage livré à la Commission. Il n’explique aucunement les raisons pour lesquelles lui, et non pas les membres de sa famille qui vivent avec lui, a été ciblé par des extrémistes musulmans sunnites.

 

[37]           Le demandeur se contente uniquement de reprendre ses allégations – allégations que la Commission n’a pas estimé crédibles. Si l’agent d'ERAR est obligé de tenir une audience chaque fois qu’un demandeur d'asile débouté présente une demande d'ERAR alors, l’ERAR deviendra en fait un appel de novo de la demande d’asile. Ce n’est pas le but de l’ERAR. Le but de cette procédure est de donner aux demandeurs la possibilité de fournir d’autres preuves et témoignages pour expliquer pourquoi les conclusions essentielles qu’a tirées la Commission auraient dû être différentes. L’agent n’est obligé de tenir une audience que lorsque le demandeur propose de livrer un témoignage de ce genre.

 

[38]           En l’espèce, l’équité procédurale n’obligeait pas l’agent à tenir une audience. Le témoignage du demandeur, tel qu’il ressort de son affidavit, n’aurait pu réfuter, même s’il avait été intégralement accepté, les conclusions essentielles de la Commission.

 

[39]           Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Aucune des parties n’a demandé de certifier une question; je conviens avec elles qu’il n’y a pas lieu de certifier une question, compte tenu des faits présentés à la Cour.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6326-09

 

INTITULÉ :                                       QALABA ABBAS SAYED c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 août 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

Stephen H. Gold

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Waldman et Associés

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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