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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100708

 

Dossier : T-248-10

 

Référence : 2010 CF 738

 

 

[TRADUCTION CERTIFIÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2010

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CRAMPTON

 

ENTRE :

 

PURDUE PHARMA

 

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La demanderesse, Purdue Pharma (Purdue), sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Bureau des médicaments brevetés et de la liaison (le BMBL) par laquelle celui‑ci a jugé que l’un des brevets de la demanderesse n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets.

 

[2]               La demanderesse prétend que le BMBL a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 4(2)c) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement).

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I. Le contexte

 

[4]               En mai 2009, la demanderesse, une société pharmaceutique novatrice, a soumis une Présentation de drogue nouvelle (la PDN) dans le cadre d’une demande visant à obtenir un avis de conformité (l’ADC) pour la mise en marché et la vente au Canada du médicament nommé TARGIN. La demanderesse a reçu l’ADC en décembre 2009.

 

[5]               TARGIN est un médicament à libération contrôlée sous forme de comprimé qui contient deux ingrédients médicinaux : le chlorhydrate d’oxycodone (l’oxycodone), un analgésique, et le chlorhydrate de naloxone (le naloxone), qui combat les effets secondaires de l’oxycodone comme la constipation.

 

[6]               En plus de sa PDN, la demanderesse a sollicité, en vertu de l’article 4 du Règlement, l’inscription, au registre des brevets, du brevet canadien no 2,098,738 (le brevet 738), en liaison avec TARGIN. Le brevet 738, déposé le 25 novembre 1992, revendique un mécanisme à libération contrôlée permettant d’administrer de l’oxycodone. Il comporte 28 revendications, et aucune d’elles ne fait mention du naloxone. Aux fins de la présente instance, Purdue a limité ses soumissions aux revendications 3 et 5.

 

[7]               La revendication 3 comprend la revendication de la formulation suivante :

[traduction]

Une forme posologique à libération contrôlée permettant d’administrer par voie orale à des patients humains, contenant environ 10 à 40 mg d’oxycodone, ou l’un de ses sels, dans une matrice, ladite forme produit une concentration plasmatique maximale moyenne d’oxycodone variant entre 6 et 60 ng/ml environ 2 à 4,5 heures après l’administration et une concentration plasmatique minimale moyenne variant entre 3 et 30 ng/ml environ 10 à 14 heures après une administration répétée toutes les 12 heures jusqu’à l’état d’équilibre.

 

[8]               La revendication 5 comprend la revendication de la forme posologique suivante :

 

Une forme posologique orale solide à libération contrôlée contenant

 

            10 à 160 mg d’oxycodone, ou l’un de ses sels, libéré dans une matrice qui renferme :

 

            une quantité efficace de matrice à libération contrôlée sélectionnée dans le groupe des polymères hydrophiles, des polymères hydrophobes, des hydrocarbures digestibles substitués ou non substitués ayant entre 8 et 50 atomes de carbone, des polyalkylènes glycols et des mélanges de l’une ou l’autre des substances susmentionnées;

 

         une quantité adéquate d’un diluant pharmaceutique adéquat, dans lequel ladite composition assure une concentration plasmatique maximale moyenne d’oxycodone variant entre 6 et 240 ng/ml environ 2 à 4,5 heures après l’administration et une concentration plasmatique minimale moyenne variant entre 3 et 120 ng/ml environ 10 à 14 heures après une administration répétée toutes les 12 heures jusqu’à l’état d’équilibre.

 

[9]               En juin 2009, le BMBL a informé la demanderesse d’une décision préliminaire quant au brevet 738 selon laquelle ledit brevet n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets en liaison avec TARGIN, car les conditions d’admissibilité énoncées aux alinéas 4(2)b) et 4(2)c) du Règlement n’ont pas été remplies. Ces alinéas établissent les conditions d’admissibilité pour l’adjonction au registre des brevets qui doivent être satisfaites par les brevets qui revendiquent une formulation contenant, respectivement, un ingrédient médicinal, ou une forme posologique d’un médicament, ou d’une formulation de médicament contenant un ingrédient médicinal, comme je le préciserai dans la partie II de la présente décision. Compte tenu de la nature préliminaire de la décision, le BMBL a invité la demanderesse à lui soumettre des observations supplémentaires.

 

[10]           La demanderesse a soumis des observations supplémentaires au BMBL en août 2009. Ces observations comprenaient des affidavits souscris par le Dr Louis Cartilier et le Dr Kris Krishnamurthy. Dans son affidavit le Dr Krishnamurthy donnait des renseignements concernant TARGIN ainsi que l’historique du brevet 738, tandis que le Dr Cartilier, dans son affidavit, interprétait le brevet 738 et comparait ses revendications à la formulation et à la forme posologique de TARGIN. Le Dr Cartilier a conclu en mentionnant ceci : [traduction] « La présence d’ingrédients additionnels tels que des excipients non identifiés ou un autre ingrédient actif dans le produit de Purdue nommé TARGINMC n’aura pas comme conséquence que la formulation ou la forme posologique ne seront pas visées par les revendications 3, 4 et 5. » En bref, le Dr Cartilier a conclu ceci : [traduction] « Puisque le terme anglais “composing” (comprenant) a été utilisé, la forme posologique peut contenir, en plus de l’oxycodone, ou l’un de ses sels, un ou des excipients et un ou des ingrédients actifs non mentionnés dans la revendication. »

 

[11]           Environ deux semaines plus tard, le 17 août 2009, la demanderesse a envoyé une autre lettre à laquelle était jointe une copie d’une décision rendue le 16 juillet 2009 par le juge Harrington à propos d’un autre médicament (OXYCONTIN) à l’égard duquel la demanderesse avait sollicité l’adjonction au registre du brevet 738 (Purdue Pharma c. Pharmascience Inc. et al, 2009 CF 726).

 

[12]           En octobre 2009, le BMBL a informé la demanderesse qu’il n’avait pas changé d’avis à l’égard de la non-admissibilité du brevet 738 à l’adjonction au registre. Cependant, le BMBL a souligné que la Cour, dans Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 1171 (Bayer (2009)) était saisie d’une question similaire concernant l’interprétation de l’alinéa 4(2)b). Le BMBL a accordé à la demanderesse 30 jours à partir de la date à laquelle le jugement Bayer 2009 sera rendu pour présenter des observations supplémentaires.

 

[13]           La décision de la Cour dans Bayer (2009) a été rendue le 17 novembre 2009 par le juge Russell. La demanderesse a soumis des observations additionnelles au BMBL le 17 décembre 2009.

 

[14]           Après que le BMBL eut rendu sa décision définitive, la Cour d’appel fédérale a rejeté, dans des motifs prononcés à l’audience le 15 juin 2010, un appel interjeté à l’encontre de la décision du juge Russell « essentiellement pour les mêmes motifs que ceux qu’il a exposés » (Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2010 CAF 161).

 

II. Les dispositions législatives applicables

 

[15]           Le paragraphe 4(2) du Règlement prévoit ce qui suit :

4. (2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

a) une revendication de l’ingrédient médicinal, l’ingrédient ayant été approuvé par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

 

b) une revendication de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

 

4. (2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

 

(a) a claim for the medicinal ingredient and the medicinal ingredient has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(b) a claim for the formulation that contains the medicinal ingredient and the formulation has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

(d) a claim for the use of the medicinal ingredient, and the use has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission.

 

 

[16]           Le paragraphe 2 prévoit notamment :

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

[…]

 

« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée.

 

2. In these Regulations,

 

 

“claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation;

 

“claim for the formulation” means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non-medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form;

 

 

[17]           D’autres dispositions législatives pertinentes à la présente décision sont énoncées à l’annexe A.

 

III.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[18]           Le 5 février 2010, le BMBL a rendu sa décision finale en déclarant que le brevet 738 n’était pas admissible à l’adjonction au registre en liaison avec TARGIN.

 

[19]           En ce qui concerne la revendication de la demanderesse à l’égard de la formulation, le BMBL a souligné que la demanderesse n’avait formulé aucune observation additionnelle à la suite de la décision préliminaire rendue par le BMBL en octobre 2009. Par conséquent, le BMBL a tout simplement renvoyé la demanderesse aux motifs de cette décision préliminaire. Dans cette décision, le BMBL a déclaré que [traduction] « pour être admissible à l’adjonction au registre des brevets en vertu de l’alinéa 4(2)b), un brevet doit contenir une revendication de la formulation qui comprend tous les ingrédients médicinaux » qui sont inclus dans la formulation approuvée par la délivrance d’un ADC. Compte tenu que la revendication 3 du brevet 738 ne fait pas mention du naloxone au titre d’ingrédient médicinal, celui-ci n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets en liaison avec TARGIN.

 

[20]           Dans le même ordre d’idée, en ce qui concerne la revendication de la forme posologique, le BMBL a souligné que [traduction] « la revendication 5 […] semble ne porter que sur une formulation qui ne contient que de l’oxycodone comme ingrédient médicinal ». Toutefois, le BMBL est d’avis que :

 

[traduction]

[…] afin d’être admissible, en vertu de l’alinéa 4(2)c), à l’adjonction au registre des brevets relativement à un composé (un médicament contenant plusieurs ingrédients médicinaux), un brevet doit comprendre une revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

[21]           De plus, le BMBL a ajouté ceci :

[traduction]

 

[…] une formulation contenant un seul ingrédient médicinal doit différer d’une formulation qui compte plusieurs ingrédients médicinaux. Un brevet contenant des revendications de la forme posologique permettant d’administrer une formulation donnée ne peut « équivaloir » à la forme posologique approuvée sauf si les deux formulations comprennent explicitement les mêmes ingrédients médicinaux.

 

[22]           Ensuite, le BMBL a rejeté l’observation de la demanderesse selon laquelle le terme anglais « comprising » (comprenant) utilisé dans le brevet 738 n’est pas limitatif, et que le naloxone peut être jugé comme étant visé par le brevet. Le BMBL a conclu ceci : [traduction] « La conclusion selon laquelle un nombre illimité d’autres ingrédients médicinaux peuvent être considérés comme étant visés par le brevet 738 étaye le point de vue selon lequel le brevet ne satisfait pas aux exigences relatives à la spécificité du produit énoncées à l’article 4 ».

 

[23]           À l’égard de cette dernière question, le BMBL a mentionné que, dans Bayer (2009), le juge Russell a reconnu que, en l’absence de spécificité du produit, le brevet en question pourrait être inscrit au registre pour toute formulation contenant de l’éthinylestradiol, contrairement à l’objet de l’article 4 du Règlement.

 

[24]           Le BMBL a ensuite mentionné que le juge Russell a fait une distinction entre les exigences relatives à la spécificité du produit prévues par le Règlement et la prévention d’une contrefaçon de brevet. Le BMBL a souligné que, au paragraphe 89 de sa décision, le juge Russell a affirmé ce qui suit :

 

À mon avis, la demanderesse voudrait que la Cour assimile la spécificité selon le Règlement à la contrefaçon de brevet. D’après mon interprétation du REIR [résumé de l’étude d’impact de la réglementation], ce n’est pas là ce que veut dire la spécificité, et il est pleinement admis que tous les brevets ne seront pas protégés et que certains d’entre eux seront sans doute contrefaits.

 

IV. Les questions en litige

 

[25]           Dans sa correspondance avec le BMBL, la demanderesse affirmait que le brevet 738 comprenait des revendications de la formulation et de la forme posologique de TARGIN, et ce, au sens du Règlement.

 

[26]           Cependant, à la suite de la décision Bayer (2009), la demanderesse ne conteste plus le rejet par le BMBL de son point de vue selon lequel la revendication 3 du brevet 738 comprend une revendication de la formulation de TARGIN qui a été approuvée par la délivrance d’un ADC.

 

[27]           Par conséquent, la seule question de fond consiste à déterminer si le BMBL a commis une erreur en concluant que le brevet 738 était inadmissible à l’adjonction au registre des brevets en liaison avec les formes posologiques de TARGIN visées par l’ADC.

 

[28]           Les défendeurs ont aussi soulevé une question d’équité procédurale quant à deux éléments de preuve présentés par la demanderesse dans la présente instance, à savoir (i) un affidavit souscrit par le Dr Roland Bodmeier (l’affidavit Bodmeier) et (ii) une pièce relative au contre-interrogatoire de Elsa Marie Thompson (la transcription Maillé).

 

V. La norme de contrôle

 

[29]           Dans Abbott Laboratories Ltd c. Canada (Procureur général du Canada), 2008 CAF 354, aux paragraphes 29 à 32, la Cour a souscrit au point de vue selon lequel la décision du ministre relativement à la question de savoir si un brevet est admissible à l’adjonction au registre des brevets comprend trois questions. Dans le contexte de l’alinéa 4(2)c) du Règlement, les questions peuvent être reformulées comme suit :

 

i.                     Quelle est la forme posologique revendiquée par le brevet?

ii.                   Quelle est la forme posologique approuvée par l’ADC existant?

iii.                  La forme posologique approuvée par l’ADC existant est-elle visée par le brevet 738?

 

[30]           La Cour a conclu que, (i) la première question est une question de droit contrôlable selon la norme de la décision correcte, que (ii) la deuxième question est une question de fait contrôlable selon la norme de la décision raisonnable et que (iii) la troisième question est une question mixte de fait et de droit, la question de fait étant contrôlable selon la norme de la décision raisonnable et la question de droit, selon la norme de la décision correcte. En l’espèce, le volet question de droit de la troisième question a trait à l’interprétation appropriée de l’alinéa 4(2)c) du Règlement.

 

[31]           L’approche décrite dans le paragraphe précédent est celle dont je vais me servir pour examiner les questions soulevées dans la présente demande. En bref, la décision du BMBL sera confirmée sauf si elle est fondée sur une mauvaise interprétation de la revendication 5, une mauvaise interprétation de l’alinéa 4(2)c) du Règlement, une conclusion déraisonnable quant à la forme posologique approuvée de TARGIN, ou une conclusion déraisonnable quant à la question de savoir si la forme posologique approuvée de TARGIN est visée par le brevet 738 (G.D. Searle & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CAF 35, au paragraphe 36).

 

VI. Analyse

 

A. L’affidavit Bodmeier et la transcription Maillé

 

[32]           Le BMBL n’était pas saisi de ces éléments de preuve. Par conséquent, ils ne seraient ordinairement pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Cependant, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire requiert une décision sur un point d’interprétation d’un brevet, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’admettre des éléments de preuve qui pourraient lui être utiles à cet égard (Abbott Laboratories, précité, au paragraphe 39).

 

[33]           À mon avis, aucun des deux documents n’est particulièrement utile.

 

[34]           L’affidavit Bodmeier consiste en douze paragraphes d’introduction suivis d’un paragraphe de développement dans lequel le Dr Bodmeier affirme tout simplement qu’il a analysé les opinions, les commentaires et les observations du Dr Cartilier et qu’il souscrit entièrement à ceux‑ci.

 

[35]           Quant à la transcription Maillé, il s’agissait d’une pièce relative au contre-interrogatoire d'Elsa Marie Thompson, une parajuriste qui accomplissait des tâches de nature cléricale au BMBL. La pièce était jointe à un affidavit déposé dans une autre instance et auquel étaient joints l’avis de demande et la transcription Maillé déposés dans une troisième instance. Dans la brève discussion qui a eu lieu durant l’instance que j’ai présidée, il était évident pour moi qu’il n’y avait que peu, ou pas, d’éléments qui permettraient de trancher les questions susmentionnées.

 

[36]           Par conséquent, je souscris à l’avis du défendeur selon lequel l’affidavit Bodmeier et la transcription Maillé ne doivent pas être admis en preuve dans la présente instance.

 

            B. Quelle forme posologique est réclamée par le brevet 738?

 

[37]           Le brevet 738 revendique expressément l’« oxycodone, ou l’un de ses sels » dans la revendication de la forme posologique énoncée dans la revendication 5.

 

[38]           La demanderesse soutient que le terme anglais « comprising » (comprenant) utilisé dans la revendication 5 signifie que des ingrédients médicinaux et non médicinaux qui ne sont pas explicitement mentionnés peuvent être visés par la revendication, sauf s’ils ont été expressément exclus. Le Dr Cartilier, une personne versée dans l’art, a souscrit à cette interprétation. Le défendeur n’a présenté aucun élément de preuve  émanant d’une personne versée dans l’art.

 

[39]           L’interprétation des brevets est une tâche qui incombe à la Cour. Celle-ci « peut au besoin recourir à des experts pour obtenir des explications sur le sens de mots et d’expressions ainsi que sur certaines questions scientifiques et le contexte » (Abbott Laboratories Ltd c. Canada (Procureur général), 2008 CF 700, au paragraphe 16).

 

[40]           Afin de s’acquitter de cette tâche, il est important et approprié d’adopter une « interprétation téléologique » pour « décrire ce qui, selon l’inventeur, constitu[e] les éléments “essentiels” de son invention » (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 45). À cet égard, l’interprétation téléologique peut « avoir deux effets différents »; elle est susceptible d’élargir ou de limiter la portée d’un texte (Whirlpool, précité, à l’alinéa 49h)).

 

[41]           La demanderesse affirme que la présence du naloxone, qui n’est pas exclu de la revendication 5, dans TARGIN ne change pas le fait que la forme posologique de TARGIN est visée par la revendication 5. De manière plus générale, la demanderesse affirme ceci : [traduction] « Un produit contenant tous les ingrédients de la forme posologique décrite dans la revendication et un ou plusieurs ingrédients actifs sera visé par la revendication 5 tant que l’un de ces ingrédients actifs est l’oxycodone ou l’un de ses sels ».

 

[42]           La demanderesse ajoute que, afin d’interpréter la revendication 5 d’une manière qui n’englobe pas une forme posologique qui comprend du naloxone, la revendication 5 devrait être interprétée de manière différente à celle selon laquelle elle serait interprétée dans des cas d’évaluation de contrefaçon ou de validité (voir, par exemple, Pfizer Canada Inc. et al. c. Ratiopharm Inc. et al., 2010 CF 612, au paragraphe 75). La demanderesse affirme qu’agir de la sorte serait contraire à la remarque de la Cour suprême du Canada selon laquelle « une règle fondamentale d’interprétation des revendications a toujours voulu que les revendications reçoivent une seule et même interprétation à toutes les fins » (Whirlpool, précité, à l’alinéa 49b)).

 

[43]           La remarque précédente doit être considérée dans son contexte. Celui-ci était que la Cour hésitait à souscrire à un point de vue qui pouvait faire en sorte que l’interprétation des revendications, lorsqu’il est question de validité, soit différente de l’interprétation des brevets lorsqu’il est question de contrefaçon. À mon avis, la raison pour laquelle l’interprétation des brevets est faite en vertu de l’article 4 du Règlement est suffisamment particulière et suffisamment différente des autres raisons pour lesquels des brevets sont interprétés, qu’il est peu probable que la Cour ait voulu que ses remarques s’appliquent au premier contexte.

 

[44]           En résumé, le fait d’exiger que les brevets soient interprétés en vertu de l’article 4 de la même manière qu’ils seraient interprétés à toutes les autres fins pourrait sérieusement contrecarrer l’objectif principal des modifications de 2006 au Règlement. Comme décrit dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), publié en 2006 avec les modifications au Règlement, l’objectif était d’enraciner « le concept de la spécificité des produits en tant que principale considération exigée du ministre dans l’application des exigences relatives à l’inscription, prévues à l’article 4 du Règlement ». Ceci était jugé nécessaire afin « de rétablir la politique équilibrée qui sous-tend » le Règlement (REIR, à la page 1510) et qui a été perçue comme ayant été déformée par la jurisprudence qui semblait être « fondée sur l’opinion du tribunal selon laquelle l’objectif du Règlement était uniquement d’empêcher la contrefaçon de brevets » (REIR, à la page 1513; voir également G.D. Searle, précité, au paragraphe 15). Le REIR reconnaît expressément (à la page 1512) que :

 

[…] il peut y avoir des cas où un brevet qui n’est pas admissible à la protection du Règlement de liaison est finalement contrefait à la suite de l’arrivée d’un produit générique sur le marché. Toutefois, le gouvernement estime que dans le cas où le brevet ne respecterait pas les exigences susmentionnées, les intérêts de la politique sous-jacente font pencher la balance en faveur de l’approbation immédiate du produit générique et qu’il est préférable que la question soit tranchée au moyen d’une action en contrefaçon ordinaire.

 

[45]           À mon avis, l’extrait qui précède établit clairement que le fait qu’un innovateur ait investi du temps et de l’argent afin de tester son invention et de la faire approuver pour la vente est secondaire aux objectifs que l’on vise à atteindre en insérant la spécificité du produit dans le Règlement.

 

[46]           Dans une lettre datée du 26 octobre 2009 adressée à la demanderesse, le BMBL a fourni les éléments suivants pour étayer sa conclusion selon laquelle la forme posologique visée dans la revendication 5 se rapporte à une formulation dont le seul ingrédient médicinal actif est l’oxycodone :

[traduction]

 

Le point de vue du BMBL semble être étayé par de nombreux passages figurant dans le brevet. Par exemple, dans la divulgation, à la page 5, la ligne 29, sous le sous‑titre « Description détaillée », il est écrit ceci :

 

Il a maintenant été découvert, avec surprise, que la formulation d’oxycodone à dégagement progressif présentement revendiquée contrôle acceptablement la douleur de manière beaucoup plus limitée, une diminution par un facteur de quatre (dose de 10 à 40 mg à tous les 12 heures), chez 90 % des patients. Cette découverte contraste énormément avec le dosage octuple requis pour 90 % des patients lors de l’utilisation d’analgésiques opoïdes en général.

 

De plus, à la page 9, ligne 20, il écrit ce qui suit :

 

La présente forme posologique orale contient préférablement entre 1 et 500 mg, tout particulièrement entre 10 et 160 mg, de chlorhydrate d’oxycodone. Subsidiairement, la forme posologique peut contenir une quantité molaire équivalente de sels d’oxycodone ou de base d’oxycodone.

 

[47]           Je conviens que ces extraits du brevet 738 étayent le point de vue selon lequel la forme posologique visée par la revendication 5 a trait à une formulation (mélange d’ingrédients médicinaux et non médicinaux) contenant de l’oxycodone comme seul ingrédient médicinal. À mon avis, une interprétation téléologique de la revendication 5 et du brevet 738 dans leur intégralité étaye ce point de vue.

 

[48]           Comme l’a souligné le BMBL, ce point de vue est davantage étayé par la décision rendue par le juge Harrington dans le cadre d’une autre demande présentée par la demanderesse relativement au brevet 738, en liaison avec son médicament nommé OXYCONTIN (Purdue Pharma, précité). Au paragraphe 4 de cette décision, voici ce que le juge Harrington a dit :

Il suffit de dire que le brevet canadien 2,098,738 (brevet 738) de Purdue, qui revendique une nouvelle formulation d’oxycodone à libération contrôlée sur 12 heures et présente un profil pharmacocinétique particulier, figure sur la liste tenue par le ministre conformément à l’article 4 du [R]èglement. […]

 

En outre, le juge Harrington a souligné ceci au paragraphe 29 :

 

Le mémoire descriptif porte sur différentes formes posologiques orales solides contenant entre 10 et 160 mg d’oxycodone, ou l’un de ses sels, dans lesquelles la libération, après ingestion, est prolongée au moyen d’un enrobage ou d’une matrice ayant un effet retardateur. Un système matriciel se compose d’un ingrédient actif, dans le cas présent l’oxycodone, qui est libéré de façon uniforme à travers une matrice composée d’une matière inerte, érodable ou à gonflement contrôlé, généralement un polymère. Ce genre de système entraîne avec le temps certaines vitesses de dissolution in vitro et concentrations plasmatiques, « essentiellement indépendantes du pH ».

 

 

Il faut également souligner que le point de vue de la demanderesse a été décrit comme suit par le juge Harrington au paragraphe 24 :

 

Selon Purdue, le mémoire descriptif du brevet divulgue une invention comportant trois éléments primaires : 1) le choix de l’oxycodone comme ingrédient actif d’un produit devant être utilisé dans le traitement de douleur modérée ou intense; 2) le choix d’un profil pharmacocinétique précis; et 3) la conception de formulations qui résulteraient en un profil de la nature de celui recherché (libération contrôlée sur 12 heures) […]

 

[49]           En conclusion, je juge que le BMBL a conclu à juste titre que la forme posologique visée par la revendication 5 a trait à une formulation dont l’oxycodone est le seul ingrédient médicinal, et que, aux fins du Règlement, le naloxone n’est pas visé par la revendication 5. Une interprétation de la revendication 5 selon laquelle un nombre potentiellement illimité d’autres ingrédients médicinaux non mentionnés sont visés par cette revendication est incompatible avec l’exigence de spécificité du produit qui a été inscrite dans l’article 4 du Règlement à la suite des modifications de 2006. Une telle interprétation inciterait « la Cour [à assimiler] la spécificité selon le Règlement à la contrefaçon de brevet » (Bayer (2009), au paragraphe 89). Cette interprétation doit donc être rejetée (Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 244, paragraphes 47 à 50; G.D. Searle, précité, paragraphe 48).

 

            C. Quelle est la forme posologique approuvée par l’ADC?

 

[50]           La demanderesse affirme que la forme posologique approuvée par l’ADC délivré en décembre 2009 relativement à TARGIN était un « comprimé à libération contrôlée ». Cette affirmation soulève la question de savoir quel est le contenu des comprimés à libération contrôlée qui ont été approuvés.

 

[51]           Comme on le verra à la prochaine section des présents motifs, selon l’article 2 du Règlement, « revendication de la forme posologique » s’entend de « [r]evendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation ». À mon avis, cette définition indique clairement qu’une forme posologique ne peut pas uniquement consister en un mécanisme de libération tel qu’un comprimé à libération contrôlée. Elle doit plutôt consister en un mécanisme de libération pour une drogue ou une formulation d’une drogue. Dans le cas de TARGIN, la forme posologique approuvée consiste en un comprimé à libération contrôlée pour l’administration de concentrations précises d’une formulation contenant à la fois de l’oxycodone et à la fois du naloxone.

 

[52]           Cette interprétation concorde avec la description qui figure dans le tableau intitulé [traduction] « Renseignements sommaires sur le produit », à la page 3 de la monographie de produit de TARGIN, datée du 19 mai 2009. Sous la rubrique [traduction] « Forme posologique/Concentration », on peut lire ce qui suit :

 

Comprimés à libération contrôlée

 

10 mg chlorhydrate d’oxycodone/

5 mg chlorhydrate de naloxone

 

20 mg chlorhydrate d’oxycodone/

10 mg chlorhydrate de naloxone

 

40 mg chlorhydrate d’oxycodone/

20 mg chlorhydrate de naloxone

 

[53]           À mon avis il était tout à fait justifié, et, quoi qu’il en soit, il n’était pas déraisonnable pour le BMBL de conclure implicitement que la forme posologique de TARGIN qui a été approuvée consiste en un comprimé à libération contrôlée pour l’administration de concentrations précises d’une formulation contenant à la fois de l’oxycodone et à la fois du naloxone.

 

            D. Est-ce que la forme posologique qui a été approuvée par la délivrance d’un ADC est

    visée par le brevet 738?

 

[54]           Comme je l’ai souligné au paragraphe 30, cette question est une question mixte de fait et de droit. La question de droit concerne l’interprétation appropriée de l’alinéa 4(2)c) du Règlement. La question de fait consiste à savoir si, compte tenu de cette interprétation, on peut affirmer que la forme posologique de TARGIN est visée par le brevet 738.

 

[55]           Dans sa décision finale dans laquelle il a conclu que le brevet 738 n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets en liaison avec TARGIN, le BMBL a décidé que [traduction] « l’admissibilité d’un brevet à l’adjonction au registre sur le fondement d’une revendication d’une forme posologique au sens de l’alinéa 4(2)c) doit tenir compte de l’exigence de la spécificité du produit ». En se basant sur cette affirmation, le BMBL a conclu ceci :

 

[traduction]

Afin d’être admissible, en vertu de l’alinéa 4(2)c), à l’adjonction au registre en liaison avec une drogue combinée (une drogue qui a plusieurs ingrédients médicinaux), un brevet doit contenir une revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer tous les ingrédients médicinaux d’une drogue ou de la formulation de celle‑ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

[56]           Pour arriver à sa conclusion, le BMBL a suivi le raisonnement du juge Russell dans Bayer (2009). Dans cette affaire, le juge Russell a rejeté l’argument selon lequel les mots « contenant l’ingrédient médicinal » de l’alinéa 4(2)b) du Règlement exigent tout simplement que la revendication de brevet comprenne a) l’ingrédient médicinal, sans mentionner explicitement cet ingrédient et b) un, mais pas nécessairement tous, des ingrédients médicinaux de la formulation approuvée. À cet égard, il a mentionné, au paragraphe 71, que le paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation dispose que « [l]e pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité » de telle sorte qu’il n’y a rien de fautif à lire l’expression « l’ingrédient médicinal », dans l’alinéa 4(2)b) du Règlement, comme si c’était l’expression « les ingrédients médicinaux ». Gardant cela à l’esprit, il a conclu, au paragraphe 71 :

 

[…] ce serait fausser le sens courant et ordinaire des mots « l’ingrédient médicinal » que d’affirmer qu’ils signifient « l’un des ingrédients médicinaux » qui ont été approuvés, et cela, parce que c’est la formulation qui doit avoir été approuvée, et la formulation dont il s’agit ici contient un mélange de deux ingrédients médicinaux.

 

[57]           La demanderesse souligne que la décision Bayer (2009) traite de l’alinéa 4(2)b) plutôt que de l’alinéa 4(2)c), et affirme que le BMBL a commis une erreur en ne tenant pas compte de la différence entre les libellés de ces deux alinéas et de la différence entre les définitions de « revendication de la forme posologique » et « revendication de la formulation » à l’article 2 du Règlement. Se fondant sur le principe de l’interprétation législative selon lequel des mots différents devraient être interprétés comme ayant des sens différents, la demanderesse affirme que le gouverneur en conseil ne souhaitait pas que l’alinéa 4(2)c) aille le même sens que l’alinéa 4(2)b). Selon le point de vue de la demanderesse, il était inapproprié pour le BMBL d’exiger que la revendication de la forme posologique comprenne les deux ingrédients médicinaux de TARGIN.

 

[58]           La demanderesse affirme plutôt que, en ce qui concerne les revendications de la forme posologique au sens de l’alinéa 4(2)c), il suffit que la forme posologique ait été approuvée. À l’appui de son point de vue, la demanderesse prétend que le libellé de l’alinéa 4(2)c) est dépourvu d’exigences à l’égard de l’ingrédient médicinal.

 

[59]           Je ne peux pas souscrire à l’interprétation de l’alinéa 4(2)c) faite par la demanderesse.

 

[60]           L’article 2 définit le terme « revendication de la forme posologique » comme une « [r]evendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation. » Par conséquent, il ressort clairement de l’alinéa 4(2)c) qu’il n’est pas « dépourvu d’exigences à l’égard de l’ingrédient médicinal » comme le prétend la demanderesse.

 

[61]           À mon avis, lorsqu’ils sont lus conjointement, tout en gardant à l’esprit en tête le principe de la spécificité du produit qui a imprégné les modifications de 2006 au Règlement, l’alinéa 4(2)c) et l’article 2 exigent plus que la forme posologique en question ait été approuvée.

 

[62]           Il est implicite que les deux formes posologiques mentionnées à l’alinéa 4(2)c) sont des formes posologiques de quelque chose. Quant à la première de ces formes posologiques, à savoir la « revendication de la forme posologique », l’article 2 établit clairement que ce quelque chose est « un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle‑ci ». On peut en conclure que l’autre mention de la « forme posologique » à l’alinéa 4(2)c) renvoie également à « un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle‑ci ». Cette conclusion cadre avec le principe de base en matière d’interprétation des lois selon lequel les mêmes mots figurant dans la même loi doivent avoir le même sens (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e édition (Markham : LexisNexis, 2008) à la page 215).

 

[63]           À l’article 2, les mots « dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation » exige que l’ingrédient médicinal de la drogue ou la formulation de la drogue administré par le mécanisme de libération revendiqué soit compris dans la portée de la forme posologique dont il est question. En vertu du paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation, les mots « un ingrédient médicinal » et « cet ingrédient médicinal » peuvent être interprétés comme signifiant respectivement « des ingrédients médicinaux » et « ces ingrédients médicinaux ». En gardant à l’esprit le principe de la spécificité du produit, il s’ensuit que lorsqu’une revendication a été faite à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer les multiples ingrédients médicinaux d’une drogue ou la formulation de celle‑ci, la portée de revendication en question doit comprendre chacun de ces ingrédients médicinaux.

 

[64]           Comme il en a été question à la section VI. B des présents motifs, la forme posologique revendiquée par la revendication 5 du brevet 738 est un mécanisme de libération permettant d’administrer une formulation dont le seul ingrédient médicinal est l’oxycodone. Aux fins du Règlement, l’ingrédient médicinal naloxone, n’est pas visé par la revendication.

 

[65]           Cependant, la forme posologique approuvée de TARGIN est un mécanisme de libération permettant d’administrer une formulation contenant deux ingrédients médicinaux, soit l’oxycodone et le naloxone.

 

[66]           En résumé, la forme posologique revendiquée par la revendication 5 et la forme posologique qui a été approuvée par l’ADC délivrée à l’égard de TARGIN sont des mécanismes de libération permettant d’administrer deux formulations différentes (Bayer (2009), au paragraphe 64).

 

[67]           Par conséquent, à mon avis, aux fins du Règlement, les deux formes posologiques sont différentes. La tentative de la demanderesse d’adjoindre le brevet 738 au registre en liaison avec TARGIN ne réussira pas, car l’alinéa 4(2)c) exige clairement que la forme posologique revendiquée et la forme posologique approuvée soient les mêmes. Cela est clair en raison de l’utilisation de l’article défini « la » dans le membre de phrase « la forme posologique ayant été approuvée ».

 

[68]           Afin d’être admissible à l’adjonction au registre en vertu de l’alinéa 4(2)c) en liaison avec TARGIN, la forme posologique revendiquée dans la revendication 5 doit comprendre dans sa portée les deux ingrédients médicinaux compris dans la forme posologique approuvée de TARGIN.

 

[69]           Par conséquent, je conclus que le BMBL a correctement interprété l’alinéa 4(2)c) et l’article 2 du Règlement en déclarant que la forme posologique revendiquée dans la revendication 5 et la forme posologique qui a été approuvée par la délivrance d’un ADC à l’égard de TARGIN doivent être identiques.

 

[70]           Je conclus également que la conclusion du BMBL selon laquelle la forme posologique revendiquée dans la revendication 5 et la forme posologique approuvée par la délivrance d’un ADC à l’égard de TARGIN ne sont pas identiques était raisonnable. Selon moi, la conclusion du BMBL à cet égard est juste.

 

VII. Conclusion

 

[71]           La demande sera rejetée, avec dépens.


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

 

« Paul S. Crampton »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


ANNEXE A

 

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

[…]

 

« liste de brevets » Liste présentée aux termes du paragraphe 4(1).

 

[…]

 

« ministre » Le ministre de la Santé.

 

« première personne » La personne visée au paragraphe 4(1).

 

« registre » Le registre des brevets et des autres renseignements tenu par le ministre conformément au paragraphe 3(2).

 

« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

 

« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée.

 

 

 

3. (2) Le ministre tient un registre des brevets et des autres renseignements fournis aux termes de l’article 4. À cette fin, il peut refuser d’y ajouter, ou en supprimer, tout brevet ou tout autre renseignement qui n’est pas conforme aux exigences de cet article.

 

[…]

 

4. (1) La première personne qui dépose ou a déposé la présentation de drogue nouvelle ou le supplément à une présentation de drogue nouvelle peut présenter au ministre, pour adjonction au registre, une liste de brevets qui se rattache à la présentation ou au supplément.

 

(2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

a) une revendication de l’ingrédient médicinal, l’ingrédient ayant été approuvé par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

 

b) une revendication de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

 

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/93-133

 

2. In these Regulations,

 

 

“claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation;

 

“claim for the formulation” means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non-medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form;

 

[…]

 

“first person” means the person referred to in subsection 4(1);

 

[…]

 

“Minister” means the Minister of Health;

 

[…]

 

 

“patent list” means a list submitted under subsection 4(1);

 

“register” means the register of patents and other information maintained by the Minister in accordance with subsection 3(2);

 

3. (2) The Minister shall maintain a register of patents and other information submitted under section 4. To maintain the register, the Minister may refuse to add or may delete any patent or other information that does not meet the requirements of that section.

 

[…]

 

4. (1) A first person who files or who has filed a new drug submission or a supplement to a new drug submission may submit to the Minister a patent list in relation to the submission or supplement for addition to the register.

 

 

(2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

 

(a) a claim for the medicinal ingredient and the medicinal ingredient has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(b) a claim for the formulation that contains the medicinal ingredient and the formulation has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

(d) a claim for the use of the medicinal ingredient, and the use has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission.

 

 

 

 

 

Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21

 

Nombre grammatical

 

33. (2) Le pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité.

Interpretation Act, R.S.C. 1985, c. I-21

 

Number

 

33. (2) Words in the singular include the plural, and words in the plural include the singular.


COUR FÉDERALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-248-10

 

INTITULÉ :                                       PURDUE PHARMA c. LE PROCUREUR

                                                            GÉNÉRAL DU CANADA et al

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 JUIN 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 8 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

James E. Mills

Beverley S. Moore

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Rick Woyiwada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Borden Ladner Gervais s.r.l., s.e.n.c.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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