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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100614

Dossier : T-1162-09

Référence : 2010 CF 642

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2010

En présence de madame la juge Hansen

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur (demandeur)

 

 

 

 

et

 

 

 

LA UNITED STATES STEEL CORPORATION ET

 U.S. STEEL CANADA INC.

 

demanderesses (défenderesses)

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]        La United States Steel Corporation et U.S. Steel Canada Inc. (U.S. Steel) contestent la validité de l’article 40 de la Loi sur Investissement Canada, L.R.C. 1985 (1er suppl.), ch.28 (la Loi) au motif qu’il enfreint l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, L.R.C. 1985.

 

Faits

[2]        Seule une brève analyse des faits est nécessaire pour les besoins de la présente requête. En septembre 2007, U.S. Steel a déposé une demande d’examen en vertu de la Loi afin que le ministre approuve l’investissement qu’elle se proposait de faire dans l’entreprise canadienne de Stelco Inc. située à Hamiton, ainsi que l’acquisition du contrôle de cette entreprise. À l’appui de la demande, U.S. Steel a fourni 31 engagements, dont deux se rapportant à l’emploi et au niveau de la production. Le ministre a approuvé l’acquisition le 29 octobre 2007.

 

[3]        Le 5 mai 2009, le ministre a envoyé à U.S. Steel une mise en demeure conformément à l’article 39 de la Loi pour l’aviser qu’elle violait les engagements en matière d’emploi et de production, et pour lui demander de mettre fin aux contraventions, de se conformer à la Loi, de démontrer que celle-ci n’a pas été violée ou de justifier tout défaut de conformité. Le ministre a informé U.S. Steel, après avoir reçu la réponse de cette dernière à la mise en demeure, qu’il n’en était pas satisfait. Le 17 juillet 2009, le procureur général du Canada a présenté, en application de l’article 40 de la Loi, une demande visant à obtenir une ordonnance enjoignant à U.S.Steel de respecter les deux engagements et lui infligeant une pénalité de 10 000 $ par jour par violation à partir du 1er novembre 2008 jusqu’à l’observation des engagements. U.S. Steel a ensuite déposé la présente requête.

 

Vue d’ensemble de la législation, des transactions faisant l’objet de l’examen et de la relation entre les parties

[4]        Il est utile de donner une vue d’ensemble de la législation et de faire quelques observations sur les types de transaction faisant l’objet de l’examen prévu par la Loi, ainsi que sur la relation entre le gouvernement et l’investisseur étranger, avant de procéder à l’examen des questions soulevées dans la présente requête.   

 

[5]        La Loi est entrée en vigueur en 1985. Elle a abrogé et remplacé la Loi sur l’examen de l’investissement étranger, L.C. 1973 -1974, ch. 46 (la LEIÉ). La Loi dispose que certains investissements effectués au Canada par des non-Canadiens ne peuvent l’être que si le ministre les a examinés et approuvés. Pour amorcer la procédure d’examen, l’investisseur non canadien est tenu de présenter une demande contenant l’information nécessaire. En outre, cet investisseur peut prendre des engagements écrits à l’appui de la demande. L’article 21 de la Loi prévoit que si, après avoir pris en considération les renseignements, engagements et observations qu’il a reçus en conformité avec l’article 19 et les facteurs énumérés à l’article 20 qui s’appliquent, le ministre est d’avis que l’investissement proposé « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada », il donne son approbation. Après la réalisation de l’investissement, le ministre peut le contrôler pour déterminer s’il est effectué conformément à la demande, ainsi qu’aux observations faites et aux engagements pris par l’investisseur non canadien à son égard. 

 

[6]        L’article 38 autorise le ministre à établir des principes directeurs et des notes explicatives sur l’application et l’administration de la Loi. Les principes directeurs établis par le ministre exposent les aspects procéduraux des étapes de la proposition et du contrôle. Les principes directeurs contiennent des renseignements sur les rencontres préliminaires, les représentations d’une tierce partie, la communication de renseignements durant le processus d’examen, la décision de savoir si l’investissement « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada », de même que le contrôle postérieur à l’approbation.  

 

[7]        Quant aux engagements, les principes directeurs encouragent les investisseurs à insérer dans leurs plans autant de détails que possible pour réduire la probabilité que les engagements doivent compléter les plans. Les principes directeurs indiquent aussi que des engagements peuvent néanmoins « aider à étayer un projet lorsque vient le moment de déterminer s’il y a un avantage net ». Pour ce qui est du contrôle, les principes directeurs disent qu’une évaluation du rendement sera normalement faite 18 mois suivant la réalisation de l’investissement.    

 

[8]        Selon l’article 39, lorsqu’il croit que l’investisseur non canadien a omis notamment de se conformer à tout engagement pris au moment de l’approbation, le ministre peut faire émettre à son intention une mise en demeure exigeant qu’il mette fin, à l’intérieur du délai qu’elle précise, à la contravention, de se conformer à la loi ou aux règlements ou de démontrer qu’ils n’ont pas été violés ou, dans le cas d’un engagement, de justifier le défaut ».

 

[9]        Une procédure fondée sur l’article 40 découle de la mise en demeure envoyée par le ministre en vertu de l’article 39. Cette procédure est engagée au moyen d’une demande adressée à une cour supérieure. Si, au terme de l’audience, la cour est convaincue que le ministre était fondé à envoyer la mise en demeure et que l’investisseur non canadien ne s’y est pas conformé, elle peut rendre l’ordonnance que justifient les circonstances, y compris l’une ou l’autre des ordonnances prévues au paragraphe 40(2). Plus précisément, pour les besoins de la présente requête, la cour peut infliger une pénalité maximale de 10 000 $ par violation pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se poursuit la contravention, et peut enjoindre à l’investisseur non canadien de se départir des intérêts avec droit de vote qu’il a acquis ou des actifs qu’il a acquis et qui sont ou ont été utilisés dans l’exploitation d’une entreprise canadienne.

 

[10]      D’après le paragraphe 40(3), une pénalité pécuniaire est une créance de Sa Majesté du chef du Canada dont le recouvrement peut être poursuivi devant une cour supérieure. Le paragraphe 40(4) prévoit que quiconque refuse ou omet de se conformer à une ordonnance visée au paragraphe (2) peut être puni pour outrage au tribunal par la cour qui a rendu l’ordonnance.

  

[11]      Dernièrement, aux termes de l’article 42, quiconque contrevient à l’article 36 ou fournit sciemment des renseignements faux ou trompeurs dans le cadre de la Loi ou de ses règlements est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

 

[12]      Les dispositions législatives applicables sont jointes aux présents motifs à titre d’annexe A pour en faciliter la consultation.

 

[13]      Laissant de côté pour l’instant les examens menés sur des investissements qui peuvent compromettre la sécurité nationale, la Loi s’applique aux investissements importants effectués par des non-Canadiens. En 2007, lorsque l’investissement en question dans la présente instance a été approuvé, la limite pour les investissements effectués par des non-Canadiens originaires de pays membres de l’Organisation mondiale du commerce était de 281 millions de dollars. La limite était de 5 millions de dollars pour les pays non membres de cette organisation. Il importe également de noter que les transactions faisant l’objet d’un examen sont des transactions privées comportant l’acquisition par des non‑Canadiens d’intérêts dans des entreprises canadiennes.  

 

[14]      Les engagements jouent un rôle important dans le régime législatif. Comme Richard Lajeunesse, gestionnaire de l’Examen des investissements chez Industrie Canada, l’a expliqué dans son affidavit, une demande d’approbation présentée en vertu de la Loi doit comprendre une description détaillée des projets de l’investisseur non canadien concernant l’entreprise acquise et faire explicitement mention des facteurs énumérés à l’article 20 dont le ministre doit tenir compte au moment de prendre une décision. Dans le cas des investissements importants, les investisseurs non canadiens prennent souvent des engagements quant à leurs projets pour l’entreprise canadienne qui traitent des facteurs énumérés à l’article 20, notamment le maintien des activités commerciales au Canada, la participation de Canadiens dans l’entreprise et l’emploi de Canadiens. Ces engagements sont censés démontrer que l’investissement sera effectué d’une manière qui « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada ».

 

[15]      Lors de l’audience, les deux parties ont mentionné que, selon la Loi, la relation entre l’investisseur non canadien et le gouvernement, surtout en ce qui a trait aux engagements, est analogue à une relation contractuelle. Il n’est pas nécessaire, pour les besoins de la présente requête, de statuer sur la nature juridique de la relation entre le gouvernement et l’investisseur non canadien. Il suffit de faire remarquer que les parties s’entendent sur le fait que les engagements rédigés par cet investisseur et communiqués au gouvernement à l’appui de la demande d’approbation sont exécutoires.  

 

La Charte

[16]      La première question est de savoir si l’alinéa 11d) de la Charte s’applique à une procédure engagée en application de l’article 40 de la Loi.  Cet alinéa se lit comme suit :

           

11. Tout inculpé a le droit :

 

 

d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;

11.  Any person charged with an offence has the right

 

d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;

 

           

[17]      Puisque l’alinéa 11d) s’applique seulement à un « inculpé », U.S. Steel doit établir qu’une personne ou société contre qui une procédure visée à l’article 40 a été engagée est un « inculpé ». Les parties conviennent que, pour ce faire, U.S. Steel doit démontrer qu’elle répond à l’un des deux volets du critère formulé dans R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541.  Dans Wigglesworth,  la juge Wilson a dit que l’alinéa 11d) s’applique dans une affaire qui, de par sa nature même, est une procédure criminelle ou comporte l’imposition de conséquences véritablement pénales.

 

[18]      La première question à résoudre est de savoir si une procédure visée à l’article 40 est, de par sa nature même, pénale. La juge Wilson a donné les explications suivantes dans Wigglesworth, au paragraphe 23 :  

            À mon avis, si une affaire en particulier est de nature publique et vise à promouvoir l’ordre et le bien-être publics dans une sphère d’activité publique, alors cette affaire est du genre de celles qui relèvent de l’art. 11. Elle relève de cet article de par sa nature même. Il faut distinguer cela d’avec les affaires privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l’intégrité professionnelle ainsi que certaines normes   professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d’activité privée et limitée […] Les procédures de nature administrative engagées pour protéger le public conformément à la politique générale d’une loi ne sont pas non plus du genre de procédures relatives à une « infraction », auxquelles s’applique l’art. 11 […] [renvois omis]

 

 

[19]      Dans Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737, aux paragraphes 21 et 22, le juge Fish a fait écho à l’observation de la juge Wilson en disant que, « lorsqu’une affaire est de nature publique et vise à promouvoir l’ordre et le bien-être publics dans une sphère d’activité publique, alors, de par sa nature même, elle relève de l’art. 11 de la Charte ». Il a aussi mis en contraste les procédures de ce genre et les « procédures de nature administrative – privées, internes ou disciplinaires – engagées pour protéger le public conformément à la politique générale d’une loi » qui ne sont pas de nature pénale. Au paragraphe 24, le juge Fish a expliqué qu’il faut établir la nature d’une procédure en se fondant sur trois critères : 1) les objectifs de la Loi et de sa disposition pertinente; 2) le but visé par la sanction; 3) le processus menant à la sanction.

 

[20]      U. S. Steel reconnaît qu’elle se fonde principalement sur le second volet du critère énoncé dans Wigglesworth, mais elle prétend avoir aussi répondu au premier volet du critère.

 

[21]      U. S. Steel soutient que les cinq facteurs suivants font clairement tomber l’article 40 sous le coup du critère énoncé dans Wigglesworth : 1) l’objet de la loi est de nature publique, et non privée; 2) l’amende est considérable; 3) l’omission de payer la pénalité mène à une procédure pour outrage au tribunal et est punissable d’une peine d’emprisonnement; 4) la pénalité est versée au Trésor, et non à un organisme interne pour contrôler ou réglementer une sphère d’activité interne ou privée; 5) les pénalités sont infligées par une cour, et non un organisme de réglementation.

 

[22]      Plus précisément, U.S. Steel soutient, en ce qui concerne le volet « nature » du critère, que la Loi est de nature publique plutôt que privée. La Loi a pour effet de créer l’infraction de non-respect d’une mise en demeure, infraction qui peut faire l’objet de plusieurs pénalités, dont une amende. U.S. Steel prétend qu’eu égard à l’objet de la loi qui figure à son article 2, aux facteurs énumérés à l’article 20 que le ministre doit prendre en considération, ainsi qu’au critère « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada », la Loi ne vise pas à réglementer une sphère précise d’activité privée. Elle a plutôt pour objet de favoriser l’ordre public et le bien-être public dans une sphère d’activité publique.

 

[23]      U.S. Steel souligne que la description type des affaires comme étant « privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l’intégrité professionnelle ainsi que certaines normes   professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d’activité privée et limitée » ne touche pas la Loi.

 

[24]      U.S. Steel prétend que la nature publique de la Loi ressort également de la modification apportée en 2009 à son objet, modification qui a inséré la reconnaissance de « l’importance de préserver la sécurité nationale ». U.S. Steel souligne également que, selon la Loi, les engagements d’un investisseur non canadien sont pris envers le gouvernement, et non un organisme de réglementation. D’après U.S. Steel, le régime législatif régit les agents économiques du secteur privé, mais les dispositions susmentionnées révèlent la nature publique de la Loi.

 

[25]      U.S. Steel prétend que la Loi présente plusieurs caractéristiques qui la distinguent d’une loi ordinaire réglementant une activité privée. Toujours selon U.S. Steel, l’activité réglementée par la Loi est définie de manière arbitraire. Plus précisément, la Loi ne s’applique pas à certains investissements effectués par des non‑Canadiens; elle s’applique seulement aux investissements supérieurs à cinq millions de dollars. À cet égard, il ne s’agit pas de la réglementation habituelle d’une activité privée où une sphère précise de conduite est réglementée de manière illimitée compte tenu de l’ampleur de l’activité en question. La Loi est aussi atypique sur un autre plan, en ce qu’elle prévoit seulement une période de contrôle temporaire, et non pas la réglementation permanente de l’activité à laquelle elle s’applique.    

 

[26]      U.S. Steel fait aussi valoir que d’autres caractéristiques de la Loi montrent la nature pénale de l’article 40. En effet, bien qu’un grand nombre de textes législatifs prévoient des mécanismes civils et criminels d’application de la loi, dans la plupart des cas, les pénalités infligées dans le cadre du système pénal sont plus lourdes que celles infligées dans le contexte du système administratif. Toutefois, les pénalités prévues à l’article 40 de la Loi dépassent largement celles qui peuvent être imposées pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. De plus, contrairement à ce que prévoit l’article 40, les pénalités imposées dans le cadre d’une procédure administrative comportent une limite et ne comprennent pas l’emprisonnement. U.S. Steel ajoute qu’aucun « recours à un tribunal » n’est prescrit à cet article. L’affaire est plutôt renvoyée directement à une cour. Enfin, U.S. Steel fait remarquer qu’aucune des mesures de redressement habituelles en matière civile comme les dommages-intérêts, l’indemnisation ou la restitution ne figurent dans la Loi.

 

[27]      U.S. Steel soutient également que, même si l’article 40 ne répond pas au premier volet du critère énoncé dans Wigglesworth, la pénalité pécuniaire susceptible d’être infligé en vertu de cette disposition est une véritable conséquence pénale qui nécessite la protection de l’alinéa 11d). U.S. Steel maintient tout particulièrement que l’importance elle-même de la pénalité pécuniaire qui peut être infligée en vertu de l’article 40 est suffisante pour faire tomber la pénalité sous le coup du second volet du critère énoncé dans Wigglesworth. U.S. Steel conteste l’argument du procureur général qu’une véritable conséquence pénale comporte deux éléments, et fait valoir que cet argument ne s’accorde pas avec la décision de la juge Wilson dans Wigglesworth. En particulier, U.S. Steel soutient que la juge Wilson n’a pas créé un double critère nécessitant une amende suffisamment élevée et que l’amende est imposée pour redresser un tort causé à la société. En effet, la juge Wilson n’a pas parlé, au paragraphe 24, d’une amende qui, par son importance, est imposée pour redresser un tort causé à la société. Elle a plutôt parlé d’« une amende qui par son importance semblerait imposée […] ».  C’est l’amende qui, par son importance, mène à la conclusion qu’elle est imposée pour redresser le tort. U.S. Steel maintient qu’il faut déduire l’objet de l’amende de son importance. Par conséquent, l’importance de l’amende est la question cruciale.

 

[28]      U.S. Steel soutient que son interprétation est aussi confirmée par l’observation de la juge Wilson «  que si un organisme ou une personne responsable détient un pouvoir illimité d’imposer des amendes et s’il n’accorde pas les droits énumérés à l’art. 11, il ne peut imposer des amendes destinées à réparer le tort causé à la société en général ». D’après U.S. Steel, cette affirmation révèle clairement qu’on peut inférer de l’ampleur de la pénalité qu’elle est infligée pour redresser un tort causé à la société en général.

 

[29]      U.S. Steel soutient que, lorsqu’on lit objectivement la loi, la pénalité pécuniaire susceptible d’être infligée en vertu de l’article 40 est tellement élevée qu’elle ne peut avoir d’autre objet que de redresser un tort causé à la société en général. En termes simples, la pénalité vise à punir.

 

[30]      U.S. Steel soutient également qu’il y a deux indices principaux de l’objet d’une pénalité. La considération clé est de savoir si la pénalité se rapporte d’une façon ou d’une autre à l’activité réglementée ou si elle a un lien mathématique avec cette activité. Selon U.S. Steel, lorsqu’une pénalité pécuniaire, comme celle en l’espèce, n’a aucun lien avec la gravité de la violation, et qu’il n’y a aucun rapport entre la pénalité et les dommages ou l’indemnisation, alors la pénalité doit avoir pour objet de redresser le tort causé à la société et de punir le responsable. L’autre considération clé tient au fait que, selon la Loi, la pénalité est versée au Trésor et Investissement Canada n’en bénéficie pas.

 

[31]      U.S. Steel soutient que d’autres indices montrent également que la pénalité pécuniaire visée à l’article 40 est une véritable conséquence pénale. La pénalité peut être infligée pour chaque violation d’un engagement, et rien dans la Loi ne limite le montant total de la pénalité, peu importe le nombre de violations. Cette imposition quotidienne de la pénalité dénote un objectif de dissuasion du public et de dissuasion spécifique qui est compatible avec un objet d’ordre pénal. Une conclusion de non-respect d’une mise en demeure du ministre entraîne des conséquences de nature pénale qui sont bien plus graves que la pénalité que peut entraîner l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire dont il est question à l’article 42, et ce, sans que l’investisseur inculpé de l’infraction bénéficie d’une des garanties procédurales et fondamentales accordées par la Charte. En particulier, la pénalité pécuniaire quotidienne est le double de la somme totale qui peut être imposée pour une infraction punissable par procédure sommaire en vertu de l’article 42 de la Loi et, selon l’article 40, l’auteur de l’infraction s’expose à une peine d’emprisonnement. 

 

[32]      U.S. Steel prétend aussi que, suivant cet article, c’est une cour, et non un organisme de réglementation, qui impose la pénalité pécuniaire. D’après U.S. Steel, la loi transforme en fait la cour en un organisme de réglementation. Toutefois, la cour reste toujours un décideur et ne s’occupe jamais de réglementation. C’est seulement dans un contexte criminel ou quasi-criminel qu’une cour a compétence pour imposer une amende. U.S. Steel fait valoir qu’une pénalité est administrative parce qu’elle est imposée par un tribunal administratif. Le fait qu’une cour, et non un organisme de réglementation, impose la pénalité pécuniaire prescrite à l’article 40 montre également qu’il s’agit d’une véritable conséquence pénale.   

 

[33]      U.S. Steel soutient que, vu que les décisions sur lesquelles se fonde le procureur général, soit Lavallee c. Alberta (Securities Commission), 2009 ABQB 17; Commissaire de la concurrence c. Gestion Lebski Inc., 2006 Trib. de la conc. 32, et Martineau c. M.R.N. (2004), 192 C.C.C. (3d) 129 (C.S.C.), concernent toutes des affaires où des organismes de réglementation ont imposé les amendes en question, elles ne sont d’aucune utilité pour les besoins de la présente requête.

 

[34]      Par exemple, dans Lavallee, où la Securities Commission avait imposé une amende d’un million de dollars, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a conclu que les droits garantis par la Charte n’étaient pas en jeu parce que la Commission n’était pas habile à imposer une véritable conséquence pénale. Pour arriver à cette conclusion, la Cour du Banc de la Reine a tenu compte du fait que la loi prévoyait le montant maximal de la pénalité, que la pénalité avait été imposée par un tribunal administratif, et non une cour, et que la mission de la Securities Commission consiste à réglementer l’économie.   

 

[35]      Qui plus est, dans Lebski, une décision du Tribunal de la concurrence, c’est un tribunal administrative, et non une cour, qui a imposé la pénalité. U.S. Steel pose la question de pure forme qui suit : « Une amende imposée par une cour de justice peut-elle être autre chose qu’une véritable conséquence pénale? »

 

Analyse

[36]      En ce qui concerne le premier volet du critère énoncé dans Wigglesworth, tout particulièrement les objectifs de la Loi et l’article 40, l’objet de la Loi figure à l’article 2, qui se lit comme suit :

Étant donné les avantages que retire le Canada d’une augmentation du capital et de l’essor de la technologie et compte tenu de l’importance de préserver la sécurité nationale, la présente loi vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.

 

 

[37]      Les objectifs exprimés sont de deux ordres. Le premier consiste à établir une procédure pour examiner les investissements importants effectués au Canada par des non‑Canadiens qui encourage l’investissement étranger et contribue à la croissance de l’économie et à la création d’emplois au Canada. Le deuxième vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens qui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale. L’objet ultime de la Loi qui touche le premier objectif est de s’assurer que l’investissement proposé « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada ».  Le deuxième objectif, lui, se passe d’explication.

 

[38]      S’agissant de l’objectif de la procédure en question, soit une procédure engagée en vertu de l’article 40, il s’agit de la deuxième étape d’une procédure qui en compte deux. Comme je l’ai déjà expliqué, à la première étape dont il est question à l’article 39, la mise en demeure du ministre donne au non-Canadien l’occasion de démontrer pourquoi il n’y a pas eu contravention, de se conformer à la loi ou aux règlements, et de justifier le défaut de respecter des engagements. La mise en demeure du ministre avise aussi l’investisseur non canadien des conséquences qu’entraîne son inobservation. En outre, même si l’article 39.1 n’est entré en vigueur qu’en mars 2009, il prévoit que, si le ministre est d’avis que le non-Canadien a omis de se conformer à un engagement, le ministre peut, une fois l’investissement effectué, accepter un nouvel engagement du non‑Canadien.  

 

[39]      S’il est allégué que l’investisseur ne s’est pas conformé à une mise en demeure du ministre, ce dernier peut engager une procédure en application de l’article 40. La gamme des ordonnances que peut imposer la cour si elle est convaincue que le ministre était fondé à envoyer la mise en demeure et que celle-ci n’a pas été respectée comprend divers degrés et diverses formes de désinvestissements ainsi que des directives enjoignant à l’investisseur de se conformer à tout engagement. L’investisseur peut aussi être tenu de fournir les renseignements demandés par le ministre ou le directeur et se voir imposer une pénalité égale ou inférieure à 10 000 $ pour chacun des jours au cours desquels il contrevient à la Loi.

 

[40]      L’aspect clé de la Loi est la décision que l’investissement proposé « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada ». Cette décision repose sur la valeur des renseignements, des engagements et des observations de l’investisseur qui ont trait aux facteurs économiques généraux qui figurent à l’article 20. Si l’investissement n’est pas effectué en conformité avec le fondement de son approbation, surtout lorsque les engagements ne sont pas respectés, il y a risque d’entrave à l’atteinte de l’objet ultime de la Loi.

 

[41]      Lu dans le contexte des articles 39 et 39.1, et compte tenu des objectifs de la Loi et des types d’ordonnance qui peuvent être rendus en application de l’article 40, l’objectif d’une procédure engagée en vertu de cet article est d’assurer le respect des dispositions de la Loi et de tout engagement qui peut avoir été pris à l’appui de la demande d’approbation.   

 

[42]      Le second critère énoncé dans Martineau porte sur l’objet de la sanction. Plusieurs sanctions peuvent être imposées en vertu de l’article 40, mais la présente requête met l’accent sur la pénalité pécuniaire. Étant donné l’objet et les objectifs de la Loi, le rôle clé que les engagements jouent dans la procédure d’approbation et dans l’atteinte de ces objectifs, la possibilité de se conformer à la loi et aux règlements avant qu’une procédure soit engagée en application de l’article 40, ainsi que l’imposition de la pénalité pécuniaire « pour chaque jour de contravention », je conclus que la pénalité pécuniaire vise à favoriser et à assurer l’observation en temps opportun de tout engagement et des dispositions de la Loi. 

 

[43]      Quant au troisième critère, la procédure menant à l’imposition de la sanction en conformité avec la Loi est une demande présentée au nom du ministre devant une cour supérieure; il s’agit d’une procédure civile. Ce critère traduit l’intention du législateur d’assurer le respect des engagements et des dispositions de la Loi au moyen d’une procédure civile, et non pas d’une procédure criminelle.   

 

[44]      U.S. Steel insiste sur la nature publique de la Loi et le fait qu’elle vise à favoriser l’ordre et le bien-être publics dans une sphère d’activité publique. Il n’y a aucun doute que la Loi comporte un aspect public en ce qu’elle a pour objet d’encourager l’investissement, la croissance de l’économie et la création d’emplois au bénéfice des Canadiens et Canadiennes. Toutefois, il ne découle pas nécessairement de l’aspect public général de la Loi en soi que celle-ci, et tout particulièrement une procédure engagée en vertu de son article 40, visent à réglementer une sphère d’activité publique. À mon avis, une procédure de ce genre ne concerne pas une sphère d’activité publique. Comme je l’ai déjà dit, cette procédure est engagée dans le contexte d’une transaction privée prévoyant l’acquisition d’intérêts dans des entreprises canadiennes par des investisseurs privés. Une procédure engagée selon l’article 40 touche les renseignements, les observations et les engagements fournis par l’investisseur non canadien au gouvernement pour que celui-ci approuve un investissement privé. Dans le cadre d’une procédure de ce genre, l’investisseur n’a pas à rendre des comptes au public. Il est tenu de rendre des comptes au gouvernement pour le non-respect des engagements pris envers le gouvernement.  

 

[45]      De plus, mis à part l’affirmation qu’une procédure engagée en vertu de l’article 40 vise à promouvoir l’ordre et le bien-être publics, U.S. Steel n’a pas expliqué la raison pour laquelle l’activité réglementée touche ou menace l’ordre et le bien-être publics. J’accepte l’idée que cette procédure sert un objectif d’intérêt public, mais à mon avis, elle ne sert pas l’objectif d’intérêt public plus général de favoriser l’ordre et le bien‑être publics dans une sphère d’activité publique.

 

[46]      L’historique de la législation appuie également la conclusion qu’une procédure engagée en vertu de l’article 40 n’est pas de nature criminelle, contrairement à la procédure d’application prévue par la LEIÉ en cas de non-respect de celle-ci. À la réunion tenue le 5 février 1985 par le Comité permanent de l’expansion économique régionale, le ministre responsable, l’honorable Sinclair Stevens, a donné les explications suivantes :

 

De façon à assurer le respect de la loi, les articles 39 à 43 du projet de loi prévoient certaines sanctions. À l’encontre de la loi actuelle, le projet de loi C-15 prévoit des sanctions d’ordre civil, plutôt que criminel, pour le défaut de se conformer à la loi. Il n’y a qu’une exception : des sanctions criminelles sont prévues pour bris de confidentialité ou faux renseignements […]

In order to ensure compliance with the proposed act, sections 39 to 43 of the bill provide for certain penalties but, contrary to the current legislation, Bill C-15 prescribes civil, as opposed to criminal penalties for non-compliance.  There is only one exception.  There is a criminal penalty for breach of confidentiality or the provision of false information. …

 

On peut donc constater qu’au moment de mettre en œuvre la Loi, le législateur avait l’intention d’établir un mécanisme d’application et des sanctions d’ordre civil pour réprimer l’omission de se conformer à la loi. 

 

[47]      Il convient à ce stade-ci de faire quelques remarques sur le second objectif de la Loi : veiller à ce que les investissements proposés ne portent pas atteinte à la sécurité nationale. U.S. Steel se fonde sur la reconnaissance de l’importance de la sécurité nationale pour démontrer le caractère public de la Loi. De toute évidence, la sécurité nationale est une question d’intérêt public. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, il ne découle pas nécessairement de cette composante générale d’intérêt public que la Loi et une procédure engagée en vertu de l’article 40 sont de nature criminelle. À mon avis, les dispositions de la Loi concernant la sécurité nationale visent à empêcher des investissements qui risquent de compromettre la sécurité nationale, et elles contribuent en ce sens à l’atteinte de l’objet de la Loi.            

 

[48]      U.S. Steel soutient également que la nature criminelle de la procédure engagée en vertu de l’article 40 ressort aussi du fait que l’article 40 figure dans la partie VII de la Loi, sous la rubrique qui a pour titre en anglais « Remedies, Offences and Punishment ». Je ne suis pas convaincue que cette prétention étaye la position de U.S. Steel, vu que la rubrique comprend le mot « remedies », et non pas seulement « offences and punishment ». De plus, l’article 42, qui figure dans la même partie de la Loi, crée deux infractions punissables par déclaration sommaire de culpabilité.

             

[49]      Durant son argumentation, U.S. Steel a comparé et opposé la Loi et d’autres lois dans le but de démontrer que la Loi se distingue d’autres lois de réglementation ou lois mettant l’accent sur des questions privées, internes ou disciplinaires qui ne sont pas de nature pénale. J’estime que cette approche n’est pas très utile compte tenu du caractère unique de la Loi. Comme la juge McLachlin (maintenant juge en chef) l’a affirmé dans R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3, à la page 18, « la logique de l’arrêt R. c. Wigglesworth consiste à procéder, non pas à une analyse fondée sur la catégorie, mais à l’application des principes généraux qui y sont énoncés ».

 

[50]      Étant donné les considérations susmentionnées, je conclus qu’une procédure engagée en application de l’article 40 n’est pas, de par sa nature, d’ordre criminel.

 

[51]      Bien qu’à mon avis, il ne s’agisse pas du genre d’affaire censée tomber sous le coup de l’article 11 de la Charte, cet article peut tout de même entrer en jeu si la présente affaire comporte l’imposition d’une véritable conséquence pénale. Dans Wigglesworth, au paragraphe 24, la juge Wilson a décrit en ces termes ce qu’est une véritable conséquence pénale :

            Cela ne veut pas dire que la personne accusée d’une affaire privée, domestique ou disciplinaire qui est principalement destine à maintenir la discipline, l’intégrité ou à réglementer une conduite dans une sphère d’activité privée et limitée, ne peut jamais posséder les droits que garantit l’art. 11. Certaines de ces affaires peuvent très bien relever de l’art. 11, non parce qu’il s’agit du genre d’affaires classiques destinées à relever de l’article, mais parce qu’elles comportent l’imposition de véritables conséquences pénales. À mon avis, une véritable conséquence pénale qui entraînerait l’application de l’art. 11 est l’emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée.  

 

 

[52]      Comme je l’ai signalé ci-dessus, U.S. Steel prétend que l’importance de la pénalité pécuniaire est suffisante en soi pour faire intervenir l’alinéa 11d) de la Charte.   U.S. Steel qualifie d’« amende King Kong » la pénalité pécuniaire susceptible d’être imposée selon l’article 40, et soutient que l’importance de cette amende est si grande que celle-ci peut seulement être considérée comme une véritable conséquence pénale. Cette affirmation soulève plusieurs questions. La première est de savoir si l’interprétation donnée par U.S. Steel au second volet du critère est correcte. Tel que je l’ai expliqué plus tôt, U.S. Steel soutient que l’amende, de par son importance, mène à la conclusion qu’elle est imposée dans le but de redresser le tort causé à la société.

 

[53]      Selon U.S. Steel, son interprétation est confirmée par l’observation de la juge Wilson « que si un organisme ou une personne responsable détient un pouvoir illimité d’imposer des amendes et s’il n’accorde pas les droits énumérés à l’art. 11, il ne peut imposer des amendes destinées à réparer le tort causé à la société en général ». Je signale cependant que la juge Wilson a ajouté : « Il est plutôt limité au pouvoir d’imposer des amendes pour atteindre un objectif privé en particulier. » J’interprète l’observation de la juge Wilson comme signifiant qu’un organisme peut avoir un pouvoir illimité d’imposer des amendes. Toutefois, pour déterminer si la pénalité en question est une véritable conséquence pénale, l’analyse doit aller au-delà de l’importance de l’amende afin de décider si elle est imposée pour redresser le tort causé à la société ou pour réaliser un objectif privé en particulier. 

 

[54]      Je signale aussi que la jurisprudence n’étaye pas l’interprétation donnée par U.S. Steel au critère. Dans Martineau, l’appelant a fait valoir que l’importance de la somme réclamée en vertu de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1, en faisait une véritable conséquence pénale. Le juge Fish a fait observer, en rejetant cet argument, que celui-ci reposait, à tort, uniquement sur l’importance de la somme, et il a poursuivi son analyse pour déterminer si le paiement réclamé en application de la Loi sur les douanes  constituait une amende qui, de par son importance, était imposée pour redresser un tort causé à la société.

           

[55]      Plus récemment, dans Lavallee, une affaire concernant la législation albertaine relative aux valeurs mobilières, le juge en chef Wittmann a dit au paragraphe 142 :

           

[traduction]

J’interprète Wigglesworth comme indiquant, d’une part, que le fait que la Securities Act est une loi de réglementation n’est manifestement pas suffisant pour déterminer si l’application de l’article 29 entraîne de véritables conséquences pénales. D’autre part, le montant de la pénalité administrative ou l’importance de celui-ci ne peut être considéré en soi comme une véritable conséquence pénale. En fait, c’est l’importance de la pénalité administrative conjuguée à l’objet de son imposition qui détermine si cette dernière entraîne de véritables conséquences pénales. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[56]      Après avoir entendu la requête en question, la Cour d’appel de l’Alberta a rejeté l’appel de la décision sur la requête : Lavallee c. Alberta (Securities Commission), [2010] A.J. No. 144. En ce qui concerne la question de savoir si l’importance d’une pénalité est suffisante en soi pour faire intervenir les droits garantis par l’article 11 de la Charte, la Cour a fait observer au paragraphe 23 : 

[traduction]

[…] Le juge en chambre a rejeté cet argument, soulignant le besoin de prendre en considération l’objet de la sanction, et non pas seulement son importance, pour examiner si elle est assimilable à une véritable conséquence pénale. En outre, lorsqu’on analyse l’objet de la sanction, il faut tenir compte des objectifs  primordiaux de la Securities Act, notamment la protection des investisseurs et du public, l’efficacité des marchés de capitaux et le maintien de la confiance du public dans le système. En dernière analyse, le juge en chambre a souscrit à la conclusion tirée par la Cour au paragraphe 54 de Brost, selon laquelle l’importance croissante des pénalités administratives traduit l’intention du législateur de s’assurer que les pénalités ne sont pas simplement considérées comme une autre dépense d’affaire. Il a donc conclu que les articles 198 et 199 de la Securities Act n’entraînent aucune véritable conséquence pénale et, par conséquent, que l’article 11 de la Charte n’entre pas en jeu ici. Je suis d’accord avec lui.

 

 

[57]      Pour ce qui est de l’observation de la juge Wilson et de la jurisprudence, il est clair que l’importance d’une pénalité pécuniaire ne constitue pas en soi un fondement sufissant sur lequel on peut conclure que la pénalité est une véritable conséquence pénale. Cela ne répond pas entièrement à l’argument de U.S. Steel. Celle-ci prétend qu’il y a un point où la pénalité est si élevée que la seule conclusion à en tirer, c’est qu’il s’agit d’une   véritable conséquence pénale. U. S. Steel soutient que qualifier une pénalité de pénalité pécuniaire administrative ne met pas celle-ci à l’abri d’un examen minutieux fondé sur la Charte, et cite la déclaration suivante qui a été faite récemment par la Cour d’appel fédérale dans Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, au paragraphe 27 :

En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[58]      Le problème posé par cet argument est que l’énormité d’une pénalité pécuniaire ne peut être prise isolément. D’un côté, dans le contexte du seuil financier des investissements assujettis à l’examen prévu par la Loi, soit 281 millions de dollars au moment de l’approbation en l’espèce, une pénalité de 10 000 $ par jour de contravention paraît moins importante. De l’autre, dans le contexte du seuil financier établi pour les investisseurs originaires de pays non membres de l’Organisation mondiale du commerce, la pénalité maximale semble considérable. En l’absence de contexte, on ne saurait dire qu’une valeur monétaire elle-même mène forcément à l’inférence que la pénalité est imposée pour punir. Afin d’être efficace, la pénalité pécuniaire prévue par la loi doit avoir une portée suffisante pour traiter de l’éventail des investissements susceptibles d’examen. La pénalité doit aussi revêtir une importance assez grande pour dissuader les contrevenants et ne pas être considéré seulement comme une dépense d’affaire.

 

[59]      Le procureur général fait remarquer, en partie pour répondre à l’affirmation de U.S. Steel que l’importance de la pénalité pécuniaire est suffisante en soi pour en faire une véritable conséquence pénale, que l’établissement du montant de la pénalité relève du pouvoir discrétionnaire de la cour. U.S. Steel réplique à cela que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la cour ne peut sauvegarder une disposition par ailleurs inconstitutionnelle. Je rejette cet argument pour deux raisons. Premièrement, l’argument repose sur la thèse que l’importance de la pénalité pécuniaire maximale qui peut être imposée en vertu de la Loi suffit pour rendre la disposition inconstitutionnelle. L’article 40 n’exige pas l’imposition de la pénalité pécuniaire maximale ou de toute autre pénalité de ce genre. La cour peut rendre toute ordonnance qu’elle estime indiquée dans les circonstances. Deuxièmement, comme le dit le procureur général, cet argument suppose que l’exercice du pouvoir discrétionnaire suivant la disposition de la Loi sur  la pénalité pécuniaire ira à l’encontre de la Charte. Tel que l’a réitéré le juge Lebel dans R. c. Shoker, [2006] 2 R.C.S. 399, au paragraphe 39, le Parlement a le droit de tenir pour acquis que les textes de loi qu’il adopte seront appliqués d’une manière conforme à la Constitution.  

 

[60]      Quant au fait que U.S. Steel se fonde sur l’arrêt Doyon, d’après mon interprétation de cet arrêt, la mention du « régime de sanctions administratives pécuniaires » ne renvoie pas à l’utilisation des sanctions de cette nature en général, mais au régime particulier établi par la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40, et de son règlement d’application. De plus, l’arrêt ne traite pas de la question de ce qui constitue une véritable conséquence pénale.

 

[61]      Le fait que la pénalité pécuniaire maximale soit de 10 000 $ par jour durant lequel l’investisseur non canadien contrevient à la Loi ne rend pas en soi la disposition inconstitutionnelle. 

 

[62]      La question suivante est de savoir si l’imposition de la pénalité pécuniaire en vertu de la Loi vise à redresser le tort causé à la société. D’après U.S. Steel, plusieurs indices montrent que c’est le cas. Comme la juge Wilson l’a dit dans Wigglesworth, la manière dont l’entité bénéficiaire dispose de l’amende est un indice de l’objet de cette dernière. Plus précisément, « [s]i […] les amendes doivent être non pas versées dans le Fonds du revenu consolidé, mais plutôt être utilisées dans l’intérêt de [l’organisme], il y a plus de chances que les amendes constituent purement une affaire de discipline interne ou privée ». Selon la Loi, la pénalité pécuniaire est une créance de Sa Majesté la Reine du chef du Canada qui fait partie en fin de compte du Trésor. Même si, dans le contexte d’une loi portant sur des mesures disciplinaires professionnelles, le fait qu’une pénalité pécuniaire serve à un quelconque usage interne est un bon indice de l’objet de la sanction, ce n’est pas un indice utile ou pertinent dans la présente affaire vu que la Loi ne concerne pas les affaires internes de ce genre. En outre, le fait que la pénalité pécuniaire fasse partie du Trésor est tout au plus neutre à la lumière de l’absence d’entité interne à laquelle la pénalité peut être payée, ainsi que l’absence d’autres fonds auquel la pénalité peut être versée. Je fais aussi remarquer que les pénalités administratives pécuniaires prévues par d’autres lois, comme celles relatives à l’impôt sur le revenu, à la concurrence et aux douanes sont toutes maintenant versées au Trésor.  

           

[63]      U.S. Steel souligne également que, contrairement aux autres penalties administratives, la pénalité pécuniaire prévue dans la Loi n’a pas trait à l’étendue de la violation et n’a aucun lien mathématique avec l’activité réglementée ou la perte. Dans la même veine, U.S. Steel signale que la pénalité pécuniaire est illimitée, qu’elle ne sert aucun objectif d’ordre compensatoire, qu’elle ne se rapporte pas aux répercussions financières du non-respect de la Loi, et que celle-ci ne prévoit aucun critère pour établir le montant de la pénalité pécuniaire. U.S. Steel soutient que, dans les circonstances, la seule inférence raisonnable que l’on peut tirer est que le montant de la pénalité est fixé sur la base d’un autre motif : redresser le tort causé à la société en général.  

           

[64]      Même s’il y a lieu de qualifier d’illimitée la pénalité pécuniaire, quoique je sois en désaccord avec cette qualification en ce que la pénalité a une durée et un montant limités, la juge Wilson a affirmé qu’il est possible de détenir un pouvoir illimité d’imposer des amendes, pourvu que les amendes soient imposées afin de réaliser un objectif privé en particulier. Il se peut que l’existence d’un lien quelconque entre la pénalité et la conduite en cause soit un bon indice, mais il ne découle pas nécessairement de ce lien que redresser le tort causé à la société constitue le seul objet possible de la pénalité.  

           

[65]      Qui plus est, l’absence, dans la Loi, de critère servant à établir le montant de la pénalité pécuniaire est sans conséquence. S’il y a lieu, dans une situation donnée, d’en déterminer le montant, la cour devra notamment cerner les facteurs qui sont importants à cette fin.

           

[66]      U.S. Steel soutient aussi que le risque de recevoir une peine par suite d’une procédure pour outrage au tribunal fait de la pénalité une véritable conséquence pénale. Je rejette cet argument. La procédure pour outrage au tribunal n’est pas engagée en vertu de la Loi. Il s’agit plutôt d’une procédure distincte intentée au titre des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), dans le cadre de laquelle la personne à qui on reproche l’outrage se voit accorder tous les droits garantis par l’alinéa 11(d) de la Charte. S’il est reconnu coupable, il est passible des peines prévues dans les Règles.    

           

[67]      En l’absence de l’un ou l’autre des indices habituels, sur quel fondement peut-on déterminer si la pénalité pécuniaire est, de par son importance, imposée dans le but de redresser le tort causé à la société. Dans le contexte de la Loi, la cour doit tenir compte : de ses objectifs, du régime législatif, dont la nature de la procédure de contrôle, ainsi que de la possibilité de se conformer volontairement à la Loi ou de remédier à une contravention, du rôle crucial que jouent les engagements de l’investisseur dans l’atteinte des objectifs de la Loi, de la nature des transactions faisant l’objet de l’examen, de la relation entre l’investisseur et le gouvernement, du caractère non moralement répréhensible de la conduite sanctionnée, de même que de l’établissement du montant de la pénalité pécuniaire. Étant donné ces facteurs, je conclus que la pénalité pécuniaire n’est pas une véritable conséquence pénale. La pénalité pécuniaire vise plutôt à favoriser et à assurer l’atteinte des objectifs de la Loi.

 

Déclaration des droits

 

[68]      L’alinéa 2e) de la Déclaration des droits se lit comme suit :

 

Insérer l’alinéa 2e)

 

 

[69]      Il n’est pas contesté que la Déclaration des droits s’applique à la Loi.  Il n’est pas contesté non plus que les garanties procédurales offertes par l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits s’étendent aux sociétés. La question est de savoir si l’article 40 viole le droit à une audience équitable, selon les principes de justice fondamentale. U.S. Steel prétend que c’est le cas. 

 

[70]      U.S. Steel soutient que le sens de l’expression « les principes de justice fondamentale » est tributaire du contexte eu égard à la nature des droits et à l’importance du danger en question. Bref, U.S. Steel affirme qu’en l’espèce, le contexte factuel et juridique dans lequel elle se trouve l’expose à des sanctions extrêmement lourdes, notamment une pénalité de plusieurs millions de dollars et l’atteinte la plus grave à la jouissance d’un bien, ainsi que le désinvestissement forcé par le biais d’une procédure sommaire de demande en matière civile sans les garanties procédurales les plus élémentaires qu’offre la justice fondamentale. En particulier, la Loi ne confère pas à un investisseur non canadien le droit à la divulgation complète, le droit de connaître la preuve à réfuter ou le droit d’entendre les arguments du demandeur avant de devoir y répondre. En outre, la Loi n’établit pas le fardeau de preuve applicable, la justification et les éléments à démontrer pour établir le non-respect ne sont pas définis, et les moyens de défense possibles ne sont pas circonscrits. Cela donne lieu à des règles vagues et oblige l’appareil judiciaire à trancher l’affaire en vase clos.             

 

[71]      U.S. Steel soutient qu’[traduction] « étant donné la sévérité des conséquences de l’établissement des droits en question prévue dans la Loi, […] les principes de justice fondamentale doivent fournir à l’investisseur tout l’éventail des garanties procédurales et fondamentales offertes par la Déclaration des droits, y compris le droit de connaître la preuve à réfuter, le droit à une divulgation complète et le droit d’être raisonnablement avisé de la conduite interdite et des moyens de défense possibles ». Il convient de signaler à ce stade-ci que U.S. Steel avait fait valoir au départ que la Déclaration des droits garantit à la fois des droits fondamentaux et procéduraux. U.S. Steel a toutefois abandonné son argument concernant les droits fondamentaux.           

 

[72]      U.S. Steel reconnaît que le terme « principes de justice fondamentale n’a pas le même sens à l’article 7 de la Charte qu’à l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits. Toutefois, se fondant sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif au paragraphe 94(2) de la Motor Vehicle Act de la Colombie-Britannique, [1985] 2 R.C.S. 486, aux paragraphes 31 à 33, U.S. Steel soutient que les garanties procédurales offertes par l’alinéa 2e) sont bien plus larges que celles prévues par les principes de justice naturelle reconnus en common law, et que le terme « principes de justice fondamentale » figurant à l’alinéa 2e) n’est pas synonyme de « principes de justice naturelle ». La jurisprudence relative à la Charte est donc pertinente et précise le sens donné à « principes de justice fondamentale » dans la Déclaration des droits.

 

[73]      U.S. Steel affirme que le droit à une défense pleine et entière est la pierre d’assise des principes de justice fondamentale. Dans R. c. Rose, [1998] 3. R.C.S. 262, aux paragraphes 98 et 103, la Cour suprême du Canada a souligné l’importance de ce droit et en a expliqué la portée, ainsi que la manière dont ce droit s’imbrique dans d’autres droits et principes. La Cour a dit : 

98     Le droit à une défense pleine et entière est protégé par l’art. 7 de la Charte. Il s’agit de l’un des principes de justice fondamentale. Dans R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, à la p. 336, le juge Sopinka, s’exprimant au nom de la Cour, a décrit ce droit comme étant « un des piliers de la justice criminelle, sur lequel nous comptons grandement pour assurer que les innocents ne soient pas déclarés coupables ». Le droit à une défense pleine et entière se manifeste par l’entremise de plusieurs autres droits et principes particuliers, tel le droit d’obtenir en temps opportun une divulgation complète, le droit de l’accusé de connaître la preuve à laquelle il doit répondre avant d’ouvrir sa défense, les principes gouvernant la réouverture de la preuve du ministère public, de même que les divers droits relatifs au contre-interrogatoire, entre autres. Ce droit est intégralement lié à d’autres principes de justice fondamentale, comme la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable et le principe interdisant l’auto-incrimination.

 

[…]

 

103     Le second aspect du droit à une défense pleine et entière, plus large que le premier et dont on pourrait dire qu’il l’inclut, est le droit de l’accusé de se defender contre tous les moyens déployés par l’État pour obtenir une déclaration de culpabilité. Le ministère public n’a pas le droit d’agir en vue de faire déclarer l’accusé coupable à moins que ce dernier soit autorisé à se défendre contre les moyens qu’il fait valoir […]

 

 

[74]      U.S. Steel soutient aussi que, dans R. c. Duke, [1972] 1 O.R. 61, au paragraphe 10 (HCJO), décision du juge Galligan infirmée, ce dernier a statué que le droit à une défense pleine et entière fait partie intégrante d’une audience équitable, selon les principes de justice fondamentale dont il est question à l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits.  Il a affirmé :

[traduction]

Le droit à une défense pleine et entière est un des éléments essentiels d’une audience équitable, selon les principes de justice fondamentale. Lorsqu’on cherche à appliquer une quelconque disposition d’une loi du Parlement canadien de telle sorte qu’il y a négation de ce droit et que quelqu’un est inculpé, alors j’estime qu’il y a clairement infraction aux dispositions de l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits.

 

APPEL interjeté par le ministère public contre une ordonnance du juge Galligan,  ci-dessous, 15 C.R.N.S. 51, interdisant à un juge de la Cour provinciale d’agir sur la foi d’une dénonciation

[1972] S.C.R. 917; [1972] R.C.S. 917;

 

 

           

[75]      Il est bien établi que le sens du terme « principes de justice fondamentale », tel qu’il est employé à l’alinéa 2e), varie selon le contexte. Dans Canada c. Central Cartage, [1990] A.C.F. no 407, au paragraphe 13 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a reconnu que le concept d’« audience équitable » que l’on trouve à l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits n’est pas statique. La Cour d’appel a statué qu’une cour interprétant ce concept ne doit pas oublier « l’origine et […] l’évolution de celui-ci et [le] contexte précis dans lequel il est soulevé ». Plus précisément, « la garantie d’une audience impartiale qui est prévue à l’alinéa 2e) devrait se voir attribuer un sens qui tient compte, non seulement de l’interprétation et de l’évolution de l’expression au fil des ans, mais aussi des circonstances particulière en jeu ».

 

[76]      Plusieurs tribunaux ont commenté l’observation d’U.S. Steel selon laquelle le terme « principes de justice fondamentale » qui figure à l’alinéa 2e) est plus large et n’est pas synonyme de « principes de justice naturelle ». Avant la Charte, le juge en chef Fauteux a affirmé ce qui suit dans Duke c. La Reine, [1972] R.C.S. 917, à la page 923 :

En vertu de l’[alinéa] 2e) de la Déclaration des droits, aucune loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer de manière à le priver d’une « audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale ». Sans entreprendre de formuler une définition finale de ces mots, je les interprète comme signifiant, dans l’ensemble, que le tribunal appelé à se prononcer sur ses droits doit agir équitablement, de bonne foi, sans préjugé et avec sérénité, et qu’il doit donner à l’accusé l’occasion d’exposer adéquatement sa cause.

 

 

[77]      Plus récemment, dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, au paragraphe 28, la Cour suprême a noté avec approbation que « les tribunaux canadiens ont conclu que le contenu des exigences de l’al. 2e) est établi en fonction des principes de justice naturelle reconnus en common law ». La Cour a aussi noté que, puisque les parties à cette affaire n’avaient pas prétendu que les garanties d’indépendance et d’impartialité visées à l’alinéa 2e) seraient différentes des exigences de l’équité procédurale reconnues en common law, il n’était pas nécessaire d’examiner plus à fond ce point. U.S. Steel reconnaît que les questions d’indépendance et d’impartialité ne se posent pas en l’espèce.

 

[78]      Quant au fait que U.S. Steel invoque le Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), d’après ce que je comprends du passage cité, où le juge en chef Lamer a dit que « remplacer l’expression "justice fondamentale"  par l’expression "justice naturelle" équivaut à passer complètement à côté de la question », il parlait du sens de « justice fondamentale » au sens où ce terme est employé dans la Charte, et non dans la Déclaration des droits. Dans la même veine, quand il a fait mention du « degré de synonymie  entre les deux expressions dans le passé », le juge en chef parlait de la synonymie entre « justice fondamentale » et « justice naturelle ».      

 

[79]      On peut donc constater qu’une audience équitable selon les principes de justice fondamentale dans le contexte de l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits veut dire la même chose que les concepts de justice naturelle et d’équité procédurale. Il reste à déterminer ce qu’exige la justice naturelle dans ces circonstances.

 

[80]      Comme la juge L’Heureux-Dubé l’a dit dans Baker, au paragraphe 22, « l’obligation d’équité [est] souple et variable et repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés […] ». Elle a expliqué que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans l’établissement des exigences de l’obligation d’équité dans une situation particulière. 

 

[81]      Toutefois, comme le souligne le procureur général, l’analyse fondée sur l’arrêt Baker est quelque peu fausse en l’espèce, car elle porte sur les exigences de l’équité dans le contexte des audiences administratives, et non dans celui des audiences judiciaires. Je suis d’accord avec cette observation. L’analyse fondée sur Baker est généralement de nature rétrospective et a pour objet d’aider la cour à [traduction] « établir si la procédure suivie respectait l’obligation d’équité ». La structure de l’analyse n’est peut‑être pas utile, mais cela ne mine pas l’importance et la pertinence des principes qui peuvent être tirés de Baker.

 

[82]      Tel que la juge L’Heureux-Dubé l’a dit au paragraphe 28, « [l]es valeurs qui sous‑tendent l’obligation d’équité procédurale relevant du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision ». Plus précisément, il faut tenir compte des valeurs sous‑jacentes et de l’ensemble des circonstances pour établir le contenu de l’obligation d’équité dans une situation donnée.    

 

[83]      Il ressort clairement des observations orales et écrites de U.S. Steel que, même si elle reconnaît qu’en théorie, l’analyse est tributaire du contexte, leur affirmation quant aux exigences de l’équité procédurale repose sur l’ampleur de la pénalité pécuniaire et la possibilité de désinvestissement forcé. C’est sur le fondement de cette prémisse que U.S. Steel soutient qu’un investisseur faisant l’objet d’une procédure engagée en application de l’article 40 doit en fait se voir accorder le même droit à une défense pleine et entière de même que les droits connexes, dont celui à la divulgation établi dans Stinchcombe qui serait conféré à un accusé dans une procédure pénale. À mon avis, cette position découle d’une vision étroite des pénalités en cause et ne prend pas en considération le contexte plus large et les circonstances dans lesquelles survient une procédure engagée en vertu de l’article 40. Même si l’analyse était axée sur la nature des pénalités, elle ne ferait pas intervenir les droits étendus qui, d’après U.S. Steel, doivent être accordés suivant l’alinéa 2e).

 

[84]      Il n’y a aucun doute que l’importance de la décision pour la partie concernée est un facteur important. Il convient cependant de faire une distinction entre les décisions qui touchent la vie, la liberté et la sécurité de l’intéressé et celles, comme dans la présente affaire, qui ont seulement une incidence économique. En outre, il faut examiner l’ampleur de la pénalité et le désinvestissement forcé dans le contexte du régime législatif.  La pénalité pécuniaire peut sembler très élevée lorsque prise isolément, mais compte tenu des seuils financiers qui déclenchent l’examen et l’approbation du ministre, les pénalités prévues dans la Loi doivent être suffisamment élevées pour être efficaces vu l’importance des investissements effectués conformément à la Loi. De plus, la possibilité de désinvestissement forcé semble être de mauvais augure et constituer une grave atteinte au droit à la jouissance d’un bien, mais étant donné les objectifs de la Loi et le large pouvoir discrétionnaire d’une cour dans l’organisation d’un désinvestissement, elle n’est pas assimilable à une décision qui touche la vie, la liberté et la sécurité de la personne. Il s’agit uniquement d’une issue d’ordre économique. Il importe également de faire remarquer qu’une procédure engagée en application de l’article 40 survient dans un contexte réglementaire. En outre, les parties qui sollicitent l’approbation du ministre sont des agents économiques astucieux et bien représentés qui ont la possibilité de respecter la loi de leur plein gré avant de présenter une demande. 

 

[85]      Par conséquent, U.S. Steel invoque à tort R. c. Rose, précité. Cet arrêt établit le vaste droit à « une défense pleine et entière » dans le contexte du droit criminel. Par exemple, la Cour suprême a fait remarquer, aux paragraphes 98 à 100, que ce droit était « un des piliers de la justice criminelle », se rapportait à la présomption d’innocence et au principe interdisant l’auto-incrimination, et englobait « le droit de l’accusé de se défendre contre tous les moyens déployés par l’État pour obtenir une déclaration de culpabilité ».  Dans le même ordre d’idées, la plupart des décisions sur lesquelles se fonde U.S. Steel pour faire valoir les droits procéduraux relèvent du droit criminel, et ne sont guère utiles dans le contexte de la loi en cause.  

 

[86]      Pour ce qui est de la procédure de demande prévue à l’article 40 de la Loi, U.S. Steel ne prétend pas sérieusement qu’on lui refusera l’occasion de se faire entendre au moyen d’observations écrites et orales ou, comme je l’ai dit plus tôt, que sa cause ne sera pas tranchée par un décideur indépendant et impartial. U.S. Steel fait plutôt valoir qu’elle n’aura pas la possibilité de connaître la preuve qu’elle doit réfuter. En résumé, U.S. Steel dit ne pas savoir pourquoi le ministre croit qu’elle a violé ses engagements, car ces derniers étaient assujettis aux principes directeurs qu’elle prétend avoir respectés. De plus, U.S. Steel dit ignorer la raison pour laquelle le ministre affirme qu’elle ne s’est pas conformée à la mise en demeure lui enjoignant de justifier son non-respect des engagements, et elle croit avoir fourni une justification adéquate.   

 

[87]      À mon avis, les Règles des Cours fédérales prévoient des garanties procédurales liées au traitement des demandes qui sont suffisantes pour permettre à U.S. Steel de connaître la preuve qu’elle doit réfuter. Premièrement, un avis de demande doit notamment énoncer les motifs que l’on entend invoquer, y compris les dispositions légales ou réglementaires citées, et comprendre une liste des documents qui seront utilisés à l’audience.  

 

[88]      Deuxièmement, le procureur général doit déposer ses affidavits et ses documents bien avant l’audience. U.S. Steel aura l’occasion de procéder à des contre-interrogatoires sur les affidavits du procureur général avant de déposer quelque argument juridique que ce soit. Par conséquent, U.S. Steel disposera de tous les éléments de preuve sur lesquels le procureur général entend s’appuyer.     

 

[89]      Troisièmement, avant que l’affaire ne soit mise au rôle pour audition, le procureur général, à titre de demandeur, devra signifier et déposer son dossier contenant tous les affidavits et la preuve documentaire, une description de tous les éléments de preuve matériels, s’il en est, ainsi que son mémoire des faits et du droit. U.S. Steel connaîtra donc la raison pour laquelle le ministre croit qu’un engagement a été violé de même que le motif pour lequel le ministre rejette sa justification. Par ailleurs, le procureur général ne peut formuler de nouvelles allégations ou de nouveaux arguments sans l’autorisation de la cour.

 

[90]      Quatrièmement, U.S. Steel souligne qu’elle doit signifier et déposer son affidavit et sa preuve documentaire avant de connaître toute la preuve du procureur général, c’est‑à-dire avant de contre-interroger les auteurs des affidavits du procureur général et de recevoir son mémoire des faits et du droit. U.S. Steel peut toutefois demander l’autorisation de déposer des affidavits supplémentaires, de procéder à d’autres contre‑interrogatoires ou de déposer un dossier additionnel après que les parties se sont échangées leurs dossiers.  

 

[91]      Compte tenu de l’examen fait ci-dessus sur la procédure de demande, je suis convaincue qu’eu égard au contexte et aux conséquences éventuelles pour U.S. Steel, cette procédure respecte le droit à une audience équitable selon les principes de justice fondamentale, tout particulièrement le droit de U.S. Steel de connaître la preuve qu’elle doit réfuter.  

 

[92]      Comme je l’ai signalé plus tôt, U.S. Steel a laissé tomber son argument que l’alinéa 2e) accorde aussi des droits fondamentaux. Elle a prétendu à cet égard que l’article 40 est nul pour cause d’imprécision selon l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits. En réponse, U.S. Steel a tenté d’appliquer l’argument fondé sur l’imprécision au droit procédural de connaître la preuve à réfuter. Elle a fait valoir que la Loi ne donne pas assez de précisions au ministre sur les circonstances où il y a lieu d’envoyer une mise en demeure, ainsi que sur les [traduction] « paramètres régissant l’application » de la Loi.   Dans R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, la Cour suprême du Canada a clairement affirmé que le principe de l’imprécision vise à garantir qu’un citoyen comprend qu’une « certaine conduite est assujettie à des restrictions légales »; il s’agit donc d’un droit fondamental. Par conséquent, l’argument fondé sur l’imprécision ne sera pas pris en compte.

 

Conclusion

[93]      Pour les motifs énoncés précédemment, je conclus que l’article 40 de la Loi n’enfreint ni l’alinéa 11d) de la Charte, ni l’alinéa 2e) de la Déclaration des droits. La requête sera rejetée avec dépens en faveur du procureur général. 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée avec dépens en faveur du procureur général.

 

 

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


ANNEX A

 

Loi sur investissement Canada, L.R., 1985, ch. 28 (1er suppl.)

 

2. Étant donné les avantages que retire le Canada d’une augmentation du capital et de

l’essor de la technologie et compte tenu de l’importance de préserver la sécurité nationale, la présente loi vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois, de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens

et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale.

 

20. Pour l’application de l’article 21, il est tenu compte de ceux des facteurs suivants quis’appliquent :

 

a) l’effet de l’investissement sur le niveau et la nature de l’activité économique au

Canada, notamment sur l’emploi, la transformation des ressources, l’utilisation de pieces et d’éléments produits et de services rendus au Canada et sur les exportations canadiennes;

 

b) l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne ou la nouvelle entreprise canadienne en question et dans le secteur industriel canadien dont cette entreprise ou cette nouvelle entreprise fait ou ferait partie;

 

c) l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;

 

d) l’effet de l’investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs industriels au Canada;

 

e) la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle, compte tenu des objectifs de politique industrielle, économique et culturelle qu’ont énoncés le gouvernement ou la législature d’une province sur laquelle l’investissement aura vraisemblablement

des répercussions appréciables;

 

f) la contribution de l’investissement à la

compétitivité canadienne sur les marches mondiaux.

 

21. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à

(8) et des articles 22 et 23, dans les quarante cinq jours suivant la date de réception visée au paragraphe 18(1), le ministre envoie au demandeur un avis l’informant que, après avoir pris en considération les renseignements, engagements et observations qui lui ont été remis par le directeur en conformité avec l’article 19 et les facteurs énumérés à l’article 20 qui s’appliquent, il est d’avis que l’investissement sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada.

 

38. Le ministre peut établir et publier, de la façon qu’il estime indiquée, des principes directeurs et des notes explicatives sur l’application et l’administration d’une disposition de la présente loi ou des règlements.

 

39. (1) Le ministre peut faire émettre une

mise en demeure à l’intention d’un non-Canadien qui, selon lui, a, contrairement à la présente loi, selon le cas :

 

a) fait défaut de déposer l’avis mentionné à

l’article 12 ou la demande d’examen mentionnée à l’article 17;

a.1) omis de fournir les renseignements prévus par règlement ou ceux exigés par le ministre ou le directeur;

 

b) effectué un investissement en contravention avec les articles 16, 24, 25.2 ou 25.3;

 

c) effectué un investissement selon des modalités qui sont substantiellement différentes de celles que contenait la demande d’examen déposée en conformité avec l’article 17 ou des autres renseignements ou éléments de preuve fournis en conformité avec la présente loi à l’égard de l’investissement;

 

d) fait défaut de se départir du contrôle

d’une entreprise canadienne comme l’exige

l’article 24;

 

d.1) omis de se conformer à tout engagement pris envers Sa Majesté du chef du Canada conformément au décret pris en vertu de l’article 25.4;

 

d.2) omis de se conformer au décret pris en

vertu de l’article 25.4;

 

e) fait défaut de se conformer à l’engagement écrit envers Sa Majesté du chef du Canada qu’il a pris à l’égard de l’investissement au sujet duquel le ministre est d’avis ou est réputé être d’avis qu’il sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada;

 

f) fait défaut de se conformer à une autre

disposition de la présente loi ou des règlements;

 

g) procédé à une opération ou à un arrangement dans un but lié à la présente loi. La mise en demeure exige du non-Canadien, de mettre fin, immédiatement ou à l’intérieur du délai qu’elle précise, à la contravention, de se conformer à la loi ou aux règlements, ou de démontrer qu’ils n’ont pas été violés ou, dans le cas d’un engagement, de justifier le défaut.

 

 

 

(2) S’il estime qu’une personne ou une unité a, contrairement à la présente loi, omis de se conformer soit à une demande de renseignements faite en vertu des paragraphes 25.2(3) ou 25.3(5), soit au paragraphe 25.4(3), le ministre peut envoyer une mise en demeure exigeant de

la personne ou de l’unité que, sans délai ou

dans le délai imparti, elle mette fin à la contravention, elle se conforme à la présente loi ou elle démontre que celle-ci n’a pas été violée.

 

(3) La mise en demeure fait état de la nature des poursuites judiciaires qui peuvent être instituées en vertu de la présente loi contre le non-Canadien, la personne ou l’unité à qui elle est

adressée s’il omet de s’y conformer.

 

 

39.1 S’il est d’avis que le non-Canadien a

omis de se conformer à l’engagement écrit pris envers Sa Majesté du chef du Canada à l’égard de l’investissement au sujet duquel il est d’avis ou est réputé être d’avis qu’il sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada, le ministre peut, une fois l’investissement effectué, accepter un nouvel engagement du non-Canadien.

 

40. (1) Une demande d’ordonnance judiciaire peut être présentée au nom du ministre à une cour supérieure si le non-Canadien, la personne ou l’unité ne se conforme pas à la mise en demeure reçue en application de l’article 39.

 

(2) Après audition de la demande visée au

paragraphe (1), la cour supérieure qui décide que le ministre a agi à bon droit et constate le défaut du non-Canadien, de la personne ou de l’unité peut rendre l’ordonnance que justifient les circonstances; elle peut notamment rendre

une ou plusieurs des ordonnances suivantes :

 

 

 

 

a) ordonnance enjoignant au non-Canadien

de se départir soit du contrôle de l’entreprise canadienne, soit de son investissement dans l’unité, selon les modalités que la cour estime justes et raisonnables;

 

b) ordonnance enjoignant au non-Canadien

de ne pas prendre les mesures mentionnées

dans l’ordonnance à l’égard de l’investissement qui pourraient empêcher une cour supérieure, dans le cadre d’une autre demande pour une ordonnance visée à l’alinéa a), de rendre une ordonnance efficace;

 

c) ordonnance enjoignant au non-Canadien

de se conformer à l’engagement écrit envers Sa Majesté du chef du Canada pris à l’égard d’un investissement au sujet duquel le ministre est d’avis ou est réputé être d’avis qu’il sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada;

 

c.1) ordonnance enjoignant au non-Canadien de se conformer à l’engagement écrit pris envers Sa Majesté du chef du Canada conformément au décret pris en vertu de l’article 25.4;

 

d) ordonnance infligeant au non-Canadien

une pénalité maximale de dix mille dollars

pour chacun des jours au cours desquels se

commet ou se continue la contravention;

 

 

e) ordonnance de révocation ou de suspension, pour une période qu’elle précise, des droits afférents aux intérêts avec droit de vote qu’a acquis le non-Canadien ou du droit de contrôle de ces droits;

 

f) ordonnance enjoignant au non-Canadien

de se départir des intérêts avec droit de vote

qu’il a acquis ou des actifs qu’il a acquis et qui sont ou ont été utilisés dans l’exploitation de l’entreprise canadienne;

 

 

g) ordonnance enjoignant au non-Canadien,

à la personne ou à l’unité de fournir les renseignements exigés par le ministre ou le directeur.

 

(2.1) Après audition de la demande visée au paragraphe (1), la cour supérieure qui décide que le ministre a agi à bon droit et constate le défaut de conformité peut rendre l’ordonnance que justifient, à son avis, les circonstances, et notamment infliger à la personne ou à l’unité en défaut une pénalité maximale de 10 000 $ pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue la contravention.

 

 

 

 

 

 

(3) Les pénalités infligées en vertu de l’alinéa (2)d) ou du paragraphe (2.1) sont des créances de Sa Majesté du chef du Canada dont le recouvrement peut être poursuivi à ce titre devant une cour supérieure.

 

(4) Quiconque refuse ou omet de se conformer aux ordonnances visées aux paragraphes (2) ou (2.1) peut être puni pour outrage au tribunal par la cour qui a rendu l’ordonnance.

 

 

(5) Il demeure entendu que tous les droits

d’appel que prévoit la loi s’appliquent aux ordonnances visées au présent article comme s’il s’agissait d’une ordonnance ordinaire rendue par la cour.

 

(6) Au présent article, « cour supérieure » a

le sens que lui donne le paragraphe 35(1) de la Loi d’interprétation mais ne vise pas la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel fédérale et la Cour canadienne de l’impôt.

 

 

42. Quiconque contrevient à l’article 36 ou

fournit sciemment des renseignements faux ou trompeurs dans le cadre de la présente loi ou de ses règlements est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Investment Canada Act, R.S. 1985, c.28 (1st Supp.)

 

2. Recognizing that increased capital and technology benefits Canada, and recognizing the importance of protecting  national security, the purposes of this Act are to provide for the review of significant investments in Canada by non-Canadians in a manner that encourages investment,

economic growth and employment opportunities in Canada and to provide for the review of investments in Canada by non-Canadians that could be injurious to national security.

 

 

 

 

20. For the purposes of section 21, the factors to be taken into account, where relevant, are

 

(a) the effect of the investment on the level and nature of economic activity in Canada,

including, without limiting the generality of the foregoing, the effect on employment, on resource processing, on the utilization of parts, components and services produced in Canada and on exports from Canada;

 

(b) the degree and significance of participation by Canadians in the Canadian business or new Canadian business and in any industry or industries in Canada of which the Canadian business or new Canadian business forms or would form a part;

 

(c) the effect of the investment on productivity, industrial efficiency, technological development, product innovation and product

variety in Canada;

 

(d) the effect of the investment on competition within any industry or industries in Canada;

 

(e) the compatibility of the investment with national industrial, economic and cultural policies, taking into consideration industrial, economic and cultural policy objectives enunciated by the government or legislature of any province likely to be significantly affected by the investment; and

 

 

 

(f) the contribution of the investment to Canada’s ability to compete in world markets.

 

21. (1) Subject to subsections (2) to (8) and

sections 22 and 23, the Minister shall, within 45 days after the certified date referred to in subsection 18(1), send a notice to the applicant that the Minister, having taken into account any information, undertakings and representations referred to the Minister by the Director under section 19 and the relevant factors set out in section 20, is satisfied that the investment is likely to be of net benefit to Canada.

 

 

 

38. The Minister may issue and publish, in

such manner as the Minister deems appropriate, guidelines and interpretation notes with respect to the application and administration of any provision of this Act or the regulations.

 

39. (1) Where the Minister believes that a

non-Canadian, contrary to this Act,

 

 

 

(a) has failed to give a notice under section

12 or file an application under section 17,

(a.1) has failed to provide any prescribed information or any information that has been requested by the Minister or Director,

 

 

(b) has implemented an investment the implementation of which is prohibited by section 16, 24, 25.2 or 25.3,

 

(c) has implemented an investment on terms and conditions that vary materially from those contained in an application filed under section 17 or from any information or evidence provided under this Act in relation to the investment,

 

 

 

(d) has failed to divest himself of control of

a Canadian business as required by section

24,

 

(d.1) has failed to comply with an undertaking given to Her Majesty in right of Canada in accordance with an order made under section25.4,

 

(d.2) has failed to comply with an order

made under section 25.4,

 

(e) has failed to comply with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada relating to an investment that the

Minister is satisfied or is deemed to be satisfied is likely to be of net benefit to Canada,

 

 

(f) has failed to comply with any other provision of this Act or with the regulations, or

 

(g) has entered into any transaction or arrangement primarily for a purpose related to this Act, the Minister may send a demand to the non-Canadian, requiring the non-Canadian, forthwith or within such period as is specified in the demand, to cease the contravention, to remedy the default, to show cause why there is no contravention of the Act or regulations or, in the case of undertakings, to justify any non-compliance therewith.

 

(2) If the Minister believes that a person or

an entity has, contrary to this Act, failed to

comply with a requirement to provide information under subsection 25.2(3) or 25.3(5) or failed to comply with subsection 25.4(3), the Minister may send a demand to the person or entity requiring that they immediately, or within any period that may be specified in the demand, cease the contravention, remedy the default or show cause why there is no contravention of the Act.

 

(3) A demand under subsection (1) or (2)

shall indicate the nature of the proceedings that may be taken under this Act against the non-Canadian or other person or entity to which it is sent in the event that the non-Canadian, person or entity fails to comply with the demand.

 

39.1 If the Minister believes that a non-

Canadian has failed to comply with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada relating to an investment that the Minister is satisfied or is deemed to be satisfied is likely to be of net benefit to Canada, the Minister may, after the investment has been implemented, accept a new undertaking from the non-Canadian.

 

40. (1) If a non-Canadian or any other person or entity fails to comply with a demand under section 39, an application on behalf of the Minister may be made to a superior court for an order under subsection (2) or (2.1).

 

(2) If, at the conclusion of the hearing on an application referred to in subsection (1), the superior court decides that the Minister was justified in sending a demand to the non-Canadian or other person or entity under section 39 and that the non-Canadian or other person or entity has failed to comply with the demand, the court may make any order or orders as, in its opinion,

the circumstances require, including, without limiting the generality of the foregoing, an order

 

(a) directing the non-Canadian to divest themselves of control of the Canadian business, or to divest themselves of their investment in the entity, on any terms and conditions that the court considers just and reasonable;

 

(b) enjoining the non-Canadian from taking

any action specified in the order in relation

to the investment that might prejudice the

ability of a superior court, on a subsequent

application for an order under paragraph (a), to effectively accomplish the end of such an order;

 

 

(c) directing the non-Canadian to comply

with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada in relation to an investment that the Minister is satisfied or is deemed to be satisfied is likely to be of net benefit to Canada;

 

 

(c.1) directing the non-Canadian to comply

with a written undertaking given to Her Majesty in right of Canada in accordance with an order made under section 25.4;

 

 

(d) against the non-Canadian imposing a

penalty not exceeding ten thousand dollars

for each day the non-Canadian is in contravention of this Act or any provision thereof;

 

(e) directing the revocation, or suspension

for any period specified in the order, of any

rights attached to any voting interests acquired by the non-Canadian or of any right to control any such rights;

 

 

(f) directing the disposition by any non-

Canadian of any voting interests acquired by the non-Canadian or of any assets acquired by the non-Canadian that are or were used in carrying on a Canadian business; or

 

(g) directing the non-Canadian or other person or entity to provide information requested by the Minister or Director.

 

 

(2.1) If, at the conclusion of the hearing on

an application referred to in subsection (1), the superior court decides that the Minister was justified in sending a demand to a person or an entity under section 39 and that the person or entity has failed to comply with it, the court may make any order or orders that, in its opinion, the circumstances require, including, without limiting the generality of the foregoing, an order against the person or entity imposing a penalty not exceeding $10,000 for each day on which the person or entity is in contravention of this Act or any of its provisions.

 

(3) A penalty imposed by an order made under paragraph (2)(d) or subsection (2.1) is a debt due to Her Majesty in right of Canada and is recoverable as such in a superior court.

 

 

(4) Everyone who fails or refuses to comply with an order made by a superior court under subsection (2) or (2.1) that is directed to them may be cited and punished by the court that made the order, as for other contempts of that court.

 

(5) For greater certainty, all rights of appeal

provided by law apply in the case of any decision or order made by a superior court under this section, as in the case of other decisions or orders made by that court.

 

(6) In this section, “superior court” has the

same meaning as in subsection 35(1) of the Interpretation Act but does not include the Supreme Court of Canada, the Federal Court of Appeal or the Tax Court of Canada.

 

 

42. Every one who contravenes section 36

or who knowingly provides false or misleading information under this Act or the regulations is guilty of an offence punishable on summary conviction.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1162-09

 

INTITULÉ :                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

                                                            LA UNITED STATES STEEL CORPORATION ET U.S. STEEL CANADA INC.

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 12, 13 et 14 janvier 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LA JUGE HANSEN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John L. Syme

Jeffrey G. Johnston

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Michael E. Barrack

Marie Henein

Ronald Podolny

Elme Schmid

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Le sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Thornton Grout Finnigan LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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