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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100601

Dossier : IMM-3078-09

Référence : 2010 CF 587

 

[TRACTUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

ELAIZA SAPORSANTOS LEOBRERA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(En raison d’erreurs d’écriture, deux corrections sont apportées au texte original anglais : au paragraphe 36, à la page 16, le renvoi à l’article 20 du règlement est remplacé par un renvoi à l’article 2 et, au paragraphe 79, à la page 35, le mot « of » est remplacé par le mot « that ».)

 

I. Vue d’ensemble

[1]               Tout enfant est une personne à charge, mais toute personne à charge n’est pas un enfant.

 

[2]               Il est évident que l’article premier de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (la CDPH) est une définition inclusive qui peut être élargie; cependant, la distinction établie entre les enfants handicapés et les adultes handicapés, et l’importance accordée à l’intérêt supérieur des premiers, indique qu’un adulte handicapé demeure un adulte handicapé et ne devrait pas être considéré comme un « enfant » pour l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant (R.T. Can. 1992 no 3) ou de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[3]               La Cour conclut que la distinction faite entre les enfants handicapés et les adultes handicapés dans la CDPH est pertinente pour la présente analyse. Tant la Convention relative aux droits de l’enfant que la CDPH étayent la position selon laquelle l’enfance est une période temporaire délimitée par l’âge de la personne, et non par des caractéristiques personnelles. Il est reconnu que la législation nationale, les instruments internationaux précisés ainsi que la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême du Canada mènent tous à cette conclusion.

 

[4]               [59]      [...] lorsque l’affaire a été étudiée par la Section de l’immigration, M. Poshteh n’était plus un mineur. Il avait 18 ans lorsqu’il est arrivé au Canada. Après lecture de la Convention, je suis d’avis qu’elle concerne l’intérêt des enfants tant qu’ils sont des enfants. Elle ne prétend pas conférer des droits aux adultes.

 

[60]      Il importe ici de faire la distinction entre d’une part le point de savoir si une personne a la connaissance ou la capacité mentale requise pour comprendre la nature et la conséquence de ses actes, un facteur qui est pertinent, et d’autre part l’« intérêt supérieur de l’enfant » selon la Convention, un facteur qui ne l’est pas. M. Poshteh était un adulte lorsqu’il a invoqué les lois et procédures de l’immigration du Canada et qu’il est devenu sujet à ces lois et procédures, et il ne peut donc s’en rapporter à la Convention.

 

(Propos du juge Marshall Rothstein dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 R.C.F. 487, 2005 CAF 85.)

 

II. Note préliminaire

[5]               Les deux parties conviennent que l’erreur d’orthographe dans l’intitulé doit être corrigée de manière à remplacer « Leobreza » par « Leobrera ».

III. Procédure judiciaire

[6]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR visant une décision, datée du 5 mai 2009, par laquelle une agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la demande CH) de la demanderesse.

 

IV. Contexte

[7]               La demanderesse, Mme Elaiza Saporsantos Leobrera, est une citoyenne et résidente des Philippines âgée de 23 ans. Elle a une déficience intellectuelle et est gardée par ses grands-parents.

 

[8]               La mère de la demanderesse est une citoyenne canadienne qui a obtenu la résidence permanente dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés. Il lui est interdit de parrainer sa fille au titre de la catégorie du regroupement familial aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) parce qu’elle ne l’a pas déclarée lors du processus d’immigration initial. La mère soutient qu’Elaiza a été omise sur le conseil d’un consultant en immigration afin d’éviter le risque d’être interdite de territoire pour des raisons médicales.

 

[9]               La demanderesse a introduit une demande CH en vue d’être soustraite à l’application de l’alinéa 117(9)d) du RIPR et du paragraphe 38(1) de la LIPR relativement à l’interdiction de territoire pour des motifs d’ordre médical.

 

V. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[10]           À titre préliminaire, l’agente a, après examen sommaire, retiré du dossier tous les documents soumis relativement à la situation dans les Philippines, sauf un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé, au motif qu’il s’agissait de [traduction] « documents généraux sur les Philippines accessibles au public » et qu’ils n’étaient pas pertinents pour l’examen de la demande.

 

[11]           L’agente a conclu que la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial en raison de la décision éclairée de sa répondante de ne pas déclarer son existence au moment où elle a immigré au Canada.

 

[12]           L’agente a noté l’argument de la représentante de la demanderesse, qui faisait valoir que les gardiens de celle‑ci, ses grands‑parents, vieillissaient et ne pouvaient plus prendre soin d’elle. Cet argument a été rejeté au motif que cette situation n’entraînait pas des difficultés inhabituelles. L’agente a noté que la répondante était au Canada depuis 2001 et qu’elle avait par conséquent disposé d’un temps suffisant pour prendre des mesures afin d’assurer la garde de la demanderesse.

 

[13]           L’agente a estimé qu’il n’y avait aucune preuve que la demanderesse faisait l’objet de discrimination inhabituelle en raison de son handicap. Plus particulièrement, l’agente a estimé qu’aucune preuve ne démontrait une pauvreté inhabituelle, l’insuffisance de l’accès aux possibilités de développement ou le manque d’établissements d’éducation spécialisée.

 

[14]           Après avoir procédé à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant de la répondante, Ericka, l’agente a conclu qu’elle ne connaîtrait pas de difficultés inhabituelles si la répondante était forcée de retourner aux Philippines afin de prendre soin de la demanderesse.

 

VI. Questions en litige

[15]           1) L’agente a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas de manière appropriée la question de l’intérêt supérieur d’une enfant affectée directement par la décision, soit la demanderesse elle-même, conformément à l’article 25 de la LIPR?

2) L’agente a-t-elle commis une erreur en rejetant sommairement des éléments de preuve?

 

VII. Dispositions législatives pertinentes

[16]           L’agente a compétence pour examiner les demandes CH en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, lequel est rédigé comme suit :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

Humanitarian and compassionate considerations

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative or on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

[17]           Le terme « enfant à charge » est défini comme suit à l’article 2 du RIPR :

« enfant à charge »

“dependant child”

 

« enfant à charge » L’enfant qui : 

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

 

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

 

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

 

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

“dependent child”

« enfant à charge »

 

“dependent child”, in respect of a parent, means a child who 

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

 

 

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

 

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.


[18]           Le paragraphe 3(3) de la LIPR est rédigé comme suit :

Interprétation et mise en œuvre

 

(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

a) de promouvoir les intérêts du Canada sur les plans intérieur et international;

 

b) d’encourager la responsabilisation et la transparence par une meilleure connaissance des programmes d’immigration et de ceux pour les réfugiés;

 

c) de faciliter la coopération entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les États étrangers, les organisations internationales et les organismes non gouvernementaux;

 

d) d’assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes, d’une part, d’égalité et de protection contre la discrimination et, d’autre part, d’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada;

 

e) de soutenir l’engagement du gouvernement du Canada à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada;

 

 

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

Application

 

(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

(a) furthers the domestic and international interests of Canada;

 

 

(b) promotes accountability and transparency by enhancing public awareness of immigration and refugee programs;

 

 

(c) facilitates cooperation between the Government of Canada, provincial governments, foreign states, international organizations and non-governmental organizations;

 

 

(d) ensures that decisions taken under this Act are consistent with the Canadian Charter of Rights and Freedoms, including its principles of equality and freedom from discrimination and of the equality of English and French as the official languages of Canada;

 

 

 

 

(e) supports the commitment of the Government of Canada to enhance the vitality of the English and French linguistic minority communities in Canada; and

 

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

 

VIII. Positions des parties

            Position de la demanderesse

1) L’agente a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas de manière appropriée la question de l’intérêt supérieur d’une enfant directement affectée par la décision, soit la demanderesse elle-même, conformément à l’article 25 de la LIPR?

 

[19]           Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 243 N.R. 22, la Cour suprême du Canada a statué que l’intérêt supérieur de l’enfant était une « considération primordiale » dans toute décision relative à une demande CH et qu’il convenait de lui prêter une « attention particulière ». La demanderesse cite l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555, dans lequel la Cour d’appel fédérale a statué que l’intérêt supérieur de l’enfant requiert que l’on procède à une analyse exhaustive et que l’intérêt de l’enfant soit « bien identifié et défini » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, aux paragraphes 14 et 15).

 

[20]           La demanderesse, tout en notant l’absence d’une définition du terme « enfant » dans la LIPR, fait valoir que les critères utilisés pour déterminer si une personne est un « enfant à charge » aux fins du parrainage au titre du regroupement familial, prévus à l’article 2 du RIPR, sont déterminants quant à savoir si une personne est un « enfant » pour l’application de l’article 25 de la LIPR.

 

[21]           La demanderesse fait valoir que l’agente a commis une erreur en confinant son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant à la fille Ericka de la répondante et que, à la lumière du handicap d’Elaiza, elle aurait dû considérer celle-ci comme une « enfant » malgré son âge (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 23).

 

a.    L’agente a-t-elle commis une erreur en rejetant sommairement des éléments de preuve?

[22]           La demanderesse note que l’agente a rejeté la plus grande partie de la preuve soumise au motif qu’elle n’était pas pertinente (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 28, dans lequel est cité la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 83 A.C.W.S. (3d) 264, 157 F.T.R. 35). La demanderesse fait valoir qu’un décideur est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été soumis sauf si des éléments de preuve probants contredisant la conclusion du décideur ne sont pas mentionnés (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 30).

 

[23]           La demanderesse fait observer que l’agente a conclu que rien ne démontrait qu’Elaiza connaîtrait des difficultés inhabituelles en raison de la pauvreté, de l’éducation ou de l’insuffisance du système de soutien aux handicapés aux Philippines; elle ajoute que les documents que l’agente a retirés du dossier contenaient des éléments de preuve contraires à cette conclusion qui démontraient que les personnes handicapées vivant aux Philippines éprouvent des difficultés inhabituelles (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, aux paragraphes 34 et 36).

 

Position du défendeur

1) L’agente a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas de manière appropriée la question de l’intérêt supérieur d’une enfant directement affectée par la décision, soit la demanderesse elle-même, conformément à l’article 25 de la LIPR?

 

[24]           Le défendeur fait valoir que la demanderesse n’est pas une « enfant » pour l’application de l’article 25 de la LIPR. Selon lui, le fait que la demanderesse réponde à la définition du terme « enfant à charge » à l’article 2 du RIPR n’est pas déterminant quant à savoir si elle est une « enfant » aux fins d’une demande CH parce que le terme « enfant à charge » a trait au parrainage au titre du regroupement familial et non aux demandes CH. Le défendeur note que la Convention relative aux droits de l’enfant définit « enfant » comme une personne âgée de moins de 18 ans. Le défendeur fait également valoir que la déficience intellectuelle de la demanderesse ne fait pas d’elle une enfant, puisque la loi reconnaît le droit des déficients intellectuels de prendre leurs propres décisions dans la mesure de leurs capacités (mémoire des faits et du droit du défendeur, aux paragraphes 8 à 10).

 

2) L’agente a-t-elle commis une erreur en rejetant sommairement des éléments de preuve?

[25]           Le défendeur fait valoir que l’agente a rendu une décision raisonnable relativement à la demande CH de la demanderesse.

 

[26]           Le défendeur soutient que l’agente n’a pas omis de tenir compte d’éléments de preuve relativement à la situation des personnes handicapées aux Philippines et qu’elle a examiné tous les éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions. Il fait valoir que l’agente n’était pas tenue d’examiner des éléments de preuve non pertinents (mémoire des faits et du droit du défendeur, au paragraphe 16).

 

Réponse de la défenderesse

[27]           La demanderesse répond que la Convention relative aux droits de l’enfant n’est pas incorporée au droit canadien et que, bien qu’elle puisse être utilisée pour éclairer l’interprétation de la LIPR, elle n’est pas déterminante quant à la définition du terme « enfant ».

 

IX. Norme de contrôle applicable

[28]           Dans la décision Ramsawak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 636, [2009] A.C.F. no 1387 (QL), le juge Yves de Montigny devait statuer sur une question semblable portant sur l’élargissement de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. En ce qui a trait à la norme de contrôle applicable, le juge de Montigny a statué comme suit :

[13]      La nature juridique des deux premières questions soulevées par les demandeurs ne fait aucun doute. La première relève de l’interprétation qu’il convient de donner au terme « enfant » dans le cadre de l’analyse requise par la Cour suprême du Canada lorsqu’il s’agit d’évaluer l’« intérêt supérieur de l’enfant ». La deuxième porte sur le critère qu’il convient d’appliquer à une demande présentée en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR. Ces questions juridiques sont cependant intimement liées au contexte factuel à l’intérieur duquel elles ont été soulevées; elles portent, en outre, sur l’interprétation même des dispositions habilitant les agents à rendre leurs décisions et on doit tenir pour acquis que les agents possèdent une connaissance approfondie de la LIPR du fait qu’ils l’appliquent dans le cadre normal de leurs fonctions. Pour ces motifs, j’estime que la norme de contrôle applicable quant à l’examen des deux premières questions devrait être celle de la « décision raisonnable ».

 

[29]           À l’instar du juge de Montigny, la Cour convient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

X. Analyse

1) L’agente a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas de manière appropriée la question de l’intérêt supérieur d’une enfant directement affectée par la décision, soit la demanderesse elle-même, conformément à l’article 25 de la LIPR?

 

[30]           Les demandes CH doivent être des recours exceptionnels dans des cas dignes d’intérêt qui ne répondent pas aux règles strictes du système d’immigration canadien. Il ressort clairement de la jurisprudence que l’intérêt supérieur des enfants a une place spéciale dans le processus d’examen des demandes CH. La nature singulière de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant a été bien expliquée dans Segura c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 894, [2009] A.C.F. no 1116 (QL) :

[32]      Dans l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, la Cour d’appel a fait remarquer que lorsqu’on procède à une analyse de l’intérêt supérieur d’un enfant dans le contexte de motifs d’ordre humanitaire, il est nécessaire d’évaluer l’avantage dont bénéficierait les enfants si leur parent n’était pas renvoyé, de pair avec une évaluation des difficultés auxquelles seraient confrontés les enfants si leur parent était renvoyé ou s’ils étaient renvoyés avec lui.

 

[31]           L’« intérêt supérieur de l’enfant » n’est toutefois pas censé être un facteur décisif dans une demande CH, mais il est depuis longtemps reconnu comme un élément important dans le processus.

 

Les décisions antérieures de la Cour fédérale

[32]           L’élargissement de l’intérêt supérieur de l’enfant a débuté dans la décision Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1250 (QL), 187 F.T.R. 47. Dans cette affaire, les enfants des demandeurs avaient plus de 18 ans au moment de la demande CH de leurs parents (Naredo, au paragraphe 20). En raison de leurs âges, l’agente n’avait pas procédé à une analyse de l’intérêt supérieur des enfants (Naredo, au paragraphe 21). En concluant que l’agente aurait dû procéder à l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, la Cour a statué comme suit :

[20]      Sans aller plus loin, je conclus, compte tenu des exigences énoncées dans l’arrêt Baker, que l’analyse qui se reflète dans les motifs de décision de l’agente d’immigration est tout à fait insuffisante, dans la mesure où ces motifs ont trait à l’intérêt des enfants des demandeurs; je tire cette conclusion en ayant à l’esprit l’âge des enfants des demandeurs, dont un seul avait 18 ans ou moins à la date de la décision qui fait l’objet du présent contrôle. En effet, à cette époque, il avait presque 19 ans. Les deux fils des demandeurs, quel que soit leur âge, étaient toujours des « enfants » des demandeurs dont on pouvait raisonnablement s’attendre qu’ils soient considérablement ébranlés par le renvoi de leurs parents du Canada.

 

[21]      Je reproduis de nouveau ce que je considère comme les motifs de la décision, soit les remarques que l’agente d’immigration a faites au sujet des enfants :

 

[traduction] Monsieur Arduengo [et, de fait, Mme Arduengo également] a deux enfants, qui sont nés au Canada, âgés de 22 et 18 ans. Je reconnais que ses fils sont disposés à soumettre une demande dans la catégorie de la famille. Monsieur Arduengo [et, encore une fois, vraisemblablement Mme Arduengo] a pris la décision d’avoir des enfants au Canada alors que leur statut d’immigrant était incertain et qu’ils risquaient de devoir quitter le Canada.

 

Il reviendrait également à eux de décider s’ils souhaitent, le cas échéant, laisser leurs enfants, âgés de 22 et 18 ans, au Canada. Les parents sont libres de décider ce qui est dans l’intérêt de leurs enfants. Les enfants auront toujours la citoyenneté canadienne, peu importe où ils habitent.

 

Il va de soi que le fait que les parents aient eu des enfants au Canada alors que leur statut d’immigrant était incertain n’était pas une « décision » à laquelle les enfants avaient participé.

 

[22]      Voici ce que Madame le juge L’Heureux-Dubé a écrit, au nom des juges majoritaires, au paragraphe 55 des motifs qu’elle a exposés dans l’arrêt Baker :

 

L’agent n’a prêté aucune attention à l’intérêt des enfants de Mme Baker. Comme je le démontrerai avec plus de détails dans les paragraphes qui suivent, j’estime que le défaut d’accorder de l’importance et de la considération à l’intérêt des enfants constitue un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire conféré par l’article, même s’il faut exercer un degré élevé de retenue envers la décision de l’agent d’immigration.

 

Je suis convaincu que l’on pourrait dire la même chose en l’espèce. L’agente d’immigration n’avait pas le loisir, compte tenu des directives que donne l’arrêt Baker, de se contenter de laisser aux parents la responsabilité de déterminer en quoi consiste l’intérêt des enfants, dans des circonstances où les demandeurs étaient sur le point de devoir quitter le Canada afin de faire face à un avenir incertain au Chili. En agissant ainsi, l’agente « ne prêtait aucune attention » à l’intérêt des enfants. L’agente d’immigration n’a pas elle-même « accord[é] de l’importance et de la considération à l’intérêt des enfants... » . Elle a plutôt conclu que les demandeurs n’obtiendraient pas le droit de présenter une demande de droit d’établissement sans quitter le Canada et, partant, elle a laissé exclusivement aux parents la responsabilité de prendre la décision déchirante de savoir en quoi consistait l’intérêt de leurs enfants. [Non souligné dans l’original.]

 

[33]           Dans la décision Swartz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 268, 218 F.T.R. 23, les demandeurs étaient arrivés au Canada avec leur fils, Ronville, qui était alors âgé de 14 ans. Les demandeurs ne pouvaient pas régulariser leur situation et ont déposé une demande CH lorsque Ronville a eu 19 ans (Swartz, au paragraphe 2). L’agente n’a pas procédé à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant pour Ronville, vraisemblablement à cause de son âge (Swartz, au paragraphe 9).

 

[34]           La Cour dans Swartz a adopté le raisonnement de la décision Naredo, précitée, et a statué comme suit :

[14]      Pour commencer, je note que Ronville avait 19 ans au moment de l’entrevue et de la décision. Il pourrait être considéré un adulte aux yeux de la loi. Cependant, en raison des circonstances, j’estime qu’on peut, malgré son âge, le considérer un « enfant » afin de respecter le principe de l’arrêt Baker. Dans la décision Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2000), 192 D.L.R. (4th) 373, les demandeurs, qui avaient deux enfants, ont présenté une demande de droit d’établissement fondée sur des considérations humanitaires sans quitter le Canada. Au moment du rejet de leur demande, le plus jeune enfant avait 18 ans et l’aîné, 20. M. le juge Gibson, qui a accueilli la demande, a déclaré, au paragraphe 20 :

 

Les deux fils des demandeurs, quel que soit leur âge, étaient toujours des « enfants » des demandeurs dont on pouvait raisonnablement s’attendre qu’ils soient considérablement ébranlés par le renvoi de leurs parents du Canada.

 

Dans le cas présent, je suis d’avis que, si on applique le principe énoncé dans Baker, Ronville était un « enfant » parce que, même s’il avait 19 ans, il était une personne à charge et n’était autorisé ni à travailler ni à poursuivre ses études au Canada après mai 2001. [Non souligné dans l’original.]

 

[35]           La Cour a conclu au paragraphe 25 :

[25]      J’accueille la demande parce qu’à mon avis l’agente d’immigration n’a pas, malgré son examen approfondi de la plupart des circonstances de l’affaire, tenu compte de l’intérêt supérieur du fils à charge, Ronville, selon l’éclairage de l’arrêt Baker. [Non souligné dans l’original.]

 

[36]           L’utilisation par la Cour du terme « fils à charge » mérite d’être mentionnée parce que, dans le régime antérieur à la LIPR, « fils à charge » était défini à l’article 2 du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172 (RI), et sa définition était plus ou moins équivalente à la définition moderne d’« enfant à charge » dans la LIPR. Il convient également de noter que la Cour a choisi d’utiliser ce terme pour interpréter ce qui était alors le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, à la lumière du fait que le paragraphe 2(1) du RI limitait l’application des définitions énoncées dans cet article au RI. Néanmoins, il semble que la Cour était convaincue que la dépendance était un facteur dominant pour déterminer s’il convenait de procéder à une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[37]           Dans la décision Yoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 343, 343 F.T.R. 253, la Cour devait statuer sur la demande CH présentée conjointement par deux fils adultes et leur père (Yoo, au paragraphe 1). L’agent a estimé que les fils, qui étaient âgés à ce moment-là de 20 et 24 ans, étaient des « adultes à charge » et n’a pas procédé à l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants (Yoo, au paragraphe 9).

 

[38]           La décision Yoo est importante, car il s’agit de la première affaire où la définition du terme « enfant à charge » énoncée à l’article 2 du RIPR est citée aux fins de savoir si un adulte à charge peut être considéré comme un « enfant » pour l’application de l’article 25 de la LIPR (quoique, comme cela sera expliqué plus bas, les deux définitions n’aient jamais été explicitement comparées).

 

[39]           Dans cette affaire, le demandeur prétendait que ses deux fils étaient des « enfants à charge » au moment de la présentation de la demande CH parce qu’ils fréquentaient l’école à plein temps et dépendaient totalement du soutien financier de leur père (Yoo, au paragraphe 20). Le défendeur a fait valoir que les fils n’étaient pas demeurés des « enfants » du simple fait qu’ils répondaient à la définition d’« enfants à charge » énoncée dans le RIPR. Le défendeur a plutôt invoqué l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant et soutenu qu’un individu n’est un « enfant » que s’il est âgé de moins de 18 ans (Yoo, au paragraphe 25). Le défendeur a conclu qu’aucune loi nationale ou internationale ne permettait de considérer les fils comme des « enfants » du simple fait qu’ils étaient à charge (Yoo, au paragraphe 26).

 

[40]           La Cour a cité la décision Naredo, précitée, à l’appui de la proposition selon laquelle des adultes à charge pouvaient demeurer des « enfants » pour les besoins des demandes CH et a statué, en ce qui concerne le principe de la courtoisie judiciaire (Yoo, au paragraphe 31), que les fils de M. Yoo peuvent bénéficier d’une analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a noté plusieurs facteurs qui justifiaient cette conclusion :

[32]      Le raisonnement du juge Gibson dans Naredo me convainc que des enfants adultes peuvent bénéficier d’une analyse relative à « l’intérêt supérieur de l’enfant » et je m’écarterais de ce raisonnement uniquement si la preuve dont je suis saisi l’exigeait. En l’espèce, je conclus que les fils du demandeur méritent une analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant pour les raisons suivantes :

 

a.   leur père est le parent qui a assumé la responsabilité de s’occuper d’eux après que la mère eut abandonné la famille en 1995 et rejeté les fils en 1999;

 

b.   les fils dépendent du soutien financier de leur père pendant qu’ils poursuivent leurs études;

 

c.   le plus jeune fils, Rubin, n’a pas cessé de fréquenter l’école et de dépendre financièrement de son père;

 

d.   l’autre fils, James, a brièvement quitté l’école, mais y est retourné pour poursuivre ses études et il dépend également financièrement de son père;

e.   les fils n’ont pas choisi la situation dans laquelle ils se trouvent puisque comme enfants ils ont dû quitter leur mère en Corée et rejoindre leur père au Canada.

 

[41]           Quoique la Cour n’ait pas énuméré les facteurs qui doivent être pris en compte pour déterminer si un adulte peut bénéficier d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, il ressort de ses motifs qu’elle considérait la dépendance comme la caractéristique qui définit l’« enfant ».

 

[42]           L’affaire la plus récente de cette série de décisions est Ramsawak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 636, [2009] A.C.F no 1387 (QL). Dans cette affaire, le demandeur a présenté une demande CH qui visait également deux enfants âgés de 18 et de 21 ans (Ramsawak, au paragraphe 7). L’agent n’a pas procédé à l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, car ceux-ci avaient tous les deux plus de 18 ans au moment de la demande (Ramsawak, au paragraphe 9). Le juge de Montigny a entendu des arguments semblables à ceux qui ont été présentés dans la décision Yoo, précitée, et il a statué ce qui suit :

[17]      Tous les arguments présentés par le défendeur ont récemment été examinés par mon collègue le juge Mandamin dans l’affaire Yoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 343. Soulignant que le juge Gibson avait déjà conclu, dans Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1250, au droit pour les enfants d’âge adulte de bénéficier de l’analyse de l’« intérêt supérieur de l’enfant », le juge Mandamin s’est senti tenu d’appliquer le même raisonnement, par courtoisie judiciaire. Par souci d’exhaustivité, j’ajouterais également que le juge MacKay a appliqué la décision Naredo dans Swartz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 268, [2002] A.C.F. no 340.

 

[18]      Malgré mes réserves à l’égard de ces décisions, j’estime qu’il serait mal venu de rendre le droit incertain. À l’exception d’une décision contraire invoquée par le défendeur, laquelle avait elle-même été rendue dans le cadre d’une requête visant l’obtention d’un sursis à une mesure de renvoi (Hunte c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-3538-03), la jurisprudence ne semble pas contradictoire sur cette question. On ne saurait affirmer non plus que les dispositions législatives pertinentes ou la jurisprudence ayant force obligatoire ont été négligées par l’agent qui a tiré la conclusion. Je suis donc disposé à admettre que le simple fait qu’un « enfant » soit âgé de plus de 18 ans ne devrait pas automatiquement dispenser un agent de prendre en compte son « intérêt supérieur », selon la ligne de conduite proposée dans Baker.

 

[19]      Ceci étant dit, l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants doit prendre en compte les faits pertinents dans chacun des cas. Ainsi, l’intérêt supérieur d’un enfant âgé de deux ans, par exemple, ne sera certainement pas identique à celui d’un jeune adulte de 21 ans. À titre d’exemple, la lecture de la décision de la juge L’Heureux‑Dubé dans Baker montre clairement qu’elle avait à l’esprit l’intérêt des enfants (voir, par exemple, les par. 71 et 73, où elle renvoie à la Convention relative aux droits [de l’enfant] de l’ONU ainsi qu’à l’importance et à l’attention qu’il convient de porter aux enfants et à l’« enfance »).

 

[20]      De façon similaire, s’il fallait tenir compte des difficultés qu’une décision défavorable imposerait aux enfants de l’auteur d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, l’autonomie de ces enfants, ou à l’inverse, leur état de dépendance à l’égard de leurs parents, doit constituer un facteur pertinent. À cet égard, il est intéressant de souligner la conclusion du juge MacKay selon laquelle l’enfant de 19 ans du demandeur était encore un « enfant » pour les besoins de l’analyse fondée sur l’arrêt Baker, parce qu’il était toujours dépendant et qu’il n’était pas autorisé à travailler ou à continuer ses études au Canada. De même, le juge Mandamin a estimé que les fils du demandeur avaient droit à une analyse fondée sur l’intérêt supérieur en raison du fait qu’ils étaient financièrement dépendants de leur père car ils poursuivaient leurs études.

 

[21]      En l’espèce, à la date de la demande, les deux jeunes demandeurs occupaient des emplois réguliers ou à temps plein. Selon le dossier du demandeur, ils avaient tous deux obtenu leur diplôme d’études secondaires et avaient un emploi permanent. Il est évident qu’ils ne vivaient pas une relation de dépendance parentale identique à celle des enfants visés dans les affaires précédentes.

 

[22]      Mais il y a plus. L’agent n’a pas du tout été négligent : il a bien au contraire tenu compte des observations relatives aux deux jeunes enfants du demandeur. En dépit du fait que l’agent a déclaré que Deevin Randy et Annalisa Nirmala [traduction] « ne feraient pas l’objet d’une évaluation fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant » en raison de leur âge, il a néanmoins examiné leurs circonstances dans le cadre de l’analyse des questions relatives à l’établissement et aux difficultés. Sous la rubrique [traduction] « Relations sociales au Canada », l’agent de l’ERAR a écrit ce qui suit :

 

[traduction] Deevin Randy et Annalisa Nirmala ont terminé leurs études au Canada, qu’ils avaient commencées dans leur pays d’origine. Les deux jeunes demandeurs sont de jeunes adultes et, avec leur niveau de scolarité, ils pourraient se trouver du travail dans leur propre pays d’origine, comme ils l’ont fait au Canada. Rien n’indique au dossier qu’ils ne pourraient surmonter l’obstacle de la langue, ou d’autres obstacles majeurs, d’une manière qui les empêcherait de se trouver un emploi dans leur pays d’origine. Malgré les quelques années cruciales de leur développement passées au Canada, je ne crois pas que les relations sociales créées les exposeraient à des difficultés excessives à leur retour dans leur pays d’origine.

 

[23]      Il ne me semble pas que l’on puisse dire de cette analyse qu’elle ne tient pas compte de l’intérêt supérieur des enfants. Naturellement, elle n’est pas exprimée de la même manière qu’elle aurait été si les enfants avaient été encore dépendants de leurs parents, peu importe leur âge. En raison du fait qu’ils sont maintenant autonomes, les effets d’une décision défavorable portant sur des motifs d’ordre humanitaire ne sont pas évalués indirectement pour ce qui est des conséquences à leur égard du retour possible de leurs parents au Guyana; de façon plus appropriée, l’agent tente de voir les chances qui pourraient s’offrir à eux, en se plaçant de leur propre perspective, pour établir les probabilités de réintégration ou d’emploi à leur retour dans leur pays d’origine. Cette démarche ne me semble pas incompatible ou contraire à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant fondée sur l’arrêt Baker; il s’agit plutôt d’une façon plus appropriée d’être « réceptif, attentif ou sensible » à leurs besoins et intérêts compte tenu de leur situation propre. En conséquence, je suis d’avis que l’agent n’a pas omis de prendre en compte et d’apprécier les facteurs pertinents aux deux plus jeunes demandeurs, en dépit du fait qu’il n’a pas entrepris d’analyse distincte sous une rubrique intitulée « intérêt supérieur des enfants ».

[Non souligné dans l’original.]

 

[43]           Ces décisions ont étendu l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant aux adultes qui sont dans des situations semblables à celle des enfants en raison de leur dépendance. Les tribunaux ont par le passé mis l’accent sur la définition d’« enfant à charge » énoncée à l’article 2 du RIPR et ont réduit le rôle de la Convention relative aux droits de l’enfant pour l’interprétation de l’article 25 de la LIPR. Pour les motifs qui suivent, la Cour reconsidère la voie empruntée par la jurisprudence.

 

a)   L’inapplicabilité à la LIPR des définitions contenues à l’article 2 du RIPR

 

[44]           Comme cela est mentionné plus haut, la demanderesse fait valoir que la définition d’« enfant à charge » énoncée à l’article 2 du RIPR est [traduction] « déterminante » quant à la question de savoir si une personne peut bénéficier d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 3).

 

[45]           La Cour note que le paragraphe 1(1) du RPIR énonce ce qui suit :

1. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la Loi et au présent règlement.

 

1. (1) The definitions in this subsection apply in the Act and in these Regulations.

 

[46]           L’article 2 du RIPR, qui contient la définition d’« enfant à charge », est rédigé comme suit :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

2. The definitions in this section apply in these Regulations.

 

[47]           Bien que le terme « enfant » ne soit pas défini et puisse donner lieu à interprétation, la Cour conclut que la définition du terme « enfant à charge » ne s’applique pas à l’article 25 de la LIPR en raison de la limite imposée aux définitions énoncées à l’article 2 du RIPR.

 

[48]           La Cour note que ces dispositions ne sont pas mentionnées dans les décisions antérieures qui citent la définition d’« enfant à charge » à l’article 2 du RIPR. De même, la Cour ne voit pas clairement comment les tribunaux ont utilisé cette définition pour interpréter l’article 25 de la LIPR. À la lumière du libellé de l’article 2, la Cour conclut que la définition d’« enfant à charge » ne devrait pas s’appliquer à la LIPR et ne devrait pas avoir d’incidence sur l’article 25 de la LIPR.

 

[49]           Malgré l’existence de l’écart entre la définition d’« enfant à charge » et celle d’« enfant », la Cour exposera également la raison pour laquelle la définition d’« enfant à charge » ne devrait, à son avis, avoir aucune incidence sur l’interprétation de la définition d’« enfant ».

 

b) La présomption d’uniformité des expressions

[50]           La Cour note que les décisions antérieures parlent de la dépendance des adultes en question lorsqu’ils étendent l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision Yoo, précitée, va jusqu’à citer la définition énoncée dans le RIPR, mais l’interaction entre la définition d’« enfant à charge » et le terme « enfant » n’est nulle part expliquée dans la jurisprudence.

 

[51]           Quoiqu’il ait déjà été établi que le terme « enfant à charge » ne s’applique pas à la LIPR, la Cour conclut également qu’il est contraire à la présomption d’uniformité des expressions d’utiliser le terme « enfant à charge » pour interpréter le terme « enfant ». Dans Sullivan on the Construction of Statutes (5e édition, 2008), Ruth Sullivan donne l’explication suivante de cette présomption :

[traduction]  On présume que le législateur rédige les lois avec soin et d’une manière cohérente, de sorte que dans une loi ou un autre texte législatif, les mêmes termes ont le même sens et les mots différents ont un autre sens. Une autre manière de comprendre cette présomption est de dire que le législateur est présumé éviter les variations stylistiques. Lorsqu’une expression particulière a été adoptée, il convient d’inférer que, lorsqu’une forme différente est employée, un sens différent est voulu. (Sullivan, aux pages 214 et 215.)

 

[52]           Mettant de côté pour le moment la limite énoncée à l’article 2 du RIPR, la Cour reconnaît que le législateur voulait que les termes « enfant » et « enfant à charge » aient des sens différents puisque, s’ils paraissent à première vue connexes, les termes utilisés dans les textes législatifs sont différents. Le législateur n’a pas défini « enfant » et la Cour respecte ce choix en ne recourant pas la définition d’un terme similaire, mais non identique, à l’article 25.

 

[53]           La décision Swartz, précitée, fait ressortir l’idée que la dépendance peut amener la Cour à considérer des adultes à charge comme des « enfants » pour l’application de l’article 25. La Cour a écrit : « je suis d’avis que, si on applique le principe énoncé dans Baker, Ronville était un « enfant » parce que, même s’il avait 19 ans, il était une personne à charge et n’était autorisé ni à travailler ni à poursuivre ses études au Canada après mai 2001 » (Swartz, au paragraphe 14). La Cour fait observer que dans la décision Swartz, précitée, on a presque remplacé l’analyse de « l’intérêt supérieur de l’enfant » par celle « de l’intérêt supérieur de la personne à charge ».

 

[54]           Quoique la Cour comprenne les situations de dépendance, elle reconnaît également, conformément à la présomption d’uniformité des expressions, que le législateur est présumé avoir choisi d’utiliser les termes « enfant » et « enfant à charge » à deux fins distinctes et, en l’absence d’éléments de preuve contraires solides, il serait contestable d’appliquer, en tout ou en partie, la définition de l’un à l’autre.

 

c) L’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant

[55]           Comme cela a été mentionné, le défendeur fait valoir que la demanderesse n’est pas un « enfant » en partie parce que l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant définit les enfants comme des personnes de moins de 18 ans (exposé des arguments du défendeur, au paragraphe 8). Dans la décision Yoo, précitée, la Cour a implicitement rejeté cet argument et a préféré se concentrer sur la dépendance des demandeurs (Yoo, aux paragraphes 25 et 32). En toute déférence pour l’opinion de la Cour dans Yoo et malgré le principe de la courtoisie judiciaire, la Cour est d’avis que l’argument du défendeur est convaincant.

 

[56]           La demanderesse fait valoir que la Convention relative aux droits de l’enfant n’a pas été incorporée au droit canadien et qu’elle n’est par conséquent pas déterminante quant à la définition du terme « enfant » pour les besoins de l’article 25 de la LIPR.

[57]           La Cour est d’accord avec la demanderesse, mais elle prend note de l’arrêt De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655, 2005 CAF 436, dans lequel la Cour d’appel fédérale a examiné l’influence des instruments de droit international sur la LIPR. Plus particulièrement, la Cour a statué que l’alinéa 3(3)f) de la LIPR a la fonction suivante :

[83]      À première vue, la directive de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR selon laquelle « [l]’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet […] de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire » est assez claire. La LIPR doit être interprétée et mise en œuvre d’une manière compatible avec les instruments visés à l’alinéa 3(3)f), à moins que ce ne soit impossible selon l’approche moderne de l’interprétation législative.

 

[…]

 

[87]      L’alinéa 3(3)f) devrait être interprété à la lumière de l’utilisation moderne par les cours du droit international en matière de droits de la personne comme instrument d’interprétation. Ainsi, à l’instar des autres lois, la LIPR doit être interprétée et mise en œuvre d’une manière conforme « aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire » et qui sont contraignants parce qu’il n’est pas nécessaire que le Canada les ratifie ou parce que le Canada les a signés et ratifiés. Ces instruments comprennent les deux instruments dont Mme de Guzman a fait grand cas dans le présent appel, soit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l’enfant. Ainsi, un instrument international portant sur les droits de l’homme qui est juridiquement contraignant et dont le Canada est signataire est déterminant quant à la façon d’interpréter et de mettre en œuvre la LIPR, en l’absence d’une intention législative contraire. [Non souligné dans l’original.]

 

[58]           À la lumière du raisonnement ci-dessus et de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR, il est clair que les instruments internationaux contraignants jouent un rôle spécial aux fins de l’interprétation de la LIPR. Quoiqu’il soit vrai que le droit national, en particulier en ce qui concerne le libellé de textes législatifs comme la LIPR, puisse éclipser le droit international lorsqu’il est directement pertinent pour l’interprétation du terme de droit national en question, la Cour insiste sur le fait que les définitions énoncées à l’article 2 du RIPR ne s’appliquent pas à la LIPR. La Cour est d’avis qu’il ne convient pas de minimiser l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant en ce qui a trait à l’interprétation du terme non défini « enfant » et reconnaît ce qui a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt De Guzman, précité, ainsi que par la Cour suprême du Canada, comme nous le verrons plus loin, dans l’arrêt Baker, précité.

 

La relation entre la Convention relative aux droits de l’enfant et l’intérêt supérieur de l’enfant

[59]           Toute analyse du sujet doit commencer par l’arrêt Baker, précité, dans lequel la Cour suprême du Canada explique la relation entre les instruments internationaux et la LIPR dans les termes suivants :

[69]      Un autre indice de l’importance de tenir compte de l’intérêt des enfants dans une décision d’ordre humanitaire est la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant, et la reconnaissance de l’importance des droits des enfants et de l’intérêt supérieur des enfants dans d’autres instruments internationaux ratifiés par le Canada. Les conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi : Francis c. The Queen [1956] R.C.S. 618, à la p. 621; Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la Radio‑Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141, aux pp. 172 et 173. Je suis d’accord avec l’intimé et la Cour d’appel que la Convention n’a pas été mise en vigueur par le Parlement. Ses dispositions n’ont donc aucune application directe au Canada.

 

[70]      Les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent, toutefois, être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois et en matière de contrôle judiciaire. Comme le dit R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), à la p. 330 :

 

[TRADUCTION]  [L]a législature est présumée respecter les valeurs et les principes contenus dans le droit international, coutumier et conventionnel. Ces principes font partie du cadre juridique au sein duquel une loi est adoptée et interprétée. Par conséquent, dans la mesure du possible, il est préférable d’adopter des interprétations qui correspondent à ces valeurs et à ces principes. [Non souligné dans l’original.]

 

D’autres pays de common law ont aussi mis en relief le rôle important du droit international des droits de la personne dans l’interprétation du droit interne : voir, par exemple, Tavita c. Minister of Immigration, [1994] 2 N.Z.L.R. 257 (C.A.), à la p. 266; Vishaka c. Rajasthan, [1997] 3 L.R.C. 361 (C.S. Inde), à la p. 367. Il a également une incidence cruciale sur l’interprétation de l’étendue des droits garantis par la Charte : Slaight Communications, précité; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697.
 

[71]      Les valeurs et les principes de la Convention reconnaissent l’importance d’être attentif aux droits des enfants et à leur intérêt supérieur dans les décisions qui ont une incidence sur leur avenir. En outre, le préambule, rappelant la Déclaration universelle des droits de l’homme, reconnaît que « l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales ». D’autres instruments internationaux mettent également l’accent sur la grande valeur à accorder à la protection des enfants, à leurs besoins et à leurs intérêts. La Déclaration des droits de l’enfant (1959) de l’Organisation des Nations Unies, dans son préambule, dit que l’enfant « a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux ». Les principes de la Convention et d’autres instruments internationaux accordent une importance spéciale à la protection des enfants et de l’enfance, et à l’attention particulière que méritent leurs intérêts, besoins et droits. Ils aident à démontrer les valeurs qui sont essentielles pour déterminer si la décision en l’espèce constituait un exercice raisonnable du pouvoir en matière humanitaire. [Non souligné dans l’original.]

 

[60]           Dans le cas de l’arrêt Hawthorne, précité, la Cour d’appel fédérale a souligné l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant en ce qui a trait à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Par exemple, au paragraphe 2, le juge Robert Décary écrit ce qui suit :

[2]        Premièrement, les arrêts Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) (demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada rejetée le 21 novembre 2002, CSC 29221), étayent la proposition selon laquelle l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur important auquel on doit accorder un poids considérable. L’arrêt Legault établit de plus que l’intérêt supérieur de l’enfant ne revêt pas un caractère déterminant quant à la question du renvoi que doit trancher le ministre. En conséquence, dans la mesure où ils peuvent donner l’impression que le facteur de l’« intérêt supérieur de l’enfant » devrait bénéficier d’une certaine priorité ou prépondérance, les termes « considération primordiale » contenus à l’article 3, paragraphe 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant [20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3] (voir le paragraphe 33 des motifs de mon collègue) devraient être interprétés avec circonspection. (Je suppose, uniquement aux fins de la présente discussion, que le renvoi d’un parent est assimilable à une « décision [. . .] qui concerne [. . .] les enfants » au sens de l’article 3, paragraphe 1 de la Convention, laquelle, comme l’a souligné mon collègue, a été ratifiée par le Canada mais n’a pas été adoptée dans le droit interne.) [Non souligné dans l’original.]

 

[61]           Le juge John Maxwell Evans écrit en outre ce qui suit :

[33]      L’intérêt supérieur de l’enfant joue également un rôle important dans une décision d’ordre humanitaire car le droit international, un élément important du contexte interprétatif de la loi nationale, accorde un rang très élevé à la protection de l’intérêt des enfants : Baker, aux paragraphes 69 à 71. Par exemple, l’article 3, paragraphe 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, Doc. NU A/Rés/44/25, [1992] R.T. Can. no 3 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990), un traité qu’a ratifié le Canada mais qui n’a pas été adopté dans le droit interne, prévoit : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants [qui sont] le fait [. . .] des autorités administratives [. . .], l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » La Convention prévoit en outre que, dans la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, les décideurs doivent prendre en considération les opinions de l’enfant, eu égard à son âge et à son degré de maturité. Afin d’assurer dûment la prise en compte des désirs de l’enfant, l’article 12 dispose qu’on doit donner à l’enfant la possibilité d’être entendu, soit directement ou indirectement, dans toute procédure administrative l’intéressant. [Non souligné dans l’original.]

 

[62]           Dans l’arrêt Poshteh, précité, des arguments ont été présentés à la Cour d’appel fédérale sur l’application du test de l’intérêt supérieur de l’enfant et des droits énoncés à l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant à M. Poshteh, lequel s’était joint à une organisation terroriste durant son adolescence et était arrivé au Canada après l’âge de 18 ans. Dans sa décision rédigée par le juge Rothstein, la cour a statué que M. Poshteh ne méritait pas une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant pour les motifs suivants :

[57]      M. Poshteh et l’intervenante font valoir que, s’agissant d’un mineur, la Section de l’immigration doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’alinéa 3(3)f) prévoit en effet que la Loi doit être interprétée et appliquée d’une manière qui s’accorde avec les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire. Voici le texte de cette disposition:

 

3. […]

 

(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

[…]

 

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

 

[58]      L’un des instruments en question est la Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990). L’article 3 prévoit que, dans toutes les décisions des tribunaux et des autorités administratives, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Voici le texte de l’article 3, paragraphe 1 :

 Article 3

 

1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

 

[59]      Je ne crois pas que la Convention relative aux droits de l’enfant soit pertinente ici. Aux fins de la Convention, la décision rendue dans la présente affaire résulte d’une procédure engagée devant la Section de l’immigration. Cependant, lorsque l’affaire a été étudiée par la Section de l’immigration, M. Poshteh n’était plus un mineur. Il avait 18 ans lorsqu’il est arrivé au Canada. Après lecture de la Convention, je suis d’avis qu’elle concerne l’intérêt des enfants tant qu’ils sont des enfants. Elle ne prétend pas conférer des droits aux adultes.

 

[60]      Il importe ici de faire la distinction entre d’une part le point de savoir si une personne a la connaissance ou la capacité mentale requise pour comprendre la nature et la conséquence de ses actes, un facteur qui est pertinent, et d’autre part l’ « intérêt supérieur de l’enfant » selon la Convention, un facteur qui ne l’est pas. M. Poshteh était un adulte lorsqu’il a invoqué les lois et procédures de l’immigration du Canada et qu’il est devenu sujet à ces lois et procédures, et il ne peut donc s’en rapporter à la Convention.

 

[63]           Ces motifs étayent la proposition selon laquelle l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant est intimement liée à la Convention relative aux droits de l’enfant et, en raison de ce lien, l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut être effectuée pour une personne de 18 ans ou plus, car telle est la limite prévue par cet instrument.

 

[64]           La Cour reconnaît que l’arrêt Poshteh, précité, apporte une réponse incomplète à la question en litige en raison du fait que, comme nous l’avons noté plus haut, les décisions Naredo, Swartz, Yoo et Ramsawak fondent leur élargissement de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant non sur la Convention relative aux droits de l’enfant, mais plutôt sur la formulation d’une nouvelle politique fondée sur la dépendance.

 

[65]           Les arrêts Baker, Hawthorne et Poshteh, tous précités, montrent que les cours supérieures accordent une importance considérable à la Convention relative aux droits de l’enfant et ne mentionnent pas les définitions énoncées dans les lois nationales en matière d’immigration. Prenant acte de la jurisprudence, la Cour se penchera sur le texte de la Convention relative aux droits de l’enfant afin d’élucider la définition d’« enfant » pour l’application de la LIPR.

 

[66]           La Cour reconnaît que le préambule de la Convention relative aux droits de l’enfant énonce que « l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales » et que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ». Quoique les personnes handicapées puissent demeurer à la charge de leurs parents et nécessiter une aide et une assistance spéciale, le texte de la Convention relative aux droits de l’enfant indique que l’enfance a une fin bien définie, qui s’applique également aux droits particuliers que possèdent les enfants. Comme nous l’avons mentionné, l’article premier énonce qu’un enfant est une personne de moins de 18 ans. De même, l’article 23 reconnaît les droits spéciaux que possèdent les enfants ayant des handicaps physiques et intellectuels. Il ressort de ces dispositions que l’enfance, sous toutes ses formes, se termine à l’âge de 18 ans pour l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant, sans égard à la question de savoir si la personne continue ou non de dépendre de ses parents.

 

[67]           En ce qui concerne l’argument selon lequel l’handicap de la demanderesse justifie qu’elle soit considérée comme une « enfant » pour l’application de l’article 25 de la LIPR, la Cour prend note de la ratification par le Canada de la CDPH. La Cour est d’avis que son libellé n’étaye pas l’argument selon lequel des adultes handicapés peuvent être considérés comme des « enfants » aux fins de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, étant donné qu’il y est établi une distinction entre enfants handicapés et adultes handicapés.

 

[68]           L’article 7 de la CDPH est rédigé comme suit :

Article 7 - Enfants handicapés

 

1. Les États Parties prennent toutes mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants.

 

2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

 

3. Les États Parties garantissent à l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité, et d’obtenir pour l’exercice de ce droit une aide adaptée à son handicap et à son âge. [Non souligné dans l’original.]

 

[69]           De plus, l’article 23 énonce ce qui suit :

Article 23 - Respect du domicile et de la famille

 

1.      Les États Parties prennent des mesures efficaces et appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans tout ce qui a trait au mariage, à la famille, à la fonction parentale et aux relations personnelles, sur la base de l’égalité avec les autres, et veillent à ce que :

 

a.       Soit reconnu à toutes les personnes handicapées, à partir de l’âge nubile, le droit de se marier et de fonder une famille sur la base du libre et plein consentement des futurs époux;

 

b.      Soient reconnus aux personnes handicapées le droit de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre de leurs enfants et de l’espacement des naissances ainsi que le droit d’avoir accès, de façon appropriée pour leur âge, à l’information et à l’éducation en matière de procréation et de planification familiale; et à ce que les moyens nécessaires à l’exercice de ces droits leur soient fournis;

 

c.       Les personnes handicapées, y compris les enfants, conservent leur fertilité, sur la base de l’égalité avec les autres.

2.   Les États Parties garantissent les droits et responsabilités des personnes handicapées en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption des enfants ou d’institutions similaires, lorsque ces institutions existent dans la législation nationale; dans tous les cas, l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale. Les États Parties apportent une aide appropriée aux personnes handicapées dans l’exercice de leurs responsabilités parentales.

 

3.   Les États Parties veillent à ce que les enfants handicapés aient des droits égaux dans leur vie en famille. Aux fins de l’exercice de ces droits et en vue de prévenir la dissimulation, l’abandon, le délaissement et la ségrégation des enfants handicapés, les États Parties s’engagent à fournir aux enfants handicapés et à leur famille, à un stade précoce, un large éventail d’informations et de services, dont des services d’accompagnement.

 

4.   Les États Parties veillent à ce qu’aucun enfant ne soit séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes, sous réserve d’un contrôle juridictionnel, ne décident, conformément au droit et aux procédures applicables, qu’une telle séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. En aucun cas un enfant ne doit être séparé de ses parents en raison de son handicap ou du handicap de l’un ou des deux parents.

 

5.   Les États Parties s’engagent, lorsque la famille immédiate n’est pas en mesure de s’occuper d’un enfant handicapé, à ne négliger aucun effort pour assurer la prise en charge de l’enfant par la famille élargie et, si cela n’est pas possible, dans un cadre familial au sein de la communauté. [Non souligné dans l’original.]

 

[70]           La CDPH définit les « personnes handicapées » comme suit :

Article 1 – Objet

 

La présente Convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

 

Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. [Non souligné dans l’original.]

 

[71]           Il est clair que l’article premier de la CDPH est une définition inclusive; cependant, la définition établie entre enfants handicapés et adultes handicapés, et l’importance accordée à l’intérêt supérieur des premiers, montre qu’un adulte handicapé demeure un adulte handicapé et ne doit pas être considéré comme un « enfant » aux fins de la Convention relative aux droits de l’enfant ou de l’article 25.

 

[72]           La Cour conclut que la distinction entre enfants handicapés et adultes handicapés dans la CDPH est pertinente pour la présente analyse. La Convention relative aux droits de l’enfant et la CDPH étayent toutes deux l’argument selon lequel l’enfance constitue une période temporaire qui est délimitée par l’âge de la personne, et non par des caractéristiques personnelles. La Cour reconnaît que la législation nationale, les instruments internationaux précisés et la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale mènent tous à cette conclusion.

 

2) L’agente a-t-elle commis une erreur en rejetant sommairement des éléments de preuve?

[73]           Il est établi en droit qu’un organisme est présumé avoir examiné toute la preuve qui lui a été présentée même s’il ne mentionne pas chaque élément de preuve dans ses motifs. Cela étant dit, la Cour écrit dans la décision Cepeda-Gutierez, précitée :

[15]      La Cour peut inférer que l’organisme administratif en cause a tiré la conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » du fait qu’il n’a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents à la conclusion, et en arriver à une conclusion différente de celle de l’organisme. Tout comme un tribunal doit faire preuve de retenue à l’égard de l’interprétation qu’un organisme donne de sa loi constitutive, s’il donne des motifs justifiant les conclusions auxquelles il arrive, de même un tribunal hésitera à confirmer les conclusions de fait d’un organisme en l’absence de conclusions expresses et d’une analyse de la preuve qui indique comment l’organisme est parvenu à ce résultat.

 

[16]      Par ailleurs, les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal (Medina c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990) 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C.A.F.)), et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve (voir, par exemple, Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l’organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l’ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l’organisme a analysé l’ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

 

[17]      Toutefois, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée "sans tenir compte des éléments dont il [disposait]" : Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

 

[74]           En l’espèce, la Cour est saisie d’une affaire où l’agente reconnaît avoir retiré des éléments de preuve du dossier de la demanderesse parce qu’elle avait conclu, après avoir procédé à un [traduction] « examen sommaire », que ces éléments n’étaient pas pertinents. Après avoir examiné les documents retirés, la Cour estime qu’il est possible que la pertinence de certains d’entre eux soit contestable; cela ne dispense toutefois pas l’agente de procéder à un examen plus approfondi, le bien-fondé de chaque affaire devant être évalué individuellement en fonction des éléments de preuve objectifs pertinents pour l’affaire (par exemple, le dossier de la demande, à la page 178, renvoie au document de l’Organisation mondiale de la Santé; l’arrêt classique Kane c. Cons. d’administration de l’UCB, [1980] 1 R.C.S. 1105, 2 A.C.W.S. (2d) 117, est également cité). Un tel examen est d’autant plus important que l’agente a conclu que la demanderesse avait la possibilité de recevoir des soins adéquats aux Philippines, alors que certains éléments pertinents pourraient contredire la preuve contenue dans les documents sur la situation générale du pays soumis par la demanderesse.

 

[75]           Le défendeur cite l’arrêt Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 R.C.F. 635, à l’appui de la proposition selon laquelle l’agent n’est tenu d’examiner un facteur ou élément de preuve d’ordre humanitaire soumis que lorsque le demandeur explique en quoi l’élément de preuve est pertinent. La Cour n’est pas convaincue que l’arrêt Owusu, précité, s’applique à la présente affaire. Dans l’arrêt Owusu, précité, l’appelant soutenait que l’agent qui avait examiné la demande CH avait commis une erreur en ne considérant pas l’intérêt supérieur de ses enfants. La cour a rejeté l’argument en indiquant que M. Owusu n’avait pas insisté suffisamment sur les répercussions éventuelles de son expulsion sur ses enfants pour obliger l’agent à tenir compte de leur intérêt supérieur (Owusu, au paragraphe 9).

 

[76]           En l’espèce, la Cour n’est pas en présence d’une telle situation. Les observations présentées par la demanderesse à l’agente chargée de la demande CH établissent un lien entre la preuve relative à la situation du pays, plus précisément un rapport du Département d’État des États-Unis, qui a été retirée par l’agente, et la question de la situation dans laquelle se trouve la demanderesse aux Philippines (dossier de la demanderesse, à la page 30).

 

XI. Conclusion

[77]           Les tribunaux ont un rôle précis à jouer dans le système canadien de la suprématie de la Constitution : ils doivent être conscients des rôles de l’autorité exécutive et de l’autorité législative et reconnaître que le rôle de la magistrature est d’interpréter la loi. Il incombe donc à la Cour fédérale de suivre l’interprétation de la loi établie par la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême.

 

[78]           La Cour est d’avis que la définition d’« enfant à charge » n’est pas déterminante quant à la question de savoir si une personne peut bénéficier d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Se fondant sur l’intégralité de l’article 2 du RIPR, la Cour conclut que la définition d’« enfant à charge » ne devait pas s’appliquer à la LIPR.

 

[79]           Comme cela a été démontré, le terme « enfant » n’est pas défini dans la LIPR et il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant a un lien particulier avec la Convention relative aux droits de l’enfant. Se fondant sur le raisonnement précité, la Cour est par conséquent d’avis que la jurisprudence antérieure sur cette question a indûment minimisé l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant.

 

[80]           La Cour comprend la position de la demanderesse, car, comme le reconnaît la Convention relative aux droits de l’enfant, la politique sous-jacente à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant repose en partie sur la vulnérabilité physique et intellectuelle des enfants; la Cour reconnaît aussi que les personnes handicapées peuvent également être vulnérables à divers degrés, mais elle ne peut convenir que la dépendance et la vulnérabilité constituent des caractéristiques qui définissent l’« enfance » pour l’application de l’article 25. Par conséquent, la Cour conclut que les adultes à charge ne doivent pas faire l’objet d’une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[81]           Tout enfant est une personne à charge, mais toute personne à charge n’est pas un enfant.

 

[82]           Si l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant devait s’étendre aux adultes à charge, les limites et les critères applicables auraient été énoncés d’une manière très différente dans la législation, ce qui n’est pas le cas.

 

[83]           L’affaire est renvoyée au tribunal de première instance en raison des documents qui ont été retirés. Le contexte factuel ne doit pas être écarté tant qu’il n’a pas été convenablement démontré qu’il en a été tenu compte dans le cadre de la demande CH, compte tenu des graves conséquences inhérentes à une telle décision à la lumière de toute la preuve subjective et objective sur cette question (cas d’espèce). La Cour annule la décision et renvoie l’affaire à un autre agent d’immigration pour qu’il rende une nouvelle décision en se fondant sur les présents motifs; par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision de l’agente soit annulée. L’affaire est renvoyée pour réexamen par un agent différent. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

                                                                                                  

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3078-09

                                                                       

 

INTITULÉ :                                                   ELAIZA SAPORSANTOS LEOBRERA c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 17 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 1er juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Asiya Hirji

 

POUR LA DEMANDERESSE

Martin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann, Sandaluk

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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