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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100527

Dossier : IMM-5393-09

Référence : 2010 CF 584

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 27 mai 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

JIAN FENG CHEN

demandeur

 

 

et

 

 

Le ministre de la sécurité publique

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

Motifs de l'ordonnance et ordonnance

 

[1]               Il s'agit d'une histoire d'amour qui a mal tourné. M. Chen, un citoyen chinois, a épousé Mme Zou, une résidente du Canada. Elle l’a alors parrainé pour sa résidence permanente. Lorsqu'il est arrivé au Canada environ un an plus tard, M. Chen a trouvé son épouse enceinte de l'enfant d'un autre homme. Le mariage s'est rompu un ou deux mois après.

 

[2]               Après leur divorce, M. Chen a épousé une ancienne flamme en Chine et en qualité de résident permanent au Canada, il a tenté de la parrainer. Là, les autorités de l'immigration ont eu des soupçons. Le parrainage de sa deuxième épouse a non seulement été rejeté, mais M. Chen a également été déclaré interdit de territoire pour fausses déclarations en faisant directement une réticence et en déclarant que son premier mariage était authentique. Il a interjeté appel de cette décision à la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Son appel a été rejeté. Il s'agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[3]               Je conclus que la décision était tout à fait déraisonnable et j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire et renverrai l'affaire à la SAI pour une nouvelle audience devant un autre commissaire.

 

LES FAITS

[4]               Après le mariage, alors que M. Chen attendait ses documents en Chine et que Mme Zou se trouvait au Canada, un ami l'a informé qu'une personne de leur village natal avait vu Mme Zou en compagnie d'un autre homme à Toronto. M. Chen a espéré qu'il ne se passait rien entre les deux.

 

[5]               Toutefois, à son arrivée à Toronto, il a découvert que sa femme était enceinte. Il était disposé à lui pardonner et lui a demandé de subir un avortement. Elle a refusé. À plusieurs reprises, elle lui a fait des avances sexuelles, mais il était à la fois non disposé ni en mesure de s'exécuter. Elle s'est moquée de son manque de virilité.

 

[6]               À la fois en colère et humilié, M. Chen a dépensé 1 000 $ dans un casino, ce qui n'a fait qu'aggraver les choses. Le mariage était arrivé à sa fin.

 

[7]               M. Chen n'a attiré l'attention des autorités que lorsqu'il a tenté de parrainer sa deuxième épouse. Elles soupçonnaient que son premier mariage n'était peut-être pas authentique. Les divers rapports et la décision faisant l'objet du contrôle établissaient essentiellement ce qui suit : le mariage et les fréquentations avaient été très rapides, il n'y avait eu aucune réception de mariage malgré l'assurance initiale de M. Chen qu’il y en aurait une à son entrée au Canada, il n'avait pas interrogé son épouse avant son départ de la Chine concernant les rumeurs de sa liaison et, après le divorce, il n'avait rencontré son ancienne épouse que lorsqu'il avait reçu un avis de convocation en 2006, une indication qu’il souhaitait uniquement une rencontre pour discuter de questions d'immigration, de sorte que le principal motif de la relation au départ consistait à obtenir un avantage en matière d’immigration.

 

analyse

[8]               L'alinéa 40(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi) est rédigé comme suit :

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence

sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce

an error in the administration of this Act;

 

 

[9]               Une fois éveillés les soupçons d'une agente d'immigration, celle-ci a invoqué l'alinéa 44(1)a) de la Loi et rédigé un rapport estimant que M. Chen était interdit de territoire. Ceci a donné lieu à une mesure d'exclusion prise en vertu de l'alinéa 229(1)h) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés et finalement à un appel interjeté en vertu des article 62 et suivants de la Loi.

 

[10]           L'appel prend non seulement en compte les conclusions initiales, mais également la question de savoir si le demandeur devrait, de toute façon, être autorisé à demeurer au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire.

 

[11]           Il s'agit d'un cas classique de regarder les faits au moyen d'un rétroviseur. Il faut tout d'abord examiner la question de savoir si le mariage était authentique, et s'il l’était toujours lorsque M. Chen a eu une entrevue environ un mois avant de venir au Canada, alors qu'il avait entendu des rumeurs à propos du comportement de sa femme.

 

[12]           Le fondement de la conclusion selon laquelle le mariage n'était pas authentique est qu’il n'a duré que peu de temps, que M. Chen n'est pas immédiatement retourné en Chine après la rupture du mariage, mais qu’il y est effectivement retourné pas si longtemps après afin de courtiser une ancienne flamme.

 

[13]           Ces faits ne peuvent pas constituer le fondement probatoire de l'inauthenticité du mariage. Comment aurait-il pu savoir au moment du mariage qu'il découvrirait un an plus tard que sa femme était enceinte d'un autre homme? En ce qui concerne le fait qu'il n'est pas immédiatement retourné en Chine à la rupture de son mariage, M. Chen a déclaré que comme mari cocu, il serait la risée de son village. Il n'y avait aucun élément de preuve pour contredire cette déclaration. Lorsqu'il y est retourné par la suite, c'était dans un tout autre contexte.

 

[14]           En ce qui concerne la question que M. Chen n'a pas fait part des rumeurs à l'agent au moment de son entrevue, quel fait important a-t-il caché? Le seul fait était qu'il avait entendu des rumeurs. Même si elles avaient été vraies, cela ne signifiait pas que le mariage était nécessairement terminé. La Loi sur le divorce envisage expressément la possibilité de réconciliation et les documents de divorce signés par les deux parties, et qui se trouvent dans le dossier du tribunal, contiennent leur déclaration conjointe selon laquelle une réconciliation n'était pas possible.

 

[15]           L'obligation de franchise ne forçait pas M. Chen à faire part de ses préoccupations à un agent d'immigration. La présente affaire est très différente de Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 378, dans laquelle j'ai analysé la question des fausses déclarations frauduleuses, négligentes et innocentes. En l'espèce, il n'y avait pas de fausses déclarations et aucun fait n’a été caché.

 

[16]           Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire que j'examine l'analyse de la SAI concernant les facteurs d'ordre humanitaire, qui peut-être auraient permis, de toute façon, à M. Chen de demeurer au Canada.

 


ORDONNANCE

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS CI-DESSUS,

la cour STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  L'affaire est renvoyée à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvelle décision.

3.                  Il n'y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5393-09

 

INTITULÉ :                                       JIAN FENG CHEN c.

                                                            Le ministre de la sécurité publique

                                                            et de la protection civile

 

 

PLACE de l’audience :             Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :               Le 27 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  le juge HARRINGTON

 

DATE des motifs :                      Le 27 mai 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marshall E. Drukarsh

 

Pour le demandeur

Nur Muhammad-Ally

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marshall E. Drukarsh

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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