Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100520

Dossier : IMM-3977-09

Référence : 2010 CF 553

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2010

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

SOBIA NAZIR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas, datée du 8 juin 2009, par laquelle l’agente a jugé que la demanderesse, Sonia Nazir, ne satisfaisait pas aux exigences d’obtention d’un permis de travail à titre d’aide familiale au titre de l’article 112 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

I.          Les faits

[2]               La demanderesse est une citoyenne pakistanaise âgée de 30 ans qui a sollicité un permis de travail à titre d’aide familiale le 3 novembre 2008. Cet emploi a été offert à la demanderesse par son beau-frère (le mari de sa soeur), M. Iqbal Muhammad Naeem, et consistait à s’occuper de ses trois enfants âgés de 9 ans, 5 ans et16 mois. Service Canada avait déjà donné un avis positif relativement au marché du travail le 15 août 2008.

 

[3]               Le 6 avril 2009, la demanderesse a été interviewée au haut-commissariat du Canada à Islamabad. Pendant l’entrevue, il a été question des compétences linguistiques, des études et des antécédents professionnels de la demanderesse, de la demande de visa d’étudiante qu’elle avait déjà présentée, et de ses projets familiaux et professionnels. À la fin de l’entrevue, l’agente des visas a demandé à la demanderesse de fournir une preuve d’emploi chez sa soeur et son beau‑frère et une preuve de leurs revenus. L’agente a reçu les documents demandés le 27 avril 2009.

 

[4]               L’agente des visas a refusé la demande le 7 juin 2009 et a posté la lettre de refus à la demanderesse le 8 juin 2009.

 

II.         La décision contestée

[5]               La lettre de refus mentionnait simplement que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences du Programme concernant les aides familiaux résidants, parce que l’agente des visas n’était pas convaincue de l’authenticité de l’offre d’emploi.

 

[6]               Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) sont plus instructives quant aux motifs du refus.

 

[7]               L’agente des visas n’était pas convaincue que les intentions de la demanderesse étaient authentiques et temporaires, ni qu’elle était une véritable travailleuse temporaire au Canada. L’agente des visas a mentionné que la loi n’empêche aucunement des membres de la famille d’offrir un emploi d’aide familial à des parents. Cependant, elle a ajouté qu’elle n’était pas convaincue que le but premier de l’offre d’emploi n’était pas de faciliter l’admission de la demanderesse au Canada.

 

[8]               L’agente des visas avait des réserves au sujet des plans de carrière de la demanderesse, en raison de ses études et de ses antécédents professionnels. La demanderesse a fait un baccalauréat en commerce, puis a suivi un programme de deux ans en dessin textile et dessin de mode. Par la suite, la demanderesse a été agente administrative au Complexe éducatif Hameed, poste qu’elle a quitté en 2005, apparemment pour poursuivre ses études dans le but d’ouvrir sa propre école au Pakistan.

 

[9]               La demanderesse a ensuite commencé à travailler comme enseignante au niveau préscolaire en mars 2006, avant de s’inscrire à un programme de MBA pour cadres en novembre 2006. L’agente des visas s’est interrogée sur ce choix, compte tenu de l’intention exprimée par la demanderesse d’ouvrir sa propre école. L’agente des visas était d’avis qu’une maîtrise en éducation ou en développement de l’enfance aurait constitué un choix beaucoup plus logique, étant donné la volonté de la demanderesse d’ouvrir une école. De plus, l’agente des visas éprouvait certaines inquiétudes du fait que la demanderesse s’était fait refuser un permis d’études en juin 2007, permis qui lui aurait donné la possibilité de s’inscrire à un programme en gestion d’hôtellerie et de restauration. D’après l’agente des visas, la demanderesse n’a pu fournir d’explication raisonnable sur les motifs pour lesquels elle avait demandé d’être admise à ce programme; selon elle, cette démarche ne s’inscrivait pas dans ses plans de travail comme aide familiale pour sa sœur au Canada dans le but d’économiser de l’argent et d’acquérir de l’expérience auprès des jeunes enfants, puis d’ouvrir sa propre école au Pakistan.

 

III.       Les questions en litige

[10]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions :

A)        L’agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en omettant d’informer la demanderesse de ses préoccupations?

B)        L’agente des visas a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas une appréciation adéquate de l’admissibilité de la demanderesse au programme concernant les aides familiaux résidants et en omettant de tenir compte des explications de la demanderesse?

 

IV.       Analyse

[11]           Il n’y a pas de litige entre les parties quant à la norme de contrôle appropriée. Les questions qui touchent la justice naturelle et l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, aux paragraphes 53 et 54; Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100. En ce qui concerne l’admissibilité de la demanderesse à la catégorie des aides familiaux résidants, cette décision nécessite l’application des exigences de la loi à la situation particulière de la demanderesse. Ainsi, c’est une question mixte de faits et de droit qui appelle l’application de la norme de la décision raisonnable : Villagonzalo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1127, [2008] A.C.F. no 1398, au paragraphe 18; Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 661, [2001] A.C.F. no 985, au paragraphe 20; Ouafae c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 459, [2005] A.C.F. no 592, au paragraphe 20.

           

A.        L’agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

[12]           L’avocat de la demanderesse a fait valoir que l’agente des visas n’avait pas donné à la demanderesse l’occasion de répondre à ses préoccupations concernant l’emploi offert. Dans son affidavit, la demanderesse a expliqué que la seule inquiétude formulée par l’agente des visas au cours de l’entrevue avait trait à la capacité financière de son futur employeur de l’embaucher. On lui a demandé de fournir d’autres documents à cet égard et elle l’a fait. La demanderesse a également expliqué que l’agente des visas lui avait posé des questions supplémentaires sur sa capacité de faire le travail et semblait satisfaite de sa compétence. Selon elle, l’agente des visas n’a jamais exprimé d’inquiétudes sur l’authenticité de l’offre ni sur l’intention de la demanderesse de prendre le poste offert. Comme elle ne pouvait pas répondre à ces préoccupations, elle a soutenu que l’agente des visas avait enfreint les règles de justice naturelle.

 

[13]           La demanderesse a également fait valoir que la majeure partie du processus décisionnel de l’agente des visas reposait sur l’attribution de caractéristiques stéréotypées à la demanderesse, en raison de sa demande précédente visant à obtenir un permis d’études. Elle a prétendu que l’agente des visas avait tiré une inférence défavorable de son choix de ne pas faire une maîtrise en éducation. En ce faisant, l’agente des visas a appliqué sa propre expérience au Canada à celle d’une citoyenne d’un pays très différent sans discuter des différences dans les systèmes d’éducation des deux pays. Cette façon de procéder équivaudrait à se fier à une preuve extrinsèque qui va au-delà de l’expérience sur laquelle une agente des visas a le droit de s’appuyer.

 

[14]           Je conviens avec l’avocat de la demanderesse que la seule preuve ayant été produite de manière appropriée qui porte sur ce qui s’est passé pendant l’entrevue est l’affidavit de la demanderesse, car il n’existait pas d’affidavit de l’agente des visas attestant de la véracité du contenu des notes du STIDI. Dans de tels cas, la jurisprudence établit clairement que les notes du STIDI soumises par un agent après une entrevue peuvent faire partie du dossier, mais ne prouvent pas ce qui s’est produit pendant l’entrevue. Comme la demanderesse a déposé un affidavit au sujet duquel elle n’a pas été contre-interrogée, lequel explique ce qui s’est passé pendant l’entrevue, c’est sa version qui doit prévaloir : voir Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 190 F.T.R. 78; conf. par 2001 CAF 299, [2001] A.C. F. no 1524.

 

[15]           Un étranger qui cherche à se faire délivrer un permis de travail d’aide familial doit répondre aux exigences de l’article 112 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le « Règlement »). Cette disposition se lit comme suit :

Permis de travail : exigences

 

 

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l’étranger se conforme aux exigences suivantes :

 

a) il a fait une demande de permis de travail à titre d’aide familial avant d’entrer au Canada;

 

b) il a terminé avec succès des études d’un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;

 

c) il a la formation ou l’expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :

 

(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,

 

 

(ii) une année d’emploi rémunéré à temps plein — dont au moins six mois d’emploi continu auprès d’un même employeur — dans ce domaine ou cette catégorie d’emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;

 

d) il peut parler, lire et écouter l’anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;

 

e) il a conclu un contrat d’emploi avec son futur employeur.

Work permits — requirements

 

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

 

 

 

 

(a) applied for a work permit as a live-in caregiver before entering Canada;

 

 

(b) have successfully completed a course of study that is equivalent to the successful completion of secondary school in Canada;

 

(c) have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely,

 

 

(i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, or

 

(ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in such a field or occupation within the three years immediately before the day on which they submit an application for a work permit;

 

(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting; and

 

 

(e) have an employment contract with their future employer.

 

[16]           Ce programme permet à une personne qui a obtenu un tel permis de travail de demeurer au Canada par la suite et de présenter une demande de résidence permanente si la personne a travaillé à titre d’aide familial pendant au moins deux des trois ans qui ont suivi son entrée (art. 113 du Règlement). En conséquence, un agent n’a pas besoin d’être convaincu que les demandeurs retourneront dans leur pays à l’expiration de leurs permis de travail, comme c’est le cas pour les autres permis de travail.

 

[17]           Cela étant dit, l’agent doit quand même être convaincu que l’offre d’emploi est authentique et que le demandeur cherche à entrer au Canada sur une base temporaire pour devenir membre de cette catégorie. Il se peut que l’agente des visas n’ait pas soulevé explicitement l’authenticité de l’offre d’emploi ou l’intention véritable de la demanderesse lorsqu’elle a accepté cet emploi, mais on ne peut affirmer que ces questions étaient absentes de son esprit et n’ont pas été soulevées pendant l’entrevue. D’après le compte rendu de la demanderesse elle-même, elle s’est fait demander pourquoi elle s’était inscrite dans un programme de MBA pour cadres si elle voulait ouvrir sa propre école. En outre, l’agente semblait perplexe du fait de sa demande de permis d’études, qui aurait permis à la demanderesse d’étudier la gestion d’hôtellerie et de restauration au Humber College de Toronto, en Ontario. Ces questions découlaient manifestement des interrogations de l’agente des visas quant aux intentions véritables de la demanderesse relativement à sa venue au Canada, car ces deux champs d’études sont difficiles à concilier avec l’objectif déclaré de la demanderesse, soit une demande d’emploi à titre d’aide familiale. L’agente aurait manifestement pu poser la question plus directement, mais elle ne peut être blâmée de ne pas avoir donné à la demanderesse l’occasion de répondre à ses préoccupations. On ne peut interpréter la demande qui lui a été faite à la fin de l’entrevue de fournir des documents additionnels sur les finances de son employeur comme une preuve qu’il s’agissait de la seule préoccupation de l’agente des visas.

 

[18]            En ce qui concerne l’argument de la demanderesse selon lequel la décision de l’agente des visas reposait sur un stéréotype résultant de l’échec de sa demande de permis d’études (présentée en 2006, mais refusée en juin 2007), il est tout simplement sans fondement. Je conviens avec le défendeur que l’agente des visas n’a pas imposé de stéréotype dans la façon dont elle a apprécié ce visa d’études. L’agente des visas a noté l’incohérence dans les gestes de la demanderesse : elle a posé sa candidature dans un programme de gestion d’hôtellerie et de restauration en 2007, puis elle s’est dit intéressée à ouvrir une école au Pakistan. Dans le cas qui nous occupe, l’agente ne s’est pas appuyée sur de vagues généralisations non fondées sur des preuves. Il fallait certes tenir compte du fait que la demanderesse avait déjà présenté une demande de permis d’études au Canada pour évaluer les intentions de la demanderesse, surtout que son champ d’études projeté n’avait rien à voir avec l’intérêt que disait manifester la demanderesse à l’égard de l’éducation des enfants et de leurs soins. Cependant, l’agente des visas, qui ne s’est aucunement appuyée sur ce seul facteur, a également tenu compte de l’ensemble des antécédents scolaires et professionnels de la demanderesse. Tous ces renseignements avaient été fournis par la demanderesse elle-même, et l’agente des visas n’a pas du tout fondé sa décision sur une preuve extrinsèque.

B.         L’agente des visas a-t-elle commis une erreur en n’effectuant pas une appréciation adéquate de l’admissibilité de la demanderesse au programme concernant les aides familiaux résidants et en omettant de tenir compte des explications de la demanderesse?

[19]           La demanderesse fait valoir que l’agente des visas n’a pas pris en compte son explication sur les motifs pour lesquels elle avait présenté une demande dans le programme d’études en gestion d’hôtellerie et de restauration ni ceux pour lesquels elle désire maintenant travailler pour sa sœur et son beau‑frère. Dans les notes du STIDI, l’agente des visas a simplement énoncé ce qui suit : [TRADUCTION] « SN N’A PU FOURNIR D’EXPLICATION RAISONNABLE QUANT AUX MOTIFS POUR LESQUELS ELLE AVAIT PRÉSENTÉ UNE DEMANDE DANS LE PROGRAMME D’ÉTUDES EN GESTION D’HÔTELLERIE ET DE RESTAURATION AU CANADA ALORS QU’ELLE PROJETTE DE TRAVAILLER À TITRE D’AIDE FAMILIALE POUR SA SŒUR AU CANADA, D’ÉCONOMISER ASSEZ D’ARGENT ET D’ACQUÉRIR DE L’EXPÉRIENCE EN TRAVAILLANT AVEC LES JEUNES ENFANTS DE SA SŒUR AU CANADA, PUIS DE RETOURNER AU PAKISTAN POUR Y OUVRIR SA PROPRE ÉCOLE ».

 

[20]           Les agents des visas qui apprécient les permis d’aide familiale sont tenus de prendre en compte l’explication du demandeur et d’expliquer pourquoi ils rejettent ces explications : Salman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 877, [2007] A.C.F. no 1142, au paragraphe 13; Villagonzalo, précitée, au paragraphe 26.

 

[21]           D’après l’affidavit non contredit signé par la demanderesse, elle a demandé un permis d’études pour suivre un cours de gestion d’hôtellerie et de restauration à Toronto en 2006, parce qu’elle avait alors comme objectif non pas d’ouvrir un établissement pour enfants au Pakistan, mais plutôt de suivre une formation qui lui permettrait de travailler dans ce pays. Elle a travaillé à titre de professeure à compter de mars 2006, mais a expliqué qu’elle avait accepté cet emploi pour subvenir à ses besoins et pour se tenir occupée pendant la préparation et le traitement de sa demande de permis d’études. Elle a également expliqué qu’elle s’était inscrite à un programme de MBA en novembre 2006, parce qu’elle n’était pas certaine que sa demande d’études au Canada serait acceptée et parce qu’un tel programme d’études serait cohérent avec son expérience de travail récente à titre d’agente administrative dans un complexe d’enseignement. Quand sa demande de permis d’études a été rejetée en juin 2007, elle avait des antécédents en administration au Complexe éducatif Hameed, de l’expérience professionnelle dans une garderie dans une école primaire, et une formation qui sera bientôt terminée en marketing et en commerce de l’Université Preston, au Pakistan. C’est à ce moment-là qu’elle a décidé d’ouvrir éventuellement une école au Pakistan, en se servant de ses antécédents scolaires et professionnels. En discutant avec ses professeurs de marketing, elle a appris qu’elle devait se distinguer de la concurrence pour diriger une école à succès. Elle prévoyait se distinguer en démontrant qu’elle avait travaillé dans une société occidentale comme le Canada et qu’elle devait donc acquérir de l’expérience de travail en occident. Le revenu relativement plus élevé du Canada à titre d’aide familiale constituerait les assises financières de son projet éducatif au Pakistan.

 

[22]           Cette explication semble tout à fait solide et rationnelle. Néanmoins, l’agente des visas l’a rejetée et a résolument affirmé que la demanderesse a été incapable de fournir une explication raisonnable de la raison pour laquelle elle avait présenté une demande pour étudier dans un programme de gestion d’hôtellerie et de restauration au Canada. L’agente des visas n’explique nulle part ce qui, selon elle, aurait constitué une réponse raisonnable, ni n’explique pourquoi elle jugeait la réponse de la demanderesse déraisonnable. Pire encore, il semble, au vu de l’affidavit de la demanderesse, que l’agente des visas lui a posé un certain nombre de questions non rapportées dans les notes du STIDI dont la pertinence était douteuse (pourquoi son frère ne vit pas avec ses parents au Pakistan et qui partage les dépenses du ménage, pourquoi la demanderesse n’en savait pas plus long au sujet de l’emploi de sa sœur au Canada, comment elle pouvait s’occuper de son père malade lorsqu’elle voyageait avec lui et pourquoi elle le laissait en arrière s’il est malade, etc.).

 

[23]           Il est également troublant de constater que l’agente des visas mentionne, dans ses notes, qu’elle n’est pas convaincue que les intentions de la demanderesse sont authentiques et temporaires, et qu’elle serait une véritable travailleuse temporaire au Canada. Une telle affirmation trahit une incompréhension, de la part de l’agente des visas, du régime législatif du programme des aidants familiaux résidants et de la dualité possible de l’intention des demandeurs. Comme je l’ai mentionné dans Ouafae, précitée, au paragraphe 32 :

Pour ce qui est de la conclusion de l’agent sur le fait que le frère de la demanderesse est son employeur, ce qui le laisserait croire qu’elle ne reviendrait pas au Maroc, elle est sans fondement. Non seulement s’agit-il de pure spéculation, puisque rien dans la preuve ne permet de tirer une telle conclusion, mais au surplus, rien dans la loi ni dans le Règlement n’interdit des liens familiaux entre le futur employeur et l’employé. D’autre part, le programme pour les aides familiaux prévoit de façon spécifique que ces personnes peuvent demander le statut de résident permanent par la suite. Dans la mesure où un candidat n’a pas l’intention de faire une telle demande, il ne peut pas participer à ce programme (voir le point 5.2 du guide). Le Guide précise par ailleurs qu’il est difficile d’appliquer à ces candidats les exigences habituelles des permis de travail voulant que le résident temporaire quitte la Canada à la fin de la période autorisée (8.4 du guide). La conclusion de l’agent est donc clairement erronée; il n’a tout simplement pas tenu compte du type de programme en l’espèce.

 

 

[24]           Pour tous les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. Les parties n’ont soulevé aucune question de portée générale et aucune ne se pose.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est donc renvoyée devant un autre agent des visas pour nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3977-09

 

INTITULÉ :                                       SOBIA NAZIR

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 MAI 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 20 MAI 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sally Thomas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Chaudhary

Avocat

18, promenade Wynford, bureau 707

North York (Ontario)  M3C 3S2

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.