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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100226

Dossier : T-375-07

Référence : 2010 CF 231

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 février 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

PROCTER & GAMBLE INC.

demanderesse

(opposante)

et

 

COLGATE-PALMOLIVE CANADA INC.

défenderesse

(requérante)

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) par Procter & Gamble Inc. (la demanderesse) à l’encontre d’une décision par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) a rejeté, en date du 3 janvier 2007, l’opposition à la demande d’enregistrement numéro 760,655 d’une marque de commerce pour un dessin de dentifrice à rayures verte, blanche et bleue (le dessin) qui est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec des marchandises de dentifrice.

 

[2]               Le 2 août 1994, la défenderesse, Colgate-Palmolive Canada Inc. (Colgate), a produit pour le dessin une demande d’enregistrement portant le numéro 760,655 fondée sur l’emploi projeté en liaison avec du dentifrice. Colgate a renoncé à revendiquer la représentation d’une dose de dentifrice. Le dessin de la marque de commerce consiste en une dose de dentifrice avec des rayures de couleur qui sont appliquées au dentifrice. La rayure supérieure est verte, la rayure centrale est blanche et la rayure inférieure est bleue. Les couleurs sont revendiquées comme une caractéristique de la marque.

 

[3]               Le 8 novembre 1995, la demande d’enregistrement numéro 760,655 a été annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition.

 

[4]               La demanderesse a produit une déclaration d’opposition le 3 avril 1996. Le 4 octobre 2004, la demanderesse a modifié sa déclaration d’opposition, en faisant passer les motifs d’opposition de cinq à six. Les motifs d’opposition avancés sont les suivants :

1.                  La demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi parce qu’au moment de la production de la demande, la requérante ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait le droit d’enregistrer le dessin. La requérante savait ou aurait dû savoir que du dentifrice à rayures avait été offert en vente et vendu au Canada par d’autres fabricants depuis au moins 1984. La requérante ne pouvait donc pas être convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin.

 

2.                  Conformément à l’alinéa 38(2)a) et compte tenu de l’alinéa 30e) de la Loi, la requérante n’avait pas l’intention de faire usage de son dessin-marque au Canada en liaison avec les marchandises désignées dans la demande no 760,655.

 

3.                  Le dessin n’est pas enregistrable, et ne l’était pas à la date de la production de la demande, parce qu’il est appliqué aux marchandises de la requérante dans un seul but d’ornementation ou de décoration. Le dessin n’est pas appliqué aux marchandises en vue de distinguer le dentifrice de la requérante de celui d’autres fabricants. Le dentifrice à rayures tel que celui faisant l’objet du dessin n’est donc pas une « marque de commerce » au sens de la Loi et, par conséquent, n’est pas enregistrable.

 

4.                  À titre subsidiaire, le dessin n’est pas enregistrable, et ne l’était pas à la date de production de la demande visée, parce qu’il est essentiellement fonctionnel. Les rayures du dessin ont un caractère fonctionnel et l’enregistrement du dessin conférerait à la requérante un monopole sur des éléments fonctionnels ou des caractéristiques du dentifrice.

 

5.                  Le dessin n’est pas enregistrable [et] ne l’était pas à la date de production de la demande visée, parce que le dessin n’est pas une « marque de commerce » au sens de la Loi. Le dessin est appliqué sur le dentifrice lui‑même et le dentifrice est dans un tube opaque. Ce tube est, dans un format optionnel, placé dans un emballage cartonné. Par conséquent, le dessin n’est pas une marque « employée » pour distinguer le dentifrice de la requérante de celui d’autres fabricants parce qu’au moment du transfert du dentifrice aux clients, le dessin n’est pas lié au dentifrice de manière à donner avis de liaison aux clients.

 

6.                  Au moment de la production de la demande visée et actuellement, le dessin n’est pas distinctif au sens de l’article 2 de la Loi en ce sens qu’il n’est pas adapté ou apte à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles il sera utilisé par la requérante des marchandises identiques fournies par d’autres fabricants. Du dentifrice à rayures a été offert en vente et vendu au Canada par d’autres fabricants depuis au moins 1984.

 

[5]               Les deux premiers motifs d’opposition intéressent l’article 30 et l’alinéa 38(2)a) de la Loi. Les troisième, quatrième et cinquième motifs sont fondés sur l’alinéa 38(2)b) de la Loi et le sixième motif d’opposition concernant le caractère distinctif s’appuie sur l’alinéa 38(2)d) de la Loi.

 

[6]               Le 21 août 1996, la défenderesse a produit une contre-déclaration, qui a été modifiée le 30 novembre 2004, en réponse au motif d’opposition additionnel soulevé par la demanderesse dans sa déclaration d’opposition modifiée.

 

[7]               La demanderesse a produit l’affidavit de Douglas  J. MacLean, souscrit le 5 mars 1997, et les affidavits de John C. Robertson, de Colleen Jay et de Cedric G. Lam, tous souscrits le 20 juin 1997. Ces déposants ont tous été contre-interrogés par Colgate, à l’exception de Cedric G. Lam.

 

[8]               La défenderesse a produit l’affidavit de Heather Tonner, souscrit le 14 juillet 2004, et celui de Peter Ren, souscrit le 26 juillet 2004. Ces déposants n’ont pas été contre‑interrogés par la demanderesse.

 

[9]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience qui a eu lieu le 8 décembre 2006.

 

La décision contestée

[10]           Le 3 janvier 2007, la Commission a rejeté les six motifs d’opposition.

 

[11]           La Commission a rejeté le premier motif d’opposition et conclu que l’opposante ne s’était pas acquittée du fardeau de preuve initial relativement à la question de savoir si Colgate était au courant que du dentifrice incorporant un dessin à rayures avait été offert en vente et vendu au Canada par d’autres fabricants depuis au moins 1984. Même si Colgate était au courant, cela ne signifie pas qu’elle était convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin, du fait que son dessin était différent des dessins à rayures utilisés par d’autres fabricants. La Commission a conclu que rien n’établit que l’emploi antérieur des rayures comportant des agencements de couleurs différents de ceux qui sont revendiqués dans la demande était suffisant pour que Colgate ait été convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser son dessin. La Commission a également conclu que le motif fondé sur l’alinéa 30i) ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi de la part du requérant de la marque de commerce (Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., (1974), 15 C.P.R. (2d) 152, [1974] C.O.M.C. no 7 (QL) (C.O.M.C.) à la page 155).

 

[12]           Le second motif d’opposition a été rejeté parce que l’opposante n’a produit aucun élément de preuve pour s’acquitter de son fardeau initial en démontrant que, à la date pertinente, au moment où Colgate a produit sa demande d’enregistrement, celle‑ci n’avait pas l’intention de faire usage du dessin. La Commission a conclu qu’il était compréhensible que Colgate n’ait pas encore commencé à employer son dessin étant donné que la procédure d’opposition n’était pas encore terminée. La Commission a fait remarquer que le propriétaire d’une demande fondée sur l’emploi projeté n’est pas tenu de commencer à utiliser sa marque à un moment précis, même s’il doit le faire pour obtenir l’enregistrement.

 

[13]           La Commission a rejeté le troisième motif d’opposition en citant la décision SmithKline Beecham Inc. c. Procter & Gamble Inc., (2002), 28 C.P.R. (4th) 230, [2002] C.O.M.C. no 146 (QL) (C.O.M.C.), au paragraphe 13 : [traduction] « […] l’article 12, qui porte sur l’enregistrabilité, ne permet pas de plaider qu’une marque n’est pas une marque de commerce. Une opposition fondée sur l’allégation selon laquelle une marque n’est pas une marque de commerce est recevable sous le régime de l’article 30 de la Loi. » La Commission a également conclu qu’un motif d’opposition qui n’est pas plaidé ne peut être pris en considération (Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 12, à la page 21, 26 A.C.W.S. (2d) 155 (C.F. 1re inst.)). Toutefois, au cas où elle aurait eu tort de rejeter le troisième motif pour insuffisance des arguments exposés, la Commission a examiné les questions qu’il soulevait.

 

[14]           La Commission a reconnu qu’une marque appliquée à des marchandises dans un but d’ornementation ou de décoration seulement n’est pas enregistrable comme marque de commerce (W.J. Hughes & Sons « Corn Flower » Ltd. c. Morawiec, (1970), 62 C.P.R. 21, [1970] Ex. C.J. No. 11 (QL) (C. Éch.) (Corn Flower)). Toutefois, tel qu’il a été précisé dans Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg. Co. c. Samann (1986), 65 N.R. 385, 9 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.), à la page 231 (Samann), et dans Santana Jeans Ltd. c. Manager Clothing Inc., (1993), 72 F.T.R. 241, 52 C.P.R. (3d) 472, à la page 478 (Santana), tout dessin-marque possède à un certain degré un caractère ornemental. Dans la présente affaire, la Commission a conclu que rien n’indiquait que Colgate utiliserait le dessin pour l’ornementation ou la décoration, et encore moins pour ces fins seulement.

 

[15]           La Commission a écarté l’application de la décision Adidas (Canada) Inc. c. Colins Inc. (1978), 38 C.P.R. (2d) 145, [1978] A.C.F. no  8 (QL) (C.F. 1re inst.) (Adidas), qui intéressait une marque à rayures sans couleur particulière apposée sur des vêtements. Dans cette affaire, un témoignage d’expert avait permis d’établir que les rayures rendent un vêtement plus attrayant. La Commission a également tenu compte de la décision Dot Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastic Ltd., (1988), 22 C.P.R. (3d) 228, [1988] C.O.M.C. no 279 (QL) (C.O.M.C.) (Dot Plastics), dans laquelle elle avait conclu que l’opposante n’avait produit aucun élément de preuve pour démontrer que la marque de la requérante était de nature ornementale. Par conséquent, s’il avait été plaidé convenablement dans la présente affaire, ce motif d’opposition aurait été rejeté pour défaut de l’opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. La Commission ne pouvait considérer qu’une marque dont l’emploi est projeté pourrait en bout de ligne être employée uniquement à une autre fin que l’indication de source, en l’absence d’éléments de preuve corroborants.

 

[16]           Le quatrième motif d’opposition a également été rejeté en raison de l’insuffisance des arguments exposés. Toutefois, la Commission a examiné les questions soulevées et conclu que le dessin de Colgate n’est pas essentiellement fonctionnel. Même si des éléments de preuve établissent qu’une autre partie a utilisé des rayures en liaison avec du dentifrice en vue d’en indiquer la fonction (voir, par exemple, le paragraphe 10 de l’affidavit de Colleen Jay sur la pâte dentifrice Aquafresh qui comporte des rayures ayant chacune une fonction différente, comme le blanc pour le fluorure et le bleu pour une haleine fraîche), la preuve non contredite contenue dans l’affidavit de Peter Ren établit que les rayures du dessin [traduction] « ne remplissent pas des fonctions individuelles ni ne visent à remplir des fonctions différentes ». La Commission a conclu que le fait qu’une autre partie a employé des rayures en liaison avec du dentifrice pour indiquer une fonction ne prévaut pas sur l’affidavit de M. Ren et que l’opposante a choisi de ne pas contre‑interroger M. Ren.

 

[17]           La Commission a également rejeté le cinquième motif d’opposition en raison de l’insuffisance des arguments exposés, mais elle a encore une fois accepté d’examiner les questions soulevées. La position de l’opposante s’appuie sur l’argument selon lequel le dessin ne pourra être vu par les consommateurs au moment du transfert du dentifrice aux consommateurs, parce que le dentifrice est vendu dans des contenants opaques et scellés. Cependant, les pièces jointes à l’affidavit de Heather Tonner montrent du dentifrice vendu dans un contenant à travers lequel les consommateurs peuvent voir le dentifrice. La Commission a reconnu que, lorsque le dentifrice est vendu dans des contenants opaques scellés, le consommateur type ne le voit pas directement au moment de l’achat ou du transfert des marchandises, mais elle a accordé la préférence à la preuve de Colgate et souligné qu’il était sans importance que le témoignage de Mme Tonner soit postérieur à la date pertinente, car il avait simplement pour but d’établir que le dentifrice peut être commercialisé d’une manière qui le rend visible pour l’acheteur. Par conséquent, la Commission n’a pas accepté l’argument suivant lequel il est impossible d’utiliser le dessin conformément aux dispositions de l’article 4 de la Loi.

 

[18]           Le sixième motif d’opposition a également été rejeté. La Commission a conclu que rien n’établissait que d’autres fabricants avaient utilisé une configuration de rayures identique à celle faisant l’objet de la demande produite par Colgate et qu’il n’y avait pas lieu de conclure que le dessin n’est pas apte à distinguer le dentifrice de Colgate du dentifrice à rayures des autres fabricants.

 

Questions en litige

[19]           Les parties ont soumis à la Cour différentes questions qui se résument comme suit :

1.         Quelle est la norme de contrôle appropriée?

2.         La Commission a‑t‑elle fait erreur en rejetant l’opposition de la demanderesse à la demande d’enregistrement no 760,655 visant la marque de commerce de la défenderesse?

 

Dispositions législatives pertinentes

[20]           Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 :

[…]

 

2. « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

[…]

[…]

 

2. “distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

 

 

[…]

 

Quand une marque de commerce est réputée employée

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[…]

When deemed to be used

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

 

 

 

[…]

 

Marque de commerce enregistrable

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

 

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

 

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

 

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

 

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

 

f) elle est une dénomination dont l’article 10.1 interdit l’adoption;

 

g) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un vin dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication;

 

 

h) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un spiritueux dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication;

i) elle est une marque dont l’adoption est interdite par le paragraphe 3(1) de la Loi sur les marques olympiques et paralympiques, sous réserve du paragraphe 3(3) et de l’alinéa 3(4)a) de cette loi.

 

Idem

(2) Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

 

[…]

When trade-mark registrable

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

 

 

 

(a) a word that is primarily merely the name or the surname of an individual who is living or has died within the preceding thirty years;

 

 

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

 

 

 

 

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

 

 

 

 

(d) confusing with a registered trade-mark;

 

 

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

 

(f) a denomination the adoption of which is prohibited by section 10.1;

 

(g) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a wine not originating in a territory indicated by the geographical indication;

 

(h) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a spirit not originating in a territory indicated by the geographical indication; and

(i) subject to subsection 3(3) and paragraph 3(4)(a) of the Olympic and Paralympic Marks Act, a mark the adoption of which is prohibited by subsection 3(1) of that Act.

 

Idem

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

 

 

[…]

 

Contenu d’une demande

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

 

a) un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée ou sera employée;

 

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

 

c) dans le cas d’une marque de commerce qui n’a pas été employée au Canada mais qui est révélée au Canada, le nom d’un pays de l’Union dans lequel elle a été employée par le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, et la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs l’ont fait connaître au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande, ainsi que la manière dont ils l’ont révélée;

 

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

 

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

 

f) dans le cas d’une marque de certification, les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer et une déclaration portant que le requérant ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou ne se livre pas à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée;

 

g) l’adresse du principal bureau ou siège d’affaires du requérant, au Canada, le cas échéant, et si le requérant n’a ni bureau ni siège d’affaires au Canada, l’adresse de son principal bureau ou siège d’affaires à l’étranger et les nom et adresse, au Canada, d’une personne ou firme à qui tout avis concernant la demande ou l’enregistrement peut être envoyé et à qui toute procédure à l’égard de la demande ou de l’enregistrement peut être signifiée avec le même effet que si elle avait été signifiée au requérant ou à l’inscrivant lui-même;

 

 

h) sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque;

 

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

 

[…]

Contents of application

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

 

 

(a) a statement in ordinary commercial terms of the specific wares or services in association with which the mark has been or is proposed to be used;

 

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

 

 

(c) in the case of a trade-mark that has not been used in Canada but is made known in Canada, the name of a country of the Union in which it has been used by the applicant or his named predecessors in title, if any, and the date from and the manner in which the applicant or named predecessors in title have made it known in Canada in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

 

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant’s named predecessor in title on which the applicant bases the applicant’s right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant’s named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

 

 

 

(f) in the case of a certification mark, particulars of the defined standard that the use of the mark is intended to indicate and a statement that the applicant is not engaged in the manufacture, sale, leasing or hiring of wares or the performance of services such as those in association with which the certification mark is used;

 

 

 

(g) the address of the applicant’s principal office or place of business in Canada, if any, and if the applicant has no office or place of business in Canada, the address of his principal office or place of business abroad and the name and address in Canada of a person or firm to whom any notice in respect of the application or registration may be sent, and on whom service of any proceedings in respect of the application or registration may be given or served with the same effect as if they had been given to or served on the

applicant or registrant himself;

 

(h) unless the application is for the registration only of a word or words not depicted in a special form, a drawing of the trade-mark and such number of accurate representations of the trade-mark as may be prescribed; and

 

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the wares or services described in the application.

 

 

[…]

 

Déclaration d’opposition

38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

 

 

Motifs

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

 

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

 

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

 

 

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

 

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

 

[…]

Statement of opposition

38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

 

Grounds

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

 

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

 

(b) that the trade-mark is not registrable;

 

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

 

(d) that the trade-mark is not distinctive.

 

[…]

 

Norme de contrôle

[21]           La demanderesse souligne que de nouveaux éléments de preuve ont été produits par les deux parties dans le cadre du présent appel et soutient qu’il devrait donc être procédé à un procès de novo à l’égard de la présente demande. Elle allègue que, lorsqu’une preuve additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est déposée devant la Cour fédérale, celle‑ci jouit d’un pouvoir absolu et l’appel est effectivement assimilé à un procès de novo (Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, 252 N.R. 91 (C.A.F.), aux paragraphes 46 à 51 (Brasseries Molson)).

 

[22]           La défenderesse soutient que la présente demande ne doit pas être entendue de novo du seul fait que de la preuve additionnelle a été produite relativement à certains des motifs d’opposition. Au contraire, lorsqu’une nouvelle preuve est présentée, il est nécessaire d’évaluer son importance et sa valeur probante. Si la preuve est probante au point d’avoir un effet sur les conclusions de fait de la Commission ou sur le pouvoir discrétionnaire qu’elle a exercé, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Si tel n’est pas le cas, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (BoJangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd., 2006 FC 657, 293 F.T.R. 234). La preuve nouvelle qui ne fait que compléter ou confirmer des conclusions antérieures ou qui est postérieure à la date pertinente ne suffit pas pour écarter la norme de la décision déraisonnable (Wrangler Apparel Corporation c. Timberland Company, 2005 CF 722, 272 F.T.R. 270; Advance Magazine Publishers Inc. c. Farleyco Marketing Inc., 2009 CF 153, 342 F.T.R. 224 (Farleyco)). La norme de contrôle applicable doit être déterminée pour chaque question en litige (Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA – The Engineered Word Assn., (2000), 184 F.T.R. 55, 7 C.P.R. (4th) 239). La défenderesse soutient que la preuve additionnelle déposée par la demanderesse n’aurait pas pu avoir un effet sur la décision de la Commission. Par conséquent, la Cour doit faire preuve de retenue dans l’examen de la décision de la Commission en raison de l’application de la norme de la décision raisonnable.

 

[23]           La Cour souscrit à l’opinion de la défenderesse. La règle générale veut que, lorsqu’il n’y a pas de preuve nouvelle déposée en appel qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le critère consiste à déterminer si la Commission a rendu une décision manifestement erronée. Inversement, si de la preuve additionnelle qui aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait ou de droit de la Commission, ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, est déposée en appel, le critère est celui de la décision correcte. En pareils cas, la Cour peut substituer son opinion à celle de la Commission (Telus Corporation et al. c. Orange Personal Communications Services Ltd., 2005 CF 590, 273 F.T.R. 228, décision confirmée à 2006 CAF 6, 346 F.T.R. 81 (Telus)).

 

[24]           La Cour est d’avis que la norme applicable à l’égard des six motifs d’opposition en l’espèce est celle de la décision raisonnable. La preuve nouvelle soumise à l’appui des motifs d’opposition n’est pas importante au point d’avoir eu un effet sur les conclusions de fait de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et elle ne justifie pas l’application de la norme de contrôle de la décision correcte.

 

[25]           Il incombe à la requérante de la marque de commerce, Colgate, d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux prescriptions de la Loi. Cependant, l’opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en présentant une preuve admissible suffisante sur la foi de laquelle il pourrait raisonnablement être conclu que les faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition existent (John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990), 36 F.T.R. 70, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298 (John Labatt); Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd., 2002 CAF 29, [2002] 3 C.F. 405).

 

Analyse

[26]           Comme question préliminaire, la défenderesse souligne que la demanderesse a allégué que [traduction] « le dessin est ambigu » et que le [traduction] « dessin ne peut être reproduit par un utilisateur » et elle avance que ces allégations sont des allégations nouvelles qui n’ont pas été dûment soulevées et qui ne sont pas inscrites dans la déclaration d’opposition de la demanderesse. La défenderesse soutient qu’il est établi en droit qu’il n’existe pas de compétence pour trancher une question qui ne se trouve pas dans la déclaration d’opposition et que la Cour n’a pas compétence pour entendre des questions qui n’ont pas été soulevées devant la Commission (McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd., (1994), 76 F.T.R. 281, 55 C.P.R. (3d) 463, décision confirmée à (1996), 199 N.R. 106, 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)). Je suis d’accord avec la défenderesse. Il est loisible à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve en appel, mais elle ne peut pas soulever de questions nouvelles (Simpson Strong-Tie Company c. Peak Innovations Inc., 2009 CF 1200, [2009] A.C.F. no 1494 (QL). Ces arguments ne seront donc pas examinés par la Cour.

 

[27]           À l’audience, la demanderesse s’est interrogée à savoir qui était la requérante initiale : Colgate‑Palmolive Canada Inc. ou Colgate-Palmolive Company. Cette question n’a pas été abordée dans les observations écrites des parties. Sans aller dans les détails, il semble clair pour la Cour que ces sociétés peuvent fonctionner comme des entreprises liées. La Cour prend note de l’argument de la demanderesse sur ce point, mais elle ne croit pas qu’il ait de l’importance pour déterminer l’issue de la présente affaire.

 

Premier motif d’opposition – Intention d’enregistrer

[28]           Le premier motif d’opposition est lié à l’article 30 de la Loi. La demanderesse prétend que la défenderesse ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin.

 

[29]           La demanderesse soutient que Colgate n’a pas le droit d’enregistrer le dessin‑marque au Canada parce qu’elle ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait le droit d’enregistrer le dessin comme une marque de commerce car elle savait ou aurait dû savoir que du dentifrice incorporant un dessin à rayures était offert en vente et vendu au Canada par d’autres fabricants depuis au moins 1984, comme les dentifrices Aquafresh à deux et à trois rayures. La demanderesse soutient avoir présenté des éléments de preuve et que le fardeau de la preuve incombe maintenant à Colgate qui n’a présenté aucun élément de preuve nouveau en appel.

 

[30]           La demanderesse soutient que des circonstances particulières doivent être prises en compte à l’appui de la conclusion selon laquelle la défenderesse ne pouvait pas avoir été convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin : la demande en cause a été produite il y a plus de 15 ans et la défenderesse n’a présenté aucune preuve pour démontrer que la marque était employée au Canada; Colgate a présenté 33 demandes de marque de commerce au Canada pour différentes présentations de dentifrice qui ont toutes été abandonnées, à l’exclusion de la présente demande; Colgate est propriétaire de brevets de dentifrice à rayures au Canada.

 

[31]           La défenderesse soutient que la demanderesse n’a produit aucune preuve additionnelle pertinente pour le présent motif d’opposition. Dans Farleyco, au paragraphe 121, le juge James Russell de la Cour a récemment rejeté le même motif d’opposition dans une affaire semblable parce que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé cette décision (2009 CAF 348). La question de savoir si l’opposante s’est acquittée de son fardeau de présentation est un critère subjectif, et non un critère objectif. La demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau en l’espèce. La défenderesse allègue de plus que les 33 demandes de marque de commerce abandonnées n’ont pas été produites devant la Cour et qu’il n’existe aucune jurisprudence confirmant qu’il devrait être pris connaissance d’office de ces demandes abandonnées.

 

[32]           La date pertinente pour apprécier la question du non‑respect des exigences de l’article 30 de la Loi est la date de production de la demande, à savoir le 2 août 1994 (Georgia-Pacific Corporation c. Scott Paper Ltd., (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475). La Cour est d’avis que, même si la défenderesse pouvait avoir été au courant que d’autres dentifrices incorporant un dessin à rayures étaient vendus par d’autres fabricants depuis 1984, cela ne signifie pas qu’elle n’avait pas le droit d’enregistrer le dessin.

 

[33]           La Cour estime que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial établi dans l’affaire Farleyco. De plus, les 33 demandes de marque de commerce abandonnées ne sont pas visées par la présente demande de contrôle judiciaire. La preuve au dossier démontre que Colgate aurait pu être convaincue qu’elle avait le droit d’enregistrer la configuration de rayures de dentifrice qu’elle cherchait à faire enregistrer. Il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel où le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) doit être retenu et la Cour ne voit aucune preuve de mauvaise foi de la part de Colgate. La décision de la Commission sur ce motif d’opposition doit être maintenue.

 

Deuxième motif d’opposition – Intention d’employer

[34]           Le deuxième motif d’opposition est lié à l’alinéa 38(2)a) et à l’article 30 de la Loi. La demanderesse allègue que Colgate n’avait pas l’intention d’employer le dessin-marque.

 

[35]           La demanderesse soutient que Colgate n’a pas produit de preuve pour affirmer ou démontrer qu’elle avait l’intention d’employer le dessin sur des marchandises de dentifrice au Canada, même si la demande a été déposée il y a plus de 15 ans. Selon la demanderesse, le fait que Colgate ait volontairement abandonné 33 demandes d’enregistrement de marque de commerce pour des dessins de pâte dentifrice au Canada devrait être pris en compte. La demanderesse avance que Colgate ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait puisqu’elle n’a présenté aucune preuve d’emploi du dessin au Canada après la modification de sa contre-déclaration en 2004.

 

[36]           La demanderesse soutient qu’une conclusion défavorable devrait être tirée du fait que la défenderesse a choisi de ne pas faire témoigner par affidavit une personne de sa société qui a eu connaissance de faits qui seraient connus de Colgate seulement et qui aurait pu être contre‑interrogée sur les principaux aspects de la présente affaire. La demanderesse fait remarquer que la Cour jouit d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation de la preuve d’expert dont elle a été saisie (Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., 2001 CFPI 1404, 215 F.T.R. 100). La demanderesse allègue qu’il ne faut pas accorder d’importance, ou très peu, à l’affidavit de Michael Mulvey puisque cet affidavit n’apporte aucune preuve, quelle qu’elle soit, quant à la fonction des rayures de couleurs verte, bleue et blanche du dentifrice au Canada et qu’il contient des conclusions juridiques fondées sur un domaine du droit dans lequel le déposant n’a aucune expertise.

 

[37]           La demanderesse cherche à présenter de la preuve démontrant que, au moins sept ans après la production de la demande d’enregistrement, Colgate a abandonné 33 demandes d’enregistrement de marque de commerce pour des dessins de pâte dentifrice qui n’avaient rien à voir avec la présente demande d’enregistrement. Toutefois, la défenderesse fait valoir que ces abandons ne sont pas pertinents quant à la question en l’espèce et que ces éléments d’information ne sont pas admissibles, la Cour n’en ayant pas été régulièrement saisie. Les demandes ont été irrégulièrement identifiées comme pièces à l’appui durant le contre‑interrogatoire de Michael Mulvey.

 

[38]           La défenderesse soutient que l’authentification du document par la partie qui le verse en preuve est une condition préalable à l’admissibilité (Slough Estates Canada Ltd. c. Federal Pioneer Ltd., (1994), 20 O.R. (3d) 429, à la page 447, [1994] O.J. No. 2147 (QL) (C. Ont.)). Si le témoin connaît le document, le contre‑interrogatoire du document peut suivre et, sous réserve du pouvoir discrétionnaire définitif du juge du fond, le document devient de la preuve (Sierra Club of Canada c. Canada (Ministre des Finances), (1998), 159 F.T.R. 24, 84 A.C.W.S. (3d) 48, au paragraphe 13). Si le témoin ne confirme pas qu’il connaît le document, celui‑ci ne peut être versé en preuve. La défenderesse allègue que la demanderesse a cherché à faire déposer de manière irrégulière des éléments de preuve que M. Mulvey n’a pas identifiés durant le contre‑interrogatoire et qu’il ne connaissait pas. En tout état de cause, la défenderesse soutient que ces documents n’appuient pas la position de la demanderesse et qu’ils n’auraient eu aucun effet sur la décision de la Commission puisque ces demandes ont été abandonnées au moins sept ans après la date pertinente et qu’elles n’ont aucun lien avec la présente demande (Telus).

 

[39]           Dans une ordonnance datée du 3 juin 2009, le protonotaire Kevin Aalto a laissé au juge chargé de procéder à l’instruction le soin de décider si les pièces A, A-1 à A-33 et B versées durant le contre‑interrogatoire de M. Mulvey étaient admissibles en preuve et s’il y avait connaissance d’office à leur égard. La Cour est d’avis que ces demandes d’enregistrement n’ont pas été régulièrement produites durant le contre‑interrogatoire de M. Mulvey. En outre, comme il a déjà été souligné, ces demandes d’enregistrement ne sont pas visées par la présente demande de contrôle judiciaire et elles se rapportent à des marques de commerce n’ayant aucun lien avec la présente marque. En conséquence, la Cour conclut que les 33 demandes d’enregistrement de marque de commerce pour des dessins de pâte dentifrice qui ont été abandonnées n’ont aucun effet sur la décision de la Commission.

 

[40]           La date pertinente pour l’appréciation de l’argument de non‑respect des exigences est également la date de production de la demande d’enregistrement, à savoir le 2 août 1994 (Georgia-Pacific). Ainsi, l’intention d’employer le dessin devait exister lorsque la demande d’enregistrement a été produite en 1994. Le requérant d’une demande d’enregistrement a la charge ultime de démontrer que sa demande satisfait aux exigences de l’article 30 de la Loi, mais il incombe d’abord à l’opposant de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels il s’appuie pour soutenir l’argument suivant lequel la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences (Molson Breweries, à la page 298).

 

[41]           Tel que l’a souligné la Commission, on peut comprendre que Colgate n’ait pas encore employé son dessin étant donné que la procédure d’opposition n’est pas encore terminée. La Cour croit que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels elle s’appuyait pour soutenir son argument fondé sur l’article 30. La Cour conclut que rien n’indique que la défenderesse n’avait pas l’intention d’employer le dessin‑marque au Canada en liaison avec la marchandise précisée dans la demande. Une demande d’enregistrement peut être produite pour différents motifs. Dans la présente affaire, elle a été produite en vue de l’emploi projeté au Canada. Par conséquent, il n’est pas exigé que le dessin soit effectivement employé tant que la déclaration d’emploi n’est pas produite. La demanderesse n’a présenté aucune preuve nouvelle convaincante qui aurait changé la situation devant la Commission. La décision de la Commission à l’égard du présent motif d’opposition est raisonnable et doit être maintenue.

 

Troisième, quatrième et cinquième motifs d’opposition

[42]           La Commission a rejeté les troisième, quatrième et cinquième motifs d’opposition, jugeant que ces motifs n’existaient pas sous le régime de la Loi et que les arguments exposés étaient fondamentalement insuffisants.

 

[43]           La demanderesse soutient que tous les motifs de la déclaration d’opposition modifiée devraient être examinés par la Cour et qu’elle s’est acquittée du fardeau de preuve initial en présentant une preuve sur la foi de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de ses motifs d’opposition existent (Redsand Inc. c. Dylex Ltd. (1997), 74 C.P.R. (3d) 373, à la page 383, 72 A.C.W.S. (3d) 146 (C.F. 1re inst.)). La demanderesse affirme que la défenderesse a le fardeau ultime d’établir son droit à l’enregistrement de la marque de commerce et que ce fardeau ultime lui incombe à l’égard de chacun des motifs d’opposition (Joseph Seagram & Sons c. Seagram Real Estate, (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, à la page 329, [1984] C.O.M.C. no 69 (QL) (C.O.M.C.)). La demanderesse soutient que, lorsqu’il est évident qu’un motif est invoqué, même s’il n’est pas dûment plaidé, la Commission doit examiner ce motif (Alex c. World Wrestling Federation Entertainment Inc., (2008), 68 C.P.R. (4th) 244, [2008] C.O.M.C. no 111 (QL) (C.O.M.C.); SmithKline Beecham Inc. c. Procter & Gamble Inc.).

 

[44]           Dans la présente affaire, même si les questions concernant l’ornementation, la fonctionnalité et le fait que la marque ne pouvait pas fonctionner comme une marque de commerce n’ont pas été plaidées précisément en vertu de l’article 30 de la Loi, la demanderesse prétend que la déclaration d’opposition expose les raisons pour lesquelles chacun de ces motifs d’opposition doit être retenu. La question relative au fait que certains motifs n’aient pas été convenablement plaidés n’a pas été soulevée, pour considération par la demanderesse, avant la production des arguments écrits de la défenderesse (pour le motif suivant lequel la marque ne peut fonctionner comme une marque de commerce) et avant l’étape de l’audience (pour les motifs d’ornementation et de fonctionnalité) de l’opposition. De plus, la demanderesse allègue que ces motifs ont été suffisamment plaidés par les deux parties, que la Commission a pu les examiner au fond et que, par conséquent, chacun de ces motifs d’opposition devrait être examiné par la Cour.

 

[45]           La défenderesse soutient qu’aucun de ces motifs n’est énoncé à l’alinéa 38(2)b) ou à l’article 12 de la Loi qui traitent de l’enregistrabilité. Ces dispositions se rapportent aux marques de commerce qui sont expressément reconnues dans le cadre de la Loi comme n’étant pas enregistrables. L’argumentation de la demanderesse était donc erronée en droit puisque ces motifs ne se rapportent pas à l’« enregistrabilité » et qu’ils ne sont pas non plus définis à l’article 12 ou à l’alinéa 38(2)b) de la Loi. Selon la défenderesse, le fondement juridique plaidé par la demanderesse était erroné et il ne constitue pas un motif d’opposition.

 

[46]           La Cour conclut que c’est à bon droit que la Commission a conclu que les arguments exposés relativement aux troisième, quatrième et cinquième motifs d’opposition étaient insuffisants. Une argumentation concernant l’enregistrabilité (article 12 de la Loi) n’englobe pas l’argument suivant lequel une marque n’est pas une marque de commerce. Le motif d’opposition suivant lequel le dessin n’est pas une marque de commerce devrait être plaidé en vertu de l’article 30 de la Loi (SmithKline Beecham Inc. c. Proctor & Gamble Inc.).

 

[47]           La décision de la Commission de rejeter ces motifs d’opposition parce qu’ils n’avaient pas été plaidés convenablement ne peut être occultée et il lui était loisible de tirer la conclusion qu’elle a tirée à l’égard de cette question. Il est important de faire en sorte qu’un motif d’opposition soit bien plaidé, comme il est clairement indiqué dans Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (2002, 4th édition, à la page 6-20.8) :

[traduction]

L’opposante a la responsabilité de s’assurer que chacun des motifs d’opposition est bien plaidé, sinon les motifs qui ne le sont pas pourraient ne pas être examinés.

 

[48]           Malgré cette conclusion, la Commission a procédé à un bref examen des questions soulevées à l’égard de ces trois motifs d’opposition. Même s’il n’est pas nécessaire d’examiner ces motifs pour déterminer l’issue de la présente affaire, la Cour examinera néanmoins ces trois motifs d’opposition, par souci de rigueur.

 

Troisième motif d’opposition – dans un seul but d’ornementation ou de décoration

[49]           Le troisième motif d’opposition est lié au fait que la marque de commerce serait utilisée dans un seul but d’ornementation ou de décoration.

 

[50]           La demanderesse soutient que le dessin-marque ne sert qu’à des fins ornementales et prétend que, lorsqu’il est appliqué à des marchandises par suite de demandes des consommateurs concernant ces marchandises et constitue un ingrédient important du succès commercial de ces marchandises, le dessin est ornemental et, par conséquent, non enregistrable comme marque de commerce (Corn Flower, précité, au paragraphe 14). En établissant un parallèle avec l’affaire Adidas, la demanderesse fait valoir que la preuve établissait que trois rayures verticales de couleur appliquées sur divers articles vestimentaires de sport rendaient ces marchandises plus attrayantes auprès des consommateurs et étaient considérées comme une caractéristique décorative plutôt que comme une façon normale d’en distinguer la provenance.

 

[51]           La demanderesse soutient que la preuve dont dispose la Cour démontre que les couleurs et les rayures de la pâte dentifrice sont déterminées par les attentes des consommateurs et que les fabricants tentent de mettre en corrélation l’apparence de la pâte dentifrice avec les saveurs, l’expérience des consommateurs et les profits projetés pour le produit. La demanderesse affirme que l’utilisation de rayures de couleur dans la pâte dentifrice ne fait qu’améliorer l’apparence des marchandises et est uniquement liée aux exigences du public des consommateurs à l’égard de la pâte dentifrice. Le choix des couleurs constitue un facteur important dans le succès commercial du dentifrice et, pour cette raison, la demanderesse prétend que les rayures de couleur dans la pâte dentifrice ne servent qu’à des fins ornementales, plutôt qu’à des fins distinctives de la provenance comme c’est le cas normalement.

 

[52]           En ce qui a trait au scénario d’Aquafresh, la demanderesse fait remarquer que la couleur des rayures de la pâte dentifrice a changé au fil du temps. Elle insiste sur le fait que ce n’est pas l’identification de la marque, mais plutôt les attentes des consommateurs qui sont déterminantes dans le choix de l’apparence de la pâte dentifrice, comme le dessin en cause.

 

[53]           La défenderesse soutient que la demanderesse n’a pas présenté de preuve additionnelle à l’appui de ses allégations selon lesquelles la marque de Colgate sera employée ou perçue comme étant employée dans le seul but de décorer son dentifrice. La défenderesse affirme que la Commission a bien appliqué la jurisprudence pertinente, notamment celle où il est statué qu’une marque de commerce peut être enregistrée même si elle présente un certain caractère ornemental (Samann; Santana). C’est à bon droit que la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé que Colgate avait l’intention d’employer sa marque de commerce à des fins ornementales ou décoratives seulement (Dot Plastics).

 

[54]           La Cour convient avec la défenderesse que la demanderesse n’a pas prouvé que le dessin est seulement appliqué aux marchandises à des fins ornementales ou décoratives. Comme l’a mentionné la Commission, tout dessin‑marque possède à un certain degré un caractère ornemental. Toutefois, cela ne permet pas nécessairement de distinguer le dentifrice de la requérante de celui des autres fabricants. Dans Adidas, contrairement à la présente affaire, un expert indépendant a témoigné que l’agencement des rayures rendait les vêtements plus attrayants parce qu’il avait un effet amincissant. Ainsi, dans Adidas, il ressortait clairement de la preuve que les rayures étaient seulement décoratives et ornementales. Toutefois, dans la présente affaire, l’affidavit souscrit par M. Ren précise que les rayures n’ont pas de fonction et qu’elles sont arbitraires. Cette preuve n’a pas été contredite puisque M. Ren n’a pas été contre‑interrogé par la demanderesse. À l’audience, la demanderesse a soutenu qu’elle n’avait pas contre‑interrogé M. Ren parce que son affidavit ne comptait qu’une seule page. La Cour estime que cet argument n’aide pas la cause de la demanderesse. Tel qu’il a été souligné dans Corn Flower, le fardeau de présentation incombe toujours à la demanderesse, qui n’a pas réussi à démontrer que la couleur ne sert qu’à des fins ornementales, quand il s’agit de suivre un processus technique et quand la couleur a également une fonction. La décision de la Commission à l’égard du présent motif d’opposition doit être maintenue.

 

Quatrième motif d’opposition - Fonctionnalité

[55]           Suivant le quatrième motif d’opposition, le dessin n’est pas enregistrable et il ne l’était pas à la date de production de la demande d’enregistrement en raison de son caractère essentiellement fonctionnel.

 

[56]           La demanderesse fait valoir que la preuve présentée démontre que les rayures de couleur du dessin ont une utilité essentiellement fonctionnelle et que la marque de commerce n’est par conséquent pas enregistrable (Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V., (1995), 104 F.T.R. 160, 64 C.P.R. (3d) 467 (C.A.F.), à la page 475). La demanderesse avance que l’apparence de la pâte dentifrice est dictée par l’expérience et les attentes des consommateurs et que, pour cette raison, le dessin est fonctionnel à des fins commerciales et n’est pas enregistrable.

 

[57]           De plus, la demanderesse affirme que, lorsqu’un équilibre chimique ne peut être maintenu, des chambres distinctes sont utilisées pour faire en sorte que les ingrédients viennent en contact les uns avec les autres seulement lorsque le consommateur applique une pression pour les extraire. La demanderesse soutient que les colorants qui donnent au dessin ses rayures bleue, verte et blanche fonctionnent de manière à permettre à la pâte dentifrice de conserver son dessin à rayures et que, par conséquent, le dessin n’est pas enregistrable.

 

[58]           Selon la demanderesse, tout brevet obtenu à l’égard de la marque de commerce présumée doit être pris en compte, parce qu’il constitue une preuve que le breveté considérait la marque de commerce présumée comme étant essentiellement fonctionnelle (Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, [2005] 3 R.C.S. 302). Les propres brevets de Colgate-Palmolive U.S.A. (le brevet canadien no 1,266,751 intitulé « Gel dentifrice translucide » et le brevet canadien no 1,329,137 intitulé « Dentifrice rayé sans dégorgement de couleur ») concernant des pâtes dentifrices à rayures revendiquent la méthode de maintien de l’équilibre chimique pour conserver une apparence rayée stable et ils revendiquent plus particulièrement une pâte dentifrice avec des rayures de couleurs bleue et verte. La demanderesse soutient que Colgate tente maintenant de faire enregistrer comme marque de commerce ce qu’elle a déjà fait breveter et qu’elle considère fonctionnel.

 

[59]           À l’appui de ce motif d’opposition, la demanderesse a produit d’autres affidavits, mais la défenderesse prétend que ces affidavits ne font pas valoir ou n’établissent pas que la pâte dentifrice à rayures bleue, blanche et verte remplit une fonction particulière et, le cas échéant, quelle est la fonction alléguée. Si la demanderesse voulait prendre en considération les brevets, il aurait fallu inviter des experts pour les expliquer. La demanderesse ne précise pas quelle fonction particulière la pâte dentifrice de la défenderesse remplirait.

 

[60]           Il incombe à la demanderesse de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant que l’utilité de la pâte dentifrice à rayures est essentiellement fonctionnelle. La Cour estime que le dessin en l’espèce n’est pas essentiellement fonctionnel. Même si différentes fonctions peuvent être attribuées à des rayures de couleur particulière, il n’est pas nécessaire que la pâte dentifrice ait des rayures pour remplir les différentes fonctions attribuées à ces rayures. La Cour est d’avis que les brevets, le processus de fabrication, les saveurs et les colorants n’indiquent pas de façon certaine une fonction essentielle de la pâte dentifrice. Les rayures dans le dessin peuvent remplir une fonction mais, en l’espèce, rien n’indique que le dessin de la défenderesse remplit une fonction particulière. Par exemple, a‑t‑il pour but d’accroître la blancheur, de fournir plus de fluorure, de venir en aide aux gens qui ont les dents sensibles, d’aider à enrayer la plaque ou à combattre la carie ou les bactéries? Remplit‑il une seule de ces fonctions ou toutes ces fonctions à la fois? La décision de la Commission relativement à cette question était raisonnable et le présent motif d’opposition ne peut être retenu.

 

Cinquième motif d’opposition – Emploi ou liaison

[61]           Le cinquième motif d’opposition est lié au fait que le dessin n’est pas une marque qui est employée pour distinguer le dentifrice de Colgate de celui des autres fabricants.

 

[62]           La demanderesse soutient que le dessin ne peut être employé comme une marque de commerce au sens de la Loi puisqu’il est appliqué aux marchandises elles‑mêmes et que la pâte dentifrice est vendue dans un contenant scellé avec un opercule en aluminium sur l’ouverture d’un tube opaque. Il n’y a aucun lien apparent avec la marque au moment du transfert des marchandises aux consommateurs et il ne peut y avoir « emploi » au sens de la Loi. Selon la demanderesse, 95 % des consommateurs qui achètent de la pâte dentifrice n’ouvrent pas l’emballage pour voir le tube. La demande produite comporte un dessin d’une dose de pâte dentifrice et, même si Colgate a renoncé à revendiquer la représentation d’une dose de dentifrice, le dessin reste ambigu quant à savoir quelle est la marque exacte. L’orientation des rayures de couleur est revendiquée (la rayure supérieure est verte, la rayure inférieure est bleue et le reste est blanc) et la marque visée par la demande d’enregistrement ne comprend pas un tube de pâte dentifrice qui permet de voir les rayures de couleurs.

 

[63]           De plus, la demanderesse affirme que le consommateur n’obtiendra pas toujours le dessin en question en comprimant la pâte pour l’extraire du contenant et que la pâte dentifrice qui est extraite du contenant peut prendre différentes configurations chaque fois qu’elle est extraite. En raison de l’ambiguïté relative à la nature exacte du dessin lui‑même et compte tenu du fait que le dessin ne peut être reproduit par consommateur, la demanderesse avance que le dessin ne peut être employé comme une marque de commerce et que son enregistrement devrait être interdit.

 

[64]           La défenderesse soutient que le cinquième motif d’opposition est fondé sur une interprétation déficiente du paragraphe 4(1) de la Loi, puisque l’une ou l’autre des activités qui y sont décrites est suffisante pour être réputée constituer l’« emploi » d’une marque de commerce. Par conséquent, si une marque de commerce est apposée sur les marchandises, il n’y a pas lieu qu’il y ait « avis de liaison ». Celui‑ci est requis seulement si la marque de commerce n’est pas apposée sur les marchandises ou les colis. En tout état de cause, la défenderesse souligne que la preuve non contestée de l’affidavit de Heather Tonner établit qu’une marque de commerce apposée sur du dentifrice peut être vue par les consommateurs au moment de l’achat.

 

[65]           La date pertinente pour l’appréciation du présent motif est la date de production de la demande, à savoir le 2 août 1994 (Georgia-Pacific). La Cour estime que c’est à bon droit que la Commission a conclu qu’elle accordait la préférence à la preuve de la requérante (Colgate) plutôt qu’à celle de l’opposante (Procter & Gamble). Rien dans la preuve au dossier ne démontre qu’il serait impossible d’employer le dessin conformément au paragraphe 4(1) de la Loi, mais il a été démontré (affidavit de Heather Tonner) que la pâte dentifrice pouvait être commercialisée d’une manière qui permette aux consommateurs de voir effectivement la marchandise (la pâte dentifrice). La Cour note que, même si cette façon de faire ne semble pas être de pratique courante dans le marché à l’heure actuelle, il n’en demeure pas moins qu’elle est possible. Par conséquent, il serait possible d’employer le dessin. De plus, Colgate n’a pas encore produit de déclaration d’emploi et n’est pas actuellement tenu d’en produire une. La décision de la Commission à l’égard du présent motif d’opposition doit être maintenue.

 

Sixième motif d’opposition – Caractère distinctif

[66]           Le sixième motif d’opposition est lié au fait que la marque de commerce ne serait pas distinctive et à la question de savoir si la marque peut servir à indiquer la source unique des marchandises.

 

[67]           La demanderesse soutient que le dessin‑marque n’est pas apte à distinguer les marchandises de dentifrice de Colgate des marchandises de dentifrice d’autres fabricants au Canada. La question de savoir si une marque distingue véritablement ou est apte à distinguer les marchandises d’une partie de celles d’une autre partie est une question de fait. Le critère consiste à déterminer si l’on a clairement laissé entendre au public que les marchandises auxquelles la marque de commerce est associée et avec lesquelles elle est employée sont les marchandises de la marque de commerce en question et non celles d’une autre partie (Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. c. Skyway Cigar Store, (1998), 147 F.T.R. 54, 81 C.P.R. (3d) 203).

 

[68]           La demanderesse avance que, si l’on prend les trois couleurs les plus courantes dans l’industrie de la pâte dentifrice pour les agencer ensemble dans un dessin à rayures couramment employé par d’autres parties, le résultat ne permettra pas distinguer une source unique. Selon la demanderesse, la preuve révèle que les couleurs en question et l’agencement des rayures de la pâte dentifrice étaient bien connus à la date pertinente. En l’absence d’autres indices, la pâte dentifrice à rayures bleue, blanche et verte ne permet pas aux consommateurs de conclure que cette pâte dentifrice provient d’une source unique. Au contraire, compte tenu de l’emploi de couleurs courantes et d’un agencement de couleurs (en l’occurrence les rayures) sans aucun autre indice, notamment le nom du fabricant sur l’emballage et la couleur de l’emballage, le consommateur ordinaire ne serait pas en mesure de dire de quel fabricant de pâte dentifrice l’agencement de rayures provient ou si plusieurs fabricants vendent la même pâte dentifrice à rayures.

 

[69]           Pour que ce motif d’opposition soit retenu, la défenderesse soutient que la demanderesse doit établir que la réputation de la marque invoquée est « assez importante, significative ou suffisante pour annuler le caractère distinctif de la marque de la défenderesse » (Bojangles, précité, à la page 444). Selon la défenderesse, la preuve présentée à la Commission par la demanderesse n’établissait pas que le dentifrice à rayures s’était bâti une réputation importante ou significative au Canada avant la date pertinente et la demanderesse n’a produit aucun élément de preuve additionnel important et probant au point d’avoir eu un effet sur les conclusions antérieures de la Commission. En outre, la marque de Colgate ne peut servir à indiquer une source unique parce qu’il n’y avait aucune preuve qu’une partie vendait une pâte dentifrice à rayures verte, blanche et bleue au Canada à la date pertinente.

 

[70]           En ce qui a trait à l’argument de la demanderesse concernant le dentifrice Aquafresh qui, de l’avis de la défenderesse, ne ressemble pas à la marque de commerce de la pâte dentifrice à rayures verte, blanche et bleue de Colgate, la preuve ne fait pas état de l’importance des ventes au Canada à la date pertinente. La défenderesse prétend qu’aucun élément de preuve additionnel n’établit que, à la date pertinente, la marque de commerce de la pâte dentifrice à rayures verte, blanche et bleue ne pouvait pas servir à indiquer une source unique.

 

[71]           La date pertinente pour l’appréciation du présent motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition (Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc., 2004 CF 1185, 34 C.P.R. (4th) 317, à la page 324). Dans la présente affaire, la date pertinente est le 3 avril 1996 et il incombe à la requérante de s’acquitter du fardeau ultime d’établir que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue effectivement ses marchandises des marchandises de celles d’autres fabricants au Canada (Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272, [1985] C.O.M.C. no 18 (QL) (C.OM.C.)). Toutefois, l’opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les allégations de fait à l’appui de son motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif.

 

[72]           La question générale à trancher en vertu de l’alinéa 38(2)d) de la Loi est de savoir si, à la date pertinente, le dessin était adapté à distinguer les marchandises de la défenderesse. Comme la Commission l’a souligné, la preuve présentée était insuffisante pour démontrer que d’autres parties employaient le même agencement de rayures de couleur que la défenderesse. Il n’y a pas lieu de conclure que le dessin n’est pas apte à distinguer le dentifrice de la défenderesse des dentifrices à rayures des autres fabricants. À l’audience, la demanderesse a invoqué l’affaire des cigares cubains Havana, mais la Cour fait remarquer que cette affaire portait sur une situation différente de celle en l’espèce. Dans Havana, il ressortait de la preuve que la marque de commerce ne pouvait pas servir de source unique, tandis que, en l’espèce, rien n’indique que quelqu’un d’autre utilisait la même présentation et les mêmes rayures à la date pertinente. La Commission a souligné cette lacune dans la preuve dans sa décision, à la page 11 :

L’opposante [Procter & Gamble] a soutenu que le dessin de la requérante [Colgate] n’est pas distinctif du fait que d’autres personnes ont offert à la vente du dentifrice à rayures. Toutefois, comme la requérante ne cherche pas à obtenir l’enregistrement d’un dentifrice à rayures simpliciter, mais vise plutôt un motif particulier à rayures de couleurs, je ne puis voir comment l’opposante aurait gain de cause sur ce motif d’opposition. Rien n’établit que d’autres personnes ont utilisé une configuration de rayures identique à celle qui fait l’objet de la demande de la requérante et je conclus, par conséquent, que rien ne justifie de conclure que le dessin n’est pas apte à distinguer le dentifrice de la requérante du dentifrice à rayures d’autres personnes.

 

[73]           Après avoir examiné la preuve soumise, la Cour conclut que la demanderesse n’a pas présenté de preuve suffisante pour établir que les consommateurs associent un agencement de rayures particulier à une société en particulier. La Cour est d’avis que la preuve n’établit pas que le dessin ne pouvait indiquer une source unique à la date pertinente parce qu’une seule demande a été présentée pour protéger cette configuration particulière de pâte dentifrice. La conclusion de la Commission était raisonnable et sa décision doit être maintenue.

 

[74]           La Commission des oppositions des marques de commerce a soigneusement examiné la preuve et analysé chacun des motifs d’opposition. La Cour conclut que la décision de la Commission est raisonnable parce qu’elle fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté avec dépens.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-375-07

                                                                       

 

 

INTITULÉ :                                                   PROCTER & GAMBLE INC. c.

                                                                        COLGATE-PALMOLIVE CANADA INC.

                                                                       

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 12 janvier 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE BOIVIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 février 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Keri A.F. Johnston                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Michelle L. Wassenaar

Andrea Long

 

Mark K. Evans                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Thow Hing

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Johnston Wassenaar LLP

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

 

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