Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100212

Dossier : T-430-09

Référence : 2010 CF 147

Ottawa (Ontario), 12 février 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

SIYANTHAN XAVIER

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET LE MINISTRE DES TRANSPORTS,

DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

[1]               M. Siyanthan Xavier est un ancien employé d’Air Canada Cargo à l’aéroport Pearson. En février 2009, le ministre des Transports a révoqué son habilitation de sécurité en matière de transport (HST), ce qui a eu pour effet de l’empêcher de travailler à l’aéroport. La décision du ministre découlait du dépôt d’accusations criminelles à l’encontre de M. Xavier. Ces accusations ont par la suite été retirées.

 

[2]               M. Xavier soutient que le ministre a agi de manière inéquitable et qu’il a rendu une décision déraisonnable sans donner de motifs adéquats. Il me demande d’ordonner au ministre de réexaminer sa décision. Je conviens que le ministre a agi de manière inéquitable et je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Il ne sera pas nécessaire de traiter des autres questions soulevées par M. Xavier.

 

II.     Analyse

 

1.   Les faits

[3]               M. Xavier a présenté une demande d’habilitation de sécurité en matière de transport, et elle lui a été accordée en avril 2007. Peu après, il a commencé à travailler pour Air Canada Cargo. En décembre 2007, M. Xavier a été arrêté par un policier relativement à une infraction aux règlements de la circulation sur la propriété de l’aéroport. Le policier a fouillé sa voiture. M. Xavier a ensuite été accusé de possession de biens volés et de possession de cartes de crédit falsifiées.

 

[4]               Le gestionnaire de la sécurité et des enquêtes de l’administration aéroportuaire a informé par courriel le chef du filtrage de sécurité qu’il avait reçu des renseignements selon lesquels M. Xavier faisait l’objet d’accusations. Des enquêtes ultérieures ont révélé que des accusations de fraude avaient également été portées à l’encontre de M. Xavier en 2003, mais qu’elles avaient été retirées.

 

[5]               Subséquemment, une lettre a été envoyée à M. Xavier pour l’informer que son HST faisait l’objet d’un examen et lui demander de présenter une déclaration écrite concernant les accusations. La lettre a été retournée à l’expéditeur parce que le demandeur avait déménagé sans communiquer à l’aéroport une adresse de réexpédition. En février 2008, l’organisme consultatif sur la HST a décidé de suspendre l’habilitation de sécurité de M. Xavier. La lettre dans laquelle on l’en informait a aussi été retournée.

 

[6]               En mars 2008, n’ayant pas reçu les lettres mal adressées, M. Xavier s’est enquis de la suspension de son HST. On lui a répondu qu’il lui fallait soumettre une déclaration concernant les accusations et que l’affaire serait réexaminée par l’organisme consultatif. M. Xavier a soumis une déclaration, mais l’organisme consultatif a maintenu la suspension.

 

[7]               En décembre 2008, les accusations criminelles en instance contre M. Xavier ont été retirées. On l’a invité à présenter une nouvelle déclaration écrite. De nouveau, son dossier a été soumis à l’examen du conseil consultatif, lequel a recommandé en janvier 2009 la révocation de son HST. Le 20 février 2009, une lettre a été envoyée à M. Xavier pour l’informer de la révocation de son HST par le ministre sur recommandation de l’organisme consultatif. En conséquence, il a perdu son emploi.

 

  1. Le ministre a-t-il agi de manière inéquitable?

 

[8]               Le ministre soutient qu’on a donné à M. Xavier l’occasion de présenter des observations écrites à l’organisme consultatif avant que ce dernier ne recommande au ministre la révocation de son HST. M. Xavier a donc eu l’occasion de participer aux procédures qui se sont soldées par la révocation de son HST. Je ne partage pas son avis.

 

[9]               Trois éléments soumis au conseil consultatif n’ont pas été communiqués à M. Xavier. Le premier est le courriel envoyé juste après le dépôt des accusations à l’encontre de M. Xavier. Non seulement ce courriel informait le chef du filtrage de sécurité des accusations, mais il donnait à penser qu’il existait un lien entre les accusations et l’emploi de M. Xavier : [traduction] « L’information fournie donne à penser qu’il existe un lien avec l’emploi de l’individu à l’aéroport ».

 

[10]           Le deuxième est l’information communiquée à l’organisme consultatif par le Centre de l’information de la police canadienne (CIPC) concernant les accusations au criminel de 2003 à l’encontre de M. Xavier qui avaient été retirées.

 

[11]           Enfin, il y a le rapport de l’unité du renseignement de l’aéroport avait été présenté à l’organisme consultatif. Ce rapport faisait mention des allégations suivantes à l’encontre de M. Xavier :

 

•           il avait été surpris en possession de 25 cartes de crédit contrefaites, de plusieurs ensembles de pièces d’identité et d’un important montant d’argent comptant en dollars américains et canadiens;

•           les policiers avaient remarqué qu’il essayait de cacher quelque chose sous le tapis du plancher;

•           deux cartes de crédit avaient été découvertes sur le plancher du véhicule;

•           d’autres cartes de crédit et d’autres pièces d’identité avaient été trouvées dans un compartiment secret derrière le cendrier.

 

[12]           Comme je l’ai déjà mentionné, M. Xavier a effectivement présenté des observations écrites à l’organisme consultatif. Il a déclaré qu’il avait été arrêté pour une infraction aux règlements de la circulation et que la police avait trouvé le portefeuille de quelqu’un d’autre dans sa voiture. Comme il n’a pas reçu la communication des autres renseignements présentés à l’organisme consultatif, il n’a jamais eu l’occasion de répondre à l’allégation qu’il avait été surpris en possession de nombreuses cartes de crédit, de plusieurs ensembles d’identité et d’une importante somme d’argent comptant. Il n’a pas non plus eu la possibilité de répondre à l’allégation qu’il avait tenté de cacher des objets sous le tapis du plancher de sa voiture et qu’il avait caché un grand nombre de cartes de crédit dans un compartiment secret. Enfin, il ne savait pas qu’on avait affirmé qu’il existait un lien entre sa prétendue conduite criminelle et son emploi.

 

[13]           Le ministre soutient que le degré d’équité auquel a droit M. Xavier est relativement bas, conformément aux facteurs énoncés dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Il fait en outre valoir que la Cour est arrivée à cette conclusion dans Irani c. Canada (Procureur général), 2006 CF 816, et dans Motta c. Canada (Procureur général) (2000), 180 F.T.R. 292. Je relève que ces dernières affaires portaient précisément sur l’octroi, et non sur la révocation, d’une habilitation de sécurité en matière de transport. De plus, il n’y avait pas d’allégation d’inconduite visant les demandeurs et il n’y avait pas de risque qu’ils perdent leur emploi. En l’espèce, M. Xavier a été accusé d’infractions graves et il a été congédié. L’obligation d’équité en l’espèce était supérieure à celle dans les causes citées par le ministre. Cette obligation doit au minimum inclure le devoir de divulguer au demandeur les renseignements soumis à l’organisme consultatif et de lui donner une occasion d’y répondre.

 

[14]           En l’espèce, M. Xavier aurait dû être mis au courant des renseignements du CIPC et aurait dû pouvoir y répondre s’il l’avait désiré. Il n’aurait cependant pas pris connaissance du contenu du courriel et du rapport de renseignement. Ses observations écrites à l’organisme consultatif ne correspondent pas aux accusations portées contre lui. Elles ne fournissent en fait aucune réponse adéquate. La situation était inéquitable pour lui et mettait en outre l’organisme consultatif dans la position gênante d’avoir à prendre une décision sans disposer d’observations écrites satisfaisantes des deux parties en cause.

 

III.   Conclusion et dispositif

 

[15]           À mon avis, M. Xavier a été traité de façon inéquitable étant donné qu’on ne lui a pas communiqué des renseignements dont a tenu compte l’organisme consultatif. Il n’a donc pas eu l’occasion de répondre de manière satisfaisante aux accusations portées contre lui. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire au ministre pour réexamen.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée au ministre pour réexamen.

2.      Aucune question de portée générale n’a été formulée.

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-430-09

 

INTITULÉ :                                       SIYANTHAN XAVIER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT:                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 février 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton

Hadayt Nazami

POUR LA DEMANDERESSE

 

Melanie Toolsie

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Smis, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.