Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                      

 

Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale


Date : 20091216

Dossier : T-1733-08

Référence : 2009 CF 1273

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

CHARLOTTE RHÉAUME

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Charlotte Rhéaume (la « demanderesse ») à l'égard d'une décision rendue le 6 octobre 2008 par Renaud Paquet, arbitre de grief désigné par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, rejetant le grief déposé par la demanderesse le 21 janvier 2002 pour cause d'absence de compétence en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35.

 

[2]               Si la Cour statue que l'arbitre n'avait effectivement pas compétence pour entendre son grief en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la demanderesse demande, à titre subsidiaire, le contrôle judiciaire de la décision définitive du 2 février 2004 rendue à l'égard de son grief par son employeur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, en accordant une prorogation de délai à ces fins.

 

 

Les faits pertinents

 

[3]               La demanderesse travaille pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« Agence »). Elle effectuait à Montréal des tâches liées à l'administration et à l'interprétation de la taxe sur les produits et services (« TPS ») et de certains aspects des taxes d'accise. Elle détenait à cet égard un poste de niveau PM‑2. À la suite d'une réorganisation administrative, les tâches de la demanderesse furent assignées à d'autres instances administratives ou à d'autres centres administratifs.

 

[4]               À la fin octobre 2001, l'Agence a donc assigné à la demanderesse de nouvelles tâches d'agent d'examen au bureau, un poste également de niveau PM‑2, mais comportant des tâches très différentes de celles que la demanderesse effectuait auparavant. Vu le peu d'expérience de la demanderesse dans ces nouvelles tâches, l'Agence lui a assigné temporairement des tâches de niveau PM‑1 en vertu de ce que l'Agence a décrit comme un « plan de formation planifié » afin que la demanderesse soit « qualifiée pour exécuter, dans un laps de temps raisonnable, des fonctions PM‑2 » (pièce D‑4 de l'affidavit de la demanderesse, p. 63 du dossier de la demanderesse).

[5]               La demanderesse s'est estimée lésée par ces assignations et, avec l'appui de son syndicat, l'Alliance de la Fonction publique du Canada, elle a donc déposé un grief le 21 janvier 2002. Ce grief portait d'abord le numéro 2002‑1208‑33498, mais fut ultérieurement traité comme portant le numéro 2002‑1208‑34825 (le « grief »). Ce grief est rédigé sur plusieurs pages, mais ses éléments les plus pertinents sont les suivants (pièce D‑1 de l'affidavit de la demanderesse, pages 52 et 53 du dossier de la demanderesse) :

Je considère que :

 

·                    L'employeur m'a transférée prématurément;

·                    L'employeur a violé la Loi sur l'équité;

·                    L'employeur nuit à mes chances d'avancement en ne considérant pas mes qualifications, mes expériences et mes intérêts;

·                    L'employeur ne me donne pas accès à la formation nécessaire et pertinente;

·                    L'employeur m'assigne des tâches non professionnelles de niveau inférieur PM‑01 et viole ma dignité;

·                    L'employeur nuit à mon image professionnelle;

·                    L'employeur me limite l'accès à des affectations dans le domaine scientifique pour lequel je détiens une Maîtrise et de l'expérience;

·                    L'employeur contrevient à l'article 11 de la Charte canadienne et à la Loi sur l'équité et de son Règlement connexe;

·                    L'employeur a violé la Loi et le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique;

·                    L'employeur a violé la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

 

Corrections demandées

 

Que l'employeur me confie des tâches selon mon groupe et niveau et non des tâches de niveau inférieur PM‑01;

 

Considérant que l'employeur me maintient temporairement dans un poste d'Impôt, je demande que l'employeur m'accorde dès maintenant de la formation technique adéquate pour être à l'aise dans ce nouveau secteur, pour effectuer mon travail professionnellement et pour comprendre la globalité de mon travail et ses implications, jusqu'à ce que j'accède à un poste spécialisé répondant à mes qualifications et mes intérêts;

 

Que l'employeur respecte la Charte, la Loi et le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada et la Loi sur l'équité en appliquant rétroactivement au 1er novembre 1999 la Politique/Directive sur le Réaménagement des effectifs et corrige mon niveau actuel;

 

Que l'employeur me permette d'accéder par priorité à des emplois spécialisés dans le domaine scientifique pour des emplois indéterminés ou des affectations;

 

À défaut de mettre en oeuvre la Directive/Politique sur le réaménagement des effectifs rétroactivement, je demande que l'employeur rapatrie mes tâches de TPS à Montréal;

 

Que l'employeur m'intègre en priorité absolue à un poste de la fonction publique au niveau de mon poste.

 

 

[6]               Ce grief a franchi sans succès les divers paliers de la procédure de grief pour être finalement rejeté le 2 février 2004 au palier final par une décision du sous‑commissaire de la Direction générale des ressources humaines de l'Agence, et ce, pour les motifs suivants (dossier de la demanderesse, aux pages 66 et 67) :

[...]

 

Concernant le volet de l'application rétroactive de l'Appendice sur le RDE [réaménagement des effectifs] au 1er novembre 1999, je dois vous informer que je considère votre grief hors délai. En effet, votre grief ne peut viser des situations au-delà de 25 jours précédents la date du dépôt de votre grief conformément à votre convention collective. Pour ce motif, votre grief sur ce point est donc rejeté.

 

Cependant, j'ai tout de même étudié votre dossier. Je suis d'avis que la gestion n'avait pas à appliquer l'Appendice sur la RDE en 1999 car à cette époque, vous aviez toujours des tâches reliées à vos fonctions à effectuer. Je suis d'avis également que la gestion a agi correctement en octobre 2001, en vous informant que votre charge de travail était devenue nettement insuffisante pour justifier le maintien de votre poste et en vous offrant deux mutations permanentes que vous avez refusées. Finalement, je suis d'avis que la gestion s'est conformée adéquatement à l'Appendice sur le RDE en vous déclarant excédentaire en 2002 et en vous offrant une garantie d'offre raisonnable d'emploi. Si votre grief avait été dans les délais, il aurait donc été rejeté également pour les motifs précités.

 

Concernant votre demande de formation et votre mécontentement par rapport à vos tâches, votre représentant syndical a reconnu que cette demande était devenue sans objet puisque, depuis votre grief en janvier 2002, vous avez bénéficié d'un plan de formation et vous effectuez maintenant des tâches de niveau PM‑2. Je vous informe donc que votre grief est rejeté.

 

 

[7]               Le syndicat a refusé de renvoyer le grief à l'arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La demanderesse n'a déposé aucune plainte ni entamé aucun recours contre son syndicat pour ce refus de renvoyer le grief à l'arbitrage.

 

[8]               Malgré ce refus du syndicat, la demanderesse a décidé de renvoyer elle‑même son grief à la procédure d'arbitrage sans l'appui ou le consentement de son syndicat. Elle a présenté trois renvois à l'arbitrage à cette fin :

a.         Le premier renvoi à l'arbitrage est daté du 16 mars 2004 et est effectué en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(ii) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Notons à cet égard qu'il n'y a pas concordance de numérotation entre les versions française et anglaise de l'alinéa 92(1)b) de cette loi, la version anglaise étant divisée en sous-alinéas (i) et (ii) qui ne se retrouvent pas dans la version française, quoique la portée juridique des textes soit identique. Sur le formulaire de renvoi, la demanderesse a inscrit l'annotation manuscrite suivante : « congédiement déguisé, rétrogradation et réaménagement des effectifs » (pièce D‑7 de l'affidavit de la demanderesse, dossier de la demanderesse, aux pages 92 et 93).

 

b.         Le second renvoi à l'arbitrage est également daté du 16 mars 2004 et est effectué en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Sur le formulaire de renvoi, la demanderesse a inscrit la note manuscrite suivante : « et réaménagement des effectifs » (pièce D‑7 de l'affidavit de la demanderesse, dossier de la demanderesse, aux pages 95 et 96).

 

c.         Le troisième renvoi à l'arbitrage est daté du 23 mars 2004 et est effectué en vertu de l'article 99 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (pièce D‑7 de l'affidavit de la demanderesse, dossier de la demanderesse, aux pages 98 et 99).

 

[9]               Le 25 octobre 2004, l'Agence s'est opposée de façon préliminaire au renvoi du grief à l'arbitrage et à la compétence de l'arbitre. La demanderesse a demandé et obtenu à deux reprises la remise de l'audition devant l'arbitre pour trancher cette objection préliminaire. Finalement, une audition fut tenue à cet égard, et la décision de l'arbitre rendue le 6 octobre 2008 fut d'accueillir les objections de l'Agence et de rejeter le grief pour cause d'absence de compétence.

 

Dispositions légales pertinentes

 

[10]           La nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, est entrée en vigueur le 1er avril 2005. Cette nouvelle loi replace l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35, sous réserve des dispositions transitoires prévues par la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Ces dispositions transitoires prévoient notamment ce qui suit :

57. (1) Les règles ci‑après s'appliquent aux demandes d'arbitrage présentées avant la date d'entrée en vigueur de l'article 136 de la nouvelle loi et qui n'ont fait l'objet d'aucune décision arbitrale :

 

a) si aucun conseil d'arbitrage n'a été créé ni aucun arbitre nommé avant cette date, il est décidé de la demande comme si elle avait été présentée en vertu de cet article;

 

 

b) si un arbitre a été nommé avant cette date, celui-ci est réputé être un conseil d'arbitrage à membre unique créé aux termes de l'article 139 de la nouvelle loi et il est décidé de la demande conformément à la section 9 de la partie 1 de cette loi;

 

 

c) si un conseil d'arbitrage a été créé avant cette date, celui-ci est réputé être un conseil d'arbitrage de trois membres créé aux termes de l'article 140 de la nouvelle loi et il est décidé de la demande conformément à la section 9 de la partie 1 de cette loi.

 

 

(2) Il est entendu que la décision arbitrale rendue au titre du paragraphe (1) ne peut porter que sur une condition d'emploi susceptible d'être incluse dans une décision arbitrale rendue au titre de l'ancienne loi, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur de l'article 140 de la nouvelle loi.

 

[...]

 

61. (1) Sous réserve du paragraphe (5), il est statué conformément à l'ancienne loi, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur de l'article 208 de la nouvelle loi, sur les griefs présentés sous le régime de l'ancienne loi s'ils n'ont pas encore fait l'objet d'une décision définitive à cette date.

 

57. (1) The following rules apply to requests for arbitration made before the day on which section 136 of the new Act comes into force and for which no arbitral award had been made before that day:

 

(a) if no arbitration board had been established or arbitrator appointed before that day, the request is to be dealt with as though it had been made under section 136 of the new Act;

 

(b) if an arbitrator had been appointed before that day, the arbitrator is deemed to be an arbitration board consisting of a single member established under section 139 of the new Act and the arbitration is to continue in accordance with Division 9 of Part 1 of the new Act; and

 

(c) if an arbitration board had been established before that day, the arbitration board is deemed to be an arbitration board consisting of three members established under section 140 of the new Act and the arbitration is to continue in accordance with Division 9 of Part 1 of the new Act.

 

(2) For greater certainty, an arbitral award may be made under subsection (1) only in respect of a term or condition of employment that could have been embodied in an arbitral award made under the former Act as it read immediately before the day on which section 140 of the new Act comes into force.

 

[...]

 

 

61. (1) Subject to subsection (5), every grievance presented in accordance with the former Act that was not finally dealt with before the day on which section 208 of the new Act comes into force is to be dealt with on and after that day in accordance with the provisions of the former Act, as they read immediately before that day.

 

 

[11]           Les dispositions pertinentes de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35, telles qu’amendées, sont les suivantes :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

 

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

 

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement — administratif ou autre —, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

 

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

 

 

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter un grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113. Par ailleurs, il ne peut déposer de grief touchant à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale qu'à condition d'avoir obtenu l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et d'être représenté par cet agent.

 

[...]

 

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

 

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

 

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

 

 

 

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

 

 

 

 

 

 

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

 

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

99. (1) L'employeur et l'agent négociateur qui ont signé une convention collective ou sont liés par une décision arbitrale peuvent, dans les cas où l'un ou l'autre cherche à faire exécuter une obligation qui, selon lui, découlerait de cette convention ou décision, renvoyer l'affaire à la Commission, dans les formes réglementaires, sauf s'il s'agit d'une obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part d'un fonctionnaire de l'unité de négociation visée par la convention ou la décision.

 

 

(1.1) L'agent négociateur peut, avec le consentement de l'employeur, renvoyer l'affaire à la Commission s'il s'agit d'une obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part du fonctionnaire de l'unité de négociation visée par la convention ou la décision.

 

 

 

 

 

 

 

(2) Après avoir entendu l'affaire qui lui est renvoyée au titre du présent article, la Commission se prononce sur l'existence de l'obligation alléguée et, selon le cas, détermine s'il y a eu ou non manquement.

 

 

(3) La Commission entend et juge l'affaire qui lui est renvoyée au titre du présent article comme s'il s'agissait d'un grief, et le paragraphe 96(2) ainsi que les articles 97 et 98 s'appliquent à l'audition et à la décision.

 

91. (1) Where any employee feels aggrieved

 

 

 

 

 

 

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by‑law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

 

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

 

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

 

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

 

(2) An employee is not entitled to present any grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies, or any grievance relating to any action taken pursuant to an instruction, direction or regulation given or made as described in section 113.

 

[...]

 

 

 

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

 

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

 

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

 

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

 

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

 

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

 

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

 

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

 

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.

 

(4) The Governor in Council may, by order, designate for the purposes of paragraph (1)(b) any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I.

99. (1) Where the employer and a bargaining agent have executed a collective agreement or are bound by an arbitral award and the employer or the bargaining agent seeks to enforce an obligation that is alleged to arise out of the agreement or award, and the obligation, if any, is not one the enforcement of which may be the subject of a grievance of an employee in the bargaining unit to which the agreement or award applies, either the employer or the bargaining agent may, in the prescribed manner, refer the matter to the Board.

 

(1.1) Where the employer and a bargaining agent have executed a collective agreement or are bound by an arbitral award and the employer or the bargaining agent seeks to enforce an obligation that is alleged to arise out of the agreement or award, and the obligation, if any, is one the enforcement of which may be the subject of a grievance of an employee in the bargaining unit to which the agreement or award applies, the bargaining agent may, in the prescribed manner and with the agreement of the employer, refer the matter to the Board.

 

(2) Where a matter is referred to the Board pursuant to subsection (1) or (1.1), the Board shall hear and determine whether there is an obligation as alleged and whether, if there is, there has been a failure to observe or to carry out the obligation.

 

(3) The Board shall hear and determine any matter referred to it pursuant to subsection (1) or (1.1) as though the matter were a grievance, and subsection 96(2) and sections 97 and 98 apply in respect of the hearing and determination of that matter.

 

 

[12]           Notons que l'Agence n'apparaît pas à la partie I de l'annexe I de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et apparaît à la partie II de cette annexe I à titre de secteur de l'administration publique fédérale qui est un employeur distinct. L’agence fut incluse à cette Partie II par l’article 177 de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada, L.C. 1999, c. 17, art.177. Aucun décret désignant l'Agence conformément au paragraphe 92(4) de l'ancienne loi n'a été présenté à la Cour par la demanderesse, et le défendeur affirme qu'aucun décret de ce genre n'a été adopté.

 

 

La décision de l'arbitre

 

[13]           Après avoir établi les faits pertinents, l'arbitre a constaté que la demanderesse « n'a jamais cessé de recevoir son salaire de PM‑02 même si pour une période de quelques mois en 2002, elle effectuait des tâches de PM‑01 ». L'arbitre a décrit par la suite les objections préliminaires de l'Agence et les réponses à ces égards de la demanderesse.

 

[14]           L'arbitre a conclu que la demanderesse ne peut renvoyer son grief à l'arbitrage en vertu du paragraphe 99(1) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique car, selon le libellé même de la loi, ce recours est réservé à l'employeur et à l'agent négociateur.

 

[15]           L'arbitre a également conclu que la demanderesse ne peut renvoyer son grief à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)b) de cette loi car ce recours n'est disponible qu'aux fonctionnaires qui travaillent pour un secteur de l'administration publique fédérale qui apparaît à la partie I de l'annexe I de l'ancienne loi, ce qui exclut l'Agence.

[16]           L'arbitre a conclu de plus que le renvoi du grief à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne loi ne peut être exercé par la demanderesse, car l'agent négociateur a refusé d'approuver le renvoi et que cette approbation est nécessaire en vertu de l'article 92.

 

[17]           Finalement, l'arbitre a conclu que le grief ne peut être renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne loi car cette disposition porte sur les mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire, ce qui ne s'applique pas à la demanderesse. L'arbitre a pris note que la demanderesse avait invoqué un congédiement déguisé dans son renvoi à l'arbitrage, mais l'arbitre rejette cet argument au motif qu'« à la lecture du grief, rien n'indique qu'il s'agit d'un grief qui a trait à un congédiement déguisé », et il ajoute ce qui suit :

[24]      En prétendant que son grief est un grief de mesures disciplinaires, la fonctionnaire s'estimant lésée en change l'essence car cet élément ne fait pas partie du grief soumis à l'origine. Comme l'a établi Burchill [Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109], un arbitre de grief n'a compétence que pour traiter du grief qui a été soumis à l'origine et non pas d'un grief différent ou d'un grief dont l'essence n'est plus la même. Le grief d'origine déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée vise avant tout la Politique sur le réaménagement des effectifs, il ne s'agit aucunement d'un grief disciplinaire. J'accepte donc l'objection formulée par l'employeur dans ce sens (décision arbitrale, p. 10, reproduite au dossier de la demanderesse, à la p. 33).

 

 

 

Les positions des parties

 

[18]           La demanderesse, qui agit en personne, a soulevé quantité de questions dans ses observations tant écrites qu'orales. Ces questions portent sur une thèse fondamentale, soit la prétention de la demanderesse qu'elle fut victime d'un congédiement déguisé de son emploi antérieur pour l'Agence et dont les tâches portaient sur l'interprétation et la mise en oeuvre de la TPS et de certains aspects des taxes d'accise. En raison de ce congédiement déguisé, la demanderesse soutient que l'arbitre s'est trompé sur la nature du grief et a donc commis une erreur lorsqu'il a décidé qu'il n'avait pas compétence.

 

[19]           La demanderesse soutient que la modification de ses tâches par l'Agence ne constitue pas un réaménagement des effectifs au sens des politiques administratives, mais plutôt un réaménagement artificiel créé par l'employeur et menant à son congédiement déguisé de son ancien poste. À l'appui de ses prétentions, la demanderesse cite la définition du terme « réaménagement des effectifs » qui se trouve à l'annexe E de la convention collective alors applicable et conclue entre l'Agence et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier de la demanderesse, p. 77) :

Réaménagement des effectifs — Situation qui se produit lorsqu'un administrateur général décide que les services d'un ou de plusieurs employé‑e‑s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail, de la suppression d'une fonction, de la réinstallation d'une unité de travail à un endroit où l'employé‑e ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode d'exécution.

 

 

[20]           Selon la demanderesse, ses anciennes tâches liées à la TPS existent toujours, mais elles ont été mutées de Montréal à Ottawa, ou à d'autres ministères, agences ou centres administratifs. Il n'y aurait donc pas de véritable réaménagement des effectifs au sens de l'annexe E. De plus, l'annexe E exige qu'un « administrateur général » décide de l'abolition d'un poste; or, la demanderesse affirme que dans son cas, c'est l'administration régionale qui avait procédé à l'abolition de son poste. Selon la demanderesse, cela démontre un congédiement déguisé, d'autant plus que l'Agence lui a assigné des tâches inférieures à celles d'un poste de niveau PM‑2 suite à l'abolition de son ancien poste.

 

[21]           La demanderesse soutient que l'arbitre a négligé de traiter du congédiement déguisé et qu'en conséquence sa décision rejetant le renvoi de son grief à l'arbitrage pour cause d'absence de compétence doit être cassée.

 

[22]           Le défendeur soutient que plusieurs pièces déposées par la demanderesse devant la Cour fédérale à l'appui de ses prétentions à l'égard d'un prétendu congédiement déguisé n'avaient pas été soumises à l'arbitre, et qu'en conséquence ces pièces devraient être radiées du dossier. La Cour discutera de cette question ultérieurement.

 

[23]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable en l'espèce est celle de la décision raisonnable, étant donné que la décision de l'arbitre repose sur une question mixte de fait et de droit, soit l'interprétation de l'article 92 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et l'appréciation des faits pertinents au grief présenté par la demanderesse.

 

[24]           Sur la question de fond, le défendeur soutient que l'arbitre n'est pas compétent, et ce, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux retenus par l'arbitre dans sa décision.

 

La demande de radiation

 

[25]           Dans un avis de requête déposé à la Cour le 20 janvier 2009, le défendeur avait demandé la radiation de plusieurs paragraphes de l'affidavit de la demanderesse à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire au motif principal que la demanderesse y énonçait des arguments juridiques, ce qui contrevient à l'article 81 des Règles des Cours fédérales. Le défendeur avait également demandé la radiation de certaines pièces en conséquence et avait également demandé la radiation des pièces qui n'avaient pas été déposées en preuve devant l'arbitre.

 

[26]           Cette requête du défendeur fut rejetée avec dépens par le protonotaire Mireille Tabib pour les motifs énoncés dans son ordonnance à cet égard du 2 mars 2009. Le défendeur n'a pas porté cette décision en appel.

 

[27]           Le défendeur a répété à l'audition devant moi les mêmes arguments que ceux soulevés devant le protonotaire à l'appui de la radiation de l'affidavit et de diverses pièces. Il s'agit en fait d'une demande indirecte d'appel de la décision du protonotaire. Le défendeur n'ayant pas fait appel de la décision du protonotaire au moment opportun, il n'y a pas lieu de se pencher plus longuement sur cette demande.

 

[28]           Je note toutefois que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse vise bien sûr la décision de l'arbitre, mais comporte également une demande subsidiaire afin de permettre un contrôle judiciaire de la décision finale de l'Agence à l'égard de son grief si l'arbitre n'avait pas compétence pour en disposer. Je traiterai ci-dessous de cette demande subsidiaire, mais, aux fins de la demande de radiation, je note que la demanderesse pouvait effectivement présenter les pièces en question à l'appui de cette demande subsidiaire.

 

[29]           Néanmoins, pour ce qui est du contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre, cette Cour étudie normalement le dossier tel qu'il existait devant le tribunal administratif en cause : voir entre autres Ordre des architectes de l'Ontario c. Association of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2003] 1 C.F. 331, au par. 30. Cette façon de procéder n'est cependant pas sans exceptions, suivant le principe selon lequel la justice n'est pas au service de la procédure ; par conséquent il existe nombre de circonstances où cette approche doit être écartée. En l'occurrence, le dossier tel qu'il existait devant l'arbitre sera considéré en regard du contrôle judiciaire de la décision en cause. Je note toutefois que la décision à l'égard du contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre serait la même, que toutes les pièces déposées par la demanderesse soient ou non considérées.

 

 

La norme de contrôle applicable

 

[30]           Dans la décision Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 62, la Cour suprême du Canada enseigne que le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux étapes. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l'analyse des éléments qui permettent d'arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[31]           La question en jeu devant l'arbitre dans ce cas-ci était de décider si le grief de la demanderesse pouvait être renvoyé à l'arbitrage conformément aux articles 92 ou 99 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, eu égard en particulier aux prétentions de la demanderesse selon lesquelles ce grief visait notamment un congédiement déguisé. Pour répondre à cette question, l'arbitre doit interpréter les articles 92 et 99 de la loi en cause, qui sont reproduits ci-dessus, analyser et interpréter le libellé du grief de la demanderesse, et déterminer à la lumière des faits qui lui ont été présentés si ce grief soulevait un congédiement déguisé.

 

[32]           Il existe quelques divergences dans la jurisprudence au sujet de la norme de contrôle qui s'applique dans des circonstances semblables. En effet, la question devant l'arbitre en est une de compétence, mais elle est aussi une question qui est au coeur de l'expertise de l'arbitre en matière de relations de travail dans l'administration publique fédérale.

 

[33]           Ainsi, dans Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192, aux par. 15 à 21, une formation de la Cour d'appel fédérale a établi que la norme de la décision correcte s'appliquait à la décision d'un arbitre au sujet de sa compétence conformément au paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cependant, dans Archambault c. Agence des douanes et du revenu, 2006 CAF 63, une autre formation de la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision de la juge Tremblay‑Lamer, 2005 CF 183, aux par. 13 à 15, dans laquelle la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable fut appliquée à l'égard d'une décision d'un arbitre concernant un prétendu congédiement déguisé et dans laquelle l'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence à l'égard d'un grief en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne loi. Par contre, la norme de la décision correcte fut utilisée dans Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, aux par. 14 à 16, et dans Olson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 209, au par. 16, à l'égard de décisions arbitrales portant sur l'article 92 de l'ancienne loi. Cependant, une norme mixte, soit celle de la décision correcte au sujet du critère juridique à utiliser et celle de la décision raisonnable au sujet de l'application du critère juridique aux faits fut établie dans Canada (Procureur général) c. Basra, 2008 CF 606, aux par. 12 à 13, à l'égard d'une décision arbitrale prise en vertu de l'article 209 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, le pendant contemporain de l'article 92 de l'ancienne loi.

 

[34]           Dans ces circonstances, il m'apparaît approprié d'entreprendre l'analyse des éléments qui permettent d'arrêter la bonne norme de contrôle aux fins de ce dossier.

 

[35]           À cet égard, la décision Dunsmuir, au par. 64, indique que cette analyse doit être contextuelle et « dépend de l'application d'un certain nombre de facteurs pertinents, dont (1) l'existence ou l'inexistence d'une clause privative, (2) la raison d'être du tribunal administratif suivant l'interprétation de sa loi habilitante, (3) la nature de la question en cause et (4) l'expertise du tribunal administratif ». Il n'est cependant pas toujours nécessaire de tenir compte de tous ces facteurs, car certains d'entre eux peuvent déterminer la norme applicable dans une affaire donnée.

 

[36]           Ici, la décision de l'arbitre n’est pas protégée par une clause privative. En effet, l'article 101 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35, qui prévoyait une clause privative absolue en regard des décisions des arbitres redues en vertu de cette loi, fut abrogé par la Loi sur la réforme de la fonction publique, L.C. 1992, ch. 54, art. 73. Notons qu’une clause privative similaire à celle prévue à l’article 101 précité de l’ancienne loi se trouve maintenant à l’article 233 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 233. Néanmoins, pour la période visée par le litige en cause ici, aucune clause privative n’était en vigueur. Par contre, la Cour d’appel fédérale dans Barry c. Canada (Conseil du trésor), 221 N.R. 237, [1997] A.C.F. no 1404 (QL) (CAF) a noté que le fait que la clause privative énoncée à l’article 101 de l’ancienne loi fut abrogée ne changeait en rien la norme de contrôle applicable :

2  Une question préliminaire soulevée dans le cadre du présent appel porte sur la norme de retenue judiciaire qu'il convient de respecter à l'égard de la décision de l'arbitre. Le juge des requêtes a exprimé l'avis qu'en raison de l'abrogation de la clause privative que contenait la Loi le 1er juin 1993, la norme appropriée consiste à déterminer si la décision de l'arbitre "peut être appuyée par la preuve" : voir Loi sur la réforme de la fonction publique, L.C. 1992, ch. 54, art. 73; et Canada (Procureur général) c. Wiseman (1995), 95 F.T.R. 200; Canada (Procureur général) c. Séguin (1995), 101 F.T.R. 64.

 

3  En toute déférence, nous sommes d'avis que la norme de contrôle adoptée par le juge des requêtes est contraire aux enseignements de la Cour suprême. Il est vrai qu'avant l'abrogation de la clause privative, la Cour suprême avait statué dans Canada (Procureur général) c. AFPC [1993] 1 R.C.S. 941 ("AFPC no 2") que la norme de contrôle appropriée au regard des décisions d'un arbitre agissant en vertu de la Loi était de déterminer si la décision était "manifestement déraisonnable". À notre avis, rien n'a changé du fait de l'abrogation de la clause privative. Dans Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, aux pp. 337 et 338, le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la Cour, a statué que, même en l'absence d'une clause privative, la norme de contrôle pour les décisions arbitrales portant sur l'interprétation des conventions collectives est circonscrite par la notion du caractère manifestement déraisonnable :

 

·         Dans un certain nombre d'arrêts antérieurs, notre Cour a indiqué que les tribunaux devraient faire preuve de retenue à l'égard des décisions arbitrales qui interprètent une convention collective, même en l'absence de clause privative. Par exemple, dans l'arrêt Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, aux pp. 275 et 276, le juge Estey fait l'observation suivante, à laquelle souscrit le reste de la Cour :

 

·         [...] le droit relatif au contrôle judiciaire a évolué, même en l'absence de clause privative, au point où l'on reconnaît l'objectif de l'arbitrage prévu par la loi mais d'origine contractuelle, soit le règlement rapide, sûr et peu coûteux des différends sans interruption du travail des parties. L'étendue du pouvoir de révision ne fait que refléter cet objectif s'il ne s'intéresse qu'aux questions de droit à incidences juridictionnelles.

 

·         [...]

 

·         Le même genre de retenue fondée sur l'objet de l'arbitrage a été adopté dans l'arrêt Volvo Canada Ltd. c. T.U.A, local 720, [1980] 1 R.C.S. 178, à la p. 214. Dans cette affaire, notre Cour à la majorité a appliqué le critère du caractère manifestement déraisonnable à la décision d'un arbitre nommé en vertu d'une convention collective, même s'il s'agissait d'un arbitrage consensuel plutôt que légal et qu'il n'y avait aucune clause privative proprement dite. Faisant remarquer que ni l'une ni l'autre partie n'avait d'autre choix que de soumettre un grief à l'arbitrage, le juge Pigeon a souligné, à la p. 214, que :

 

·         [p]ar ailleurs, l'arbitrage n'est pas prescrit comme une étape préalable à la présentation de la question aux tribunaux, on veut que la décision soit finale. Il est donc impératif de ne pas aborder les décisions sur l'interprétation des conventions collectives en se demandant comment la Cour trancherait la question, mais en se demandant s'il s'agit d'une interprétation [TRADUCTION] "manifestement déraisonnable" de la convention.

 

4  En conclusion, la norme de contrôle applicable aux décisions d'un arbitre, rendues en vertu de la Loi, pour ce qui a trait à l'interprétation des dispositions d'une convention collective est de savoir si la décision est manifestement déraisonnable. C'était vrai avant le 1er juin 1993, et c'est encore vrai après.

 

 

 

[37]           La nature du régime mis en place par l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique appelle aussi l'application de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Notons que tant la Cour suprême du Canada que la Cour d'appel fédérale ont maintes fois reconnu l'expertise relative de l'arbitre dans l'interprétation d'une convention collective et ont appliqué à l'égard de ces décisions une norme de contrôle s'inspirant de la déférence : Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, aux pages 235 et 236, Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, aux pages 962 et 963, Canada Safeway Ltd. c. SDGMR, section locale 454, [1998] 1 R.C.S. 1079, au par. 58, Plourde c. Compagnie Wal‑Mart du Canada Inc., 2009 CSC 54, au par. 34, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2005 CAF 366, au par. 18, et Barry c. Canada (Conseil du trésor), 221 N.R. 237, [1997] A.C.F. no 1404 (QL) (CAF).

 

[38]           Ici, l'arbitre a interprété et appliqué sa loi habilitante plutôt qu'une convention collective. À la lumière de la décision Dunsmuir, au par. 68, « on peut présumer que les arbitres nommés en vertu de la [Loi relative aux relations de travail dans les services publics, L.R.N.‑B. 1973, ch. P‑25] possèdent une expertise relative dans l'interprétation de la loi dont ils tiennent leur mandat ainsi que des dispositions législatives connexes qu'ils sont souvent appelés à appliquer dans l'exercice de leurs fonctions ». Il n'y a aucune raison de ne pas appliquer la même présomption aux arbitres nommés en vertu de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. D'ailleurs, comme le souligne également la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir, au par. 54, « [l]orsqu'un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise : Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48; Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, par. 39 ».

 

[39]           L'objectif de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en matière de griefs et d'arbitrage milite également en faveur de la déférence. En effet, cet objectif est clairement d'établir des procédures relativement rapides et peu coûteuses pour le règlement des griefs dans tous les secteurs de la fonction publique fédérale.

 

[40]           Finalement, notons que la nature des questions en cause milite également pour la norme de contrôle de la décision raisonnable. En effet, les questions en cause ne sont pas capitales pour le système juridique et sont plutôt de nature à être déterminées par un arbitre, puisqu'elles relèvent de l'organisation des relations de travail (voir Dunsmuir, aux par. 55 et 70).

 

[41]           Il demeure néanmoins que l'interprétation de l'article 92 de l'ancienne loi reste liée en quelque sorte à la compétence de l'arbitre. La Cour suprême du Canada enseigne que les véritables questions de compétence sont sujettes à la norme de contrôle de la décision correcte : Dunsmuir, au par. 59. Le juge Rothstein a eu récemment l'occasion de préciser ce que l'on entend par une véritable question de compétence dans Nolan c. Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, aux par. 33 et 34, où il s'agissait d'un contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal des services financiers de l'Ontario concernant sa compétence pour adjuger des dépens :

[33]      Les tribunaux administratifs sont constitués par la loi et les questions portant sur leurs pouvoirs qui nécessitent l'interprétation de la loi constitutive pourraient en un sens être qualifiées de questions de compétence. Dans Dunsmuir, par. 59, la Cour recommande toutefois aux tribunaux de faire preuve de prudence lorsqu'ils décident s'il s'agit de questions de compétence, par crainte de revenir « à la théorie de la compétence ou de la condition préalable qui, dans ce domaine, a pesé sur la jurisprudence pendant de nombreuses années ».

 

[34]      Selon ce qui ressort des par. 54 et 59 de Dunsmuir, la déférence est habituellement de mise lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive et il convient d'appliquer la norme de la décision correcte uniquement dans des cas exceptionnels, c'est-à-dire lorsque l'interprétation de cette loi soulève la question générale de la compétence du tribunal.

 

 

[42]           Compte tenu de la nature du régime de relations de travail établi par la loi en cause et de la nature des questions de droit soulevées, je suis d'avis qu'il convient d'appliquer la norme de la décision raisonnable lors du contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre. De toute façon, comme je le souligne plus loin, la décision de l’arbitre est non seulement raisonnable mais elle est aussi correcte dans tous ses aspects. Ainsi, bien que je sois d’avis que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique en l’occurrence, je parviendrais aux mêmes conclusions en appliquant la norme de contrôle de la décision correcte.

 

 

 

 

 

La décision de l'arbitre est‑elle raisonnable?

 

[43]           Notons qu'il est incontestable que l'agent négociateur a refusé de donner son approbation au renvoi du grief de la demanderesse à l'arbitrage. En l'occurrence, la décision de l'arbitre voulant que les conditions essentielles pour le renvoi du grief à l'arbitrage selon l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'ont pas été satisfaites est irréprochable vu les dispositions impératives du paragraphe 92(2) de cette loi. D'ailleurs, la demanderesse n'a déposé aucun renvoi à l'arbitrage en vertu de cette disposition légale.

 

[44]           Il est également incontestable que l'Agence figure dans la liste de la partie II de l'annexe I de l'ancienne loi à titre de secteur de l'administration publique fédérale qui est un employeur distinct. De plus, la demanderesse n'a pu présenter aucun décret visant l'Agence qui aurait été pris par le gouverneur en conseil en application du paragraphe 92(4) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et le défendeur confirme qu'aucun décret de ce genre n'a été adopté. En conséquence, la décision de l'arbitre selon laquelle la demanderesse n'était pas visée par l'alinéa 92(1)b) de cette ancienne loi et ne pouvait donc soumettre son grief à l'arbitrage en vertu de cet alinéa est une décision non seulement raisonnable mais aussi correcte. Cette disposition vise un fonctionnaire d'un ministère ou d'un secteur de l'administration publique fédérale qui apparaît dans la partie I de l'annexe I de la loi ou qui est désigné par décret pris en application du paragraphe 92(4) de cette loi.

 

[45]           En ce qui concerne l'alinéa 92(1)c) de cette ancienne loi, la demanderesse pouvait renvoyer son grief à l'arbitrage en vertu de cette disposition dans la seule mesure où son grief portait sur « une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire ». La question qui se pose alors est de déterminer si le grief de la demanderesse portait effectivement sur une telle mesure disciplinaire. Or l'arbitre, à la lecture même du grief, a constaté que le grief ne portait pas sur une telle sanction et qu'en l'occurrence la demanderesse ne pouvait soumettre son grief à l'arbitrage en application de cette disposition. Cette partie de la décision de l'arbitre m'apparaît non seulement raisonnable, mais aussi correcte. En effet, même en lisant de façon généreuse le libellé du grief, je n'y vois aucune allusion à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

[46]           Cependant, la demanderesse soutient qu'il faut aller au-delà des mots utilisés dans son grief pour comprendre qu'il invoque véritablement un congédiement déguisé. Une lecture attentive du grief ne peut soutenir cette interprétation. Le grief vise des questions liées à la réorganisation administrative, au manque de formation, à des assignations de tâches contestées, à des demandes de priorité pour d'autres postes, etc. Les redressements demandés sont du même type. Il ne s'agit pas d'un grief concernant un congédiement déguisé, et la décision de l'arbitre à cet égard est non seulement raisonnable amis aussi correcte.

 

[47]           La demanderesse a tenté de modifier le grief lors de son renvoi à l'arbitrage pour en faire un grief sur un congédiement en inscrivant les mots « congédiement déguisé, rétrogradation et réaménagement des effectifs » sur le document de renvoi. Le grief devient‑il ainsi admissible au renvoi en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne loi? L'arbitre a décidé que non en s'appuyant à cet égard sur la décision Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109. Cet aspect de la décision de l'arbitre est également raisonnable et correcte. En effet, la Cour d'appel fédérale a traité d'une question similaire dans l'affaire Burchill, précitée, en refusant de permettre une telle modification. La Cour fédérale a récemment confirmé cette approche dans Shneidman, précité, au par. 26. Il n'y a donc pas lieu de s'attarder sur cette question.

 

[48]           Finalement, en ce qui concerne le renvoi du grief en vertu de l'article 99 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, notons qu'ici aussi la décision de l'arbitre est non seulement  raisonnable mais aussi correcte, puisque seuls l'employeur et l'agent négociateur sont visés par cet article. D'ailleurs, la demanderesse ne conteste plus la partie de la décision de l'arbitre selon laquelle son grief ne peut faire l'objet d'un renvoi à l'arbitrage en vertu de l'article 99 (voir le par. 61 du mémoire de la demanderesse, à la page 157 du dossier de la demanderesse).

 

[49]           En conclusion, la décision de l'arbitre est raisonnable et correcte dans tous ses aspects.

 

 

La demande subsidiaire

 

[50]           La demanderesse demande, à titre subsidiaire, le contrôle judiciaire de la décision définitive du 2 février 2004 rendue au sujet de son grief par son employeur, en accordant une prorogation de délai à ces fins.

 

[51]           Je comprends que la demanderesse recherche la permission de cette Cour afin de proroger le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales pour lui permettre de déposer une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision définitive de l'Agence rendue au sujet de son grief il y a plus de cinq ans et datée du 2 février 2004. Par ce moyen, la demanderesse pourrait demander la révision judiciaire de la décision de son employeur devant cette Cour à défaut de pouvoir renvoyer son grief à l'arbitrage.

 

[52]           Cette demande de permission aurait du faire l’objet d’une requête distincte plutôt que d’une conclusion subsidiaire dans le cadre d’une procédure en révision judiciaire. Mais même en considérant cette conclusion subsidiaire au mérite, je dois la refuser.

 

[53]           La décision d'accorder ou de refuser une demande de prorogation des délais prévus à l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales est discrétionnaire. Les principes pour guider la Cour dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ont été répétés récemment par la Cour d'appel fédérale dans Muckenheim c. Canada (Commission de l'assurance‑emploi), 2008 CAF 249, au par. 8 :

La décision d'accorder ou non une prorogation de délai est de nature discrétionnaire. Dans Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 167 F.T.R. 158, la Cour a établi les principes qui doivent orienter l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire :

 

Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré :

 

a.         une intention constante de poursuivre sa demande;

b.         que la demande a un certain fondement;

c.         que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et qu'il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

 

 

[54]           La demanderesse ne satisfait pas à ces critères.

 

[55]           Les décisions rendues lors de la procédure de grief établie à l'article 91 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique peuvent faire l'objet d'une révision judiciaire dans la mesure où les griefs sous-jacents à ces décisions ne sont pas susceptible d'être renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de cette loi (voir, entre autres, Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, aux par. 2 et 32, Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329, et Julien c. Canada (Procureur général), 2008 CF 115).

 

[56]           Comme je l'ai déjà indiqué, le grief de la demanderesse ne porte pas sur une mesure disciplinaire, mais plutôt sur une réorganisation administrative. Au regard de l'application de l'annexe de la convention collective concernant le réaménagement des effectifs, son employeur a pris la position que le grief était hors délai (voir la décision du 2 février 2004 au palier final, dossier de la demanderesse, aux pages 66 et 67). En ce qui concerne tant cet aspect du grief que ses autres aspects liés au mécontentement de la demanderesse en raison de la modification de ses tâches et de sa nouvelle assignation de poste, son agent négociateur a refusé d'appuyer le renvoi du grief à l'arbitrage.

 

[57]           Ainsi, nous ne sommes pas en présence d'une situation où le grief de la demanderesse ne peut être renvoyé à l'arbitrage en raison des dispositions de la loi. Le grief n'a plutôt pas été renvoyé à l'arbitrage en raison du refus de l'agent négociateur d'y consentir.

 

[58]           De plus, ce grief serait hors délai à plusieurs égards. Finalement, plusieurs aspects du grief ont été résolus par l'employeur il y a plusieurs années déjà par l'assignation de tâches de niveau PM‑2 à la demanderesse.

 

[59]           Permettre une révision judiciaire dans de telles circonstances m'apparaît inusité, d'autant plus que plus de cinq ans se sont écoulés depuis la décision finale de l'employeur.

 

 

Conclusion

 

[60]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.


 JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au défendeur.

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1733-08

 

 

INTITULÉ :                                       CHARLOTTE RHÉAUME c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 24 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 décembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Charlotte Rhéaume

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Adrian Bieniasiewiez

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aucun

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.