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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090916

Dossier : T-1350-08

Référence : 2009 CF 913

Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

THU-CUC LAM

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse débute son emploi au sein de la fonction publique fédérale le 15 avril 1998. Elle est licenciée le 12 juillet 2006. Statuant de façon finale que le licenciement est injustifié et que la demanderesse doit être compensée, l’arbitre de grief refuse cependant d’ordonner la réintégration de la demanderesse, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie en partie.

 

[3]               L’arbitre de grief a clairement le pouvoir en vertu de l’article 228 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22 (la nouvelle LRTFP) de rendre « l’ordonnance qu’il juge indiquée » compte tenu des circonstances particulières de l’affaire. Il s’agit là d’un pouvoir réparateur très large et il serait contraire à l’objet et l’esprit de la nouvelle LRTFP de limiter la portée de la discrétion conférée à l’arbitre de grief en l’obligeant à ordonner la réintégration d’un fonctionnaire à chaque fois qu’un licenciement est injustifié.

 

[4]               En l’espèce, je ne crois pas que l’arrêt Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417, ait la portée juridique que veut lui conférer la demanderesse, d’autant plus que la Cour d’appel fédérale n’a pas eu à se pencher dans cette affaire sur l’interprétation et l’effet particuliers de l’article 228 de la nouvelle LRTFP. N’empêche, si l’arbitre de grief peut légalement refuser d’ordonner la réintégration, encore faut-il qu’il ou elle ait donné à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre à ce sujet. En l’espèce, les parties ont appris en lisant la décision contestée que la réintégration de la demanderesse « n’est pas une option raisonnable ou viable dans les circonstances », sans que cette question cruciale n’ait été soulevée ou débattue au cours de l’audition. Il s’agit d’un accroc très important à la justice naturelle.

 

[5]               Bien qu’il n’existe aucun droit automatique à la réintégration, comme l’a déjà souligné le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale, « il existe nettement une présomption en faveur de la réintégration, sauf lorsque la preuve indique manifestement le contraire » (Énergie Atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami, [1998] 3 C.F. 349, au paragraphe 31 (C.A)). La doctrine et la jurisprudence citées par les parties confirment que la réintégration semble la règle et la non-réintégration l’exception, ce que semble d’ailleurs reconnaître l’arbitre de grief dans la décision contestée. Or, selon la preuve au dossier, il est clair en l’espèce que la demanderesse a été privée de l’opportunité de présenter une preuve et des arguments avant qu’une décision finale ne soit rendue au sujet de la question du non-retour éventuel de la demanderesse dans le même milieu de travail. Il s’ensuit que toute cette partie de la décision et de l’ordonnance de l’arbitre de grief à l’effet que la réintégration de la demanderesse ne constitue pas une « option raisonnable ou viable dans les circonstances » est viciée au départ. Il est par conséquent inutile de se demander si la conclusion de l’arbitre de grief est raisonnable en l’espèce.

 

[6]               Une nouvelle audition s’avère donc nécessaire mais uniquement quant à la question de la réparation appropriée dans les circonstances. Je suis d’accord avec le défendeur que, dans les circonstances, l’affaire devrait être renvoyée au même arbitre avec des directives appropriées, le cas échéant. Il n’est ni question ni de partialité ni de crainte raisonnable de partialité en l’espèce et je ne vois aucune raison de ne pas renvoyer l’affaire au même arbitre pour qu’elle rende une nouvelle décision à ce sujet (Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 13, aux paragraphes 16 à 19).

 

[7]               Selon les directives contenues à l’ordonnance qui suit, l’arbitre de grief devra tenir une nouvelle audition dans les plus brefs délais sur la question de la réparation appropriée dans les circonstances. L’arbitre de grief devra notamment donner aux parties la possibilité de présenter des preuves et des arguments tant sur l’opportunité de réintégrer la demanderesse que sur les mesures de réparation qui seraient indiquées pour compenser adéquatement la demanderesse pour la perte de son emploi. L’arbitre de grief sera libre d’établir sa propre procédure à tous les autres égards.

 

[8]               Par ailleurs, la demanderesse aura droit aux dépens.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie;

2.         Toute cette partie de la décision et de l’ordonnance de l’arbitre de grief à l’effet que la réintégration de la demanderesse ne constitue pas une option raisonnable ou viable dans les circonstances est annulée;

3.         Une audience sera fixée par l’arbitre de grief dans les plus brefs délais pour entendre les parties sur la question de la réparation appropriée dans les circonstances. L’arbitre de grief devra notamment donner aux parties la possibilité de présenter des preuves et des arguments tant sur l’opportunité de réintégrer la demanderesse que sur les mesures de réparation qui seraient indiquées pour compenser adéquatement la demanderesse pour la perte de son emploi. L’arbitre de grief est libre d’établir sa propre procédure à tous les autres égards.

4.         La demanderesse a droit aux dépens contre le défendeur.

 

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-1350-08

 

INTITULÉ :                                                   THU-CUC LAM et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 14 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   le 16 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Kim Patenaude                                           POUR LA DEMANDERESSE

(613) 567-4723

 

Me Stephan Bertrand                                       POUR LE DÉFENDEUR

(613) 952-3162

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yasbeck           POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR       

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                             

 

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