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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

Date : 20090709

Dossier : T-241-08

Référence : 2009 CF 710

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

LA ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION,

LA FEDERATION OF ALBERTA NATURALISTS,

 LES GRASSLANDS NATURALISTS, NATURE SASKATCHEWAN

et LE WESTERN CANADA WILDERNESS COMMITTEE

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant le Programme de rétablissement du Tétras des armoises (Centrocercus urophasianus urophasianus) au Canada (le Programme de rétablissement) publié le 14 janvier 2008 par le ministre de l’Environnement en vertu de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29 (la LEP).

 

[2]               Les demandeurs sont des organismes sans but lucratif voués à la protection de l’environnement et à l’histoire de la nature qui s’inquiètent de la survie et du rétablissement du Tétras des armoises et d’autres espèces en péril. Ils reprochent précisément au Programme de rétablissement de ne pas désigner un quelconque habitat essentiel pour le Tétras des armoises. Ils soutiennent que le ministre a commis une erreur de droit en interprétant les dispositions applicables de la LEP. Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que le défendeur n’a commis aucune erreur de droit; en revanche, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire, car la décision du défendeur est déraisonnable, dans la mesure où elle ne désigne aucun habitat essentiel.

 

Contexte

[3]               Il n’y a guère de désaccord entre les parties quant aux faits fondamentaux touchant le Tétras des armoises, le régime prévu par la LEP et le processus qui a mené à la rédaction et à la publication du Programme de rétablissement. Ce sur quoi les parties ne s’entendent pas, ce sont l’obligation du ministre de désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises et la question de savoir s’il était possible de le faire eu égard aux faits connus lorsque le Programme de rétablissement a été rédigé et publié.

 

[4]               Il y a environ 150 000 Tétras des armoises en Amérique du Nord, mais moins d’un pour cent d’entre eux vivent au Canada. On retrouve cette espèce dans le Sud‑Est de l’Alberta et le Sud‑Ouest de la Saskatchewan, ainsi que dans plusieurs États du Nord‑Ouest des États‑Unis d’Amérique. Le Tétras des armoises doit avoir recours aux taillis de sauge pour s’abriter et s’alimenter.

 

[5]               Les Tétras des armoises ont des besoins particuliers en matière d’habitat pour ce qui est de la reproduction, la nidification, l’élevage des couvées et l’hivernage. Ces besoins sont exposés dans le Programme de rétablissement, et on peut les décrire brièvement comme suit :

1.                   L’habitat de reproduction, appelé lek, est une aire ouverte de végétation éparse située légèrement en dessous des environs et, dans bien des cas, près d’un plan d’eau stagnante. La taille des leks varie entre 1,4 et 16 hectares.

2.                   L’habitat de nidification est une vaste zone de taillis de sauge dotée d’une diversité végétative horizontale et verticale. Cet habitat est normalement situé près des leks, et, en Alberta, la distance moyenne entre le lek et le nid se situe entre 0,42 et 15,4 kilomètres.

3.                   Le site d’élevage des couvées ou habitat estival est normalement situé à moins de 3 kilomètres de l’habitat de nidification.

4.                   Peu de recherches ont été faites au Canada sur leur habitat d’hivernage. À l’automne, les Tétras des armoises se rassemblent en bandes mâles et femelles séparées.

 

[6]               Le Tétras des armoises est désigné en tant qu’espèce en voie de disparition à l’annexe I de la LEP, ce qui veut dire qu’il a été considéré comme risquant de disparaître ou de s’éteindre de façon imminente (c.-a-d. qu’on ne le trouverait plus à l’état sauvage au Canada, mais qu’on le trouverait ailleurs à l’état sauvage). Selon l’article 39 de la LEP, lorsqu’une espèce est désignée comme étant en voie de disparition, le ministre compétent, en l’occurrence le ministre de l’Environnement, doit élaborer un programme de rétablissement de cette espèce.

 

[7]               La LEP établit un processus en deux étapes de planification du rétablissement à l’égard des espèces en voie de disparition. La première étape consiste à rédiger et à publier un programme de rétablissement; quant à la deuxième étape, elle consiste à élaborer et à publier un plan d’action pour mettre en œuvre le programme de rétablissement. La présente demande ne porte que sur l’étape du processus concernant le plan de rétablissement.

 

[8]               L’article 41 de la LEP prescrit le contenu d’un programme de rétablissement, contenu qui est fonction de la réponse du ministre à la question de savoir si le rétablissement de l’espèce désignée est réalisable ou non. En l’espèce, le ministre a conclu que le rétablissement est réalisable.

 

[9]               Le paragraphe 41(1) de la LEP prescrit le contenu d’un programme de rétablissement lorsque le ministre conclut que le rétablissement de l’espèce en question est réalisable. Pour ce faire, le ministre est tenu, dans bien des cas, de prendre en considération les informations fournies par le COSEPAC (le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) qui est constitué en vertu de la LEP. Le paragraphe 41(1) de la LEP se lit comme suit :

41. (1) Si le ministre compétent conclut que le rétablissement de l’espèce sauvage inscrite est réalisable, le programme de rétablissement doit traiter des menaces à la survie de l’espèce — notamment de toute perte de son habitat — précisées par le COSEPAC et doit comporter notamment :

 

a) une description de l’espèce et de ses besoins qui soit compatible avec les renseignements fournis par le COSEPAC;

b) une désignation des menaces à la survie de l’espèce et des menaces à son habitat qui soit compatible avec les renseignements fournis par le COSEPAC, et des grandes lignes du plan à suivre pour y faire face;

c) la désignation de l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible, notamment les informations fournies par le COSEPAC, et des exemples d’activités susceptibles d’entraîner sa destruction;

c.1) un calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel lorsque l’information accessible est insuffisante;

d) un énoncé des objectifs en matière de population et de dissémination visant à favoriser la survie et le rétablissement de l’espèce, ainsi qu’une description générale des activités de recherche et de gestion nécessaires à l’atteinte de ces objectifs;

 

e) tout autre élément prévu par règlement;

f) un énoncé sur l’opportunité de fournir des renseignements supplémentaires concernant l’espèce;

 

g) un exposé de l’échéancier prévu pour l’élaboration d’un ou de plusieurs plans d’action relatifs au programme de rétablissement.

41. (1) If the competent minister determines that the recovery of the listed wildlife species is feasible, the recovery strategy must address the threats to the survival of the species identified by COSEWIC, including any loss of habitat, and must include



(a) a description of the species and its needs that is consistent with information provided by COSEWIC;


(b) an identification of the threats to the survival of the species and threats to its habitat that is consistent with information provided by COSEWIC and a description of the broad strategy to be taken to address those threats;

 

(c) an identification of the species’ critical habitat, to the extent possible, based on the best available information, including the information provided by COSEWIC, and examples of activities that are likely to result in its destruction;

 


(c.1) a schedule of studies to identify critical habitat, where available information is inadequate;


(d) a statement of the population and distribution objectives that will assist the recovery and survival of the species, and a general description of the research and management activities needed to meet those objectives;

 

 

(e) any other matters that are prescribed by the regulations;

 

(f) a statement about whether additional information is required about the species; and

 



(g) a statement of when one or more action plans in relation to the recovery strategy will be completed.

 

 

[10]           Le Programme de rétablissement publié par le ministre ne désignait aucun habitat essentiel, mais il contenait bel et bien un calendrier des études à cette fin. Voici le passage pertinent du Programme de rétablissement :

2.6    Habitat essentiel

 

Il est actuellement impossible de désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises. Bien que nous en sachions beaucoup sur les besoins du Tétras des armoises en matière d’habitat, il nous reste plusieurs lacunes à combler dans nos connaissances et plusieurs activités techniques à réaliser avant de pouvoir désigner l’habitat essentiel de l’espèce.


Une désignation partielle sera effectuée à partir des données actuellement disponibles et celles qui seront générées par les études en cours (premiers résultats attendus en mars 2008). L’approche générale de cette désignation consistera à utiliser le modèle d’habitat de nidification et d’élevage des poussins élaboré par Aldridge (2005) et de l’extrapoler en fonction de l’aire de répartition historique récente du Tétras des armoises en Alberta et en Saskatchewan. Lorsque des données récentes sur l’habitat d’hivernage seront disponibles, elles seront également intégrées au modèle. Seule une désignation partielle de l’habitat essentiel est possible, car l’information requise par le modèle n’est pas disponible pour toute l’aire de répartition historique récente de l’espèce en Saskatchewan. De plus, les recherches en cours continuent de fournir de nouvelles données sur les besoins du Tétras des armoises en matière d’habitat.


Nous avons dressé un calendrier d’études et activités d’appui, dont une approche de consultation, qui devraient permettre une désignation partielle de l’habitat essentiel dans un addendum qui sera affiché en décembre 2008. Les nouvelles données permettront sans doute une désignation de la plus grande partie de l’habitat essentiel actuel se trouvant en Alberta et en Saskatchewan. Les études en cours nous aideront à comprendre les besoins du Tétras des armoises en matière d’habitat. La désignation complète de l’habitat essentiel, nécessaire au rétablissement de l’espèce, comprendra sans doute des superficies d’habitat dégradé. Le plan d’action comprendra des mesures visant à établir l’habitat du Tétras des armoises.

 

[11]           Tant « habitat essentiel » qu’« habitat » sont définis dans la LEP :

« habitat essentiel » L’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce.

 

"critical habitat" means the habitat that is necessary for the survival or recovery of a listed wildlife species and that is identified as the species’ critical habitat in the recovery strategy or in an action plan for the species.

« habitat » “habitat" means

a) S’agissant d’une espèce aquatique, les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire;

 

b) s’agissant de toute autre espèce sauvage, l’aire ou le type d’endroit où un individu ou l’espèce se trouvent ou dont leur survie dépend directement ou indirectement ou se sont déjà trouvés, et où il est possible de les réintroduire.

“habitat" means

(a) in respect of aquatic species, spawning grounds and nursery, rearing, food supply, migration and any other areas on which aquatic species depend directly or indirectly in order to carry out their life processes, or areas where aquatic species formerly occurred and have the potential to be reintroduced; and

(b) in respect of other wildlife species, the area or type of site where an individual or wildlife species naturally occurs or depends on directly or indirectly in order to carry out its life processes or formerly occurred and has the potential to be reintroduced.

 

[12]           Dans leur mémoire des arguments, les demandeurs affirment que le défendeur [traduction] « ne s’est pas acquitté de l’obligation que lui impose l’alinéa 41(1)c) de la LEP, soit de ‘désigner l’habitat essentiel de l’espèce dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information accessible’ ».

 

[13]           L’élaboration du Programme de rétablissement s’est déroulée sur bien des mois et plusieurs parties y ont participé. En juin 2005, la responsabilité principale de l’élaboration de ce programme a été dévolue à l’Agence Parcs Canada (l’APC). Cheryl Penny, superviseure de l’Unité de gestion de Saskatchewan Sud à Val Marie (Saskatchewan), a été chargée d’examiner et de recommander la publication du Programme de rétablissement du Tétras des armoises à Alan Latourelle, le directeur général de l’APC.

 

[14]           Shelley Pruss, une spécialiste du rétablissement d’espèces en voie de disparition qui travaille au Centre de services de l’Ouest et du Nord situé à Calgary (Alberta), et Pat Fargey, un spécialiste dans le même domaine qui travaille pour l’APC au parc national des Prairies à Val Marie (Saskatchewan), se partageaient la responsabilité de planifier le Programme de rétablissement du Tétras des armoises.

 

[15]           Pour financer le processus de planification du rétablissement, l’APC doit faire rédiger une charte de projet fixant le plan de rétablissement à mettre à exécution et les moyens de le faire, et énonçant les questions principales concernant la planification du rétablissement. Datée du 5 juillet 2006, la charte de projet relative au Tétras des armoises contient le passage suivant sur la désignation de l’habitat essentiel :

Le programme ne prévoira pas la désignation de l’habitat essentiel. Pareille désignation a été différée en raison d’un manque de données exhaustives, particulièrement en Saskatchewan, mais le Programme de rétablissement comporte un calendrier d’études à cette fin.

 

                   [En gras dans l’original; non souligné dans l’original.]

 

[16]           Le défendeur a fait valoir dans sa plaidoirie que la décision de ne pas intégrer la désignation de l’habitat essentiel au Programme de rétablissement a été prise à une réunion de l’équipe nationale de rétablissement du Tétras des armoises tenue les 19 et 20 juillet 2005, à Medicine Hat (Alberta), ou à la suite de cette réunion. Le procès-verbal n’énumère pas les participants à cette réunion, mais Pat Fargey atteste que lui et Dale Eslinger, le biologiste de l’administration publique albertaine responsable du Tétras des armoises, ont organisé la réunion, au cours de laquelle on a discuté des prochaines étapes de la planification du rétablissement avec [traduction] « des représentants d’organismes provinciaux et d’autres parties intéressées ». Il atteste aussi que [traduction] « la conclusion d’un accord sur la marche à suivre pour élaborer le programme est l’un des résultats principaux de cette réunion » et [traduction] « qu’il y a lieu de désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises en extrapolant les modèles d’habitat de nidification et d’élevage des couvées élaboré par Aldridge ».

 

[17]           Cameron Aldridge était un étudiant au doctorat à l’Université de l’Alberta. En avril 2005, il a présenté sa thèse intitulée « Identifying Habitats for Persistence of Greater Sage-Grouse (Centrocercus urophasianus) in Alberta, Canada ». Sa thèse de recherche portait sur l’utilisation d’un modèle pour désigner l’habitat de nidification et d’élevage des couvées du Tétras des armoises dans la région de Manyberries, en Alberta. Il s’est servi de modèles mathématiques pour prévoir l’habitat de nidification et d’élevage des couvées de cette espèce ainsi que la qualité de l’habitat au chapitre de la survie des poussins. Il a amorcé ses recherches en capturant des [traduction« femelles à 5 des 8 leks connus dans le Sud-Est de l’Alberta au cours de la saison de reproduction (mars à mai) de 2001 à 2003 » et en leur posant des radiotransmetteurs afin de pouvoir suivre leurs déplacements et désigner leurs nids et les endroits où elles élèvent leurs poussins : voir les pages 17 et 18 de sa thèse.

 

[18]           Pat Fargey témoigne de ce qui suit dans son affidavit au sujet de la désignation de l’habitat essentiel :

[traduction]

Au moment où l’APC est devenu l’organisme fédéral principalement responsable de l’élaboration du Programme de rétablissement, Cameron Aldridge était sur le point de terminer ses recherches de doctorat sur le Tétras des armoises dans une région de l’Alberta […] Ses recherches de doctorat touchent de très près la désignation de l’habitat essentiel, car il a utilisé des données générées par la télémétrie radio pour élaborer des modèles d’habitat de nidification et d’élevage des couvées […] Il est possible d’employer ces modèles pour produire des cartes de probabilités qui distinguent un habitat de grande qualité d’un habitat de piètre qualité. Les modèles exigent la saisie de données biophysiques numériques très spécifiques dans un système d’information géographique, et il faut une expertise considérable pour les employer.

 

Cameron Aldridge a élaboré ses modèles d’habitat de nidification et d’élevage des couvées pour une région précise de l’Alberta. Ces modèles n’ont pas été utilisés en Saskatchewan.

 

[…]

 

Il a aussi été convenu à la réunion de juillet 2005 qu’il y a lieu de désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises en Alberta et en Saskatchewan en extrapolant les modèles en question.

 

 

[19]           Les 9 et 10 février 2006, l’APC a été l’hôte d’un autre atelier à Medicine Hat (Alberta). Dans son mémoire des arguments, le défendeur affirme que [traduction] « les participants à l’atelier ont convenu qu’il n’y avait pas assez d’information pour désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises ». Toutefois, comme l’ont fait remarquer les demandeurs, l’ordre du jour de l’atelier indiquait qu’un projet de programme serait établi à la suite de l’atelier et que [traduction] « le programme ne comprendra pas la désignation de l’habitat essentiel ». Selon les demandeurs, la décision de ne pas désigner d’habitat essentiel devait avoir été prise avant l’atelier de 2006. Je suis d’accord avec eux que c’est la seule conclusion susceptible d’être tirée à la lumière du dossier.

 

[20]           Un projet de programme de rétablissement a été rédigé en avril 2006. Ce projet ne désignait aucun habitat essentiel, mais contenait un calendrier d’activités à exercer pour désigner l’habitat essentiel du Tétras des armoises. Ce calendrier résulte de l’atelier, car un des points à l’ordre du jour de celui-ci était le [traduction] « calendrier des études de l’habitat essentiel ». Le projet de programme a été remis en mai et juillet 2006 aux participants de l’atelier de février 2006 de même qu’à M. Aldridge et à tous les demandeurs, à l’exception du Western Canada Wilderness Committee. Aucun d’entre eux n’a répondu, sauf le directeur des Recherches de Nature Saskatchewan, qui a « aimé » le plan de travail visant à établir l’habitat essentiel, mais estimait qu’il faudrait davantage de temps pour accomplir cette tâche.

 

[21]           L’APC a publié le Programme de rétablissement du Tétras des armoises le 25 septembre 2007. Aucun des demandeurs n’a commenté le projet de programme de rétablissement. D’autres ont émis des commentaires, notamment le Environmental Law Centre et Nature Canada, qui ont tous deux déposé des plaintes concernant l’omission de désigner un quelconque habitat essentiel pour le Tétras des armoises. L’APC a examiné ces critiques, mais, comme en témoigne Pat Fargey, [traduction] « nous avons conclu que, malgré les progrès importants réalisés dans la collecte des données requises pour extrapoler les modèles d’Aldridge et de Boyce, il serait néanmoins impossible de désigner l’habitat essentiel sans retarder considérablement la publication du Programme de rétablissement ». Par conséquent, on a seulement modifié un peu les échéances du calendrier des études par l’ajout d’une désignation partielle de l’habitat essentiel d’ici décembre 2008. Cette échéance n’a pas été respectée, et on n’avait toujours pas effectué la désignation partielle au moment de l’audience.

 

Questions en litige

[22]           Les demandeurs ont relevé trois questions en litige :

1.                   Quelle norme de contrôle faut-il appliquer à la décision du défendeur de ne pas désigner un quelconque habitat essentiel dans le Programme de rétablissement du Tétras des armoises?

2.                   De quelle manière faut-il interpréter l’alinéa 41(1)c)? Plus précisément,

(a)          Doit-on désigner l’habitat essentiel le plus grand possible dans un programme de rétablissement malgré l’impossibilité de désigner l’ensemble de l’habitat essentiel ou d’un habitat essentiel particulier?

(b)          Doit-on utiliser la population et les objectifs de répartition contenus dans le programme de rétablissement comme fondement pour déterminer l’étendue de l’habitat essentiel?

3.                   Le défendeur a-t-il répondu aux exigences prévues à l’alinéa 41(1)c) pour le Tétras des armoises?

 

[23]           Le défendeur soutient que les demandeurs ont mal formulé les questions en litige, faisant valoir que les véritables questions litigieuses sont :

1.                   Quelle norme de contrôle s’applique à la conclusion tirée dans le Programme de rétablissement, selon laquelle il était impossible de désigner l’habitat essentiel au moment de la publication du Programme de rétablissement ainsi que de l’établissement d’un calendrier des études visant à désigner partiellement l’habitat essentiel?

2.                   Compte tenu de la norme de contrôle applicable, en l’occurrence la décision raisonnable aux dires du défendeur, la conclusion tirée dans le Programme de rétablissement, selon laquelle il était impossible de désigner l’habitat essentiel au moment de la publication du Programme de rétablissement ainsi que de l’établissement d’un calendrier des études visant à désigner partiellement l’habitat essentiel, peut-elle être modifiée par la Cour et permet-elle à la Cour d’annuler le Programme de rétablissement, comme le réclament les demandeurs?

 

[24]           À l’audition de la présente demande, la Cour a demandé aux avocats du défendeur si celui-ci contestait l’interprétation donnée par les demandeurs au paragraphe 41(1) de la LEP. La Cour a été avisée que le défendeur ne s’inscrivait pas en faux contre l’interprétation de la loi proposée par les demandeurs. La deuxième question proposée par les demandeurs n’est donc pas en litige.

 

[25]           L’interprétation convenue, à laquelle je souscris dans la mesure où elle intéresse la présente demande, est la suivante. Le ministre ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de désigner l’habitat essentiel en vertu de la LEP. Selon l’alinéa 41(1)c), le ministre doit désigner, dans un programme de rétablissement, tout l’habitat essentiel qu’il peut désigner à ce moment-là, même s’il ne peut pas désigner l’ensemble de cet habitat, et il est tenu de le faire en se fondant sur la meilleure information alors accessible. Je fais remarquer que cette exigence traduit le principe de prudence selon lequel, « [l]orsque des dommages graves ou irréversibles risquent d’être infligés, l’absence d’une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l’adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l’environnement », tel que l’a dit la Cour suprême du Canada, citant la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable dans 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40.

 

[26]           Étant donné l’interprétation convenue par les parties, j’estime que les véritables questions en litige sont les suivantes :

1.      Quelle norme de contrôle faut-il appliquer à la décision du défendeur de ne pas désigner un quelconque habitat essentiel dans le Programme de rétablissement du Tétras des armoises?

2.      La décision du défendeur de ne pas désigner un quelconque habitat essentiel répond‑elle à ce critère et, dans la négative, quel est le redressement à accorder?

 

Requête préliminaire

[27]           Avant l’audience, les deux parties ont déposé des requêtes en radiation de passages des affidavits déposés par l’autre partie.

 

[28]           Le défendeur a déposé avant l’audience une requête visant à faire radier l’affidavit établi le 6 mai 2008 par M. Mark Boyce, les paragraphes 15 à 20 de l’affidavit établi le 25 mars 2008 par Dawn Dickinson et la pièce « A » jointe à cet affidavit, au motif qu’ils contiennent une preuve d’opinion, des arguments et des faits qu’ignore le déclarant concerné. À l’audience, le défendeur a fait savoir qu’il sollicitait maintenant la radiation de la pièce « A » jointe à l’affidavit de Dawn Dickinson, ainsi que le Programme canadien de rétablissement du Tétras des armoises de juillet 2001, car le décideur disposait de ces documents.

 

[29]           Les demandeurs ont répliqué en déposant leur propre requête visant à faire radier les paragraphes 25 à 28 de l’affidavit établi le 3 octobre 2008 par Pat Fargey et la pièce « E » jointe à cet affidavit, pour le motif qu’il s’agissait d’une preuve de faits survenus après la date de la décision à l’examen et que l’affidavit est donc non pertinent et préjudiciable. Le défendeur a consenti à la requête en question, et j’ai rendu une ordonnance en ce sens à l’audience.

 

[30]           Il est bien établi que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour, le champ de la preuve admissible est limité. Habituellement, la Cour ne tient compte que du dossier dont disposait le décideur. Il peut être justifié de faire exception à cette règle lorsqu’une preuve extrinsèque se rapporte à une allégation en matière de manquement à l’équité procédurale ou encore à une erreur de compétence. La preuve extrinsèque peut aussi être admissible lorsqu’elle décrit la procédure ainsi que la preuve présentée au décideur dont la décision est à l’examen, comme l’a signalé le juge Hughes dans Laboratoires Abbott Limitée c. Canada (Procureur général), 2008 CF 700. Cette dernière exception s’accorde avec l’observation, faite dans Armstrong c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, qu’il n’y a pas lieu de radier les passages d’un affidavit qui contiennent des renseignements de base généraux susceptibles d’aider le juge.

 

[31]           En l’espèce, les demandeurs n’ont allégué aucun manquement à l’équité procédurale ni signalé de véritable erreur de compétence, même s’ils prétendent que le défendeur n’a pas répondu à une exigence prévue à la LEP. Par conséquent, il ne reste que l’exception applicable aux renseignements de base généraux utiles.

 

[32]           L’article 81 des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

 

(2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the personal knowledge of the deponent, except on motions in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds therefor, may be included.

 

 

(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

 

[33]           Il est évident, à la lecture de l’affidavit de M. Boyce, qu’une grande partie de son témoignage relève de la preuve d’opinion, qui est inadmissible à première vue selon l’article 81. Cependant, malgré cet article, la preuve d’opinion d’un expert qualifié à juste titre comme tel peut être admissible si elle est pertinente et nécessaire pour aider le juge des faits. Elle ne doit pas non plus être assujettie à une règle d’exclusion, tel que l’indique l’arrêt R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9. Les dispositions des Règles des Cours fédérales concernant la preuve d’expert figurent à la partie 4, qui traite des actions, mais on a déjà admis une preuve d’expert dans des procédures de contrôle judiciaire portant sur des questions de nature scientifique : Laboratoires Abbott, précitée. Je présume, pour les besoins de la présente requête, que M. Boyce peut être qualifié à juste titre de spécialiste du Tétras des armoises.

 

[34]           Je n’estime pas que l’opinion d’expert de M. Boyce relative aux questions dont est saisie la Cour, dont l’« habitat essentiel », est nécessaire en ce sens que, sans elle, la Cour ne pourrait pas apprécier le caractère technique de ces questions, selon la définition de « nécessité » donnée dans l’arrêt Mohan. En outre, dans cet arrêt, la Cour suprême décrète qu’il y a lieu d’interpréter strictement la condition de nécessité lorsqu’un expert exprime une opinion sur la « question fondamentale ». L’affidavit de Boyce contient notamment une preuve d’opinion sur cette question, aux paragraphes 10, 18, 24 et 27. Les déclarations faites dans ces paragraphes vont bien au-delà  d’une description de la preuve présentée au décideur, ou des renseignements de base utiles; leur inadmissibilité en l’espèce est évidente. Le reste de l’affidavit de Boyce contient des renseignements factuels qui, on peut le soutenir, constituent des renseignements de base utiles sur les travaux de cycle supérieur supervisés par M. Boyce, travaux sur lesquels s’est appuyé le défendeur pour rédiger le Programme de rétablissement du Tétras des armoises. Cependant, à mon avis, ces renseignements factuels et la preuve d’opinion inutile sont interdépendants à un point tel qu’il est pratiquement impossible de prélever les renseignements, et leur admission porterait préjudice au défendeur. Comme c’était le cas dans Société Canadian Tire Ltée c. Canadian Bicycle Manufacturers Association, 2006 CAF 56, il convient de radier l’affidavit en litige dans son intégralité. Par conséquent, j’accueille la requête du défendeur concernant l’affidavit de Boyce et radie la totalité de cet affidavit.

 

[35]           Les sections de l’affidavit de Dawn Dickinson que le défendeur cherche à faire radier intéressent la participation de l’organisme pour lequel elle travaille, soit Grasslands Naturalists, dans des activités de recensement et d’observation du Tétras des armoises depuis 1991, ainsi que l’apport direct de Mme Dickinson dans la rédaction du Programme fédéral de rétablissement du Tétras des armoises (2001).

 

[36]           Le défendeur s’oppose à l’admission en preuve des paragraphes en question pour les mêmes raisons que celles invoquées à l’égard de l’affidavit de M. Boyce. Selon le défendeur, les paragraphes 15 à 20 de l’affidavit de Dickinson [traduction] « se composent uniquement d’une preuve d’opinion ».

 

[37]           Je suis en désaccord avec le défendeur sur ce point. La seule section de l’affidavit qui me semble contenir une preuve d’opinion est la troisième phrase du paragraphe 20, qui se lit comme suit : [traduction] « Nous ne connaissions pas tous les besoins du Tétras des armoises en matière d’habitat, mais nous en savions assez pour désigner et protéger une partie de son habitat essentiel. » Le programme de rétablissement de 2001 lui-même contient une bonne part d’opinion scientifique, mais les déclarations de Mme Dickinson quant à ce que le rapport indique ou non sont elles-mêmes des énoncés de fait dont elle a personnellement connaissance. Cela dit, la Cour est aussi bien placée que Mme Dickinson pour cerner ce que le rapport de 2001 indique ou non; son témoignage n’est guère utile.

 

[38]           Le décideur disposait du programme de rétablissement de 2001, car ce document est désigné comme référence à la page 31 du Programme de rétablissement visé par le présent contrôle judiciaire. En effet, une lecture attentive du Programme de rétablissement permet de constater que le programme de rétablissement de 2001 est cité à plusieurs reprises. C’est pour cela que le défendeur a retiré son opposition à la pièce « A » jointe à l’affidavit de Dickinson. À mon avis, cet affidavit est admissible, à l’exception de la troisième phrase du paragraphe 20, au motif qu’elle décrit et introduit, d’une manière utile pour la Cour, une preuve dont disposait le décideur, du moins dans un sens constructif.

 

[39]           Je radie donc la troisième phrase du paragraphe 20 de l’affidavit établi le 25 mars 2008 par Dawn Dickinson.

 

Analyse

1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

[40]           L’alinéa 41(1)c) de la LEP prévoit que le ministre doit désigner l’habitat essentiel de l’espèce « dans la mesure du possible ». Selon les demandeurs, cela veut dire que, s’il est impossible de désigner tout l’habitat essentiel, le ministre est alors tenu d’en désigner la plus grande partie possible. C’est seulement dans les cas où il est impossible de désigner un quelconque habitat essentiel que le ministre peut publier un programme de rétablissement qui ne désigne aucun habitat essentiel.

 

[41]           Les demandeurs prétendent que le défendeur a peut-être cru avoir le pouvoir discrétionnaire de désigner ou non un habitat essentiel dans le Programme de rétablissement lorsqu’une partie seulement de l’habitat peut être désignée. Cette prétention se fondait sur une ébauche de document, rédigée par le défendeur, qui s’intitule « Politique sur la désignation et la protection de l’habitat essentiel en vertu de la LEP » du 31 juillet 2006. Cette politique prévoit notamment ce qui suit, sous la rubrique intitulée « Désigner le mieux possible l’habitat essentiel » :

Le ministre compétent doit désigner le mieux possible l’habitat essentiel, soit dans le programme de rétablissement, soit dans un plan d’action. Au moment de déterminer dans quelle mesure il peut circonscrire l’habitat essentiel, le ministre compétent doit appliquer le principe de précaution énoncé dans la présente politique et qui permet, par exemple, de ne désigner que partiellement un habitat essentiel. Pour décider si une mesure de précaution s’impose, le Ministre examinera si le Comité de rétablissement des espèces canadiennes en péril a établi que la perte ou la dégradation de l’habitat est un facteur significatif de la mise en péril de l’espèce.

 

S’il dispose de suffisamment d’information, le Ministre s’efforcera de définir, au minimum, les attributs biophysiques et fonctionnels de l’habitat dont a besoin l’espèce visée par un programme de rétablissement. Le ministre s’attend de désigner l’habitat essentiel à l’étape du plan d’action, sauf si le principe de précaution justifie de procéder autrement ou si l’information à ce sujet est clairement suffisante. Toutefois, la décision de désigner l’habitat essentiel dans le programme de rétablissement ou dans un plan d’action est laissée à la discrétion du ministre compétent, qui agira en collaboration avec les provinces et territoires, tout conseil de gestion des ressources fauniques, toute autre agence fédérale ou tout organisme autochtone susceptible d’être touché par l’habitat essentiel […] »

[Non souligné dans l’original.]

 

[42]           Ce projet de politique laisse bel et bien entendre que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de désigner l’habitat essentiel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action, et il milite fortement en faveur de la désignation de l’habitat essentiel dans le plan d’action plutôt que dans le programme de rétablissement. Comme le soulignent les demandeurs, cette façon de faire laisse en péril des espèces, car aucun délai n’est prévu dans la LEP pour la publication d’un plan d’action, tandis qu’un court délai est établi à l’article 42 de la LEP pour la publication d’un programme de rétablissement.

 

[43]           D’après le défendeur, le document sur lequel se fondent les demandeurs est un projet qu’il n’a jamais été achevé et que le ministre n’a pas, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, exercé le pouvoir discrétionnaire de ne pas désigner d’habitat essentiel. Le défendeur fait plutôt valoir que la conclusion quant à l’impossibilité de désigner un habitat essentiel reposait sur le témoignage d’experts. Le défendeur convient que l’alinéa 41(1)c) de la LEP ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au ministre. Cela veut dire que, s’il est possible de désigner un quelconque habitat essentiel, le ministre doit le faire dans le programme de rétablissement.

 

[44]           L’observation des demandeurs concernant la norme de contrôle reposait en grande partie, si ce n’est entièrement, sur son opinion que, comme il était possible, vu la meilleure information accessible, de désigner un quelconque habitat essentiel pour le Tétras des armoises dans le Programme de rétablissement, et puisque le ministre ne l’a pas fait, il a sans doute mal interprété l’alinéa 41(1)c). En fait, comme je l’ai déjà signalé, les deux parties ont interprété cet alinéa de la même façon; leur désaccord porte sur la question de savoir si, compte tenu de la meilleure information accessible, il est possible de désigner un quelconque habitat essentiel pour le Tétras des armoises dans le Programme de rétablissement. Les demandeurs disent oui; le défendeur affirme le contraire. La Cour doit déterminer s’il était raisonnable pour le ministre de décider qu’aucun habitat essentiel ne pouvait être désigné au sens du paragraphe 41(1) de la LEP; la question dicte la norme de contrôle appropriée.

 

2.  La décision de ne désigner aucun habitat essentiel est-elle raisonnable?

[45]           L’alinéa 41(1)c) de la LEP exige du ministre qu’il désigne l’habitat essentiel dans la mesure du possible, « en se fondant sur la meilleure information accessible. » Le ministre soutient que la conclusion sur l’habitat essentiel en était une de fait et qu’elle commande la plus grande retenue. La Cour ne peut la modifier que si elle est déraisonnable et n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[46]           Le défendeur soutient également que, selon l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, on peut seulement annuler une conclusion de fait si elle a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont […] dispose [le décideur] ». Dans Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, la Cour suprême a statué que l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales énonce en termes généraux les motifs qui autorisent la cour à prendre une mesure, sans lui en imposer l’obligation. La Cour suprême a confirmé que rien dans l’article 18.1 n’est incompatible avec l’adoption de la norme de contrôle qu’elle a énoncée dans Dunsmuir, en l’occurrence la raisonnabilité.

 

[47]           Les demandeurs soutiennent que la meilleure information accessible était suffisante pour que le ministre puisse désigner un quelconque habitat essentiel pour le Tétras des armoises. Plus précisément, les demandeurs affirment ce qui suit :

·                    L’emplacement de la plupart, si ce n’est de la totalité, des leks utilisés est connu depuis plusieurs années. On estime la population des Tétras des armoises en comptant chaque année le nombre de mâles se pavanant aux leks. En 2005, on avait recensé neuf leks utilisés en Alberta, et huit en Saskatchewan.

·                    M. Aldridge a désigné partiellement l’habitat d’élevage des couvées et de nidification dans sa thèse de doctorat en 2005. Cet habitat était situé près de Manyberries, en Alberta.

 

[48]           Le défendeur prétend que les demandeurs ont confondu « habitat » et « habitat essentiel » et que, même si l’on connaît une partie de l’habitat du Tétras des armoises, il ne s’ensuit pas que l’habitat connu est l’habitat essentiel pour l’application de la LEP. Selon le défendeur, l’habitat essentiel est un sous-ensemble de l’habitat.

 

[49]           D’après le défendeur, tous les scientifiques consultés s’accordaient pour dire que la meilleure information accessible ne permettait pas de désigner un quelconque habitat essentiel. En outre, les demandeurs demandent à la Cour de devenir une « académie des sciences », ce qui n’est pas son rôle.

 

[50]           Le défendeur soutient que la désignation des leks, en supposant qu’elle soit possible, n’est pas conforme à la définition d’« habitat essentiel » contenue dans la LEP et qu’il faut répondre à plusieurs questions pour déterminer si les leks, utilisés ou non, constituent un habitat essentiel et, le cas échéant, quels sont ces leks. Au paragraphe 85 de son mémoire, le défendeur propose notamment les questions fondamentales qui suivent :

[traduction]

·        Peut-on clairement désigner la taille ou l’emplacement géographique exact du lek? La taille ou l’emplacement du lek évolue-t-il au fil du temps? Si oui, l’« habitat essentiel » englobe‑t-il le cœur du lek et une zone tampon pour tenir compte des changements de taille ou d’emplacement? Dans l’affirmative, quelle devrait être la taille de la zone tampon?

 

·        Quels leks inutilisés ou anciens sont essentiels pour l’espèce? Où doit-on tracer la ligne, 2, 5, 8 ans, etc., depuis la dernière observation d’un Tétras des armoises à un ancien lek? Subsidiairement, le critère pertinent est-il plutôt la proximité du lek par rapport à des milieux de nidification ou d’élevage des poussins probablement de bonne qualité? Le cas échéant, à l’intérieur de quelle distance de ces milieux le lek doit‑il se trouver pour être désigné « habitat essentiel »?

 

[51]           Quant à l’habitat de nidification et d’élevage des couvées désigné par M. Aldridge, le défendeur affirme ce qui suit au paragraphe 86 de son mémoire :

[traduction]

[…] Le modèle mathématique d’habitat d’élevage des couvées et de nidification élaboré par M. Aldridge ne désigne pas en soi un « habitat essentiel », selon la définition donnée à cette expression dans la LEP, ni n’indique où se trouvent nécessairement les Tétras des armoises. Il fournit plutôt une estimation mathématique des secteurs généraux où vivent vraisemblablement les Tétras des armoises et des endroits où se situe sans doute un meilleur habitat d’élevage des couvées et de nidification pour cette espèce.

 

[52]           Je conviens avec le défendeur que la Cour n’est pas une académie des sciences et qu’il faut laisser aux experts ayant étudié le Tétras des armoises le soin de décider ce qui constitue un habitat essentiel. La Cour a seulement pour rôle de déterminer si la décision du ministre de ne désigner aucun habitat essentiel était raisonnable. Elle doit accomplir cette tâche compte tenu du dossier qui lui a été présenté et, avec tout le respect que je dois à l’avocat du défendeur qui a affirmé le contraire, la Cour n’a pas à mener quelque étude scientifique que ce soit. La Cour n’est tenue que d’examiner les éléments de preuve dont disposait le décideur – éléments qui sont certes pour la plupart de nature scientifique.

 

[53]           Pour déterminer si la décision du défendeur était raisonnable, il convient d’examiner le refus de désigner un quelconque habitat essentiel en consultant le Programme de rétablissement lui-même pour voir si l’un de ses passages mène à la conclusion que la décision (c’est-à-dire le Programme de rétablissement) reposait sur une conclusion de fait erronée (à savoir qu’il était impossible de désigner l’habitat essentiel) tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments dont dispose le ministre, comme l’indique l’alinéa 18.1(4)d).

 

[54]           Tel que je l’ai déjà fait remarquer, le défendeur établit quatre exigences pour l’habitat du Tétras des armoises : l’habitat de reproduction, l’habitat de nidification, l’habitat d’élevage des couvées et l’habitat hivernal. Ce faisant, le défendeur a conclu que le Tétras des armoises a besoin de chacun de ces habitats. Au moment de décider qu’aucun habitat essentiel ne pouvait être désigné, le défendeur est arrivé à la conclusion qu’il n’était pas en mesure de désigner ni habitat de reproduction essentiel, ni habitat de nidification essentiel, ni habitat essentiel d’élevage des couvées ni habitat hivernal essentiel. S’il avait été capable de désigner essentiel une partie d’un ou de plusieurs de ces quatre habitats, il aurait été alors tenu de désigner cet habitat conformément à l’alinéa 41(1)c) de la LEP, vu son obligation de désigner l’habitat essentiel « dans la mesure du possible ».

 

[55]           Rien dans le Programme de rétablissement ne laisse croire qu’il était possible de désigner quelque partie de l’habitat hivernal qui soit, car [traduction] « peu de recherches ont été menées sur l’habitat hivernal utilisé par le Tétras des armoises dans les Prairies canadiennes […] » Les demandeurs ne contestent pas l’exactitude de cette affirmation. Il y a cependant lieu d’examiner plus à fond les trois autres habitats.

 

[56]           Habitat d’élevage des couvées ou leks Selon le Programme de rétablissement, la préservation des leks utilisés est nécessaire au rétablissement du Tétras des armoises.

[traduction]

Les objectifs suivants mettent l’accent sur la fin de la diminution continue de la population et de l’habitat, tout en visant à accroître l’accessibilité à un habitat de qualité en vue de l’augmentation de la population, et ce, au moyen de cibles à court et à long terme :

 

·        Éviter toute perte de leks utilisés par le Tétras des armoises et toute baisse des populations de l’espèce dans son aire de répartition actuelle en Alberta et en Saskatchewan, […]

 

Comme le défendeur a décidé que les leks utilisés de l’Alberta et de la Saskatchewan sont « nécessaires à la survie ou au rétablissement » du Tétras des armoises, tous ces leks constituent l’habitat essentiel au sens de la LEP.

 

[57]           Le défendeur estime qu’aucun des leks utilisés ne peut être décrit avec exactitude. Comme je l’ai déjà fait observer, le défendeur pose trois questions dans son mémoire : « Peut-on clairement désigner la taille ou l’emplacement géographique exact du lek? La taille ou l’emplacement du lek évolue-t-il au fil du temps? Si oui, l’« habitat essentiel » englobe-t-il le cœur du lek et une zone tampon pour tenir compte des changements de taille ou d’emplacement? Dans l’affirmative, quelle devrait être la taille de la zone tampon? »

 

[58]           La position du défendeur selon laquelle il est impossible de décrire avec exactitude les leks soulève plusieurs difficultés.

 

[59]           Premièrement, je constate qu’aucune des questions ou difficultés soulevées maintenant par les avocats ne figurent dans le dossier dont dispose la Cour. Rien n’indique que le défendeur ou les auteurs du Programme de rétablissement ont décidé qu’il était impossible de désigner des leks utilisés pour l’une des raisons invoquées à l’heure actuelle. En fait, rien dans le dossier ne montre que les spécialistes en la matière ne sont pas en mesure de décrire les leks utilisés connus ou qu’ils n’ont pas décrit ces leks d’une manière ou d’une autre. Dans les faits, on a attribué un numéro aux leks de l’Alberta et donné un nom à bien des leks de la Saskatchewan aux pages 314 et 315 du dossier présenté à la Cour, soit les annexes du programme de rétablissement du Tétras des armoises de 2001. Si on connaît suffisamment les leks pour les nommer et les numéroter, il est déraisonnable de dire qu’on ne peut pas les décrire.

 

[60]           Deuxièmement, le défendeur semble demander une précision ou une exactitude dans la détermination de l’emplacement des leks alors que la LEP exige que cette tâche soit accomplie en se fondant sur la « meilleure information accessible », laquelle peut être imprécise et inexacte.

 

[61]           Troisièmement, le Programme de rétablissement indique lui-même que l’on connaît l’emplacement de certains leks :

De nombreux dénombrements ont été effectués sur des leks en Alberta de 1968 à 1991 (annexe B). Depuis 1994, des dénombrements annuels sont effectués sur tous les leks connus, occupés ou non, de l’Alberta (annexe B) […] Aucun dénombrement à l’échelle de l’aire de répartition en Saskatchewan n’a été effectué avant 1987 et 1988 (Harris et Weidl) lorsqu’on a vérifié 170 leks possibles (annexe C); on a commencé à réaliser des dénombrements annuels, d’intensité variable, sur les leks en 1994.

 

Les annexes du Programme de rétablissement contiennent des données émanant du ministère du Développement des ressources durables de l’Alberta et du ministère saskatchewannais de l’Environnement et de la Gestion des ressources, deux ministères provinciaux. Les données pour 2004 et 2005, soit les données les plus récentes répertoriées dans le Programme de rétablissement, montrent qu’il y a neuf leks utilisés en Alberta, et qu’il y en a huit en Saskatchewan. On ne peut qu’en conclure que les ministères provinciaux concernés ont été en mesure de repérer les leks avec suffisamment de précision pour faire le décompte des leks utilisés.

 

[62]           Quatrièmement, le calendrier des études considérées dans le Programme de rétablissement comme nécessaires à la désignation de l’habitat essentiel ne fait mention qu’une fois des leks, plus précisément de ceux de la Saskatchewan qui semblent avoir été désignés de manière moins détaillée que les leks albertains. Ce calendrier des études énonce ce qui suit, sous la rubrique « Repérer l’espèce et les habitats adéquats » : « Compiler les informations historiques des leks (utilisés et non utilisés) de Saskatchewan et la base de données d’observation. » Le fait qu’il n’est pas nécessaire de disposer de la même information pour l’Alberta ne peut mener qu’à une seule conclusion : l’information est déjà accessible.

 

[63]           Finalement, le Programme de rétablissement contient un tableau intitulé « Activités recommandées pour l’atteinte des objectifs de rétablissement », lequel indique qu’il est urgent de « faire le décompte annuel des mâles se pavanant à tous les leks utilisés et non utilisés de l’Alb. et de la Sask. » et de « mener des études tous les trois printemps pour repérer de nouveaux leks utilisés en Alb. et en Sask ». De quelle manière est-il possible d’accomplir ces tâches si les leks en question ne peuvent être désignés?

 

[64]           Le décideur a décidé qu’il y avait lieu de préserver tous les leks utilisés. Il a donc effectivement décidé qu’ils constituent un « habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement du Tétras des armoises, selon le sens donné à « habitat essentiel » dans la LEP. Le Programme de rétablissement contient des éléments de preuve montrant qu’il est possible de désigner ces leks utilisés en se fondant sur la meilleure information accessible. À mon avis, le défendeur a pris la décision de ne désigner aucun habitat essentiel dans le Programme de rétablissement sans tenir compte des éléments dont il disposait. Ce n’est pas une décision qui « [appartient] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[65]           Habitat de nidification et habitat d’élevage des couvées Le Programme de rétablissement entérine le modèle élaboré par M. Aldridge dans sa thèse de doctorat visant à désigner l’habitat de nidification et d’élevage des couvées du Tétras des armoises. M. Aldridge a appliqué son modèle en Alberta, dans la région de Manyberries, afin de prouver que celui-ci permettrait de prévoir avec exactitude l’emplacement des habitats en question. Les demandeurs reconnaissent que le modèle n’a pas été appliqué à l’extérieur de la région de Manyberries et qu’il faudrait le faire pour désigner l’habitat de nidification et d’élevage des couvées habitat en dehors de la région visée par l’étude. Ils soutiennent cependant que M. Aldridge a désigné l’habitat de nidification et d’élevage des couvées dans cette région, qu’il s’agit d’un habitat désigné et connu, en plus d’être essentiel.

 

[66]           Les auteurs du Programme de rétablissement conviennent que M. Aldridge a désigné l’habitat de nidification et d’élevage des couvées dans la région de Manyberries. Il s’ensuit de leur inclusion, dans le calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel, qu’il y a seulement lieu d’appliquer le modèle de M. Aldridge dans d’autres régions :

Compiler l’information SIG nécessaire pour extrapoler le modèle des habitats de nidification et d’élevage élaboré par Aldridge (2005) au reste de la répartition historique récente en Alberta et en Saskatchewan, dans la mesure où les données disponibles le permettent. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[67]           Contrairement au cas des leks utilisés, le Programme de rétablissement ne prévoit pas la préservation de tous les habitats connus de nidification et d’élevage des couvées. Il indique toutefois qu’il faut entretenir l’habitat-source. Cet habitat est un habitat de nidification et d’élevage des couvées qui convient au Tétras des armoises et qui est peu vulnérable; l’oiseau s’y reproduit avec succès. Par contraste, l’habitat-puits est un habitat de nidification et d’élevage des couvées qui convient au Tétras des armoises et qui est très vulnérable; l’oiseau ne parvient pas à s’y reproduire. Voici ce qu’indique le Programme de rétablissement à ce sujet :

Des études montrent que le Tétras des armoises utilise de l’habitat‑source (gain net de population) et de l’habitat‑puits (perte nette de population) (Aldridge, 2005). D’après Aldridge (2005), seulement 11 % de la superficie du sud de l’Alberta est considérée comme de l’habitat-source pour la nidification, et l’habitat-source pour l’élevage des poussins ne couvre que 5 % de cette superficie. La majorité de l’habitat utilisé par le Tétras des armoises est de l’habitat‑puits. Il faut relever tous les habitats-sources et tous les habitats-puits dans l’aire de répartition actuelle du Tétras des armoises. Les habitats-sources devraient être protégés et gérés de façon à maintenir ou à accroître la productivité, tandis que les habitats-puits devraient être évalués pour déterminer les facteurs qui y limitent la productivité, en vue de prendre, de concert avec les utilisateurs du territoire, des mesures pour transformer l’habitat-puits en habitat-source. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[68]           Comme je l’ai déjà signalé, M. Aldridge a désigné l’habitat de nidification et d’élevage des couvées dans la région visée par son étude, près de Manyberries, en Alberta. Il a aussi classé l’habitat de nidification et d’élevage des couvées comme habitat-source (ce qu’il a décrit comme habitat primaire et habitat secondaire) et habitat-puits (soit l’habitat-puits primaire et l’habitat-puits secondaire) : Voir les tableaux 4 à 9 de sa thèse de doctorat, à la page 202, et les tableaux 4 à 11 de sa thèse, à la page 204.

 

[69]           Le défendeur a accepté le modèle de M. Aldridge et propose de s’en servir pour désigner les autres habitats de nidification et d’élevage des couvées dans le reste de l’Alberta et en Saskatchewan. Il se peut qu’à la suite de cette démarche, la communauté scientifique conclue qu’une partie de l’habitat désigné n’est pas un habitat essentiel. La LEP dispose toutefois que le défendeur est tenu de désigner l’habitat essentiel en se fondant sur la meilleure information accessible, c’est-à-dire la meilleure information disponible à n’importe quel moment. Cette information peut varier au fil du temps, mais la désignation de l’habitat essentiel ne saurait être différée uniquement pour cette raison.

 

[70]           En l’espèce, le défendeur a conclu qu’il faut protéger l’habitat-source, c.-à-d. « l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement » du Tétras des armoises, selon le sens donné à « habitat essentiel » dans la LEP. Le défendeur a aussi accepté la désignation par M. Aldridge de l’habitat‑source de nidification et d’élevage des couvées dans une partie de l’aire géographique où l’on trouve le Tétras des armoises et il a affirmé que ce modèle serait appliqué dans d’autres secteurs. Par conséquent, il est déraisonnable pour le défendeur de conclure ensuite qu’aucun habitat essentiel ne peut être désigné à l’heure actuelle. Le défendeur aurait pu, et aurait dû, désigner l’habitat-source désigné par M. Aldridge dans la région de Manyberries. Il se peut que, après l’application du modèle dans toute l’aire géographique de l’espèce, les scientifiques décident qu’une partie de l’habitat-source de nidification et d’élevage des couvées ne constitue pas de l’habitat essentiel. Il est aussi possible que l’on ne désigne pas une partie de cet habitat dans la région de Manyberries comme habitat essentiel. Toutefois, au moment où le Programme de rétablissement a été rédigé et publié, on pouvait désigner une partie de l’habitat essentiel, à savoir l’habitat désigné par M. Aldridge, comme habitat-source. L’omission de désigner un quelconque habitat essentiel est déraisonnable compte tenu de la conclusion qu’il faut préserver l’habitat-source.

 

[71]           Pour les motifs exposés ci-dessus, il y a lieu d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

Redressement approprié

[72]           Il n’est pas opportun d’annuler l’ensemble du Programme de rétablissement et d’obliger le défendeur à le réécrire; la majeure partie du Programme de rétablissement n’est pas contestée. J’estime à première vue que la section 2.6 intitulée « Habitat essentiel » doit être radiée et qu’il faut donner au défendeur la directive de réécrire cette section dans un délai fixe en conformité avec les présents motifs.

 

[73]           À l’audience, il a été convenu que les parties auraient la possibilité de présenter des observations sur le redressement approprié si la demande était accueillie. En conséquence, les demandeurs doivent déposer et signifier des observations écrites sur ce point dans les 15 jours suivant la date des présents motifs. Par la suite, le défendeur aura 15 jours à compter de la date de réception des observations des demandeurs pour déposer et signifier ses propres observations, et les demandeurs auront ensuite 5 jours pour y répondre.

 

[74]           Les deux parties se sont entendues pour payer leurs dépens respectifs.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  Les paragraphes 25 à 28 de l’affidavit souscrit par Pat Fargey le 3 octobre 2008 ainsi que la pièce « E » jointe à cet affidavit sont radiés et ne font pas partie du dossier dont dispose la Cour.

3.                  L’affidavit souscrit le 6 mai 2008 par M. Mark Boyce, ainsi que la troisième phrase du paragraphe 20 de l’affidavit établi le 25 mars 2008 par Dawn Dickinson, sont radiés et ne font plus partie du dossier dont dispose la Cour.

4.                  La Cour se réserve le droit de rendre une autre ordonnance sur le redressement après avoir reçu et examiné les observations des parties.

5.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

       « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-241-08

 

INTITULÉ :                                       ALBERTA WILDERNESS ASSOCIATION et al. c.

                                                            LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Du 2 au 4 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 9 juillet 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Keith Ferguson

Devon Page

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Erin Tully

Banafsheh Sokhansanj

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Keith Ferguson

Avocat

Ecojustice Canada – Siège social

Vancouver (C.-B.)

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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