Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Federal Court

 

Cour fédérale

Date : 20090512

Dossier : T-151-09

Référence : 2009 CF 492

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

ABERCROMBIE & FITCH CO.

ABERCROMBIE & FITCH TRADING CO.

et AFH CANADA STORES CO.

 

demanderesses/intimées

et

 

GIANT TIGER LIMITED, G.T. WHOLESALE LIMITED,

TORA NEWMARKET LIMITED

(faisant affaire sous le nom de Giant Tiger magasin 146),

TORA MISSISSAUGA LIMITED

(faisant affaire sous le nom de Giant Tiger magasin 152),

M. UNTEL et toutes les autres personnes agissant à titre d’exploitants ou de fournisseurs de Giant Tiger qui ont vendu, offert à la vente, fait la publicité ou distribué des produits en liaison avec les marques de commerce des demanderesses

 

défendeurs/appelants

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Aperçu

[1]               6.         À l’interrogatoire préalable, la portée des questions doit être restreinte aux allégations de fait non admis dans une plaidoirie et il faut décourager les recherches à l’aveuglette faites au moyen de questions vagues, d’une grande portée ou non pertinentes : Carnation Foods Co. Ltd. c. Amfac Foods Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 203 (C.A.F.); Beloit Canada Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1981), 60 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.).

(Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988), 25 F.T.R. 226, [1988] A.C.F. no 1025 (QL) (C.F. 1re inst.)).

 

[2]               [3]        […] Mais avant la production de la défense, le droit qu’a un défendeur d’obtenir les détails n’est pas aussi vaste, n’ayant pas le même fondement et servant à des fins différentes. Il ne devrait pas être permis à un défendeur d’utiliser une requête pour détails pour fureter dans le dossier de son adversaire dans l’espoir de découvrir l’étendue de la preuve qui pourrait être produite contre lui au procès, ni pour faire une « recherche à l’aveuglette » afin de découvrir des moyens de défense qu’il ignore encore. À ce stade préliminaire, un défendeur a le droit d’obtenir tous les détails qui lui permettront de mieux saisir la position du demandeur, de savoir sur quoi se fonde l’action contre lui et de comprendre les faits sur lesquels elle s’appuie, afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration et énoncer correctement les moyens sur lesquels il appuie sa propre défense, mais il n’a pas le droit d’aller plus loin et d’en demander plus.

 

(Embee Electronic Agencies c. Agence Sherwood Agencies Inc. (1979), 43 C.P.R. (2d) 285, [1979] A.C.F. no 1131 (QL) (C.F. 1re inst.)).

 

II.  Résumé des faits

[3]               Il sagit d’une action relative à la violation dune marque de commerce des intimées et à la commercialisation trompeuse de vêtements contrefaits vendus par les appelants au Canada.

 

[4]               Les appelants ont demandé une liste de précisions concernant les allégations contenues dans la déclaration et les intimées ont fourni une réponse détaillée à cette demande (affidavit de Kathy Paterson, pièces « B » à « F », dossier de requête des appelants daté du 6 avril 2009, onglets 2B à 2F).

 

[5]               Ultérieurement, les appelants ont présenté une requête qui a donné lieu à l’ordonnance de la protonotaire Roza Aronovitch, ordonnance qui fait l’objet du présent appel. Dans la requête, les appelants demandaient, entre autres, des précisions relatives à [traduction] « l’identification des fabricants » auxquels il était fait référence au paragraphe 11 de la déclaration, qui est rédigé de la façon suivante :

[traduction]

11.       Tous les vêtements qui portent la marque de commerce A & F sont fabriqués par ou pour Abercrombie & Fitch en vertu de la licence de Abercrombie & Fitch Trading Co. et Abercrombie & Fitch Trading Co. contrôle l’apparence et la qualité de ces vêtements fabriqués en vertu de cette licence.

 

[6]               Les appelants ont déposé un affidavit auquel étaient jointes, en tant que pièces, la déclaration et la correspondance entre les avocats. Dans son état, le dossier présenté à la protonotaire Aronovitch ne contenait aucune preuve que les précisions demandées étaient nécessaires à la défense des appelants et qu’elles échappaient à leur connaissance (affidavit de Kathy Paterson, dossier de requête des appelants daté du 6 avril 2009, onglet 2).

 

[7]               La protonotaire Aronovitch a rejeté la requête pour communication de précisions présentée par les appelants et son ordonnance fait l’objet du présent appel (ordonnance de la protonotaire Roza Aronovitch datée du 24 avril 2009).

 

III.  Analyse

[8]               Il incombe aux appelants d’établir que la décision de la protonotaire était entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire reposait sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits. Les appelants ne se sont pas acquittés de cette obligation (Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, 39 A.C.W.S. (3d) 59, aux pages 454 et 463 (C.A.F.)).

 

[9]               Bien que la protonotaire n’ait pas motivé sa décision, étant donné que les appelants n’ont pas établi que la décision de la protonotaire était entachée d’une erreur flagrante, la Cour ne doit pas exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début (Partenaires pharmaceutiques du Canada Inc. c. Faulding (Canada) Inc., 2002 CFPI 1010, 117 A.C.W.S. (3d) 221, au paragraphe 9).

 

[10]           D’une manière générale, l’essentiel de l’argument des appelants est que sans les précisions en question, [traduction] « on demande aux appelants de plaider en les tenant dans l’ignorance ».

 

[11]           Les appelants n’ont produit aucune preuve étayant leur besoin des précisions qu’ils demandent dans la requête présentée à la protonotaire Aronovitch. Il va de soi que dans la requête pour communication de précisions, l’obligation pèse sur le requérant et que la requête sera accueillie seulement si le requérant établit à la fois que ces précisions lui sont nécessaires pour plaider sa cause et qu’il ne les connaît pas. Puisque aucune preuve n’a été produite à cet effet, la décision de la protonotaire ne peut pas être [traduction] « entachée d’une erreur flagrante » (38867227 Canada Inc. c. Eagle Pack Pet Foods Inc., 2006 CF 1095, 151 A.C.W.S. (3d) 811, au paragraphe 7).

 

[12]           Les intimées ont plaidé comme fait substantiel que la fabrication des produits en question n’était pas autorisée. L’identité des fabricants autorisés par les intimées n’est pas en litige dans l’action, à moins que les appelants plaident des faits substantiels étayant que la fabrication des produits contestés était autorisée. Dans la mesure où les appelants sont convaincus que les produits vendus étaient autorisés, ils sont en droit de plaider des faits substantiels étayant une telle allégation par l’identification des fabricants qu’ils prétendent être autorisés. Une demande de précisions ne constitue pas un moyen pour que les appelants mènent une « recherche à l’aveuglette » pour découvrir des moyens de défense qu’ils ne connaissaient pas (Reading, précité; Embee Electronic Agencies, précité).

 

[13]           L’affaire Nav Canada c. Adacel Technologies Ltd., à laquelle il est fait référence dans les actes de procédure des appelants, n’étaye pas le principe général que les appelants disent s’appliquer, et elle se distingue en raison de ses faits. Dans cette affaire, il y avait une vague allégation selon laquelle le droit d’auteur affirmé par la demanderesse avait été cédé. Le mode exact de la cession était important dans le cadre de la demande de la demanderesse puisque la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, dispose expressément que la cession du droit d’auteur n’est valable que si elle est faite par écrit. En droit, le demandeur doit plaider sa chaîne de titres, sous peine d’être débouté de son action. Aussi, le mode de cession est le genre d’information connue normalement du demandeur et non pas du défendeur (Nav Canada c. Adacel Technologies Ltd., 2006 CAF 227, 351 N.R. 184, aux paragraphes 7 à 12).

 

[14]           La demande de précisions des appelants doit être examinée dans le contexte de la présente action. Les allégations de violation dans la présente instance visent des marchandises contrefaites importées. L’identification de tous les fabricants autorisés peut causer un préjudice aux intimées en raison de la nature même d’une telle information.

 

[15]           Au vu de ce qui précède, l’appel interjeté par les appelants est rejeté.

 

Les dépens

[16]           La question des dépens est soulevée de façon claire dans l’affidavit de Mme Donna Stackaruk.

 

[17]           Les appelants n’ont pas fourni de précisions sur les ventes faites au Canada de tels vêtements ni d’engagements portant sur l’arrêt définitif de la commercialisation de ces vêtements contrefaits.

 

[18]           Il ressort du dossier que les appelants ont entrepris des démarches qui retardent la communication des renseignements et la prise des engagements énoncés ci‑dessus, ce qui entraîne une augmentation des frais dans la présente action (affidavit de Kathy Paterson, dossier de requête des appelants daté du 6 avril 2009; affidavit de Donna Stackaruk, dossier de requête des intimées daté du 20 avril 2009; affidavit de Donna Stackaruk, dossier de requête des intimées, onglet 1; J2 Global Communications Inc. c. Protus IP Solutions Inc., 2008 CF 298, 65 C.P.R. (4th) 181, au paragraphe 15).

 

[19]           Dans de telles circonstances, l’octroi de dépens particuliers est justifié. Par conséquent, le paiement immédiat par les appelants des dépens des intimées dans le présent appel est calculé selon l’échelle la plus élevée de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales.

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

(1)        L’appel est rejeté avec dépens.

(2)        Le paiement immédiat par les appelants des dépens des intimées dans le présent appel est calculé selon l’échelle la plus élevée de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                              T-151-09

 

INTITULÉ :                                             ABERCROMBIE & FITCH CO. ABERCROMBIE & FITCH TRADING CO. et AFH CANADA STORES CO.

c.

LES MAGASINS GIANT TIGER LIMITED, G.T. WHOLESALE LIMITED, TORA NEWMARKET LIMITED (faisant affaire sous le nom de Giant Tiger magasin 146), TORA MISSISSAUGA LIMITED (faisant affaire sous le nom de Giant Tiger magasin 152),

M. UNTEL et toutes les autres personnes agissant à titre d’exploitants ou de fournisseurs des magasins Giant Tiger qui ont vendu, offert à la vente, fait la publicité ou distribué des produits en liaison avec les marques de commerce des demanderesses

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     le 12 mai 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                            le 12 mai 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Brian P. Isaac

Kevin K. Graham

 

POUR LES DEMANDERESSES/INTIMÉES

 

Kevin L. LaRoche

Kathleen Lemieux

POUR LES DÉFENDEURS/APPELANTS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES/INTIMÉES

 

Borden Ladner Gervais LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS/APPELANTS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.