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Date :  20090113

Dossier :  T-949-06

Référence : 2009 CF 32

Montréal (Québec), le 13 janvier 2009

En présence de monsieur le protonotaire Richard Morneau

 

ACTION RÉELLE CONTRE LE NAVIRE M.V. « LUKEY’S BOAT »

ET ACTION PERSONNELLE CONTRE LES PROPRIÉTAIRES ET LES AFFRÉTEURS DU NAVIRE M.V. « LUKEY’S BOAT » AINSI QUE TOUTES LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE

 

ENTRE :

SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES & SERVICES LTD.,

une entreprise exerçant ses activités dans la ville de Mount Pearl,

dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador

demanderesse

et

 

LES PROPRIÉTAIRES ET LES AFFRÉTEURS DU NAVIRE M.V. « LUKEY’S BOAT » AINSI QUE TOUTES LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE

et

ADVENTURE TOURS INC.

et

CHARLES ANONSEN

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit par les présents motifs de rendre jugement au terme de l’instruction sur le fond tenue dans le cadre de l’action simplifiée intentée par la demanderesse Sealand Marine Electronics Sales & Services Ltd. (ci-après Sealand), par laquelle action elle demandait à la Cour d’accueillir son action et de condamner les défendeurs, notamment le navire M.V. « Lukey’s Boat » (ci-après le navire) et son propriétaire Adventure Tours Inc. (ci-après ATI), à payer un montant de 4 352,75 $, plus les intérêts à taux commercial et les dépens. Le montant de 4 352,75 $ représente le solde dû, selon Sealand, sur une facture totale de 15 236,35 $ faisant suite à la vente par Sealand à ATI de divers biens et équipement électroniques.

Le contexte procédural

[2]               Dans une ordonnance datée du 25 juillet 2008, par suite de diverses conférences préparatoires tenues en l’espèce, il a été établi que les questions à trancher à l’audience étaient les suivantes :

1.        Les questions à trancher à l’audience sont les suivantes :

a)         Quels services et équipement la demanderesse a‑t‑elle fournis aux défendeurs?

b)         L’équipement et les services fournis étaient-ils tous bons et vendables?

c)         L’équipement et les services fournis étaient-ils tels que la demanderesse les avaient représentés?

d)         Quel montant, s’il y a lieu, les défendeurs pourraient-ils être tenus de payer à la demanderesse pour l’équipement et les services qui lui ont été fournis et facturés?

e)         Quels dommages-intérêts, s’il y a lieu, les défendeurs doivent-ils à la demanderesse?

[3]               À l’audience, les personnes ayant signé des affidavits circonstanciés ont été contre‑interrogées par l’avocat de la partie adverse et ont répondu oralement à certaines questions additionnelles de leur avocat. Ainsi M. Harold Young, directeur de Sealand, a témoigné pour la demanderesse Sealand, et M. Charles Anonsen, directeur d’ATI, a témoigné pour les défendeurs.

Contexte factuel et analyse

[4]               Le contexte factuel touchant les aspects importants en l’espèce peut se résumer ainsi.

[5]               Voulant se procurer de l’équipement électronique afin de l’ajouter au navire qu’ATI venait d’acquérir en novembre 2003, le directeur de cette dernière, M. Anonsen, s’est rendu en janvier 2004 à l’établissement commercial de Sealand. Lors de cette visite, M. Young a décrit et montré à M. Anonsen certaines pièces d’équipement (ci-après la visite de janvier 2004).

[6]               Un des biens alors examinés et qui doit retenir en particulier notre attention est un appareil multifonctionnel (ci-après l’appareil) pouvant remplir, entre autres, trois fonctions, soit une fonction de GPS, une fonction de cartographie (chart plotter en anglais) et une fonction de sondeur (sounder en anglais). Le litige entre les parties découle en fait de la fonction de sondeur de l’appareil.

[7]               La Cour conclut, à partir des témoignages de Messieurs Young et Anonsen, que lors de la visite de janvier 2004, M. Anonsen connaissait déjà très bien le domaine maritime, les instruments de navigation et le fonctionnement du sondeur.

[8]               Il était alors donc connu des parties que, pour qu’un sondeur puisse véritablement fonctionner, la coque du navire doit être équipée d’un transducteur (transducer en anglais). Le sondeur permet la lecture du milieu marin en dessous du navire. D’après ce que comprend la Cour, le transducteur, qui s’installe à l’extérieur de la coque alors que le navire est hors de l’eau, c’est-à-dire en cale sèche, sert à émettre et à recevoir des ondes qu’il convertit alors pour permettre une lecture graphique à l’écran du sondeur.

[9]               La question centrale à résoudre consiste à déterminer ce qui a été convenu lors de la visite de janvier 2004 entre Messieurs Young et Anonsen quant à l’inclusion ou non, sans frais additionnels, d’un transducteur allant de pair avec la fonction de sondeur de l’appareil.

[10]           À ce sujet, les versions de Messieurs Young et Anonsen divergent très largement.

[11]           Selon M. Anonsen, il n’a pas eu à discuter bien longtemps l’achat séparé d’un transducteur puisque ce serait M. Young - possiblement pour faciliter la vente de l’appareil - qui lui aurait alors clairement fait savoir que Sealand lui fournirait gratuitement un transducteur approprié à la première occasion où le navire se retrouverait en cale sèche. Comme M. Anonsen considérait, tel que mentionné au paragraphe 4 de la défense des défendeurs et aux paragraphes 4 et 5 de leur mémoire de conférence préparatoire, que le transducteur était nécessaire aux trois fonctions de l’appareil, M. Anonsen a retenu sur la facture reçue le ou vers le 10 août 2004 un montant de 4 352,75 $. Ce montant représente le coût de l’appareil tel qu’inscrit dans une évaluation qui a été envoyée à M. Anonsen le 3 février 2004 (soit 3 785 $ plus les taxes applicables).

[12]           Quant à M. Young, d’après son témoignage, lors de la visite de janvier 2004, M. Anonsen lui a clairement dit qu’en raison de son usage passé, le navire était déjà équipé d’un ou deux transducteurs et qu’il n’avait pas besoin d’en acheter un de Sealand. C’est pourquoi l’évaluation qu’il a envoyée à M. Anonsen le 3 février 2004 ne mentionnait pas de transducteur. Ainsi cette évaluation, tout comme la facture qui a été par la suite envoyée le ou vers le 10 août 2004 à M. Anonsen, n’énumérait que ce qui était compris dans l’achat, soit un sondeur, sans le transducteur.

[13]           Selon M. Young, il aurait été complètement illogique pour lui de donner à M. Anonsen un transducteur d’une valeur de près de 750 $ alors que son profit sur l’appareil ne s’élevait en fin de compte qu’à environ 800 $.

[14]           La Cour a eu l’occasion d’apprécier de visu les témoignages de Messieurs Young et Anonsen et les réponses claires, sans hésitation et fermes de M. Young tout au cours de son témoignage l’ont amenée à retenir la version de ce dernier.

[15]           La Cour considère que la preuve lui permet de conclure que M. Anonsen, lors du paiement partiel de la facture du 10 août 2004, a cherché à revenir sur ce qui s’était dit lors de la visite de janvier 2004, et ce, vraisemblablement parce que, au moment de l’installation vers le 10 août 2004 de l’appareil, ni l’une ni l’autre des parties n’est parvenue à localiser un transducteur, non déjà relié à un sondeur, et qui aurait dû être déjà présent sur le navire.

[16]           En outre, la Cour ne peut retenir l’approche prise par les défendeurs dans leur défense ou dans leur mémoire de conférence préparatoire quant à l’importance du transducteur pour les trois fonctions de l’appareil. À cet égard, il est ressorti clairement de la preuve que le transducteur n’a de conséquences que sur une des trois fonctions de l’appareil, soit sur celle de sondeur. Quant aux fonctions de cartographie et de GPS, elles fonctionnent l’une avec l’autre et n’ont pas besoin de transducteur.

[17]           Il en va de même quant à l’état apparemment usagé de l’appareil. Encore ici, la preuve révèle que l’appareil décrit lors de la visite de janvier 2004 et fourni lors de l’installation du 10 août 2004 consistait à la connaissance de tous en un appareil qui n’avait jamais été installé auparavant, mais qui avait simplement été utilisé comme démonstrateur dans l’établissement commercial de Sealand.

[18]           La Cour conclut à partir de la preuve que, dans les mois qui ont suivi l’installation de l’appareil, les défendeurs ont néanmoins par eux-mêmes relié la fonction de sondeur de l’appareil à un transducteur déjà branché à un sondeur installé sur le navire. Cet arrangement ou installation a semble-t-il permis aux défendeurs et à l’équipage du navire d’utiliser en pratique la fonction de sondeur de l’appareil à un niveau d’efficacité acceptable.

[19]           En conséquence, la Cour accueille l’action de la demanderesse, Sealand, et répond aux questions 1a) à e) énoncées au paragraphe [2] ci-dessus de la façon suivante :

-           À la question 1a), la réponse est qu’il s’agit de l’appareil, sans transducteur, et de son installation;

-           Aux questions 1b) et c), la réponse est « oui »;

-           À la question 1d), la réponse est que le solde dû s’élève à 4 352,75 $, plus les intérêts avant et après jugement au taux commercial de 2 % par mois à partir du 20 août 2004, et ce, conformément à la facture du 10 août 2004 et à la déclaration d’action de la demanderesse, Sealand;

-           À la question 1e), la Cour répond qu’il n’y a pas lieu d’accorder des dommages-intérêts.

[20]           Quant aux intérêts mentionnés ci-dessus, bien que ceux-ci puissent représenter un montant appréciable, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances d’intervenir à leur égard.

[21]           En ce qui a trait aux dépens, puisque la Cour considère que l’offre de règlement hors Cour de la demanderesse datée du 27 août 2008 entraîne l’application de l’alinéa 420(1) des Règles des Cours fédérales, la demanderesse aura droit aux dépens partie-partie suivant la colonne III du Tarif jusqu’à la date de signification de cette offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

[22]           Enfin, lorsque le jugement accompagnant les présents motifs sera définitif, la demanderesse, afin de compenser en partie ledit jugement, pourra alors demander au greffe de la Cour qu’on lui remette, avec les intérêts, le montant de 5 440,19 $ que les défendeurs ont déposé en Cour le 23 juin 2006 pour obtenir la délivrance du navire.


JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE, avec dépens, l’action de la demanderesse Sealand Marine Electronics Sales & Services Ltd. pour un montant en capital de 4 352,75 $, plus les intérêts avant et après jugement au taux commercial de 2 % par mois depuis le 20 août 2004, et ce, tel que réclamé dans la facture du 10 août 2004 et dans la déclaration d’action de la demanderesse Sealand Marine Electronics Sales & Services Ltd.

Quant aux dépens, puisque la Cour considère que l’offre de règlement hors Cour de la demanderesse datée du 27 août 2008 entraîne l’application de l’alinéa 420(1) des Règles des Cours fédérales, la demanderesse aura droit aux dépens partie-partie suivant la colonne III du Tarif jusqu’à la date de signification de cette offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

Enfin, lorsque le présent jugement sera définitif, la demanderesse, afin de compenser en partie ledit jugement, pourra alors demander au greffe de la Cour qu’on lui remette, avec les intérêts, le montant de 5 440,19 $ que les défendeurs ont déposé en Cour le 23 juin 2006  pour obtenir la délivrance du navire.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   T-949-06

 

INTITULÉ :                                                 SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES & SERVICES LTD.

                                                                       c.

                                                                       LES PROPRIÉTAIRES ET LES AFFRÉTEURS DU NAVIRE M.V. « LUKEY’S BOAT » AINSI QUE TOUTES LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE et ADVENTURE TOURS INC. et CHARLES ANONSEN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE 17 DÉCEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 13 JANVIER 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Randell L. Wellon

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ellen Turpin

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

C.B.S. Legal Services

Avocats et notaires

Conception Bay South (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aylward, Chislett & Whitten

Paradise (Terre-Neuve-et-Labrador)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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