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Date : 20080827

Dossier : T-2273-06

Référence : 2008 CF 970

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2008

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

AMR TECHNOLOGY, INC

demanderesse

et

 

NOVOPHARM LIMITÉE, et

TEVA PHARMACEUTICAL INDUSTRIES LTD., et

TEVA PHARMACEUTICAL USA, INC. et

DIPHARMA S.p.A., et DIPHARMA FRANCIS S.r.L.

défenderesses

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Contexte

 

  • [1] Dipharma S.p.A. et Dipharma Francis S.r.l. (collectivement, Dipharma) ont présenté la présente requête pour jugement sommaire en vertu du paragraphe 213(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue de faire rejeter l’action intentée contre eux. L’action en question a été instituée par AMR Technology, Inc. (AMR ou la demanderesse) pour contrefaçon alléguée de son brevet canadien 2 181 089 (le brevet 089) par Novopharm Limited (Novopharm), Teva Pharmaceutical Industries Ltd (Teva Israël), Teva Pharmaceutical USA, Inc. (Teva USA) et Dipharma (collectivement, les défenderesses).


 

  • [2] Le brevet 089 vise un dérivé de la pipéridine appelée fexofénadine et son utilisation comme composé pharmaceutique anti-allergène. AMR prétend que les défenderesses ont violé le brevet 089. Dipharma admet, dans sa défense, qu’elle a fabriqué du chlorhydrate de fexofénadine en Italie. De plus, elle admet qu’elle a vendu ce produit à Teva Israël, et qu’une certaine quantité du produit a été expédiée à Novopharm au Canada. Dipharma admet également qu’elle utilise essentiellement le même processus décrit dans sa demande de brevet européen EP 1 616 861 pour la fabrication de son chlorhydrate de fexofénadine. Le principal argument de Dipharma est que son produit est vendu en Italie et non pas au Canada. Par conséquent, Dipharma fait valoir qu’il ne peut y avoir aucune cause d’action valable contre elle pour violation du brevet 089.

 

II.  Questions en litige

 

  • [3] La principale question dans la présente requête est de savoir si Dipharma a droit à un jugement sommaire en vue d’être mise hors de cause. La question peut être décomposée en deux sous-questions :

 

  1. La requête en jugement sommaire devrait-elle être accueillie?

 

  • a) Existe-t-il une véritable question litigieuse en ce qui a trait à l’allégation d’AMR selon laquelle Dipharma a vendu de la fexofénadine au Canada?

 

  • b) S’il s’agit d’une véritable question litigieuse, y a-t-il suffisamment d’éléments de preuve pour trancher la question dans le cadre d’un jugement sommaire?

 

  • [4] Une question secondaire a trait à l’admissibilité de certaines preuves d’expert présentées par AMR.

 

III.  Cadre législatif

 

  • [5] Les articles 213 à 216 des Règles des Cours fédérales portent sur le jugement sommaire. Les dispositions pertinentes en l’espèce sont reproduites ci-dessous.

Règle 213. (2)  Le défendeur peut, après avoir signifié et déposé sa défense et avant que l’heure, la date et le lieu de l’instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

 

Règle 216. (1)  Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

 

 

 

 

 

 

 

(2)  Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

...

 

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

 

(3) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu’il existe une véritable question litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d’une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l’ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

Rule 213. (2) a defendant may, after serving and filing a defence and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment dismissing all or part of the claim set out in the statement of claim.

 

 

Rule 216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

 

 

 

 

 

 

 

 

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

 

 

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

 

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.

 

 

IV.  Principes applicables aux jugements sommaires

 

  • [6] Les principes généraux qui s’appliquent au prononcé d’un jugement sommaire ont été résumés par la juge Tremblay-Lamer dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853. Ces principes (qui ont été entérinés par la Cour d’appel dans l’arrêt ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., 2001 CAF 11, 199 F.T.R. 319 (C.A.F.), autorisation d’interjeter appel rejetée, [2001] S.C.C.A. no 156(Q.L.) se résument comme suit :

 

  • a) Ces dispositions ont pour but d’autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu’elle n’estime pas nécessaire d’instruire parce qu’elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire;

 

  • b) Il ne s’agit pas de savoir si une partie a des chances d’obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès;

 

  • c) Chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien;

 

  • d) Notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire; et

 

  • e) Le tribunal ne peut pas rendre un jugement sommaire si l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s’il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire.

 

  • [7] La question du jugement sommaire a été examinée récemment par la Cour d’appel dans Suntec Environmental Inc. c. Trojan Technologies Inc., 2004 CAF 140, (2004) 320 N.R. 322 (C.A.F.). En gros, la Cour a conclu, dans l’arrêt Suntec, aux paragraphes 15 et 16, que le critère ne consiste pas à savoir si le demandeur a une chance d’avoir gain de cause à la suite de l’instruction, mais plutôt si la Cour a tiré la conclusion que l’affaire est douteuse au point de ne pas mériter d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès. Il faut éviter les délais et les frais liés à un procès dans les cas où les demandes sont manifestement non fondées.

 

  • [8] Il incombe à la partie intimée de démontrer l’existence d’une véritable question litigieuse, alors que la partie requérante a le fardeau d’établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire. Les deux parties doivent présenter leurs meilleurs arguments pour permettre au juge saisi de la requête de déterminer s’il existe une question litigieuse qui mérite d’être instruite (F. Von Langsdorff Licensing Ltd. c. S.F Concrete Technology, Inc., [1999] 165 F.T.R. 74, 1 C.P.R. (4th) 88 (1re inst.)).

 

V.  Rappel des faits

 

  • [9] À la lumière de ces principes, j’examine maintenant les faits de l’espèce dont je suis saisie.

 

  • [10] Les « faits » suivants, pertinents à la présente requête, sont indiqués dans la déclaration d’AMR (voir, en particulier les paragraphes 28, 29, 32 à 36 et 41) :

 

  • Dipharma fabrique de la fexofénadine en Italie, en vue de l’utiliser dans un produit que l’on prétend contrefait;

 

  • Cette fexofénadine est visée par les revendications 1 et 3 du brevet 089.

 

  • Dans le processus de fabrication de la fexofénadine, Dipharma utilise un produit intermédiaire visé par les revendications 2, 4 et 5 du brevet 089;

 

  • Pendant une certaine période de temps, le produit que l’on prétend contrefait, fabriqué par Dipharma, a été fourni à Teva Israël, puis celle-ci l’a fourni à Teva U.S.A. pour qu’il soit vendu aux États-Unis;

 

  • Depuis environ 2006, Novopharm fabrique le produit que l’on prétend contrefait en utilisant, du moins en partie, la fexofénadine fabriquée en Italie par Dipharma; et

 

  • La fexofénadine utilisée par Novopharm est vendue par Dipharma à Novopharm au Canada.

 

  • [11] Dipharma ne nie pas qu’elle fabrique de la fexofénadine dans ses installations italiennes. Elle ne conteste pas non plus le fait qu’elle vend ou a vendu ce produit à d’autres défenderesses désignées dans la présente, plus précisément, à Novopharm et à Teva Israël. La requête de Dipharma s’appuie sur le fait qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse puisque Dipharma n’a pas vendu de fexofénadine fabriquée par elle au Canada. Ainsi, la question dont je suis saisie dans la présente requête pour jugement sommaire est de savoir si, selon les faits qui m’ont été présentés, je peux conclure qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu de vente du produit possiblement contrefait au Canada.

 

  • [12] Comme le mentionnent les documents et les arguments qui m’ont été présentés, les ventes du produit potentiellement contrefait se divisent en trois phases différentes. Premièrement, Dipharma a vendu et livré en Italie de la fexofénadine à Teva Israël conformément à un accord d’approvisionnement signé le 25 avril 2005 en Italie par Dipharma et signé en Israël par Teva. Dans la deuxième phase, Dipharma a livré de la fexofénadine à Novopharm (située au Canada) selon les instructions de Teva Israël données le 17 janvier 2006 et conformément aux bons de commande que lui avait fournis Teva Israël. Durant la phase finale, Dipharma a, à partir de mai 2006, vendu et livré de la fexofénadine à Novopharm conformément aux bons de commande que lui avait fournis directement celle-ci.

 

VI.  Analyse

 

  • [13] Dans ses observations orales, AMR s’est concentrée sur la phase finale, soit la vente directe à Novopharm. AMR souligne à juste titre que la requête de Dipharma doit être rejetée si, à l’égard de l’un ou l’autre des trois accords de vente différents, la Cour est convaincue qu’il y a une véritable question litigieuse.

 

  • [14] Les parties sont d’accord que le critère établi dans l’arrêt Domco Industries Ltd. c. Mannington Mills Inc. et al. (1990), 29 C.P.R. (3d) 481 (C.A.F.), au paragraphe 496, devrait s’appliquer. Dans cette affaire, le juge en chef Iaccobucci (tel était alors son titre) a écrit ce qui suit :

 

[traduction] En résumé, lorsque la délivrance ou la possession des biens a lieu à l’extérieur du Canada, et lorsqu’il n’est pas prouvé qu’un contrat de vente de biens contrefaits est intervenu au Canada, aucune distribution ne s’est produite au Canada aux fins de l’article 46 de la Loi sur les brevets.

 

  • [15] À l’inverse, si la délivrance ou la possession des biens a lieu au Canada, ou si le contrat pour la vente a été signé au Canada, une vente, pour les fins de l’article 42 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 peut avoir eu lieu. Par conséquent, chacune des questions de savoir où se transfère le titre et où le contrat a été conclu constitue une véritable question litigieuse. Cependant, la requête peut encore être accordée si je suis en mesure « à partir de l’ensemble de la preuve, de dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit » (paragraphe 216(3) des Règles).

 

  • [16] Selon Dipharma, le dossier indique clairement que ni la délivrance des biens, ni le contrat de vente n’a eu lieu au Canada. La position d’AMR est qu’il existe d’importantes lacunes en matière de preuve pour trancher ce litige dans le cadre d’une requête en jugement sommaire. De l’avis d’AMR, une évaluation de la question de savoir quelle preuve est accessible indique qu’il y a eu transfert de titre au Canada et que le contrat de vente a été conclu ici même.

 

  • [17] La question fondamentale de la présente requête consiste à savoir si je dispose d’éléments de preuve suffisants pour déterminer s’il y a eu transfert de titre ou de possession du produit. S’il n’y a pas eu transfert de possession au Canada, il se peut que Dipharma ait raison et je dois ensuite examiner la question de savoir où le contrat de vente a été conclu. Si, toutefois, Dipharma ne me persuade pas que je dispose d’éléments de preuve suffisants pour conclure que Novopharm a pris possession du produit et en a acquis le titre à l’extérieur du Canada, il subsiste en l’espèce une véritable question litigieuse, indépendamment du lieu où le contrat de vente a été conclu.

 

  • [18] J’examinerai maintenant les faits qui m’ont été présentés en ce qui concerne le transfert de titre de Dipharma à Novopharm.

 

  • [19] Dans la présente requête, Dipharma a présenté l’affidavit de M. Marc-Olivier Geinoz, chef de la direction de Dipharma. M. Geinoz a décrit en détail sa compréhension des dispositions contractuelles intervenues entre Dipharma et Novopharm. À l’appui de la prétention de Dipharma selon laquelle elle n’a pas vendu le produit que l’on prétend contrefait au Canada, M. Geinoz a soulevé les points suivants :

 

  • En avril 2006, Dipharma a été informée des problèmes de documentation liés aux biens expédiés par Dipharma à Novopharm qui se fondaient sur les bons de commande intervenus entre Teva Israel et Dipharma. Étant donné que Novopharm a livré ses bons de commande à Teva Israël, tous les documents d’expédition dont avait besoin Novopharm devaient provenir de Teva Israël;

 

  • En mai 2006, Dipharma a vendu et livré de la fexofénadine à Novopharm en Italie, conformément aux bons de commande que lui avait fournis directement Novopharm. Le contrat de vente du produit a été conclu sur acceptation par Dipharma en Italie. Les bons de commande indiquaient expressément que le transfert de titre aurait lieu lors du transfert des biens vers une installation de transport, transfert qui est survenu en Italie;

 

  • Les ventes étaient régies conformément à l’accord intervenu entre Dipharma et Teva le 25 avril 2005;

 

  • Conformément à ces bons de commande, Dipharma fabriquait le chlorhydrate de fexofénadine en Italie et expédiait le produit à Novopharm au Canada; et

 

  • Les factures précisaient que les conditions de livraison étaient « CIP Toronto » (port payé, assurance comprise, jusqu’à Toronto). En vertu de l’expression « CIP – Port payé, assurance comprise jusqu’à » (défini par les INCOTERMS 2000 de la Chambre de commerce internationale (Paris : ICC Publishing S.A., 1999) [INCOTERMS 2000]), M. Geinoz affirme que l’utilisation de l’expression « CIP Toronto » signifie que [traduction] « le titre de propriété des biens est transféré à l’acheteur lors de la livraison par le vendeur des biens au premier transporteur » et, donc, à Exel, en Italie.

 

  • [20] AMR a relevé de nombreuses lacunes et incohérences dans le témoignage de Dipharma. Bien que Dipharma ait attribué certaines des incohérences à l’erreur ou à la mauvaise interprétation de la preuve par AMR, le fait demeure que nous ne disposons d’aucune preuve que toutes les parties à l’opération, à savoir Dipharma, Teva Israël et Novopharm, avaient l’intention de transférer la propriété de la fexofénadine à l’extérieur du Canada. Je suis d’accord avec AMR que cette preuve est importante aux fins de vérifier si les biens ont été vendus au Canada. La seule preuve disponible est l’affidavit de M. Geinoz concernant sa propre compréhension de la signification voulue de la modalité de livraison « CIP » et de l’intention derrière cette modalité, laquelle ne se retrouve systématiquement que sur les bons de commande rédigés par Dipharma.

 

  • [21] La réponse de M. Geinoz sur ce point est que l’intégration des modalités de livraison « CIP » était courante et qu’il avait estimé qu’il était inutile de discuter des modalités « CIP » avec Teva ou Novopharm. Le fait que Novopharm ne s’est pas plainte de l’utilisation de cette modalité fournit la preuve qu’elle partageait l’intention de Dipharma. Ce faisant, Dipharma implore la Cour de tirer une conclusion sur les intentions de Novopharm et de Teva fondée uniquement sur leur silence.

 

  • [22] La jurisprudence relative à l’article 216 des Règles établit clairement que le juge des requêtes ne doit pas rendre de jugement sommaire s’il n’existe pas dans le dossier d’éléments de preuve pertinents et s’il existe une question de fait sérieuse reposant sur des inférences. (Voir l’arrêt Succession MacNeil c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2004 CAF 50, [2004] 3 F.C.R. Apotex Inc. c. Merck & Co, 2002 CAF 210, [2003] 1 C.F. 242 F.C.A.). À mon avis, la question du transfert de titre est une question de fait sérieuse sur laquelle porte la question principale liée à la contrefaçon. Le juge du procès a décidé que la question principale liée à la contrefaçon gagnerait à disposer d’éléments de preuve supplémentaires sur l’intention de Teva et de Novopharm de conclure la relation contractuelle avec Dipharma. En voici les éléments :

 

  • Une preuve des parties présentes à la réunion tenue en Israël le 18 avril 2005. Cette réunion a abouti à une entente verbale qui a constitué les fondements de l’accord du 25 avril 2005. Étant donné que l’accord du 25 avril semble faire défaut des principales modalités contractuelles telles que le paiement, le transfert de titre, l’essai du produit et les retours, une preuve de la réunion du 18 avril peut aider le juge du procès à comprendre les intentions des parties;

 

  • Une preuve de Teva Israël selon laquelle Dipharma a émis certains bons de commande désignant Novopharm comme l’« acheteur » fournis uniquement pour rendre service à Teva parce qu’elles avaient toutes deux des problèmes avec le dédouanement; et

 

  • Une preuve de la part des personnes qui ont rédigé les prétendument erronés bons de commandes dans lesquels les modalités « CIP » n’ont pas été utilisées;

 

  • [23] En outre, j’ai des difficultés avec les observations de M. Geinoz sur la signification de l’expression « CIP ». Bien que M. Geinoz compte de l’expérience dans l’application de divers INCOTERMS, il n’est pas un avocat ou un expert dans leur interprétation. Dans le cadre de la présente requête, AMR a contesté l’interprétation par M. Geinoz de l’expression « CIP ». Après avoir examiné les INCOTERMS 2000 tels qu’ils accompagnaient la requête, je ne vois aucune référence explicite dans le document au fait que le transfert de titre a lieu lors du recours aux modalités livraison « CIP ». Il me semble que d’autres preuves d’expert sont nécessaires pour permettre au juge du procès d’avoir une meilleure compréhension de l’expression « CIP ».

  • [24] En réponse à la présente requête, AMR a présenté les affidavits de M. Aaron Ari Afilalo, professeur de droit international des affaires et des contrats à la Rutgers Law School, et le professeur Jacob Ziegel, professeur de droit émérite à l’Université de Toronto. L’avocat d’AMR a demandé à chacun de ces éminents professeurs de donner son avis sur les conclusions tirées par M. Geinoz. À mon avis, les conclusions, le cas échéant, tirées par ces professeurs ne sont pas importantes. Je n’estime pas nécessaire de conclure qu’une vente a été effectuée au Canada. Ma tâche consiste plutôt à évaluer les éléments de preuve au dossier pour déterminer si je peux conclure qu’aucune vente n’a été effectuée au Canada. Les affidavits des deux professeurs soulèvent un certain nombre de questions qui, à leur avis, appellent un supplément de preuves avant de répondre à cette question clé. Par exemple, le professeur Afilalo (raisonnablement, à mon avis) déclare que [traduction] « les INCOTERMS constituent seulement une partie du contrat de vente ». Le professeur Ziegel déclare qu’une preuve d’expert est requise pour établir ce que prévoit la loi israélienne en ce qui concerne le moment du transfert de propriété des biens ». En d’autres termes, les professeurs remettent en question les hypothèses mêmes sur lesquelles s’est fondée Dipharma pour déposer sa requête et le professeur Afilalo, quant à lui, a tiré des conclusions contraires sur la nature des dispositions contractuelles intervenues entre Dipharma et Novopharm.

 

  • [25] Dipharma s’oppose à l’admission de la preuve par affidavit de M. Afilalo et du professeur Ziegel et a demandé de ne pas tenir compte des affidavits. Je ne souscris pas aux arguments de Dipharma sur ce point. La présentation par AMR d’affidavits par deux experts juridiques constituait une réponse logique à l’affidavit de M. Geinoz dans lequel il a donné son avis sur des questions découlant du droit des contrats et du droit international des affaires. En acceptant les affidavits des professeurs, je tiens à préciser que je ne me fonde pas sur eux pour faire la preuve du droit international des affaires, du droit canadien ou de l’interprétation des INCOTERMS 2000. Cependant, je trouve les affidavits acceptables et utiles aux seules fins de déterminer le caractère incomplet du dossier qui m’a été soumis dans le cadre de la présente requête. En effet, ils ne font que confirmer mon opinion qu’il y a de graves lacunes dans la preuve qui font obstacle à l’octroi d’un jugement sommaire.

 

  • [26] Dipharma m’invite à suivre la jurisprudence établie dans l’arrêt Domco, où la Section de première instance de la Cour fédérale, (1988), 24 F.T.R. 234 et la Cour d’appel (Domco, précité) a conclu qu’aucune « distribution » n’avait eu lieu au Canada. Dans cette décision, la question dont furent saisis les tribunaux était de savoir si les activités de la défenderesse, qui avait mis en vente et vendu au Canada des revêtements faits aux États-Unis, pouvaient constituer une contrefaçon d’un brevet canadien. Dans cette cause, comme c’est le cas devant moi, le produit relevait de la portée du brevet canadien. Les tribunaux ont conclu qu’il ne pouvait y avoir de contrefaçon. Les faits dans l’arrêt Domco diffèrent, quant à un détail important, des faits qui m’ont été présentés. Dans l’arrêt Domco, il n’y avait pas de différend entre les parties quant à la propriété des produits; les parties avaient convenu qu’il y avait eu transfert de propriété et de possession aux États-Unis de Mannington à ses clients. En l’espèce, nous ne disposons pas d’une telle entente. Par conséquent, à mon avis, la question de savoir où Novopharm a pris possession du produit contrefait doit être déterminée. Selon le dossier dont je suis saisie, je ne dispose pas suffisamment d’éléments de preuve pour répondre à la question. Par conséquent, l’arrêt Domco n’est pas directement applicable aux faits qui m’ont été soumis.

 

  • [27] Comme nous l’avons déjà signalé dans les présents motifs, la question de savoir où le transfert de titre a eu lieu est une question sérieuse. Ayant déterminé que je ne peux pas, selon le dossier qui m’a été soumis, conclure dans un sens ou dans l’autre quant au transfert de titre, je me dois de rejeter la requête.

 


VII.  Conclusion

 

  • [28] En conclusion et selon les faits qui m’ont été présentés, Dipharma ne remplit pas le critère lié au jugement sommaire. La requête présentée par Dipharma en vue de faire rejeter l’action intentée contre Dipharma S.p.A. et Dipharma Francis S.r.l. sera rejetée.

 

  • [29] Très peu de temps avant l’audience sur la présente requête en jugement sommaire, AMR a déposé une requête en vue de modifier sa déclaration et a demandé que sa requête soit entendue en même temps que la requête de Dipharma. L’objet des modifications proposées était lié à Dipharma. Étant donné que la requête d’AMR en vue de modifier ses actes de procédure dépend de ma conclusion à l’égard de la requête en jugement sommaire, j’ai avisé les parties que je n’instruirais pas cette requête et qu’elle pourrait être instruite, le cas échéant, par le protonotaire chargé de la gestion de l’instance, après que j’eus rendu ma décision sur la présente requête.

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.  La requête en jugement sommaire est rejetée avec dépens à AMR.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-2273-06

 

INTITULÉ :    AMR TECHNOLOGY, INC. c. NOVOPHARM LIMITED, et TEVA PHARMACEUTICAL INDUSTRIES LTD., et TEVA PHARMACEUTICAL USA, INC. et DIPHARMA S.p.A., ET DIPHARMA FRANCIS S.r.L.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   LE 13 AOÛT 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :  LE 27 AOÛT 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas N. Deeth

Abigail A. Browne

 

POUR LA DEMANDERESSE

Andrew McIntyre

 

POUR LES DÉFENDERESSES

NOVOPHARM LIMITED,

TEVA PHARMACEUTICAL INDUSTIES LTD., ET TEVA PHARMACEUTICALS USA, INC.

 

Donald MacOdrum

Rosamaria Longo

POUR LA DÉFENDERESSE

DIPHARMA FRANCIS S.r.L.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITED,

TEVA PHARMACEUTICAL INDUSTIES LTD., ET TEVA PHARMACEUTICALS USA, INC.

 

Lang Michener, s.a.r.l.

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

DIPHARMA FRANCIS S.r.L.

 

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