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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20080718

Dossier : T-1805-05

Référence : 2008 CF 888

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2008

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

ROBERTA FAYE OKEMOW-CLARK, GRACE MARY OKEMOW,

JOYCE OKEMOW, ALVIS HOWARD OKEMOW,

EUGENE CLAVIN OKEMOW, DWAYNE CLIFTON OKEMOW,

CRYSTAL LYNNE OKEMOW, EUGENIA BERYL OKEMOW,

EFFREM HOWARD OKEMOW, TERRENCE DAVID OKEMOW,

BOBBY JAY OKEMOW, LANNY MICHAEL OKEMOW et

ELAINE PELLETIER

demandeurs

et

 

NATION CRIE DE LUCKY MAN et RODERICK KING

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire fait suite à un conflit interne portant sur l’appartenance de treize personnes (plus sept enfants mineurs) à ce qu’elles estiment être leur bande. Les demandeurs affirment que leur statut de membres de la nation crie de Lucky Man leur a été retiré de façon irrégulière et en contravention de la Loi sur les Indiens (L.R.C. 1985, ch. I‑5) et du Code d’appartenance de la bande Lucky Man (le Code d’appartenance), ce qui les a empêchés de voter lors des dernières élections de la bande qui ont eu lieu le 7 septembre 2004.

 

[2]               Après avoir attentivement examiné les observations orales et écrites des parties et leurs dossiers, je suis d’avis que les demandeurs doivent obtenir gain de cause dans leur demande. Je ne suis toutefois pas disposé à leur accorder toutes les réparations qu’ils réclament dans leur demande, et ce, pour les motifs ci-après exposés.

 

I. Les faits

 

[3]               Les faits à l’origine de la présente demande remontent à 2004. Cette année-là, la nation crie de Lucky Man a tenu des élections. Vers décembre 2003, la bande a entrepris de réviser sa procédure électorale conformément à la Lucky Man Cree Nation Election Act (la Loi électorale). Au cours de ce processus, un différend a surgi au sujet de la question de savoir si les demandeurs étaient régulièrement inscrits en tant que membres de la bande ayant droit de vote.

 

[4]               Les demandeurs sont tous des enfants ou des petits-enfants d’Howard Okemow et de Grace Okemow. Le père d’Howard Okemow était Robert Musqwa, un membre de la Première nation de Little Pine, et sa mère, Lily Okemow, faisait à l’origine partie de la Première nation de Lucky Man. À la suite de son mariage avec Robert Musqwa, elle a été transférée à la bande de son mari. Ils ont eu deux fils, dont un fait encore partie de la Première nation de Little Pine.

 

[5]               Né en 1932, Howard Okemow est venu vivre au sein de la nation crie de Lucky Man après le décès de sa mère, Lily Okemow, en 1936. Il a été élevé par son grand-père maternel Okemow selon les rites et les coutumes admises de la nation crie de Lucky Man. Howard a été élevé en croyant qu’il était un membre à part entière de la bande de Lucky Man et avec l’acceptation de toute la collectivité.

 

[6]               Le nom de tous les enfants et petits-enfants d’Howard nés avant le 18 avril 1985 figurait sur la liste de bande de la nation crie de Lucky Man le 16 avril 1985, conformément au paragraphe 9(2) de la Loi sur les Indiens. Il semble qu’ils aient continué à jouir des pleins droits conférés par leur appartenance à la bande et par leur statut jusqu’en 2004. D’ailleurs, trois des demandeurs étaient des conseillers de la bande avant le scrutin de 2004. De plus, une des demanderesses (Mme Roberta Okemow-Clark) a déposé un affidavit auquel elle a joint une « liste des électeurs de la nation crie de Lucky Man » au 16 juin 2000, qui indique que le plein droit de vote était reconnu à tous les demandeurs.

 

[7]               Dans une lettre adressée au registraire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le MAINC) le 22 décembre 2003, le défendeur Roderick King s’est renseigné au sujet de la définition de l’expression « descendants des membres originaires » et a demandé une liste des membres originaires de la nation crie de Lucky Man ainsi que la liste de toutes les adoptions dans la nation crie de Lucky Man (selon la coutume ou par voie légale). Le défendeur a aussi demandé des renseignements au sujet des incidences du projet de loi C-31 (Loi modifiant la Loi sur les Indiens, L.C. 1985, ch. 27, sanctionnée le 28 juin 1985), qui a rétabli le statut des personnes qui l’avaient perdu par suite du mariage, de leurs études ou du service militaire ou parce qu’elles étaient entrées dans les ordres. M. King a plus précisément posé la question de savoir si cette mesure législative reconnaît aussi le droit de ces personnes de réintégrer leur bande originaire.

 

[8]               En réponse, la responsable des Politiques, de la Planification et de la Formation à la Direction de l’inscription des Indiens et des listes des bandes au MAINC a expliqué que la Loi sur les Indiens ne définit pas l’expression « descendants des membres originaires ». Elle a par ailleurs produit une liste des membres originaires de la nation crie de Lucky Man. Elle a refusé de fournir une liste des personnes adoptées par voie judiciaire dans la nation crie de Lucky Man ou des renseignements sur la question de savoir si Howard Okemow avait été adopté dans la nation crie de Lucky Man selon les coutumes autochtones ou par voie légale au motif qu’il s’agit de renseignements personnels dont la divulgation est interdite aux termes du paragraphe 19(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C., 1985, ch. P‑21). Elle a toutefois cherché à clarifier la situation en ce qui concerne l’adoption selon les coutumes de la nation crie de Lucky Man en expliquant ce qui suit :

[traduction] Par suite des modifications qui ont été apportées en 1985 par le projet de loi C-31 modifiant la Loi sur les Indiens, les personnes adoptées selon les coutumes autochtones par des Indiens inscrits ont le droit de se voir reconnaître le statut d’Indien et le droit d’appartenir à la bande si le ministère tient la liste de bande. Sous le régime de l’ancienne Loi sur les Indiens, l’adoption d’une personne selon les coutumes autochtones par des parents indiens inscrits ne conférait ni le statut d’Indien ni le droit d’appartenir à la bande. La nation crie de Lucky Man a assumé la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs en vertu des dispositions de l’article 10 de la Loi sur les Indiens à compter du 23 juin 1987. Je suis en mesure de confirmer qu’entre le 17 avril 1985 et le 23 juin 1987 [date à laquelle la bande de Lucky Man est devenue responsable de la fixation des règles d’appartenance à sa bande], alors que le Ministère tenait une liste de la bande, le nom d’aucune personne n’a été ajouté à la liste par suite d’une adoption selon les coutumes autochtones.

 

[9]               Quant aux incidences du projet de loi C-31, la lettre du MAINC n’établit aucune distinction entre le statut d’Indien et celui de membre de la bande. Se fondant sur le paragraphe 11(1) de la Loi sur les Indiens, la lettre indique explicitement que [traduction] « toute personne dont le nom était consigné sur la liste de bande de la nation crie de Lucky Man le 16 avril 1985 ou qui avait le droit à ce qu’il le soit » avait le droit de faire inscrire son nom sur la liste de bande de la nation crie de Lucky Man le 22 juin 1987.

 

[10]           En réponse, Roderick King, qui était alors chef, a écrit au MAINC pour demander que le nom d’Howard Okemow soit retranché de la liste d’appartenance à la bande de Lucky Man. Voici un extrait de cette lettre, datée du 8 avril 2004 :

[traduction]

 

Il faut corriger l’erreur que notre bureau a commise en transférant Howard Okemow de la bande de Little Pine no 201. Comme « l’adoption d’une personne selon les coutumes autochtones par des parents indiens inscrits ne conférait [pas] le droit d’appartenir à la bande », Howard Okemow n’aurait donc pas dû être transféré à la liste du registre de la bande de Lucky Man. Si notre bureau a d’autres dossiers qui indiquent qu’Howard Okemow a été admis au sein de la bande de Lucky Man en vertu d’un autre instrument ou d’une autre autorité, veuillez nous transmettre une copie de ces documents.

 

Compte tenu des renseignements qui précèdent, la femme et les enfants d’Howard (Muskwa) Okemow (inscrit sous le no 215) ne répondent pas aux conditions prévues à l’article 10 du Code d’appartenance pour pouvoir devenir membres de la bande de Lucky Man. De plus, les membres actuels m’ont donné pour instruction de m’opposer formellement à leur inscription à titre d’Indiens inscrits membres de la bande de Lucky Man en vertu de l’article 11. Veuillez m’indiquer quand le nom des membres de cette famille sera retransféré à la liste du registre de la bande indienne de Little Pine.

 

 

[11]           Pour faire suite à cette lettre, le chef Roderick King a écrit le 15 juin 2004 une autre lettre dans laquelle il réitérait sa demande de renseignements au sujet de l’adoption d’Howard Okemow et dans laquelle il soutenait que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas lorsque la personne en cause est décédée depuis plus de 20 ans (Howard Okemow est mort en 1982). Il a également soutenu que la bande s’était vu refuser le droit de contester l’intégration d’Howard Okemow à la bande de Lucky Man en 1936. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction] Nous avons également réclamé des éclaircissements au sujet de l’autorité invoquée pour effectuer ce transfert de la bande de Little Pine en 1936. Notre bande n’avait ni chef ni conseil entre le moment où le gouvernement a discrédité Lucky Man et refusé de le reconnaître comme notre chef en 1883 et les premières élections tenues le 23 mai 1973, lorsqu’un chef et des conseillers ont été élus. Toutes les bandes ont eu l’occasion de contester et d’approuver des transferts ou des ajouts aux listes de bande; toutefois, comme nous n’avions ni conseil de bande, ni terres de réserve, ni immeuble sur lequel afficher des avis publics, nous n’avons pas eu droit aux mêmes possibilités.

 

 

[12]           Le 5 juillet 2004, le chef Roderick King a publié une lettre qu’il a distribuée aux membres de la bande et dans laquelle il expliquait la procédure à suivre pour modifier la Loi électorale de la bande. Il a expliqué que la Loi électorale prévoyait qu’il fallait convoquer une assemblée générale de la bande dans le seul but de modifier la Loi électorale et qu’il fallait envoyer un préavis de 30 jours. Le chef King a déclaré que les modifications devaient être approuvées par vote à la majorité et que ces modifications ne prendraient effet que si elles étaient adoptées 60 jours avant l’élection. Il a conclu qu’il n’y avait pas assez de temps pour modifier la loi avant le scrutin suivant, qui devait se tenir au début de septembre, de sorte qu’il faudrait que les modifications proposées soient examinées par le prochain conseil.

 

[13]           Le 9 août 2004, le chef King a de nouveau écrit aux membres de la bande pour les informer que même si elle avait assumé en 1987 la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs, la bande n’avait pas encore dressé sa propre liste d’appartenance conformément à l’article 10 de la Loi sur les Indiens. La bande a donc continué à utiliser depuis 1987 la liste des Indiens visés par un traité dressée conformément à l’article 11 de la Loi sur les Indiens et elle n’a jamais tenté d’établir sa propre liste d’appartenance. Comme le chef et les conseillers de l’époque estimaient qu’ils étaient en conflit d’intérêts, cette tâche a été confiée au comité des règles d’appartenance pour qu’il examine la question et formule des recommandations. Le défendeur King n’a participé à aucune des rencontres de ce comité et il n’a pas voté pour ou contre l’appartenance des demandeurs.

 

[14]           Le défendeur King a reconnu dans sa lettre aux membres de la bande que les conseillers auraient dû soumettre une liste d’appartenance pour approbation des membres, mais qu’ils ne l’avaient pas fait. On ne sait pas avec certitude sur quoi les membres du comité des règles d’appartenance se sont fondés pour dresser la liste. Selon la lettre du 9 août 2004 du chef King, le comité devait commencer par la liste de paiement des rentes versées de 1879 à 1955 en vertu de traités et par le Livre noir du MAINC. Pourtant, dans son affidavit, la chef actuelle, Pauline Okemow, qui faisait partie du comité mais n’était pas une descendante d’Howard Okemow, a expliqué que le comité avait révisé les règles d’appartenance et les droits de vote en fonction des liens du sang (paragraphe 8 de son affidavit). Quoi qu’il en soit, le comité a dressé, conformément à l’article 10, une liste d’appartenance à la bande de Lucky Man dans laquelle le nom des demandeurs ne figurait pas ainsi que la liste de bande prévue à l’article 11 dans laquelle figurait le nom des demandeurs. Les membres de la bande ont été informés qu’une formation sur les règles d’appartenance aurait lieu les 3 et 4 septembre, à la suite de quoi ils seraient invités à voter au sujet de l’intégration de certaines personnes au sein de la bande de la nation crie de Lucky Man.

 

[15]           Le 3 septembre 2004, les demandeurs se sont tous présentés en personne à une assemblée de la bande à Saskatoon. Selon l’affidavit non contredit de la demanderesse Roberta Okemow‑Clark, ils ont été abordés à leur arrivée dans la salle par deux membres qui étaient accompagnés de gardes de sécurité. On leur a dit qu’ils devaient quitter les lieux et qu’ils n’étaient autorisés ni à entrer dans la salle de réunion ni à prendre part à cette assemblée de la bande. La demanderesse a rétorqué qu’elle était toujours conseillère de la bande, tout comme deux autres demandeurs, et que leur mandat était valide jusqu’à l’élection du 7 septembre 2004. On leur a répondu qu’aucun des demandeurs n’était autorisé à entrer parce que leur nom avait déjà été consigné dans la liste de bande dressée conformément à l’article 11, qu’ils n’avaient plus aucun droit et que seuls les membres visés par l’article 10 avaient le droit de participer à l’assemblée. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont, depuis cette rencontre, perdu tous leurs droits et avantages comme membres de la bande et été privés de toute possibilité de faire appel ou d’exercer un recours par les voies internes habituelles des Premières nations. Le droit de se porter candidat à une charge et de voter aux élections du 7 septembre 2004 leur a été refusé.

 

[16]           Les demandeurs sollicitent plusieurs réparations :

a.       une ordonnance déclarant la réintégration immédiate des demandeurs au sein de la nation crie de Lucky Man, avec tous les droits et privilèges associés à la qualité de membre de la bande, pour eux-mêmes et pour leurs descendants, et prévoyant une indemnisation pour les droits et avantages qu’ils ont perdus en raison des actes illicites des défendeurs, la nation crie de Lucky Man et Roderick King;

b.      une ordonnance déclarant que toutes les nominations, élections ou élections complémentaires qui ont eu lieu depuis le 9 août 2004 sont réputées nulles et que de nouvelles nominations et de nouvelles élections doivent avoir lieu sans délai, le plein droit des demandeurs d’y participer en se portant candidat ou en exerçant leur droit de vote leur étant reconnu lors de cette nouvelle élection devant être déclenchée et tenue;

c.       une ordonnance condamnant solidairement les défendeurs à indemniser intégralement les demandeurs pour tous les dépens avocat‑client et les dépens de la présente demande et prévoyant toute autre réparation que la Cour pourrait juger adéquate;

d.      une injonction interdisant aux défendeurs de poursuivre, transiger ou régler la question des droits fonciers issus de traités avec le gouvernement du Canada sur la base de sa position actuelle au sujet de l’appartenance à la bande tant que la présente affaire n’aura pas été instruite et tranchée.

 

[17]           À l’audience, l’avocat des demandeurs a reconnu qu’on ne peut réclamer une indemnité dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, précise le type de réparation que la Cour fédérale peut accorder lorsqu’elle est saisie de ce type de demande, et les dommages-intérêts et une indemnité n’en font pas partie (voir, par exemple, la décision De-Nobile c. Canada (Procureur général), (1999), 95 A.C.W.S. (3d) 1065, [1999] A.C.F. no 1727 (QL)).

 

[18]           Il est intéressant de constater que Pauline Okemow, la chef actuelle de la nation crie de Lucky Man, propose dans son affidavit (au paragraphe 11) de résoudre le présent différend de la façon suivante :

[traduction]

 

a) soumettre au vote de tous les membres la question de l’appartenance des demandeurs à la nation crie de Lucky Man;

b) les demandeurs auront le droit de voter dans le cadre de ce processus;

c) à la suite de ce vote, si les demandeurs ne sont pas considérés comme des membres, les résultats de l’élection de 2004 seront confirmés. Si les demandeurs sont considérés comme des membres, de nouvelles élections seront déclenchées et seront tenues dans un délai raisonnable à la suite du vote sur l’appartenance;

d) chaque partie supportera ses propres dépens dans la présente instance.

 

II. Questions en litige

 

[19]           La défenderesse, la nation crie de Lucky Man, conteste, tant oralement que par écrit, la légitimité de la présente demande. En premier lieu, l’avocat soutient que la demande est prématurée, car les demandeurs devaient épuiser leurs droits d’appel et recours internes avant d’introduire une demande de contrôle judiciaire. La bande prétend aussi que les demandeurs ont exagéré le préjudice qu’ils ont subi, car le seul droit dont ils ont été privés était celui de voter à l’élection de 2004. L’avocat affirme, en tout état de cause, que la bande n’avait rien à voir avec quelque prétendue décision de dépouiller les demandeurs de leurs droits électoraux, et il ajoute que ce sont uniquement les actes unilatéraux du chef qui sont à l’origine du préjudice qui a pu être causé aux demandeurs. Enfin, la nation crie de Lucky Man affirme qu’il n’y a aucune décision sur laquelle le présent contrôle judiciaire pourrait porter puisqu’aucun office fédéral n’est intervenu et qu’aucune décision n’a été prise.

 

[20]           Le défendeur Roderick King ne s’oppose pas à la réintégration immédiate des demandeurs en tant que membres de la bande, car le fait qu’ils réclament la tenue sans délai de nouvelles élections ou le prononcé d’une ordonnance empêche la bande d’exercer ses droits fonciers issus de traités. En ce qui concerne M. King, la seule question non encore résolue, selon son avocat, est donc celle de savoir si ses actes étaient entachés de mobiles répréhensibles et de mauvaise foi et s’il s’est acquitté de ses fonctions avec diligence et bonne foi. M. King soutient qu’il n’avait que donné suite à un litige qui avait surgi au sujet de la question de savoir si les demandeurs avaient été régulièrement inscrits comme membres de la bande ayant le droit de vote. Il affirme énergiquement qu’il a agi avec diligence dans sa recherche de renseignements pertinents concernant le transfert d’Howard Okemow et qu’il est demeuré impartial, car il n’a pris part à aucun vote sur cette question; il n’avait d’ailleurs aucun intérêt quant aux résultats de l’élection de 2004 puisqu’il n’a même pas posé sa candidature.

 

[21]           Comme le contrôle judiciaire porte sur la légalité d’une décision, la bonne foi ou la mauvaise foi de l’auteur de la décision en cause ainsi que ses mobiles ne sont pas des facteurs pertinents sauf, bien sûr, si son impartialité est en jeu. Il s’ensuit donc que la question de savoir si l’ancien chef Roderick King s’est acquitté de ses fonctions avec diligence et en toute bonne foi n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit de répondre à la question soulevée par les demandeurs. La seule question que notre Cour est appelée à trancher est celle de savoir si la procédure qui a été suivie pour refuser aux demandeurs la qualité de membres de la bande était conforme au Code d’appartenance de la bande et à la Loi sur les Indiens.

 

[22]           Avant d’aborder cette question de fond, la Cour doit toutefois examiner la question préliminaire soulevée par la nation crie de Lucky Man.

 

III. Analyse

 

[23]            L’avocat de la nation crie de Lucky Man soutient que les demandeurs ont fait fi des recours internes prévus au Code d’appartenance et à la Loi électorale pour s’adresser directement à la Cour. À l’appui de sa thèse que les plaideurs doivent épuiser leurs droits d’appel et recours internes avant de saisir la Cour d’une demande de contrôle judiciaire, l’avocat a cité quelques décisions de la Cour (Saskatchewan (Ministre de l’Agriculture, de l'Alimentation et de la Revitalisation rurale) c. Canada (Procureur général), 2006 CF 345, 289 F.T.R. 237; Shea c. Canada (Procureur général), 2006 CF 859, 296 F.T.R. 81; Gambini c. Canada (Procureur général), 2005 CF 666, 272 F.T.R. 312) et de la Cour suprême du Canada (Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, 122 D.L.R. (4th) 129).

 

[24]           Je suis parfaitement conscient des raisons de principe impérieuses qui militent en faveur de l’épuisement des recours internes par les personnes qui s’estiment lésées avant qu’elles ne s’adressent aux tribunaux, surtout dans le cas de contentieux concernant des Autochtones. Ainsi que mon collègue le juge Robert Barnes l’a dit dans la décision Première Nation Sweetgrass c. Gollan, 2006 CF 778, 294 F.T.R. 119 (au paragraphe 53), « les électeurs et les représentants élus de Sweetgrass sont tout à fait en mesure de gérer leurs affaires sans intervention extérieure et, sauf dans une mesure restreinte, le présent litige ne fait pas exception ». Il n’est pas nécessaire que le recours subsidiaire soit parfait, mais il doit être adéquat.

 

[25]           En l’espèce, je ne suis pas convaincu que le Code d’appartenance et la Loi électorale constituent effectivement un cadre subsidiaire approprié pour trancher le litige qui oppose les demandeurs aux défendeurs. Rappelons tout d’abord que la Loi électorale ne confère un droit d’appel qu’aux candidats ou électeurs qui ont exercé leur droit de vote lors d’une élection. Comme les demandeurs ont été empêchés de poser leur candidature et de voter, ils ne peuvent se prévaloir de cette procédure d’appel. 

 

[26]           Pour ce qui est du Code d’appartenance, la situation est plus complexe parce que la procédure prévue aux articles 6 et 7 de ce Code n’a pas été suivie. Ces dispositions sont libellées comme suit :

[traduction]

 

6. La bande de Lucky Man a accordé au chef et au conseil le pouvoir de décider de l’appartenance à ses effectifs conformément aux dispositions du présent Code.

7. La bande de Lucky Man établira un comité de révision (composé d’anciens et d’un juge ou d’un conciliateur de la paix) pour réviser les décisions portant sur l’appartenance à ses effectifs. Ce comité aura le pouvoir de rajuster, de suspendre ou d’infirmer les décisions relatives à l’appartenance et ses décisions devront être ratifiées par la majorité des électeurs de la bande de Lucky Man.

 

 

[27]           Le chef et le conseil ont toutefois délégué aux membres la tâche de dresser la liste d’appartenance. Cette procédure était tout à fait irrégulière et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, le Code d’appartenance confère au chef et au conseil le pouvoir de décider de l’appartenance à leurs effectifs de sorte qu’ils devaient à tout le moins approuver les recommandations du comité. Deuxièmement, l’avocat du chef Roderick King a admis à l’audience que le conseil aurait dû participer à la définition de cette procédure. Troisièmement, ainsi que le chef Roderick King l’a lui-même admis, on ne sait pas avec certitude si ce comité correspond au comité de révision prévu par la Loi. Vu la confusion entourant l’établissement de la liste d’appartenance et le caractère ponctuel de la procédure suivie, on ne peut reprocher aux demandeurs de ne pas s’être fondés sur le Code d’appartenance pour faire trancher leurs griefs. On ne peut s’empêcher de penser que les demandeurs n’avaient d’autre choix que de s’adresser aux tribunaux : soit la liste d’appartenance a été dressée par un comité qui n’avait pas d’existence légale reconnue, soit elle l’a été par le comité de révision constitué en vertu du Code d’appartenance sans que le chef et le conseil aient au préalable été consultés. Dans un cas comme dans l’autre, la procédure suivie est entachée de nullité et les demandeurs étaient entièrement justifiés de s’adresser à la Cour pour obtenir réparation.

 

 

[28]           La défenderesse, la nation crie de Lucky Man, fait par ailleurs valoir qu’un contrôle judiciaire ne peut porter que sur une décision administrative rendue par un office fédéral. Or, dans le cas qui nous occupe, aucun office fédéral n’est intervenu et aucune décision concrète n’a été rendue. Le grief des demandeurs porte sur les actes unilatéraux de l’ancien chef Roderick King. La défenderesse affirme que, comme il n’est pas habilité à agir de son propre chef et qu’il ne peut agir validement que de concert avec le conseil aux termes du Code d’appartenance et de la Loi électorale, le chef n’est pas un office fédéral pour ce qui est de la décision en cause et il ne pouvait lier la bande de Lucky Man à cet égard. Il n’y a donc pas d’office fédéral qui pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire. L’avocat de la défenderesse, la bande de Lucky Man, soutient qu’aucune décision n’a été prise par le chef et le conseil et que l’ancien chef Roderick King s’est simplement « dit d’avis » que les demandeurs ne devaient pas être classés comme membres de Lucky Man et qu’ils ne devaient pas être autorisés à voter à l’élection de 2004.

 

[29]           Bien que séduisant à première vue, cet argument doit être écarté. Tout d’abord, il se peut fort bien que la décision de retrancher le nom des demandeurs de la liste de la bande et de les empêcher de voter était incomplète et qu’elle n’ait jamais été inscrite officiellement ou qu’elle n’ait jamais fait l’objet d’un vote de la part du chef et des conseillers, mais on y a néanmoins donné suite. Dans une lettre adressée à une demanderesse le 10 septembre 2004, le directeur général des élections de la nation crie de Lucky Man a tenté, dans les termes suivants, d’expliquer pourquoi le droit de participer et de voter le jour du scrutin lui avait été refusé parce que son nom ne figurait pas sur la liste des membres confirmés de la bande qui avait été établie conformément à l’article 10 :

[traduction]

 

La bande de Lucky Man tient deux listes : la liste prévue à l’article 10, qui ne renferme que le nom des membres qui sont considérés comme des membres confirmés et sur laquelle on retrouve le nom de 36 membres âgés de dix-huit ans et plus, et la liste prévue à l’article 11, qui renferme le nom des membres non encore confirmés.

 

Les paragraphes 7, 8 et 9 du Code d’appartenance de la nation crie de Lucky Man indiquent que les effectifs actuels de la bande sont composés des personnes dont le nom a été inscrit sur la liste d’appartenance définitive. C’est aux membres qu’il incombe toujours de confirmer que les membres dont le nom figure sur la liste dressée en vertu de l’article 11 sont bel et bien des membres de la bande de Lucky Man, ce qui leur donne le droit de voter lors des élections tenues au sein de la bande de Lucky Man.

 

Je regrette d’avoir dû vous refuser, à vous et à d’autres, ce droit sacré, mais tant que les personnes inscrites sur la liste établie conformément à l’article 11 n’auront pas été confirmées comme des membres en règle de la bande, aucun directeur de scrutin ne peut les inscrire sur la liste des électeurs.

 

 

[30]           En l’espèce, on ne peut exciper du fait qu’aucune décision n’a officiellement été prise et que l’ancien chef a pris l’initiative d’exprimer son « avis » au sujet du droit des demandeurs de faire partie de la bande. S’il fallait accepter cet argument, on encouragerait les conseils de bandes et d’autres entités administratives à s’abstenir d’enregistrer leurs décisions et à agir sur la base de décisions informelles. Vu l’ensemble de la preuve soumise à la Cour, je suis convaincu qu’une décision a été prise et que cette décision avait pour objet de retirer le nom des demandeurs de la liste de membres de la bande, comme en fait foi leur inhabilité à voter ou à se porter candidats à l’élection du 7 septembre 2004. Cette décision a été prise non seulement par l’ancien chef, mais aussi par le conseil étant donné que le directeur général des élections y a donné suite et qu’elle n’a jamais été annulée. Comme le droit de participer au processus électoral est un des droits les plus fondamentaux que confère l’appartenance à une bande, sa négation est un signe évident que les demandeurs ne font plus partie de la nation crie de Lucky Man.

 

[31]           Comme la Cour a rejeté les objections préliminaires soulevées par la défenderesse la nation crie de Lucky Man, il s’agit maintenant de voir si la Cour devrait se charger de décider si le nom des demandeurs devrait effectivement être inscrit sur la liste d’appartenance à la bande. Les demandeurs exhortent la Cour à aller jusque‑là, mais les défendeurs s’opposent énergiquement à cette façon de procéder.  

 

[32]           Comme nous l’avons déjà mentionné, la Loi sur les Indiens a été modifiée en 1985 pour permettre aux bandes indiennes qui le souhaitaient de décider pleinement de l’appartenance à leurs effectifs. Les dispositions pertinentes de la Loi sont reproduites en annexe. Les paragraphes 10(1) et 10(4) nous intéressent particulièrement en l’espèce. Par souci de commodité, en voici le texte :

Pouvoir de décision

 

10. (1) La bande peut décider de l’appartenance à ses effectifs si elle en fixe les règles par écrit conformément au présent article et si, après qu’elle a donné un avis convenable de son intention de décider de cette appartenance, elle y est autorisée par la majorité de ses électeurs.

 

 

 

 

Droits acquis

 

(4) Les règles d’appartenance fixées par une bande en vertu du présent article ne peuvent priver quiconque avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande avant leur établissement du droit à ce que son nom y soit consigné en raison uniquement d’un fait ou d’une mesure antérieurs à leur prise d’effet.

Band control of membership

 

10. (1) A band may assume control of its own membership if it establishes membership rules for itself in writing in accordance with this section and if, after the band has given appropriate notice of its intention to assume control of its own membership, a majority of the electors of the band gives its consent to the band’s control of its own membership.

 

Acquired rights

 

(4) Membership rules established by a band under this section may not deprive any person who had the right to have his name entered in the Band List for that band, immediately prior to the time the rules were established, of the right to have his name so entered by reason only of a situation that existed or an action that was taken before the rules came into force.

 

[33]           Le paragraphe 11(1) de la Loi sur les Indiens, modifiée, prévoit en outre qu’à compter du 17 avril 1985, une personne a droit à ce que son nom soit consigné dans une liste de bande tenue par le ministère si elle avait droit à ce qu’il le soit le 16 avril 1985.

 

[34]           La bande de Lucky Man a assumé la responsabilité de décider de l’appartenance à ses effectifs conformément à l’article 10 de la Loi sur les Indiens à compter du 23 juin 1987. Le Code d’appartenance de la nation crie de Lucky Man, qui est demeuré en vigueur pendant toute la période en cause dans la présente action, prévoit ce qui suit :

[traduction]

 

8. Les personnes suivantes ont le droit d’appartenir à la nation crie de Lucky Man :

 

a) Les membres originaux (toujours vivants et présents), de même que ceux qui avaient le droit d’être membres de la nation crie de Lucky Man au 16 avril 1985;

b) les enfants biologiques ou légalement adoptés du parent ou des parents qui étaient membres ou qui avaient le droit d’être membres de la nation crie de Lucky Man au sens de l’alinéa 8a);

c) les personnes qui ont le droit d’être membres par suite de la réintégration par laquelle elles ont acquis automatiquement le droit d’appartenance par suite des modifications apportées à la Loi sur les Indiens le 28 juin 1985;

d) toute autre personne considérée comme ayant apporté une contribution non négligeable à la nation crie de Lucky Man, à qui le chef et le conseil peuvent recommander que l’on confère la qualité de membres honoraires de la bande.

 

 

[35]           Il serait négligent de ma part de décider si les demandeurs devraient faire partie ou non de la liste d’appartenance à la nation crie de Lucky Man, et ce, pour au moins deux raisons. Le dossier renferme très peu d’éléments de preuve qui permettent de savoir si les demandeurs ont fait consigner leur nom dans une liste de bande tenue par le ministère avant le 17 avril 1985 ou, à vrai dire, le jour où la nation crie de Lucky Man a décidé de l’appartenance à ses effectifs. Les seuls documents qui sont joints à l’affidavit de Roberta Okemow-Clark sont une copie de la liste des électeurs du 16 juin 2000 de la nation crie de Lucky Man qui indique que les demandeurs sont pleinement reconnus comme électeurs (pièces A et B), une allusion, dans une lettre de Roderick King, à une liste de paiement des rentes prévues par les traités indiquant qu’Howard Okemow a été adopté et a été transféré de la bande de Little Pine à la bande de Lucky Man en 1936 (pièce E), et une copie de l’inscription du registre concernant Howard Okemow, qui est jointe à la même lettre et qui renfermerait des renseignements inexacts au sujet des parents d’Howard.

 

[36]           La Cour n’est donc pas en mesure de déterminer si les demandeurs ont fait inscrire leur nom sur la liste de bande de la nation crie de Lucky Man ou s’ils avaient le droit de le demander en date du 16 avril 1985. Sous le régime de l’ancienne Loi sur les Indiens, le statut d’Indien et l’appartenance à une bande ne pouvaient être accordés par adoption selon les coutumes autochtones par des parents ayant qualité d’Indiens inscrits. Cette situation a changé par suite des modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens. Aux termes de la nouvelle définition d’« enfant » à l’article 2, le terme inclut les enfants adoptés selon la coutume indienne. Il semble toutefois que cette définition ne s’applique pas rétroactivement, ce qui constitue une raison de plus de déterminer si Howard Okemow a été légalement adopté par son grand-père maternel, ce qui lui donnait donc le droit d’exiger que son nom figure dans la liste de bande au 16 avril 1985, ou de déterminer si son nom avait été inscrit sur la liste de bande juste avant cette date. Tous ces renseignements sont cruciaux pour pouvoir se prononcer sur l’appartenance des demandeurs à la nation crie de Lucky Man.

 

[37]           Il y a une autre raison pour laquelle la Cour ne devrait pas intervenir à cette étape-ci. Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut « déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral ». Contrairement à la situation qui existe lorsqu’elle est saisie d’un appel, la Cour n’a pas compétence pour substituer sa propre décision à celle du premier tribunal, et ce, d’autant plus, à mon sens, lorsque la décision annulée émane d’une assemblée élue. Les Premières nations ont acquis le droit de disposer pleinement d’elles-mêmes et elles sont pleinement capables d’exercer ce droit; les tribunaux devraient répugner à intervenir dans des questions de gestion interne qu’il est préférable de confier aux membres de la bande et aux représentants élus de cette dernière.

 

[38]           L’affaire sera donc renvoyée au chef et au conseil de la bande pour être jugée conformément au Code d’appartenance de la bande de Lucky Man. La Cour ne peut retenir la solution de compromis proposée par la chef Pauline Okemow dans son affidavit parce qu’elle déroge de ce que prévoit le Code et plus particulièrement ses articles 6, 7 et 8. Aux termes de ces dispositions, le chef et le conseil ont le pouvoir de décider de l’appartenance à leurs effectifs. Pour dresser la liste d’appartenance, ils doivent s’inspirer de l’article 8 du Code. Bien que la bande puisse décider de l’appartenance à ses effectifs, son pouvoir en la matière est limité par l’article 10 de la Loi sur les Indiens. En particulier, le paragraphe 10(4) prévoit que les règles d’appartenance fixées par une bande ne peuvent priver quiconque avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande avant leur établissement du droit à ce que son nom y soit consigné.

 

[39]           L’article 7 du Code d’appartenance prévoit aussi que la bande de Lucky Man doit constituer un comité de révision chargé de réviser les décisions en matière d’appartenance. Ce comité est composé d’anciens et d’un juge ou d’un conciliateur. Si les demandeurs ou tout autre intéressé n’est pas satisfait d’une décision prise par le chef et le conseil, il a le droit de contester cette décision devant le comité de révision, lequel est habilité à ajuster, suspendre ou infirmer la décision initiale prise par le chef et le conseil. La décision du comité doit par ailleurs être ratifiée par la majorité des électeurs de la bande de Lucky Man. Ce n’est qu’une fois ce processus achevé que le demandeur a le droit de contester sur le fond en justice la décision prise.

 

[40]           Dans l’intervalle, le statu quo devrait être maintenu. Suivant l’affidavit non contredit de Roberta Okemow-Clark, tous les demandeurs étaient admissibles à voter lors de l’élection de 2000 et trois des demandeurs ont été élus comme conseillers de la bande. À moins que leurs noms ne soient retranchés de la liste d’appartenance conformément au Code d’appartenance et à la Loi sur les Indiens, les demandeurs devront donc être réintégrés comme membres de la bande de la nation crie de Lucky Man, avec les pleins droits et privilèges conférés par leur qualité de membres de la bande, pour eux-mêmes et pour leurs descendants. Ils auront notamment le droit de voter et de se porter candidats à toute charge lors de toute élection à venir qui pourrait être déclenchée et tenue.

 

[41]            Est-il besoin de préciser que les défendeurs ne pourront poursuivre, transiger ou régler la question des droits fonciers issus de traités avec le gouvernement du Canada comme si les demandeurs n’étaient pas des membres de la bande, du moins tant que la décision de les exclure de la nation crie de Lucky Man n’aura pas été prise. Comme il est probable que des élections soient tenues bientôt, il n’est pas nécessaire d’annuler les résultats de l’élection de septembre 2004 ou les nominations faites par suite de cette dernière.

 

[42]           Les demandeurs réclament les dépens avocat‑client, mais, vu l’ensemble de la preuve dont je dispose, je ne crois pas qu’il convient en l’espèce d’adjuger de tels dépens. Comme il l’a lui-même reconnu, l’ancien chef a peut-être fait fausse route dans les actes qu’il a accomplis, mais il n’a pas été démontré qu’il était de mauvaise foi ou qu’il était animé par des mobiles répréhensibles. Il n’avait d’ailleurs aucun intérêt personnel en ce qui concerne l’issue du présent différend puisque qu’il n’a pas cherché à se faire réélire lors du scrutin de 2004. Quant au nouveau chef et au nouveau conseil, ils n’ont pas retardé le déroulement de la présente instance et rien ne permet de conclure qu’en soi, la bande a pris part à la décision de retirer aux demandeurs leurs droits électoraux. Les demandeurs ont donc droit à leurs dépens, lesquels seront adjugés selon le barème prévu à la colonne III du tarif B.


ORDONNANCE

 

LA COUR ACCUEILLE EN PARTIE la présente demande de contrôle judiciaire. La décision de retrancher le nom des demandeurs de la liste de bande est annulée avec les conséquences exposéses dans les présents motifs, et la question de l’appartenance des demandeurs à la nation crie de Lucky Man est renvoyée au chef et au conseil pour qu’ils la tranchent conformément au Code d’appartenance de la bande crie de Lucky Man et à la Loi sur les Indiens. Les dépens sont adjugés aux demandeurs.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


ANNEXE « A »

 

Loi sur les Indiens (L.R.C. 1985, ch. I-5 )

 

Listes de bande

 

Tenue

 

8. Est tenue conformément à la présente loi la liste de chaque bande où est consigné le nom de chaque personne qui en est membre.

 

 

Liste de bande tenue au ministère

 

9. (1) Jusqu’à ce que la bande assume la responsabilité de sa liste, celle-ci est tenue au ministère par le registraire.

 

 

Listes existantes

 

(2) Les noms figurant à la liste d’une bande le 16 avril 1985 constituent la liste de cette bande au 17 avril 1985.

 

 

Additions et retranchements

 

(3) Le registraire peut ajouter à une liste de bande tenue au ministère, ou en retrancher, le nom de la personne qui, aux termes de la présente loi, a ou n’a pas droit, selon le cas, à l’inclusion de son nom dans cette liste.

Date du changement

 

 

(4) La liste de bande tenue au ministère indique la date où chaque nom y a été ajouté ou en a été retranché.

Demande

 

(5) Il n’est pas requis que le nom d’une personne qui a droit à ce que celui-ci soit consigné dans une liste de bande tenue au ministère y soit consigné, à moins qu’une demande à cet effet soit présentée au registraire.

 

Pouvoir de décision

 

10. (1) La bande peut décider de l’appartenance à ses effectifs si elle en fixe les règles par écrit conformément au présent article et si, après qu’elle a donné un avis convenable de son intention de décider de cette appartenance, elle y est autorisée par la majorité de ses électeurs.

 

 

 

Règles d’appartenance

 

(2) La bande peut, avec l’autorisation de la majorité de ses électeurs :

a) après avoir donné un avis convenable de son intention de ce faire, fixer les règles d’appartenance à ses effectifs;

 

b) prévoir une procédure de révision des décisions portant sur l’appartenance à ses effectifs.

 

Statut administratif sur l’autorisation requise

 

(3) Lorsque le conseil d’une bande prend, en vertu de l’alinéa 81(1)p.4), un règlement administratif mettant en vigueur le présent paragraphe à l’égard de la bande, l’autorisation requise en vertu des paragraphes (1) et (2) doit être donnée par la majorité des membres de la bande âgés d’au moins dix-huit ans.

 

Droits acquis

 

(4) Les règles d’appartenance fixées par une bande en vertu du présent article ne peuvent priver quiconque avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande avant leur établissement du droit à ce que son nom y soit consigné en raison uniquement d’un fait ou d’une mesure antérieurs à leur prise d’effet.

 

 

Idem

 

(5) Il demeure entendu que le paragraphe (4) s’applique à la personne qui avait droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande en vertu de l’alinéa 11(1)c) avant que celle-ci n’assume la responsabilité de la tenue de sa liste si elle ne cesse pas ultérieurement d’avoir droit à ce que son nom y soit consigné.

 

 

Avis au ministre

 

(6) Une fois remplies les conditions du paragraphe (1), le conseil de la bande, sans délai, avise par écrit le ministre du fait que celle-ci décide désormais de l’appartenance à ses effectifs et lui transmet le texte des règles d’appartenance.

 

 

Transmission de la liste

 

(7) Sur réception de l’avis du conseil de bande prévu au paragraphe (6), le ministre, sans délai, s’il constate que les conditions prévues au paragraphe (1) sont remplies :

a) avise la bande qu’elle décide désormais de l’appartenance à ses effectifs;

 

b) ordonne au registraire de transmettre à la bande une copie de la liste de bande tenue au ministère.

 

 

 

 

Date d’entrée en vigueur des règles d’appartenance

 

(8) Lorsque la bande décide de l’appartenance à ses effectifs en vertu du présent article, les règles d’appartenance fixées par celle-ci entrent en vigueur à compter de la date où l’avis au ministre a été donné en vertu du paragraphe (6); les additions ou retranchements effectués par le registraire à l’égard de la liste de la bande après cette date ne sont valides que s’ils sont effectués conformément à ces règles.

 

Transfert de responsabilité

 

(9) À compter de la réception de l’avis prévu à l’alinéa (7)b), la bande est responsable de la tenue de sa liste. Sous réserve de l’article 13.2, le ministère, à compter de cette date, est dégagé de toute responsabilité à l’égard de cette liste.

 

Additions et retranchements

 

 

(10) La bande peut ajouter à la liste de bande tenue par elle, ou en retrancher, le nom de la personne qui, aux termes des règles d’appartenance de la bande, a ou n’a pas droit, selon le cas, à l’inclusion de son nom dans la liste.

 

Date du changement

 

(11) La liste de bande tenue par celle-ci indique la date où chaque nom y a été ajouté ou en a été retranché.

 

Règles d’appartenance pour une liste tenue au ministère

 

11. (1) À compter du 17 avril 1985, une personne a droit à ce que son nom soit consigné dans une liste de bande tenue pour cette dernière au ministère si elle remplit une des conditions suivantes :

 

a) son nom a été consigné dans cette liste, ou elle avait droit à ce qu’il le soit le 16 avril 1985;

 

 

 

b) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)b) comme membre de cette bande;

 

c) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)c) et a cessé d’être un membre de cette bande en raison des circonstances prévues à cet alinéa;

 

d) elle est née après le 16 avril 1985 et a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)f) et ses parents ont tous deux droit à ce que leur nom soit consigné dans la liste de bande ou, s’ils sont décédés, avaient ce droit à la date de leur décès.

 

 

 

Règles d’appartenance supplémentaires pour les listes tenues au ministère

 

(2) À compter du jour qui suit de deux ans la date de sanction de la loi intitulée Loi modifiant la Loi sur les Indiens, déposée à la Chambre des communes le 28 février 1985, ou de la date antérieure choisie en vertu de l’article 13.1, lorsque la bande n’a pas la responsabilité de la tenue de sa liste prévue à la présente loi, une personne a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande tenue au ministère pour cette dernière dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) elle a le droit d’être inscrite en vertu des alinéas 6(1)d) ou e) et elle a cessé d’être un membre de la bande en raison des circonstances prévues à l’un de ces alinéas;

 

b) elle a le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa 6(1)f) ou du paragraphe 6(2) et un de ses parents visés à l’une de ces dispositions a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande ou, s’il est décédé, avait ce droit à la date de son décès.

 

Présomption

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (1)d) et du paragraphe (2) :

a) la personne dont le nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou d’une liste de bande dans les circonstances prévues aux alinéas 6(1)c), d) ou e) et qui est décédée avant le premier jour où elle a acquis le droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de bande dont elle a cessé d’être membre est réputée avoir droit à ce que son nom y soit consigné;

 

 

 

b) la personne visée à l’alinéa (2)b) est réputée avoir droit à ce que son nom soit consigné dans la même liste de bande que celle dans laquelle le parent visé au même paragraphe a ou avait, ou est réputé avoir, en vertu du présent article, droit à ce que son nom y soit consigné.

 

Fusion ou division de bandes

 

(4) Lorsqu’une bande fusionne avec une autre ou qu’elle est divisée pour former de nouvelles bandes, toute personne qui aurait par ailleurs eu droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de la bande en vertu du présent article a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste de la bande issue de la fusion ou de celle de la nouvelle bande à l’égard de laquelle ses liens familiaux sont les plus étroits.

 

Inscription sujette au consentement du conseil

 

12. À compter du jour qui suit de deux ans la date de sanction de la loi intitulée Loi modifiant la Loi sur les Indiens, déposée à la Chambre des communes le 28 février 1985, ou de la date antérieure choisie en vertu de l’article 13.1, la personne qui :

 

a) soit a le droit d’être inscrite en vertu de l’article 6 sans avoir droit à ce que son nom soit consigné dans une liste de bande tenue au ministère en vertu de l’article 11;

 

b) soit est membre d’une autre bande,

 

a droit à ce que son nom soit consigné dans la liste d’une bande tenue au ministère pour cette dernière si le conseil de la bande qui l’admet en son sein y consent.

 

Band Lists

 

 

 

8. There shall be maintained in accordance with this Act for each band a Band List in which shall be entered the name of every person who is a member of that band.

 

Band Lists maintained in Department

 

9. (1) Until such time as a band assumes control of its Band List, the Band List of that band shall be maintained in the Department by the Registrar.

 

Existing Band Lists

 

(2) The names in a Band List of a band immediately prior to April 17, 1985 shall constitute the Band List of that band on April 17, 1985.

 

Deletions and additions

 

(3) The Registrar may at any time add to or delete from a Band List maintained in the Department the name of any person who, in accordance with this Act, is entitled or not entitled, as the case may be, to have his name included in that List.

Date of change

 

(4) A Band List maintained in the Department shall indicate the date on which each name was added thereto or deleted therefrom.

Application for entry

 

(5) The name of a person who is entitled to have his name entered in a Band List maintained in the Department is not required to be entered therein unless an application for entry therein is made to the Registrar.

 

 

Band control of membership

 

10. (1) A band may assume control of its own membership if it establishes membership rules for itself in writing in accordance with this section and if, after the band has given appropriate notice of its intention to assume control of its own membership, a majority of the electors of the band gives its consent to the band’s control of its own membership.

 

 

Membership rules

 

(2) A band may, pursuant to the consent of a majority of the electors of the band,

(a) after it has given appropriate notice of its intention to do so, establish membership rules for itself; and

 

(b) provide for a mechanism for reviewing decisions on membership.

 

 

Exception relating to consent

 

(3) Where the council of a band makes a by-law under paragraph 81(1)(p.4) bringing this subsection into effect in respect of the band, the consents required under subsections (1) and (2) shall be given by a majority of the members of the band who are of the full age of eighteen years.

 

 

Acquired rights

 

(4) Membership rules established by a band under this section may not deprive any person who had the right to have his name entered in the Band List for that band, immediately prior to the time the rules were established, of the right to have his name so entered by reason only of a situation that existed or an action that was taken before the rules came into force.

 

Idem

 

(5) For greater certainty, subsection (4) applies in respect of a person who was entitled to have his name entered in the Band List under paragraph 11(1)(c) immediately before the band assumed control of the Band List if that person does not subsequently cease to be entitled to have his name entered in the Band List.

 

Notice to the Minister

 

(6) Where the conditions set out in subsection (1) have been met with respect to a band, the council of the band shall forthwith give notice to the Minister in writing that the band is assuming control of its own membership and shall provide the Minister with a copy of the membership rules for the band.

 

Notice to band and copy of Band List

 

(7) On receipt of a notice from the council of a band under subsection (6), the Minister shall, if the conditions set out in subsection (1) have been complied with, forthwith

(a) give notice to the band that it has control of its own membership; and

 

(b) direct the Registrar to provide the band with a copy of the Band List maintained in the Department.

 

 

 

 

Effective date of band’s membership rules

 

 

(8) Where a band assumes control of its membership under this section, the membership rules established by the band shall have effect from the day on which notice is given to the Minister under subsection (6), and any additions to or deletions from the Band List of the band by the Registrar on or after that day are of no effect unless they are in accordance with the membership rules established by the band.

 

Band to maintain Band List

 

(9) A band shall maintain its own Band List from the date on which a copy of the Band List is received by the band under paragraph (7)(b), and, subject to section 13.2, the Department shall have no further responsibility with respect to that Band List from that date.

 

Deletions and additions

 

(10) A band may at any time add to or delete from a Band List maintained by it the name of any person who, in accordance with the membership rules of the band, is entitled or not entitled, as the case may be, to have his name included in that list.

 

 

Date of change

 

(11) A Band List maintained by a band shall indicate the date on which each name was added thereto or deleted therefrom.

 

Membership rules for Departmental Band List

 

11. (1) Commencing on April 17, 1985, a person is entitled to have his name entered in a Band List maintained in the Department for a band if

 

 

(a) the name of that person was entered in the Band List for that band, or that person was entitled to have it entered in the Band List for that band, immediately prior to April 17, 1985;

 

(b) that person is entitled to be registered under paragraph 6(1)(b) as a member of that band;

 

(c) that person is entitled to be registered under paragraph 6(1)(c) and ceased to be a member of that band by reason of the circumstances set out in that paragraph; or

 

(d) that person was born on or after April 17, 1985 and is entitled to be registered under paragraph 6(1)(f) and both parents of that person are entitled to have their names entered in the Band List or, if no longer living, were at the time of death entitled to have their names entered in the Band List.

 

Additional membership rules for Departmental Band List

 

(2) Commencing on the day that is two years after the day that an Act entitled An Act to amend the Indian Act, introduced in the House of Commons on February 28, 1985, is assented to, or on such earlier day as may be agreed to under section 13.1, where a band does not have control of its Band List under this Act, a person is entitled to have his name entered in a Band List maintained in the Department for the band

 

(a) if that person is entitled to be registered under paragraph 6(1)(d) or (e) and ceased to be a member of that band by reason of the circumstances set out in that paragraph; or

 

(b) if that person is entitled to be registered under paragraph 6(1)(f) or subsection 6(2) and a parent referred to in that provision is entitled to have his name entered in the Band List or, if no longer living, was at the time of death entitled to have his name entered in the Band List.

 

Deeming provision

 

(3) For the purposes of paragraph (1)(d) and subsection (2),

(a) a person whose name was omitted or deleted from the Indian Register or a band list in the circumstances set out in paragraph 6(1)(c), (d) or (e) and who was no longer living on the first day on which the person would otherwise be entitled to have the person’s name entered in the Band List of the band of which the person ceased to be a member shall be deemed to be entitled to have the person’s name so entered; and

 

(b) a person described in paragraph (2)(b) shall be deemed to be entitled to have the person’s name entered in the Band List in which the parent referred to in that paragraph is or was, or is deemed by this section to be, entitled to have the parent’s name entered.

 

Where band amalgamates or is divided

 

(4) Where a band amalgamates with another band or is divided so as to constitute new bands, any person who would otherwise have been entitled to have his name entered in the Band List of that band under this section is entitled to have his name entered in the Band List of the amalgamated band or the new band to which that person has the closest family ties, as the case may be.

 

Entitlement with consent of band

 

 

12. Commencing on the day that is two years after the day that an Act entitled An Act to amend the Indian Act, introduced in the House of Commons on February 28, 1985, is assented to, or on such earlier day as may be agreed to under section 13.1, any person who

 

(a) is entitled to be registered under section 6, but is not entitled to have his name entered in the Band List maintained in the Department under section 11, or

 

(b) is a member of another band,

 

is entitled to have his name entered in the Band List maintained in the Department for a band if the council of the admitting band consents.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                        T-1805-05

 

INTITULÉ :                                                       ROBERTA FAYE OKEMOW-CLARK et al.

                                                                            c.

                                                                            NATION CRIE DE LUCKY MAN et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                SASKATOON (SASKATCHEWAN)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 8 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 18 JUILLET 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Donald Worme

 

POUR LES DEMANDEURS

Richard Danyliuk

Lori Johnstone-Clark

 

George Green

POUR LA NATION CRIE DE

LUCKY MAN

 

POUR RODERICK KING

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Helen Semanganis

Semaganis Wome

Avocats

203, avenue Packham, bureau 300

Saskatoon (Saskatchewan)  S7N 4K5

 

POUR LES DEMANDEURS

David Gerecke

Balfour Moss

Avocats

123, 2e Avenue Sud, bureau 200

Saskatoon (Saskatchewan)  S7K 7E6

 

George A. Green

McKercher McKercher & Whitmore s.r.l.

Avocats

374, 3e Avenue Sud

Saskatoon (Saskatchewan)  S7K 1M5

POUR LA NATION CRIE DE

LUCKY MAN

 

 

 

 

POUR RODERICK KING

 

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