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Date : 20080619

Dossier : IMM-2182-07

Référence : 2008 CF 761

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2008

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

RAHIMEEN FARIDI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 29 mai 2007 par un agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), dans laquelle l’agent d’immigration a conclu que M. Rahimeen Faridi (le demandeur) était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), au motif qu’il était membre d’une organisation terroriste, le Mouvement Mohajir Quami (faction Altaf) (le MQM-A).

 

 

I           Le contexte factuel

[2]               Le demandeur, citoyen du Pakistan, est arrivé au Canada le 23 avril 1996, où il a présenté une demande d’asile fondée sur son appartenance au MQM‑A et sur les activités auxquelles il a participé au sein du MQM‑A. Il a été déclaré réfugié au sens de la Convention le 18 décembre 1996. 

 

[3]               Le 10 mars 1997, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada, laquelle a été approuvée en principe le 24 mars 1997 et envoyée au bureau de CIC, où elle a été assignée à un agent d’immigration le 8 décembre 2006.

 

[4]               Le demandeur a affirmé être devenu membre du MQM‑A en septembre 1991 et être demeuré un membre actif jusqu’à ce qu’il quitte le Pakistan en 1996. Au Canada, il a continué de soutenir le MQM‑A en faisant occasionnellement des dons de 5 à 10 $. Il a également déclaré avoir participé aux activités des sections du MQM‑A établies à Montréal et à Calgary. Cependant, il a deux emplois, l’un où il est de chauffeur de taxi et l’autre où il gère une pizzéria, ce qui l’empêche d’être plus actif au sein du MQM‑A au Canada.

 

[5]               Dans une lettre d’une page datée du 27 février 2007, l’agent d’immigration a avisé le demandeur que les renseignements dont il disposait donnaient à penser que sa demande de résidence permanente devait être rejetée étant donné qu’il semblait qu’il faisait peut-être partie d’une catégorie de personnes interdites de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la Loi, en raison de son appartenance au MQM entre 1990 et 2000. Avant de rendre sa décision définitive, l’agent d’immigration a invité le demandeur à présenter des observations et à dissiper ses doutes.

[6]               Le 20 mars 2007, l’avocat du demandeur a répondu à la lettre du 27 février 2007 et s’est plaint du caractère lapidaire de cette lettre qui ne fournit pas de motifs suffisants ou quelque analyse que ce soit relativement à la conclusion selon laquelle le MQM est une organisation terroriste. Datée du 29 mai 2007, la réponse à la lettre de l’avocat du demandeur constitue la décision définitive et l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

II         La décision contestée

[7]               Contrairement à l’avis lapidaire daté du 27 février 2007, la décision définitive de l’agent d’immigration consiste en un document de neuf pages qui fournit des motifs détaillés de son analyse et de ses conclusions. L’agent a en particulier conclu ce qui suit :

               i.      En ce qui concerne les activités du MQM-A, l’agent d’immigration s’est fondé sur l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1  R.C.S. 3, paragraphes 93 à 98, où la Cour suprême a affirmé ce qui suit au paragraphe 98 :

 

[. . .] « terrorisme » […] inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ».

 

             ii.      La preuve documentaire révèle que le MQM‑A a commis des actes de violence contre la population civile et, notamment, contre des groupes politiques, des agents de police et des officiers de l’armée au cours de la période où le demandeur était membre du MQM‑A, soit entre 1991 et 1996.

 

            iii.      Plusieurs sources fiables ont décrit le MQM‑A comme étant un groupe qui avait eu recours à la violence, à la torture et au meurtre. Ces violentes activités sont bien décrites dans diverses publications nationales, régionales et internationales, publications notamment rédigées par le département de la Sécurité intérieure et le UNHCR, Amnistie internationale, le Asiaweek magazine et le Portail sur le terrorisme en Asie du Sud. La décision de l’agent d’immigration comporte, entre autres nombreux exemples, les suivants :

 

[traduction]

 

·        Dans le milieu des années 1990, le MQM‑A a été grandement impliqué dans la violence généralisée qui a secoué la province de Sindh, située dans le Sud du Pakistan, et particulièrement Karachi, ville portuaire et principale ville commerciale du pays. […] En 1994, les combats entre les factions du MQM et entre le MQM et les groupes nationalistes sindhis causaient presque à chaque jour la mort d’habitants de Karachi. En juillet 1995, il y avait en moyenne dix assassinats politiques par jour, et, à la fin de cette année-là, plus de 1 800 personnes avaient été assassinées. […] Le MQM-A aurait amassé des fonds au moyen d’extorsions, de contrebande de stupéfiants et d’autres activités criminelles. En outre, des Mohajirs au Pakistan et à l’étranger fournissaient des fonds au MQM‑A par le biais d’œuvres de bienfaisance. [Source : le département de la Sécurité intérieure et le UNHCR, « Pakistan : Information on Mohajir/Muttahida Qaumi Movement – Altaf (MQM-A) »; le 9 février 2004]

 

·        Ce sont les incidents du 18 mai 1995 qui ont tout fait basculer à Karachi. Peu après l’aube, dans le quartier Nazimabad du district central, un groupe d’hommes armés du MQM a tendu une embuscade à une patrouille de gardes paramilitaires; deux gardes sont décédés et six autres ont été blessés […] Les grèves répétitives – de même que l’inévitable violence qui les accompagnait – allaient devenir l’arme de prédilection du MQM [Source : Asiaweek magazine, le 31 mai 1996]

 

·        Le milieu des années 90, dans les zones urbaines de la province de Sindh, a été marqué par des appels continus du MQM à la grève; le MQM a ajouté dans un communiqué en juillet 1995 que des grèves hebdomadaires se tiendraient désormais les vendredis et les samedis. La violence marquait la plupart des grèves qui laissaient dans leur sillon un grand nombre de morts. [Source : Muttahida Quomi Mahaz, Groupe terroriste du Pakistan, Portail sur le terrorisme en Asie du Sud.]

 

·        Malgré les protestations du chef du MQM, Altaf Hussain, selon qui le MQM ne cautionne pas la violence, il existe une preuve accablante et un consensus parmi les observateurs postés à Karachi que quelques membres du parti MQM ont utilisé la violence comme moyen pour parvenir à leur fin politique. Des membres du PPP et de petits partis sindhis ont rapporté à Amnistie internationale que, durant la période où le MQM était au pouvoir, certains de leurs membres avaient été torturés et tués pendant qu'ils étaient détenus par le MQM-A. […] Des chambres de torture qui auraient été utilisées par le MQM-A ont été découvertes, et l'on dit que des membres du parti y auraient torturé et parfois assassiné des dissidents et des membres d'autres partis. [Source : Amnistie internationale, « Pakistan : Human rights crisis in Karachi », février 1996]

 

 

              iv.         La preuve documentaire révèle également l’intention du MQM d’intimider les reporteurs et les journalistes par des déclarations menaçantes et des meurtres. Par exemple :

 

[traduction]

 

·        […] Le 4 décembre 1994, Muhammad Slahudding, rédacteur en chef de l’hebdomadaire urdu Takbeer, a été tué par balle dans son automobile à l’extérieur de son bureau à Karachi. Il était très critique envers les politiques du MQM, ce qui lui avait valu d’avoir son bureau vandalisé et sa maison incendiée vers la fin de 1991, semble‑t‑il par des activistes du MQM‑A [Source : Amnistie internationale, « Pakistan : Human rights crisis in Karachi », février 1996.]

 

          v.         L’exposé de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sur les activités du MQM en 1995 et 1996 fournit de nombreux exemples de violations des droits de la personne commises par le MQM, notamment de la violence contre les forces de sécurité, les dissidents du parti, les opposants politiques, la presse et d’autres groupes ethniques, de même que des mauvais traitements à l’égard des citoyens ordinaires et même des Mohajirs. La Commission y décrit également en détail l’implication du MQM dans des affaires d’extorsion; elle cite, entre autres, le Human Rights Watch et Amnistie internationale.

 

 

[8]               La décision définitive a été rendue sur le fondement de ces sources documentaires fiables et de la déclaration même du demandeur, qui a affirmé qu’il s’était joint au MQM‑A de façon volontaire et qu’il résidait à Karachi pendant la période où le MQM‑A commettait les atrocités rapportées dans la documentation. Non seulement le demandeur adhérait aux objectifs de cette organisation, mais il en était également un membre actif qui avait été nommé vice‑officier responsable de l’unité no 184, qui comprenait 35 membres. Il n’y a aucune preuve établissant que le demandeur a personnellement participé à quelque incident violent que ce soit, son engagement s’étant limité à du travail de bureau étant donné qu’il ne pouvait pas marcher correctement parce qu’il avait été atteint de poliomyélite dans son enfance et que sa jambe droite en avait souffert. Il s’occupait donc de la communication entre les membres. Cependant, l’agent d’immigration a conclu qu’il n’avait pas cessé d’être membre après qu’il eut quitté le Pakistan et qu’il a été lié au MQM après son arrivée au Canada.

 

[9]               Enfin, l’agent d’immigration a conclu que, selon l’ensemble de la preuve, qui est fiable et concluante, il y avait des motifs suffisants de croire que le MQM‑A était une organisation qui commettait des actes terroristes à l’époque où le demandeur en était membre. Le demandeur a par conséquent été déclaré interdit de territoire au Canada. Sa demande de résidence permanente a donc été rejetée en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi.

 

III        Les dispositions légales pertinentes

[10]           L’article 34 de la Loi établit le cadre légal servant à déterminer si des résidents permanents ou des étrangers doivent être interdits de territoire pour des motifs de sécurité. Un des éléments à considérer est l’appartenance à une organisation terroriste, comme en dispose l’alinéa 34(1)i) :

Sécurité

 34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

 

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

 

c) se livrer au terrorisme;

 

[. . .]

 

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

Security

 34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

 

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

 

(c) engaging in terrorism;

 

[. . .]

 

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

IV        La question en litige

[11]           La seule question en litige est de savoir si l’agent d’immigration a commis une erreur de fait ou de droit en concluant que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour des motifs de sécurité.

 

[12]           Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que l’agent d’immigration n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit et, par conséquent, la demande sera rejetée.

 

V.        La question de la procédure

[13]           Avant l’audience du 18 juin 2008 relative à la présente affaire, le ministre avait déposé une requête présentée en vertu de l’article 87 de la Loi, dans laquelle il sollicitait un jugement déclaratoire qui lui aurait donné le droit de ne pas divulguer les renseignements secrets dont l’agent d’immigration avait tenu compte dans sa décision rendue le 29 mai 2007. À la suite d’une audience à huit clos ex parte qui s’est tenue le 2 avril 2008, et en raison de la décision du demandeur de ne pas présenter d’observations, la Cour a ordonné le 3 avril 2008 la divulgation du paragraphe 5 de la page 204 du dossier certifié du Tribunal étant donné que les renseignements qu’il renferme ne porteraient pas atteinte à la sécurité nationale ni à la sécurité d’autrui, au sens du paragraphe 83(1) de la Loi. Cependant, pour le reste, la demande présentée en vertu de l’article 87 de la Loi a été accueillie; ainsi, les renseignements secrets dont avait tenu compte l’agent d’immigration n’ont pas été divulgués parce que cela porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

 

[14]           Après avoir examiné le dossier public du Tribunal et les observations des avocats, la Cour rend la présente décision sur le seul fondement des renseignements publics.

 

VI.       La norme de contrôle

[15]           Tout d’abord, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] A.C.F. no 9, a affirmé que la cour qui contrôle une décision administrative doit d’abord déterminer si la jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle applicable et, dans l’affirmative, elle doit s’en remettre à ce qui a été établi, et ce, tout en gardant à l’esprit le changement apporté par la Cour suprême, qui a fondu la décision raisonnable et la décision raisonnable simpliciter en une seule norme : la raisonnabilité. [Voir Dunsmuir, précité, paragraphes 45, 47, 51, 53 et 62.]

 

[16]           À mon avis, la jurisprudence antérieure de la Cour d’appel fédérale, laquelle a été largement suivie par la Cour, a établi la norme de contrôle applicable. La raisonnabilité est la norme applicable à la question de savoir si une organisation constitue une organisation décrite aux alinéas 34(1)a), b) ou c) et de la Loi et si une personne est membre d’une telle organisation (alinéa 34(1)f) de la Loi). Voir l’analyse du juge Rothstein, alors juge à la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 R.C.F. 511, et les analyses effectuées par la suite par mes collègues et moi‑même dans les décisions Kanendra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1156, paragraphe 12; Jalil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 320, paragraphe 19; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1430, paragraphe 13; Naeem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 123, paragraphe 40.

 

[17]           Pour que le demandeur ait gain de cause dans la présente affaire où la norme applicable est la raisonnabilité, il doit convaincre la Cour que les motifs et les conclusions données comme justification par l’agent d’immigration n’étaient ni fondés, ni transparents compte tenu de la preuve dont l’agent disposait. Autrement dit, comme l’établit le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité, la décision doit appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

VII      Analyse

[18]           L’avocat du demandeur soutient que l’agent d’immigration a omis tenir compte adéquatement du droit et des faits. Particulièrement, il affirme que l’agent d’immigration a omis d’appliquer le critère à deux étapes établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40. Premièrement, l’agent d’immigration a omis de déterminer s’il y avait des motifs raisonnables de croire que le MQM‑A avait commis les actes de violence qu’on lui reprochait. Deuxièmement, l’agent d’immigration a omis de déterminer si les actes allégués constituaient des actes terroristes. Par conséquent, le demandeur demande que la décision soit infirmée et que lui soit accordé le statut de résident permanent.

 

[19]           À l’appui de sa position, l’avocat du demandeur affirme que le MQM‑A n’est pas une organisation terroriste, mais plutôt un parti politique en règle au Pakistan, parti qui n’a jamais commis d’acte terroriste, bien que certains membres, à titre individuel, aient pu en commettre. Lors de l’audience, il a soutenu que le MQM‑A avait commis des actes de violence en réaction à la situation politique au Pakistan. Selon lui, ces actes politiques ne constituaient pas des actes de terrorisme.

 

[20]           En outre, le demandeur vivait la plupart du temps caché lors de la perpétration des actes de violence et il était incapable d’y participer en raison de son état de santé. De plus, la preuve révélait qu’au Pakistan la politique était source de violence généralisée et que, étant donné que le MQM‑A n’avait pas pour objectifs de commettre des actes de violence, on ne pouvait donc conclure qu’il en avait commis.

 

[21]           Enfin, le demandeur soutient que l’agent d’immigration s’est fondé sur la preuve d’Amnistie internationale, mais qu’il n’a pas tenu compte de la preuve à l’appui de la position du demandeur. En particulier, l’avocat du demandeur mentionne le témoignage donné lors d’une audience de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) par M. Gowher Rizvi, directeur de l’Institut Ash sur la gouvernance démocratique et l’innovation de l’Université Harvard et expert en matière de politique, de sécurité et d’économie de l’Asie du Sud. L’agent d’immigration a également négligé le témoignage de Mme Lisa Given, professeure agrégée à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de l’Alberta.

 

[22]           Après un examen minutieux du dossier du Tribunal, des observations des parties et de la décision de l’agent d’immigration, je ne peux conclure que la décision de l’agent d’immigration est déraisonnable ou fondée sur des éléments de preuve dont il ne disposait pas. En particulier, la décision est claire et donne en détail la définition de terrorisme établie dans la jurisprudence en matière de sécurité nationale de la Cour suprême du Canada. L’agent d’immigration a méticuleusement expliqué la définition de terrorisme et a adopté le critère en deux étapes établi par l’arrêt Mugesera, précité, avant de déterminer si les actes de violence attribués au MQM‑A et rapportés dans la documentation correspondaient à cette définition. En outre, la norme de preuve applicable a clairement été énoncée avant que le raisonnement à l’appui de la décision soit exposé en détail.

 

[23]           À mon avis, les arguments de l’avocat du demandeur n’ont aucun fondement. La décision n’est pas vague et elle ne néglige aucun élément de preuve à l’appui de la position du demandeur. De plus, l’avocat du demandeur s’est appuyé sur des témoignages d’expert donnés lors d’une audience devant la Commission qui s’était tenue [traduction] « quelques mois plus tôt », et ce, sans avoir fourni de citations exactes ou des copies des témoignages en question pour que l’agent d’immigration puisse en tenir compte. L’affidavit du demandeur ne mentionne aucunement si ces témoignages avaient été transcrits et présentés à l’agent d’immigration avant qu’il ait rendu sa décision, et ils n’étaient pas inscrits dans la liste des documents dont disposait l’agent d’immigration. S’il est de jurisprudence constante qu’un agent d’immigration n’a pas à mentionner tous les documents dont il a tenu compte avant de rendre sa décision, on ne peut certainement reprocher à cet agent d’avoir négligé de tenir compte de témoignages qui ne lui avaient pas été dûment présentés.

 

[24]           La preuve révèle que le demandeur a, de façon constante, affirmé qu’il avait joint volontairement le MQM en 1991, qu’il connaissait les politiques en vigueur au sein du MQM et son idéologie politique et qu’il les appuyait activement. L’agent d’immigration a analysé en détail l’appartenance du demandeur au MQM et les activités de cette organisation qui étaient rapportées dans la documentation et il leur a appliqué les bonnes définitions de la Loi et de la jurisprudence. Par conséquent, je ne peux trouver aucun élément de la décision qui ferait qu’elle n’appartiendrait pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits dont disposait l’agent et du droit, notamment la Loi et la jurisprudence applicable. Pour ces motifs, la demande sera rejetée, ce qui rend la réparation recherchée inapplicable.

 

[25]           En réponse à l’argument concernant la situation politique au Pakistan et selon lequel l’utilisation d’actes de violence ne faisait pas partie des objectifs du MQM‑A ou que ces actes ne constituaient pas des actes de terrorisme, je suis d’accord avec ma collègue la juge Tremblay‑Lamer, qui a affirmé ce qui suit, au paragraphe 15 et 19 de la décision Daud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 701 :

[15]      Le demandeur soutient que l’agent ne pouvait pas conclure que le MQM-A avait été l’auteur d’actes de violence puisque cela ne faisait pas partie des objectifs de l’organisation. Je ne suis pas d’accord avec lui. Cette décision est de nature factuelle et est fondée sur la preuve documentaire qui nous informe non seulement sur les déclarations des membres dirigeants ou de membres de l’organisation mais aussi sur leurs actions. L’analyse en soi se prête mal à une simple comptabilité des membres qui appuient ouvertement les actes de violence; cependant il devient difficile, à ce stade, compte tenu de l’importance et de la fréquence des tactiques de violence employées par l’organisation en question, de considérer les auteurs de ces actes comme de simples membres dévoyés agissant contrairement à la volonté du groupe.

 

[. . .]

 

[19]      Selon le demandeur, l’agent a mal interprété la preuve qui révélait la commission d’actes de violence politiques généralisés au Pakistan par tous les partis politiques. Cependant, à mon avis, l’existence d’une violence généralisée n’empêche pas de conclure qu’une organisation est l’auteur d’actes de terrorisme. L’existence d’une violence généralisée fait partie du contexte à partir duquel l’agent effectue son analyse, mais n’est pas déterminante quant à la décision définitive. En fait, les pays sont victimes d’actes terroristes dans toutes sortes de situations, tant dans des périodes de paix relative que dans des périodes de dissensions et de conflits d’envergure.

 

[26]           Bien que je les aie invitées à le faire, les parties ont choisi de ne pas proposer de question aux fins de certification.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

-          La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

-     Aucune question n’est certifiée.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2182-07

 

INTITULÉ :                                                   RAHIMEEN FARIDI

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE,

PAR VIDÉOCONFÉRENCE :                     OTTAWA (ONTARIO)

                                                                        CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 18 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 19 JUIN 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Birjinder P.S. Mangat

 

POUR LE DEMANDEUR

Camille N. Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

          

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mangat Law Office

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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