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Date :  20080418

 

Dossiers :  T-903-07

 

Référence :  2008 CF 510

 

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

CLAUDE ROBILLARD

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire réunies et consolidées, contestant deux décisions d’un arbitre de grief, rendues en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35. Par ces deux décisions, l’arbitre rejette les griefs et confirme que le congédiement du demandeur est justifié.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[2]               Dans le dossier T-904-07 (décision 2007 CRTFP 40), la question est la suivante :

-           Est-ce que l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en concluant que la rencontre du 7 décembre 2004 était une rencontre administrative et non disciplinaire?

 

[3]               Dans le dossier T-903-07 (décision 2007 CRTFP 41), la question est la suivante :

-     Est-ce que l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en concluant qu’il y a eu de l’intimidation et des propos menaçants, justifiant la suspension et le congédiement du demandeur?

 

CONTEXTE FACTUEL

[4]               Le demandeur est engagé au sein du ministère des Finances en 2000 comme analyste des solutions en TI, aux groupes et niveau CS-01. En 2001, il est promu à CS-02. Il fait partie du Directorat de la gestion de l’information et de la technologie, Direction des services ministériels.

 

[5]               Au cours de l’année 2004, l’atmosphère au Directorat est tendue. La gestion est préoccupée par la disparition de certains équipements informatiques de l’entrepôt, d’une valeur de 24 000 $. De plus, des bouteilles de vin et 100 $ appartenant au comité social des fonctionnaires ont disparus.

 

[6]               Certains employés approchent alors leurs gestionnaires respectifs afin de leur faire part de rumeurs concernant les personnes qui pourraient être liées à ces disparitions. La directrice du Directorat, Mme Helen O’Kane, ainsi que la directrice des ressources humaines, Mme Marilyn Dingwall, conviennent de rencontrer une dizaine de fonctionnaires les 7 et 8 décembre 2004 afin de recueillir des renseignements sur toute question relative à la disparition de l’équipement.

 

[7]               M. Paul Levecque et M. Joseph Boushey sont les deux premiers employés à rencontrer mesdames O’Kane et Dingwall. Lors de leurs entrevues, ils mentionnent certains faits tendant à impliquer le demandeur ainsi qu'un autre employé identifié comme M. « A ».

 

[8]               Le demandeur est le troisième à passer son entrevue (rencontre du 7 décembre 2004).  Mesdames O’Kane et Dingwall lui explique que le but de la rencontre consiste à récolter de l’information. Elles lui posent des questions d’ordre général concernant la disparition de l’équipement. Elles lui demandent des questions spécifiques, notamment si M. « A » possédait une copie de la clé de l’entrepôt, et si le demandeur avait utilisé cette clé. Par la suite, elles l'interrogent au sujet de l’utilisation des coupons de taxi.

 

[9]               Mesdames O’Kane et Dingwall avisent le demandeur de ne pas discuter du contenu de l’entrevue avec d’autres employés comme elles avaient avisé auparavant Messieurs Levecque et  Boushey.

 

[10]           Vers 15h20 dans l’après-midi du 7 décembre 2004, une chaîne de courriels est échangée par des employés au sein du Directorat. Le premier comporte une photo d’un ordinateur datant de 1983 avec lequel l’auteur du courriel avait travaillé antérieurement. Le deuxième, répond au premier, et transmet une photo d’un ancien télégraphe utilisé par l’auteure dans les Forces armées. L’auteure du deuxième courriel écrit qu’elle pouvait le désassembler et le réassembler, et que le télégraphe fonctionnait. Le demandeur envoie le troisième courriel dans la série. Ce courriel montre des photos d’armes à feu dont une mitraillette et des carabines, une de précision utilisée par les tireurs d'élite, il écrit que ces armes fonctionnent très bien et qu'il sait s'en servir.

 

[11]           Environ 15 minutes plus tard, il  passe devant le poste de M. Boushey et lui demande s'il a vu le courriel. M. Boushey lui répond qu'il l’a réduit à son écran. Le demandeur lui demande de l'agrandir. Il allègue que M. Boushey était intéressé par son entrainement dans les Forces armées, notamment s’il pouvait tirer de l’édifice d’en face. M. Boushey de son côté, déclare qu'il a posé ces questions pour alléger le ton de la conversation. Malgré le désaccord sur l’interprétation à donner à ces échanges, les parties sont d’accord sur le fait que le demandeur a ensuite dit « je ne te manquerais pas ».

 

[12]           À ce moment, M. Choiniere-Bélanger, un autre employé, s’approche du poste de travail de M. Boushey. Le demandeur lui dit, sur un ton agressif, « je ne te manquerais pas, non plus ».

 

[13]           Suite à cet incident, M. Boushey raconte cette histoire à Mme O’Kane, le matin du 8 décembre 2004. Il lui indique qu'il s'est senti menacé et qu'il a très mal dormi. Mme O’Kane avise Mme Dingwall, et toutes deux prennent des mesures afin d’avertir la sécurité et ensuite la police.  Deux agents viennent recueillir les dépositions de messieurs Boushey, Choiniere-Bélanger et Levecque.

 

[14]           Le demandeur est convoqué à une rencontre disciplinaire le 8 décembre 2004. Un représentant syndical l’accompagne. On l'informe que la gestion enquêtera relativement à des allégations de vol et de menaces et qu'il sera suspendu durant cette enquête.

 

[15]           Le 20 décembre 2004, il est convoqué de nouveau et congédié pour vol et menaces.

 

[16]           Le 23 décembre 2004, il dépose un grief pour contester sa suspension et son congédiement.

 

[17]           Le 12 janvier 2005, il soumet un autre grief, alléguant que l’employeur n’a pas respecté son droit à la représentation syndicale lors de la rencontre du 7 décembre 2004.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[18]           Les raisons invoquées par l'arbitre pour conclure que la rencontre du 7 décembre 2004 était de nature administrative et non disciplinaire sont les suivantes :

a)      Il considère que les termes de la clause 36.03 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 3 juin 2003 pour l'unité de négociation du groupe Systèmes d'ordinateurs sont précis et sans équivoque. Cette clause vise les rencontres à caractère disciplinaire et non les rencontres pour la recherche de faits. Donner une autre interprétation à cette stipulation aurait pour effet de modifier le libellé de la clause. Ceci irait à l'encontre de sa juridiction.

b)      Dans son appréciation des faits et du contexte de la réunion en question, l'arbitre mentionne que mesdames O’Kane et Dingwall ont indiqué dans leurs témoignages qu’elles voulaient rencontrer les fonctionnaires pour obtenir des informations plus précises à propos des rumeurs qui circulaient. Il note que le demandeur a été questionné sur ses connaissances par rapport aux vols, l’utilisation qu’il aurait fait des coupons de taxi, et l’utilisation qu’il aurait fait des clés copiées. Le demandeur n'était pas personnellement visé ou soupçonné par l'employeur à ce moment-là.  L’arbitre reconnaît qu’il a été suspendu le lendemain, mais il note qu’un fait majeur est survenu le 7 décembre 2004 entre la rencontre et sa suspension, soit l'envoi de son courriel et les paroles qu'il a prononcées à l’endroit de messieurs Boushey et Choiniere-Bélanger.

 

[19]           Quant au grief de suspension et de congédiement, l'arbitre donne raison à l'employeur et considère que la suspension et le congédiement étaient appropriés dans les circonstances. Les raisons pour appuyer cette décision sont résumées succinctement dans les paragraphes qui suivent.

 

[20]           Quant à la décision au sujet du congédiement : 

a)      Les coupons de taxi : la preuve démontre que l'employeur a produit un relevé de 11 coupons pour la période du 7 octobre 2002 au 14 juillet 2004. Un seul était autorisé. Des explications ont été fournies par le demandeur pour l'utilisation de six ou sept coupons. L'arbitre a donc retenu qu'il reste trois ou quatre coupons non justifiés.

b)      L'usage non-autorisé de copies de clés : le demandeur admet avoir utilisé sans autorisation la clé de M. « A » pour accéder à l'entrepôt à quelques reprises. Ceci est contraire à la procédure établie selon l'arbitre.

c)       Ces deux manquements selon lui ne sont pas suffisants à eux seuls pour justifier un congédiement mais ils doivent être considérés dans le contexte global de l'analyse du reproche principal soit les menaces ou l’intimidation.

d)      Dans son résumé de la preuve de l'incident de l'après-midi du 7 décembre 2004, l'arbitre remarque que trois collègues du demandeur ont déjà travaillé dans les Forces armées. Ce dernier avait déjà d'ailleurs montré des photos prises lors de ses missions dans les Forces armées à ses collègues. Il note également que le courriel en question était le troisième dans une suite de courriels faisant état de l'équipement utilisé par ces employés au cours de leur carrière antérieure. Il conclut donc que l’envoi du courriel en soi, ne constitue pas un comportement inapproprié en milieu de travail.

e)      Ce qui est plus problématique, ce sont les paroles « je ne te manquerais pas », visant M. Boushey et M. Choiniere-Bélanger. L’arbitre tient compte que M. Boushey avait pris ses distances envers le demandeur, et qu’ils se parlaient peu depuis quelques mois. Il analyse la prétention du demandeur à l'effet que ses paroles ont été prononcées à la blague mais retient le contexte dans lequel elles ont été dites. Il conclut que le fait de tenir ces propos à la suite d'informations sur la précision des armes et sa capacité de s'en servir constitue des propos inappropriés. Il conclut également que dans ce contexte, la phrase  « toi non plus, je ne te manquerais pas avec ça » constitue une intimidation et un propos menaçant. Il ne retient pas la version du demandeur à l'effet qu'il s'agit d'une blague car les propos ont été répétés à M. Choiniere-Bélanger. Selon l'arbitre, ceci vient contredire l’explication donnée par le demandeur. L’arbitre, Jean-Paul Tessier s'exprime comme suit au paragraphe 131:

Après examen de l’ensemble des documents et de la preuve présentée, j’en viens à la conclusion que le fonctionnaire s’estimant lésé se doutait que M. Boushey aurait pu faire des déclarations sur la clé de M. « A » et donner des renseignements concernant le fonctionnaire s’estimant lésé.  Il n’a pu se retenir de le rencontrer le 7 décembre 2004 en après-midi. Il a cherché à savoir comment ce dernier se comporterait s’il lui montrait les photos d’armes à feu. Il lui a tenu des propos de nature intimidante. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’une menace directe comme « je vais te tirer », mais l’emploi du mode conditionnel constitue, à mon sens, une mesure d’intimidation visant à créer un malaise chez M. Boushey. Je conclus qu’il en est de même en ce qui concerne les propos adressés à M. Choiniere-Bélanger.

 

[21]           Quant à la décision au sujet de la suspension, l'arbitre rejette le grief et déclare être d'accord avec l'employeur. Après avoir analysé la jurisprudence, il analyse la crédibilité des explications du demandeur, le contexte en milieu travail, et le fait que ces menaces ont été prononcées devant plusieurs personnes :

a)      Il note que le demandeur n’a pas fourni d’explication raisonnable concernant sa présence au poste de travail de M. Boushey. Il n’a pas expliqué pourquoi il a demandé à M. Boushey de regarder le courriel contenant les photos des armes à feu.  Le demandeur a tenté de justifier ses propos en alléguant que M. Boushey lui posait des questions, mais il n’a jamais expliqué pourquoi il a répété les mêmes propos à M. Choiniere-Bélanger.

b)      L’arbitre considère le contexte en milieu de travail : une enquête est en cours, des rumeurs circulent, on a posé des questions au demandeur.

c)       L’arbitre déclare comme crédible les témoignages de messieurs Boushey et Choiniere-Bélanger; les menaces les ont marqués. Ces menaces ont créé un climat de crainte parmi les fonctionnaires et la protection de la santé et la sécurité des fonctionnaires relèvent des fonctions de l’employeur. La réintégration du demandeur pourrait provoquer une réaction de méfiance parmi le personnel du Directorat. L’arbitre conclut comme suit au paragraphe 152 :

Je ne crois pas que le fonctionnaire s’estimant lésé ait voulu indiquer qu’il ferait usage d’armes à feu.  J’ai cependant la conviction qu’il a voulu intimider ses collègues de travail.  Malheureusement, lorsque l’intimidation est faite devant un écran d’ordinateur montrant des armes à feu, il s’ensuit un climat de crainte.  La décision de séparer le fonctionnaire s’estimant lésé de ses collègues de travail est appropriée dans les circonstances.  Je partage l’opinion de l’employeur que, dans les circonstances, le lien de confiance nécessaire au maintien de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé a été irrémédiablement rompu.

 

 

LÉGISLATION PERTINENTE

[22]           Convention entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Groupe : Systèmes d’ordinateurs, Code 303, 3 juin 2003.

 

 

 

Article 36

Normes de discipline

36.03 Lorsque l’employé est tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l’Institut lorsque celui-ci est facilement disponible.  Autant que possible, l’employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d’une telle réunion.

 

Article 36

 

Standards of Discipline

36.03 Where an employee is required to attend a meeting on disciplinary matters, the employee is entitles to have a representative of the Institute attend a meeting where the representative is readily available.  Where practicable, the employee shall receive in writing a minimum of two (2) working days notice of such meeting.

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[23]           Dans le passé, la norme applicable à une décision arbitrale sur une question de fait aurait été celle de la décision manifestement déraisonnable. Suivant la décision récente de la Cour suprême, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la norme de la raisonnabilité s’applique.  Considérant que les questions sont mixtes de faits et de droit, et que l’expertise relative de l’arbitre est élevée, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions de l’arbitre en l’espèce. 

 

[24]           Selon Dunsmuir, la Cour ne doit pas intervenir si la décision du tribunal administratif est raisonnable :

 

[47]      La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

Est-ce que l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en concluant que la rencontre du 7 décembre 2004 était une rencontre administrative et non disciplinaire?

 

[25]           Le demandeur soumet que l’arbitre a commis une erreur révisable en concluant que la rencontre du 7 décembre 2004 était de nature administrative et non disciplinaire, et que la clause 36.03 de la convention collective ne s’appliquait pas. Plus particulièrement, le demandeur plaide que l’arbitre a omis de tenir compte de la version anglaise de la disposition. Selon lui, il y a discordance entre la version anglaise qui parle de « meeting on disciplinary matters » et la version française qui parle de « réunion concernant une mesure disciplinaire ». Il argumente que la version anglaise se rapproche plus de la notion « d’affaires disciplinaires », et que les règles d’interprétation dictent que les versions discordantes doivent être interpréter de façon à donner un sens commun aux deux versions.

 

[26]           Le demandeur prétend que l’interprétation des deux versions le favorise en ce sens que si ce dernier est convoqué à une entrevue et qu'il y a une possibilité d'une mesure disciplinaire, il a le droit d'être accompagné par un représentant syndical.

 

[27]           Au contraire, le défendeur rejette cette proposition. Il ajoute que cette question n’a jamais été soulevée devant l’arbitre. Selon lui, cette clause 36.03 ne s'applique que lorsque des questions disciplinaires sont abordées durant une rencontre entre employeur-employé.

 

[28]           D’après moi, la décision de l'arbitre à ce sujet est raisonnable. Son interprétation de la clause en question est acceptable et justifiable si on considère les faits qu'il avait à analyser. D'ailleurs, l'arbitre Léo-Paul Guindon dans la décision Arena c. Conseil du Trésor (ministère des Finances), [2006] C.R.T.F.P.C. no 103, 2006 CRTFP 105 en est venu à la même conclusion que l'arbitre dans la cause qui nous occupe au sujet de la clause 36.03.

 

[29]            Le demandeur invoque des décisions arbitrales qui confirment que la représentation syndicale est nécessaire si l'information recueillie peut mener à l'imposition d'une sanction disciplinaire. Cependant, le défendeur fait remarquer à bon droit que les décisions soumises couvrent des situations différentes de celle en cause ici.

 

[30]           Par exemple, dans United Food and Commercial Workers International Union, Local 175 v. Axis Logistics Inc. (Horwood Grievance) (2000), 87 L.A.C. (4th) 100, la clause se lit comme suit :

4.02 (a) The employer agrees that, whenever an interview is held with an employee that becomes part of his record regarding his work or conduct, a plant steward will be present as a witness.

 

The employee may request that the steward leave the meeting.

 

(b) During the interview, the employee and steward will be given the opportunity for consultation.

 

(c) In the event a steward is not present, the condition will be brought to the attention of the employee. The meeting that becomes part of the employee's record will be postponed until the steward is available. [page102] (d) If the meeting is held without a steward, any conclusions, verbal or written, will be null and void except when the employee requests the steward to leave. [Je souligne]

 

 

[31]           Il n’y a pas mention de mesures disciplinaires dans cette clause. Il s’agit plutôt d’une clause qui prévoit la représentation à toute entrevue qui fait ou fera partie du dossier de l’employé. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[32]           La conclusion de l'arbitre à l'effet que la rencontre visait la cueillette de renseignements est logique et appuyée par la preuve. Sa détermination que les mesures disciplinaires relevaient plutôt de l'incident qui a suivi la rencontre est aussi justifiée.

 

[33]           Finalement, l'argument du demandeur prétendant que la présence d'un représentant syndical à la rencontre aurait pu changer les événements subséquents doit être écarté car il est spéculatif et hypothétique.

 

Est-ce que l’arbitre a commis une erreur déraisonnable en concluant qu’il y a eu de l’intimidation et des propos menaçants, justifiant la suspension et le congédiement du demandeur?

 

[34]           En se basant sur la phrase suivante au paragraphe 152 de la décision arbitrale : « Je ne crois pas que le fonctionnaire s’estimant lésé ait voulu indiquer qu’il ferait usage d’armes à feu. »,  le demandeur allègue qu'il existe une incompatibilité avec la conclusion de l'arbitre lorsqu'il déclare : « En ce qui a trait au licenciement, je conclus qu’il y a eu de l’intimidation et des propos de menace. »

 

[35]           Cependant, l'arbitre fait une distinction entre l'usage des armes à feu et l'intention d'intimider. Voici comment il s’exprime aux paragraphes 131 et 152 :

[131]    … Je ne crois pas qu’il s’agissait d’une menace directe comme « je vais te tirer », mais l’emploi du mode conditionnel constitue, à mon sens, une mesure d’intimidation visant à créer un malaise chez M. Boushey.  …

 

[152]    Je ne crois pas que le fonctionnaire s’estimant lésé ait voulu indiquer qu’il ferait usage d’armes à feu. J’ai cependant la conviction qu’il a voulu intimider ses collègues de travail. Malheureusement, lorsque l’intimidation est faite devant un écran d’ordinateur montrant des armes à feu, il s’ensuit un climat de crainte. …

 

 

[36]           Les reproches retenus par l'arbitre pour confirmer la suspension et le congédiement sont l'intimidation et les propos de menace et non pas l'intention d'utiliser des armes à feu. Pour en arriver ainsi, l'arbitre a tenu compte du contexte en milieu de travail et la crédibilité du demandeur. Je ne crois pas que l'intervention de la Cour soit justifiée ici.

 

[37]           Les conclusions de l’arbitre sont compréhensibles et peuvent se justifier en regard des faits et du droit.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que les demandes de contrôle judiciaire soient rejetées. À la demande des parties, ces dernières pourront soumettre des représentations écrites (maximum trois pages) au sujet des dépens au plus tard dix jours après la date de ce jugement.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-903-07

 

INTITULÉ :                                       CLAUDE ROBILLARD et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 31 mars 2008

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 18 avril 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sean T. McGee                                                            POUR LE DEMANDEUR

Julie Skinner

 

Karl Chemsi                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.                                         POUR LE DEMANDEUR

Ottawa, (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, (Ontario)

 

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