Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080229

Dossier : T-14-05

Référence : 2008 CF 278

Ottawa (Ontario), le 29 février 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON

 

 

ENTRE :

BIOVAIL CORPORATION

(faisant affaire sous le nom de BIOVAIL PHARMACEUTICALS CANADA)

BIOVAIL LABORATORIES INC. et

GLAXOSMITHKLINE INC.

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

                                ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et SANDOZ CANADA INC.

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demanderesses, Biovail Corporation et autres (Biovail), ont présenté une requête en vertu de l’article 414 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir la réduction du montant des dépens taxés, au seul motif que l’officier taxateur avait commis une erreur de principe en accordant 104 000 $ pour les vacations facturées par le Dr Metin Celik, témoin expert pour Sandoz Canada Inc. (Sandoz).

 


LE CONTEXTE

 

[2]               Le 6 janvier 2005, Biovail a présenté une demande dans le but de faire interdire au              ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer des avis de conformité à Sandoz. Sandoz avait l’intention de fabriquer une version générique du chlorhydrate de bupropion, un antidépresseur. Biovail était titulaire de deux brevets canadiens, numéros 2,142,320 et 2,168,364, lesquels combinaient respectivement le chrlorhydrate de bupropion avec un agent de libération prolongé et avec un agent stabilisateur. Le 21 juin 2006, à la suite d’une audience de deux jours, le juge O’Reilly a rejeté la demande avec dépens, en faveur de Sandoz, au motif que les brevets de Biovail ne seraient pas contrefaits. La décision est publiée : 2006 CF 784.

 

[3]               Ce n’est pas la première fois que Biovail visait à obtenir des ordonnances d’interdiction pour le chlorhydrate de bupropion. Le 31 mars 2003 et le 12 février 2004, Biovail a déposé deux demandes à l’encontre de Novopharm Limitée (les demandes Novopharm) et,                                   le 22 septembre 2004, elle a déposé une demande à l’encontre de Pharmascience Inc.                     Le 6 janvier 2005, le juge Harrington a rejeté les demandes Novopharm et, le 11 mai 2006, Biovail s’est désistée de la demande contre Pharmascience.

 

L’ADJUDICATION DES DÉPENS

 

[4]               Le 12 octobre 2006, l’officier taxateur Robinson écrivait aux parties. Il notait que [traduction] « il convient de procéder dans la présente affaire au moyen de prétentions écrites » et établissait un échéancier pour ces prétentions. L’officier taxateur Robinson invitait aussi les parties à [traduction] « communiquer avec notre bureau par lettre/télécopieur, si vous avez des questions ». Biovail n’a soulevé aucune objection relativement à la décision de procéder sans audience.

 

[5]               Le 23 octobre 2006, Sandoz a présenté un mémoire de frais révisé qui comprenait 127 937,12 $ pour les vacations de témoin expert du Dr Celik. Le mémoire de frais était annexé à un affidavit préparé par David Katz (l’affidavit Katz), qui à l’époque était un stagiaire en droit au service de l’avocat de Sandoz. Avant la préparation de cet affidavit, M. Katz n’avait pas eu un rôle important dans la demande.

 

[6]               Dans ses observations écrites, déposées le 10 novembre 2006, Biovail a fait valoir que le mémoire de frais révisé était [traduction] « plus qu’insuffisant pour justifier les montants » réclamés par Sandoz et a allégué que [traduction] « le contre-interrogatoire verbal des témoins experts de Sandoz (particulièrement celui du Dr Celik ) et du souscripteur d’affidavit, M. Katz, est le seul moyen d’exposer les problèmes, compte  tenu des nombreux documents vagues et incomplets que Sandoz a fournis ». Cependant, Biovail n’a jamais réellement demandé à contre-interroger le Dr Célik ou M. Katz.

 

[7]               Un des arguments de Biovail était que le Dr Celik, en plus d’être témoin expert pour Sandoz, avait aussi été un témoin expert pour Novopharm dans les demandes Novopharm. Biovail alléguait que la preuve par affidavit produite par le Dr Celik pour le compte de Sandoz dans la demande de Biovail était presque identique à la preuve qu’il avait fournie dans les demandes Novopharm. Biovail a aussi affirmé avoir été empêchée de prouver cette allégation, parce que la preuve par affidavit pertinente est demeurée assujettie à des ordonnances de non-divulgation. Néanmoins, Biovail n’a jamais cherché à faire modifier ces ordonnances dans le but de présenter les affidavits en question devant l’officier taxateur Charles Stinson.

 

[8]               L’officier taxateur Stinson a accordé des dépens totalisant 152 906,24 $ à Sandoz,           dont 104 000 $ pour le Dr Celik. Sa décision est publiée : 2007 CF 767.

 

LES MOTIFS DE L’OFFICIER TAXATEUR STINSON

 

[9]               Au paragraphe 27 de sa décision, l’officier taxateur Stinson a formulé des commentaires concernant la preuve à l’appui des frais du Dr Celik. Il a affirmé :

[…] En raison du manque de renseignements, il est difficile de confirmer qu’il s’agit effectivement de la mesure la plus efficace qui a été adoptée ou qu’il n’y avait pas d’erreurs dans les directives […] où des travaux de consolidation ont été imposés. À cause du peu de preuves au sujet des circonstances qui sous-tendent chacune des dépenses, il est difficile pour le défendeur, lors de la taxation des dépens, et pour l’officier taxateur de se convaincre que chaque dépense a été engagée parce qu’elle était raisonnablement nécessaire. […]

 

[10]           L’officier taxateur Stinson a aussi conclu, au paragraphe 29 de sa décision, que l’affidavit Katz « énonce[…] en termes généraux les instructions concernant le travail des experts, mais pas de façon aussi détaillée que pour le Dr Celik par exemple, afin de permettre de confirmer que l’avocat assurant la surveillance n’a pas donné des instructions inopportunes qui auraient pu donner lieu à des dépens inutiles ».

 

[11]           L’officier taxateur Stinson a admis que l’avocat qui assurait la surveillance ne pouvait pas présumer que le travail de Dr Celik dans les demandes Novopharm pourrait être utilisé dans la demande de Biovail. Cependant, il a reconnu que le travail du Dr Celik dans les demandes Novopharm aurait dû simplifier la préparation de l’affidavit qu’il a produit pour Sandoz.

 

[12]           L’officier taxateur Stinson a souligné un certain nombre de réclamations du Dr Celik  qui paraissaient excessives ou inappropriées, dont 1,5 heure pour la consultation d’un manuel de chimie organique. Cependant, au lieu d’examiner ligne par ligne les factures du Dr Celik, il a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin de déterminer ce qui serait une dépense raisonnable dans les circonstances. Ce faisant, l’officier taxateur Stinson a décrit le processus de taxation comme étant « davantage […] une forme d’art qu[…]’une application de règles et de principes », réitérant essentiellement ce que le juge Mosley déclare dans Dimplex North America Ltd. c. CFM Corp., 2006 CF 1403, au paragraphe 39, « qu’en matière de taxation des dépens la justice est, au mieux, rendue de façon sommaire ».

 

[13]           L’officier taxateur Stinson a examiné le mémoire de frais révisé et a conclu que le travail du Dr Celik était en grande partie raisonnable et nécessaire. Cela dit, il a refusé 23 937,12 $ ou plus ou moins 18,7 % du montant réclamé pour les vacations du Dr Celik dans le mémoire de frais révisé, pour une allocation de dépens de 104 000 $.

ANALYSE

 

[14]           Dans ses prétentions écrites, Biovail a allégué qu’il y avait de nombreuses erreurs dans la taxation des dépens et a cherché à obtenir une ordonnance afin de faire réduire à zéro les dépens relatifs au Dr Celik. Lors de l’audience que j’ai présidée, elle a reconnu qu’au moins certains frais du Dr Celik, dont tous ses débours, étaient raisonnables et appropriés. Elle a admis le premier article (4,83 heures) et les articles 21 à 25 (28,58 heures au total) dans la facture du Dr Celik datée      du 17  mai 2005, le premier et le dernier article (4 et 5,5 heures respectivement) dans sa facture     du 31 mai 2005 ainsi que les articles 15 (4,17 heures), 17 (4 heures), 19 (4 heures) et 20 (10,42 heures) dans sa facture du 1er août 2005, pour un total de 65,5 heures.

 

[15]           Lors des arguments verbaux, il est devenu clair que l’ordonnance souhaitée réellement par Biovail dans la présente requête en est une qui exige que les articles encore en litige soient renvoyés devant l’officier taxateur pour nouvel examen, après avoir permis à Sandoz de déposer une preuve par affidavit supplémentaire afin de démontrer que chaque frais avait été engagé au motif qu’il était raisonnablement nécessaire. Biovail a admis qu’un grand nombre de frais contestés pouvaient probablement être justifiés comme étant raisonnables, si une plus grande preuve à l’appui était fournie.

 

[16]           À mon avis, l’officier taxateur n’est pas obligé d’examiner chaque article sur les factures du Dr Celik. Le type d’examen que Biovail recherche, soit un examen effectué ligne par ligne, ne correspond pas à la notion de « justice rendue de façon sommaire ». En l’espèce, l’officier taxateur était convaincu que le Dr Celik avait effectué le travail et que ce travail était nécessaire. Il avait donc le droit d’apprécier les frais du Dr Celik dans leur ensemble.

 

[17]           Pour intervenir dans la façon dont l’officier taxateur exerce son pourvoir discrétionnaire, « les montants accordés [doivent être] inappropriés ou […] la décision doit être déraisonnable au point de sembler résulter d’une erreur de principe » (IBM Canada Ltée c. Xerox of Canada Ltd.,  [1977] 1 C.F. 181 (C.A.), à la page 185). Pour les motifs susmentionnés, je conclus qu’il n’y a pas d’erreur de principe semblable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            VU l’examen des documents déposés et l’audition des arguments des avocats des deux parties le lundi 22 octobre 2007, à Toronto (Ontario);

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS, LA COUR STATUE que la requête est rejetée avec dépens.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            T-14-05

 

INTITULÉ :                                                                           BIOVAIL CORPORATION et al.

                                                                                                c.

                                                                                                LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU          BIEN-ÊTRE SOCIAL et autres

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDENCE :                                                     LE 22 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 29 FÉVRIER 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas N. Deeth                                                                     POUR LES DEMANDERESSES

Heather E. A. Watts

 

 

Kevin Zive                                                                                POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deeth Williams Wall, s.r.l.                                                         POUR LES DEMANDERESSES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Hazzard & Hore                                                                       POUR LES DÉFENDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.