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Date : 20070914

Dossier : T-427-06

Référence : 2007 CF 913

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2007

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

SOLVAY PHARMA INC. et

ALTANA PHARMA AG

 

demanderesses

 

et

 

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]          Dans la présente requête, les demanderesses interjettent appel de la décision de la protonotaire Tabib en date du 15 juin 2007. Dans cette décision, la protonotaire a refusé la requête des demanderesses de produire des affidavits de 10 experts en contre-preuve, bien que des parties limitées du témoignage par affidavit aient été admises.

 

[2]          Le contexte de cette requête vise une demande en vertu de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), déposée le 9 mars 2006, dans laquelle les demanderesses demandent qu’il soit interdit au ministre de la Santé d’émettre un avis de conformité (AC) à Apotex Inc. (Apotex) en ce qui concerne le produit de pantoprazole d’Apotex.

 

[3]          Dans une procédure relative à un AC, la preuve est présentée à la Cour par voie d’affidavit, conformément aux articles 306 et 307 des Règles des Cours fédérales. Dans la présente affaire, après avoir obtenu d’importantes prorogations, l’ensemble de la preuve des demanderesses – comptant des affidavits de 12 témoins experts – a finalement été déposé le 4 août 2006. Le 30 janvier 2007, Apotex a présenté une contre-preuve au moyen d’affidavits de 10 témoins experts.

 

[4]          En vertu de l’article 312 des Règles, des affidavits complémentaires ne peuvent être déposés qu’avec l’autorisation de la Cour. Par conséquent, les demanderesses ont présenté deux requêtes afin de soumettre des contre-preuves par affidavits complémentaires. La première de deux requêtes (avis de requête en date du 14 mars 2007) a été entendue par la protonotaire Tabib et fait l’objet de la présente requête d’appel. La deuxième requête (avis de requête en date du 18 juillet 2007) a été entendue par le juge Blais qui a rejeté la requête (voir Solvay Pharma Inc. c. Apotex Inc. et le ministre de la Santé, 2007 CF 857).

 

[5]          La question dont je suis saisie est de savoir si la protonotaire a commis une erreur en refusant d’admettre la plus grande partie de la contre-preuve par affidavit.


Norme de contrôle des décisions des protonotaires

[6]        La norme de contrôle des décisions des protonotaires de la Cour fédérale est bien établie (voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (C.A.), [1993] 2 CF 425; Merck & Co. c. Apotex Inc. (2003), 30 C.P.R. (4e) 40 (CAF)). Les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient pas être modifiées sauf dans les cas suivants :

 

a)    la question présentée a une influence déterminante sur l’issue de la cause;

 

b)    les ordonnances sont manifestement erronées, en ce sens que la décision prise est fondée sur un mauvais principe ou une fausse appréciation des faits (Merck, précitée, au paragraphe 19).

 

[7]          La présente requête ne traite pas de questions ayant une influence déterminante sur les issues de la cause (comme, par exemple, une requête en radiation). La requête aux fins de permettre une contre-preuve est une question de procédure et, comme il est noté dans Contour Optik, Inc. c. Viva Canada Inc. (2005), 45 C.P.R. (4e) 31, au paragraphe 27, confirmée dans 2007 CAF 81, « [s]i importante que soit une question de procédure, il est très rare qu’on puisse dire qu’elle a une telle influence déterminante ».

 

[8]          Cela ne veut pas dire que le résultat de la requête ne soit pas important pour les demandeurs. Cependant, le fait qu’un élément est important ne lui confère pas automatiquement une influence « déterminante ». En conséquence, mon analyse se limitera à déterminer si l’ordonnance de la protonotaire Tabib était manifestement erronée en ce sens que la décision prise est fondée sur un mauvais principe ou une fausse appréciation des faits.

 

Principes applicables à la contre-preuve

[9]          La question en litige dans la requête dont je suis saisi est de savoir si la protonotaire Tabib a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales. L’application de l’article 312 des Règles est manifestement discrétionnaire, comme le révèle un examen du libellé de la disposition (« Une partie peut, sur autorisation de la Cour […]) et de la jurisprudence (Mazhero c. Conseil canadien des relations industrielles, 2002 CAF 295, au paragraphe 5; Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 790, aux paragraphes 15 et 16).

 

[10]   Les Cours ont donné une orientation aux protonotaires et aux juges sur l’application de cette discrétion. Comme l’indiquent plusieurs décisions (voir, par exemple, Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1997), 76 C.P.R. (3e) 15, aux paragraphes 18 et 19 (CF 1re inst.)), le critère pour admettre une preuve complémentaire exige que cette preuve :

 

  1. sert l’intérêt de la justice;

 

  1. aide la cour à rendre sa décision définitive;

 

  1. ne cause pas un préjudice grave à la partie adverse.

 

[11]   Un quatrième facteur est ajouté par le Cour d’appel dans Atlantic Engraving Limited c. Lapointe Rosenstein (2002), 23 C.P.R. (4e) 5, aux paragraphes 8 et 9 (CAF) et requiert que « les éléments de preuve qu’il cherche à produire n’étaient pas disponibles avant le contre-interrogatoire relatif aux affidavits de la partie adverse ». Ce quatrième élément du critère est accepté dans le contexte d’une procédure visant un AC (voir Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) [2007] 2 F.C.R. 371, aux paragraphes 20 et 21, 2006 CF 984; Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 506.

 

[12]   La jurisprudence ne prévoit pas la façon de soupeser ces quatre éléments. Par ailleurs, puisque chaque décision est discrétionnaire et sera fondée sur les faits en cause, d’autres facteurs peuvent entrer en jeu dans un cas donné. Ainsi, il est juste de dire que chaque affaire comporte une pondération différente selon les circonstances particulières dont est saisi le décideur. L’obligation du juge ou du protonotaire consiste à examiner tous les facteurs pertinents à la lumière des faits devant lui.

 

Motifs de la protonotaire

[13]   Les demanderesses demandaient à présenter 10 affidavits en contre-preuve de ceux présentés par Apotex. Les motifs donnés par la protonotaire Tabib sont plutôt détaillés. Aux pages 3 à 12 de son ordonnance, après trois paragraphes d’ouverture de nature générale, elle examine attentivement tous les aspects de chacun des 10 affidavits. Un paragraphe à la fois et en détail, elle décrit la preuve et établit les facteurs sur lesquels elle se fonde pour décider si le paragraphe serait admis ou non. Dans certains cas, la preuve est admise; cependant, pour la majorité de la preuve, la demande est rejetée.

 

[14]   La présente requête porte principalement sur les deux premiers paragraphes des motifs, qui citent :

[traduction]

 

Les demandeurs ont déjà produit, dans le cadre de leur preuve visant l’article 306 des Règles, les affidavits de douze témoins experts, alors qu’Apotex a répondu avec quelque dix témoins experts. Au moyen de leur requête, les demandeurs ajouteraient des preuves supplémentaires de dix experts, dont l’un est un nouvel expert qui n’a pas encore déposé de preuves dans cette affaire. Les affidavits proposés ajouteraient, en tout, 87 pages de témoignage par affidavit, excluant les pièces, à une affaire qui a déjà une surabondance de témoignages d’experts. La présente requête des demanderesses a été produite près de dix semaines après le dépôt de la preuve d’Apotex, dans une affaire où les parties s’étaient déjà confrontées sur la question des retards.

 

Même si les décisions que j’ai prises en ce qui concerne la question d’accorder ou non l’autorisation de produire les différents affidavits ou des parties de ceux-ci s’appuient essentiellement sur la question de savoir si la matière est nécessaire, aiderait la Cour à décider des questions dont elle est saisie ou était disponible à une date antérieure, le fait que les parties peuvent bien avoir déjà atteint le nombre maximum d’experts prévu à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada qu’ils peuvent appeler sur une question unique sans en demander d’abord l’autorisation, et les retards importants de la part des demanderesses à présenter la présente requête a été pondérés de façon générale dans l’examen quant à savoir si l’autorisation servirait les intérêts de la justice ou pourrait causer un préjudice à la partie adverse.

 

[15]   Selon les demanderesses, ces commentaires généraux indiquent que la protonotaire exerçait son pouvoir discrétionnaire en s’appuyant sur de mauvais principes ou une mauvaise appréciation des faits. Voici les erreurs principales alléguées par les demanderesses :

 

  1. La protonotaire a commis une erreur en s’appuyant sur le fait que les demanderesses « peuvent bien » avoir dépassé les limites prévues par la Loi sur la preuve au Canada;

 

  1. La protonotaire a mal apprécié les faits lorsqu’elle a déclaré qu’il y avait eu un « retard important » de la part des demanderesses à présenter leur requête et a commis une erreur en s’appuyant sur ce « retard ».

 

  1. La protonotaire a appliqué un critère erroné pour examiner si la contre-preuve pouvait être produite en exigeant que le matériel dans les affidavits soit « nécessaire » et en ignorant qu’un préjudice pour Apotex doive être grave.

 

[16]   Le premier problème que je constate, c’est que les demanderesses ne lisent pas les motifs de la protonotaire dans leur ensemble ou dans le contexte des demandes d’AC et des faits particuliers de cette affaire. Je note d’abord que les paragraphes en question n’étaient manifestement pas un énoncé du droit visant le moment où une contre-preuve serait accueillie dans une procédure relative à un AC. Elle en fait amplement état dans paragraphe qui suit le passage cité :

 

[traduction]

 

Je note également que les parties s’entendent en général quant aux principes juridiques qui s’appliquent à la présente requête, de sorte que je ne sois pas tenue d’aborder ces principes, mais qu’il me suffit de les appliquer aux faits de l’affaire.

 

[17]   La connaissance de la protonotaire du critère correct est bien présentée dans l’analyse détaillée du dossier dont elle est saisie, une analyse qui suit les énoncés généraux. Même si les demanderesses ne sont pas nécessairement d’accord avec le poids qu’elle accorde à certains des facteurs dans chacune de ses conclusions, elles ne peuvent pas soutenir qu’elle a ignoré des preuves ou que, dans les analyses spécifiques, elle a mentionné des facteurs non pertinents.

 

[18]   Une indication de l’analyse prudente par la protonotaire est que certaines parties de la preuve sont admises. Il est évident dans l’ensemble – qu’elle admet ou non la preuve – que la protonotaire évaluait la preuve à la lumière des bons principes juridiques. Je note également que, dans l’analyse détaillée, la protonotaire ne mentionne absolument pas le retard des demanderesses à présenter la requête ou l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada. Ce fait indique que, dans le cadre des décisions individuelles, elle accorde peu ou pas de poids à ces deux considérations.

 

[19]   Ainsi, à l’exception des deux premiers paragraphes, la conclusion de tout juge de révision serait presque certainement que la protonotaire n’a pas pris une décision en s’appuyant sur un mauvais principe. La question demeure cependant de savoir si les deux paragraphes généraux cités plus haut indiquent que, sans autre mention expresse, la protonotaire appliquait véritablement des considérations non pertinentes ou de mauvais principes tout au long de sa décision.

 

Article 7 de la Loi sur la preuve au Canada

[20]   Les demanderesses soutiennent que la protonotaire a commis une erreur en tenant compte que les demanderesses « peuvent bien » avoir dépassé les limites prévues par la Loi sur la preuve au Canada. Je suis d’accord pour dire qu’il s’agirait d’une erreur pour la protonotaire d’en tenir compte sans une détermination manifeste que les demanderesses avaient agi en violation de la Loi sur la preuve au Canada.

 

[21]   Cependant, à mon avis, ce n’est pas ce qu’a fait la protonotaire. Je lis plutôt cette phrase comme un renvoi au volume de preuve produit à ce jour. Autrement dit, elle affirme que le volume de cette preuve – qui, en passant, peut bien avoir dépassé les limites prévues par la Loi sur la preuve au Canada – était un facteur général qu’il fallait pondérer dans la décision à savoir si la contre-preuve devrait être admise. Le volume de la preuve peut nuire à la capacité des parties à gérer la procédure relative à un AC dans les délais pertinents, ce qui est, à mon avis, un facteur pertinent.

 

[22]   Le renvoi à l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada par la protonotaire n’était pas nécessaire; elle n’ajoute rien à la décision. Cependant, lorsque je lis l’analyse particulière sur chaque partie de contre-preuve proposée, il semble qu’aucun poids n’est accordé à l’infraction possible. Il n’y a aucune mention de l’article 7. Ainsi, bien que la protonotaire puisse avoir mal choisi ses mots, il n’y a pas d’erreur manifeste.

 

Retard

[23]   Les demanderesses soutiennent que la protonotaire a fondé sa décision sur de mauvais principes ou une mauvaise appréciation des faits lorsqu’elle a pondéré le retard des demanderesses à présenter leur requête. Elles soulignent que le retard n’était pas de dix semaines comme le cite la protonotaire, mais seulement de six semaines à compter du moment où elles ont reçu les affidavits des experts d’Apotex jusqu’au moment du dépôt de l’avis de requête. À leur avis, il ne s’agit pas d’un délai déraisonnable pour présenter l’avis de requête.

 

[24]   Il est bien connu que, vu le sursis prévu par la loi imposé à Apotex par le Règlement, la demande doit être entendue et décidée par la Cour dans un créneau de deux ans; dans la présente affaire, ce serait au plus tard le 9 mars 2008. Dans la mesure où les retards entraînent la prorogation de cette date, Apotex sera empêchée pendant une longue période de mettre son produit en marché (ou de se faire dire qu’elle ne peut pas le faire). Ainsi, en général, le retard est une question pertinente et importante, ayant une incidence particulière sur Apotex en tant que partie défenderesse.

 

[25]   Le cheminement menant à l’audience de cette demande particulière n’a pas été facile. Il y a eu de nombreuses requêtes d’ordre procédural et en prorogation de délai. Au stade où la protonotaire a entendu la requête en question, un calendrier avait été ordonné, par une ordonnance en date du 27 mars 2007, qui prévoyait la fin du contre-interrogatoire au plus tard le 30 septembre 2007 et le début d’une audience de cinq jours le 10 décembre 2007. Il est raisonnable de conclure que d’autres réponses causeraient une contrainte au calendrier et pourrait obliger une prorogation du sursis de deux ans prévu par la loi. À ce stade-ci, tout retard constitue une question pertinente et importante.

 

[26]   Lorsque le protonotaire a mentionné le retard de dix semaines pour la production de la « présente requête », elle voulait sans doute parler de la production du dossier de requête. Son calcul de ce délai était exact dans les faits. Les dix semaines incluaient les semaines à partir du dépôt de la preuve d’Apotex au dépôt de l’avis de requête. Dans le contexte de la présence demande relative à l’AC, il est évident que la protonotaire considérait que les demanderesses auraient pu présenter leur avis de requête plus rapidement. Étant donné l’importance du temps à ce stade-ci des procédures (même deux ou trois semaines pouvaient avoir un effet grave sur le calendrier), il n’était pas déraisonnable pour la protonotaire de tenir compte du retard. En outre, selon mon examen des conclusions particulières tirées par la protonotaire, je ne suis pas convaincue que le retard peut être isolé comme facteur déterminant dans aucune des conclusions particulières.

 

[27]   Sur la question du retard, les demanderesses soutiennent également que le préjudice ne devrait pas être pondéré comme un facteur lorsque le contre-interrogatoire n’a pas encore eu lieu (AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du bien-être) (1995), 61 C.P.R. (3e) 492 à la page 493 (CF 1re instance), confirmée daans 64 C.P.R. (3e) 78 (CAF); AB Hassle c. Apotex Inc. (2003), 30 C.P.R. (4e) 519 à la page 527 (CF); Novopharm c. Canada (1995), 61 C.P.R. (3e) 82 à la page 88 (CAF)). Ce que démontrent les décisions présentées par les demanderesses, c’est qu’il peut arriver que le préjudice pour les demandeurs ou la Cour justifient l’admission d’affidavits de documents. Cependant, elles n’indiquent pas que la protonotaire Tabib a manifestement commis une erreur en tenant compte de l’effet du retard causé par les demanderesses (Wayzhushk Onigum Nation c. Kakeway (2000), 182 F.T.R. 100, au paragraphe 7). Elles n’indiquent pas non plus que le préjudice pour la Cour ou les demandeurs doit toujours être pris en compte. En effet, il y a de nombreux cas où un tel préjudice n’est pas cité comme facteur de nouvel examen par la Cour (voir, par exemple, Eli Lilly, précité; Atlantic Engraving, précité).  

 

[28]   En somme, la protonotaire n’a pas manifestement commis d’erreur en tenant compte du retard des demandeurs – même s’il n’était pas long.

 

Application de mauvais principes juridiques

[29]   Je crois comprendre, pour ce qui est de la troisième erreur alléguée, que les demanderesses soutiennent que la protonotaire a mal apprécié le critère visant le moment où la contre-preuve sera permise lorsqu’elle a affirmé, dans le deuxième paragraphe, que « les décisions que j’ai prises s’appuient essentiellement sur la question de savoir si la matière est nécessaire, aiderait la Cour à décider des questions dont elle est saisie ou était disponible à une date antérieure ». Le problème avec cette affirmation est que le passage cité n’avait pas pour but d’être un énoncé de la totalité des principes juridiques pertinents. Lus en contexte, les mots qui visent les demanderesses peuvent être interprétés comme une version « abrégée » du critère à appliquer. Le paragraphe contenant les mots offensants est un énoncé général traitant certaines des préoccupations de la protonotaire et ne se voulait pas un énoncé complet des principes juridiques applicables. Comme elle l’affirme dans le troisième paragraphe, la protonotaire n’estimait pas nécessaire de présenter ou d’exposer les principes juridiques pertinents, puisqu’il n’y avait pas de désaccord.

 

[30]   Surtout, un examen de chacune des conclusions ne présente aucune occasion où la protonotaire aurait commis une erreur en exigeant que les affidavits soient « nécessaires » ou en comprenant incorrectement le concept de « préjudice ». Je suis convaincue que la protonotaire n’a pas mal appliqué les principes juridiques.

 

Erreurs alléguées particulières

[31]   En somme, eu égard à la totalité des motifs, je ne suis pas convaincue que la protonotaire ait appliqué des principes incorrects ou ait eu égard à des questions non pertinentes. Après avoir examiné les motifs à la lumière des préoccupations particulières soulevées par les demanderesses, je suis également convaincue que la protonotaire Tabib n’a pas mal apprécié les faits et n’était pas manifestement dans l’erreur en ce qui concerne ses conclusions particulières. Je n’ai pas l’intention de revoir chacune de ces conclusions sauf en ce qui concerne deux affidavits particuliers proposés en contre-preuve qui ont été plaidés en détail devant moi.

 

a)    La contre-preuve par sondage du Dr Chakrapani

[32]   Une question de la procédure relative à l’AC est de savoir si la monographie de produit d’Apotex inciterait les médecins et les pharmaciens à contrefaire le brevet en question. En ce qui concerne cette question, les demanderesses ont inclus, dans ses affidavits en date du 4 août, une preuve par sondage du Dr Corbin. Apotex a répondu par l’affidavit de M. Klein, dans lequel il a critiqué le modèle et la méthode de sondage adoptés par le Dr Corbin. Dans sa réponse proposée, les demanderesses ont présenté un affidavit du Dr Chakrapani, qui répond aux critiques. L’argument des demanderesses devant la protonotaire et devant moi, sur appel, est que cette preuve, d’un tiers objectif, est nécessaire pour mettre tous les renseignements nécessaires devant la Cour. En outre, l’étendue des critiques de M. Klein ne pouvait pas être anticipée.

 

[33]   Sur l’admission de l’affidavit du Dr Chakrapani, la protonotaire a conclu que [traduction] « les inconvénients associés à l’introduction d’une preuve restreinte par affidavit d’un nouvel expert l’emportent sur toute utilité éventuelle de cette preuve présentée sous forme d’affidavits complémentaires ». Ses motifs étaient les suivants :

 

  • Une deuxième opinion sur le modèle et la méthode de sondage « aurait pu et aurait dû être présentée à la première instance ».

 

  • L’introduction d’un nouvel expert ajouterait aux délais et à la complexité de la procédure.

 

  • Le contenu des affidavits proposés est, pour la plupart, « argumentatif et inutile ».

 

  • Les faits ou les opinions présentés dans cet affidavit ne sont pas nécessaires à la détermination des questions dont est saisie la Cour.

 

  • Tout fait ou opinion utile porte sur les éléments et les principes de base de la mise en œuvre d’un modèle de sondage et pourrait être mis au jour dans le contre-interrogatoire.

 

[34]   Bien qu’il soit vrai que la jurisprudence indique qu’une contre-preuve de cette nature a été allouée (voir Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé) 2006 CF 790, aux paragraphes 11, 51; AB Hassle c. Apotex (2003), 30 C.P.R. (4e) 519 à la page 527, au paragraphe 32 (CF)), cela ne veut pas dire que ce type de preuve sera toujours admis. Comme elle le démontre amplement dans ses motifs, la protonotaire Tabib était consciente, et a bien appliqué, le critère général pour l’admission de la preuve par affidavit telle que définie dans Atlantic Engraving. Aucune des décisions citées par les demanderesses ne prétend l’emporter sur les critères; elles laissent plutôt entendre que l’admission d’affidavits en contre-preuve qui précise la méthode du sondage peut être pertinente dans certaines circonstances. 

 

[35]   En fait, les demanderesses sont à la recherche d’une nouvelle pondération des facteurs. Elles n’ont pas indiqué d’erreur manifeste de la part de la protonotaire Tabib.

 

b) Réponse du Dr Fennerty

[36]   Une autre question dans la procédure relative à l’AC est la prédiction valable. Les demanderesses soutiennent que les paragraphes 23 à 36 de la contre-preuve proposée du Dr Fennerty répondent à la preuve présentée par l’expert d’Apotex, le Dr Howden, qui soulève des allégations de prédiction non valable qui ne figuraient pas à l’avis des allégations (AA). À leur avis, l’AA ne fait qu’affirmer que H.pylori ne réside pas dans les environnements plus acides du tube digestif – une allégation qui est vague et dépourvue de sens. L’expert d’Apotex, le Dr Howden, en soulevant l’allégation plus spécifique que la partie intracavitaire de l’estomac est un endroit où H.pylori ne réside pas, soulève un argument qui ne se trouve pas dans l’AA.

 

[37]   Il est évident que la protonotaire Tabib pensait que, en introduisant un nouveau fondement pour aborder la question de la prévision valable, [traduction] « les demanderesses scindent effectivement leur preuve »; pour cette raison, elle a refusé la demande. En tirant cette conclusion, il est évident qu’elle a pris en compte et rejeté l’argument des demanderesses que l’allégation traitée par la réponse proposée n’avait pas été soulevée dans les AA. Simplement dit, elle a conclu que l’AA n’était pas insuffisante, et que les demanderesses auraient pu mettre la contre-preuve proposée dans leur preuve par affidavit initiale. Sur les faits, je ne vois aucune erreur manifeste.

 

Conclusion

[38]   En conclusion, je ne suis pas convaincue qu’il y ait eu d’erreur dans la décision de la protonotaire Tabib qui justifie l’adoption de cette requête. Ses décisions de refuser l’admission de certaines des contre-preuves par affidavit proposées n’étaient pas manifestement erronées.

 

[39]   La requête sera refusée avec dépens en faveur d’Apotex quelle que soit l’issue de la cause. Dans les circonstances, je ne vois aucune raison pour accorder la demande de frais d’Apotex selon un barème plus élevé. Les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales.


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que :

 

  1. la requête sest rejetée;

 

  1. les dépens de cette requête sont accordés à Apotex, quelle que soit l’issue de la cause, et sont taxés conformément à la colonne II du tarif B des Règles des Cours fédérales.

 

 

     “Judith A. Snider”

_____________________________

                            Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-427-06

 

INTITULÉ :                                       SOLVAY PHARMA INC. ET AUTRES c.

                                                            APOTEX INC. ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 septembre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        La juge Snider

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 septembre 2007

 

                                                           

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Kevin Sartorio                                                                   POURE LES DEMANDERESSES

 

 

Me David Lederman                                                                POUR LA DÉFENDERESSE,

                                                                                               APOTEX INC.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP                         POUR LES DEMANDERESSES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

GOODMANS LLP                                                                POUR LA DÉFENDERESSE,

Avocats                                                                                  APOTEX INC.

Toronto (Ontario)

 

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