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Date : 20070801

Dossier : T-2080-05

Référence : 2007 CF 809

Ottawa (Ontario), le 1er août 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

 

ENTRE :

GREGORY ALLAN MACDONALD

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Introduction

[1]               M. Gregory Allan MacDonald (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 novembre 2005 par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) relativement à sa demande en vue d’obtenir des prestations de pension en application de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6. Le demandeur a sollicité des prestations de pension par rapport aux problèmes avec son genou droit, en particulier le dysfonctionnement interne de son genou et son état variqueux. 

[2]               L’objet de la présente demande de contrôle judiciaire est la décision que le Tribunal a rendue dans l’exercice de la compétence que lui confère la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.R.C. 1995, ch. 18, en sa version modifiée (la Loi sur le TACRA).

 

II.  Contexte

[3]               Les faits suivants sont tirés du dossier du Tribunal (le d.t.) qui a été déposé conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[4]               Le demandeur a été membre des Forces régulières canadiennes du 2 septembre 1965 au 18 juin 1975. Le 24 novembre 1998, il a présenté une demande à Anciens combattants Canada, en vue d’obtenir une pension d’invalidité en raison du dysfonctionnement interne de son genou droit et de son état variqueux. Il a prétendu qu’il y avait droit en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions puisque son état était consécutif ou rattaché directement à son service militaire. Il a attribué cet état à une blessure survenue en 1968 alors qu’il jouait au football pour le Collège militaire royal (CMR) à Saskatoon (Saskatchewan).

 

[5]               Par lettre datée du 29 décembre 1999, le ministre a conclu que la demande du demandeur fondée sur l’état variqueux de son genou droit ne donnait pas droit à une pension en application du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Il était précisé dans la lettre que les documents concernant le service militaire de M. MacDonald ne faisaient qu’une seule fois allusion à l’état allégué, soit dans un rapport de la commission médicale daté du 18 juin 1975, signalant une légère varicosité à la jambe droite. La lettre faisait aussi référence à une note du Dr St-Arnaud en date du 20 mai 1999 dans laquelle il était inscrit que les varices [traduction] « derrière le genou droit pouvaient résulter de la blessure subie en septembre 1969 ».

[6]               Le 7 avril 2000, le ministre a déterminé que le dysfonctionnement interne du genou droit du demandeur ne donnait pas droit à une pension en application du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. La lettre fait mention de blessures au genou droit survenues en 1966 et indique qu’aucune plainte n’a été consignée concernant ce genou avant l’été 1999. Le ministre a conclu que la blessure survenue en 1966 était [traduction] « de nature temporaire et n’a pas entraîné une invalidité permanente » (d.t. pages 248-249).

[7]               Le demandeur a demandé la révision des deux décisions en application de l’article 20 de la Loi sur le TACRA. L’audience en révision de l’admissibilité a eu lieu le 27 avril 2000 relativement à son état variqueux. Selon la décision rendue à l’issue de cette audience, (d.t. pages 282-289), le Tribunal a examiné le rapport du Dr St-Arnaud, ainsi que les renseignements médicaux contenus au dossier du demandeur. En rejetant la demande de prestations de pension relativement à cette blessure, le Tribunal s’est exprimé ainsi : 

[traduction] De plus, le Tribunal n’a trouvé aucun rapport médical concernant une blessure subie en 1968 à la suite d’un coup au genou droit et la seule mention de ce problème se trouve dans un carnet de visites médicales daté du 4 janvier 1966 qui donne un historique de la blessure au genou droit au cours de la semaine précédente. À ce moment, une radiographie a été prise et le genou était considéré comme normal. La deuxième blessure au genou droit a été consignée le 24 janvier 1966 et il était indiqué que le demandeur était tombé sur le genou droit au cours de la journée de samedi et qu’il présentait une enflure, mais aucune douleur. Rien n’indique un problème persistant au genou droit entre 1966 et 1999 et, par conséquent, le Tribunal a conclu que la blessure survenue en 1966 était de nature temporaire et n’a pas entraîné une invalidité permanente.

 

En se fondant sur le témoignage du demandeur, le Tribunal admet que le demandeur faisait partie de l’équipe représentant le Collège royal militaire de Kingston en 1968, mais ne peut trouver aucun élément de preuve médical reliant l’état variqueux aux blessures subies au genou droit. De plus, le Tribunal ne trouve aucun rapport des blessures ni aucune conclusion médicale concernant une blessure survenue en 1968. Par conséquent, en se fondant sur la preuve, le Tribunal est arrivé à la conclusion que l’état variqueux ne donnait pas droit à une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. (d.t. pages 268-271)



[8]               Une audience en révision de l’admissibilité s’est tenue le 27 juin 2000 relativement à l’état du genou droit du demandeur. Dans sa décision à cet égard, le Tribunal a examiné les pièces suivantes déposées à titre d’éléments de preuve :  (d.t. pages 268-271)

Pièce M-1 :  Lettre du Dr David G. Wiltshire, FRCS(C), chirurgie orthopédique – en date du 20 juin 2000;

 

Pièce M-2 :  Carnet de visites médicales en date du 24 janvier 1966;

 

Pièce M-3 :  Basketball – texte et photos 1966-67, 1966-67, 1965-66 (3 pages);

 

Pièce M-4 :  Équipe de football Redmen – texte et photos 1968 (2 pages);

 

Pièce M-5 :  Lettre de Roger B. Tucker en date du 14 juin 2000;

 

Pièce M-6 :  Lettre de C.W. Badcock en date du 20 juin 2000, entraîneur et physiothérapeute de l’équipe.

 

[9]               Le Tribunal a fait les remarques suivantes avant de formuler sa conclusion selon laquelle l’état de santé faisant l’objet de la plainte n’ouvrait pas droit à une pension en application du paragraphe 21(2) et de l’alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions :

[traduction] Lors de sa révision, le Tribunal a constaté ce qui suit :

 

- la première mention d’un problème au genou droit a été inscrite dans un carnet de visites médicales en date du 4 janvier 1966 et une radiographie prise le même jour montre un genou droit normal;

 

- une deuxième blessure au genou droit qui présentait une enflure, mais aucune douleur n’a été déclarée le 24 janvier ;

 

- aucune autre plainte ou blessure au genou droit n’a été signalée durant le service militaire. De plus, le rapport de la commission médicale en date du 18 juin 1975 ne comporte aucune plainte ou mention relativement à un problème au genou droit.

 

Dans son examen de la preuve, le Tribunal a aussi remarqué que le demandeur ne s’était plaint d’une douleur au genou droit qu’à compter de l’été 1999 et que la douleur était apparue pendant qu’il faisait du jogging et jouait au golf. Le premier diagnostic d’un dysfonctionnement du genou droit remonte à l’automne 1999.

 

Il faut rappeler également qu’aucun rapport sur les blessures subies lors de l’accident de football en 1968 n’a été soumis au Tribunal, ni aucune preuve documentaire d’une autorité responsable confirmant que l’activité avait été autorisée ou organisée, ni aucune expertise médicale objective et descriptive établissant un lien entre l’état de santé actuel et les facteurs reliés au service militaire.

 

À la lumière des observations qui précèdent, en l’absence d’une continuité des plaintes sur une période de plus de trente ans, et en vertu du paragraphe 21(2) et de l’alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions, le Tribunal doit refuser le droit à pension. (d.t. pages 269-270)




[10]           Une audience en révision de l’admissibilité s’est tenue le 27 avril 2000 relativement à l’état variqueux du demandeur, et une autre le 27 juin 2000, relativement à son problème au genou droit. À l’issue de chaque audience, le Tribunal a rejeté les demandes du demandeur. Le demandeur a interjeté appel des deux décisions relatives à la révision de l’admissibilité.

[11]           L’appel concernant le droit à pension, qui portait sur les deux problèmes de santé, c’est-à-dire le dysfonctionnement interne du genou droit et l’état variqueux, a été entendu le 21 novembre 2000. Le Tribunal a rendu sa décision le 21 novembre 2000, et a examiné chaque plainte séparément (d.t. pages 321-327).

[12]           En ce qui concerne le dysfonctionnement interne du genou droit, le Tribunal a rejeté la demande pour insuffisance de preuve, déclarant ce qui suit :

[traduction] D’après son témoignage, l’appelant a subi une blessure au genou droit en 1968 alors qu’il jouait au football pour le Collège militaire royal; toutefois, aucune preuve documentaire n’a été présentée au Tribunal afin de montrer qu’il a souffert d’une blessure importante au genou droit en 1968 ou à tout autre moment durant son service en temps de paix, ce qui permettrait d’établir que le dysfonctionnement interne du genou droit résulte ou a été aggravé de façon permanente par son service militaire. C’est seulement en 1999, selon la preuve au dossier, que l’appelant a signalé une douleur croissante au genou quand il faisait du jogging.

 

Pour l’examen de l’opinion du Dr Wiltshire datant de juin 2000 selon laquelle l’appelant souffrait d’une ancienne déchirure du LCA du genou droit, le Tribunal ne disposait d’aucune preuve médicale ou documentaire permettant de faire un lien entre le ligament déchiré et la blessure survenue en jouant en football pendant son service en temps de paix trente ans auparavant. 

 

Par conséquent, vu qu’il n’existe ni preuve d’une blessure importante, ni preuve médicale objective établissant un lien entre l’état de santé allégué et le service militaire, le Tribunal pense que l’état de santé allégué n’est pas consécutif ou directement rattaché au service de l’appelant au sein de la Force régulière et confirme la décision rendue le 27 juin 2000 par le comité d’examen de l’admissibilité. (d.t. page 323)

 



[13]           En rejetant l’appel relativement à la plainte sur l’état variqueux, le Tribunal s’est référé à la note du Dr St-Arnaud datée du 20 mai 1999, dans laquelle il dit :

[traduction] Varices derrière le genou droit. Pourraient résulter de la blessure subie à Saskatoon en 1969.



[14]           Le Tribunal a noté que l’avocat l’avait informé qu’en renvoyant à l’année 1969, le Dr St-Arnaud s’était trompé et qu’il parlait de la blessure subie en 1968. Toutefois, le Tribunal a conclu que la preuve présentée n’étayait pas cette prétention et a dit ce qui suit :

 

[Traduction] Pour ce qui est de la demande selon laquelle l’état variqueux du demandeur découle d’une blessure subie en service, plus particulièrement lors d’un match de football en 1968, le Tribunal n’a pu trouver aucune preuve documentaire étayant la demande puisqu’il n’existe aucune preuve médicale d’une blessure importante au genou droit ou à la jambe survenue en service qui permettrait d’établir directement que l’état variqueux résulte ou a été aggravé de façon permanente par le service en temps de paix.

 

Par conséquent, compte tenu de la preuve, le Tribunal pense que l’état allégué n’était pas consécutif, ni directement rattaché au service en temps de paix de l’appelant pour l’application du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Le Tribunal confirme la décision rendue le 27 avril 2000 par le comité de révision de l’admissibilité. 

 

Pour en arriver à sa décision, le Tribunal a examiné attentivement l’ensemble de la preuve, les dossiers médicaux et les observations présentées par le représentant et il s’est pleinement acquitté de l’obligation imposée par la loi de trancher en faveur du demandeur ou de l’appelant toute incertitude quant à la preuve qu’il apprécie, le tout conformément aux articles 3 et 39 de la Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel) (d.t. page 325).



[15]           Dans son dispositif de l’appel concernant le droit à pension, le Tribunal s’est référé aux articles 25 et 26 de la Loi sur le TACRA, régissant les appels, ainsi qu’aux articles 3 et 39, concernant l’interprétation de la Loi.

[16]           Le 24 mai 2001, le demandeur a demandé, en vertu de l’article 32 de la Loi sur le TACRA, le réexamen de la décision du Tribunal rendue le 21 novembre 2000. Dans sa lettre, écrite par un membre du Bureau des services juridiques des pensions, il demandait le réexamen sur le fondement d’une nouvelle preuve produite pour son compte. La nouvelle preuve consiste en un avis de demande de contrôle judiciaire qui a été déposé par le demandeur à la Cour fédérale du Canada, dans la cause numéro T-20-01. Dans cette procédure, le demandeur sollicitait le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal rendue le 21 novembre 2000, qu’il a reçue le 22 décembre 2000. 

[17]           La nouvelle preuve comprenait également l’affidavit détaillé déposé par le demandeur à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire et un avis de désistement par rapport à cette demande. Au nombre des pièces jointes à l’affidavit du demandeur figure un rapport opératoire préparé par le Dr David Wiltshire par suite de la chirurgie arthroscopique pratiquée sur le genou droit du demandeur, le 23 novembre 1999. 

 

[18]           L’affidavit inclut aussi des déclarations non assermentées de collègues qui étudiaient avec le demandeur au CMR à l’automne 1968. M. Lorne McCartney, M. Roger B. Tucker, M. David Shaw, M. Robert B. Mitchell, colonel à la retraite du RCHA, et M. John Carlson ont transmis des déclarations par lettre ou par courriel, dans lesquelles ils disaient se souvenir de la  blessure au genou subie par le demandeur en 1968 lors d’un match de football à Saskatoon.

 

[19]           Le demandeur a aussi fourni, comme pièces jointes à l’affidavit, des lettres de deux autres camarades de classe qui faisaient référence à sa blessure « de façon anecdotique ». Ces pièces se trouvent aux pages 279 et 280 du dossier du Tribunal.

[20]           Le demandeur a abordé la question du manque de preuve au paragraphe 22 de son affidavit dans les termes suivants :

 

[traduction] Le « manque de preuve d’une importante blessure » est attribuable au fait que mes dossiers médicaux pour la période allant d’avril 1968 à novembre 1968 ont disparu. Il n’existe aucune mention d’une coupure sévère au niveau de la région lombaire survenue en mai 1968, ce qui m’a obligé à rater la cérémonie de finissants du CMR, et aucune inscription relativement aux traitements reçus pendant l’été, alors que je m’entraînais avec l’équipe, et aux nombreux traitements reçus à l’automne de la même année. Je portais un bandage mis en place par Chuck Badcock, le physiothérapeute de l’équipe, à la plupart des pratiques et pour chacun des matchs de l’automne. La perte de mes dossiers est totalement indépendante de ma volonté. (d.t. page 231)



[21]           Le demandeur a joint, comme pièce 12, des copies de la correspondance échangée relativement à sa demande visant à obtenir des copies de ses dossiers médicaux alors qu’il faisait partie des forces armées. Les dossiers n’ont pas été produits et il semble qu’ils ont été perdus ou détruits. Dans un courriel du 1er mars 2001, M. Ross McKenzie, collègue du demandeur, a affirmé que le Collège avait déchiqueté les vieux dossiers des années 1960 (d.t. page 314).

 

[22]           Le demandeur a aussi communiqué une déclaration de M. C.W. Badcock, le physiothérapeute de l’équipe qui a traité sa blessure en 1968. Cette déclaration se trouve à la page 291 du dossier du Tribunal et mentionne ce qui suit :

[traduction] La personne susmentionnée jouait pour l’équipe de football représentant le CMR en 1968 et 1969. Pendant cette période, j’étais l’entraîneur et le physiothérapeute de l’équipe et j’administrais divers traitements à plusieurs joueurs. Tous les traitements étaient inscrits sur des documents qui devaient faire partie de leur dossier médical et je suis troublé par l’apparente disparition des dossiers de M. MacDonald.

 

Je ne me rappelle pas du match en particulier pendant lequel M. MacDonald s’est blessé au genou droit, mais je me souviens lui avoir appliqué des bandages élastiques adhésifs sur le genou droit à plusieurs occasions au cours de la saison 1968, et je ne l’aurais pas fait s’il  n’avait pas été blessé. 



[23]           La décision de réexamen du Tribunal a été rendue le 12 février 2002. Le Tribunal indique que la nouvelle preuve produite par le demandeur consiste en sa demande de contrôle judiciaire et en l’avis de désistement produit le 5 février 2001 à l’égard de cette demande. Le Tribunal mentionne une lettre du Dr Wiltshire, en date du 11 janvier 2001, qui faisait partie de la pièce R1-Ex-M1 et dont voici un extrait :

 

[traduction] Je n’ai traité M. MacDonald qu’en 1999 et je n’ai aucune connaissance personnelle de la blessure dont il fait état, mais je puis affirmer sans équivoque que la nature de la déchirure observée au moment de pratiquer l’intervention chirurgicale à son genou droit s’accordait avec une blessure subie jusqu’à 30 ans auparavant (d.t. page 212).



[24]           Le Tribunal a formulé les observations suivantes sur l’information médicale disponible : 

[traduction] La seule information médicale actuelle dont dispose le tribunal et qui se rapporte à l’état du genou droit du demandeur est une radiographie datée du 10 décembre 1998, qui n’a révélé aucune anomalie osseuse ou articulaire au genou droit, ainsi qu’un rapport d’examen médical daté du 23 avril 1999 et signé par le

Dr St-Arnaud, qui, après examen du genou droit, avait mentionné :

 

- léger épanchement au genou droit

- instabilité du genou droit, niveau 2, MCL

- jeu d’articulation actif et passif, complet et sans douleur (d.t. page 212)



[25]           Le Tribunal a aussi commenté les déclarations faites par des collègues du demandeur : 

[traduction] […] Cependant, le tribunal imagine que, si la déchirure partielle du ligament s’était produite en 1968, il y aurait eu des plaintes et/ou des traitements, fût-ce par intermittence au fil des ans. Il n’a été consigné ni traitement ni plainte jusqu’en 1998. Par ailleurs, l’absence au genou droit du moindre changement dégénératif ou de la moindre arthrose, ainsi que le montrent l’arthroscopie et la radiographie 30 ans après la déchirure ligamentaire, semblerait attester une lésion plus récente du LCA […] (d.t. page 214)

 



[26]           Le Tribunal a pris en considération l’avis du Dr Wiltshire selon lequel la lésion au LCA du genou droit s’accordait avec une blessure subie 30 ans auparavant, mais a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une explication sur la manière de « faire la distinction entre la déchirure récente d’un ligament et une autre déchirure nettement plus ancienne, c’est-à-dire remontant à 30 ans » (d.t. page 214).

[27]           Le Tribunal a aussi pris en considération l’élément de preuve offert par le Dr St-Arnaud, c’est-à-dire une note du 20 mai 1999 portant sur l’état variqueux du demandeur et s’est exprimé ainsi :

[traduction] Pour ce qui est de l’état variqueux du demandeur, le tribunal remarque une note manuscrite du Dr St-Arnaud en date du 20 mai 1999, dans laquelle il dit : 

 

Varices derrière le genou droit. 

Pourraient résulter de la blessure subie à Saskatoon en 1969. 

 

Le tribunal a examiné l’opinion du Dr St-Arnaud; cependant, en l’absence d’une explication du lien entre l’état variqueux et le service dans la force régulière, le tribunal refusera le droit à pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. (d.t. page 214)

 

 

Le Tribunal a confirmé la décision du comité d’appel et a rejeté la demande de prestations de pension du demandeur.

[28]           Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de révision dans la cause numéro T-609-02. Le juge Lemieux a accueilli la demande dans les motifs de l’ordonnance qu’il a rendue le 30 octobre 2003, 2003 CF 1263, et a renvoyé l’affaire à une nouvelle formation du Tribunal pour réexamen. La Cour a conclu que le Tribunal avait tiré à tort des conclusions médicales :

[24] En bref, le tribunal a fait une incursion en territoire interdit en tirant des conclusions médicales qui ignoraient des preuves crédibles et non contredites, alors qu’il n’avait aucune compétence médicale propre et qu’il avait la possibilité d’obtenir et de partager des avis médicaux indépendants sur les aspects qui l’embarrassaient.



[29]           La Cour a exprimé dans les termes suivants les réserves qu’elle avait à propos de l’omission du Tribunal de commenter la perte du dossier médical du demandeur:

[25] Mes conclusions suffisent à disposer de cette demande, mais j’ajouterais que je suis troublé de ce que le tribunal ne se soit pas exprimé sur la preuve qui montrait que M. MacDonald avait été traité immédiatement après sa blessure lors du match et que, durant une période critique (mai à novembre 1968), son dossier médical avait été égaré par l’état-major de la Défense.

[30]           Une nouvelle audience portant sur la décision de révision s’est tenue en septembre 2005. Lors de cette audience, le demandeur était représenté par un avocat du Bureau des services juridiques des pensions. Toutefois, il a demandé à formuler lui-même des observations, en plus de celles présentées par l’avocat.

[31]           La preuve présentée au Tribunal lors de l’audience de réexamen comprenait les décisions antérieures, ainsi que la preuve testimoniale et documentaire relative à ces décisions. Le Tribunal a reconnu l’existence d’autres documents, dont un rapport médical du Dr William D. Stanish, FRCS(C), FACS, chirurgien orthopédique d’Halifax (Nouvelle-Écosse), un rapport médical daté du 31 mai 2005 préparé par le Dr David Wiltshire et un rapport médical du 15 juin 2005 préparé par le  Dr Andrew Jordan.

[32]           Le rapport du Dr Stanish a été demandé par le Tribunal à titre d’avis médical indépendant conformément au paragraphe 38(1) de la Loi sur le TACRA. Dans son rapport daté du 7 septembre 2004, le Dr Stanish a exprimé l’opinion que les problèmes du demandeur par rapport à son genou droit ne sont pas associés à la blessure subie lors d’un match de football en 1968. Il a dit avoir examiné le dossier médical qui lui avait été donné et a noté que [traduction] « semble-t-il que le dossier médical couvrant la période de mai à novembre 1968 n’est pas disponible » (d.t. page 28).

[33]           Le demandeur a transmis une copie du rapport du Dr Stanish au Dr Wiltshire qui a ensuite rédigé un autre rapport daté 31 mai 2005 dans lequel il se rapporte à l’opinion du Dr Stanish. Dr Wiltshire a maintenu son opinion selon laquelle le problème au genou droit du demandeur était associé à la blessure subie en 1968 :

[traduction] D’après sa déclaration, M. MacDonald a subi une blessure au genou droit en 1966, et une autre lors d’un match de football en 1968. Je pense qu’il est possible, et peut-être même probable qu’il ait souffert d’une déchirure partielle au ligament croisé antérieur. Il est aussi possible qu’à ce moment-là, il ait souffert d’une petite déchirure subaiguë du ménisque interne, qui aurait pu survenir dans la zone blanche interne et demeurer présente de façon minimalement symptomatique jusqu’à ce que je l’examine en 1999. Il s’agit de possibilités et pas nécessairement de probabilités. 

 

Les examens physiques auxquels on a procédé par suite de la blessure et qui sont documentés dans les dossiers des forces armées ne révèlent aucun symptôme au genou droit. Il faut évidemment prendre en considération que M. MacDonald était officier des forces armées, qu’il était très motivé, qu’il aurait voulu être considéré médicalement apte à exercer ses fonctions, soit comme pilote, soit comme membre des forces sous-marines et il ne se serait probablement pas plaint d’un problème qui ne l’aurait pas handicapé physiquement.

 

Je conviens que, en 1999, mes constatations arthroscopiques ne révélaient aucune preuve d’une blessure au ménisque, mais il est possible que je n’aie pas vu la déchirure au ménisque, particulièrement si elle se trouvait dans la zone blanche.

 

Je conviens qu’à chaque examen, je n’ai remarqué aucune laxité ligamentaire sérieuse du genou, ni dans les ligaments collatéraux ni dans les ligaments croisés. Toutefois, il y a une déchirure partielle du ligament croisé antérieur, vraisemblablement causée par la blessure au genou datant de 1968. Le Dr Stanish pense que la douleur et la pathologie au genou droit interne de M. MacDonald sont courants chez les hommes de plus de 40 ans et je suis d’accord. Il ne croit pas que ce problème soit relié à la blessure subie lors d’un match de football en 1968, mais je ne pense pas que nous puissions éliminer complètement cette possibilité. J’estime que M. MacDonald devrait avoir le bénéfice du doute compte tenu de l’historique de la blessure au genou droit interne survenue pendant qu’il était dans les forces armées qui est bien documenté. (d.t. pages 37-38)



[34]           Le rapport du Dr Jordan a traité de l’état variqueux du demandeur. Sa lettre est courte et rédigée dans les termes suivants :

[traduction] Greg est un homme de 58 ans que j’ai vu dans le cadre de ma pratique générale à Merrickville. Il était dans l’armée et, pendant sa période de service, il a subi une blessure grave au genou droit. Sa première blessure remonte à 1968. D’autres problèmes reliés à sa blessure ont nécessité plusieurs arthroscopies au même genou en 1999.

 

Actuellement, il présente de nombreuses varices isolées dans la partie inférieure de la jambe droite. Je suis d’accord avec Greg lorsqu’il affirme que ces varices sont directement attribuables à la blessure grave qu’il a subie au genou en 1968. Je pense qu’il devrait avoir droit à une prestation supplémentaire à cet égard. Les veines sont très enflées et par conséquent, il ressent une sensation de lourdeur et de la douleur. (d.t. page 39)



[35]           Le Tribunal a de nouveau rejeté la demande du demandeur. Tout d’abord, le Tribunal a rejeté l’argument du demandeur selon lequel il pouvait, sur le plan de l’équité procédurale, présenter ses « observations et arguments » oraux en plus des arguments présentés par son avocat en son nom.

 

[36]           Ensuite, le Tribunal a statué que le problème au genou droit et l’état variqueux du demandeur n’étaient ni consécutifs ni rattachés directement à son service en temps de paix dans la force régulière, et par conséquent, ne constituaient pas des invalidités ouvrant droit à une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Le Tribunal a dit avoir examiné les décisions antérieures prononcées dans le cadre de la présente demande et l’ensemble de la preuve, notamment la preuve testimoniale et documentaire, ainsi que la nouvelle preuve dont il a été saisi. Cette dernière comprenait un rapport médical du Dr William D. Stanish daté du 7 septembre 2004, un rapport médical du Dr Wiltshire daté du 31 mai 2005 et un rapport médical du Dr Andrew Jordan daté du 15 juin 2005. De plus, le Tribunal a examiné divers documents médicaux de référence traitant des varices et du dysfonctionnement interne des genoux.

 

[37]           Le Tribunal a reconnu que le demandeur a été blessé au genou lors d’un match de football en 1968, mais a conclu que les notes et lettres médicales produites par le demandeur n’étaient pas crédibles au motif

[traduction] […] qu’elles n’étaient fondées sur aucun antécédent médical documenté et ressemblaient davantage à des suppositions et/ou elles ne donnaient pas une explication satisfaisante sur la façon dont les médecins sont arrivés à former leur opinion. (d.t. page 10)

 

[38]           Le Tribunal a aussi décidé qu’il était déraisonnable de conclure qu’une blessure qui n’a pas empêché le demandeur de participer

[traduction] […] aux matchs de football pour le restant de la saison, et qui n’a pas donné lieu à des plaintes, conclusions ou traitements médicaux consignés pour les quelque 31 années qui ont suivi, pourrait être considérée comme suffisamment grave pour entraîner les invalidités dont il souffrirait actuellement. (d.t. page 10)

 

 

[39]           Le Tribunal a conclu que la preuve médicale présentée par le demandeur était faible, plus particulièrement le rapport médical rédigé par le Dr David G. Wiltshire le11 janvier 2001 et la note en date du 20 mai 1999 du Dr Louis St-Arnaud.

[40]           Le Tribunal a finalement conclu que l’opinion du Dr Stanish était crédible et que celle du Dr Wiltshire ne l’était pas. Le Tribunal s’est demandé si le Dr Wiltshire avait eu accès aux dossiers du service militaire et s’est exprimé ainsi :

[traduction] … le rapport médical doit comporter un historique ou une anamnèse suffisamment fidèle pour constituer un élément de preuve vraisemblable selon l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). (d.t. pages 12-13)

 



[41]           En ce qui concerne l’état variqueux du demandeur, le Tribunal a conclu à l’absence d’« invalidité » permanente au sens de l’article 3 de la Loi. Il s’est également prononcé sur le manque de [traduction] « preuve vraisemblable fondée sur l’historique actuel de l’affection » visant à démontrer qu’elle résulte du service militaire du demandeur.

[42]           Par conséquent, le Tribunal a rejeté la demande de pension du demandeur relativement au dysfonctionnement interne du genou droit et à son état variqueux.

 

III.  Observations des parties
i)          Les observations du demandeur

[43]           Le demandeur soulève d’abord une question d’équité procédurale. Il prétend que le Tribunal a contrevenu à un principe de justice naturelle en lui refusant la possibilité de présenter des observations en plus de celles présentées par son avocat. Il soutient qu’il peut présenter des observations aux termes de l’article 28 de la Loi et qu’il est important qu’il puisse le faire, car sa crédibilité est en jeu. En particulier, le demandeur affirme que le Tribunal s’est questionné sur sa crédibilité en raison de la perte des rapports médicaux pour la période de mai à décembre1968.

 

[44]           Le demandeur prétend ensuite que le Tribunal a commis une erreur dans sa décision en tirant une conclusion médicale. À cet égard, le demandeur affirme que le rapport du 31 mai 2005 rédigé par le Dr Wiltshire explique la blessure particulière dont il a souffert au genou droit et qu’il s’agit de la première explication de ce genre versée au dossier. Il soutient que le rapport médical original préparé par le Dr Stanish en 2004 ne reposait que sur les renseignements figurant au dossier à cette époque et que le Dr Stanish n’a pas pu bénéficier de ce nouvel élément de preuve, c’est-à-dire du dernier rapport du Dr Wiltshire.

 

[45]           Comme le Tribunal n’a pas transmis au Dr Stanish ni à tout autre expert médical le rapport du 31 mai 2005 rédigé par le Dr Wiltshire, le demandeur fait valoir que le Tribunal a tiré à tort une conclusion médicale plutôt qu’une conclusion au sujet de la crédibilité quand il a rejeté le rapport du Dr Wiltshire.

[46]           Le demandeur prétend également que le Tribunal a appliqué incorrectement les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA. Selon lui, le Tribunal a commis une erreur en décidant qu’un rapport médical doit comporter un historique ou une anamnèse suffisamment fidèle pour constituer un élément de preuve vraisemblable selon l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Le demandeur souligne que le Tribunal a reconnu le Dr Wiltshire comme étant un spécialiste, mais a ensuite établi que son rapport n’était pas crédible.

[47]           Le demandeur a affirmé que M. Lorne McCartney, M. Roger Tucker, M. David Shaw et M. Bruce Mitchell, ainsi que lui-même, ont présenté au Tribunal des éléments de preuve non contredits. Il soutient qu’il a subi la blessure qu’il affirme avoir subie, mais que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la crédibilité de cette preuve, et qu’il ne l’a donc pas retenue.

[48]           Le demandeur soutient que le Tribunal a eu tort de conclure que l’opinion du Dr Stanish était crédible malgré le fait que ce dernier se soit fondé sur les seuls documents disponibles au moment où il a rédigé son rapport en septembre 2004, sans pouvoir examiner le rapport du Dr Wiltshire datant de mai 2005 ou les dossiers médicaux égarés. 

 

[49]           Le demandeur prétend qu’en ne retenant pas un élément de preuve vraisemblable, le Tribunal a omis de résoudre tout doute en sa faveur et d’accorder l’importance voulue à sa preuve comme l’exigent les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA. 

 

ii)         Les observations du défendeur

[50]           Selon le défendeur, le refus du Tribunal d’autoriser le demandeur à présenter des observations en plus de celles présentées par son avocat en son nom ne constitue pas, contrairement à ce que soutient le demandeur, un manquement à l’équité procédurale. 

 

[51]            Ensuite, le défendeur prétend que le Tribunal n’a fait aucune erreur susceptible de révision dans l’appréciation de la preuve dont il disposait. Il soutient que le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions exige le respect de deux conditions avant que le demandeur puisse recevoir la pension demandée, notamment : (i) il doit souffrir d’une invalidité causée par une blessure, et (ii) la blessure doit être rattachée directement à son service militaire.

 

[52]           Le défendeur fait remarquer que les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA établissent des lignes directrices larges et fondées sur l’objet visé que doit suivre le Tribunal, mais que ces lignes ne dispensent pas le demandeur du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité est consécutive ou rattachée à son service militaire. À cet égard, le défendeur invoque la décision Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 133, par. 22 et 24.

 

[53]           En l’espèce, le défendeur affirme que la preuve était suffisante pour permettre au Tribunal de conclure que la blessure subie par le demandeur lors d’un match de football en 1968 n’était pas suffisamment grave pour causer l’invalidité alléguée en l’espèce. En particulier, la conclusion du Tribunal est étayée par son appréciation des rapports du Dr Wiltshire et du Dr St-Arnaud, son analyse du rapport du Dr Stanish, et l’historique médical du demandeur, y compris les documents de sortie datant de 1975.

 

IV.  Analyse et décision

[54]           Le demandeur soulève deux questions dans la présente demande. La première est une question d’équité procédurale relativement à la décision du Tribunal de rejeter sa demande de présenter des arguments, en plus d’être représenté par un membre du Bureau des services juridiques des pensions. La deuxième question porte sur le rejet de sa demande par le Tribunal, compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité du rapport du Dr Stanish, en comparaison des autres éléments de preuve produits, y compris le rapport du Dr Wiltshire et celui du Dr St. Arnaud.

[55]           Il faut avant tout déterminer la norme de contrôle applicable suivant une analyse pragmatique et fonctionnelle. En procédant à cette analyse, il faut tenir compte des quatre facteurs suivants : la présence ou l’absence d’une clause privative; l’expertise du tribunal; l’objet de la loi et de la disposition législative précise; et la nature de la question en litige. Les questions d’équité procédurale ne sont pas visées par l’analyse pragmatique et fonctionnelle et sont susceptibles de révision suivant la norme de la décision correcte.

[56]           La demande de pension présentée par le demandeur est régie par la Loi sur les pensions. L’alinéa 21(2)a) de la Loi prévoit ce qui suit : 

21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

21(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

( a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

 

[57]           L’article 31 de la Loi sur le TACRA prévoit que les décisions du Tribunal d’appel sont définitives et exécutoires. Toutefois, le paragraphe 32(1) et l’article 111 permettent au Tribunal de réexaminer ses décisions dans certaines circonstances. L’effet conjugué de ces dispositions suppose un degré élevé de retenue.

[58]           L’objet de la Loi sur le TACRA est de constituer le Tribunal à titre d’organisme indépendant chargé de réviser les décisions du ministre, ou de ses délégués concernant l’octroi d’une pension en application de la Loi sur les pensions. L’article 25 de la Loi sur le TACRA confère le droit d’interjeter appel au Tribunal. Le facteur de l’objet de loi commande la retenue. 

[59]           Le troisième facteur concerne l’expertise du Tribunal. Ce dernier est mandaté pour agir à titre de comité de révision et a l’habitude de procéder à des révisions. Ce facteur milite en faveur d’un degré élevé de retenue.

[60]           Enfin, il faut examiner la nature de la question. Le Tribunal doit décider si le demandeur répond aux conditions ouvrant droit à une pension selon la législation pertinente. Il s’agit là essentiellement d’un exercice axé sur les faits qui commande l’application d’une norme fondée sur la retenue.

[61]           Tout bien considéré, je conclus que la norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable. Je me reporte à la décision Woo (Succession de) c. Canada (Procureur général) (2002), 229 F.T.R. 217, par. 55, dans laquelle la Cour s’est exprimée comme suit : 

La Cour a statué que, compte tenu du cadre législatif qui confère une compétence exclusive au TACRA et de la clause restrictive qui rend la décision du Tribunal définitive et exécutoire, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Weare c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1145; 153 F.T.R. 75 (1re inst.). Par conséquent, je ne suis justifiée de modifier la décision du Tribunal que si je conclus qu'elle est fondée sur une erreur de droit ou que le Tribunal a tiré, de façon abusive ou arbitraire, une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve dont il était saisi.

 



[62]           Comme il a été indiqué précédemment, la question du manquement à l’équité procédurale sera évaluée selon la norme de la décision correcte.

[63]           Le demandeur invoque l’article 28 à l’appui de son argument selon lequel le Tribunal a violé son droit à l’équité procédurale en rejetant sa demande de présenter des observations en plus de celles présentées par son avocat. L’article 28 de la Loi sur le TACRA prévoit ce qui suit :

28(1) Sous réserve du paragraphe (2), l’appelant peut soit adresser une déclaration écrite au comité d’appel, soit comparaître devant celui-ci, mais à ses frais, en personne ou par l’intermédiaire de son représentant, pour y présenter des éléments de preuve et ses arguments oraux.

(2) Seuls des éléments de preuve documentés peuvent être soumis en vertu du paragraphe (1).

28(1) Subject to subsection (2), an appellant may make a written submission to the appeal panel or may appear before it, in person or by representative and at their own expense, to present evidence and oral arguments.

(2) Only documented evidence may be submitted under subsection (1).

 

[64]           Je ne suis pas d’accord avec le demandeur qui prétend qu’on a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale. L’article 28 prévoit qu’un demandeur peut être représenté par un membre du Bureau des services juridiques des pensions ou par un avocat de son choix. À l’audience, le demandeur était représenté devant le Tribunal et n’avait aucun droit de présenter des arguments en plus de ceux présentés en son nom. Je suis convaincue que le Tribunal n’a commis aucune erreur en n’autorisant pas le demandeur à présenter ses propres observations.

 

[65]           J’examinerai maintenant les questions de fond que soulève la présente instance. Le Tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de révision en refusant d’accorder une pension au demandeur  pour les affections dont il se plaint, c’est-à-dire le dysfonctionnement interne du genou droit et son état variqueux? Le Tribunal a déclaré préférer la preuve de l’expert auquel il avait eu recours aux rapports produits par le Dr Wiltshire et par le Dr St-Arnaud, pour le compte du demandeur.

[66]           La demande de pension qu’a présentée le demandeur est fondée sur la Loi sur les pensions. L’article 2 de la Loi sur les pensions expose le principe qui doit guider l’interprétation et l’application de la Loi : 

2. Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

 

[67]           Une disposition similaire figure à l’article 3 de la Loi sur le TACRA :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

[68]           Selon la décision MacKay c. Canada (Procureur général) (1997), 129 F.T.R. 286, les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA guident le Tribunal dans l’appréciation de la preuve qui lui est présentée. L’article 39 prévoit :

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[69]           Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA ont été interprétés comme signifiant que le demandeur doit présenter des éléments de preuve suffisamment crédibles pour établir un lien de causalité entre la blessure ou la maladie et l’époque où il était dans les forces. À ce sujet, je renvoie aux décisions Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58, conf. par (1999), 250 N.R. 93 (C.A.F.), et Tonner c. Canada (Ministre des Anciens combattants) (1995), 94 F.T.R. 146, conf. par [1996] A.C.F. nº 825 (C.A.F.).

[70]           À mon avis, le Tribunal a commis une erreur en acceptant le rapport du Dr Stanish plutôt que celui du Dr Wiltshire, parce que ce faisant, il a fait abstraction du libellé et de l’intention de l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Suivant cette disposition, toute incertitude quant à la vraisemblance de la preuve doit être tranchée en faveur du demandeur.

[71]           La présomption de preuve, énoncée l’article 39, est assujettie au fardeau qui incombe au demandeur d’établir le lien de causalité. En l’espèce, le Dr Stanish et, à plusieurs reprises le Tribunal, ont formulé des commentaires sur l’absence d’éléments dans les dossiers médicaux qui auraient permis d’étayer la demande du demandeur selon laquelle les problèmes qu’il éprouve avec le genou droit sont consécutifs d’une blessure survenue lors d’un match de football en 1968 alors qu’il était cadet au CMR. Le Dr Stanish n’a pas parlé des raisons de la perte des dossiers ni de l’effet qu’elle a eu sur son opinion. Peu importe les conséquences de son silence à cet égard, le Tribunal disposait d’éléments de preuve, déposés par le demandeur, démontrant que les dossiers pour la période allant de mai à novembre 1968 étaient égarés. Le demandeur a soumis des éléments de preuve témoignant des efforts qu’il avait déployés pour retracer les dossiers, en présentant des demandes d’accès aux renseignements personnels en vertu de la législation pertinente. Il a obtenu des déclarations de collègues. Il a présenté les meilleurs éléments de preuve possible afin d’établir un lien de causalité.

[72]           Dr Stanish a formulé une opinion fondée sur l’examen des dossiers dont il disposait. De son côté, le Dr Wiltshire a rédigé son opinion après avoir examiné le patient et étudié l’historique que ce dernier lui avait fourni. Le Tribunal avait le pouvoir, conformément au paragraphe 38(1) de la Loi sur le TACRA, de soumettre le demandeur à un examen médical fait par un médecin indépendant; il a choisi de ne pas le faire.

[73]           À mon avis, l’absence d’une inscription dans le dossier d’examen médical de sortie du demandeur, relativement à la blessure subie lors d’un match de football en 1968, n’est pas déterminante. Le Dr Stanish et le Tribunal ont cherché des éléments de preuve dans le dossier sur la cause de la blessure, ce qui, selon moi, est plus pertinent en l’espèce.

[74]           À mon avis, le Tribunal a commis une erreur en faisant abstraction du fait que les dossiers médicaux couvrant une période pertinente, c’est-à-dire d’avril à novembre1968, ne se trouvent pas dans le dossier officiel. C’est l’armée, et non le demandeur, qui était responsable de la conservation des dossiers personnels, y compris les dossiers médicaux. Dans l’affaire Parveen c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. nº 660, le juge Reed a traité des conséquences d’un dossier incomplet, quoique dans le contexte du droit de l’immigration, et s’est exprimé comme suit au paragraphe 9 :

Il y a d'autres divergences similaires entre la description donnée par la demanderesse et celle donnée par l'agente des visas au sujet de ce qui s'est passé à l'entrevue. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les décrire. Je pense qu'il est suffisant de noter que c'est le défendeur qui est maître du dossier présenté à la Cour

 



[75]           L’observation s’applique particulièrement à la présente affaire. Le demandeur cherche à obtenir une pension pour les blessures qu’il a subies lors d’un incident survenu pendant qu’il était en service actif. Il a tenté de produire son dossier médical. Rien n’indique que ce dossier ou sa non-disponibilité relevait de lui. Il ne devrait pas être pénalisé parce que son historique médical est incomplet en raison de la non-disponibilité de son dossier. De toute évidence, le Tribunal a insisté sur l’insuffisance du dossier, mais il a commis une erreur en ne reconnaissant pas les raisons de cet état de fait.

[76]           Le rapport du Dr Wiltshire étaye la demande du demandeur, alors que le rapport du Dr Stanish y fait obstacle. Le Dr Stanish a examiné l’historique médical dont il disposait et a admis qu’il y avait un manque dans le dossier, sans commenter l’effet d’un tel manque sur son opinion. Le Dr Wiltshire a examiné le demandeur et ses antécédents médicaux. En favorisant l’opinion du Dr Stanish, le Tribunal a omis d’appliquer l’article 39 de la Loi sur le TACRA qui prévoit clairement qu’il doit trancher en faveur du demandeur toute incertitude sur la crédibilité de la preuve. À mon avis, il s’agit d’une erreur susceptible de révision. 

[77]           J’estime que le Tribunal a également commis une erreur en rejetant la demande de pension du demandeur fondée sur son état variqueux.

[78]           Tout d’abord, en concluant ainsi, le Tribunal fait fi des conclusions tirées par le juge Lemieux au paragraphe 2 de ses motifs accueillant la demande de contrôle judiciaire du demandeur en 2003 :

Le tribunal a reconnu que M. McDonald avait subi une blessure au genou droit en 1968 alors qu’il jouait au football pour RMC à Kingston, une activité qui avait été organisée et autorisée par l’armée. Il n’est donc pas contestable que le demandeur a subi une « invalidité » causée par une blessure, au sens de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions. [Je souligne.]



[79]           À mon avis, le Tribunal a commis une erreur en infirmant une conclusion antérieure qui avait été confirmée lors d’un contrôle judiciaire.

[80]           De plus, le Tribunal a commis une erreur en décidant de rejeter la demande de prestations de pension à cause d’un manque d’éléments de preuve crédibles. Ce motif de rejet n’est pas étayé par la preuve.

[81]           La preuve à l’appui de l’état variqueux du demandeur a été apportée par le Dr St-Arnaud et le Dr Jordan. Cette preuve n’a pas été contredite et rien ne permet de douter de sa crédibilité. On n’a pas demandé au Dr Stanish de se pencher sur cet état variqueux, et il ne l’a pas fait. J’estime donc  que la conclusion du Tribunal à l’égard de l’état variqueux du demandeur est manifestement déraisonnable.

[82]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du Tribunal datée du 8 novembre 2005 est annulée. L’affaire est renvoyée à une nouvelle formation du Tribunal pour qu’elle soit examinée à nouveau. En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confère le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, j’accorde au demandeur des dépens de 1 000,00 $.


ORDONNANCE

           

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du 8 novembre 2005 est annulée, l’affaire étant renvoyée à une nouvelle formation du Tribunal pour qu’elle soit examinée à nouveau.

 

            En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confère le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le demandeur a droit à des dépens de 1 000,00 $.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Mylène Borduas


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2080-05

 

INTITULÉ :                                       Gregory Allan MacDonald et

 le procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er août 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory Allan MacDonald                                                        POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Tatiana Sandler                                                             POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Le demandeur pour son propre compte                                     POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

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