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Date : 20070620

Dossier : IMM-4913-06

Référence : 2007 CF 661

Toronto (Ontario), le 20 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ALMA CECILIA GARCIA PEREZ

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Alma Cecilia Garcia Perez a demandé l’asile au Canada, alléguant craindre pour sa vie au Mexique en raison de menaces de la part de son ancien petit ami. Elle affirme que ce dernier a cherché à lui faire du mal du fait qu’elle avait mis fin à leur relation pour en commencer une autre de nature homosexuelle avec Maria Guadalupe Escobedo Guarneros.

 

[2]               Les demandes d’asile de Mme Perez et de Mme Guarneros ont été entendues ensemble. Les demanderesses ont affirmé devant la Commission que leur relation homosexuelle avait poussé l’ancien petit ami de Mme Perez à les menacer de mort. Elles ont aussi soutenu que ce dernier, aidé de deux amis, les avait agressées physiquement et sexuellement, ce qui leur avait fait craindre pour leur vie au Mexique.

 

[3]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du couple pour des motifs liés à la crédibilité. Seule Mme Perez sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

Analyse

[4]               Le défendeur reconnaît candidement que la décision de la Commission n’est « pas excellente » et qu’elle ne pourrait pas satisfaire aux normes de la décision correcte ou raisonnable. Cependant, il affirme que les conclusions défavorables de la Commission relativement à la crédibilité ne sont pas manifestement déraisonnables et que la décision doit donc être confirmée.

 

[5]               Je ne suis pas d’accord. À mon avis, les erreurs commises par la Commission sont suffisamment sérieuses pour qu’il soit risqué de confirmer la décision.

 

[6]               La Commission a commis une première erreur dans le tout premier paragraphe de sa décision, où elle indique que Mme Guarneros est la demanderesse principale et que la personne qui exercerait les persécutions est l’ancien petit ami de cette dernière. En fait, Mme Pérez était la demanderesse principale et son ancien petit ami était celui que le couple alléguait craindre.

 

[7]               Il est vrai que la Commission semble avoir par la suite rétabli les rôles et attribué les témoignages et les allégations à la bonne demanderesse. Si cette erreur était la seule qu’ait commis la Commission, je serais d’accord avec le défendeur et je la considérerais comme une coquille, ce qui ne justifierait pas l’annulation de la décision. Cependant, cette erreur révèle une indifférence inquiétante mais, surtout, ce n’est pas la seule erreur commise par la Commission.

 

[8]               Une des erreurs les plus graves commise par la Commission tient au fait que la plupart de ses conclusions défavorables quant à la crédibilité visent exclusivement Mme Guarneros. Aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité ne visait Mme Perez en particulier, dont la situation personnelle étaient au cœur de la demande. Néanmoins, les deux demandes ont été rejetées.

 

[9]               Le défendeur soutient que les deux demandes étaient inextricablement liées et qu’une conclusion selon laquelle le récit de Mme Guarneros n’était pas crédible entraînait inévitablement une conclusion semblable quant au récit de Mme Pérez. Malgré qu’il était initialement intéressant, cet argument ne résiste pas à un examen de la preuve, car la plupart des conclusions défavorables de la Commission quant à la crédibilité de Mme Guarneros se rapportent à des questions secondaire ou indépendante de la demande présentée par Mme Perez. 

 

[10]           Par exemple, la Commission a conclu que le récit des demanderesses n’était pas crédible en partie au motif qu’il y avait des contradictions entre le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) de Mme Guarneros et son témoignage quant à savoir si ses parents étaient au courant de son orientation sexuelle. Peu importe que Mme Guarneros ait dit ou non à sa mère qu’elle était lesbienne à la suite de l’agression sexuelle qui aurait été commise par l’ancien petit ami de Mme Perez n’a tout simplement aucune incidence sur la véracité du récit de cette dernière.

 

[11]           De la même façon, la Commission a rejeté l’allégation de Mme Guarneros selon laquelle ses parents avaient reçu des menaces de mort après son départ du Mexique, soulignant que ces menaces  figuraient dans l’exposé circonstancié du FRP de Mme Guarneros, mais qu’elles ne figuraient pas dans son témoignage à l’audience, où elle avait affirmé que ses parents allaient bien. La Commission a conclu que Mme Guarneros avait inventé les allégations de menace pour embellir sa demande.

 

[12]           Même si la Commission avait raison, cette conclusion ne nous éclaire nullement quant à la question de savoir si le récit de Mme Perez est véridique.

 

[13]           Enfin, la Commission n’a pas accepté l’allégation de Mme Guarneros, selon laquelle celle‑ci avait été traquée par l’ancien petit ami de Mme Perez avant d’avoir été agressée sexuellement, étant donné que ce fait ne figurait pas dans son FRP. La Commission a conclu que cette allégation avait été inventée par Mme Guarneros pour renforcer sa demande. 

 

[14]           Dans ce cas, encore une fois, cette conclusion défavorable quant à la crédibilité de Mme Guarneros ne remet pas automatiquement en question la véracité du témoignage de Mme Perez.

 

[15]           En ce qui concerne Mme Perez, la Commission a rejeté la preuve psychologique au motif que le fondement factuel de son récit n’était pas crédible. Étant donné que j’ai conclu que la conclusion défavorable quant à crédibilité de Mme Perez est manifestement déraisonnable, il s’ensuit que les motifs justifiant le rejet de la preuve psychologique sont tout aussi douteux.

 

[16]            Enfin, la Commission a conclu qu’aucune importance ne devrait être accordée au rapport médical rédigé au Mexique qui fait apparemment état des blessures que Mme Perez auraient subies lors de l’agression sexuelle ni au certificat de naissance de l’ancien petit ami de cette dernière. Bien que je ne sois pas convaincue qu’elles sont manifestement déraisonnables, ces conclusions ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour justifier le rejet de la preuve dans son ensemble. 

 

Conclusion

[17]           Quand un demandeur jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu'elles le sont, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter : Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302. Le fait que Mme Guarneros puisse avoir amélioré son récit quant à son expérience personnelle ne fournit aucun motif permettant de mettre en doute la véracité du témoignage de Mme Perez. La conclusion défavorable quant à la crédibilité de Mme Perez tirée par la Commission est donc manifestement déraisonnable et, par conséquent, la décision de la Commission doit être annulée.

 


Certification

[18]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et aucune n’est soulevée en l’espèce.

 

 

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE :

 

            1.         que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur elle;

 

            2.         qu’aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

                                                                                                              « Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4913-06

 

 

INTITULÉ :                                                               ALMA CECILIA GARCIA PEREZ

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 19 JUIN 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 20 JUIN 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen                                                      POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Godkin                                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Vandervennen Lehrer

Toronto (Ontario)                                                         POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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