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Date : 20070614

 

Dossier : T-1836-06

 

Référence : 2007CF637

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2007

 

 

En présence de la protonotaire Mireille Tabib

 

 

ENTRE :

 

ALTANA PHARMA INC. et

ALTANA PHARMA AG

 

demanderesses

et

 

 

NOVOPHARM LIMITED et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans le cadre d’une demande d’ordonnance d’interdiction en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), les demanderesses ont produit des affidavits de 13 témoins experts. Elles n’ont ni demandé ni obtenu d’autorisation, en vertu de l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada (la Loi), L.R.C. 1985, ch. C-5, avant de produire ces affidavits. La défenderesse Novopharm Limited sollicite une ordonnance visant à contraindre les demanderesses à respecter les limites définies à l’article 7 de cette Loi. Niant contrevenir à l’article 7, les demanderesses ont sollicité, par voie de requête incidente, une autorisation pour déposer l’ensemble de la preuve d’expert produite, si notre Cour conclut qu’une telle autorisation est nécessaire.

 

LA DEMANDE

 

[2]               L’espèce a été intentée par les demanderesses en réponse à l’avis d’allégation déposé par Novopharm concernant ses comprimés de pantoprazole sodique proposés, dans lequel Novopharm fait état des brevets canadiens 2 089 748 (le brevet 748) et 2 092 694 (le brevet 694) et soutient qu’ils sont tous deux invalides, mais que, quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre ne seraient enfreints si un AC est émis pour les comprimés proposés par Novopharm.

 

[3]               Le pantoprazole est utilisé pour le traitement de troubles gastro-intestinaux et d’ulcères; son utilisation à titre d’inhibiteur de la pompe à protons pour réduire la sécrétion d’acide gastrique n’est pas protégée par les brevets visés. Toutefois, l’utilisation du pantoprazole dans le traitement d’infections à helicobacter pylori, la source connue de la majorité des troubles gastro-intestinaux, est protégée par les brevets en question. De façon générale, le brevet 748 revendique l’utilisation du pantoprazole en combinaison avec d’autres agents antimicrobiens (aussi appelée la thérapie combinée), tandis que le brevet 694 revendique une formule de pantoprazole qui ne résiste pas aux sucs gastriques ainsi que l’utilisation de pantoprazole sans autre antimicrobien pour le traitement d’infections à h. pylori (aussi appelée la monothérapie). En qui a trait à la non-contrefaçon, Novopharm avance qu’elle ne suggérera pas, ne représentera pas, n’induira pas ou ne vendra pas son produit de pantoprazole pour le traitement d’infections à h. pylori, que ce soit en monothérapie ou en thérapie combinée, et que ses comprimés seront recouverts d’un enrobage gastro-résistant résistant aux sucs gastriques.

 

ARTICLE 7 DE LA LOI SUR LA PREUVE AU CANADA

 

[4]               L’article 7 de la Loi dispose ce qui suit :

 

7. Lorsque, dans un procès ou autre procédure pénale ou civile, le poursuivant ou la défense, ou toute autre partie, se propose d’interroger comme témoins des experts professionnels ou autres autorisés par la loi ou la pratique à rendre des témoignages d’opinion, il ne peut être appelé plus de cinq de ces témoins de chaque côté sans la permission du tribunal, du juge ou de la personne qui préside.

7. Where, in any trial or other proceeding, criminal or civil, it is intended by the prosecution or the defence, or by any party, to examine as witnesses professional or other experts entitled according to the law or practice to give opinion evidence, not more than five of such witnesses may be called on either side without the leave of the court or judge or person presiding.

 

 

[5]               La défenderesse soutient que l’interprétation correcte de l’article 7 vise à limiter à cinq le nombre de témoins experts de chaque partie, et ce, sans égard au nombre de questions nécessitant une preuve d’expert. Bien que je souscrive à l’argument de la défenderesse, la Cour a clairement établi, dans le cadre de décisions antérieures, que les limites fixées par l’article 7 sont applicables aux questions de l’espèce, plutôt qu’à l’ensemble d’un dossier, et il n’existe aucun fondement sur lequel un protonotaire peut distinguer ces décisions (voir : Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1511). Je suis donc résolument tenue d’interpréter l’article 7 en regard des questions de l’espèce; la défenderesse devra faire valoir sa position à ce titre devant un juge de notre Cour ou devant la Cour d’appel.

 

[6]               Subsidiairement, le la défenderesse soutient que les demanderesses ont même dépassé la limite de cinq experts par question et que la Cour doit intervenir afin de restreindre leur preuve aux cinq affidavits des 11 experts cités à comparaître sur la question de la contrefaçon.

 

LA QUESTION DEVRAIT-ELLE ÊTRE RENVOYÉE AU JUGE DES REQUÊTES?

 

[7]               Les demanderesses avancent que la question de l’admissibilité des affidavits de ses experts devrait être renvoyée au juge des requêtes. Il est bien reconnu que requêtes visant à radier ou à retirer un élément de preuve par affidavit dans le cadre d’une demande doivent être laissé au juge entendant la cause, sauf dans des circonstances précises et évidentes ou lorsque le renvoi de la question causerait un préjudice à l’autre partie. Les demanderesses citent les principes généraux appliqués par la Cour dans le cadre de requêtes visant à radier des éléments de preuve dans le cadre de demandes; ils s’appuient plus particulièrement sur la décision du juge Pinard dans GlaxoSmithKline Inc. c. Apotex Inc., T-876-02, du 4 septembre 2003, lorsqu’il a utilisé son pouvoir discrétionnaire dans une requête semblable.

 

[8]               Il importe de faire remarquer que GlaxoSmithKline n’est pas une décision publiée. À l’ère de l’électronique, tout jugement ou ordonnance accompagnés de motifs officiels devient une décision publiée. Seules des ordonnances « contresignées » ou « verbales », comme GlaxoSmithKline, ne sont pas publiées. Ces ordonnances n’étant habituellement pas publiées, elles ne visent généralement pas à tenir lieu de jurisprudence. En outre, elles s’adressent principalement aux parties et à l’instance d’appel appropriée, qui seront pleinement informées des antécédents procéduraux, des circonstances du dossier, des arguments et des points soulevés par les parties. Par conséquent, les « motifs » de la Cour sont habituellement énoncés de façon très succincte et dépourvus de la plupart du contexte, des faits et des arguments analysés, même lorsqu’ils sont pertinents, laissant uniquement les éléments les plus déterminants du dossier.

 

[9]               La Cour dans GlaxoSmithKline a appliqué les principes généraux cités précédemment aux circonstances du dossier. En outre, la Cour a renvoyé la décision concernant la requête en radiation de preuve de la demanderesse au juge de la requête :

 

[traduction]

« Dans l’espèce, de telles décisions sont si difficiles à prendre que les demanderesses elles-mêmes n’ont pas précisé les affidavits ou les parties d’affidavit devant être radiés. Dans ces circonstances, la question devra être tranchée par le juge qui entendra la cause sur le fond (…)

 

[...]

 

Quoi qu’il en soit, il n’est ni manifeste ni évident que la preuve signifiée et produite par la défenderesse Apotex Inc. comprenne, concernant une même question, plus de cinq affidavits d’experts. »

 

(Non souligné dans l’original.)

 

 

[10]           C’est tout ce que nous savons de ce dossier. Le nombre de questions en litige, ou même le nombre d’affidavits produits par l’une ou l’autre partie ne sont pas mentionnés. Il n’est pas non plus mentionné si l’une ou l’autre des parties a tenté de faire valoir un préjudice si la requête était  renvoyée au juge de la cause sur le fond.

 

[11]           Chaque cas est un cas d’espèce qui doit être tranché en regard de ses propres faits. La décision de trancher la question ou de la renvoyer au juge des requêtes, compte tenu de la question de savoir si l’affaire est claire et si un préjudice sera subi par l’autre partie par le renvoi de la question à l’audience principale, est un exercice discrétionnaire. Mentionnons également que les procédures intentées en vertu du Règlement visent à être traitées de façon sommaire et expéditive; en exerçant ce pouvoir discrétionnaire, il importe de tenir compte de l’incidence d’une décision immédiate sur cette intention, à savoir si elle tend à l’appuyer ou à lui nuire.

 

[12]           Bien entendu, dans l’espèce, j’ai examiné la question de façon à déterminer si elle manifeste et évidente. Cependant, j’ai également estimé que les facteurs suivants nécessitaient qu’une décision soit rendue immédiatement.

 

[13]           La défenderesse n’a pas excessivement retardé la procédure en déposant cette requête. Elle a été annoncée dans les trente jours de la signification des affidavits des demanderesses, puis signifiée dix jours plus tard.

 

[14]           Si Novopharm a raison dans ses observations subsidiaires, que les demanderesses sont limitées à cinq experts sur la question de la contrefaçon, alors les demanderesses dépassent largement les limites imposées par l’article 7, elles font plus que les doubler : au lieu de déposer les affidavits de cinq témoins experts, les demanderesses ont déposé les affidavits de 11 témoins experts sur la question de la contrefaçon. Si la question est renvoyée devant le juge de l’audience, la défenderesse devra préparer son dossier, et produire une preuve, pour se prémunir contre toute la preuve produite par les demanderesses. À moins que la preuve de la défenderesse ne soit préparée de façon à suivre rigoureusement chacun des affidavits indépendamment et à y répondre (ce qui constitue un carcan procédural de nature préjudiciable en soi), il est pratiquement inévitablement que les réponses aux différentes parties de la preuve des experts des demanderesses seront contenues dans un même affidavit, venant ainsi lier des éléments de preuve potentiellement inadmissibles à des éléments admissibles. Cet enchevêtrement sera ensuite probablement achevé dans le cadre des contre-interrogatoires, puis de la synthèse de la preuve dans les mémoires des faits et du droit. Par conséquent, il se peut qu’il n’y ait simplement plus aucune réparation disponible à la défenderesse lorsque cette question sera présentée au juge des requêtes.

 

[15]           De plus, advenant que la défenderesse prépare une réponse à chaque affidavit de chaque expert; il aura, lui aussi, cité à comparaître environ 11 experts, et ne pourra pas utiliser certains de ceux-ci. Subsidiairement, si la défenderesse choisissait de se limiter à cinq experts, il s’exposerait au risque que le litige soit influencé par le simple nombre d’experts. Aucune partie à un litige ne devrait être contrainte à faire un tel pari lorsque la question peut être tranchée dans le cadre d’une requête préliminaire.

 

[16]           On doit également tenir compte des idéaux d’un processus de règlement sommaire et expéditif, idéaux qui sont de plus en plus écrasés par le poids de la masse d’experts.

 

[17]           Les procédures intentées en vertu du Règlement s’allongent et s’alourdissent toujours. Il est de plus en plus rare que ces procédures puissent être tranchées à l’intérieur d’une période d’une année suivant la date du dépôt. En outre, le délai normal de traitement de ces dossiers est désormais de 18 mois, et ce délai ne cesse de s’allonger en raison du nombre croissant d’experts cités à comparaître par les parties. Chaque expert supplémentaire augmente le temps nécessaire aux parties pour produire leur preuve respective. Chaque expert supplémentaire augmente le cauchemar logistique découlant de la fixation d’un calendrier et de lieux pour la tenue des contre-interrogatoires, ainsi que le temps nécessaire à ceux-ci. Chaque expert supplémentaire ajoute de l’eau au moulin des requêtes à radier, des requêtes pour le dépôt d’éléments de preuve complémentaires, voire même de contre-preuve. Chaque expert supplémentaire ajoute au temps nécessaire à l’audition de la requête; et chaque jour d’audition en plus vient compliquer la fixation des dates d’audience de la requête et repousser l’échéance. La juge Johanne Gauthier, de notre Cour, a récemment exprimé la charge supplémentaire que représente la prolifération des experts sur la Cour et ultimement, sur les parties, dans Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 455 :

 

[5]             Cependant, il n’est pas inutile de rappeler que, depuis l’adoption du Règlement, les instances relatives à un AC paraissent être devenues de plus en plus complexes, si bien qu’on pourrait difficilement aujourd’hui les qualifier de sommaires. Dans la présente espèce, par exemple, la demanderesse a déposé dix affidavits principaux et neuf affidavits en réplique, tandis qu’Apotex a déposé douze affidavits principaux et onze affidavits en surréplique. Le corps de certains de ces affidavits compte plus de 80 pages. On trouvera en annexe A la liste des nombreux experts qui ont signé des affidavits, ainsi que l’exposé de leurs qualités professionnelles.

 

[6]               L’audience des présentes demandes a pris sept jours entiers et n’a pas duré plus longtemps uniquement parce que les parties sont convenues de se contenter d’indiquer à la Cour la preuve la plus pertinente qu’elle devrait examiner et d’exposer à grands traits les questions de droit et de procédure à trancher. Il n’y a pas eu beaucoup de temps pour examiner les volumineux recueils de jurisprudence et de doctrine soumis par les parties, même si elles sont d’accord pour dire que certaines des questions de droit concernant les « brevets de sélection » sont tout à fait nouvelles et importantes. En fait, Apotex laisse entendre que les brevets de cette nature feront à l’avenir l’objet de nombreuses instances relatives à un AC et ajoute que, de même que ces brevets sont parfois désignés « brevets de la deuxième génération », les instances du type AC où ils sont mis en litige pourraient aussi être dites « de la deuxième génération ». Il est à espérer que nous trouverons une manière plus efficace de mener ces instances que l’on continue de qualifier de « sommaires », étant donné que, dans la présente espèce par exemple, la nécessité de limiter l’audience à sept jours a obligé la Cour à examiner après celle‑ci plus d’une centaine d’affaires et une quantité considérable d’éléments de preuve.

 

[7]               Comme il apparaîtra plus tard, une bonne partie de cette preuve se rapporte à des questions qui ne sont tout simplement pas très pertinentes à l’égard de la décision à rendre. Chacune des parties a élevé de nombreuses objections contre la preuve produite par la partie adverse, invoquant notamment le ouï-dire et l’omission de présenter en preuve des faits sous‑jacents aux opinions des experts. On a aussi contesté l’admissibilité de certains éléments, et les deux parties ont mis en discussion le poids à attribuer aux opinions de divers experts.

 

[8]               Les observations suivantes formulées par la Cour suprême du Canada dans R. c. D.D., [2000] 2 R.C.S. 275, 2000 CSC 43, [2000] A.C.F. no 44 (QL), se révèlent ici très pertinentes et illustrent la nécessité d’une réforme ou, à tout le moins, d’une meilleure gestion de la preuve d’expert dans les instances relatives à un AC :

 

 

Enfin, la preuve d’expert exige un temps considérable et est onéreuse. Les litiges modernes ont causé une prolifération d’opinions d’expert de valeur douteuse. On n’insistera jamais assez sur l’importance des coûts pour les parties et le fardeau qui pèse lourdement sur les ressources judiciaires. Lorsqu’on laisse le champ libre à l’admission de la preuve d’expert, le procès a tendance à dégénérer en « un simple concours d’experts, dont le juge des faits se ferait l’arbitre en décidant quel expert accepter » [...]

 

 

[18]           S’ajoute aussi à la charge de la Cour, lors de l’audience d’une demande, la tâche de trancher des questions obscures comme celle de savoir le nombre de questions, s’il est judicieux d’accorder l’autorisation après le fait ou de cerner la partie de la preuve à radier et de réunir les parties des affidavits aux contre-interrogatoires correspondants de la preuve, qu’on ne peut simplement pas envisager.

 

[19]           Pour ces motifs, je conclus que dans les circonstances, la question à savoir si les demanderesses ont dépassé ou non les limites imposées par l’article 7 de la Loi devra être tranchée dans le cadre de la présente requête préliminaire, pour autant que ce soit raisonnablement possible.


COMBIEN DE QUESTIONS EN LITIGE Y A-T-IL DANS CETTE REQUÊTE?

 

[20]            Afin d’appliquer l’article 7 de la Loi tel qu’il est interprété dans Merck c. Canada, il est essentiel d’établir en premier lieu le nombre de questions et de les identifier. C’est uniquement dès lors qu’il sera possible de trancher si le nombre d’experts cités à comparaître en regard de chaque question dépasse le nombre permis.

 

[21]           Par conséquent, c’est la première question que j’ai adressée aux parties à l’audience. L’avocat de la défenderesse avait une réponse concise et claire; il n’y a que deux questions : l’invalidité des brevets et la non-contrefaçon.

 

[22]           En revanche, l’avocat des demanderesses a identifié 50 questions :

 

Quant à l’invalidité du brevet 748 :              11 questions;

 

Quant à la non-contrefaçon du brevet 748 : 12 questions;

 

Quant à l’invalidité du brevet 694 :              11 questions;

 

Quant à la non-contrefaçon du brevet 694 : 16 questions.   

 

 

 

[23]           Je mettrai de côté les questions d’invalidité : l’avocat de Novopharm reconnaît l’invalidité d’une question au moins, et les demanderesses ont seulement déposé deux éléments de preuve d’expert à ce sujet (les parties ne s’entendent pas sur la nature de l’affidavit du Dr Senn-Bilfinger, à savoir s’il est d’opinion ou de faits, mais cette question n’est pas pertinente : même s’il constituait un affidavit d’opinion, il y aurait tout de même moins de cinq témoins experts sur cette question).

 

[24]           Quant aux questions de non-contrefaçon, l’avocat des demanderesses les a identifiées aux paragraphes 39 à 41 de ses observations écrites (voir annexe I à la fin des présents motifs).

 

[25]           Une simple lecture de cette liste met en lumière la nature artificielle et forcée de celles-ci. Par exemple, les éléments allant de 39(a) à (d) sont identiques, mot pour mot, aux éléments allant de 41(c) à (f), tandis que les éléments de 39(e) et (f) sont essentiellement les mêmes, même sans utiliser le même vocabulaire, que les éléments de 41(h) et (i). De plus, tous ces éléments sont essentiellement regroupés dans 39(f).

 

[26]           J’ai ensuite demandé à l’avocat des demanderesses de relier la preuve des experts à chacune des 50 questions identifiées. La liste complète figure à l’annexe II des présents motifs.

 

[27]           Aux fins de l’espèce, disons simplement qu’il s’avère qu’aucun expert ne témoigne du tout sur les questions 39(a) ou 41(a) à (c); que neuf experts témoignent sur les questions 39(c), (e), (f), 41(e) et (i); puis « seulement » six à huit experts sur les questions 39(g), (i), (j), 41(g) et (h). Ainsi, les seules questions comportant moins de cinq experts sont les questions 39(b), 41(d) et (f) (chacune appelant quatre experts, lesquels ont déjà exprimé leur opinion sur la plupart des autres « questions »), et les questions allant de 41(k) à (p) (deux experts, incidemment, les seuls dont le témoignage dépend entièrement des autres prétendues « questions »).

 

[28]           En conséquence, il apparaît manifestement de l’identification des questions par les demanderesses elles-mêmes qu’elles ont outrepassé les limites de l’article 7 de la Loi quant à neuf de leurs experts. Cette seule conclusion est suffisante pour accueillir la requête du la défenderesse concernant neuf experts des demanderesses, nommément les docteurs Corbin, Elliott, Dresser, Hood, Julien, Wolman, Whittaker et Low, et M. MacDonald.

 

[29]           Néanmoins, ceci ne vient pas trancher l’espèce, car il reste à établir si les affidavits du Dr McGinity et du professeur Malfertheimer, portant non seulement sur la non-contrefaçon, mais plus particulièrement sur les volets de la formulation du produit, portent également sur la même « question » et devraient être autorisés, ou s’ils portent sur une question distincte.

 

[30]           Comme cela a été mentionné précédemment, Novopharm soutient que tous les éléments portant sur la non-contrefaçon ne sont que des volets différents d’une même question, soit la contrefaçon. Tout au plus, s’il y a plus d’une question liée à la contrefaçon, il n’y en a pas plus que deux; la première portant sur la contrefaçon d’une revendication relative à l’utilisation des deux brevets, et la seconde portant sur la contrefaçon de la formulation revendiquée dans le brevet 694, et ce, en dépit de la tentative manifestement galvaudée des demanderesses de soulever quelque cinquante questions en lien avec la contrefaçon.

 

[31]           Contrairement à la position des demanderesses voulant que chaque brevet soulève des questions de contrefaçon distinctes, tous les volets portant sur la contrefaçon de la revendication relative à l’utilisation sont fondés sur un même élément : à savoir si le produit de Novopharm sera vendu, promu, ou efficace pour le traitement des infections et des troubles liés à h. pylori. Ni l’un ni l’autre brevet ne soulève des questions factuelles distinctes ou différentes en lien avec les revendications sur l’utilisation. C’est ce que démontre la preuve des experts avancée par les demanderesses : leurs commentaires sur l’utilisation et l’adoption du produit proposé par Novopharm ne se distinguent pas selon le brevet visé. Par conséquent, toute la preuve quant à la contrefaçon de l’utilisation s’applique de façon interchangeable aux deux brevets démontrant que ces questions ne forment qu’une seule question à trancher, hormis la question de la contrefaçon de la formulation revendiquée dans le brevet 694.

 

[32]           En outre, si l’on souhaite avancer qu’il y a véritablement dans l’espèce deux questions de contrefaçon distinctes; l’une en lien avec l’utilisation, pour laquelle neuf affidavits d’experts ont été produits, et l’autre en lien avec la formulation, laquelle est accompagnée de deux affidavits d’experts, il n’en demeure pas moins que cette position repose exclusivement sur les distinctions entre les affidavits eux-mêmes. En effet, aucun des experts sur « l’utilisation » ne se prononce sur la formulation et aucun des experts sur la « formulation » ne se prononce sur l’utilisation. Cependant, le caractère distinct des opinions n’est pas, à mon sens, le bon critère pour déterminer le nombre de questions dans une procédure ou le nombre d’experts qu’une partie peut citer à comparaître sans autorisation.

 

[33]           On peut facilement concevoir qu’une pareille délimitation surviendrait dans les affidavits d’experts portant sur les nombreux motifs d’invalidité d’un brevet. Or, la Cour d’appel fédérale dans Pharmascience Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) et al., 2007 CAF 140, au paragraphe 41, a tranché que la validité d’un brevet ne constitue qu’une seule question :

 

[41]      Ce que le Règlement oblige notamment la seconde personne à établir, c’est que le brevet est invalide ou qu’il ne serait pas contrefait. En d’autres mots, la « question » à trancher est celle de l’invalidité ou de l’absence de contrefaçon. Les motifs particuliers au moyen desquels la seconde personne souhaite démontrer l’invalidité, que ce soit l’évidence, l’antériorité, la portée excessive ou encore l’absence de prédiction valable ne constitue pas des questions distinctes aux fins de la préclusion fondée sur une question déjà tranchée, ne constituant plutôt simplement que des façons différentes pour la seconde personne d’aborder la question de l’invalidité. On n’autorisera donc habituellement pas qu’un même fabricant de génétique présente de multiples avis d’allégation relativement à un médicament particulier en alléguant l’invalidité d’un brevet particulier, même si chaque avis porte sur des motifs différents d’invalidité. Il peut toutefois y avoir exception à cette règle, comme les juges majoritaires l’ont mentionné dans P&G (paragraphe 22), dans les cas où la partie intéressée n’a pu découvrir des faits pertinents liés à la question, même en faisant preuve de diligence raisonnable, lors du premier litige. Il ne s’agit pas d’une pareille exception en l’espèce. Pharmascience ne conteste pas qu’elle aurait pu soulever des motifs d’invalidité additionnels dans le premier avis d’allégation, mais soutient uniquement qu’il lui est permis de scinder ses prétentions en vertu du régime établi par règlement.

 

 

[34]           Dans un jugement très récent, Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd et al., 2007 CF 596, le juge Hughes de notre Cour a statué que cette détermination s’appliquait précisément dans le contexte de l’article 7 de la Loi, si on l’interprète comme limitant le nombre d’experts par question :

 

[5]               Je rappelle avant d’aller plus loin que l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R. 1985, ch. C‑ 5, dispose qu’une partie ne peut produire la preuve de plus de cinq témoins experts sans l’autorisation de la Cour. Je pense que certaines décisions de notre Cour ont amené d’aucuns à penser que cette disposition veut dire cinq témoins par question en litige. Je n’essaierai pas de décider cette question ici.

 

[6]                La Cour d’appel fédérale fait observer au paragraphe 41 de Pharmascience Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) et al., 2007 CAF 140, que la validité forme une question unique. Or la validité est la seule question dont la Cour soit saisie dans la présente espèce.

 

[7]               J’ai fait remarquer aux parties à l’audience qu’elles devraient se limiter à cinq témoins experts. Elles n’ont guère tenu compte de ma remarque, en grande mesure parce qu’elles avaient toutes deux intérêt à ne pas le faire. Il convient de redire à quel point il est difficile pour un tribunal saisi d’une instance relative à un AC d’assimiler une multitude d’opinions d’expert ou censées telles, qui concernent surtout des questions scientifiques, opinions toutes présentées par écrit et composant souvent plusieurs volumes. Les juges sont des êtres humains, pas des ordinateurs.

 

 

 

[35]            Je ne vois aucunement en quoi ce raisonnement ne pourrait pas s’appliquer également à la détermination du nombre de questions soulevées dans le cadre d’allégations de non-contrefaçon, de telle manière que la question de savoir si les revendications pertinentes d’un brevet étaient contrefaites par la fabrication, la constitution, l’utilisation ou la vente du médicament proposé, constituerait également une seule question à trancher. En somme, tout comme une décision sur l’invalidité d’un brevet peut tenir lieu de fond unique à une question déjà tranchée, il en va de même pour les allégations de non-contrefaçon concernant toute formulation précise d’un médicament générique (voir : AB Hassle et al. c. Apotex Inc. et al. (2005), 38 C.P.R. (4e) 216 (C.F.), confirmée dans 2006 CAF 51, aux paragraphes 73 à 80, et Pharmascience (précitée), au paragraphe 45).

 

[36]           En plus d’être cohérente avec la façon dont les questions ont été identifiées dans procédures relatives à un AC, la conception de l’invalidité et de la non-contrefaçon, chacune à titre de question unique aux fins de l’article 7 de la Loi, s’inscrit également dans la lignée de la raison d’être et de l’intention de cette disposition. En outre, elle répond à la nécessité de mieux gérer les procédures relatives à un AC, et de façon plus efficace, comme se veulent les procédures sommaires.

 

[37]           L’intention sous-tendant l’article 7 est de limiter le nombre d’experts pouvant être cités à comparaître par les parties à nombre dit raisonnable, au-delà duquel les parties doivent obtenir une autorisation préalable de la Cour. Pour ce faire, la partie requérante devra démontrer qu’il est nécessaire d’augmenter le nombre d’experts pour trancher les questions; que la preuve n’est pas inutilement dupliquée; et que les contraintes supplémentaires de temps et de ressources de la Cour et des parties sont justifiées (voir : Gorman c. Powell, [2006] O.J. No. 4233 (S.C.J.), Burgess c. Wu, [2005] O.J. no 929 (S.C.J.) et Sopinka, John et al., The Law of Evidence in Canada, 2e édition., 1999, aux pages 664-666).

[38]           À cette fin, les circonstances à l’origine de la demande d’autorisation d’une partie doivent être claires et facilement vérifiables. Autrement, une partie pourrait, comme c’est le cas dans l’espèce et dans trop de procédures relatives à un AC, simplement plomber le dossier de nombreux affidavits d’experts et laisser à la défenderesse le fardeau nécessitant d’abord de cerner le nombre de questions pouvant être abordées; de discerner la délimitation; puis de décider s’il est justifiable, tant en termes de délai et de ses propres intérêts en convoquant de nombreux experts, de préparer une contestation. Or, comme l’a conclu la Cour avec consternation, dans des dossiers tels que Eli Lilly c. Novopharm (précité) et Eli Lilly c. Apotex (précité), les parties, pour de nombreuses raisons, n’agiront pas toujours ainsi. Le caractère incertain d’une requête ne peut être un obstacle important à la retenue individuelle ou mutuelle des parties.

 

[39]           On peut également avancer que, même si la contrefaçon et l’invalidité peuvent être considérées comme des questions distinctes, les parties auront, dans la plupart des procédures relatives à un AC, le droit absolu de présenter jusqu’à 10 témoins chacune. Il s’agit du même nombre qui a suscité le commentaire de la Cour au sujet du nombre excessif d’opinions d’experts de valeur douteuse dans Eli Lilly c. Apotex (voir la liste d’experts à l’annexe A de ce jugement).

 

[40]           Par conséquent, je conclus que la non-contrefaçon constitue une seule question dans la requête; elle comprend la non-contrefaçon de toutes les revendications des deux brevets, c’est-à-dire les allégations de non-contrefaçon de Novopharm à l’égard des revendications sur l’utilisation et la formulation issues du brevet 694, ces dernières emportant les mêmes arguments et éléments de preuve à l’égard du brevet 748.

 

[41]           Les demanderesses ont produit les affidavits de 11 experts concernant la question de la contrefaçon avec leur requête; six d’entre eux sont clairement inadmissibles faute d’obtenir l’autorisation de notre Cour.

 

LA REQUÊTE EN AUTORISATION DES DEMANDERESSES

 

[42]           Les parties ne m’ont proposé aucune jurisprudence de la Cour énonçant les facteurs à examiner pour ce qui est de l’accord ou non d’une autorisation permettant de dépasser le nombre d’experts autorisés. La défenderesse a cité de nombreuses décisions des cours de l’Ontario, plus particulièrement Burgess c. Wu (précitée), laquelle dresse une liste de huit facteurs. Néanmoins, la plupart de ces facteurs ne sont pas vérifiables dans les circonstances de l’espèce étant influencées par l’interprétation plus restrictive de l’article 12 de la Loi sur la preuve (soit cinq experts par partie pour l’ensemble d’un dossier), ou sont de moindre pertinence dans le cadre de procédures intentées en vertu du Règlement, plutôt que dans le contexte d’un procès.

 

[43]           Cependant, les parties semblent s’entendre sur le fait que la principale considération consiste à savoir si le témoignage d’expert proposé est raisonnablement nécessaire pour régler les questions sur le fond. L’ampleur de la duplication des opinions proposées ainsi que le nombre distinct de sujets touchés, parfois mentionnés comme des facteurs distincts, sont manifestement les éléments permettant de déterminer le caractère nécessaire de ces témoignages. J’ajouterais la nature des procédures à l’origine de cette preuve à titre de facteur important à examiner. Comme cela a été mentionné, les procédures relatives à un AC sont censées être sommaires et expéditives par nature. Elles ne viennent pas trancher les questions de validité et de contrefaçon entre les parties. La « nécessité » de présenter une preuve exhaustive et complète sur tous les volets de toutes les questions doit être considérée de ce point de vue. Un demandeur aura gain de cause dans une telle requête s’il démontre qu’une des allégations de non-contrefaçon de la défenderesse n’est pas justifiée; il n’est pas tenu d’aborder ou d’effectuer le même exercice pour chaque allégation de non-contrefaçon.

 

[44]           Les demanderesses cherchent à produire, par la voie de leur requête en autorisation, les affidavits d’experts des treize experts produits avec l’espèce, y compris ceux des docteurs Fennerty et Marshall, se prononçant sur la validité, sans circonscrire les cinq affidavits déposés de plein droit pour chaque question ainsi que ceux qui sont produits en complément. Les demanderesses n’ont offert aucune solution de « juste milieu » advenant que la Cour conclue que 11 avis d’experts quant à la contrefaçon fussent un nombre excessif. Elles n’ont pas non plus indiqué à la Cour quels sont les affidavits formant le cœur de son dossier si elle devait être limitée à cinq avis. Elle n’a pas indiqué quelles seraient les répercussions d’une telle limite sur leur dossier ou les lacunes qui pourraient être raisonnablement comblées par l’ajout d’un nombre plus restreint d’experts que la liste complète de 11 témoins experts.

 

[45]           Les affidavits des docteurs McGinity et Malfertheimer portent exclusivement sur le volet formulation de la contrefaçon, et le la défenderesse ne semble pas s’opposer à leur nécessité ou à leur utilité. Je suis convaincue qu’ils sont nécessaires et qu’ils ne font pas double emploi.

 

[46]           Je suis également convaincue que les demanderesses ont besoin de s’appuyer sur une preuve du point de vue des médecins qui prescrivent le médicament et des pharmaciens qui le remettent aux patients pour étoffer leur dossier en contrefaçon des revendications sur l’utilisation. Les observations de la défenderesse semblent aller dans le même sens.

 

[47]           Cependant, je n’adhère pas à l’argument des demanderesses voulant que le point de vue des médecins prescripteurs ne puisse être présenté adéquatement sans produire la preuve de médecins issus de différentes provinces (notamment, l’Ontario et la Colombie-Britannique) ainsi que d’une panoplie de spécialistes (nommément, gastroentérologues et spécialistes des maladies infectieuses), en plus d’une preuve par sondage réalisé auprès de 410 médecins en Ontario et au Québec, représentant tant les généralistes que les spécialistes. À ce chapitre, les demanderesses ont produit les affidavits du Dr Corbin (spécialiste en sondages), du Dr Wolman (gastroentérologue en Ontario), du Dr Whittaker (gastroentérologue en Colombie-Britannique) et du Dr Low (spécialiste des maladies infectieuses en Ontario). La preuve de ces quatre experts est inutilement redondante. De plus, la preuve produite par les demanderesses à l’appui de leur position voulant que leur dossier ne soit pas complet sans les opinions de tous les spécialistes visés de toutes les provinces n’est pas convaincante. Si la preuve du Dr Wolman à ce sujet est admise, alors la preuve avancée par les demanderesses est déjà inadéquate, car elle ne comprend ni les opinions directes d’aucune autre province que de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ni de spécialistes des maladies infectieuses d’autres juridictions que l’Ontario et aucune opinion de médecin généraliste de tout. De plus, la question quant à la contrefaçon vise simplement à déterminer si l’allégation de non-contrefaçon de la défenderesse est justifiée. Une preuve d’incitation ou d’approvisionnement d’une seule catégorie de médecin d’une province, si établie, suffit à renverser le fardeau des demanderesses à ce chapitre. Le dossier des demanderesses peut être suffisamment étayé par la preuve d’un médecin et d’un spécialiste en sondages.

 

[48]           Les mêmes commentaires s’appliquent aux affidavits des pharmaciens. La preuve des demanderesses à ce chapitre comprend l’affidavit du Dr Corbin (spécialiste en sondages), du Dr Elliott (pharmacien communautaire en Ontario), du Dr Dresser (pharmacien hospitalier en Ontario), du Dr Hood (pharmacien communautaire en Colombie-Britannique), du Dr Julian (pharmacien communautaire au Québec) et de M. MacDonald (spécialiste des formulaires de médicaments). Je n’accepte pas la prétention des demanderesses selon laquelle elles doivent raisonnablement produire une preuve des pharmaciens de trois provinces (Ontario, Québec et Colombie-Britannique) ainsi qu’en provenance de deux types d’environnement (communautaire et hospitalier) ainsi qu’une preuve par sondage réalisé auprès de 701 pharmaciens communautaires en Ontario et au Québec. L’affidavit du Dr Elliott à l’appui de la requête de la requête en autorisation des demanderesses est aussi peu convaincant que celui du Dr Wolman.

 

[49]           Par conséquent, le dossier des demanderesses concernant le point de vue des pharmaciens peut être étayé de façon suffisante par l’affidavit d’un pharmacien et d’un expert en sondage.

 

[50]           Il ne reste que le volet des formulaires des médicaments. Les demanderesses ont produit l’affidavit de M. MacDonald, qui n’est pas pharmacien, afin d’étayer la preuve sur les formulaires des médicaments dans l’ensemble du Canada. Les observations et la preuve des demanderesses quant à la nécessité d’un expert en formulaires en plus de la preuve des pharmaciens mentionnent les suivantes :

 

[traduction]

Bien que les médecins et les pharmaciens connaissent les questions en lien avec les formulaires du point de vue de l’utilisateur, ni l’un ni l’autre ne peuvent donner une opinion d’expert sur les formulaires des médicaments dans l’ensemble du pays.

(Non souligné dans l’original.)

 

 

[51]           À l’instar de ma décision sur les pharmaciens et les médecins, il n’est pas nécessaire de démontrer un risque de contrefaçon dans toutes les provinces aux fins du présent litige. Les demanderesses n’ont pas mentionné qu’il était nécessaire d’avoir une compréhension du processus de constitution de ces formulaires dans leur dossier, laquelle justifierait le dépôt de la preuve de M. MacDonald en tant que spécialiste distinct. Les demanderesses, dont leurs observations, soutiennent que cette preuve est nécessaire pour dresser un portrait des formulaires dans l’ensemble du pays. Or, les formulaires de toutes les provinces ne risquent pas d’être utiles en l’absence d’une preuve quant aux pratiques des médecins et des pharmaciens de toutes les provinces. Je remarque également que deux des affidavits des pharmaciens produits par les demanderesses abordent la question des formulaires, confirmant ainsi, dans la mesure où ces commentaires sont pertinents au dossier des demanderesses, qu’il ne leur est pas nécessaire de convoquer un « expert en formulaires » pour étayer leur dossier.

 

[52]           En conclusion, les demanderesses ne sont pas parvenues à me convaincre qu’il était raisonnablement nécessaire qu’elles convoquent plus de trois témoins experts pour étayer leur action en contrefaçon d’utilisation : soit un médecin, un pharmacien et un expert pour présenter les résultats des sondages réalisés auprès des médecins et des pharmaciens. En ajoutant les deux experts des demanderesses quant aux questions sur la formulation, il semble que leur dossier n’exige pas nécessairement la présence de plus de cinq experts pour ce qui est de la question de la contrefaçon. De plus, une décision autorisant la présence d’experts supplémentaires ne serait pas conforme, en regard des circonstances du dossier, à la nature sommaire de ces procédures et au besoin de règlement expéditif de celles-ci.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  Les demanderesses ne s’appuient pas sur la preuve de plus de cinq des témoins experts suivants dont les affidavits ont été signifiés au moment de l’espèce : Dr Corbin, Dr Dresser, Dr Elliott, Dr Hood, Dr Julien, Dr Low, Dr Malfertheimer, M. MacDonald, Dr McGinity, Dr Whittaker et Dr Wolman.

 

2.                  Les demanderesses informent la Cour ainsi que les autres parties des trois preuves d’expert choisies aux fins de la procédure incidente dans les cinq jours suivants la date de la présente ordonnance. Tous les affidavits des autres experts indiqués au paragraphe 1 de la présente ordonnance seront radiés.

 

3.                  La requête des demanderesses soit rejetée.

 

4.                  Les dépens des deux requêtes soient versés à la défenderesse Novopharm Limited.

 

 

 

 

 

« Mireille Tabib »

Protonotaire
ANNEXE I

 

 

T-1836-06, Requête en réponse (Requête en radiation de preuve par affidavit), document de la Cour no 37, produit le 22 mai 2007

 

 

Paragraphe 39, questions, pages 140-141

 

 

Paragraphe 41, questions, pages 142-143 :

 

a.       Novopharm ne cherchera pas à faire autoriser son produit de pantoprazole pour le traitement des infections à h. pylori, que ce soit en monothérapie ou en thérapie combinée.

 

b.      L’étiquette de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

c.       La monographie de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

d.      Les documents promotionnels de Novopharm ne suggéreront pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

e.       Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne sera ni fabriqué ni formulé et ni utilisé ni vendu pour le traitement des infections à h. pylori.

 

f.        Novopharm ne présentera pas son produit de pantoprazole proposé à des tiers pour le traitement d’infections à h. Pylori ou en combinaison avec d’autres médicaments antibiotiques ou d’autres médicaments à toute autre fin.

g.       Les revendications 1-12 et 17-28 ainsi que les revendications 15, 16 et 44 (dans la mesure où elles dépendent des revendications 1 à 12) ne seront pas contrefaites, puisque chacune d’entre elles nécessite l’association du pantoprazole et de l’agent antimicrobien inhibiteur d’helicobacter dans un format à dose unique. Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne contient pas d’agent antimicrobien inhibiteur d’helicobacter.

 

h.       Les revendications 13, 14, 29-43 (ainsi que toute autre revendication dépendant de celles-ci) ne seront pas contrefaites puisque chacune de ces revendications nécessite la combinaison du pantoprazole et de l’agent inhibiteur d’helicobacter dans un format de doses distinctes et le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne sera pas composé d’une combinaison de pantoprazole et d’un agent inhibiteur d’helicobacter.

 

i.         Les revendications 15 et 17-30 (ainsi que toute autre revendication dépendant de celles-ci) portent sur l’utilisation du pantoprazole en combinaison avec un agent inhibiteur d’helicobacter afin de réguler les troubles gastro-intestinaux ou à titre d’agent régulateur gastro-intestinal. Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne contrefera pas ces revendications, car il ne sera pas approuvé pour quelque utilisation que ce soit en lien avec la régulation des troubles gastro-intestinaux ou à titre d’agent régulateur gastro-intestinal.

 

j.        L’étiquette de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation du produit de pantoprazole proposé pour la régulation des troubles gastro-intestinaux ou à titre d’agent régulateur gastro-intestinal; conséquemment, les revendications 15 et 17-30 (ainsi que toute revendication en dépendant) du brevet 748 ne seront pas contrefaites.

 

k.      La monographie de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation du produit de pantoprazole proposé pour la régulation des troubles gastro-intestinaux ou à titre d’agent régulateur gastro-intestinal; conséquemment, les revendications 15 et 17-30 (ainsi que toute revendication en dépendant) du brevet 748 ne seront pas contrefaites.

 

l.         Les documents publicitaires de Novopharm ne suggéreront pas l’utilisation du produit de pantoprazole proposé pour la régulation des troubles gastro-intestinaux ou à titre d’agent régulateur gastro-intestinal; conséquemment, les revendications 15 et 17-30 (ainsi que toute revendication en dépendant) du brevet 748 ne seront pas contrefaites.

 

a.       Seules les revendications 1, 2, 6 7-19 et 26-31 portent explicitement sur l’utilisation de pantoprazole ou de ses sels pharmaceutiquement acceptables pour combattre ou traiter les infections à helicobacter.

 

b.      Seules les revendications 3, 4, 5 et 20-25 devraient être interprétées pour inclure l’utilisation de pantoprazole ou de ses sels pharmaceutiquement acceptables pour combattre ou traiter les infections à helicobacter.

 

c.       Novopharm ne cherchera pas à faire autoriser son produit de pantoprazole pour le traitement des infections à h. pylori, que ce soit en monothérapie ou en thérapie combinée.

 

d.      L’étiquette de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

e.       La monographie de Novopharm ne suggérera pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

f.        Les documents promotionnels de Novopharm ne suggéreront pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à h. pylori.

 

g.       Le produit de pantoprazole d’Altana n’est pas approuvé pour le traitement des infections à h. pylori en monothérapie.

h.       Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne sera ni fabriqué ni formulé et ni utilisé ni vendu pour le traitement des infections à h. pylori, que ce soit en monothérapie ou en thérapie combinée.

 

i.         Novopharm ne présentera pas son produit de pantoprazole proposé à des tiers pour le traitement d’infections à h. pylori.

 

j.        Une fois le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ingéré, le pantoprazole sodique de sa composition agira en tant qu’inhibiteur de la sécrétion d’acide gastrique et non en tant qu’agent antimicrobien contre helicobacter ou helicobacter pylori.

 

k.      Les documents promotionnels de Novopharm ne suggéreront pas l’utilisation de son produit de pantoprazole proposé pour le traitement des infections à H. pylori.

 

l.         Le pantoprazole sodique seul n’éradiquera pas helicobacter ou helicobacter pylori.

 

m.     Le pantoprazole sodique, administré en combinaison avec un médicament antibiotique pour le traitement des infections à Helicobacter pylori, fonctionne en inhibant la sécrétion d’acide gastrique, plutôt qu’en ayant un effet antibactérien en soi.

 

n.       Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne contient pas une autre formule de pantoprazole dépourvue d’un enrobage gastroresistant; il comprend qu’une seule formule, laquelle est entièrement résistante aux sucs gastriques.

 

o.      Un élément essentiel des revendications 4, 9, 16 et 22, et de toute autre revendication en découlant, est la présence d’un enrobage qui n’est pas résistant aux sucs gastriques ou qui n’est pas considérablement résistant à ceux-ci. Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm ne comporte pas d’enrobage résistant aux sucs gastriques ou considérablement résistant à ceux-ci.

 

p.      Un élément essentiel des revendications 5, 10-12, 17-19, 23-25 et 30-31 est que la formule de pantoprazole est encapsulée. Le produit de pantoprazole proposé de Novopharm est un comprimé et non une capsule; par conséquent, ces revendications ne seront pas contrefaites par le produit de pantoprazole proposé de Novopharm.

 


ANNEXE II

 

Questions sur lesquelles chaque expert témoignera

 

 

Dr Corbin (enquête auprès des médecins et des pharmaciens) :

39

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

(j)

(k)

(l)

 

41

(d)

(e)

(f)

(h)

(i)

 

Dr Elliott (pharmacien communautaire en Ontario) :

39

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

(j)

(k)

(l)

 

41

 

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Dresser (pharmacien hospitalier en Ontario) :

39

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

(j)

(k)

(l)

 

41

 

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Hood (pharmacien communautaire en Colombie-Britannique) :

39

(c)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

(k)

 

41

 

(e)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Julien (pharmacien communautaire au Québec) :

39

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

(j)

(k)

(l)

 

41

 

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

 

 

M. MacDonald (formulaire des médicaments):

39

(c)

(e)

(f)

(i)

(j)

(k)

 

41

 

(e)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Wolman (gastroentérologue en Ontario) :

39

(c)

(e)

(f)

(g)

(i)

(j)

(k)

(l)

 

41

 

(e)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Whittaker (gastroentérologue en Colombie-Britannique) :

39

(c)

(e)

(f)

(g)

(i)

(j)

(k)

(l)

 

41

 

(e)

(g)

(h)

(i)

 

Dr Low (spécialiste des maladies infectieuses en Ontario) :

39

(c)

(e)

(f)

(i)

(k)

 

 

41

 

(e)

(g)

(h)

(i)

Dr McGinity (formulation) :

 

 

41

 

(k)

(l)

(m)

(n)

(o)

(p)

 

Dr Malfertheiner (formulation) :

 

 

41

 

(k)

(l)

(m)

(n)

(o)

(p)

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1836-06

 

 

INTITULÉ :                                       Altana Pharma Inc. et Altana Pharma AG c. Novopharm Limited et le Ministre de la Santé

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 mai 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 14 juin 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lindsay Neidrauer

Me Natalie Rizkalla-Kamel

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Me Mark Davis

Me Julian Worsley

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITED

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

NOVOPHARM LIMITED

 

 

John H. Sims, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

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