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Date : 20070116

Dossier : T-1856-06

Référence : 2007 CF 37

ENTRE :

RAYMOR INDUSTRIES INC.

et

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE

parties demanderesses

et

 

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES CANADA,

 BENOIT SIMARD, ORSON BOURNE,

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

et

GERVAIS SOUCY

parties défenderesses

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

[1]               Dans le présent dossier en matière de contrefaçon d’un brevet, tant les défendeurs Université de Sherbrooke et Gervais Soucy (collectivement les défendeurs UDS) que les défendeurs Conseil national de recherches Canada, Benoît Simard et Orson Bourne (collectivement les défendeurs CNRC) ont saisi cette Cour d’une requête en vertu de la règle 181(2) des Règles des Cours fédérales (les règles) afin qu’il soit ordonné aux demanderesses de leur fournir des précisions plus amples et plus précises sur certains paragraphes de la déclaration d’action des demanderesses.

[2]               La requête des défendeurs CNRC requiert également que les noms des défendeurs Benoît Simard et Orson Bourne soient radiés de l’intitulé de cause.

[3]               Les requêtes à l’étude prennent place dans le cadre d’une action en contrefaçon du brevet canadien 2,499,850 (le brevet ‘850) intentée en octobre 2006 par les demanderesses.  Le brevet ‘850 est intitulé “Method and Apparatus for producing single-wall carbon nanotubes”.  Essentiellement, l’invention couverte par ce brevet permettrait à ce que des “single-wall carbon nanotubes” (des nanotubes à couche simple) puissent être produits par un torche au plasma de façon continue sur une base maintenant commerciale.

[4]               Les demanderesses reprochent à l’ensemble des défendeurs d’avoir agi de concert pour mettre au point un processus de torche au plasma qui constituerait une contrefaçon du brevet ‘850.

[5]               Il y a lieu de se pencher premièrement en analyse sur la radiation recherchée par les défendeurs CNRC pour ensuite analyser les requêtes pour précisions des deux parties défenderesses.

Analyse

I – La demande de radiation

[6]               La demande des défendeurs CNRC de radier les défendeurs Simard et Bourne est à mon avis sans fondement et doit être rejetée.

[7]               Cette demande de radiation est basée sur la prémisse qu’une action contre la Couronne ne doit pas inclure dans son intitulé la désignation individuelle de préposés de l’état.

[8]               Ici, toutefois, il ne s’agit pas d’une action en responsabilité dirigée contre Sa Majesté la Reine en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, telle qu’amendée, pour la responsabilité indirecte de la Couronne en regard de gestes posés par des préposés de l’état.

[9]               Ici il s’agit d’une action entreprise sous la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, telle qu’amendée, contre, entre autres, le Conseil national de recherches du Canada.  Les employés Simard et Bourne de ce dernier Conseil ont été ajoutés nommément à l’intitulé de cause puisque selon les demanderesses, ces derniers auraient par leur gestes et conduite individuels participé suffisamment dans les gestes contrefacteurs.  Il m’apparaît ici que le Conseil et ses employés Simard et Bourne doivent être vu comme étant impliqués dans une dynamique qui équivaille à celles revues dans l’affaire Plainblanc c. Kastner (1994), 58 C.P.R. (3d) 507 où la jurisprudence y citée.

[10]           La demande de radier les défendeurs Simard et Bourne de l’intitulé de cause sera donc rejetée.


II – Les requêtes pour précisions

[11]           Avant de rendre une ordonnance en matière de précisions, la Cour doit se demander si une partie dispose de renseignements suffisants pour comprendre la thèse de la partie adverse et préparer une réponse adéquate, qu’il s’agisse d’une défense ou d’une réponse.  (Voir Astra Aktiebolag c. Inflazyme Pharmaceuticals Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 178 (C.F. 1ère inst.), à la page 184.)

[12]           Dans la décision Embee Electronic Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. et al (1979), 43 C.P.R. (2d) 285 (C.F. 1ère inst.), à la page 287, le juge Marceau explique dans quelle mesure la partie défenderesse est en droit d’obtenir, à l’étape des plaidoiries, des détails quant à la preuve de la partie demanderesse :

À ce stade préliminaire, un défendeur a le droit d’obtenir tous les détails qui lui permettront de mieux saisir la position du demandeur, de savoir sur quoi se fonde l’action contre lui et de comprendre les faits sur lesquels elle s’appuie, afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration et énoncer correctement les moyens sur lesquels il appuie sa propre défense, mais il n’a pas le droit d’aller plus loin et d’en demande plus.

 

[Non souligné dans l’original.]

[13]           Par ailleurs, le but d’une requête en précisions n’est pas celui d’un interrogatoire au préalable de la partie adverse et, tel qu’exprimé dans l’affaire Embee, supra, le but d’une requête en précisions n’est pas nécessairement de permettre à la défenderesse de connaître tous les faits sur lesquels l’action est foncée.  Dans l’arrêt Quality Goods I.M.D. Inc. v. R.S.M. International Active Wear Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 499 (C.F. 1ère inst.), le juge Dubé de cette Cour, en se référant lui-même à l’affaire Embee, a précisément rappelé cette distinction dans les termes suivants :

At discovery a party is entitled to be informed of any and every particular which will enable it to prepare its case for trial.  However, before the filing of its defence the defendant is only entitled to particulars which are necessary for filing its defence.  A request for particulars before defence ought not to be a fishing expedition and in any event is not as broad as discovery.

(citation omise)

[14]           Puisque la requête pour précisions des défendeurs UDS contient un affidavit et qu’elle recoupe certaines des précisions recherchées par les défendeurs CNRC, nous nous concentrerons sur la requête des défendeurs UDS.

[15]           D’entrée de jeu, on notera que les demanderesses considèrent, par les onglets 16 et 17 de leur dossier de réponse, avoir apporté suffisamment de précisions à diverses demandes en ce sens de l’ensemble des défendeurs.

[16]           Dans cet ordre d’idées, à moins que je n’intervienne ci-dessous de façon spécifique, l’on devra tenir que les précisions apportées sous les onglets 16 et 17 par les demanderesses sont maintenant suffisantes et que les demanderesses n’ont pas à apporter de plus amples précisions.

[17]           Quant à la demande de précisions A (1) qui vise le paragraphe 23 de la déclaration, cette demande est accueillie puisqu’elle ne vise pas en bout de course à faire préciser l’état du droit antérieur ou à obtenir des admissions en droit.  Je conclue ici que vu que le paragraphe 20 de la déclaration d’action introduit en quelque sorte l’historique qui est contenu aux paragraphes 21 à 23, il est requis ici par rapport au paragraphe 23 que les demanderesse apportent les précisions recherchées de manière à permettre aux défendeurs de comprendre, en fonction de la date du 9 mai 2002, la thèse de la partie adverse.

[18]           Dans cet ordre d’idées, la règle 174 fait référence au fait qu’un acte de procédure doit contenir un exposé des « faits substantiels ».  Or, le paragraphe 181(2) des règles, soit le paragraphe qui porte précisément sur la requête à l’étude, fait état de la possibilité de produire des « précisions supplémentaires sur toute allégation ».  Ce paragraphe 181(2) ne restreint pas nécessairement cette Cour à n’accorder des précisions supplémentaires que si elle est convaincue que ces précisions sont de la nature de « faits substantiels ».  À mon avis, sous le coup du paragraphe 181(2) la Cour peut ordonner qu’une partie fournisse à une autre des précisions de texte propres à permettre à la partie qui recherche les précisions à comprendre suffisamment la thèse de la partie adverse et à préparer, en retour, une réponse adéquate et intelligente.

[19]           La demande de précisions A (3) n’aura pas à être répondue puisque je considère que l’onglet 16 des demanderesses et une lecture du brevet en litige informe suffisamment les défendeurs pour qu’ils puissent produire une défense.

[20]           La demande de précisions A (4) vise le paragraphe 26 de la déclaration.  Elle n’aura pas à être répondue puisque les précisions recherchées ne sont pas requises pour les fins de rédaction d’une défense.  L’affidavit Brière soumis par les défendeurs UDS ne vient pas modifier cette conclusion.  Je ne considère pas que la situation sous ce paragraphe 26 équivaille au besoin de précisions reconnu quant au paragraphe 23 de la déclaration d’action.

[21]           Quant à la demande de précisions A (5) (voir aussi le paragraphe 2 (e) de la requête des défendeurs CNRC) qui vise le paragraphe 31 de la déclaration, même si ce paragraphe 31 peut être vu comme insinuant de la mauvaise foi chez le docteur Simard et autres, l’affidavit Brière ne me convainc pas, vu son ouï-dire, que les défendeurs ne possèdent pas les précisions recherchées.  De plus, je ne suis pas convaincu que les précisions recherchées sont requises pour les fins de plaider.  Les mêmes arguments s’appliquent mutatis mutandis pour refuser les précisions recherchées à la demande de précisions A (6) a) et b) qui vise le paragraphe 32 de la déclaration.

[22]           La demande de précisions A (8) c) qui vise le paragraphe 51 de la déclaration n’a pas à être répondue vu que la prise de position recherchée par les défendeurs implique en bonne partie que les demanderesses se commettent sur une question de droit.

[23]           Quant à la requête pour précisions des défendeurs CNRC, pour ce qui ne serait pas couvert déjà par le traitement de la requête en précisions des défendeurs UDS, il y a lieu de noter ceci.

[24]           Quant à la demande de précisions 2 (f) iii) qui vise le paragraphe 35 de la déclaration d’action, cette demande n’aura pas à être répondue puisque je considère qu’elle a été répondue maintenant suffisamment.  De plus, vu l’absence d’affidavit au soutien de la requête des défendeurs, il n’a pas été établi que ces derniers ne connaissent pas les renseignements recherchés ou qu’ils en ont besoin pour préparer une défense.  Ces motifs sont applicables mutatis mutandis aux demandes de précisions 2 (g) et (h) qui n’auront donc pas à être répondues.

[25]           Quant à la demande de précisions 2 (j) – que la Cour n’a pas ici à reformuler – son libellé fait que les commentaires énoncés par les demanderesses aux paragraphes 66 à 68 de leurs représentations écrites en réponse s’appliquent pour nier toute précision aux défendeurs CNRC.  De plus, en tout état de cause, la précision recherchée n’est point justifiée et soutenue à ce stade-ci.

[26]           En conclusion, hormis la précision A (1) discutée plus avant quant au paragraphe 23 de la déclaration d’action, la requête en précisions des défendeurs UDS et la requête en radiation et en précisions des défendeurs CNRC seront rejetées avec dépens, pour chacune des requêtes, en faveur des demanderesses.

[27]           L’ordonnance accompagnant les présents motifs disposera, de plus, d’un échéancier pour l’avancement du dossier face aux prochaines étapes à couvrir.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

Montréal (Québec)

le 16 janvier 2007


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                         T-1856-06

 

INTITULÉ :   RAYMOR INDUSTRIES INC. ET AL

parties demanderesses

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES CANADA ET AL

parties défenderesses

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                Le 9 janvier 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                       Le 16 janvier 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Me Brigitte Chan

Me Robert H.C. MacFarlane

Me Christine M. Pallotta

 

POUR LES DEMANDERESSES

Me Chantale Sauriol

 

POUR LES DÉFENDEURS

CNRC, BENOÎT SIMARD ET

ORSON BOURNE

 

Me François Guay

Me Émilie Dubreuil

POUR LES DÉFENDEURS

GERVAIS SOUCY ET

UNIIVERSITÉ DE SHERBROOKE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin & Parr

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

CNRC, BENOÎT SIMARD ET

ORSON BOURNE

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

GERVAIS SOUCY ET

UNIIVERSITÉ DE SHERBROOKE

 

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