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Date : 20 061 114

Dossier : T-1408-02

Référence : 2006 CF 1373

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2006

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

CALGON CARBON CORPORATION

demanderesse

et

 

 

LA CORPORATION DE LA VILLE DE NORTH BAY et

TROJAN TECHNOLOGIES INC.

 

défenderesses

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

INTRODUCTION

  • [1] [traduction] « Il n’est pas nécessaire de tuer les petits chenapans, il suffit de les soumettre à une vasectomie ». C’est de cette façon que M. Sam Stevens, Ph. D., a décrit les effets de l’irradiation du Cryptosporidium parvum avec de faibles doses de rayons ultraviolets, lors de son témoignage au cours de l’instruction de la présente action en contrefaçon de brevet.La demanderesse, Calgon Carbon Corporation (« Calgon ») a obtenu le brevet canadien no 2 331 525 (le brevet 525) pour ce procédé. Que le procédé soit utile est incontestable. Mais, était-il nouveau? Pour les motifs qui suivent, je conclus que le brevet se heurte à une antériorité et est invalide.

 

  • [2] La demanderesse allègue une contrefaçon directe par la Corporation de la ville de North Bay (« North Bay »). Trojan Technologies Inc. (« Trojan ») aurait présumément incité ou amené la ville de North Bay à contrefaire le brevet.

 

  • [3] La réparation demandée par la demanderesse inclut un jugement déclaratoire pour contrefaçon, une injonction permanente et des dommages-intérêts contre Trojan et des dommages-intérêts ou une restitution des bénéfices contre North Bay. Calgon ne demande pas de jugement déclaratoire contre North Bay. Les défenderesses reconventionnelles sollicitent un jugement déclarant que le brevet est invalide.

 

Les parties :

 

  • [4] Calgon est une société du Delaware, installée à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Elle exerce principalement ses activités dans le domaine de la fabrication et de la vente de produits et systèmes à charbon actif pour purifier l’eau, l’air et les produits alimentaires. Calgon a commencé à fabriquer et à vendre sa propre gamme de systèmes de traitement de l’eau aux ultraviolets (UV) sous la marque Sentinel à la fin des années 1990. Calgon est propriétaire du brevet 525 et accorde des licences à des installations de traitement des eaux pour leur permettre d’utiliser la technologie du brevet 525 à un tarif de 1,5 cent par millier de gallons d’eau traitée.

 

  • [5] La ville de North Bay est une corporation municipale de l’Ontario. Elle possède notamment ses propres installations de traitement des eaux exploitées par l’Agence ontarienne des eaux, et elle approvisionne en eau potable les résidents et les entreprises de la ville. Les coûts du traitement des eaux et de l’approvisionnement en eau potable sont à la charge des contribuables. La source principale d’eau potable de la ville est le lac Trout, un grand lac profond et normalement d’une pureté cristalline, situé à côté de la municipalité. La ville de North Bay a contracté avec Trojan en 2001 afin que cette dernière lui fournisse un système de désinfection d’eau potable aux UV pour son usine de traitement de l’eau.

 

  • [6] Trojan, dont le siège se situe à London, en Ontario, une filiale en propriété exclusive d’une entreprise américaine. Elle œuvre dans le domaine de la conception, de la fabrication et de la vente de systèmes de désinfection aux ultraviolets depuis les années 1970. Initialement, ses systèmes d’eau potable étaient conçus pour les applications résidentielles. Toutefois, Trojan a récemment élargi sa gamme de produits et services pour inclure maintenant le traitement municipal et industriel de l’eau potable et des eaux usées. Trojan a fourni le système de rayonnement ultraviolet à North Bay qui aurait prétendument contrefait le brevet de Calgon. Dans le cadre de cette entente, Trojan a accepté d’indemniser North Bay contre toute prétention de contrefaçon d’un brevet découlant de l’utilisation du système.

 

Le brevet

 

  • [7] La demande de brevet 525 intitulée [traduction] « Procédé pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum à l’aide de rayons ultraviolets » a été déposée le 5 mai 1999 et revendiquait une priorité sur la demande de brevet américaine no 09/078116 déposée aux États-Unis, le 13 mai 1998. La date de la revendication aux fins de la présente espèce est, par conséquent, la date de dépôt aux États-Unis. La demande du brevet 525 est devenue accessible au public le 18 novembre 1999 et le brevet a été délivré le 19 février 2002.

 

  • [8] Le brevet 525 ne comporte que quatre revendications :

1. Un procédé pour la prévention des oocystes de Cryptosporidium consistant à irradier l’eau avec une bande large continue de lumière ultraviolette à des doses d’environ 10 mJ/cm2 à environ 175 mJ/cm2. 

2. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 selon lequel ladite bande large est une fréquence comprise entre 200 et 300 nm au moyen d’une lampe à ultraviolets.

3. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 ou 2 selon lequel ladite dose est d’environ 20 mJ/cm2 à environ 30 mJ/cm2.

4. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 selon lequel ladite bande large est une fréquence comprise entre 200 et 300 nm au moyen d’une lampe à ultraviolets à pression moyenne. 

 

 

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

 

  • [9] La déclaration de la présente action a été produite le 29 août 2002. Des précisions ont été demandées et fournies en réponse à une requête en radiation de certaines parties de la déclaration. North Bay a ensuite présenté une requête demandant un jugement sommaire au motif que le brevet 525 faisait l’objet d’une antériorité. North Bay a en outre soutenu que le brevet 525 ne divulguait pas d’invention, mais plutôt la simple découverte d’un avantage tiré d’une ancienne invention.

 

  • [10] Dans Calgon Carbon Corp. c. North Bay (Ville), 2005 CF 838, 41 C.P.R. (4 th) 78, le juge James Hugessen a accueilli la requête de jugement sommaire de North Bay et a rejeté l’action contre North Bay en tant que défenderesse. Aux fins de la requête, North Bay avait abandonné les preuves de ses propres experts et s’était appuyé sur celles de l’expert de la demanderesse, M. Huffman, Ph. D. Ce dernier, qui n’a pas été appelé à témoigner par Calgon lors du procès, a admis à l’interrogatoire préalable que si on faisait abstraction des mots « pour prévenir la réplication de Cryptosporidium parvum » dans les revendications 1 à 4, alors le procédé pourrait être décrit comme un procédé ancien et bien connu avant la date de la revendication.Les antériorités produites en preuve par affidavit dans la requête comportaient celle du système à ultraviolets installé à Fort Benton, au Montana et les systèmes de point d’entrée installés à North Bay.

 

  • [11] S’appuyant sur cette preuve, le juge Hugessen a conclu que l’utilisation d’une ancienne invention pour prévenir la réplication des oocystes de Cryptosporidium était une simple découverte et non une nouvelle invention, même si l’avantage n’était pas antérieurement connu. En conséquence, cette utilisation n’était pas un objet brevetable.

 

  • [12] Calgon a interjeté appel du rejet de son action. Dans une décision datée du 6 décembre 2005, la Cour d’appel a accueilli l’appel et a annulé le jugement sommaire : Calgon Carbon Corporation c. North Bay (Ville), 2005 CAF 410, 262 D.L.R. (4 th) 476. Citant l’affaireShell Oil c. Canada (Commissaire des brevets), [1982] 2 R.C.S. 536 (Shell Oil), et l’affaire Hickton’s Patent Syndicate v. Patents and Machined Improvements Co. (1909), 26 R.P.C. 339, le juge Marshall Rothstein a statué au nom de la Cour que l’irradiation de l’eau pour la traiter contre Cryptosporidium à l’aide de doses faibles de rayonnements UV, bien que cela ne constitue pas en soi un nouveau procédé, consiste néanmoins en une nouvelle utilisation découverte pour ce procédé et correspond par conséquent à une réalisation qui présente le caractère de la nouveauté et de l’utilité. Au paragraphe 17 de la décision, le juge Rothstein a déclaré :

Le caractère d’utilité, en l’espèce, provient du procédé d’utilisation de doses particulières de rayonnements UV pour prévenir la réplication des oocystes de Cryptosporidium. L’aspect nouveau, auparavant inconnu, du procédé provient de ce que l’utilisation de doses particulières de rayonnements UV traite l’eau adéquatement pour en prévenir la contamination attribuable à Cryptosporidium. Cette application permet d’éviter d’avoir recours à une méthode plus coûteuse pour parvenir au même résultat. Ces caractéristiques satisfont à la définition d’« invention ». [Non souligné dans l’original]

 

  • [13] La Cour d’appel a refusé de traiter la question de l’antériorité puisqu’elle n’avait pas été abordée dans la décision du juge Hugessen et qu’elle n’avait été « abordée que de manière superficielle » par les parties. La demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada de la décision de la Cour d’appel a été rejetée sans motifs : Calgon Carbon Corporation c. North Bay (Ville), [2006] C.S.C.R. No. 39.

 

  • [14] En l’espèce, la demanderesse affirme que la question de savoir si l’objet du brevet 525 est brevetable est maintenant une chose jugée. North Bay et Trojan soutiennent que les questions de la présente affaire ne sont pas les mêmes que celles dont a été saisie la Cour d’appel. Il y a des faits nouveaux concernant les antériorités, de nouveaux témoignages d’experts et de nouvelles interprétations des revendications avancées par les experts. J’ai donc, selon les défenderesses, toute latitude pour parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour d’appel quant à la validité du brevet 525.

 

  • [15] Les défenderesses m’incitent à réexaminer la question de savoir s’il s’agit d’une simple découverte ou d’une nouvelle utilisation brevetable d’un ancien procédé en fonction des éléments de preuve déposés pendant le procès. Cette preuve établit, selon les défenderesses, que l’utilisation n’était pas nouvelle et que des rayonnements UV, dans des doses comprises dans la fourchette revendiquée de 10 à 175 mJ/cm², avaient été utilisés pour désinfecter l’eau potable contre le Cryptosporidium avant le dépôt de la demande de brevet.

 

  • [16] Je suis évidemment lié par la ratio de la décision de la Cour d’appel que je considère comme étant le principe enseigné par Shell Oil appliqué à la preuve limitée dont disposait la Cour. Puisque la Cour d’appel s’est expressément abstenue de répondre à la question de l’antériorité, sa décision n’empêche pas de conclure que l’utilisation de rayons UV aux niveaux revendiqués était connue pour traiter l’eau afin de prévenir le Cryptosporidium avant la date de la demande de brevet. De plus, la preuve à examiner concernant l’antériorité comporte de nouveaux éléments de preuve que le juge Hugessen n’avait pas à sa disposition ou qui ne se trouvaient pas dans le dossier devant la Cour d’appel.

 

  • [17] Comme l’indique le paragraphe d’ouverture de ces motifs, j’ai retenu de la preuve que le procédé était connu avant la date de la demande du brevet, à savoir le fait qu’utiliser des rayons UV à des doses particulières permet de traiter adéquatement l’eau pour prévenir une infection causée par le Crypto, et que l’invention n’était donc pas nouvelle.

 

  • [18] Le résumé des faits qui suit est tiré des témoignages et de la preuve documentaire au procès.

 

CONTEXTE FACTUEL

 

Cryptosporidium parvum

 

  • [19] Il existe plusieurs espèces de protozoaires Cryptosporidium(c’est-à-dire, des parasites unicellulaires). En tant que parasites, ils ne peuvent se reproduire qu’au sein d’un autre organisme (l’« hôte »).Le Cryptosporidium parvum peut causer une maladie gastro-intestinale, la cryptosporidiose, lorsqu’il est ingéré par un animal ou un humain hôte. Le Cryptosporidium parvum semble être la principale espèce responsable de la cryptosporidiose chez les humains et les animaux et on sait qu’il se propage dans l’eau potable contaminée, dans les aliments contaminés et lors de contacts rapprochés.

 

  • [20] À une étape de son cycle de vie, la phase de l’oocyste ou de spore, le parasite est enfermé dans une membrane protectrice ressemblant à un kyste qui peut être à parois épaisses ou minces. Les oocystes aux parois épaisses sont hautement résistants aux stress environnementaux et aux désinfectants courants comme le chlore.

 

  • [21] Les oocystes mesurent environ 4 à 6 micromètres (4-6 µm ou millionième de mètre) de diamètre et passeront à travers de nombreux systèmes de filtration. Lorsqu’ils sont ingérés, les acides gastriques et les enzymes provoquent l’ouverture de l’oocyste, un processus appelé dékystement, et la libération de jusqu’à quatre sporozoïtes. Les sporozoïtes s’attachent aux cellules intestinales et reprennent le cycle de vie, reproduisant les protozoaires dans l’hôte.Les oocystes aux parois minces peuvent rester dans le tractus intestinal et se multiplier, produisant des symptômes tels que de la fièvre et de la diarrhée.

 

  • [22] Aussi bien la maladie que le parasite sont communément connus sous le nom de « Crypto » et c’est le terme que j’utiliserai à moins qu’il ne soit nécessaire de faire la distinction entre les deux dans un contexte particulier.

 

  • [23] Les oocystes de Crypto aux parois épaisses sont présents dans les excréments des hôtes infectés, où ils peuvent ensuite être emportés par la pluie, la neige ou par le déversement des eaux usées dans les lacs, les étangs, les rivières et les cours d’eau. Les oocystes peuvent donc être présents dans l’eau prélevée de sources de surface (« eaux de surface ») ou de puits peu profonds (« eaux souterraines sous l’influence des eaux de surface ») où se trouvent des hôtes infectés dans le bassin versant de la source en question.Généralement, le Crypto ne se trouve pas dans les puits profonds en raison de la filtration naturelle à travers les sédiments de l’aquifère.

 

  • [24] Les oocystes de Crypto peuvent n’apparaître que de façon sporadique dans une source d’eau; généralement après une forte pluie ou après la fonte des neiges au printemps. Il est difficile de déterminer si une source d’eau est contaminée, car un échantillon donné d’eau prélevé pour l’analyse peut ne contenir aucun oocyste.Par conséquent, lorsque l’on effectue des tests pour déterminer le risque de la présence du Crypto, les analystes s’appuient sur la présence d’autres contaminants tels que les bactéries E. coli qui indiquent la présence de matières fécales dans l’eau.

 

  • [25] Chez les personnes en santé, la cryptosporidiose peut disparaître spontanément en quelques jours. Pour d’autres personnes, en particulier les plus jeunes ou les personnes âgées ou celles dont le système immunitaire est affaibli, comme les personnes atteintes du SIDA, la cryptosporidiose peut entraîner des conséquences graves, y compris la mort. Il n’existe aucun traitement spécifique. Par conséquent, il s’agit d’un important problème de santé publique.

 

  • [26] Le premier foyer de cryptosporidiose liée à l’eau contaminée a été signalé dans un système d’eau souterraine au Texas en 1984. Deux épidémies majeures ont suivi en Géorgie, aux États-Unis et à Swindon, au Royaume-Uni à la fin des années 1980.Ce qui a capté l’attention, cependant, a été l’épidémie à Milwaukee, au Wisconsin en 1993 au cours de laquelle environ 400 000 personnes auraient été infectées.Cet incident, en particulier, semble avoir attiré l’attention sur l’utilisation de méthodes de rechange pour prévenir l’infection Crypto. Au Canada, une épidémie a eu lieu à Waterloo, en Ontario, en 1993 et à Cranbrook, en C.‑B., en 1996.

 

  • [27] Le traitement conventionnel de l’eau comporte plusieurs étapes pour produire de l’eau potable ou de « l’eau traitée », y compris le tamisage, la coagulation, la floculation et la filtration. Dans des conditions optimales, la coagulation et la filtration peuvent efficacement supprimer les oocystes de Cryptosporidium. Toutefois, un nombre important d’éclosions de la cryptosporidiose avant 1998 étaient liées à de tels systèmes de traitement de l’eau. C’était le cas à Waterloo, en Ontario, qui exploitait un système conventionnel pour traiter les eaux prélevées dans la rivière Grand, des puits d’eau souterraine et des puits d’infiltration adjacents à la rivière.

 

  • [28] Après la filtration, la pratique en Amérique du Nord consistait à ajouter un désinfectant chimique, généralement du chlore.Les réglementations nord-américaines exigent généralement qu’une quantité constante de chlore reste dans les conduites d’eau jusqu’au point d’utilisation.La présence de ce chlore résiduel dans l’eau empêche l’infiltration bactérienne et la croissance microbienne dans les tuyaux, mais elle constitue également une source de préoccupations concernant les effets sur la santé et d’objections d’ordre esthétique.Le chlore produit des trihalométhanes connus pour être cancérigènes. Dans les concentrations utilisées pour le traitement de l’eau, le chlore ne « tue » pas ni ne désactive le Crypto.

 

  • [29] L’ozone chimique est considéré comme très efficace contre le Crypto, mais il est coûteux et difficile à utiliser. L’ozone a été utilisé par Milwaukee suite à l’épidémie de 1993. Des quantités moindres d’ozone peuvent être utilisées pour le contrôle des odeurs et du goût. Les systèmes de filtration modernes utilisant des filtres à membrane fine peuvent également être efficaces pour éliminer les protozoaires, y compris le crypto, si les pores de la membrane sont suffisamment petits. Les systèmes de microfiltration sont également coûteux à installer et à entretenir.

 

  • [30] L’élimination des pathogènes est mesurée en logarithmes ou « logs ». Une réduction logarithmique équivaut à l’élimination de 90 % de tous les agents pathogènes présents, deux réductions équivalent à 99 %, trois à 99,9 %, quatre à 99,99 %, 5 à 99 999 % et ainsi de suite. Ce moyen de calculer l’efficacité du traitement dépend de l’apport. Une élimination à 99,9 % peut encore laisser un nombre considérable d’oocystes capables de se répliquer s’ils étaient initialement présents dans une quantité importante. En outre, il est difficile de savoir si le parasite est présent ou non. Cela équivaut à rechercher un grain de sable dans une piscine. Un oocyste peut être capable d’infecter une personne ayant un système immunitaire affaibli. La justesse des mesures préventives peut, dans certains cas, dépendre d’une combinaison d’obstacles assortis de réductions logarithmiques différentes attribuées à chacune d’entre elles, pour garantir une réduction suffisante.

 

Irradiation aux ultraviolets

 

  • [31] Les limitations inhérentes aux systèmes conventionnels de traitement de l’eau et les coûts et autres facteurs négatifs associés à l’ozone et à la filtration membranaire ont suscité un intérêt accru en Amérique du Nord pour l’irradiation aux rayons ultraviolets comme solution pour les protozoaires comme le Giardia et le Crypto, au début et au milieu des années 1990.

 

  • [32] La lumière ultraviolette agit de façon à perturber la réplication dans un organisme en réticulant ses brins double hélice d’ADN ou d’ARN empêchant leur séparation en deux brins.Cet effet de la lumière UV était connu dans l’art antérieur, et l’utilisation de faibles niveaux de lumière UV comme désinfectant contre les bactéries et les virus dans l’eau potable et le traitement des eaux usées était bien établie avant le milieu des années 1990.

 

  • [33] Les unités de mesure standard de l’énergie UV sont les milliwatts par centimètre carré (mW/ cm2).Les doses sont exprimées en termes d’intensité, de temps et de surface en milliwatts, secondes par centimètre carré ou millijoules par centimètre carré (mJ/cm²).Une dose est la quantité réelle d’énergie livrée multipliée par le temps nécessaire pour la livrer.L’effet est le même que l’énergie soit transmise de manière intermittente ou continue.

 

  • [34] Dans une lampe UV moyenne pression typique, la vapeur de mercure est maintenue à une pression d’environ 1000 mm, une pression à laquelle elle produit une large bande continue de lumière ultraviolette à des longueurs d’onde inférieures à 254 nm. Dans une lampe UV basse pression typique, la pression de mercure est d’environ 10 mm de mercure ou moins, une pression à laquelle elle produit de la lumière ultraviolette principalement à une seule longueur d’onde de 254 nanomètres (nm) avec des émissions plus petites à d’autres longueurs d’onde à l’intérieur du spectre UV. Les UV peuvent également être délivrés par des systèmes de lumière pulsée qui délivrent des éclairs de lumière UV à haute intensité de façon intermittente.

 

  • [35] Au début des années 1990, beaucoup de personnes du domaine du traitement de l’eau pensaient qu’une forte dose de lumière UV, comprise entre 3 000 et 5 000 mJ/cm² était nécessaire pour « tuer » ou inactiver le Crypto à l’étape du cycle de vie de l’oocyste. On croyait qu’il était difficile de pénétrer les membranes des oocystes avec la lumière UV. Les méthodes in vitro utilisées dans les laboratoires pour évaluer et mesurer l’efficacité de la lumière UV étaient le dékystement et la coloration au colorant vital.Ces tests étaient considérés comme des substituts fiables à la méthode in vivo plus longue et coûteuse, l’infectiosité pour la souris – décrite dans la preuve comme l’« étalon-or » des tests microbiologiques. L’Environmental Protection Agency des États-Unis a exigé la réalisation d’études sur l’infectiosité des animaux pour démontrer l’efficacité des technologies d’inactivation.

 

  • [36] En évaluant les résultats des tests, il est important de se rappeler que les solides en suspension dans l’eau naturelle peuvent nuire à l’absorption de la lumière UV par les organismes. La clarté est mesurée en unités de turbidité néphélométriques (UTN). Un turbidimètre examine la façon dont la lumière est diffusée par les matières particulaires en suspension dans l’eau.

 

  • [37] En 1996-1997, il y avait plusieurs milliers d’installations UV connues utilisant des doses variant de 10 à 40 mJ/cm² pour traiter l’eau. La désinfection aux UV était plus largement pratiquée en Europe qu’en Amérique du Nord. Par exemple, en 1997, l’Allemagne avait déjà développé une norme et accrédité huit fabricants.

 

  • [38] Le marché nord-américain des systèmes UV municipaux avant 1998 était restreint en raison du recours au chlore comme désinfectant contre les bactéries et les virus.La recherche menée par Calgon sur l’efficacité des faibles doses d’UV a été un facteur positif dans le développement du marché municipal. Jusqu’alors, le marché de Trojan se limitait principalement au traitement des eaux usées et aux applications UV pour les résidences et les chalets.

 

  • [39] Comme cela a été mentionné ci-dessus, Waterloo a connu une éclosion de cryptosporidiose en 1993. Entre autres sources, la municipalité régionale de Waterloo prélève son eau des puits d’infiltration adjacents à la rivière Grand.En vertu de la réglementation actuelle de l’Ontario, ces puits sont potentiellement considérés comme des sources d’« eaux souterraines sous l’influence directe des eaux de surface » ou des puits d’ESIDES. Pour les puits de cette catégorie, Waterloo utilise les ultraviolets comme désinfectant principal soutenu par du chlore résiduel. La ville de Waterloo compte environ dix puits de ce type et utilise de l’équipement UV fabriqué par Calgon, Trojan et Wedeco.

 

  • [40] Des systèmes UV pour deux puits de Waterloo, dont un puits d’ESIDES, ont été commandés et installés en octobre 1996. À cette époque, le ministère provincial a exigé un temps de contact prolongé du chlore dans le système et assurer cela aurait été extraordinairement coûteux.Pour le puits W-10, un puits d’ESIDES, Waterloo exploite un réacteur UV Trojan 8000 fonctionnant dans la fourchette de 40 à 60 mJ/cm². Il a été installé pour l’élimination des bactéries et des virus. La région n’a pas réalisé de tests pour détecter la présence du Crypto à ce puits, puisqu’il serait difficile de confirmer sa présence ou absence.

 

  • [41] Des « crédits » logarithmiques sont attribués par les organismes de réglementation pour l’utilisation de différentes méthodes de désinfection. Waterloo reçoit actuellement un crédit logarithmique de 2,5 pour la filtration naturelle dans les puits sous l’influence directe des eaux de surface (« puits ESIDES ») et un crédit logarithmique de seulement 0,5 pour le traitement aux UV.. La norme minimale à respecter est de 2 crédits logarithmiques. Waterloo exploite également un réacteur Calgon Sentinel à son usine de traitement de Mannheim qui prélève de l’eau directement de la rivière Grand. Étant donné que la présence du Crypto dans cette rivière est bien connue, la réduction logarithmique visée à partir des multiples obstacles utilisés à cet endroit est de l’ordre de 5 à 7 logarithmes. Le témoin de la demanderesse, M. Stanley, Ph. D., de la société des services d’eau d’Edmonton, Epcor, a indiqué que toute réduction logarithmique serait précieuse pour un producteur d’eau.

 

Le système UV de North Bay

 

  • [42] En août 2000, l’Ontario a adopté des règlements plus stricts sur la protection de l’eau à la suite de la contamination du réseau d’eau potable à Walkerton, en Ontario.L’eau de North Bay, à ce moment-là, ne recevait aucun traitement autre que celui au chlore. Sa source, le lac Trout, était considérée comme l’une des plus pures, à l’exception de l’inversion printanière et automnale qui produisait une augmentation des niveaux de turbidité (particules) et de coliformes. À la suite des événements de Walkerton, le ministère de l’Environnement de l’Ontario (MEO) a avisé la ville que son procédé de traitement devait pouvoir traiter un risque plus élevé de contamination microbiologique, y compris l’élimination du Giardia à 99 % (2 logs).Le Crypto n’a pas été cité à ce moment-là, mais la ville s’attendait à ce qu’il soit inclus dans un avenir proche. Rien ne prouvait que du Crypto se trouvait dans le lac et rien n’indiquait que l’on s’attendait à ce qu’il soit présent. La ville n’avait jamais connu d’éclosion de Crypto et elle n’effectuait aucun test pour détecter sa présence.

 

  • [43] North Bay a retenu les services d’un consultant en environnement pour mener une évaluation des risques liés à son approvisionnement en eau dans le lac Trout.Cette évaluation a indiqué que le Giardia était probablement présent dans le lac de temps à autre et qu’il était possible que le Crypto soit également présent.

 

  • [44] En plus des exigences réglementaires, une firme d’ingénierie CH2M Hill Canada (CH2M) a été embauchée pour évaluer les options disponibles.Quatre options ont été envisagées : une nouvelle installation de filtration membranaire; ajouter un réservoir de contact d’ozone; ajouter un réservoir de contact de chlore; et l’irradiation aux ultraviolets. La filtration membranaire a été l’option privilégiée, mais, à cette époque, elle était très coûteuse. L’ajout de chlore n’aurait eu aucun effet sur le Crypto. Le réservoir de contact d’ozone était coûteux et difficile à installer et son utilisation était dangereuse. L’option relative aux UV n’avait pas alors l’approbation du MEO. Toutefois, Trojan était prête à installer un système pilote pour vérifier la réduction logarithmique à ses frais et CH2M a recommandé à la ville de saisir cette occasion, ce qu’elle a fait. Les tests ont été menés durant trois mois et ont été jugés réussis.

 

  • [45] Les représentants de North Bay ont tenté d’éviter d’adopter la méthode de la filtration membranaire en raison des dépenses en immobilisations importantes que cela représentait et parce que la source du lac était normalement vierge et conforme aux lignes directrices provinciales sur la turbidité.Toutefois, en avril 2001, le lac a connu un épisode de turbidité ou d’inversion important qui a donné lieu à un avis d’ébullition de l’eau par le médecin hygiéniste en chef. La ​​conclusion à laquelle sont parvenus les représentants de la ville à la suite de cet événement était qu’ils devraient chercher du financement pour la construction d’un nouveau système de filtration. Ils l’ont depuis fait et un nouveau système devrait entrer en service en 2008. Ils ont été informés que la désinfection aux UV ne serait pas efficace à des niveaux de turbidité élevés. Dans l’intervalle, les représentants de la ville ont été contraints d’installer une protection supplémentaire et, sur l’avis de leurs consultants, ils ont considéré que la désinfection aux UV constituait la meilleure solution temporaire.

 

  • [46] CH2M avait une relation de travail avec Trojan. Trojan a mis à la disposition de CH2M des recherches, du matériel d’essai et des laboratoires. CH2M a évalué les systèmes concurrents sur le marché pour la ville, y compris celui de Calgon, mais a recommandé le système de Trojan qui, selon elle, était le meilleur globalement.Il était loisible à la Ville d’accepter la recommandation d’adopter l’irradiation aux UV en ayant recours aux produits d’une autre entreprise, mais Trojan avait clairement l’avantage d’une présence établie dans le domaine et de sa relation avec CH2M. Calgon a eu une arrivée tardive. L’entreprise est entrée sur le marché en 1996 et a fait sa première vente du système Sentinel en 1999. Trojan fabriquait des systèmes de désinfection aux UV pour le traitement des eaux usées et les systèmes d’eau potable au point d’entrée ou au point d’utilisation depuis plus d’une décennie.

 

  • [47] L’ingénieur municipal, John Simmonds, a recommandé au Conseil d’accepter la recommandation de CH2M. Compte tenu des contraintes de temps, il n’y a pas eu de processus d’appel d’offres. Le conseil municipal a adopté des résolutions le 9 juillet 2001 pour installer l’équipement UV acheté auprès de Trojan. Dans un document daté du 13 juillet 2001, Trojan s’est engagée à indemniser North Bay de tout dommage ou coût encouru à la suite d’une action en justice découlant d’une plainte en contrefaçon de brevet. Il semble que cette demande ait été faite par CH2M au nom de la ville, mais rien n’indique que la ville en ait été avisée avant que la décision d’achat ne soit prise. En septembre 2001, Calgon a écrit à la Ville pour l’informer que le procédé de traitement aux UV proposé était couvert par son brevet et qu’elle était prête à autoriser l’utilisation de la technologie par la Ville. Le témoignage de M. Simmond selon lequel il a été mis au courant de l’indemnité en octobre 2001 à la suite de la réception de la lettre de Calgon est appuyé par une note datée à ce moment-là.

 

  • [48] Nonobstant l’avis relatif au brevet 525, North Bay a choisi d’aller de l’avant avec la mise en œuvre du système Trojan sans demander une licence à Calgon ni payer les frais s’y rattachant.En supposant que la ville traite environ 20 millions de gallons par jour, ces frais seraient d’environ 100 000 $ par année.Selon les termes de M. Simmonds, les représentants de la Ville ont considéré le brevet comme étant [traduction] « absurde » et sans validité.

 

  • [49] En juin 2002, l’usine municipale de North Bay a commencé à traiter l’eau potable par irradiation aux UV. Le système Swift de Trojan employé par North Bay utilise des lampes à moyenne pression fonctionnant en continu à une longueur d’onde de 200 à 300 nm produisant des doses comprises entre 40 et 50 mJ/cm².La Ville a maintenant entrepris la construction d’une installation de traitement de l’eau entièrement nouvelle qui utilisera la microfiltration (2 à 3 microns), la chloration et l’irradiation UV dans un système à barrières multiples doté de redondances intégrées.

 

Le contexte de la demande de brevet

 

  • [50] M. Stevens, Ph. D., a indiqué qu’il travaillait avec la lumière ultraviolette dans diverses applications depuis environ 30 ans. Chez un ancien employeur, Solarchem, acquis par Calgon en 1996, il avait envisagé l’utilisation des UV pour inactiver le Crypto en 1993-1994, mais n’avait pas les ressources nécessaires pour développer le concept.M. Stevens, Ph. D., a déclaré que ses collègues et lui-même étaient perplexes face à la littérature qui indiquait que des doses très élevées étaient nécessaires dans l’intervalle de plusieurs milliers de mJ/cm2, car les doses nécessaires pour inactiver les bactéries et les virus étaient mille fois plus faibles. Il a dit qu’ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi le Crypto, un autre organisme vivant doté d’ADN, se comporterait différemment. Je considère cela comme une indication de ce que d’autres personnes ayant une expertise similaire auraient pu penser au même moment.

 

  • [51] Avant de faire l’acquisition de Solarchem, Calgon avait effectué une analyse documentaire sur les applications UV pour prévenir l’infection Crypto. Cette analyse avait été menée par M. Bertrand Dussert, Ph. D., l’un des trois inventeurs nommés du brevet 525. M. Stevens, Ph. D., et M. James Bolton, Ph. D. de la University of Western Ontario sont les deux autres inventeurs nommés. Calgon a ensuite parrainé la recherche de M. Gerba, Ph. D., de la University of Arizona pour essayer de « restreindre » la gamme de doses d’UV nécessaire pour inactiver le Crypto. L’entreprise n’était pas satisfaite des progrès accomplis par M. Gerba, Ph. D. et, en juin 1997, elle a réuni un certain nombre de personnes actives dans le domaine du traitement de l’eau pour discuter des recherches en cours à ce moment-là. Il y avait, parmi ces personnes, Mme Jennifer Clancy, Ph. D., d’une société du Vermont au nom de Clancy Environmental Consultants (CEC). M. Dussert, Ph. D., avait assisté à une présentation donnée par Mme Clancy, Ph. D., plus tôt en 1997 qui portait sur l’utilisation des technologies UV pour l’inactivation du Crypto.

 

  • [52] À la suite de cette réunion en juin, Calgon a essayé d’embaucher Mme Clancy, Ph. D., pour former les membres du personnel de M. Gerba, Ph. D., afin qu’ils puissent entreprendre la recherche souhaitée. Mme Clancy, Ph. D., a refusé l’offre de l’entreprise, mais a proposé de développer son propre protocole si Calgon souhaitait que ce travail soit réalisé par son entreprise. M. Stevens, Ph. D., a envoyé à Mme Clancy, Ph. D., une demande afin qu’elle établisse le budget d’une étendue particulière des travaux (pièce D-51). Ce document semble être le protocole de recherche pour lequel l’entreprise avait embauché M. Gerba, Ph. D., puisqu’il fait référence à l’utilisation de l’eau du robinet de Tucson et de Phoenix. Mme Clancy, Ph. D., préférait développer sa propre proposition, laquelle a été envoyée à Calgon, en juillet 1997.

 

  • [53] L’objet de la recherche de M. Gerba, Ph. D., comme l’a divulgué la pièceD-51, était de déterminer la dose nécessaire pour inactiver le Crypto jusqu’à deux logarithmes en utilisant des lampes basse et moyenne pression, à mesurer au moyen de tests de dékystement in vitro pour déterminer la viabilité. Certains essais d’infectiosité animale devaient être effectués avec des lampes à haute pression à des doses censées tuer 99 % et 99,9 % des oocystes (mon soulignement). Il ne semble pas, par conséquent, que M. Stevens, Ph. D. et d’autres à Calgon exploraient à l’époque l’idée que l’irradiation à de faibles doses rendrait les oocystes incapables de se répliquer.Ils souhaitaient découvrir la gamme de doses qui [traduction] « tuerait les petits chenapans ».

 

  • [54] Mme Clancy, Ph. D., est une microbiologiste très respectée dotée d’une longue expérience dans le domaine de l’eau potable. Elle a géré la qualité de l’eau pour un grand service public municipal avant d’ouvrir sa propre entreprise et travaillait sur la présence du Crypto dans l’eau depuis la fin des années 1980.Elle détient également une maîtrise en droit de l’environnement.

 

  • [55] Mme Clancy, Ph. D., et son équipe ont effectué de la recherche en 1995 et en 1996 pour une entreprise du Royaume-Uni sur l’inactivation du Crypto avec un dispositif UV que l’entreprise souhaitait commercialiser aux États-Unis. La recherche comprenait des tests à des débits de 100 à 400 gpm et la vérification de l’inactivation par dékystement et des études d’infectiosité pour la souris pour répondre aux normes de l’EPA. Pendant le procès, cela a été décrit comme un système de « piège et d’élimination » puisque des filtres étaient employés pour capturer les oocystes afin de les soumettre ensuite à une dose d’UV. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le rapport de novembre 1997 de la Water Quality Technology Conference.

 

  • [56] Mme Clancy, Ph. D., a également mené des recherches sous les auspices de l’American Water Works Association Research Foundation (AWWARF) sur les méthodes de détection du Crypto dans l’eau et sur l’efficacité de divers désinfectants.Cela a donné lieu à un projet, AWWARF 282, qui comportait de la recherche utilisant un système UV par impulsions fourni par INNOVOTECH, une entreprise appartenant à M. Bob LaFrenz, Ph. D., et également un système UV à basse pression. Un projet subséquent, AWWARF 395, qui a débuté en 1997, a été cofinancé par le Drinking Water Inspectorate du Royaume-Uni et dirigé par Mme Clancy, Ph. D. L’objectif d’AWWARF 395 était de comparer l’infectiosité animale avec des tests de remplacement in vitro pour l’inactivation du Crypto. Ce projet comportait également l’utilisation d’un système UV par impulsions fourni par M. LaFrenz, Ph. D. Mme Clancy, Ph. D., a offert une présentation sur cette recherche à la réunion de juin 1997 avec Calgon.

 

  • [57] La proposition de Mme Clancy, Ph. D., soumise en juillet 1997, a donné lieu à la conclusion d’une entente avec Calgon en septembre 1997 dans le but de mettre à l’essai l’inactivation des oocystes de Crypto par des rayons UV dans une large plage de doses allant de 100 à 10 000 mJ/cm². En vertu de cette entente, CEC devait mener des essais de dékystement et de coloration au colorant vital. Des études d’infectiosité pour la souris devaient être menées pour vérifier les résultats des tests de remplacement in vitro afin de satisfaire aux exigences de l’EPA. Cette partie du travail a été réalisée par Mme Marilyn Marshall, Ph. D., de la University of Arizona, qui a également à la recherche de l’AWWARF. Mme Marshall, Ph. D., était également sous contrat avec Calgon.

 

  • [58] Mme Clancy, Ph. D., et son équipesavaient depuis leur projet de 1995-1996 que des doses de l’ordre de 4 000 à 8 000 mJs/cm² inactiveraient les oocystes de Crypto à un niveau supérieur à 4 logarithmes, mais ils ne savaient pas quelles étaient les limites inférieures. Le plan d’étude élaboré pour Calgon avait pour objet de préparer une courbe de réponse indiquant les doses les plus faibles requises pour une réduction de 1 à 3 logarithmes. Les résultats devaient être déterminés au moyen de tests in vitro et certains seraient vérifiés par des études d’infectiosité chez la souris.

  • [59] Dans le cadre du projet AWWARF 395, en septembre 1997, des doses de 14, 40, 80 et 120 mJ/cm² ont été administrées à des oocystes viables à l’aide du système UV par impulsions de M. LaFrenz, Ph. D., et les résultats ont été soumis à des essais in vitro menés par CEC et à des tests d’infectiosité chez la souris effectués par Mme Marshall, Ph. D. Tel qu’indiqué dans une télécopie de M. LaFrenz, Ph. D., datée du 5 novembre 1997 (pièce D-55), aucune des souris ayant reçu les doses d’irradiation UV à 14 et 40 mJ/cm² n’a été infectée alors que les souris du groupe témoin ayant reçu des oocystes non traités ont été infectées comme on pouvait s’y attendre. Je suis d’avis qu’il s’agissait de la source de la découverte du fait que de faibles niveaux de rayonnement UV pouvaient empêcher la réplication et l’infection du Crypto.

 

  • [60] M. LaFrenz, Ph. D., a divulgué ces résultats dans un document (pièce D-56) présenté à la Water Quality Technology Conference (« WQTC ») tenue du 9 au 12 novembre 1997, en plus de résultats similaires qu’il avait obtenus dans le cadre d’une recherche parallèle financée par l’Electric Power Research Institute (EPRI) qui portait sur l’irradiation de l’eau mouvante.Bien que le travail de M. LaFrenz, Ph. D., ait été mené avec des UV émis par impulsions, il a été démontré qu’une dose de lumière UV est la même peu importe que l’énergie soit émise par impulsions ou de façon continue au fil du temps.Le dosage est un facteur d’intensité et de temps. M. Stevens, Ph. D., a souscrit à cette conclusion lors du contre-interrogatoire.

 

  • [61] Après avoir été mise au courant des résultats de Mme Marshall, Ph. D., concernant l’infectiosité chez la souris, Mme Clancy, Ph. D., a conclu que les tests de remplacement in vitro et les études sur l’infectiosité chez la souris mesuraient des choses différentes : les tests de remplacement in vitro mesuraient l’activité cellulaire et non l’infection, et ne pouvaient donc pas être mis en corrélation avec les études sur l’infectiosité chez la souris.

 

  • [62] Mme Clancy, Ph. D., a divulgué les résultats du projet AWWARF 395 à M. Bolton, Ph. D., à M. Stevens, Ph. D., et à M. Dussert, Ph. D., par lettre datée du 10 décembre 1997 (pièce D-1). Le but de la lettre était de présenter les résultats des études in vitro menées pour Calgon, mais Mme Clancy, Ph. D., a poursuivi en les informant de ses conclusions sur l’absence de corrélation entre les tests de remplacement in vitro et l’infectiosité chez la souris, se fondant sur les résultats du projet AWWARF 395.Elle a décrit le fait que les tests de remplacement in vitro, aux doses UV de 14 et 40 mJ/cm², n’ont démontré qu’une réduction de 50 % de la viabilité alors que les données sur la souris ne montraient aucune infection. À ce moment-là, les données sur l’infectiosité chez la souris de Calgon n’étaient pas encore disponibles. Il s’agissait des données de l’AWWARF. Dans une ébauche de rapport jointe (pièce D-58), Mme Clancy, Ph. D., a indiqué que la différence entre les résultats in vitro et in vivo n’était pas un phénomène nouveau, car cela se produit avec les bactéries.L’organisme semble vivant lorsqu’on le regarde dans les tests de remplacement, mais il n’est pas infectieux parce qu’il ne peut pas se diviser.

 

  • [63] ON peut raisonnablement déduire que c’est cette correspondance qui a enseigné à M. Stevens, Ph. D., M. Bolton, Ph. D. et M. Dussert, Ph. D., qu’« il n’est pas nécessaire de tuer les petits chenapans », il faut simplement les rendre non infectieux en modifiant leur ADN. Mis à part le témoignage de M. Stevens, Ph. D., il n’y a aucune preuve qu’ils aient eu l’idée que cela pourrait être fait auparavant.

 

  • [64] En date du 10 décembre 1997, Tom Hargy de CEC avait soumis des oocystes de Crypto à des expositions UV pour Calgon, mais les résultats des études sur la souris n’avaient pas encore été obtenus. Ce travail a été fait dans une boîte de Pétri en utilisant des lampes à basse et moyenne pression et un appareil à faisceau collimaté fourni par l’entreprise.M. Hargy a reçu une formation de M. Jim Bolton, Ph. D., pour utiliser l’appareil. Des filtres ont été utilisés pour diminuer la luminance de la lampe moyenne pression, car la lumière aurait autrement été trop intense. Les doses à basse pression administrées variaient de 125 à 750 mJ/cm² et à moyenne pression, de 150 à 1000 mJ/cm².M. Bolton a ensuite recalculé les doses à la baisse. Les résultats des essais in vitro de ces doses n’étaient pas compatibles avec les résultats sur l’infectiosité chez la souris du projet AWWARF 395.

 

  • [65] Mme Marshall, Ph. D., a fourni les données des études sur la souris provenant des expositions de Calgon à l’équipe de Mme Clancy, Ph. D., dans un rapport daté du 26 janvier 1998(pièce D-59). Les échantillons envoyés à Mme Marshall, Ph. D., avaient été exposés à l’irradiation UV à des doses de 300, 600 et 1000 mJ/cm². À ces doses, aucune infection n’est survenue chez les souris traitées, mais le taux d’infection n’était pas non plus très élevé dans l’échantillon témoin. Les essais ont dû être répétés avec un isolat d’oocyste différent pour obtenir des résultats plus cohérents. Mme Marshall, Ph. D., a indiqué à nouveau le 10 mars 1998 que les résultats des doses de 100, 200, 300 et 600 mJ/cm² montraient qu’aucune souris n’était infectée, à l’exception d’une anomalie dans le groupe d’exposition 300, alors que la proportion attendue dans le groupe témoin était infectée. Cela se traduit par une réduction d’au moins 4 logarithmes étant donné le nombre d’oocystes injectés par souris. Si plus d’oocystes avaient été utilisés, la réduction logarithmique aurait été plus élevée.

 

  • [66] Pour satisfaire aux exigences de vérification de l’Environmental Protection Agency des États-Unis, qui détermineraient si Calgon a reçu des crédits logarithmiques pour son équipement UV, Calgon a entrepris une étude de provocation pilote à l’usine de traitement de l’eau de Mannheim, à Waterloo, en Ontario, en février et mars 1998. Elle a fait cela en injectant des oocystes dans l’eau provenant de l’usine et ayant passé à travers un réacteur Rayox UV de Calgon.Les filtres ont recueilli les oocystes post-traitement, lesquels ont ensuite été testés in vitro ou in vivo. M. Hargy de CEC a également effectué les expositions aux oocystes dans le cadre de cette étude pilote.

 

  • [67] Dans un courriel daté du 9 mars 1998, adressé par M. Bolton, Ph. D. à un certain nombre de personnes, dont M. Hargy, M. Bolton, Ph. D., discute des données issues des essais sur le terrain.Il a indiqué ce qui suit :

[traduction]

Nous avons maintenant des données préliminaires sur les expériences relatives à l’infectiosité des souris de laboratoire. Étonnamment, même à la dose UV la plus basse appliquée (100 mWs/cm2) aucune souris n’est tombée malade!!! Cela signifie que les doses que nous avions prévues pour la sortie sur le terrain étaient trop élevées…

 

  • [68] Le témoignage de M. Hargy, appuyé par la preuve documentaire, indiquait que les essais sur le terrain avaient été menés avec des doses de 100 à 300 mJ/cm². Bolton a recalculé à la baisse les doses jusqu’à environ 19 mJ/cm². Cela a donné lieu à une déclaration de vérification de l’EPA selon laquelle 3,9 logarithmes d’inactivation de Crypto peuvent être obtenus avec 20 mJ/cm.Selon la preuve non contredite de M. Hargy, la dose la plus faible pouvant être attribuée directement aux essais au banc effectués au laboratoire de CEC ou aux essais pilotes effectués à Waterloo était de 50 mJ/cm².Ce sont ces données qui ont été soumises dans le mémoire descriptif du brevet à l’appui des revendications.

 

  • [69] Il semble que M. Bolton, Ph. D., a recalculé plusieurs fois les doses administrées dans le cadre des essais au banc et pilotes avant la date de la demande de brevet pour deux raisons. Premièrement, il avait mal calculé les facteurs de correction pour les filtres utilisés dans les essais au banc.Deuxièmement, l’effet de l’absorption de la lumière dans l’eau utilisée dans les essais pilotes n’avait pas été pris en compte. Le modèle mathématique employé par M. Bolton, Ph. D., pour arriver aux doses revendiquées n’a pas été produit comme preuve par la demanderesse.L’expert de la défenderesse, M. Linden, Ph. D., a indiqué qu’une personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de déterminer comment la dose a été calculée à partir du mémoire descriptif. Il semble également qu’il n’y avait pas de vérification des doses réelles administrées à l’usine de Mannheim.

 

  • [70] Je conclus à la lumière de la preuve que les expositions confirmant l’efficacité d’une dose aussi faible que 10 mJ/cm², comme cela est revendiqué dans le brevet, n’ont été effectuées qu’après la date de la revendication du 13 mai 1998. J’en arrive à cette conclusion en m’appuyant sur le témoignage de Mme Clancy, Ph. D., et de M. Hargy et sur la documentation à l’appui antérieure au 13 mai 1998. Un rapport de M. Bolton, Ph. D., daté du 6 avril 1999 et marqué aux fins d’identification comme étant la pièce D-65, n’a pas été correctement identifié par un témoin au procès et était donc irrecevable.

 

  • [71] Selon moi, les essais effectués pour Calgon ont simplement confirmé ce qui avait déjà été découvert grâce aux recherches de l’AWWARF et de l’EPRI sur le système UV par impulsions de M. LaFrenz, Ph. D.Les faibles doses d’UV ont inactivé le Crypto et n’ont pu être vérifiées que par des études sur l’infectiosité chez la souris, car les tests de remplacement in vitro n’ont pas établi une corrélation.

 

  • [72] M. Bolton, Ph. D., et M. Stevens, Ph. D., ont cherché à faire inscrire Mme Clancy, Ph. D., et son associé, M. Bukhari, Ph. D., en tant qu’inventeurs sur la demande de brevet déposée par Calgon en mai 1998 aux États-Unis. Ils ont refusé. Mme Clancy, Ph. D., a donné deux raisons dans son témoignage. Elle ne voulait pas être perçue comme étant associée à l’une des entreprises utilisant la technologie UV et, deuxièmement, elle ne croyait pas que la recherche avait révélé une invention brevetable.Elle a communiqué à Calgon uniquement la première raison à l’époque et a collaboré dans une certaine mesure à la préparation de la demande de brevet.

 

  • [73] Mme Clancy, Ph. D., a reconnu candidement qu’elle était extrêmement fâchée lorsqu’elle a appris que Calgon demandait des frais de licence pour l’utilisation des UV dans le traitement de l’eau potable puisque, selon elle « les UV n’étaient pas une nouvelle technologie. Ils étaient utilisés pour traiter l’eau potable depuis des décennies, depuis le début du siècle précédent ». Après la délivrance du brevet, Mme Clancy, Ph. D., et M. Hargy ont participé à des discussions au sein de l’industrie pour trouver un moyen de neutraliser ses effets.Plusieurs stratégies ont été envisagées, y compris une poursuite et des tentatives pour persuader Calgon de le placer dans le domaine public ou d’accepter de ne pas le faire appliquer. Mme Clancy, Ph. D., est allée jusqu’à chercher un avis juridique informel pour savoir si elle pouvait, à ce stade, revendiquer l’invention. Cela ne semble pas avoir affecté la relation de Mme Clancy, Ph. D. ou de M. Hargy avec Calgon puisque CEC a continué à travailler pour l’entreprise jusqu’à récemment.

 

  • [74] Bien qu’il soit clair qu’ils aient eu un intérêt opposé à Calgon, je n’ai pas jugé que le témoignage de Mme Clancy, Ph. D., ou de M. Hargy sur les faits était moins crédible en raison de leurs opinions sur le brevet. Au contraire, ils étaient des témoins francs, clairs et précis.

 

  • [75] Il ressort clairement des nombreux éléments de preuve présentés par les deux parties à ce sujet, que la décision de Calgon d’exploiter les droits de propriété sur la technologie a déplu à beaucoup de personnes dans le domaine du traitement de l’eau.Certains estimaient que la technologie devrait être disponible gratuitement dans l’intérêt de la santé publique, d’autant plus que la recherche sous-jacente était financée par des organismes publics.On craignait également que les représentants de Calgon aient participé à des discussions sur des changements réglementaires concernant l’utilisation de la désinfection aux UV sans divulguer leur stratégie commerciale. En bref, Calgon semble avoir mis en colère beaucoup de gens concernant ce brevet. Tout cela n’est toutefois pas pertinent si le brevet est valide. Calgon aurait alors droit à la pleine jouissance du monopole accordé par le brevet, y compris le droit de céder une licence pour l’utilisation de la technologie.

 

 

 

 

QUESTIONS

 

  • [76] Avec le consentement des parties, les questions à trancher au procès ont été déterminées comme suit par le juge responsable de la gestion de l’instance :

    1. La contrefaçon par North Bay et l’incitation ou l’obtention d’une contrefaçon par Trojan en ce qui concerne l’installation de North Bay;

    2. La validité du brevet;

    3. Le droit de la demanderesse de faire un choix entre ses dommages-intérêts et une reddition de compte relative aux profits des défenderesses;

    4. Le droit de la demanderesse à une injonction et à une remise;

    5. Le droit de la demanderesse à des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.

 

  • [77] Au cours du procès et des conclusions finales, North Bay n’a pas sérieusement contesté le fait que, si le brevet 525 était jugé valide, la contrefaçon par la Ville serait alors établie.

 

  • [78] Si le brevet est valide et que l’on conclut à une contrefaçon, North Bay reconnaît que la demanderesse a droit à des dommages-intérêts, mais conteste qu’une restitution des bénéfices est appropriée dans les circonstances. Trojan conteste toute conclusion d’incitation.

 

  • [79] En ce qui concerne la validité, bien que l’évidence ait été invoquée, les défenderesses ont indiqué au cours du procès qu’elles ne se fondaient plus sur cette allégation. Les défenderesses ont aussi soulevé plusieurs autres objections au brevet dont la paternité de l’invention, la portée excessive, le caractère suffisant du mémoire descriptif et l’ambiguïté.

 

  • [80] La présente affaire repose sur l’antériorité. C’est la question que je propose d’aborder de façon assez détaillée. Au cas où l’on conclurait que j’ai commis une erreur dans mes conclusions sur la validité, j’indiquerai également les conclusions que j’aurais faites autrement sur la contrefaçon et les mesures correctives.

 

Interprétation des revendications

 

  • [81] La première étape pour la Cour, avant l’examen de la question de savoir si le brevet est valide et s’il a été contrefait, est d’interpréter le brevet. L’interprétation des revendications est une question de droit et le libellé de la revendication doit être lu d’un point de vue éclairé et téléologique. L’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, 2000 CSC 67 au paragraphe 45 (Whirlpool); Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, 2000 CSC 66 (Free World Trust).

 

  • [82] Le mémoire descriptif du brevet s’adresse non pas aux grammairiens, aux étymologistes ou au public en général, mais plutôt aux personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention : Whirlpool, précité, au paragraphe 53.

 

 

  • [83] Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. En outre, l’interprétation des revendications avec le concours d’un destinataire versé dans l’art donne au breveté l’assurance que certains termes et concepts seront considérés par le tribunal à la lumière du témoignage d’un expert concernant leur sens technique : Free World Trust, précité, au paragraphe 51.

 

  • [84] La preuve d’expert est admissible au procès pour déterminer ce qui était de connaissance générale au moment de la délivrance du brevet. La preuve d’expert peut aussi être présentée quant au sens à donner aux mots utilisés dans les revendications : Airseal Controls Inc. c. M & I Heat Transfer Products Ltd. (1997), 77 C.P.R. (3 d) 126, à la page 127 (C.A.F.). Le rôle de l’expert ne consiste pas à interpréter les revendications du brevet, mais à faire en sorte que le juge de première instance soit en mesure de le faire de façon éclairée : Whirlpool au paragraphe 57; Unilever PLC c. Procter & Gamble Inc. (1995), 61 C.P.R. (3 d) 499, aux pages 506 et 507 (C.A.F.). Les revendications doivent aussi être interprétées dans leur contexte. La question est donc de savoir ce que, à la date de la délivrance du brevet, une personne versée dans l’art en cause aurait compris en lisant les revendications et en se servant du reste du mémoire descriptif pour interpréter les mots : Whirlpool, précité, au paragraphe 54.

 

 

Le brevet 525 :

 

  • [85] Le domaine de l’invention est décrit de la façon suivante :

[traduction]

La présente invention est reliée à un procédé pour prévenir la réplication du Cryptosporidium parvum dans l’eau et en particulier à un procédé pour prévenir les infections causées par les oocystes de Cryptosporidium et des organismes similaires dans l’eau à l’aide de faibles doses de rayonnements ultraviolets.

 

  • [86] Je note au passage que le procédé décrit n’empêche pas la réplication du Crypto ou des infections dans l’eau, mais cette description doit être comprise comme se rapportant à la réplication et à l’infection après l’ingestion de l’eau par un hôte approprié. Le contexte indique que l’art antérieur reconnaît généralement qu’il est nécessaire de tuer ou d’inactiver les oocystes de Crypto pour qu’ils ne causent pas d’infection et il est fait référence à plusieurs brevets et publications qui divulguent des méthodes pour « tuer » les oocystes en utilisant des doses élevées supérieures à 3000 mJ/cm². Comme nous le verrons plus loin en ce qui concerne la suffisance du mémoire descriptif, cette discussion n’était ni exacte ni complète.

 

  • [87] Les avantages de l’invention sont décrits dans le résumé de l’invention comme étant des niveaux de puissance considérablement plus faibles nécessaires pour atteindre les résultats souhaités et des augmentations substantielles de la rentabilité des UV. La réalisation privilégiée a été décrite comme étant les tests de provocation pilotes menés à Mannheim sur un réacteur UV de 111 litres (29,4 gallons) contenant 6 lampes UV moyenne pression Rayox d’un kilowatt montées horizontalement à travers une tour. Les organismes ont été introduits en amont et recueillis sur des filtres d’un micron après le réacteur. Le débit pendant l’essai était d’environ 215 gallons par minute. La description de la façon dont les doses ont été calculées est la suivante.

 

[traduction]

Les doses d’UV ont été calculées à partir de l’éclairement énergétique moyen (déterminé à partir d’un modèle mathématique sophistiqué du réacteur) multiplié par le temps de séjour dans le réacteur (environ 8,3 s). La dose a été modifiée en allumant une ou deux lampes, à puissance faible ou élevée.

 

  • [88] Aucune explication n’est fournie sur le sens de « modèle mathématique sophistiqué ». Une description des essais in vitro réalisés est suivie de tableaux décrivant les facteurs de viabilité de ces tests et les réductions logarithmiques obtenues par les tests d’infectiosité chez la souris pour des doses comprises entre 20 et 167 mJ/cm². La Figure 1 est un graphique des niveaux de réduction logarithmique obtenus pour des doses d’environ 10 à environ 170 mJ/cm², mesurés par des essais in vitro et des études sur l’infectiosité chez la souris.La Figure 2 en fait de même pour la viabilité telle que mesurée par des essais pilotes et au banc in vitro. Comme on l’a indiqué plus haut, il semble qu’il n’y ait eu aucune vérification des doses réellement administrées et la preuve n’établit pas que les essais biologiques au banc ou pilotes ont produit des résultats pour des doses aussi faibles que 10 mJ/cm² avant la date de la revendication.

 

  • [89] Par souci de commodité, je reproduirai à nouveau les revendications en mettant en relief les questions liées à l’interprétation :

1. Un procédé pour la prévention des oocystes de Cryptosporidium consistant à irradier l’eau avec une bande large continue de lumière ultraviolette à des doses d’environ 10 mJ/cm2 à environ 175 mJ/cm2. 

2. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 selon lequel ladite bande large est une fréquence comprise entre 200 et 300 nm au moyen d’une lampe à ultraviolets.

3. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 ou 2 selon lequel ladite dose est d’environ 20 mJ/cm2 à environ 30 mJ/cm2.

4. Un procédé tel qu’énoncé dans la revendication 1 selon lequel ladite bande large est une fréquence comprise entre 200 et 300 nm au moyen d’une lampe à ultraviolets à pression moyenne. 

[Mon soulignement pour mettre en évidence les questions liées à l’interprétation]

 

  • [90] Pour aider la Cour à interpréter les revendications, la demanderesse a présenté le témoignage d’opinion de M. Christian Chauret, Ph. D., professeur agrégé en microbiologie de l’Indiana University, à Kokomo et de M. Joseph Dinkel, directeur exécutif adjoint et directeur d’usine de West View Water Authority, à Pittsburgh, en Pennsylvanie.

 

  • [91] Les qualifications de M. Chauret, Ph. D., en tant qu’expert des questions environnementales liées au traitement de l’eau n’ont pas été contestées. Bien qu’il n’ait pas une expérience directe de la conception et de l’ingénierie d’appareils de désinfection aux UV, il a mené des recherches approfondies sur les contaminants de l’eau, dont le Crypto, il a publié des travaux à ce sujet et a été retenu comme consultant pour des projets liés au traitement de l’eau. M. Chauret, Ph. D., a surtout été utile à la Cour pour expliquer la nature du Crypto et les effets du traitement de l’eau aux UV sur les protozoaires, comme cela a été résumé dans le contexte ci-dessus.

 

  • [92] Les défenderesses se sont appuyées sur le témoignage d’opinion de M. Karl Linden, Ph. D., professeur agrégé en génie civil et environnemental de la Duke University. La thèse de doctorat de M. Linden, Ph. D. portait sur la désinfection aux UV. Il donne un cours dans ce domaine, il est un membre fondateur de l’International Ultraviolet Association (« IUVA »), il a publié de nombreux articles dans le domaine, il donne des conseils à l’Environmental Protection Agency des États-Unis pour son « Ultraviolet Disinfection Guidance Manual » et il est régulièrement consulté par des exploitants du traitement des eaux des États-Unis et de l’étranger, dont le Canada.

 

  • [93] Les qualifications de M. Linden, Ph. D., pour fournir une preuve d’expert n’ont pas été mises en doute. Toutefois, il a été dit à M. Linden, Ph. D., qu’il avait eu des discussions avec Mme Clancy, Ph. D., et M. Hargy pour [traduction] « collaborer afin d’attaquer ou d’invalider la demanderesse ». Il a nié cela, mais a reconnu que la question avait été soulevée lors des réunions de l’IUVA. L’organisation a décidé de ne prendre position sur la question qu’une fois les faits de l’affaire réglés. M. Linden, Ph. D., a déclaré qu’il n’était pas offensé par le brevet, mais préoccupé par le fait que, tel qu’il était libellé, il serait très difficile pour les services d’eau de déterminer s’ils le contreferaient en utilisant des UV. J’ai été convaincu que M. Linden, Ph. D., ne manquait pas d’objectivité dans son témoignage et j’ai trouvé son témoignage d’opinion particulièrement clair et utile.

 

  • [94] M. Chauret, Ph. D., a décrit la « personne versée dans l’art » du traitement de l’eau potable à qui le brevet est théoriquement adressé comme étant titulaire d’une maîtrise en génie civil ou environnemental, en microbiologie ou en chimie et ayant une connaissance des systèmes de traitement de l’eau ou au moins un baccalauréat dans ces domaines et plusieurs années d’expérience pratique en traitement de l’eau.Selon le témoignage de M. Linden, Ph. D., il s’attendait à ce qu’une telle personne ait reçu une formation universitaire formelle, mais elle aurait également besoin d’une expérience pratique du traitement de l’eau par les procédés UV.

 

  • [95] M. Dinkel a été présenté comme un expert dans l’exploitation de systèmes de traitement de l’eau et a été décrit par l’avocat de la demanderesse comme étant la personne prototypique versée dans l’art en raison de sa longue expérience dans le domaine, d’abord en tant que personne enrôlée formée par l’armée américaine et en tant que travailleur par la suite aux services d’eau publics. M. Dinkel n’a pas reçu un enseignement formel dans l’un des domaines décrits par les deux professeurs – il possède un diplôme en gestion industrielle – mais il correspond autrement au profil de [traduction] « l’ouvrier compétent et qualifié ». Les connaissances et la compréhension de M. Dinkel à l’époque pertinente ont été valablement contestées en contre-interrogatoire par la défense. Par exemple, il n’avait aucune connaissance ou expérience des systèmes UV avant novembre 1999 et a ensuite acquis une grande partie de ses connaissances grâce à des recherches personnelles sur Internet. Avec certaines réserves, M. Dinkel a été accepté comme étant une personne qualifiée pour fournir une preuve d’opinion.

 

  • [96] Après avoir entendu son témoignage, je doute que M. Dinkel ait compris qu’en tant qu’expert, on s’attendait à ce qu’il soit entièrement objectif.Il semble que M. Dinkel ait contribué à persuader son conseil d’administration de choisir un réacteur UV Calgon pour son usine.Calgon a renoncé aux droits de licence pour cette installation parce que M. Dinkel, dans le cadre de l’entente, avait accepté d’offrir des visites aux clients éventuels de Calgon. La façon dont M. Dinkel a témoigné n’a pas non plus inspiré confiance. Il semblait chercher à être rassuré en contre-interrogatoire en se tournant vers l’avocat de la demanderesse après chaque réponse et sa compréhension de la science en cause était fragile. Si la Cour a commis une erreur en admettant sa preuve d’expert, le résultat, à mon avis, a été plus utile pour les défenderesses que pour la demanderesse.Son témoignage correspondait davantage à celui de M. Linden, Ph. D. qu’à celui de M. Chauret, Ph. D.

 

  • [97] Je ne suis pas convaincu qu’une personne ordinaire versée dans l’art dans le contexte de la présente affaire serait une personne n’ayant pas reçu la formation officielle requise pour comprendre la science qui sous-tend les effets désinfectants du rayonnement ultraviolet. J’estime qu’une telle personne aurait besoin d’au moins un diplôme universitaire de premier cycle en génie, en biologie ou en chimie et d’une compréhension de la technologie UV ainsi que plusieurs années d’expérience reliée aux systèmes de traitement de l’eau potable.

 

  • [98] Dans mon approche de l’interprétation des revendications avec un esprit désireux de comprendre et pour donner effet au mémoire descriptif, je souligne d’abord que les revendications ne contiennent aucune restriction selon laquelle l’eau irradiée doit être vive.Cela pourrait être déduit de la description de la réalisation privilégiée qui décrit la manière dont les essais pilotes ont été effectués et qui semble être une application pratique de l’invention, mais, selon mon interprétation des revendications, cela n’est pas un élément essentiel.Le procédé pourrait être mis en pratique avec de l’eau dans un conteneur statique.

  • [99] Rien n’indique que la dose doit être déterminée en fonction de l’irradiance moyenne et du temps de séjour de l’eau dans le réacteur UV. Cependant, cela serait compris par une personne ordinaire versée dans l’art appliquant l’équation : intensité x temps.

 

  • [100] Les parties ne contestent pas que le brevet vise l’eau potable et non le traitement des eaux usées.Les parties s’accordent aussi pour reconnaître que le terme « fréquence » était probablement utilisé par erreur et devrait être remplacé par « longueur d’onde ».La revendication 3 réduit la fourchette de doses revendiquées et, de toute façon, ne s’applique pas au système de North Bay, puisque la dose de lumière ultraviolette utilisée par la Ville est de l’ordre de 40 à 50 mJ/cm2.

 

  • [101] La revendication 4 ajoute la restriction selon laquelle la lampe UV des revendications antérieures se limite à une lampe à moyenne pression.M. Chauret, Ph. D., a reconnu en contre-interrogatoire que dans les revendications 1, 2 et 3, on pouvait utiliser soit une lampe basse pression soit une lampe moyenne pression comme source d’UV, toutes deux connues dans l’art antérieur et que l’utilisation d’une lampe moyenne pression ne constituait pas une invention.Selon lui, ce qui constituait une invention était l’utilisation d’une faible dose.Bien que la réalisation privilégiée fasse référence à la lampe à moyenne pression utilisée lors des essais pilotes, rien n’indique qu’il s’agit de la seule façon dont ces essais auraient pu être menés.Je conclus que la référence à une lampe à moyenne pression n’est pas un élément essentiel des revendications.

 

  • [102] Les témoignages d’expert ont divergé quant au sens à donner à l’expression « un procédé pour la prévention des oocystes de Cryptosporidium » et les parties ne s’entendent pas sur la signification du terme « continue ».

 

  « Un procédé pour la prévention des oocystes de Cryptosporidium »

 

  • [103] Je note que cette phrase ne fait pas expressément référence à la prévention de la cryptosporidiose, mais plutôt à la prévention des oocystes eux-mêmes.Cependant, tous les experts l’ont interprétée comme faisant référence à l’infection.Dans son rapport, M. Charest, Ph. D., a déclaré que cette phrase indique que le but du procédé est de prévenir l’infection en rendant les oocystes incapables de se reproduire.Selon lui, le procédé revendiqué par le brevet n’était complet que lorsque les protozoaires irradiés avaient été ingérés et n’avaient pas réussi à se répliquer dans les intestins en raison de la liaison croisée de leur ADN.Lors du contre-interrogatoire, M. Chauret, Ph. D., a souscrit à la suggestion selon laquelle le mécanisme qui rend le Crypto non infectieux se produit lorsque le Crypto passe à travers un rideau de lumière UV à l’extérieur de l’hôte. C’est aussi la position de la demanderesse – le procédé est terminé lorsque les oocystes sont irradiés et que la liaison croisée de l’ADN se produit.

 

  • [104] Selon le témoignage de M. Linden, Ph. D., une personne versée dans l’art comprendrait que cette expression signifie une méthode qui empêche le Crypto au stade du cycle de vie de l’oocyste de se répliquer, éliminant ainsi le risque d’infection parasitaire résultant de l’ingestion d’eau contenant des oocystes de Crypto. Pour M. Dinkel, le sens était celui d’une méthode empêchant les oocystes d’infecter des humains ou des animaux. Ces interprétations sont, selon moi, cohérentes.

 

  • [105] M. Chauret, Ph. D., a déclaré en contre-interrogatoire que le procédé est utilisé si l’on peut s’attendre à ce que le Crypto soit présent dans l’eau, même lorsque la désinfection aux UV aux doses prescrites est utilisée pour traiter un autre agent infectieux comme des bactéries ou des virus.Le procédé est utilisé en mode « veille » dans l’attente de l’arrivée possible d’oocystes de Crypto si le procédé est utilisé pour irradier l’eau pour quelque fin que ce soit.Lors de la reprise du contre-interrogatoire, M. Chauret, Ph. D., a exprimé son accord avec la suggestion selon laquelle le Crypto doit être présent dans l’eau irradiée pour que le procédé revendiqué puisse être utilisé.

 

  • [106] M. Dinkel a adopté un point de vue différent en contre-interrogatoire.Selon son interprétation des revendications, il n’est pas nécessaire que le Crypto soit dans dans l’eau ou il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit dans l’eau pour utiliser le procédé revendiqué tant que l’irradiation UV est utilisée aux doses prescrites.Cela est cohérent avec le témoignage de M. Linden, Ph. D.De l’avis de M. Linden, Ph. D., les revendications n’indiquent pas la présence ou l’attente de la présence du Crypto dans l’eau.Qu’il apparaisse une fois par jour, une fois par an ou jamais, le procédé est pratiqué alors que la barrière est là.Cela me semble être la bonne interprétation.

 

  • [107] Aucun niveau minimal de réduction logarithmique n’est fourni pour la gamme de doses revendiquées.Le mémoire descriptif du brevet indique quels résultats ont été obtenus par les essais au banc et les essais pilotes, mais ne révèle pas que l’efficacité pratique de l’invention est reliée à un niveau particulier de réduction logarithmique. Je ne vois pas comment les résultats des tests peuvent limiter la portée des revendications, comme le suggère la demanderesse. Les experts semblent tous être d’accord sur le fait que tout niveau de réduction logarithmique empêchera la réplication des oocystes et l’infection du Crypto. Cela sera affecté par des facteurs tels que la clarté de l’eau et la concentration d’oocystes. Dans certains cas, moins d’un logarithme sera efficace.Dans d’autres cas, une réduction de plus de 5 logarithmes peut ne pas être suffisante pour prévenir l’infection si suffisamment d’oocystes échappent à l’irradiation.

 

 

« Une bande large continue de lumière ultraviolette »

 

  • [108] Selon M. Chauret, Ph. D., on entend par « continue » une lampe qui est constamment allumée pendant la période de temps pertinente, contrairement à une lampe à impulsions qui émettrait de fortes doses par intermittence.L’expression « bande large de lumière ultraviolette » signifie des émissions de longueurs d’onde multiples dans une gamme définie de longueurs d’onde.Les revendications 2 et 4 définissent cette gamme comme étant de 200 à 300 nm.Comme cela a été indiqué ci-dessus, l’unité de mesure utilisée est la longueur d’onde et non la fréquence et les parties conviennent que l’utilisation de ce dernier terme dans les revendications était une erreur.

 

  • [109] Selon l’avis de M. Linden, Ph. D., le terme « continue » dans ce contexte était ambigu et pouvait être compris par une personne versée dans l’art comme signifiant soit en continu dans le temps, soit en continu dans le spectre.Cette dernière interprétation pourrait inclure à la fois des lampes à basse et moyenne pression autres que des lampes à impulsions et des lampes à impulsions.Lorsqu’il a été interrogé en contre-interrogatoire sur la manière dont cela était compatible avec le mémoire descriptif du brevet, il a noté que la divulgation incluait un système UV à impulsions et que le terme « continue » n’était utilisé que dans l’expression [traduction] « spectre ultraviolet continu ». Toutefois, cela faisait référence à une lampe à moyenne pression qui émet des UV de façon continue dans le temps.Le système à impulsions divulgué se fondait sur une lampe d’intensité élevée.Je suis d’accord avec la demanderesse et avec M. Chauret, Ph. D., sur le fait que le mémoire descriptif indique clairement que la référence dans les revendications à une bande large continue de lumière ultraviolette signifie qu’elle est continue dans le temps et non émise par impulsions.

 

 

 

Conclusion sur l’interprétation :

 

  • [110] Selon moi, les éléments essentiels du brevet 525 sont les suivants :

- l’irradiation de l’eau potable;

- par une lumière ultraviolette continue dans le temps;

- dans des longueurs d’onde de 200 à 300 nm;

- générant des doses variant de 10 mJ/cm² à 175 mJ/ cm²;

- pour empêcher une infection par les oocystes de Cryptosporidium.

 

VALIDITÉ

 

  • [111] Un brevet canadien délivré et en vigueur est présumé valide pendant les vingt ans suivant la date de dépôt, en vertu du paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P- 4.

 

  • [112] La présomption légale fait en sorte qu’il incombe à la partie contestant le brevet de prouver son invalidité.La partie contestant un brevet doit prouver son invalidité selon la prépondérance des probabilités, à défaut de quoi, la présomption prévaut : Diversified Products Corp.c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3 d) 350 (C.A.F.) (Diversified Products); Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000),6 C.P.R. (4 th) 285, [2000] A.C.F. No. 464 (C.A.) (QL);Almecon Industries Ltd. c.Anchortek Ltd., 2001 CFPI 1404, [2001] F.C.J. No. 1956 confirmée 2003 CAF 168, [2003] A.C.F. No. 536 (QL).

 

  • [113] Une « invention », au sens de l’article 2 de la Loi, signifie « toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité ».Pour qu’un brevet soit valide, l’invention revendiquée doit être nouvelle, utile et inventive : Apotex Inc.c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., [1999] A.C.F. No. 548 au paragraphe 62 (1re inst.)(Q.L.)(Apotex).Comme l’a souligné la Cour suprême, en règle générale, i le breveté obtient un monopole pour une chose qui ne répond pas aux exigences de nouveauté, d’ingéniosité et d’utilité prévues par la loi, alors le public se fait rouler : Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 533, 2005 CSC 26 au paragraphe 1. La ​​question de savoir si une revendication de brevet est nouvelle est souvent abordée par les tribunaux en fonction de son antithèse, dans laquelle on se demande si l’invention revendiquée se heurte à une antériorité.

 

Antériorité

 

  • [114] Pour déterminer si une revendication de brevet est « nouvelle », il convient d’examiner si elle fait l’objet d’une antériorité, c’est-à-dire la question de savoir si elle était déjà connue du public, de sorte qu’elle ne peut pas faire l’objet d’un monopole.L’article 28.2 de la Loi exige que l’objet d’une revendication n’ait pas fait l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs, avant la date de la revendication.La date de la revendication est la date de dépôt de la demande de brevet.En l’espèce, il s’agit de la date du dépôt de la demande américaine, à savoir le 13 mai 1998.

 

  • [115] Une communication antérieure de l’invention revendiquée peut se faire sous forme de publication antérieure, de communication orale, de vente ou d’exploitation pour autant que l’invention soit rendue accessible au public.La présente affaire soulève des questions d’antériorité en raison d’une communication par publication et exploitation.Le critère applicable en matière d’antériorité par publication a été décrit par le juge Hugessen (tel était alors son titre), dans Beloit Canada Ltd.c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3 d) 289, à la page 294 (Beloit:

 

Il faut en effet pouvoir s’en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l’invention revendiquée sans l’exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d’une clarté telle qu’une personne au fait de l’art qui en prend connaissance et s’y conforme arrivera infailliblement à l’invention revendiquée. Lorsque, comme c’est le cas ici, l’invention consiste en une combinaison de plusieurs éléments connus, une publication qui ne révèle pas la combinaison de tous ces éléments ne peut avoir un caractère d’antériorité.

 

  • [116] Ce raisonnement a trouvé écho dans l’affaire Free World Trust, précitée, par le juge Binnie qui a expliqué, au paragraphe 25, que l’antériorité découlant d’une publication est difficile à établir puisqu’il n’est que trop facile, après la divulgation d’une invention, de la reconnaître, par fragments, dans un enseignement antérieur. La preuve d’un emploi antérieur devrait aussi faire l’objet d’un examen minutieux lorsqu’il est considéré de façon rétrospective : Diversified Products, précité, à la page 363.

 

  • [117] Pour qu’une utilisation publique antérieure constitue une antériorité opposable à une invention, il doit s’agir d’une divulgation qui permet de réaliser celle-ci (« divulgation habilitante »), c’est-à-dire que la divulgation doit être telle qu’elle permette au public de faire ou d’obtenir l’invention : Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 17 C.P.R. (4 th) 478, 2002 CAF 158, au paragraphe 42, (Baker Petrolite) s’appuyant sur l’arrêt Merrell Dow Pharmaceuticals c. H.N. Norton & Co., [1996] R.P.C. 76 (H.L.) (Merrell Dow).

  • [118] Afin d’analyser l’antériorité dans le contexte d’une communication par vente ou exploitation antérieure, les principes abordés dans Beloit et Free World Trust, précités et reliés à l’antériorité découlant d’une publication antérieure, pourraient avoir besoin d’être ajustés « en fonction des caractéristiques particulières »: Baker Petrolite au paragraphe 35. Au paragraphe 35 de Baker Petrolite, le juge Rothstein fait remarquer à titre d’exemple que l’antériorité découlant d’une publication suppose qu’une personne versée dans l’art ait lu l’antériorité.Pour ce qui est de l’antériorité par la vente ou l’exploitation antérieure, la lecture peut ne pas s’avérer pertinente.

 

  • [119] Dans Merrell Dow, Lord Hoffman a fait référence à ce qu’il a décrit comme un écart entre les critères d’antériorité et de la contrefaçon découlant de la mise en œuvre de la Convention sur le brevet européen par la Patent Act 1977 du Royaume-Uni.Il a conclu que la loi de 1977 a introduit une qualification substantielle dans l’ancien principe selon lequel un brevet ne peut pas être utilisé pour empêcher quelqu’un de faire ce qu’il a fait avant.Ce principe a souvent été exprimé de la façon suivante : « ce qui constitue une contrefaçon, s’il est postérieur devrait, en règle générale, constituer une anticipation s’il est antérieur » : Lightning Fastener Co. v. Colonial Fastener Co.[1933] S.C.R. 377, à la page 381 (Lightning Fastener). Lord Hoffman a conclu que cela n’était plus le cas, d’où l’écart, sous réserve de l’article 64 de la Loi de 1977 (qui est similaire à l’article 56 de la Loi sur les brevets canadienne) qui prévoit, dans une certaine mesure, des situations où une personne, avant la date de priorité, accomplissait un acte qui aurait constitué une contrefaçon si le brevet était en vigueur.

 

  • [120] L’article 2 de la loi britannique de 1977 prévoit qu’une invention sera considérée comme nouvelle si elle ne fait pas partie de l’état de la technique.L’état de la technique est constitué par « tout objet (qu’il s’agisse d’un produit, d’un procédé, d’un renseignement sur l’un ou l’autre ou de toute autre chose) qui a été rendu accessible au public en tout temps avant la date de priorité de l’invention en question… par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ».Cela est similaire au critère de l’article 28.2 de la loi canadienne.L’écart décrit par Lord Hoffman semble avoir été importé dans la loi canadienne.

 

  • [121] En appliquant ces définitions, Lord Hoffman a observé que la mise à la disposition du public exige la communication de renseignements et que l’utilisation d’un produit fait de l’invention une partie de l’état de la technique uniquement dans la mesure où cette utilisation rend disponible l’information nécessaire.Les actes accomplis secrètement ou sans connaissance des faits pertinents, qui constitueraient une contrefaçon après la délivrance du brevet, ne compteront pas comme antériorité.La question à trancher concerne ce qui a été « mis à la disposition » du public : la question n’est pas de savoir ce qui peut avoir été « inhérent » à ce qui a déjà été utilisé. La réponse intuitive à cette question serait une erreur : Merrell Dow, aux pages 86-87.

 

  • [122] Lord Hoffman a plus récemment décrit la « divulgation habilitante » comme « visant à enseigner au public comment fonctionne l’invention, et non comment concevoir de prime abord l’inventionla question n’est plus de savoir ce que la personne versée dans l’art estimerait que la divulgation veut dire,mais si elle serait capable de réaliser l’invention exposée, selon ce que la Cour a jugé, dans la divulgation : Synthon BV c. Smithkline Beecham plc, [2005] UKHL 59, aux paragraphes 28 et 32, [2006] R.P.C.10 (Synthon).

 

  • [123] Une divulgation signifie que le document invoqué comme antériorité doit exposer un objet dont l’exécution entraînerait nécessairement la contrefaçon du brevet.Il n’est pas nécessaire que cette divulgation soit apparente pour quiconque à ce moment-là.Par « habilitante », on entend que la personne versée dans l’art ordinaire aurait été capable de réaliser l’invention qui satisfait à l’exigence relative à la divulgation : Synthon, au paragraphe 26. L’invention qui pourrait être réalisée est celle divulguée par l’antériorité.Comme l’a déclaré Lord Hoffman au paragraphe 33 de Synthon :

[traduction]

Cela n’a pas de sens de se demander si la divulgation antérieure permet à la personne habile de réaliser l’invention brevetée, étant donné que, par hypothèse, en pareil cas, la personne versée dans l’art ne se rendra même pas compte qu’elle le fait.

 

 

  • [124] Dans Baker Petrolite, le juge Rothstein a fait remarquer que, au Canada, les modifications apportées le 1er octobre 1989 et maintenues dans la Loi sur les brevets de 1996 ont éliminé l’exploitation ou la vente de l’invention comme preuve suffisante d’antériorité. Le critère de l’antériorité découlant de toute méthode est devenu une communication de « l’objet que définit la revendication d’une demande de brevet »…« qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs ».

 

  • [125] Selon moi, l’analyse du juge Rothstein dans Baker Petrolite n’a pas été altérée par la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 187 (Abbott Laboratories), portée à mon attention par l’avocat des défenderesses à la suite du procès.Dans l’affaire Abbott Laboratories, qui concernait une procédure en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133,la Cour d’appel a conclu qu’une revendication de produit se heurtait à une antériorité en raison d’un document antérieur.Dans ses motifs au nom de la Cour, la juge Sharlow a fait remarquer que l’utilisation du terme inhérent dans l’avis d’allégation était synonyme d’une antériorité et a cité l’adage du juge Rinfret de l’arrêt Lightning Fastener, précité, à savoir « ce qui contreferait le brevet s’il venait après lui détruit sa nouveauté quand il le précède ».Elle a, de plus, cité un extrait de l’opinion de Lord Hoffman dans Synthon, précité, au paragraphe 22 :

[...]le document invoqué comme antériorité doit exposer un objet dont l’exécution entraînerait nécessairement la contrefaçon du brevet. La raison peut en être que la publication antérieure divulgue la même invention. Dans ce cas, il ne fait aucune doute que l’exécution de l’invention antérieure constituerait une contrefaçon, et ce fait est en général manifeste pour la personne qui connaît à la fois la publication antérieure et le brevet. Mais la contrefaçon de brevet n’est pas subordonnée à la condition de la pratique consciente : « le point de savoir si une personne exploite ou non [une] (…) invention est un fait objectif, indépendant de ce qu’elle-même sait ou pense de son action » (Merrell Dow Pharmaceuticals Inc v N.H. Norton & Co. Ltd. [1996] R.P.C. 76, à la page 90). Il s’ensuit que, indépendamment du point de savoir si quiconque en serait conscient au moment pertinent, lorsque l’objet décrit dans la publication antérieure est exécutable et de nature telle que, s’il est exécuté, la contrefaçon du brevet en résultera nécessairement, la condition de la divulgation antérieure est remplie. Le drapeau a été planté, même si l’auteur de l’antériorité l’a planté à son insu. [Non souligné par la Cour d’appel]

 

 

 

  • [126] Selon moi, les affaires Synthon et Abbott Laboratories renforcent la conclusion tirée dans Merrell Dow et Baker Petrolite selon laquelle l’emploi seul est insuffisant pour être considéré comme une antériorité.Une divulgation habilitante est requise.Il n’est toutefois pas nécessaire que les défenderesses démontrent que quiconque était au courant des conséquences de la divulgation au moment de l’établissement de l’antériorité.

 

  • [127] À la suite du procès, les avocats des défenderesses ont également porté à mon attention la décision du la Cour de district des États-Unis pour le district du New Jersey dansWedeco UV Technologies, Inc. v. Calgon Carbon Corporation,2006 U.S. Dist. LEXIS 48657 (Wedeco). Il s’agissait d’une décision sur trois requêtes en jugement sommaire concernant la validité du brevet américain 803, dont les revendications sont équivalentes au brevet 525 en cause dans la présente procédure, et un brevet connexe pour l’inactivation du Giardia dans l’eau potable (le brevet 893).

 

  • [128] Ce qui était en cause dans Wedeco était la question de savoir si une utilisation de l’art antérieur, un processus de désinfection aux UV, était brevetable lorsqu’elle était appliquée à l’inactivation du Crypto et du Giardia.L’article 102 du Code des États-Unis exclut les brevets d’inventions qui ont été utilisées aux États-Unis depuis plus d’un an avant la date de la revendication.La preuve indiquait que la lumière UV était utilisée aux États-Unis pour désinfecter l’eau potable depuis 1916. Les experts de Calgon ont admis que si un traitement UV dans la portée des revendications était utilisé pour s’attaquer aux bactéries, le Crypto était également inactivé.Le juge Greenaway a conclu que le brevet était invalide compte tenu d’une antériorité par la publication d’un document scientifique en 1993 par Ransome et d’autres, et par l’utilisation publique à Fort Benton, au Montana, qui seront abordés plus loin ci-dessous.

 

  • [129] Comme cela a été décrit dans Wedeco, selon la loi américaine, l’antériorité peut être expresse ou inhérente.Une référence d’antériorité peut constituer une anticipation sans communiquer une caractéristique de l’invention revendiquée si cette caractéristique manquante est nécessairement présente dans l’unique mention d’antériorité : SmithKline Beecham Corp. v. Apotex Corp., 403 F.3d 1331, à la page 1343 (Cir. féd. 2005) (SmithKline).Subsidiairement [traduction] « une référence inclut une caractéristique inhérente si cette caractéristique est le résultat natureldécoulant des limitations explicitement expliquées dans la référence »: Eli Lilly & Co. v. Barr Labs., 251 F.3d 955, à la page 970 (Cir. féd. 2001).Il semble que la réduction à la pratique réelle n’est pas requise tant que l’exigence de divulgation est satisfaite : Wedeco, précité, à la page 16 citant SmithKline, précité, à la page 1344.

 

  • [130] La Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral a déclaré que le principe de l’antériorité inhérente s’applique aux brevets de procédés : [traduction] « les résultats récemment découverts de procédés connus visant le même but ne sont pas brevetables parce que ces résultats sont inhérents », Wedeco, précité, à la page 25, citant Bristol-Myers Squibb Co. v. Ben Venue Labs., Inc., 246 F.3d 1368, à la page 1374 (Cir. féd. 2001).

 

 

  • [131] L’avocat de la demanderesse a soutenu dans une lettre que je devrais ignorer la décision du juge Greenaway et la considérer comme n’étant « d’aucun secours » pour plusieurs raisons : il ne s’agit pas d’un jugement définitif et fait actuellement l’objet d’un appel; elle se limite au contexte d’une requête en jugement sommaire; elle était fondée sur un dossier de preuve incomplet qui n’était pas le même dossier que celui dont dispose notre Cour; et elle est fondée sur un raisonnement juridique qui n’a aucune application au Canada, notamment en ce qui concerne l’interprétation et l’anticipation des revendications.

 

  • [132] Il existe des différences importantes entre la loi et la procédure sur les brevets des États-Unis et du Canada qui rendent dangereux le recours aux précédents américains.Je constate, par exemple, que la cour dans Wedeco s’est appuyée en partie sur l’historique des procédures aux États-Unis (la preuve au dossier) qui n’est généralement pas une pratique au Canada : Free World Trust, précité, au paragraphe 66. De plus, l’« écart » décrit par Lord Hoffman ne semble pas exister dans le droit des brevets américain.

 

  • [133] Comme cela a été énoncé dans les affaires Merrell Dow et Baker Petrolite précitées, selon le droit canadien, lorsqu’il faut déterminer si le procédé breveté est nouveau, l’accent doit être mis sur la question de savoir si la communication, la vente ou l’utilisation préalables équivaut à une divulgation habilitante de la méthode et non sur la question de savoir si sa particularité était nécessairement présente ou un résultat naturel du processus.

  • [134] Le juge Greenaway a conclu que, ce que Calgon avait découvert n’était pas une « nouvelle utilisation » d’un processus connu, ce qui serait brevetable en vertu de l’article 101 du Code des États-Unis, mais plutôt un résultat nouvellement découvert d’un ancien procédé. Sa conclusion a été la suivante :

[traduction]

Le traitement aux UV de l’eau est un procédé connu. L’inactivation du Crypto et du Giardia sont des résultats nouvellement découverts du procédé connu : l’ancienne méthode de désinfection de l’eau aux UV inactive le Crypto et le Giardia ainsi que les bactéries et les virus. Par conséquent… les résultats nouvellement découverts ne sont pas brevetables parce qu’ils font l’objet d’une antériorité inhérente. Wedeco, p.25.

 

  • [135] En revanche, dans le jugement sommaire de la Cour d’appel de la présente affaire, le juge Rothstein a conclu au paragraphe 19 :

Bien que l’irrigation de l’eau à l’aide de faibles doses de rayonnements UV pour la traiter contre Cryptosporidium ne constitue pas en soi un nouveau procédé, elle consiste néanmoins en une nouvelle utilisation découverte pour ce procédé et correspond par conséquent à une réalisation qui présente le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

  • [136] En m’appuyant sur la preuve entendue au procès, il m’est impossible de parvenir à la même décision.Selon moi, les défenderesses ont établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait des divulgations habilitantes de l’invention par une utilisation et par une publication antérieures à la date de la revendication et que, par conséquent, l’utilisation n’était pas nouvelle.

 

L’emploi antérieur à Fort Benton, au Montana 

 

  • [137] La ville de Fort Benton est située sur les rives de la rivière boueuse Missouri. C’est en aval des villes que se déversent ses eaux usées dans la rivière. La faune et le bétail abondent dans le bassin versant.Les résidus miniers provenant des opérations minières se déversent dans la rivière.À Fort Benton, la rivière Missouri est sinueuse et lente, sauf lors de la crue des eaux du printemps ou de fortes pluies.Il y a une turbidité élevée dans l’eau causée par les solides en suspension.

 

  • [138] Avant 1987, la ville traitait les eaux de surface de la Missouri à l’aide de filtres lents sur sable conventionnels qui devaient être rétrolavés périodiquement dans la rivière.L’État du Montana a insisté pour que la ville, à un coût considérable, filtre ce lavage à contre-courant avant de le rejeter dans la rivière.La ville de Fort Benton a décidé d’installer un « système de puits radial d’infiltration induite », appelé la « méthode Ranney ».Cette méthode consistait à enfoncer un caisson de béton à côté de la rivière à partir duquel cinq tuyaux perforés horizontaux étaient insérés sous le lit de la rivière. Les tuyaux absorbent l’eau du matériau environnant.Quatre des tuyaux puisent l’eau directement de la rivière à travers le limon et le gravier dans le lit de la rivière. Le limon et le gravier agissent comme un système de filtration éliminant les particules comme le ferait un système de filtration classique.L’eau ainsi obtenue grâce à ces tuyaux horizontaux s’accumule dans le caisson et est transportée depuis cet endroit jusqu’au système d’eau de la ville.

 

  • [139] Le cinquième tuyau a été installé trop près de la rive et attire des eaux souterraines beaucoup plus dures que celles de la rivière. Si les eaux souterraines étaient mélangées à l’eau de la rivière, cela causerait des problèmes.Cette eau souterraine est pompée hors du système et rejetée dans la rivière en aval.

 

  • [140] Au Montana, à la fin des années 1980, il n’était pas nécessaire de chlorer les puits profonds qui extrayaient des eaux souterraines pures.L’État a demandé à Fort Benton de chlorer l’eau recueillie par le système Ranney.Le système de distribution de la ville ne permettait pas un temps de contact avec le chlore suffisant pour satisfaire aux exigences de l’État.La reconstruction du système aurait été très coûteuse.Fort Benton a cherché une solution alternative et en a trouvé une dans les systèmes UV utilisés en Europe.En 1987, elle a acheté et installé un système de la marque Aquionics fabriqué en Angleterre, mais a dû d’abord se battre avec les organismes de réglementation de l’État.

 

  • [141] Comme cela a été décrit dans une publication de septembre 1996 de l’Environmental Protection Agency publication des États-Unis (pièce D-20-H), Fort Benton utilise des tubes à arc de mercure à moyenne pression produisant des rayonnements UV dont un rayonnement à 253,7 nm.Le dosage initial distribué est de 41 mWs/cm² (= mJ/cm²) et le minimum à la fin de la durée de vie d’une lampe est de 25 mWs/cm².Il pourrait y avoir des dosages plus faibles si la lampe était sale et des dosages plus élevés si le débit était réduit pour une raison quelconque.En 1999, le réseau d’eau a été amélioré et des dosimètres ont été installés.Les dosimètres confirment la compréhension préalable des gammes de doses.

 

  • [142] Comme l’a dit Tim Farwick, Fort Benton possède un « puits très peu profond qui sort d’une rivière » et l’État n’autorisait pas initialement la désinfection aux UV comme solution de rechange au chlore résiduel tant que des essais approfondis n’avaient pas été effectués sur le site. Les échantillons d’essai prélevés du caisson en 1987 en amont de la chambre UV ont montré un nombre élevé de coliformes. Les échantillons prélevés dans l’eau après l’irradiation aux UV n’ont jamais révelé de coliforme. En conséquence, l’État a décidé de traiter l’eau à Fort Benton comme de l’eau souterraine, soustrayant ainsi la Ville aux exigences réglementaires applicables aux sources d’eau de surface.Si la source avait été de l’eau souterraine, la chloration n’aurait pas été nécessaire.Comme c’était le cas, Fort Benton devait utiliser du chlore, mais ne devait pas maintenir les niveaux de contact à chaque point d’utilisation comme l’exigeait l’État pour les sources d’eau de surface.En effet, un compromis a été obtenu.

  • [143] La désignation par l’État de la source à Fort Benton comme eau souterraine peut être caractérisée charitablement comme un moyen facile de sortir d’un dilemme réglementaire.Les citoyens de Fort Benton n’étaient pas disposés à accepter une désignation qui les obligerait à installer un réservoir de chloration et des tuyaux supplémentaires à leur installation de stockage inutiles et coûteux. Il ressort clairement du rapport de l’ingénieur de 1987, décrivant l’installation (pièce D-21) que la seule source d’eau de qualité raisonnable dans la région était la rivière Missouri, car les eaux souterraines étaient fortement minéralisées, excluant ainsi les puits conventionnels.Un document de l’EPA de 1996 faisant état des systèmes UV en exploitation a classé la source d’eau à Fort Benton comme étant de l’eau de surface « provenant de a rivière Missouri » (pièce D-69-E).

 

  • [144] M. Linden, Ph. D., a indiqué que l’EPA n’autorise actuellement qu’un demi crédit logarithmique pour la suppression du Crypto des puits d’infiltration horizontaux dotés de conduites secondaires à 25 pieds sous le lit de la rivière. Le limon fin au le fond de la rivière, qui peut agir comme un filtre efficace, peut être déplacé lors des périodes de débit élevé. Le gravier sous-jacent est plus poreux, ce qui permet aux micro-organismes tels que le Crypto d’entrer dans les puits.

 

  • [145] Dans la garantie d’exécution fournie à Fort Benton, en août 1987 (pièce P-13), Aquionics a spécifiquement exclu la « désactivation de kystes tels que le Giardia » de sa garantie.Il n’y a aucune preuve directe quant à la raison pour laquelle cela a été fait.M. Farwick a indiqué que le Giardia n’avait pas été détecté lors des essais effectués à la fin des années 1980.Quoi qu’il en soit, nonobstant l’avis de non-responsabilité, M. Farwick a été convaincu par les employés d’Aquionics qui ont installé le système que ce dernier pouvait traiter le Giardia. Je remarque dans la documentation fournie par Aquionics à Fort Benton pour expliquer la désinfection aux UV (pièce D-20(f)) la déclaration suivante :

[traduction]

Les longueurs d’onde ultraviolettes de 200 à 290 nm pénètrent les membranes cellulaires pour perturber les molécules d’ADN empêchant ainsi la réplication cellulaire avec une efficacité maximale aux environs de 260 nm, en fonction de l’organisme… il n’y a pas de micro-organismes reconnus comme étant résistants aux UV, lesquels, contrairement à la chloration, sont très efficaces contre les bactéries, les virus, les algues, les moisissures et les levures. En pratique, les bactéries et les virus sont la cause des principales maladies pathogènes d’origine hydrique. [Non souligné dans l’original]

 

  • [146] Dans des échantillons spéciaux prélevés en 1993, des coliformes ont été détectés dans l’eau du caisson avant qu’elle ne passe dans la chambre UV.Comme M. Farwick l’a indiqué dans son témoignage, de temps à autre, il trouvait d’autres éléments dans l’eau du caisson, tels que des algues et des micro-organismes et il devait soumettre le système à une forte dose de chlore pour le désinfecter. Cela indique que, malgré les effets filtrants du limon et du gravier dans le fond de la rivière, les contaminants de l’eau de surface sont entrés dans le caisson par les conduites secondaires du système Ranney, particulièrement lorsqu’il y avait un fort ruissellement dans le bassin versant. M. Chauret, Ph. D., a indiqué être d’accord avec cette évaluation lors du contre-interrogatoire.Je note que M. Dinkel a compris que cela se produirait lorsque le fond de la rivière serait balayé pendant les périodes de débit élevé.C’est pour cette raison qu’il a déclaré [traduction], « personne ne pouvait accorder une grande crédibilité à la capacité de filtration du fond de la rivière au collecteur Ranney ».

 

  • [147] Le système de Fort Benton a été divulgué publiquement dans les documents publicitaires d’Aquionics et les documents de l’EPA et a attiré l’attention en tant que premier exemple d’installation municipale de traitement des eaux aux UV aux États-Unis. M. Farwick a donné des entrevues et des visites et a répondu aux appels téléphoniques et à la correspondance au sujet de l’établissement bien avant la date de la revendication. Le système était ouvert et accessible au public pour inspection, au moins avant le 11 septembre 2001.

  • [148] Comme cela a été mentionné plus tôt, le Crypto est devenu un problème pour les opérateurs de réseaux d’eau suite à l’épidémie de Milwaukee en 1993. M. Farwick a témoigné avoir assisté à un programme de formation organisé par l’État en 1995 qui donné des consignes aux opérateurs sur la façonprocéder à une évaluation préliminaire pour déterminer si leur source d’eau était constituée d’eaux souterraines sous l’influence directe d’eaux de surface, et donc à risque de contamination.Selon son calcul, en utilisant les facteurs d’indice fournis par l’État (pièce D-38), la source de Fort Benton relevait largement de cette catégorie.M. Farwick a ensuite contacté un ingénieur d’Aquionics pour lui faire part de ses inquiétudes au sujet du Crypto et on lui a assuré que le système UV de Fort Benton [traduction] « pourrait facilement gérer cette situation ».

 

  • [149] Malgré les efforts déployés pour mettre en doute les souvenirs de M. Farwick à propos de ces événements, je suis convaincu qu’il a cherché et obtenu l’assurance que le système UV qu’il exploitait à Fort Benton pouvait faire face au risque qui se poserait si le Crypto était présent dans la rivière Missouri et parvenait à traverser le limon et le gravier du fond de la rivière et à entrer dans les collecteurs Ranney.

 

  • [150] Je suis convaincu, après avoir entendu le témoignage de M. Farwick, que la conversation en question a eu lieu bien avant la date de la revendication et qu’il s’agissait d’une divulgation habilitante du fait que le système de Fort Benton empêchait l’infection du Crypto en irradiant l’eau qui s’écoulait à travers ses tuyaux avec une bande large continue de lumière ultraviolette provenant de lampes à moyenne pression dans des longueurs d’onde de 200 à 300 nm et à des doses pouvant varier d’environ10 mJ/cm² à environ 175 mJ/cm².

 

  • [151] Subsidiairement, je constate que, de l’avis de M. Linden, Ph. D., la publication de septembre 1996 de l’EPA des États-Unis décrivant le système UV utilisé à Fort Benton aurait fourni à une personne versée dans l’art les informations nécessaires pour pratiquer la méthode revendiquée dans le brevet 525. Une personne versée dans l’art saurait également, d’après le document de 1997 de Mme Clancy, Ph. D., (pièce D-69-J), que l’infectivité du Crypto dans un système de circulation d’eau comme à Fort Benton pourrait être déterminée en effectuant une étude de provocation utilisant des souris néonatales.C’est en effet ce que les essais pilotes de Mannheim ont accompli au printemps 1998 pour fournir à l’EPA la vérification que le réacteur UV Calgon Rayox (plus tard Sentinel) fonctionnerait de la façon revendiquée.Mais, ce qu’ils ont vérifié alors avait déjà été vérifié à Fort Benton.

 

 

Divulgation du comité directeur de la NSF-ETV :

 

  • [152] Mme Clancy, Ph. D., a préparé une présentation pour la réunion du 20 avril 1998 du comité directeur de la National Sanitation Foundation, Environmental Technology Verification (NSF-ETV), intitulée [traduction] « L’utilisation de l’infectivité animale pour démontrer l’inactivation des oocystes de Cryptosporidium parvum ».La NSF-ETV sert de processus de vérification national aux États-Unis pour évaluer les technologies de l’eau potable et de nombreuses parties intéressées ont assisté à la réunion de son comité directeur.Le document préparé pour cette réunion (pièce D-60) porte le nom de Mme Clancy, Ph. D., et celui de Mme Marshall, Ph. D., en plus de Thomas Hargy de CEC et de Frank Schaefer de l’EPA des États-Unis, qui faisaient tous partie de l’équipe du projet de l’AWWARF. Ce document a été décrit comme le document Marshall lors du procès.L’objet de la présentation de ce document, comme l’expliquent Mme Clancy, Ph. D., et M. Hargy dans leur témoignage, était de préconiser l’infectiosité de la souris comme norme pour évaluer les systèmes UV plutôt qu’en tant que simple méthode de vérification des résultats in vitro.

 

  • [153] Le document de la NSF-ETV décrit les constatations issues des projets AWWARF 282 et 395 et celles de l’étude intitulée [traduction] « Étude III - Inactivation par UV à moyenne pression duCryptosporidium parvum », le travail réalisé dans le cadre du contrat avec Calgon.La dernière page du document contient un tableau faisant référence à des expositions de 81, 163, 244 et 488 mWs/cm² et aux résultats obtenus avec des tests de remplacement in vitro et des tests de l’infectivité animale.Mme Clancy, Ph. D., a témoigné que ces expositions ne correspondaient pas aux doses réellement administrées, mais plutôt au recalcul initial de M. Bolton, Ph. D. Dans la publication finale de ce travail, telle que divulguée dans le brevet, les doses sont d’environ la moitié de ces valeurs.Une dose de 100 a été recalculée à 81, puis recalculée à nouveau à environ 40 mJ/cm².Toutefois, les doses plus faibles divulguées dans le tableau se situent dans la fourchette revendiquée.

 

  • [154] Selon les modalités de la lettre-contrat signée le 22 septembre 1997, Mme Clancy, Ph. D., et son personnel étaient tenus de garder confidentielles toutes les informations acquises à ce titre pendant la durée du contrat, spécifiée comme étant la période allant du 29 septembre 1997 au 31 décembre 1997. Comme les travaux se sont poursuivis au-delà de cette date, l’entente de confidentialité a peut-être été prolongée, tout au moins implicitement, mais aucun document n’a été déposé en preuve.En vertu de cette entente, les renseignements relevant du domaine public étaient exclus.L’entente de confidentialité ne s’appliquait pas non plus aux recherches effectuées par la société de Mme Clancy, Ph. D., dans le cadre d’autres ententes, dont le projet AWWARF 395 qui était encore en cours à ce moment-là.

 

  • [155] Dans un courriel adressé à Mme Clancy, Ph. D., daté du 2 avril 1998, M. Stevens, Ph. D., a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

Jenn, Merci pour la mise à jour et l’information concernant la prochaine réunion. J’ai discuté de votre suggestion concernant la publication des données de laboratoire avec Jim, et nous pensons tous les deux que c’est une bonne idée. Il communiquera avec vous pour coordonner nos commentaires.

 

  • [156] Mme Clancy, Ph. D., a indiqué lors de l’interrogatoire principal qu’elle avait compris que ce message faisait référence à la réunion d’avril de la NSF-ETV. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que ce message faisait peut-être référence à la réunion de juin de l’AWWA à Dallas.Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que Mme Clancy, Ph. D., et son personnel étaient toujours liés par l’entente de confidentialité en avril 1998. Je constate que Calgon n’a intenté aucune action contre Mme Clancy, Ph. D., pour abus de confiance.Bien au contraire, la société a continué à lui offrir du travail supplémentaire.

 

  • [157] Mme Clancy, Ph. D., n’a pas participé à la réunion du 20 avril 1998, à Cincinnati.MmeMarshall, Ph. D., et M. Tom Hargy y étaient présents.M. Hargy a indiqué que le document préparé par Mme Clancy, Ph. D., avait été imprimé et copié avant son départ pour Cincinnati et qu’il avait pris les copies avec lui et ne les avait pas ramenées à la maison.Il ne pouvait pas se rappeler qui les avait distribués à la réunion.Le procès-verbal de la réunion (pièce P-31) indique qu’une discussion a eu lieu au sujet des méthodes de détermination de la viabilité du Crypto et que M. Hargy et Mme Marshall, Ph. D., ont tous deux abordé la question.Je n’ai aucune difficulté à conclure que le document a été distribué à la réunion et constitue une divulgation publique des résultats des tests de Calgon de mars 1998.

 

  • [158] La demanderesse a tenté de mettre en doute le souvenir de ces événements par M. Hargy en présentant un document du dossier d’un représentant de l’EPA qui a également assisté à la réunion.Ce représentant n’a pas témoigné, mais a fourni une copie certifiée conforme de ce qu’il avait dans son dossier de réunion par déclaration solennelle.Ce document (pièce P-32) se compose de deux pages de tableaux qui ressemblent aux tableaux se trouvant à la fin du document Marshall (D-60). La police est plus grande et M. Hargy a spéculé qu’il pouvait s’agir d’une copie imprimée des transparents pour rétroprojecteurs utilisés par Mme Marshall, Ph. D., pour expliquer les résultats des études sur l’infectiosité de la souris.Mme Marshall, Ph. D., n’a pas témoigné lors du procès.Selon moi, la pièce P-32 ne contredit pas le témoignage de M. Hargy sur ce qui s’est passé à la réunion.Je suis convaincu du fait qu’il y a eu, à cette réunion, une divulgation habilitante de renseignements suffisante pour mettre en pratique l’invention.

 

  • [159] Il y a de légères différences entre le dernier tableau de la pièce P-32 et celui de la pièce D-60, lesquelles sont, de mon avis, sans importance. Les deux pièces indiquent que le tableau présente une comparaison de l’inactivation logarithmique du Crypto par irradiation UV comme l’indiquent les tests de remplacement in vitro et l’infectivité animale et contiennent les mêmes données.La pièce D-60 a un en-tête qui indique [traduction] « Résumé des données UV à moyenne pression », lequel n’apparaît pas dans la pièce P-32. M. Linden, Ph. D., a déclaré dans son témoignage que cette différence n’aurait aucune importance pour une personne versée dans l’art qui arriverait exactement aux mêmes conclusions que celles qui seraient tirées à partir de la pièce D-60. Comme cela a été indiqué ci-dessus, je ne considère pas la pression moyenne comme un élément essentiel des revendications.En supposant que la pièce P-32 a été présentée sous la forme de transparents et distribuée à la réunion comme le suggère la demanderesse, je suis convaincu qu’elle constitue également une divulgation publique des découvertes de Calgon.

 

  • [160] Je constate que M. Dinkel a reconnu, en contre-interrogatoire, que le document Marshall fournit les mêmes renseignements que ceux qui figurent dans la revendication 1 du brevet 525 (transcription, page 1881).

 

  • [161] On a également laissé entendre que le document Marshall (D-60) n’enseigne pas l’invention revendiquée puisqu’il contient une section sur les « Conclusions et recommandations » qui est incompatible avec la divulgation des résultats de Calgon, plus précisément le fait que [traduction] « le système UV de type conventionnel s’est avéré inefficace pour réduire la viabilité [du Crypto] ».Un « système UV de type conventionnel » a été interprété par les témoins comme signifiant un système à moyenne ou basse pression continu dans le temps.Comme l’a expliqué Mme Clancy, Ph. D., et comme l’a interprété M. Linden, Ph. D., ce document était un résumé des trois études divulguées : AWWARF 282, AWWARF 395 et les études à moyenne pression de Calgon. Cela est également clair pour la Cour à la lecture du document.On ne peut pas interpréter les conclusions d’une étude comme s’appliquant au document dans son ensemble.Le document Marshall visait à présenter tous les résultats de ces projets, en terminant par les plus récents.

 

  • [162] Il ressort clairement du document même que la section sur les « Conclusions et recommandations » ne s’applique pas aux trois études présentées, mais qu’elle a été copiée et collée du rapport d’AWWARF 282 et qu’elle ne s’applique qu’à la description de cette étude dans le document. La section est identique à la partie correspondante de ce rapport (pièce P-19).Le projet AWWARF 282 portait sur la viabilité telle que déterminée par des essais in vitro et non sur les résultats relatifs à l’infectiosité issus des études menées sur des souris. Ces résultats ont clairement été divulgués dans le document comme découlant de la troisième étude et non du projet AWWARF 282. Je suis convaincu, compte tenu de la preuve, dont le document lui-même, que l’objet de la mention des résultats du projet AWWARF 282était de les opposer à ce qui a été découvert plus tard.

 

  • [163] Je conclus que les résultats des études in vitro et sur l’infectiosité animale menées pour Calgon, de septembre 1997 à mars 1998, montrant des taux d’infection nuls à des dosages UV continus à moyenne pression, dans la fourchette revendiquée par le brevet, ont été divulgués publiquement à la réunion de la NSF-ETV. Il s’agissait d’une divulgation habilitante antérieure à la date de la revendication.

 

 

 

L’emploi antérieur et la publication de la station de pompage de Weerseloseweg

 

  • [164] La société East Twente Waterworks Corporation utilise l’eau du canal Twentekanaal, aux Pays-Bas, comme source d’eau potable.En 1994, la société a entrepris un projet visant à augmenter la quantité d’eau prélevée dans le canal et, pour ce faire, à extraire l’eau de surface au moyen d’un drain sous un lit de sable. Ce processus permettait de réduire considérablement le temps de filtration à travers le sol sous-jacent et des options ont été envisagées pour des étapes de traitement supplémentaires.Une étude microbiologique a été commandée au Laboratoire de microbiologie de l’eau et des aliments de l’Institut national de la santé publique et de l’environnement des Pays-Bas.L’expansion prévue a été entreprise parallèlement à l’étude.

 

  • [165] Le rapport de l’étude, daté au mois de février 1996 et intitulé [traduction] « Charge et inactivation des protozoaires Cryptosporidium et Giardia à la station de pompage de Weerseloseweg d’East Twente Waterworks Corp » a été produit en preuve dans sa version originale en néerlandais et dans une version traduite en anglais certifiée (pièce D-66).L’un des coauteurs, M. Gertjan Medema, Ph. D., a témoigné sur le contenu du rapport et sur le système UV installé à Weerseloseweg, qu’il connaît bien personnellement.

 

  • [166] M. Medema, Ph. D., a fait a thèse de doctorat sur le Cryptosporidium et le Giardia dans l’eau potable, mais a témoigné en tant que témoin des faits.Il travaille actuellement pour l’Institut de recherche sur l’eau, appartenant aux compagnies des eaux publiques des Pays-Bas, en tant que gestionnaire de la qualité de l’eau et de la santé, chargé particulièrement des questions d’ordre microbiologique. Son rapport de février 1996 a été largement distribué et est accessible à tous à la Bibliothèque nationale des Pays-Bas.L’installation de traitement des eaux de Weerseloseweg est ouverte au public et des visites guidées y sont offertes.

 

  • [167] La principale préoccupation de l’étude microbiologique menée par M. Medema, Ph. D., portait sur la contamination par le Cryptosporidium et le Giardia. La source d’eau était une eau de surface à ciel ouvert et, à ce titre, elle était sujette aux déchets fécaux d’origine animale.Au printemps de 1995, des échantillons hebdomadaires ont été prélevés dans le canal et à partir d’un site de stockage dans des réservoirs.Il a été constaté que le canal contenait 1,6 oocyste de Crypto et 2,9 oocystes de Giardia par litre.L’eau stockée dans le réservoir après avoir été soumise à un traitement conventionnel incluant la filtration et la floculation contenait 0,6 oocyste de Crypto et 0,2 oocyste de Giardia par litre.L’eau contenue dans le réservoir a fait l’objet d’une recontamination causée par les oiseaux et d’autres sources.

 

  • [168] Le principal obstacle aux agents pathogènes était la filtration sur sable pendant au moins deux semaines.Dans le nouveau système, l’eau ne resterait dans les sacs de sable que pendant quelques heures, réduisant ainsi la capacité d’enlèvement du sol.Les opérateurs du système souhaitaient également augmenter l’innocuité microbienne de l’eau à la lumière des effets alors bien connus de la contamination par les kystes.Ce qu’ils ont construit et mis en service en février 1996 pourrait être décrit comme une installation de traitement de l’eau « à ceinture et à bretelles » utilisant une approche à barrières multiples incluant les UV.Le système UV mis en place était un réacteur à basse pression Wedeco employant une dose initiale de 36 mJ/cm² et doté de lampes vieillies, à 25 mJ/cm².

 

  • [169] Une partie du travail de M. Medema, Ph. D., consistait à estimer la réduction logarithmique qui serait atteinte par chaque barrière du nouveau système afin de s’assurer que la réduction totale minimiserait les risques de contamination et d’infection.À cette fin, il s’est servi de la dose minimale, des mesures du crypto prélevé dans le réservoir et de la documentation existante sur les résultats obtenus par chaque méthode.Ils ont utilisé une estimation prudente en sélectionnant les études sur les traitements aux dosages les plus faibles qui ont entraîné l’élimination la moins importante.

 

  • [170] Pour ce qui est des résultats pouvant être obtenus grâce à l’irradiation avec une faible dose de lumière ultraviolette, M. Medema, Ph. D., et son co-auteur se sont appuyés sur le document de Ransome abordé ci-dessous. En partant de la conclusion de Ransom selon laquelle une exposition de 120 mJ/cm² entraînerait une réduction de deux logarithmes pour le Cryptosporidium, M. Medema, Ph. D., a conclu qu’une dose de 80 mJ/cm² serait nécessaire pour une inactivation d’un logarithme. Il n’en fallait pas autant à l’installation de traitement de l’eau pour atteindre ses objectifs globaux en matière de logarithmes étant donné les autres obstacles, d’où la réduction plus faible réellement revendiquée.Avec une dose de 23 mJ/cm², ils ont eu besoin d’une élimination d’au maximum 0,3 log du Crypto, soit environ 50%, ce qu’ils ont revendiqué.

 

  • [171] Aux fins d’une analyse de l’antériorité, l’emploi antérieur et la publication antérieure doivent être examinés séparément.Je conclus que le système UV mis en service en février 1996 à Weerseloseweg était une divulgation habilitante et publique de la méthode revendiquée par le brevet 525 pour prévenir l’infection par les oocystes de Cryptosporidium.

 

  • [172] Je suis d’avis que le rapport de 1996 de M. Medema, Ph. D., est également antérieur à la divulgation dans le brevet  525, car il enseigne tout ce dont une personne versée dans l’art aurait besoin pour mettre le procédé en pratique.

 

 

 

La publication de Ransome

 

  • [173] Cette publication est un document d’étude de 1993 de M.E.Ransom et autres (pièce P-33) publié dans la revue Water Supply et intitulé [traduction] « Désinfectants efficaces contre la viabilité des oocystes de Cryptosporidium Parvum ». Les auteurs ont fait état de la réduction observée des oocystes de Crypto au moyen des UV, de l’ozone, du chlore, du peroxyde d’hydrogène et du peroxone en utilisant le dékystement comme méthode d’essai.

 

  • [174] Des oocystes dans des boîtes de Pétri ouvertes ont été exposés sous une lampe UV à basse pression qui, comme indiqué, a donné une intensité de 25 mW/cm² à une distance de 5 cm. Les doses d’UV, telles que rapportées, étaient de 42, 63, 90 et 120 mJ/cm².

 

  • [175] Le document de Ransome a conclu que l’ozone était le seul désinfectant jugé prometteur.Cependant, cette conclusion doit être interprétée dans son contexte.Parmi les méthodes testées par Ransome et ses collègues, les UV ont fourni la plus grande réduction logarithmique observée à 2 logarithmes ou à 99 %, à la dose la plus élevée de 120 mJ/cm².Ransome faisait rapport de l’efficacité des doses habituellement utilisées à ce moment-là; pour les UV, la dose était de 30 mJ/cm² et celle recommandée par le Public Health Service des États-Unis, était de seulement 16 mJ/cm².Les doses couramment utilisées pour l’ozone à cette époque étaient plus efficaces selon les auteurs, d’après le test de dékystement. Toutefois, cela n’écartait pas les conclusions de M. Ransome, Ph. D., au sujet des UV.M. Medema, Ph. D., et l’East Twente Waterworks Corporation ont pris note des conclusions de Ransome au sujet des UV et s’y sont appuyés pour leur étude et leur installation à Weerseloseweg.

 

  • [176] M. Linden, Ph. D., était d’avis que Ransome fournissait à une personne versée dans l’art des renseignements suffisants pour reproduire son expérience, autrement dit une divulgation habilitante.M. Chauret, Ph. D., n’était pas d’accord, car on ne pouvait pas déterminer clairement si l’eau dans la boîte de Pétri était agitée, la profondeur de l’eau et la concentration du Crypto n’étaient pas spécifiées et le temps d’exposition devait être bref.L’utilisation du terme anglais « bore-hole water » (eau de forage) n’avait pas été expliquée.Je n’ai pas trouvé l’opinion du M. Chauret, Ph. D., convaincante.Les auteurs du document de Ransome ont décrit la procédure suivie et le procédé employé en référence à un article de 1981 qui aurait été connu par une personne versée dans l’art.Le terme « Bore-hole water » (eau de forage), comme l’a expliqué M. Linden, Ph. D., est simplement un terme anglais signifiant l’eau de puits.

 

  • [177] En contre-interrogatoire, M. Chauret, Ph. D., a reconnu que les doses citées dans le document de Ransome, à supposer qu’elles soient correctes, empêcheraient la réplication des oocystes irradiés (transcription, à la page 1983).

 

  • [178] Le test de déksystement employé par Ransome divulguait que les UV rendraient les oocystes de Crypto inactifs ou non viables à des doses situées dans la fourchette revendiquée.Les organismes qui ne sont plus viables sont incapables de se répliquer et de provoquer une infection.Selon moi, le document Ransome fournit à une personne versée dans l’art les informations nécessaires pour mettre en œuvre le procédé prévu aux revendications 1, 2 et 4 du brevet 525. La revendication 3 est exclue, car elle définit la gamme de doses comme étant de 20 à 30 mJ/cm².Une personne versée dans l’art comprendrait toutefois qu’une dose inférieure à celles testées par Ransome empêcherait encore la réplication du Crypto, bien qu’à un niveau inférieur de réduction logarithmique. Toute réduction logarithmique de Crypto est efficace pour prévenir la réplication et l’infection.

 

 

 

L’emploi antérieur de l’Erickson Improvement District

 

  • [179] Erickson est une région rurale adjacente à Creston, en Colombie-Britannique. L’Erickson Improvement District (EID) a été créé en 1930 pour fournir de l’eau pour l’irrigation, pour les usages domestiques des résidents du District et, plus récemment, pour la ville de Creston.M. Elwin Masuch a été fiduciaire du District pendant 32 ans et président du conseil pendant 28 ans.Son beau-fils, Robin Douville, était surintendant des travaux pour l’EID et occupe actuellement ce poste pour l’Erickson Water Service de Central Kootenay.M. Masuch et M. Douville me sont tous deux apparus comme des témoins crédibles et prudents.J’ai été particulièrement impressionné par le témoignage de M. Masuch.Il avait un souvenir clair des événements, une compréhension approfondie des conditions de son bassin versant et une bonne compréhension des principes scientifiques en jeu dans la désinfection de l’eau, de manière générale, et dans l’irradiation UV, plus particulièrement.

 

  • [180] À l’époque des faits, le système fournissait de l’eau aux 5 000 résidents de Creston et à 2 000 résidents d’Erickson, ainsi que pour répondre aux besoins en matière d’irrigation.Pendant de nombreuses années, peu a été fait pour traiter l’eau distribuée par l’EID mis à part des essais de dépistage.La source était constituée de l’eau de surface de deux ruisseaux.Des éclosions de giardiase sont survenues en 1985 et en 1990. En 1992, la province a adopté des lignes directrices sur la salubrité de l’eau potable (Safe Drinking Water Guidelines) et a insisté sur la chloration pour faire face au risque de contamination par les bactéries et autres pathogènes.Ces mesures n’ont pas plu aux résidents d’Erickson.Ils étaient déterminés à éviter d’avoir recours au chlore, comme l’a indiqué M. Masuch, car ils considéraient que c’était une méthode de désinfection obsolète et inefficace, elle donnait à l’eau un mauvais goût et une mauvaise odeur – elle rendait l’eau impropre à la consommation, selon lui – et elle produisait des trihalométhanes liés au cancer.

 

 

  • [181] Le Crypto était une préoccupation.En 1996, une éclosion de cryptosporidiose s’est produite à Cranbrook, à seulement 60 milles de distance et dans d’autres communautés de Colombie-Britannique. Des échantillons prélevés dans le réservoir de Creston en janvier 1997 ont donné un résultat positif au test de dépistage du Crypto et du Giardia.Les fiduciaires savaient que le chlore était inefficace contre le Crypto et que son efficacité était limitée contre la Giardia.Ils ont mené des recherches approfondies pour une trouver une solution de rechange et leur recherche les a convaincus que les UV étaient efficaces contre le Crypto et le Giardia. L’EID avait déjà utilisé la désinfection aux UV pour lutter contre les bactéries.À la fin des années 1970, l’EID avait utilisé des rayons UV, selon les recommandations du ministère de la Santé, pour désinfecter l’eau prélevée dans une autre source d’eau de surface afin de répondre à la demande estivale supplémentaire.

 

  • [182] Au début de 1996, les fiduciaires ont contacté la compagnie de traitement de l’eau Culligan et ont demandé à l’entreprise d’installer deux systèmes utilisant la filtration et les UV dans deux maisons en tant que projet pilote.Le projet pilote a commencé en mai-juin 1996. Le système installé dans la maison de M. Douville, une unité à basse pression Trojan Advantage 5, traitait toute l’eau qui était utilisée dans sa maison.Les lampes du Trojan Advantage 5 sont allumées en continu et transmettent des doses dans la fourchette revendiquée par le brevet 525 lorsque l’eau s’écoule vers les dispositifs ouverts.L’autre unité a été installée dans la maison d’un voisin comme système au point d’utilisation pour fournir de l’eau désinfectée à un robinet d’eau potable.

 

  • [183] Les produits UV résidentiels Trojan datent de la fin des années 1980 et ont évolué au fil du temps.Comme l’a décrit Stewart Hayes, un ingénieur concepteur de Trojan depuis 1993, la série Advantage a été développée à partir de 1994 et introduite en 1996. Les unités résidentielles et industrielles commercialisées avant 1998 utilisaient des lampes à moyenne ou basse pression logées dans un réacteur en acier inoxydable.La série Advantage 8 a été conçue pour un débit nominal de 8 gallons par minute et la série Advantage 5 pour 5 gpm.La série comportait aussi un système au point d’utilisation Advantage 2 (robinet simple), à 2 gpm, et un système Advantage 12 (12 gpm). Ces taux ont été testés en utilisant les pressions des conduites d’eau en ville, situées entre 40 et 45 livres par pouce carré et un tuyau résidentiel en cuivre standard de ½ pouce.La transmission de la lumière UV a été testée avec une clarté de l’eau à 74% de, ce qui est beaucoup plus sale que l’eau potable normale.Les doses revendiquées pour ces systèmes ont été validées au moyen d’un test biologique.

 

  • [184] Les lampes UV de ces systèmes fonctionnant en continu à des longueurs d’onde comprises entre 200 et 300 nm transmettraient une dose de 20 à 30 mJ/cm² à des débits normaux.Modifier le débit ou le facteur de transmission UV modifierait la dose.Cela a été illustré par la pièce D-74, un tableau préparé pour l’État du Wisconsin daté du 31 octobre 1996. Les doses révisées restaient dans l’intervalle de 10 à 175 mJ/cm² revendiqué par le brevet  525.Des doses plus élevées seraient transmises au contenu de l’unité lorsqu’il n’y a aucun flux vers les dispositifs.Toutefois, ces systèmes ont été conçus comme des applications à écoulement à un gallon par minute de façon à traiter continuellement l’eau alors que l’on fait couler des douches, que l’on tire les chasses d’eau des toilettes et que l’on ouvre un robinet pour se remplir un verre d’eau. Le témoignage de M. Hayes à ce sujet n’a pas été contesté.

 

  • [185] Il y avait quelques différences dans la preuve à l’égard de la taille des filtres installés dans le cadre du projet pilote d’EID.M. Masuch a indiqué que les filtres avaient été installés pour contrôler la turbidité avant l’irradiation de l’eau.Pendant la majeure partie de l’année, la turbidité était faible, mais elle augmentait au printemps.Il s’est rappelé que des filtres de 5 microns ont été installés initialement, mais qu’ils ont été remplacés par des filtres de 20 microns étant donné que les écrans plus fins étaient obstrués trop fréquemment.Aucun des filtres ne constituerait un obstacle au Crypto.M. Masuch et M. Douville ont compris que les oocystes de Crypto étaient plus petits que 5 microns.Une lettre de l’époque, rédigée par M. Douville, indique que des filtres de 20 microns ont été installés en juin 1996. M. Douville a déclaré qu’ils n’avaient jamais installé un filtre de 5 ou de 1 micron dans sa résidence.Les filtres de 20 microns sont les seuls qu’ils ont utilisés.Des photographies de l’unité à sa résidence soutiennent cette déclaration.Un filtre de 1 micron a été installé au domicile de son voisin, mais a été remplacé par un filtre de 20 microns en raison de l’encrassement.

 

  • [186] Des échantillons de l’eau traitée dans les deux maisons ont été prélevés régulièrement ; ils ont été testés et les enregistrements qui en ont résulté ont été conservés pendant un an.Les résultats dépassaient les normes provinciales établies.

 

  • [187] La demanderesse soutient que cela ne peut être considéré comme une divulgation habilitante étant donné que les unités étaient installées et exploitées à l’intérieur de résidences privées et qu’elles n’étaient donc pas accessibles au public.Le fait que les fiduciaires en discutent entre eux n’était pas suffisant.Toutefois, M. Masuch a déclaré que les résultats avaient été communiqués aux contribuables en juin 1997 lors de l’assemblée générale annuelle.Selon moi, il s’agissait d’une divulgation publique habilitante d’une méthode relevant des éléments essentiels des revendications du brevet 525.

 

  • [188] Les fiduciaires ont été contraints de résister à la confiance qu’ils avaient accordée aux UV puisque la province a continué à insister sur d’autres barrières.L’EID a soumis une proposition au bureau de santé régional pour permettre l’installation d’unités de traitement au point d’entrée dans toutes les résidences et entreprises du district.Un document de Culligan, préparé à l’intention du bureau de santé en avril 1997, indique que le système proposé utiliserait des filtres de 1, 5 et 25 microns.Selon le document, les filtres de 25 et 5 microns seraient utilisés pour clarifier l’eau et les filtres de 1 micron élimineraient complètement les kystes.Dans un affidavit de 1999, préparé pour un litige avec la province, M. Masuch a indiqué que l’EID était prêt à installer ce système s’il était approuvé par la province. La demanderesse soutient que cela est une preuve de l’abandon de l’emploi antérieur.

  • [189] Il ne s’agit pas d’un cas où un effort déployé pour transformer l’emploi antérieur d’une méthode en un fonctionnement pratique a été abandonné parce qu’il a été conclu qu’elle ne pouvait pas fonctionner.Au contraire, M. Masuch et ses collègues fiduciaires étaient convaincus que « l’élément principal de ce système était l’UV pour le contrôle du Giardia et du Cryptosporidium ».Cependant, au moment de la soumission, les UV n’avaient pas reçu de crédits logarithmiques pour l’élimination des kystes en Colombie-Britannique. Ce n’était pas en raison de l’échec de l’application pratique qu’ils ont perdu, mais en raison de la bureaucratie.La province a continué à insister sur la chloration.L’EID a été dissous et un système de désinfection considérablement plus coûteux a été installé depuis lors.

 

  • [190] Je suis convaincu, compte tenu de cette preuve, que le procédé décrit dans le brevet 525 était pratiqué de façon publique à Erickson avant la date de la revendication.

 

Les systèmes de point d’entrée du lac Trout

 

  • [191] M. Brian Kelly a indiqué dans son témoignage qu’il vendait et installait des systèmes UV Trojan depuis la fin des années 1980 pour des résidences et des chalets ayant des puits ou des systèmes de pompage d’eau de lac dans la région de North Bay.Il a décrit plusieurs installations types en 1997, avant la date de la revendication.Les brochures des systèmes de la série Advantage 5 et 8 de Trojan, installés en 1997, décrivent les spécifications des unités et font référence aux avantages de la désinfection aux UV pour traiter les micro-organismes pathogènes d’origine hydrique.Les bactéries, les virus, les algues, les champignons et les protozoaires y sont spécifiquement mentionnés.M.Kelly distribuait ces brochures aux clients potentiels de son magasin.Les systèmes installés par M. Kelly comprenaient généralement un filtre de 50 microns qui ne servait pas de barrière au Crypto.Des brochures ultérieures publiées par Trojan indiquent clairement que ces systèmes sont efficaces contre le Crypto, mais ce n’était pas le cas pour les brochures antérieures à 1998.

  • [192] L’étude environnementale préparée par la suite pour la ville de North Bay a déterminé qu’il y avait un risque de Crypto dans les eaux du lac Trout, mais la preuve n’a pas établi que M. Kelly installait ces systèmes pour cette raison, avant la date de la revendication. Bien qu’il soit évident a posteriori que ces systèmes empêcheraient tout Crypto dans l’eau de se répliquer et d’infecter, ils ont été installés et exploités pour faire face à d’autres pathogènes dans l’eau.Par conséquent, je conclus qu’il n’y avait aucune divulgation habilitante du procédé par l’installation des systèmes au point d’utilisation au lac Trout.

 

CONCLUSION SUR LA VALIDITÉ

 

  • [193] Je suis convaincu, au vu de l’ensemble de la preuve soumise au procès, que la présomption de validité du brevet 525 a été surmontée et que les défenderesses ont établi, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet faisait l’objet d’une antériorité, tant par l’emploi antérieur que par une publication antérieure.

 

  • [194] Pour satisfaire au critère d’antériorité, une seule des applications de l’art antérieur décrites dans la preuve serait suffisante si les principes énoncés dans Beloit et dans Baker Petrolite, précités, sont respectés.La personne fictive versée dans l’art, doit être en mesure, à l’aide des techniques d’analyse disponibles, de prouver l’invention sans l’exercice d’un génie inventif.

 

  • [195] En l’espèce, les installations à Fort Benton, à Weerseloseweg et à Erickson, le rapport de Weerseloseweg et le document de Ransome, indiqueraient chacun à une personne versée dans l’art que l’utilisation d’une lumière UV à des niveaux particuliers permettrait de traiter l’eau de manière adéquate pour empêcher la réplication et l’infection par les oocystes du Crypto. Ces divulgations ont été faites avant la date de la revendication et ont rendu l’objet accessible au public au Canada ou ailleurs, conformément aux exigences de l’alinéa 28,2 (1) b) de la Loi sur les brevets.

 

  • [196] Je conclus en outre que la présentation du document Marshall en avril 1998 à la réunion de la NSF-ETV constituait une divulgation antérieure par une personne qui avait obtenu des renseignements de la demanderesse plus d’un an avant la date de dépôt au sens de l’alinéa 28.2 (1) a) de la Loi.

 

Autres questions liées à la validité

 

  • [197] Compte tenu de mes conclusions sur l’antériorité, je ne juge pas nécessaire de traiter de façon plus détaillée les autres moyens de défense plaidés par les défenderesses, lesquels incluent : la paternité de l’invention, la portée excessive, le caractère suffisant du mémoire descriptif et l’ambiguïté.Comme je l’ai indiqué précédemment, dans mon interprétation des revendications, je n’ai relevé aucune ambiguïté dans l’utilisation du terme « continue ».

 

  • [198] Si j’avais déterminé qu’il y avait une invention dans la découverte revendiquée par le brevet 525, j’aurais conclu que, même si Mme Clancy, Ph. D., semble y avoir contribué plus que M. Stevens, Ph. D., M. Bolton, Ph. D. et M. Dussert, Ph. D., l’omission de la nommer comme inventeur n’aurait pas invalidé le brevet..

 

  • [199] Il ressort clairement de la preuve que le brevet revendique plus que ce qui avait été établi à la date de la demande en ce sens que l’efficacité de doses aussi faibles que 10 mJ/cm² n’avait pas été déterminée par la recherche.La demanderesse soutient que cela était acceptable selon le principe de la prédiction valable de l’utilité et que cela a ensuite été confirmé par d’autres recherches.La prédiction était également appuyée par les données de M. LaFrenz, Ph. D., et M. Linden, Ph. D., avait conclu qu’une dose de 10 mJ/cm² permettrait une élimination d’au moins 2 logarithmes.Je n’aurais pas conclu à l’invalidité du brevet pour ce motif.

 

  • [200] Les défenderesses ont soulevé des préoccupations valables quant à la suffisance du mémoire descriptif.Comme je l’ai déjà signalé, en raison de la non-divulgation du « modèle mathématique sophistiqué » utilisé pour calculer les doses, il aurait été difficile pour une personne versée dans l’art de reproduire l’invention, selon l’avis d’expert de M. Linden, Ph. D.Après avoir entendu l’ensemble de la preuve au procès, il demeure difficile de savoir comment M. Bolton, Ph. D., est arrivé aux valeurs définitives revendiquées en se fondant sur les résultats des essais qu’il a recalculés plusieurs fois.

 

  • [201] Parmi les antériorités citées dans le mémoire descriptif pour illustrer la compréhension que des doses élevées étaient requises, se trouve une étude de 1993 de Lorenzo-Lorenzo et al..Mme Clancy, Ph. D., a fourni des renseignements tirés d’une communication personnelle avec ces auteurs et indiquant que leurs expériences avec les UV ont pu entraîner une inactivation de plus de 3 logarithmes en utilisant des doses comprises entre 100 et 300 mJ/cm².Une lettre envoyée par courrier électronique (pièce D-2) de M. Dussert, Ph. D., à Mme Clancy, Ph. D., indique que cette information devrait être reformulée ou supprimée, car [traduction] « les doses administrées nuiraient aux revendications de notre brevet et donc aux activités de Calgon Carbon, et elles sont donc inacceptables ».La lettre indique ensuite que la tentative par M. Bolton, Ph. D., de calculer des doses à partir du travail de Lorenzo-Lorenzo a donné lieu à des doses plus élevées que la gamme prévue.

 

  • [202] Elle cite également le document de LaFrenz (pièce D-56), susmentionné, qui a été soumis à la conférence de l’AWWA à Denver en novembre 1997. Il a été écarté au motif que les doses d’UV appliquées par impulsions pour obtenir une inactivation de 6 logarithmes étaient de 200 mJ/cm² et plus. Il ne s’agit pas d’une description complète de la divulgation des conclusions de M. LaFrenz, Ph. D., à la conférence de Denver.Au paragraphe 2.3.1 du document, M. LaFrenz, Ph. D., déclare que [traduction] « les résultats des tests à ce jour pour le Cryptosporidium indiquent qu’un niveau de traitement aux UV par impulsions d’environ 100 mWs/cm2 permet une inactivation de 3 à 4 logarithmes.Une inactivation de six logarithmes été réalisée pour des niveaux d’irradiation inférieurs à 200 mWs/cm² ». La figure 5 de son document illustre ces résultats.

 

  • [203] Ces exemples soulèvent des questions au sujet de la précision et de la suffisance du mémoire descriptif.

 

CONTREFAÇON

 

  • [204] Comme je l’ai indiqué plus haut, je conclus que le brevet 525 est invalide pour cause d’antériorité.Il s’ensuit que je conclus que North Bay n’a pas contrefait le brevet et que Trojan n’a pas incité ou amené à une contrefaçon.

 

  • [205] Dans le cas où l’on jugerait que j’ai commis une erreur concernant la question de la validité, j’indiquerai les conclusions que j’aurais tirées concernant la contrefaçon.Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, [2004] 1 R.C.S. 902, à la page 918 (Monsanto), la contrefaçon est généralement une question de fait et les faits indiquent clairement s’il y a eu contrefaçon, une fois que la revendication a été interprétée.

 

  • [206] La ville utilise son système Trojan Swift pour irradier son eau potable avec une bande large de lumière UV dans des longueurs d’onde comprises entre 200 et 300 nm générant des doses de 40 à 50 mJ/cm² pour prévenir l’infection par les oocystes du Crypto.Il s’agit là des éléments essentiels tels que je les ai trouvés dans le procédé revendiqué par le brevet.Je conclurais, si le brevet était valide, que la ville de North Bay a contrefait directement les revendications 1, 2 et 4. La revendication 3 n’est pas contrefaite puisque la gamme des doses revendiquée n’est pas appliquée par la ville.

  • [207] La preuve à l’encontre de Trojan quant au fait qu’elle aurait incité ou amené d’autres personnes à la contrefaçon est moins claire et repose sur la question de savoir si la ville a été amenée à la décision d’accomplir l’acte contrefaisant en raison de l’indemnisation de Trojan.

 

  • [208] Pour établir l’incitation, il doit y avoir un acte de contrefaçon exécuté par le contrefacteur directement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencé par les agissements de l’incitation de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon n’aurait pas été commise et l’incitateur doit avoir exercé sciemment l’influence, de façon à ce qu’il savait que l’influence donnerait lieu à l’exécution de l’acte de contrefaçon : Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 RCF 751, 68 C.P.R. (3 d) 129, aux pages 148-49 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée[1996] C.S.C.R. No. 441 (Dableh).

 

  • [209] La demanderesse ne fonde pas sa preuve entièrement sur l’indemnité offerte par Trojan à North Bay.La demanderesse est d’avis que l’incitation serait établie avec ou sans l’indemnité du seul fait que Trojan propose à la vente et vend ses systèmes UV Swift à des municipalités qui n’ont pas obtenu de licence de Calgon.Cette affirmation est toutefois, selon moi, exagérée.

 

  • [210] Calgon s’appuie également sur la relation entre Trojan et CH2M Hill, la société d’ingénierie qui a fourni des services de conseil à la ville de North Bay. L’entreprise CH2M, décrite par le président de Trojan comme étant une « cliente » de la firme, a reçu un soutien à la recherche et à l’analyse pour son cabinet d’expert-conseil spécialisé dans le traitement de l’eau.On en déduit que, en contrepartie de ce soutien, CH2M a exercé une influence indue sur sa « cliente », la ville de North Bay pour qu’elle choisisse le système de Trojan.Cela n’explique pas la raison pour laquelle North Bay a choisi de ne pas obtenir de licence auprès de Calgon.

  • [211] La preuve irréfutée révèle que, dans les circonstances décrites par l’ingénieur de la ville, M. Simmonds, les représentants de North Bay se sont sentis obligés d’installer sans tarder des barrières plus efficaces contre les pathogènes.Trojan avait tout à gagner de la vente de son matériel et aurait probablement obtenu le contrat, que la ville ait ou non pris la licence.Calgon n’a pas lié l’octroi de licences à la vente de son équipement.Le système de Trojan était en développement depuis plus d’une décennie.Calgon venait tout juste d’entrer sur ce marché.CH2M a fourni des renseignements sur d’autres systèmes offerts sur le marché.

 

  • [212] La demanderesse a déposé une preuve concernant l’entente conclue par la compagnie des eaux d’Edmonton, Epcor, avec Calgon.Epcor a installé l’équipement de Calgon et a obtenu une licence.Elle reçoit une commission de Calgon pour avoir agi en tant qu’agent de l’Ouest canadien faisant la promotion de la technologie, ce qui compense les frais de licence.Je constate que la ville de Waterloo, qui exploite des systèmes UV de Trojan, de Calgon et de Wedeco ne paie pas la redevance de licence.Il ressort de la preuve que la majorité des municipalités nord-américaines qui ont acquis des réacteurs UV de Calgon ou celles qui sont approvisionnées par ses concurrents ne paient pas la redevance.Seulement six municipalités, trois au Canada et trois aux États-Unis ont accepté de la payer.Le service des eaux de Pittsburgh la paie, mais a un arrangement spécial avec Calgon, comme l’a décrit M. Dinkel.Calgon était peut-être disposée à négocier avec North Bay.

 

  • [213] Il ne s’agit pas ici d’une affaire similaire à celles où des défendeurs ont incité à une contrefaçon en vendant des produits qui ne pouvaient être utilisés qu’au moyen d’une contrefaçon du brevet du demandeur, comme c’est le cas dansProcter & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd.(1978), 39 C.P.R. (2 d) 145 (C.F. 1re inst.), conf. (1979), 42 C.P.R. (2 d) 33 (C.A.F.); Windsurfing International Inc. c. Triatlantic Corporation (1984), 8 C.P.R. (3 d) 241 (C.A.F.). Les produits vendus par Trojan peuvent être et sont utilisés à des fins qui ne donneraient pas lieu à une contrefaçon, par exemple, pour la prévention de l’infection par des bactéries et des virus.

  • [214] L’indemnité a été datée et signée par Trojan plusieurs jours après que le Conseil de North Bay a pris la décision de choisir Trojan et la lumière UV pour traiter son eau potable.Elle semble avoir été offerte à CH2M et non à la ville.M. Simmonds a indiqué qu’il en a pris connaissance pour la première fois plusieurs mois plus tard lorsque l’avocat de la ville en a demandé une copie auprès de CH2M après avoir reçu la correspondance de Calgon.CH2M a peut-être agi à titre d’agent de la Ville en demandant l’indemnité de Trojan, mais la preuve n’établit pas que, sans cette incitation, l’entente n’aurait pas été conclue.L’avocat de la demanderesse a admis très honnêtement ce point lors de l’argumentation finale.

 

  • [215] Cependant, l’acte de contrefaçon ne s’est pas produit lorsque le contrat de Trojan a été conclu, mais lorsque North Bay a mis en service son système UV et a mis en pratique le procédé breveté sans avoir obtenu la licence de Calgon.Il est clair que les représentants de la Ville avaient connaissance du brevet de Calgon à ce stade et qu’ils savaient que Calgon offrirait une licence même si un concurrent fournissait le système. M. Simmonds a dit qu’ils considéraient que le brevet était, selon ses termes [traduction] « absurde ». Toutefois, les représentants savaient aussi que la Ville serait quitte et indemne de tout dommage pour avoir enfreint le brevet en raison de l’indemnité de Trojan. Ils n’avaient rien à perdre en l’ignorant.On peut raisonnablement déduire que l’indemnité a été le facteur décisif dans la décision de procéder sans licence.

 

  • [216] Les défenderesses soutiennent qu’il devait y avoir un brevet délivré au moment de l’incitation pour satisfaire au premier volet du critère de Dableh, c’est-à-dire qu’il devait y avoir un acte de contrefaçon exécuté par le contrefacteur direct.En l’espèce, l’indemnité a été offerte en juillet 2001, après la date de la revendication, mais avant la délivrance du brevet au Canada.L’acte de contrefaçon a commencé en 2002 lorsque le système UV a été mis en service par North Bay après la délivrance du brevet.L’indemnité n’a pas été retirée par Trojan et a continué à être en vigueur à ce moment-là.

  • [217] Si j’avais conclu à la validité du brevet, j’aurais conclu que Trojan avait incité une contrefaçon du brevet en offrant l’indemnité.Cette incitation ne s’applique pas à la décision de North Bay d’attribuer à Trojan le contrat pour le système, mais à la décision de la Ville de contrefaire le brevet en refusant d’obtenir la licence offerte par Calgon.J’aurais renvoyé la question du montant des dommages-intérêts aux fins d’examen ultérieur, mais j’aurais limité le droit aux redevances perdues et j’aurais exclu les dommages-intérêts pour toute vente éventuelle de l’équipement.J’aurais conclu que le droit à des dommages-intérêts majorés, punitifs ou exemplaires n’était pas justifié en l’espèce puisque la preuve n’établissait pas que les défenderesses avaient une conduite abusive, oppressive ou inacceptable.Dans les circonstances particulières de l’espèce, la validité du brevet, bien qu’elle soit présumée en droit, était douteuse.J’aurais été réticent à accorder une injonction permanente libellée de façon large à l’encontre de Trojan comme l’a sollicité la demanderesse dans sa demande de redressement, mais j’en aurais accordé une limitée à la portée de l’exploitation contrefaisante.

 

  • [218] La demanderesse soutient que si la contrefaçon de North Bay est établie, elle devrait avoir la possibilité de choisir entre des dommages-intérêts et des profits perdus. Les dommages représentent la perte du breveté, ce qui peut inclure la perte de profits au chapitre des ventes ou la perte de redevances.En revanche, la restitution des profits est mesurée par les bénéfices réalisés par le contrefacteur, plutôt que par le montant perdu par le breveté.Si le breveté choisit la restitution des profits, le breveté n’a droit qu’à la portion des bénéfices réalisés par le contrefacteur qui a un lien de causalité avec l’invention : Monsanto, précité, aux paragraphes 100-102.

 

  • [219] En l’espèce, si j’avais conclu que le brevet était valide, j’aurais jugé que la demanderesse avait droit à des dommages-intérêts, mais pas à une restitution des profits.La demanderesse soutient que la Ville devrait être responsable des économies réalisées grâce au choix d’une technologie plus rentable que celle offerte par les autres options disponibles. Je ne considère pas ces économies comme des profits revenant à la Corporation de la ville de North Bay. La preuve démontre que le service des eaux fonctionne selon le principe de l’utilisateur-payeur et que les coûts du traitement de l’eau sont facturés directement au contribuable.La ville ne tire aucun revenu de l’exploitation du système d’eau.

 

  • [220] Je ne pense pas que ce soit ce que la Cour suprême avait en tête lorsqu’elle a discuté de « la méthode fondée sur la valeur » pour calculer le profit au paragraphe 102 de Monsanto.Au cœur de la réparation en equity se trouve la notion que le contrefacteur ne devrait pas avoir le droit de tirer avantage de ses méfaits. J’accepte qu’une corporation municipale puisse tirer profit de l’utilisation de technologies contrefaites et il y aura des circonstances dans lesquelles elle devrait être tenue responsable de ces profits. Dans Baker Petrolite Corp.c. Canwell Enviro-Industries Ltd., 2001 CFPI 889, 210 F.T.R. 161, 13 C.P.R. (4 th) 193 inf. pour d’autres motifs [2003] 1 C.F. 49, 2002 CAF 158, le juge Frederick Gibson a conclu que la ville de Medecine Hat était responsable de la vente de gaz corrosif « adouci » par le produit breveté.Mais il s’agissait d’un cas où la Ville vendait le gaz à un distributeur commercial pour en tirer profit et l’utilisation de la technologie contrefaite augmentait la valeur du produit.

 

  • [221] En l’espèce, la Ville n’a pas réalisé de profit en offrant le produit à ses contribuables au prix coûtant et aucune valeur additionnelle ne peut être causalement attribuée par l’utilisation de la technologie contrefaite.La qualité de l’eau est restée exactement la même.Au mieux, cela a permis aux contribuables d’éviter le risque d’infection et le fardeau de certains coûts supplémentaires.De plus, ils n’ont joué aucun rôle direct dans la décision de la Corporation d’utiliser la technologie.Le fait que Trojan serait responsable de couvrir ces « bénéfices » en vertu de son entente d’indemnisation est sans conséquence.

 

DÉPENS

 

  • [222] Les défenderesses devraient avoir droit à leurs dépens, lesquels seront évalués selon le tarif ordinaire.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de la demanderesse d’une déclaration selon laquelle le brevet canadien No 2 331 525 a été contrefait par les défenderesses et ses demandes d’une injonction, d’une indemnisation, de dommages-intérêts et de dépens sont rejetées;
  2. La demande reconventionnelle des défenderesses est accueillie et il est déclaré que le brevet canadien No 2 331 525 est invalide;
  3. Les défenderesses ont droit à leurs dépens, lesquels seront évalués selon le tarif ordinaire.

 

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1408-02

 

INTITULÉ :  CALGON CARBON CORPORATION

  et

  LA CORPORATION DE LA VILLE

  DE NORTH BAY et TROJAN

  TECHNOLOGIES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Du 3 au 21 avril 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :   Le 14 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Dimock

Michael D. Crinson

Denis Sloan

 

POUR LA DEMANDERESSE

T. Gary O’Neill

Christopher C. van Barr

David A. Tait

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RONALD DIMOCK

MICHAEL D. CRINSON

DENIS SLOAN

Dimock Stratton LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

T. GARY O’NEILL

CHRISTOPHER C.VAN BARR

DAVID A. TAIT

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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