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Date : 20061019

Dossier : T-2039-05

Référence : 2006 CF 1249

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

MINOLTA-QMS, INC.

demanderesse

et

 

CHENG-LANG TSAI et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Minolta-QMS, Inc. à l’encontre d’une décision du registraire des marques de commerce rejetant l’opposition produite par Minolta concernant la demande d’enregistrement de la marque de commerce « MAGICOLOR ».

 

[2]               L’appel sera accueilli car je suis convaincue que le défendeur Cheng-Lang Tsai n’était pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque MAGICOLOR étant donné qu’à la date à laquelle Minolta a déposé sa déclaration d’opposition, la marque MAGICOLOR n’était pas distinctive. Il en était ainsi parce qu’il existait un risque de confusion entre la marque proposée, utilisée en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement, et la marque MAGICOLOR, appartenant à Minolta.

 

Contexte

[3]               Minolta-QMS, Inc. (maintenant Konica Minolta Printing Solutions U.S.A., Inc.) est un fabricant et détaillant de produits d’imprimerie et de reproduction, dont des imprimantes laser couleur vendues sous la marque nominative MAGICOLOR.

 

[4]               Minolta vend également des « consommables » d’imprimantes, destinés à être utilisés avec ses imprimantes MAGICOLOR, dont des cartouches d’imprimantes, des cartouches de rechange pour les imprimantes, des tambours d’impression, des tables pour imprimantes et des produits de nettoyage d’imprimantes.

 

[5]               La marque « MAGICOLOR » de Minolta n’est pas une marque de commerce déposée.

 

[6]               Le 19 mai 2000, le défendeur Cheng-Lang Tsai a déposé une demande devant le bureau canadien des marques de commerce en vue de faire enregistrer la marque de commerce MAGICOLOR en liaison avec des « fils et câbles électriques, nommément des fils, câbles et cordons électriques blindés, non blindés et isolés ».

 

[7]               Dans un affidavit, M. Tsai dit être le président de HUNG Hsang Wire MFG. Co. Ltd. (HHW). HHW est une société située à Taiwan qui fabrique et vend des fils, notamment des câbles réseaux. De plus, une pièce jointe à son affidavit qui décrit les produits vendus sous la marque MAGICOLOR fait notamment mention des câbles USB MAGICOLOR.

 

[8]               La demande de M. Tsai a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 28 novembre 2001. Le 29 avril 2002, Minolta a déposé une déclaration d’opposition dans laquelle elle invoque cinq motifs d’opposition distincts et, le 14 juin 2002, M. Tsai a déposé une contre‑déclaration.

 

[9]               Minolta a d’abord choisi de ne pas présenter de preuve à l’appui de son opposition devant le Bureau des marques de commerce. Toutefois, après le dépôt de l’affidavit de M. Tsai au soutien de la demande d’enregistrement, Minolta a déposé deux affidavits en réponse. Ces affidavits ont été souscrits par Toshimitsu Taiko, qui était le vice‑président de Strategic Planning et le vice‑président intérimaire Marketing chez Konica Minolta Printing Solutions U.S.A., Inc.

           

La décision de la Commission des marques de commerce

[10]           À titre préliminaire, la Commission a conclu que la plupart des éléments de preuve déposés par Minolta étaient inadmissibles à titre de contre‑preuve parce qu’ils ne pouvaient servir de réponse à la preuve présentée par M. Tsai. De fait, par sa contre‑preuve, Minolta cherchait à étayer ses propres arguments — ce qu’elle n’avait pas fait par ailleurs puisqu’elle avait choisi de ne pas présenter une preuve principale.

 

[11]           Parce qu’ils ne constituaient pas une contre‑preuve appropriée, la Commission a déclaré la plupart des éléments de preuve que contenaient les affidavits de M. Taiko inadmissibles.

 

[12]           Devant la Commission, Minolta a soutenu entre autres motifs d’opposition que M. Tsai n’avait pas démontré avoir l’intention d’employer la marque MAGICOLOR au Canada. Un examen de la preuve admissible a amené la Commission à conclure que l’emploi de la marque par HHW, un tiers sous le contrôle de M. Tsai, suffisait à établir que ce dernier avait l’intention d’utiliser la marque MAGICOLOR au Canada. 

 

[13]           Minolta a fait valoir quatre autres motifs d’opposition, mais la Commission a conclu qu’aucun d’entre eux n’était suffisamment étayé par la preuve admissible. Toutefois, au cas où elle aurait commis une erreur en statuant sur l’admissibilité de la preuve, la Commission a considéré, en tenant pour acquis que la preuve de Minolta avait été régulièrement soumise à son attention, les arguments que Minolta a fait valoir à leur appui.

 

[14]           À cet égard, la Commission a conclu que si la preuve produite par Minolta avait été admissible, elle aurait montré que Minolta a utilisé sa marque MAGICOLOR au Canada depuis avril 2001. Cette conclusion se fonde sur un sommaire des ventes d’imprimantes laser MAGICOLOR que Minolta a réalisées au Canada entre avril 2001 et mai 2002. Par conséquent, il aurait alors incombé à M. Tsai de démontrer qu’il n’y aurait pas eu confusion entre ses marchandises et celles de Minolta.

 

[15]           La Commission a ensuite déterminé que si la preuve de Minolta concernant la question de la confusion avait été admissible, elle aurait conclu que M. Tsai n’avait pas établi, selon une preuve prépondérante, que sa marque MAGICOLOR était distinctive en date du 29 avril 2002, soit à la date du dépôt de la déclaration d’opposition.

 

[16]           Toutefois, même à la lumière des éléments de preuve que Minolta a produits à leur appui, la Commission aurait rejeté les trois autres motifs d’opposition.

 

La nouvelle preuve produite dans le cadre de l’appel

[17]           Comme il est permis de le faire dans le cadre des appels formés en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, Minolta a produit une preuve additionnelle dans le cadre de l’appel dont je suis saisie. Elle consiste en un affidavit de Donald Tao An Hsieh, auquel sont annexées plusieurs pièces.

 

[18]           M. Hsieh est le vice‑président à la commercialisation, chez Konica Minolta Printing Solutions U.S.A., Inc.

 

[19]           L’affidavit de M. Hsieh vise à combler les lacunes de la preuve présentée devant la Commission. En particulier, M. Hsieh a produit des éléments de preuve concernant la date à laquelle Minolta a pour la première fois utilisé la marque MAGICOLOR au Canada en liaison avec des imprimantes couleur et concernant l’époque où la marque a pour la première fois été révélée au pays.

 

[20]           Cette nouvelle preuve comprend des annonces parues dans diverses revues et des chiffres relatifs à leur diffusion, qui démontrent dans quelle mesure la marque MAGICOLOR de Minolta a été révélée au Canada. L’affidavit établit également que des ventes ont été réalisées par Internet et comprend des renseignements concernant les ventes d’imprimantes MAGICOLOR réalisées au Canada et partout ailleurs dans le monde entre 1995 et 2005.

 

[21]           M. Tsai n’a produit aucun élément de preuve en réponse à l’appel formé par Minolta et il ne s’est pas présenté à l’audience.

 

Norme de contrôle

[22]           La norme de contrôle reconnue comme étant applicable dans des décisions telles Dion Neckware Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al., [2002] A.C.F. no 95, 20 C.P.R. (4th) 155, 2002 CAF 29, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., [1990] A.C.F. no 533, 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298, et John Labatt Ltd. et al. c. Molson Breweries, a Partnership, [2000] A.C.F. no 159, 5 C.P.R. (4th) 180, à la p. 196, s’applique dans le cadre des appels interjetés en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce contre des décisions du registraire des marques de commerce.

 

[23]           Autrement dit, lorsque la nouvelle preuve produite dans le cadre de l’appel n’aurait pas influé sur la décision du registraire, la norme applicable est celle de la décision manifestement erronée.

 

[24]           Toutefois lorsque la preuve additionnelle présentée dans le cadre de l’appel aurait de façon importante influé sur les conclusions de fait du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la norme applicable est celle de la décision correcte. Sans que cela constitue une description tout à fait exacte, on en parle dans certaines décisions comme étant une audience de novo. Dans de telles instances, la Cour peut substituer son opinion à celle du registraire.

 

[25]           Les remarques énoncées dans l’affaire Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763, 3 C.P.R. (4th) 224, me guideront pour décider si la nouvelle preuve justifie un examen fondé sur la norme de la décision correcte. Dans cette affaire, le juge Evans note que pour évaluer les conséquences du dépôt d’une preuve additionnelle en matière de norme de contrôle, il s’agit de savoir dans quelle mesure cette preuve est plus probante que celle soumise au registraire. Si la nouvelle preuve a peu de poids et ne fait que reprendre des éléments déjà mis en preuve sans accroître la force probante de ceux-ci, il faudra déterminer si la décision de la Commission est manifestement erronée.

 

[26]           En l’espèce, Minolta a déposé une quantité considérable de nouveaux éléments de preuve, et l’ayant examiné, je conclus qu’elle aurait, compte tenu de sa valeur probante, influé sur la décision du registraire.

 

[27]           Sur ce sujet, il est utile de rappeler que le registraire a rendu sa décision après avoir conclu que Minolta n’avait pas présenté d’éléments de preuve admissibles à l’appui de plusieurs de ses motifs d’opposition. L’affidavit de M. Hsieh corrige plusieurs des lacunes que comportait le dossier devant la Commission. Par conséquent, je suis d’avis que la Cour devrait examiner la décision du registraire selon la norme de la décision correcte.

 

Analyse

[28]           Minolta soulève plusieurs points dans le cadre de l’appel, mais le motif suivant permet à lui seul de statuer sur celui‑ci : à la date du dépôt de la déclaration d’opposition de Minolta, la marque MAGICOLOR n’était pas distinctive parce qu’il existait un risque de confusion entre la marque de M. Tsai et la marque de Minolta. La demande d’enregistrement devrait donc être rejetée sur le fondement de l’alinéa 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, qui prévoit ce qui suit :

38. (2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

 

[…]

 

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

38. (2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

 

[…]

 

(d) that the marque de commerce is not distinctive.

 

 

[29]           À cet égard, il est utile de rappeler que la Commission a conclu que si la preuve déposée par Minolta dans le cadre de la procédure d’opposition avait été admissible, elle aurait conclu que M. Tsai n’avait pas établi, par une preuve prépondérante, que la marque MAGICOLOR était distinctive à la date du dépôt de la déclaration d’opposition de Minolta, soit le 29 avril 2002.

 

[30]           En effet, la Commission a elle‑même statué que si la preuve produite par Minolta avait été admissible, elle aurait permis de conclure que Minolta avait utilisé sa marque MAGICOLOR au Canada depuis au moins avril 2001.

 

[31]           Cette conclusion se fonde sur le sommaire des ventes d’imprimantes laser MAGICOLOR que Minolta a réalisées au Canada entre avril 2001 et mai 2002. Par conséquent, la Commission a conclu qu’à ce stade il aurait incombé à M. Tsai de démontrer qu’il n’y aurait pas eu confusion entre ses marchandises et celles de Minolta.

 

[32]           En examinant la question de la confusion, la Commission a tenu compte des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. Autrement dit, la Commission a tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en question et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

 

[33]           La Commission a conclu qu’en tant que mot inventé la marque MAGICOLOR, qui appartient à M. Tsai, est dans une certaine mesure intrinsèquement distinctive lorsqu’elle est utilisée en liaison avec les marchandises en question. Toutefois, étant donné que les marques faisant l’objet du litige son identiques, la Commission a conclu que la marque MAGICOLOR de Minolta était tout aussi intrinsèquement distinctive.

 

[34]           Au surplus, étant donné que les produits MAGICOLOR offerts par Minolta étaient depuis plus longtemps sur le marché que ceux de M. Tsai et que pour ce qui est de la nature du commerce un chevauchement est possible, la Commission a déclaré qu’elle aurait conclu que M. Tsai n’avait pas démontré que sa marque était distinctive à la date du dépôt de la déclaration d’opposition.

 

[35]           La nouvelle preuve soumise à l’attention de la Cour démontre que, dès 1995, Minolta a réalisé d’importantes ventes d’imprimantes MAGICOLOR au Canada. Je conclus donc que Minolta s’est acquittée de son fardeau de preuve initial qui consistait à établir que sa marque était connue au Canada à la date pertinente. Il incombait ensuite à M. Tsai de démontrer que sa marque MAGICOLOR est distinctive : voir Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc., [1994] A.C.F. no 138, 54 C.P.R. (3d) 418.

 

[36]           Pour déterminer si la marque MAGICOLOR de M. Tsai est distinctive, la question est de savoir si la marque distingue véritablement ou est adaptée à distinguer ses marchandises ou ses services de ceux d’autres propriétaires : voir l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce.

 

[37]           La date pertinente pour déterminer si la marque de commerce est distinctive est la date du dépôt de la déclaration d’opposition : BAB Holdings Inc. c. Big Apple Ltd., [2002] A.C.F. no 89, 16 C.P.R. (4th) 427, 2002 FCT 72, au ¶ 12.

 

[38]           Il s’agit donc de savoir s’il est vraisemblable que les consommateurs croient que les marchandises ou les services proviennent de la même personne. Le critère applicable pour déterminer s’il y a risque de confusion est celui de « la première impression et du vague souvenir » : Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al., [2000] A.C.F. no1472, 9 C.P.R. (4th) 51.

 

[39]           Étant donné qu’il a été établi que, dès 1995, Minolta a utilisé la marque MAGICOLOR au Canada et que la preuve documentaire ne fait qu’établir que M. Tsai a utilisé sa marque en 1993, le critère de la première impression et du vague souvenir favorise Minolta. En outre, les documents joints à l’affidavit de M. Hsieh montrent que Minolta a largement publicisé la marque MAGICOLOR au Canada. M. Tsai n’a soumis aucun élément de preuve semblable et, par conséquent, je conclus que la marque de Minolta est plus connue que celle de M. Tsai.

 

[40]           De plus, l’affidavit de M. Hsieh établit que non seulement les marques sont identiques, mais que certaines marchandises le sont également, de sorte qu’il est très probable que les marques créent de la confusion sur le marché. Ainsi les câbles USB et les câbles réseaux de M. Tsai portant la marque MAGICOLOR pourraient être utilisés en liaison avec les imprimantes MAGICOLOR de Minolta, laissant grandement supposer que les deux types de produits proviennent de la même personne.

 

[41]           Vu ce qui précède, je suis convaincue qu’en date du 29 avril 2002 M. Tsai n’avait pas le droit de faire enregistrer la marque MAGICOLOR au Canada parce que la marque ne permettait de distinguer ses marchandises de celles de Minolta et que, par conséquent, elle n’était pas distinctive.

 

Conclusion

[42]           Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli, avec dépens.

 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que l’appel soit accueilli, avec dépens.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-2039-05

 

 

INTITULÉ :                                                   MINOLTA-QMS, INC. c.

                                                                        CHENG-LANG TSAI et

                                                                        LE REGISTRAIRE DEA MARQUES DE COMMERCE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa, Ontario

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 octobre 2006

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 octobre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy C. Bourne                                                       POUR LA DEMANDERESSE

                                                                                   

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Timothy C. Bourne                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Ridout & Maybee LLP

Ottawa (Ontario)                                                         

 

 

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