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Date : 20060220

Dossier : T-1115-05

Référence : 2006 CF 228

Ottawa (Ontario), le 20 février 2006

En présence de Monsieur le juge Martineau

ENTRE :

GINAUD DUPUIS

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'un bref de mandamus pour obliger la défenderesse à examiner les demandes de redressement du demandeur en fonction des critères établis notamment dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu National), [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.) que reprend le Bulletin d'interprétation IT-525 R (consolidé).

[2]                Entre les mois de juillet 2000 et décembre 2002, le demandeur a travaillé comme artiste invité ( « guest artist » ) pour le Cirque du Soleil Inc. (le Cirque) et certaines de ses filiales qui le considèrent comme un employé. Cette position est contestée par le demandeur qui a entrepris diverses démarches en 2003 et 2004 auprès des autorités fiscales compétentes aux fins de se faire reconnaître comme travailleur indépendant pour les années d'imposition en cause.

[3]                Après avoir analysé la situation particulière du demandeur, le ministère du Revenu du Québec a accepté de considérer celui-ci comme travailleur autonome. Toutefois, la défenderesse a refusé de donner suite aux demandes de redressement du demandeur parce que celles-ci n'ont pas été formulées dans les délais prescrits et que les décisions d'assurabilité antérieurement rendues par la défenderesse en vertu de la Loisur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la LAE) sont définitives et obligatoires et ne peuvent être révoquées.

[4]                Dans son mémoire écrit, la défenderesse reconnaît que les demandes de redressement du demandeur ont été rejetées pour des motifs non pertinents ou erronés, et que la décision contestée ne satisfait pas à la norme de contrôle du caractère raisonnable énoncée dans les affaires Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu) (2005), 334 N.R. 348 (C.A.F.), 2005 CAF 153 et Maloshicky c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2005] 4 C.T.C. 12 (C.F.), 2005 CF 978.

[5]                D'un autre côté, le demandeur, qui se représente lui-même dans ces procédures, reconnaît que cette Cour ne peut pas forcer le ministre du Revenu national (le ministre) à lui reconnaître un statut de travailleur indépendant (Apotex Inc. c. Canada, [1994] 1 C.F. 742 (C.A.F.), 162 N.R. 177, conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100 (C.S.C.)).

[6]                Prenant acte du fait que :

a)                   le ministre consent à examiner à nouveau la demande de redressement du demandeur pour l'année d'imposition 2002 à titre d'opposition valide en vertu de l'alinéa 165(1)a) de la Loide l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.) (LIR);

b)                   le ministre consent à examiner à nouveau les demandes de redressement du demandeur pour les années d'imposition 2000 et 2001 en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR compte tenu de l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation;

Il suffit donc de retourner le dossier à la défenderesse pour qu'une décision soit prise conformément à la loi en fonction de la situation particulière du demandeur et des critères applicables pour distinguer un artiste de la scène qui est un employé, d'un artiste qui est un entrepreneur indépendant.

[7]                À ce chapitre, je note que la Cour d'appel fédérale a procédé à un examen détaillé de la jurisprudence pertinente dans l'arrêt Wiebe Door, précité. Selon le juge MacGuigan, c'est le juge Cooke qui a fait la meilleure synthèse du problème dans la décision Market Investigations, Ltd. c. Minister of Social Security, [1968] 3 All. E.R. 732 aux. pp. 737-38 (Q.B.D.) (suivie par le Conseil privé dans l'arrêt Lee Ting Sang c. Chung Chi-Keung, [1990] 2 A.C. 374 à la p. 382 (P.C.), Lord Griffiths). Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, la Cour suprême du Canada a indiqué dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, 204 D.L.R. (4th) 542, que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est « convaincante » . Tel que le rappelle le juge Major dans l'arrêt Sagaz Industries, au paragraphe 47, pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches. Bien entendu, ces facteurs ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer.

[8]                Ceci étant dit, je m'empresse d'ajouter que la Cour d'appel fédérale vient de rappeler dans l'arrêt 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu National), [2005] A.C.F. no1720 (C.A.F.) (QL), 2005 CAF 334 que, dans la province de Québec, l'entrée en vigueur le 1er juin 2001 de l'article 8.1 de la Loid'interprétation, L.R.C., ch. I-21, a eu comme effet immédiat de revaloriser le droit civil dans les domaines de compétence de cette Cour, de mettre en relief les emprunts à la common law qui, au fil des ans, ont pu avoir été faits dans des causes où le droit civil québécois s'appliquait ou aurait dû s'appliquer et de mettre en garde contre tout tel emprunt à l'avenir. En l'espèce, il s'agissait de déterminer si le contrat en cause en était un de louage de services plutôt que d'entreprise et était dès lors assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la LAE. Endossant l'approche générale suggérée par le juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt, dans son article intitulé « Contrat de travail : PourquoiWiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer » dans L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil et le bijuridisme canadien : deuxième recueil d'études en fiscalité (2005), Montréal, APFF, 2005, le juge Décary a conclu que même s'il est probable dans la plupart des cas qu'un contrat semblable amènerait une qualification semblable, que l'on applique les règles du droit civil ou celles de la common law, il n'en demeure pas moins que c'est le Code civil du Québec (C.c.Q.) qui détermine les règles applicables à un contrat conclu au Québec. Ces règles se retrouvent notamment dans les dispositions du Code qui traitent du contrat en général (art. 1377 C.c.Q. et suiv.), et dans celles qui traitent du « contrat de travail » (art. 2085 à 2097 C.c.Q.) et du « contrat d'entreprise ou de service » (art. 2098 à 2129 C.c.Q.). Ainsi, au Québec, le contrat de travail est celui par lequel le salarié s'oblige pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle de l'employeur (art. 2085 C.c.Q.). Par contre, dans le cas du contrat d'entreprise ou de service, l'entrepreneur ou le prestataire de services s'engage envers le client à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer (art. 2098 C.c.Q.). Or, dans ce dernier cas, l'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution (art. 2099 C.c.Q.).

[9]                Comme on peut le constater, en vertu du droit civil, le degré de contrôle que l'employeur exerce ou non en pratique sur les activités du travailleur demeure un élément distinctif déterminant. Aux fins de déterminer l'existence d'un lien de subordination, il s'agira de vérifier l'existence d'un certain nombre d'indices d'encadrement tels que la présence obligatoire à un lieu de travail, l'assignation plus ou moins régulière du travail, l'imposition de règles de conduite et de comportement, l'exigence de rapports d'activités, le contrôle de la quantité et de la qualité de la prestation, etc. (Robert P. Gagnon, Le droit du travail du Québec, 5e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais., 2003 au para. 92). D'autre part, la question de savoir si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage des assistants, s'il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches demeurent encore des facteurs pertinents pour distinguer le contrat de travail du contrat d'entreprise (ou de service) comme l'a décidé récemment la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt 97980 Canada inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [2005] J.Q. no 995 (C.A.Q.), qui reprend l'approche générale énoncée par la Cour suprême du Canada dans Sagaz, précité.

[10]            En l'espèce, les parties reconnaissent que la ligne de démarcation entre un employé et un entrepreneur indépendant dans le domaine des arts de la scène est floue, d'autant plus que dans le cas présent la prestation du demandeur à titre d'artiste invité pour le Cirque consistait en un numéro d'homme fort, qu'il dit avoir créé de toute pièce et qui lui est exclusif selon ses prétentions.

[11]            Parlant de la situation des techniciens pigistes oeuvrant dans le domaine de la production d'émissions de télévision, la Cour d'appel fédérale constatait dans l'arrêt Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (2004), N.R. 356, 2004 CAF 54, qu'elle était en présence d'une « situation contractuelle hybride » , certains facteurs militant en faveur d'un contrat de travail (art. 2085 C.c.Q.), d'autres, en faveur d'un contrat d'entreprise ou de service (art. 2098 C.c.Q.). Ceci étant dit, tel que l'a noté le juge Décary, à la lumière, notamment, de la Loisur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, L.R.Q. c. S-32.1 et de la Loi sur le statut de l'artiste (1992), ch. 33, ainsi que des ordonnances d'accréditation émises par les autorités concernées, les législateurs, les producteurs et les travailleurs du milieu de la scène, du disque et du cinéma n'hésitent pas à considérer les travailleurs oeuvrant dans ces domaines comme des entrepreneurs indépendants (Productions Petit Bonhomme, précité, aux paragraphes 4 à 7).

[12]            D'autre part, il faut également mentionner le fait que dans le domaine des arts du spectacle, certains indices traditionnels de contrôle ne permettent pas toujours de faire la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant. Par exemple, les décisions qui sont prises relativement aux heures des répétitions et des représentations, au nombre et aux dates des spectacles présentés au cours d'une saison, aux costumes, au choix et au remplacement des artistes engagés dans une représentation collective, vraisemblablement, relèveront toujours de la compagnie artistique, qu'il s'agisse du ballet, d'opéra ou de théâtre. Tel que le soulignait le juge Campbell J. Miller, de la Cour canadienne de l'impôt, dans l'affaire Le Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CCI 390 au paragraphe 33, 35 C.C.E.L. (3d) 101, dossiers 2003-2569(EI) et 2003-2580 (CPP), en appel : dossier d'appel A-443-04 (jugement réservé):

Si ces facteurs menaient à la conclusion qu'une relation employeur-employé existe, aucun travailleur d'une compagnie artistique ne pourrait jamais être un entrepreneur indépendant. J'estime que ces facteurs ne sont pas utiles pour savoir si un travailleur du domaine des arts du spectacle est un employé ou un entrepreneur indépendant. Seuls les facteurs qui laissent place à une certaine latitude sur le plan du contrôle devraient être pris en considération.

[13]            À ce point, je note que le demandeur soutient qu'en tant qu'artiste invité, il est dans une position différente des artistes maison qui participent aux spectacles visuels du Cirque, et qu'il faut en tenir compte lorsqu'on cherche à appliquer les critères d'emploi habituels. Il s'agit certainement d'une question pertinente qui devra être examinée au mérite par le ministre. Ce dernier devra notamment examiner le contrat conclu entre le demandeur et le Cirque et vérifier si celui-ci reflète la véritable relation qui existait dans les faits entre ces mêmes parties (9041-6868 Québec Inc., précité, au paragraphe 9). Dans l'interprétation du contrat, il faudra rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés. Le cas échéant, il faudra notamment tenir compte de l'intention déclarée des parties, des circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et de l'interprétation que les parties ont pu donner au contrat par le passé (art. 1425 et 1426 C.c.Q.). Il appartiendra éventuellement à cette Cour ou à la Cour canadienne de l'impôt, voire la Cour d'appel fédérale, d'examiner la légalité de toute décision du ministre ou de déterminer le statut d'employé ou d'entrepreneur indépendant du demandeur.

[14]            J'en arrive à la question des dépens. Le demandeur réclame à cet égard la somme totale de 13 229,83 $ qui se décompose comme suit :

·       remboursement des fournitures nécessaires à l'élaboration de la demande : 1 157,75 $

·       remboursement des frais de transport : 3 104,50 $

·       remboursement des frais postaux : 150,00 $

·       remboursement des frais de fiscaliste pour les demandes de redressement : 2 217,58 $

·       remboursement du temps consacré à la recherche, la préparation de la demande de contrôle judiciaire et à l'enquête nécessaire à l'obtention des faits nouveaux : 4 800,00 $

·       remboursement des honoraires de Me Vilmont Dupuis, notaire, pour consultation : 1 800,00 $

[15]            Les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, (les Règles) traitent spécifiquement des dépens sous sa partie 11 (articles 400 à 422). Le paragraphe 400(1) des Règles précise que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer. Le paragraphe 400(3) des Règles mentionne que dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour peut tenir compte de l'un ou l'autre des facteurs qui y sont mentionnés. L'alinéa 400(3)o) des Règles est clair : la liste susmentionnée n'est pas exhaustive et la Courpeut tenir compte d'autres facteurs pour déterminer le montant des dépens.

[16]            Dans l'arrêt Sherman c. Canada (Ministre du Revenu National), [2004] A.C.F. no 136 aux paragraphes 8-11 (C.A.F.) (QL), 2004 CAF 29, il est noté :

L'objet des règles relatives aux dépens n'est pas de rembourser toutes les dépenses et débours engagés par une partie dans la poursuite d'un litige, mais bien d'assurer une compensation partielle. Les dépens adjugés sont, en principe, les dépens partie-partie. À moins que la Cour n'en ordonne autrement, la Règle407 exige qu'ils soient évalués selon la colonne III du tableau du tarif B. Comme la Cour fédérale l'a dit de façon fort à propos dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 159 F.T.R. 233, le tarif B représente un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a obtenu gain de cause et l'imposition d'une charge excessive à la partie déboutée.

La colonne III du tableau du tarif B vise les cas de complexité moyenne : Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2001 CAF 137. Le tarif inclut les honoraires d'avocat dans les frais judiciaires. Puisqu'il s'applique uniformément dans tout le Canada, il ne représente manifestement pas les honoraires réels des avocats puisque les taux horaires de ces professionnels varient considérablement d'une province à l'autre, d'une ville à l'autre et même entre les régions urbaines et rurales.

Il ne fait aucun doute que l'appelant, qui n'était pas représenté, a consacré du temps et des efforts pour faire valoir ses prétentions. Toutefois, comme la Cour d'appel de l'Alberta le signale dans l'arrêt Dechant c. Law Society of Alberta, 2001 ABCA 81, [TRADUCTION] "les parties à un litige qui sont représentées consacrent également une partie importante de leur temps et de leurs efforts sans pour autant en être dédommagés". Qui plus est, les honoraires de leurs avocats    ne leur sont pas totalement remboursés. Je conviens que [TRADUCTION] "l'application d'un barème de coûts identique aux parties représentées et non représentées entraînera une injustice pour la partie représentée qui, même si les dépens lui sont adjugés, devra assumer certains frais judiciaires et n'obtiendra aucune compensation pour le temps consacré à la défense de la cause" : ibid., paragraphe 16. Cela pourrait également encourager les parties à se défendre elles-mêmes : ibid., paragraphe 17; voir également Lee c. Anderson Resources Ltd., 2002 ABQB 536, (2002) 307 A.R. 303 (Cour d'appel de l'Alberta).

En l'espèce, si l'appelant avait été représenté, il aurait obtenu les dépens partie-partie selon la colonne III du tableau du tarif B. Je crois que l'adjudication des dépens en sa faveur, en tant que partie non représentée, peut, au mieux, équivaloir à ce qui lui aurait autrement été versé s'il avait été représenté par un avocat, mais non pas dépasser ce montant. J'ajouterai que la partie non représentée ne jouit d'aucun droit lui permettant d'obtenir automatiquement le plein montant prévu par le tarif. Le montant de l'adjudication est du ressort discrétionnaire de la Cour. Le concept du "montant raisonnable" est une indication d'une indemnité partielle bien que, comme je l'ai déjà mentionné, je convienne que, dans des cas appropriés mais rares, le montant de cette indemnité puisse être égal à ce que le tarif prévoit d'accorder à une partie représentée.

[17]            D'autre part, dans l'arrêt Entreprises A.B. Rimouski Inc. c. Canada, [2000] A.C.F. no 501 au paragraphe 5 (C.A.F.) (QL), 262 N.R. 276, la Cour d'appel fédérale a clairement indiqué qu'en exerçant son plein pouvoir d'attribution des dépens que le paragraphe 400(1) des Règles lui confère, la Cour peut accorder à une partie une certaine indemnité pour des éléments qui ne constituent ni des débours au sens courant, ni des honoraires d'avocats :

Quant aux honoraires juridiques, le dossier révèle qu'il s'agit de montants payés à un avocat qui a conseillé M. Banville en marge de sa comparution personnelle devant notre Cour.    Comme le fit remarquer le juge Rouleau, un individu qui se représente lui-même ne peut en principe se voir octroyer de frais pour honoraires juridiques.    De fait, ce n'est que si des frais sont adjugés sur une base "avocat-client" aux termes du paragraphe 400(b)(i) des Règles de la Cour Fédérale(1998) que des honoraires juridiques peuvent être remboursés.    Malgré ceci, le juge Rouleau a cru bon d'accorder $2,500.00 à ce titre ainsi que l'essentiel des déboursés encourus par l'avocat pour tenir compte de fait que M. Banville agissait seul et que les conseils de l'avocat ont pu faciliter sa prestation devant notre Cour.    M. Banville ne saurait s'en plaindre.

[18]            Par ailleurs, dans Desloges c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 1627 au paragraphe. 6 (C.F. 1re inst.) (QL), 2001 CFPI 1142, l'officier taxateur Stinson traite spécifiquement des dépenses ayant trait aux déplacements :

Un débours est une somme qu'une ou l'autre partie à un litige verse à un tiers n'ayant aucun intérêt dans l'affaire pour un service ne relevant pas de l'expertise d'un avocat (sauf dans des circonstances restreintes : voir les motifs en date du 29 juillet 1999, dossier T-1941-93, James L. Ferguson c. Arctic Transportation Ltd. et al.), lesquels sont raisonnables et nécessaires aux fins de l'avancement du litige. Les débours sont habituellement payés par l'entremise de l'avocat d'une partie, mais ils sont parfois directement versés par le client sous la supervision de l'avocat chargé de l'affaire. Le tarif B autorise les débours, mais il n'interdit pas certaines catégories de débours. En l'espèce, le demandeur devait accomplir les tâches nécessaires en vue de faire avancer le litige et de payer directement les débours connexes. Il n'y a pas lieu de refuser les frais de déplacement qu'il a engagés, s'ils sont raisonnables et nécessaires aux fins de l'avancement du litige, puisqu'ils n'auraient pas été engagés si ce n'avait été du litige. La preuve que le demandeur a fournie à l'égard des frais de déplacement est loin d'être absolue. Ainsi, aucun détail n'est donné au sujet de la question de savoir ce qui a été signifié ou déposé lors de chaque déplacement. Le demandeur a effectué certains déplacements en vue de se renseigner sur la procédure à suivre et d'obtenir des précédents. Dans des décisions telles que la décision Association olympique canadienne c. USA Hockey Inc. et al., A-472-97, 22 février 2001, 2001 C.A.F 32, j'ai admis les frais liés aux recherches informatisées, mais en accordant des montants modérés. En l'espèce, on ne sait pas trop s'il était possible d'effectuer un moins grand nombre de déplacements. Les cabinets d'avocats ont communément recours à des services de signification et à des messagers et les frais y afférents sont généralement admis à titre de débours. Dans la fonction publique, deux tarifs s'appliquent aux frais de déplacement: à l'heure actuelle, en Ontario, on utilise le taux de 0,425 $ le kilomètre à l'égard du taux demandé par l'employeur et le taux de 0,13 $ le kilomètre à l'égard du taux demandé par l'employé. J'applique les conclusions que j'ai tirées dans la décision Carlile c. la Reine, 97 D.T.C. 5284, et j'accorde en tout un montant de 110 $ pour le stationnement et le transport. Le mémoire de frais du demandeur qui, tel qu'il a été présenté, s'élevait à 490,53 $, est taxé et admis, un montant de 344,79 $ étant accordé.

[19]            Dans le présent cas, je suis d'avis qu'une somme globale tenant lieu de dépens taxés devrait être accordée au demandeur : voir Barzelex Inc. c. EBN Al Waleed (Le), [1999] A.C.F. no 2002 au para. 11 (C.F. 1re inst.) (QL). En l'espèce, si le demandeur avait été représenté, il aurait obtenu les dépens partie-partie selon la colonne III du tableau du tarif B. Il ne s'agit pas d'un cas où la conduite fautive d'une partie ou la complexité des questions en litige justifient une indemnité accrue. Je tiens également compte du fait que des déboursés réclamés, par exemple l'achat de livres et les frais de fiscaliste pour les demandes de remboursement ne peuvent être réclamés par le demandeur. D'autres déboursés, même s'ils ont été encourus réellement et m'apparaissent utiles à première vue, ne peuvent être accordés en totalité compte tenu du fait qu'ils n'auraient pas été si élevés ou qu'ils ne seraient pas remboursés normalement si le demandeur était représenté par un avocat. En conséquence, dans l'exercice de ma discrétion, j'ai décidé d'allouer au demandeur la somme totale de 3 500 $ à titre de dépens, ce qui m'apparaît raisonnable eu égard à la preuve au dossier et à toutes les circonstances de l'affaire, incluant le fait que la défenderesse a consenti avant l'audition à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie en partie par la Cour.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                   La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie;

2.                   Les demandes de redressement du demandeur pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont retournées au ministre du Revenu national pour qu'une décision soit prise conformément à la loi en fonction de la situation particulière du demandeur et des critères applicables pour distinguer un artiste de la scène qui est un employé, d'un artiste qui est un entrepreneur indépendant;

3.                   Des dépens de 3 500 $ sont alloués au demandeur.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1115-05

INTITULÉ :                                        Ginaud Dupuis c. Agence du revenu du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 9 février 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                         LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                       Le 20 février 2006

COMPARUTIONS:

Ginaud Dupuis

POUR LE DEMANDEUR

Se représentant lui-même

Me Suzanne Morin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ginaud Dupuis

Mistissini (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Se représentant lui-même

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

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