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Date : 20050629

Dossier : T-2026-04

Référence : 2005 CF 915

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

DANIEL GIROUARD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 5 octobre 2004 par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), agissant à titre d'arbitre de niveau II, qui a rejeté le grief du demandeur et confirmé une décision rendue par un comité de classification.


EXPOSÉ DES FAITS

[2]    Le 25 novembre 1994, le commandant de la division « A » de la GRC recommandait que la classification du poste du demandeur soit révisée à la hausse soit de surintendant à surintendant principal.

[3]    Le 14 décembre 1994, l'officier responsable de la sous-direction de la rémunération et de la classification informait le demandeur que, suite à une évaluation effectuée par un comité de classification, son poste ne serait pas reclassifié.

[4]    Le demandeur, insatisfait de cette décision, a déposé un grief. Ce grief a été rejeté par l'arbitre de niveau I et par l'arbitre de niveau II.

[5]    Cette décision de l'arbitre de niveau II a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire de la part du demandeur devant cette Cour et le 22 janvier 2001, le juge Rouleau accueillait la demande de contrôle judiciaire.


[6]    Dans sa décision, il concluait que le comité de classification avait mal appliqué la méthode du profil du plan Hay et son Guide d'évaluation des postes - Catégorie de la gestion en restreignant son étude de relativité adéquate à un seul poste au sein de la GRC, soit celui de l'officier responsable des services financiers et de l'approvisionnement au sein de la division « E » , alors qu'il y avait d'autres postes comparables. En conséquence, il annulait la décision du commissaire et ordonnait que la GRC procède à une nouvelle évaluation de la classification du poste du demandeur.

[7]    Suite à cette décision un nouveau comité de classification fut nommé.

[8]    Ce nouveau comité s'est employé, en plus de comparer le poste du demandeur avec les postes repères du système Hay, à le comparer avec tous les autres postes de responsables de l'intendance dans toutes les autres divisions. Parmi ces postes, il y avait le poste de l'officier responsable des services financiers et de l'approvisionnement au sein de la division « E » classé au niveau de surintendant principal. Il y avait également le poste de responsable de l'intendance de la division « K » classé au niveau surintendant.

[9]    Enfin, il y avait les autres postes de responsables de l'intendance dans les autres divisions classés au niveau d'inspecteur.


[10]                        En ce qui a trait aux postes de niveau inspecteur, le comité de classification les a comparés entre eux et est arrivé à la conclusion que les postes des divisions « C » et « O » se rapprochaient le plus du poste du demandeur (le poste identifié comme PC par le comité de classification).

[11]                        Le comité de classification a estimé que le poste du demandeur était supérieur aux postes de niveau inspecteur et inférieur au poste de niveau surintendant principal.

[12]                        Le 18 avril 2001, le comité de classification octroyait une note de 1 192 points au poste du demandeur ce qui était inférieur à la fourchette de points du poste de surintendant principal qui va de 1 262 à 1 719 points.

[13]                        Le 7 juin 2001, le demandeur, insatisfait de cette décision, a déposé un grief. Le 17 février 2003, l'arbitre de niveau I a conclu que le grief était irrecevable puisque le demandeur était à la retraite lorsqu'il a présenté son deuxième grief et de ce fait, qu'il ne pouvait plus être considéré comme un membre de la GRC ayant la qualité pour agir aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (la Loi).

[14]                        Le demandeur a interjeté appel de la décision de l'arbitre du niveau I auprès du commissaire de la GRC, soit l'arbitre de niveau II.


[15]                        Avant que l'arbitre de niveau II ne rende sa décision, le grief du demandeur a été renvoyé devant le Comité externe d'examen (le CEE) de la GRC suivant le paragraphe 33(1) de la Loi pour avis et recommandation. Le CEE a examiné le grief du demandeur aux termes de l'article 34 de la Loi.

[16]                        Le 3 mai 2004, le CEE recommandait que le grief du demandeur soit accueilli, concluant dans son rapport que les explications indiquées par le deuxième comité à l'appui de son évaluation n'inspiraient pas confiance que le comité avait bien compris quelles étaient les compétences essentielles pour le poste du demandeur et en quoi elles différaient de celles exigées pour d'autres postes de la GRC qui étaient classifiés au même niveau ou à un niveau supérieur.

[17]                        Le 4 octobre 2004, l'arbitre de niveau II décidait de s'écarter des conclusions et recommandations du CEE et de rejeter le grief.

PRÉTENTIONS DES PARTIES


[18]                        Le demandeur soutient que l'arbitre de niveau II a commis une erreur de droit lorsqu'il a décidé de rendre une décision sur le fond du grief. Ayant conclu que le demandeur avait la qualité d'agir et qu'en conséquence le grief était recevable, il devait renvoyer le grief à l'arbitre de niveau I. L'arbitre de niveau II a ainsi privé le demandeur d'une possibilité d'appeler de la décision rendue au premier niveau, tel que prescrit à l'alinéa 31(2)b) de la Loi.

[19]                        Le demandeur soutient également que l'arbitre de niveau II a commis une erreur de droit en écartant les recommandations contenues dans le rapport du CEE et en concluant que la décision du comité de classification était correcte.

[20]                        Finalement, il prétend que l'implication antérieure de l'arbitre de niveau II dans l'étude du premier grief du demandeur ne peut que donner lieu à une crainte raisonnable, dans l'esprit de toute personne raisonnablement bien renseignée, d'une évaluation ou d'un jugement partial de sa part lors de l'étude du deuxième grief.

[21]                        Pour sa part, le défendeur prétend que l'arbitre de niveau II n'a pas commis d'erreur de droit en ne renvoyant pas le grief à l'arbitre de niveau I. Les Consignes de 1990 du commissaire (griefs), DORS/90-117 qui prescrivent la procédure applicable aux griefs sont muettes sur la procédure à suivre dans cette situation particulière. Or, le commissaire de la GRC est maître de sa propre procédure et il n'était pas dans l'intérêt du demandeur que le grief soit retourné à l'arbitre de niveau I après tant d'années.


[22]                        De plus, l'arbitre de niveau II n'avait aucune obligation de préférer l'opinion du CEE par rapport à l'opinion du comité de classification lequel possédait une expertise dans cette matière. Par ailleurs, l'arbitre de niveau II a bien expliqué les raisons pour lesquelles il a choisi de ne pas suivre les recommandations et conclusions du CEE.

[23]                        Les seules questions que l'arbitre de niveau II devait se poser étaient de savoir si la procédure de classification avait été respectée et si notamment le comité de classification avait comparé le poste du demandeur avec les postes similaires au sein de la GRC et à l'extérieur, ce qui a été fait par le comité de classification. Il n'y a rien dans la preuve qui permettait de conclure que la conclusion du comité de classification était arbitraire et non fondée. En conséquence, l'arbitre du niveau II n'a commis aucune erreur de droit ou de fait manifestement déraisonnable en entérinant l'opinion du comité de classification.


[24]                        Finalement, en ce qui concerne la crainte raisonnable de partialité, le grief du demandeur ne pouvait pas juridiquement être entendu par une autre personne que le commissaire. Le demandeur n'a soumis aucun fait démontrant que le commissaire de la GRC avait un parti pris contre le demandeur ni qu'il a agi de mauvaise foi par rapport à ce dernier. De plus, si le demandeur avait une crainte raisonnable de partialité, il se devait de le soulever à la première occasion, ce qu'il n'a pas fait.

QUESTIONS EN LITIGE

A.         L'arbitre de niveau II a-t-il manqué à l'équité procédurale en ne retournant pas le grief du demandeur à l'arbitre de niveau I?

B.          L'arbitre de niveau II a-t-il eu tort de conclure que la décision du comité de classification était correcte?

C.         L'implication antérieure de l'arbitre de niveau II dans l'étude du premier grief du demandeur peut-elle donner lieu à une crainte raisonnable de partialité?

ANALYSE

A.         L'arbitre de niveau II a-t-il manqué à l'équité procédurale en ne retournant pas le grief du demandeur à l'arbitre de niveau I?


[25]                        Cette question ne concerne pas la décision elle-même mais la manière dont la décision a été prise. Il s'agit essentiellement d'une question d'équité procédurale, laquelle n'engage pas une analyse pragmatique et fonctionnelle et n'exige pas qu'on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l'équité procédurale, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier : Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, paragraphe 74 ; Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général du Canada), [2005] A.C.F. no 548 (QL).

[26]                        L'appréciation de l'équité procédurale implique de contrebalancer certains facteurs, comme la nature du régime législatif et les choix de procédure faits par l'entité administrative, l'importance de la décision pour l'intéressé ainsi que ses attentes légitimes. (Voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.)

[27]                        Contrairement à l'arbitre de niveau I, l'arbitre de niveau II a conclu que le demandeur avait la qualité d'agir et à rendre une décision sur le fond du grief.

[28]                        Le demandeur reproche essentiellement à l'arbitre de niveau II de l'avoir privé d'une possibilité d'appeler de la décision rendue au premier niveau en ne renvoyant pas le grief à l'arbitre de niveau I pour décision au mérite contrairement à l'alinéa 31(2)b) de la Loi.


[29]                        Les alinéas a) et b) du paragraphe 31(2) de la Loi prescrivent que :

31 (2) Un grief visé à la présente partie doit être présenté :

a) au premier niveau de la procédure applicable aux griefs, dans les trente jours suivant celui où le membre qui a subi un préjudice a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l'acte ou l'omission donnant lieu au grief;

b) à tous les autres niveaux de la procédure applicable aux griefs, dans les quatorze jours suivant la signification au membre de la décision relative au grief rendue par le niveau inférieur immédiat.

31 (2) A grievance under this Part must be presented

(a) at the initial level in the grievance process, within thirty days after the day on which the aggrieved member knew or reasonably ought to have known of the decision, act or omission giving rise to the grievance; and

(b) at the second and any succeeding level in the grievance process, within fourteen days after the day the aggrieved member is served with the decision of the immediately preceding level in respect of the grievance.

[30]                        L'article 18 des Consignes de 1990 du commissaire (griefs), DORS/90-117 qui régissait la procédure du grief du demandeur prévoyait ce qui suit :

18.(1)Lorsqu'un membre qui présente son grief au niveau II fournit de nouveaux éléments de preuve qu'il ne pouvait raisonnablement pas connaître au moment où le grief a été présenté au niveau I, l'étude du grief au niveau II est arrêtée et le grief est resoumis au niveau I aux fins de réexamen et de décision.

(1)     Si le grief est resoumis au niveau I conformément au paragraphe (1), le membre qui constitue le niveau I le réexamine et confirme, modifie ou annule la décision prise à ce niveau.

(2)     Une fois que la décision du niveau I a été confirmée, modifiée ou annulée en application du paragraphe (2), le grief est étudié au niveau II.


[31]                        Ainsi, la procédure à suivre est établie lorsqu'un membre qui présente son grief au niveau II fournit de nouveaux éléments de preuve qu'il ne pouvait raisonnablement connaître au moment où le grief a été présenté au niveau I. Dans un tel cas, le grief est resoumis au niveau I avant d'être étudié au niveau II. Mais telle n'est pas la situation en l'espèce puisqu'il n'y a pas de nouveaux éléments de preuve. Ainsi, la procédure applicable aux griefs est muette sur la procédure à suivre. Il n'est pas certain qu'un grief retourné au niveau I serait automatiquement étudié au niveau II.

[32]                        D'une part, il est possible que le demandeur ait eu une attente légitime qu'il aurait l'opportunité d'être entendu au premier niveau. D'autre part, le commissaire est maître de sa procédure lorsque les Consignes sont silencieuses. Compte tenu de l'historique de ce grief, l'équité procédurale exigeait qu'après tant d'années écoulées, une décision sur le fond soit rendue dans les plus brefs délais.


[33]                        Il se peut que la décision du défendeur de ne pas renvoyer le grief au niveau I aurait pu causer un préjudice au demandeur dans la mesure où il aurait été privé à deux reprises de la possibilité de faire valoir sa position. À cet égard, il est toutefois important de se rappeler que l=arbitre de niveau I, quant à l=examen de l=opinion du comité de classification, ne dispose pas de plus de latitude que l=arbitre de niveau II ou, du reste, que le CEE : ceux-ci ne peuvent qu=évaluer si une erreur de fait ou de procédure a été commise. Par conséquent, en l=espèce, compte tenu que l'arbitre de niveau II connaissait très bien l=ensemble des considérations factuelles pertinentes relatives au grief du demandeur, l=affirmation que le demandeur a subi un préjudice important n=est pas très convaincante.

[34]                        Par ailleurs, il est intéressant de noter que les nouvelles Consignes du commissaire (griefs), DORS/2003-181, prévoient à l'article 18 qu'un grief qui a été renvoyé au CEE n'a pas à être retourné à l'arbitre de niveau I :

18. (1) Le niveau II renvoie le grief au niveau I pour une nouvelle étude dans les cas suivants :

a) il reçoit un nouvel élément de preuve qui aurait pu donner lieu à une décision différente au niveau I s'il lui avait été présenté;

b) le niveau I a commis une erreur en jugeant qu'il n'avait pas compétence à l'égard du grief.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux griefs qui sont renvoyés au Comité aux termes de l'article 33 de la Loi.

)

18. (1) Level II shall return a grievance to level I for reconsideration if

(a) the level receives evidence that could have resulted in a different decision by level I if the evidence had been presented at that level; or

(b) level I erred in determining that it did not have jurisdiction over the grievance.

(2) Subsection (1) does not apply to grievances that are referred to the Committee under section 33 of the Act.

[35]                        Bien qu'en vertu des dispositions transitoires des nouvelles Consignes, le grief du demandeur continuait d'être régi par les anciennes Consignes, la procédure suivie par l'arbitre de niveau II est conforme à ses nouvelles Consignes.


[36]                        Je suis satisfaite que la décision de l'arbitre de niveau II a respecté l'équité procédurale dans ce cas particulier.

B.          L'arbitre de niveau II a-t-il eu tort de conclure que la décision du comité de classification était correcte?

[37]                        Dans la présente affaire, l'arbitre de niveau II a décidé de ne pas suivre les recommandations du CEE parce qu'il était d'avis que la procédure de classification avait été respectée et que la décision du comité de classification était correcte.

[38]                        Le demandeur soutient que celui-ci a commis une erreur de droit en écartant les recommandations contenues au rapport du CEE et en acceptant les conclusions du comité de classification relatives au poste du demandeur et en reconnaissant l'étude de relativité comme suffisante.

[39]                        Cette question cible le mérite de la décision du commissaire, ce qui engage l'analyse pragmatique et fonctionnelle développée par la Cour suprême du Canada dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.


[40]                        Quatre facteurs doivent être considérés pour déterminer la norme de contrôle applicable : « [¼] la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. [¼] » Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 26.

[41]                        L'article 32 de la Loi contient une clause privative partielle ce qui est un élément en faveur de plus de déférence pour la décision du commissaire :

32. (1) Le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs; sa décision est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n'est pas susceptible d'appel ou de révision en justice.

(2) Le commissaire n'est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur un grief renvoyé devant le Comité conformément à l'article 33; s'il choisit de s'en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.

32. (1) The Commissioner constitutes the final level in the grievance process and the Commissioner's decision in respect of any grievance is final and binding and, except for judicial review under the Federal Courts Act, is not subject to appeal to or review by any court.

(2) The Commissioner is not bound to act on any findings or recommendations set out in a report with respect to a grievance referred to the Committee under section 33, but if the Commissioner does not so act, the Commissioner shall include in the decision on the disposition of the grievance the reasons for not so acting.


[42]                        Le commissaire possède une expertise plus grande que la Cour dans un domaine technique comme celui de la promotion ou de la classification de poste dans une organisation spécialisée comme celle de la GRC.

[43]                        Dans Brennan c. Canada (Gendarmerie Royale), [1998] A.C.F. no 1629 (C.F.) (QL), au paragraphe 12, le juge Gibson concluait que « [¼] dans le domaine technique qu'est l'avancement au sein d'une organisation comme la GRC, à laquelle le demandeur appartenait, la Cour se doit de faire preuve d'une grande retenue à l'égard des questions de fait, à moins qu'il ne s'agisse d'une décision manifestement déraisonnable. »

[44]                        De plus, en vertu de l'article 16 des Consignes de 1990 du commissaire (griefs)[1], lorsqu'il s'agit d'un grief portant sur une promotion ou une classification de poste, son rôle se limite à l'examen des preuves d'erreur de fait ou de procédure, ce qui n'implique aucune question de droit. Lorsque la conclusion qui fait l'objet du contrôle est de nature purement factuelle, il y a lieu à une plus grande déférence à l'égard de la décision du tribunal.


[45]                        En conséquence, compte tenu des facteurs énumérés ci-haut je suis d'avis que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[46]                        En l'espèce, je suis satisfaite que la décision de l'arbitre de niveau II de ne pas suivre les recommandations du CEE et d'entériner l'opinion du comité de classification n'était pas manifestement déraisonnable pour les motifs suivants :

[47]                        Aux termes du paragraphe 32(2) de la Loi, le commissaire n'est pas lié par les conclusions et les recommandations du CEE s'il choisit de s'en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision. L'arbitre de niveau II a expliqué les motifs pour lesquels il a écarté les recommandations.

[48]                        En résumé,

_     La deuxième évaluation est le résultat d'une revue objective de la valeur du travail d'un poste par un comité d'analystes expérimentés en classification;

_     Il n'avait aucune hésitation à reconnaître l'expertise du comité de classification par rapport au CEE qui n'a pas d'expertise particulière en cette matière;


_     Il a trouvé que le fait de gérer des contrats de service de police avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et les municipalités de cette province était une composante importante du travail dans la division « E » .

[4]    L'arbitre de niveau II n'avait aucune obligation d'accepter l'opinion du CEE, lequel s'est employé essentiellement à critiquer la décision du comité de classification.

[5]    Le rapport du CEE est sommaire; et il n'examine pas les preuves d'erreurs de fait ou de procédure lors de l'évaluation de la classification du poste du demandeur, ce qu'il était limité de faire en fonction de l'alinéa 16b) des Consignes de 1990 du commissaire (griefs). À mon avis, le CEE a outrepassé son rôle en substituant son opinion à celle du comité de classification.

[6]    Je réitère que le rôle de l'arbitre de niveau II tout comme celui du CEE était limité dans le cas d'un grief portant sur la classification, à l'examen des preuves d'erreur de fait ou de procédure. Dans la mesure où il était d'avis que ces éléments avaient été respectés, l'arbitre n'avait d'autre choix que de rejeter le grief du demandeur.


[7]    Contrairement à l'analyse comparative faite par le comité de classification précédent, le second comité de classification a conduit une analyse beaucoup plus étendue. Ce nouveau comité, en plus des postes repères du système Hay, a comparé le poste du demandeur à des autres postes de responsables de l'intendance dans les autres divisions.

[8]    Le demandeur reproche essentiellement à l'arbitre de ne pas avoir abordé le problème qualitatif soulevé par le CEE, c'est-à-dire qu'il aurait été utile que le comité inclut le poste d'officier responsable de l'administration et du personnel de la division A dans l'analyse comparative et qu'il explique pourquoi qu'il a été reclassifié.

[9]    Or, le choix des postes à inclure dans une étude de relativité relève de l'expertise du comité de classification. Il est possible qu'une autre comparaison eut été utile. Cependant, l'étude de relativité comportait de multiples comparaisons avec d'autres postes ayant une ressemblance convaincante avec le poste du demandeur. La qualité de l'étude ne peut donc être mise en doute du seul fait qu'un poste n'ait pas été inclus dans la comparaison. L'arbitre était donc bien fondé de s'en remettre à l'expertise du comité sur ce point. Le comité de classification n'a commis aucune erreur de procédure et il n'y a aucun élément de preuve qui démontre que l'exercice de classification de poste du demandeur était arbitraire ou sans fondement.


[10]                        Bref, considérant l'expertise du comité de classification, l'arbitre a vérifié si la procédure de classification avait été respectée et le raisonnement du comité de classification (Fortin c. Canada (Gendarmerie Royale du Canada), [1994] A.C.F. no 783 (QL).

[11]                        Étant satisfait que ces éléments aient été respectés, il a rejeté le grief du demandeur.

[12]                        Je ne peux accepter que la décision de l'arbitre de niveau II en entérinant l'opinion du comité de classification est « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction Publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941.

[13]                        En conséquence, je suis d'avis que cette décision n'est pas manifestement déraisonnable.

C.         L'implication antérieure de l'arbitre de niveau II dans l'étude du premier grief du demandeur peut-elle donner lieu à une crainte raisonnable de partialité?


[14]                        Aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi, le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable et aux termes du paragraphe 5(2) de la Loi il ne peut déléguer ses responsabilités d'arbitre de niveau II à une autre personne si le grief fait partie de la catégorie des griefs qui doivent être renvoyés au CEE. Lorsque l'intention du législateur est sans équivoque, il n'y a pas lieu de présumer que le régime législatif est inéquitable (Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781). De plus, il n'y a pas en l'espèce de chevauchement de fonctions qui a donné lieu à une conclusion de crainte raisonnable de partialité dans l'arrêt 2747-3174 Québec Inc. v. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919.

[15]                        En résumé, le seul fait que ce soit le même commissaire qui rende une décision, ne démontre pas en soi une crainte raisonnable de partialité, plus particulièrement lorsque la nature de la décision se limitait à l'examen des preuves d'erreur de fait ou de procédure et à motiver les raisons pour lesquelles il écartait les recommandations du CEE.

[16]                        Le demandeur n'a soumis aucun fait démontrant que le commissaire avait un parti pris ni qu'il a agi de mauvaise foi par rapport à ce dernier.

[17]                        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE


COUR FEDERALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2026-04

INTITULÉ :                                        Daniel Girouard

et

Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'UDIENCE :                    Montréal, Québec

DATE DE L'UDIENCE :                   Le 20 juin 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                       Madame le juge Daniéle Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                       Le 29 juin 2005

COMPARUTIONS:

Me Marie-Christine Girouard                                         POUR DEMANDEUR

Me Paul Deschênes                                                       POUR DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Pg. Mercantil 2-4, A-3-1

Barcelona Espana

E-08003                                                                       POUR DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal, Québec                                                         POUR DÉFENDEUR




[1]           Le comité consultatif et les membres qui constituent les niveaux I et II se limitent :

a) dans le cas d'un grief portant sur une évaluation de rendement, à l'examen des preuves de parti pris, de préjugé ou d'erreur de fait ou de procédure;

b) dans le cas d'un grief portant sur une promotion ou une classification de poste, à l'examen des preuves d'erreur de fait ou de procédure.

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