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Date : 20240425


Dossier : IMM-4250-22

Référence : 2024 CF 617

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2024

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

ALEKSANDER MAKLAJ

EDMONDA MAKLAJ

KRISPA MAKLAJ

ERTON MAKLAJ

demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] datée du 16 juillet 2021, qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés ou de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[2] La SPR s’est prononcée sur cette cause à deux reprises. Une première audience devant la SPR s’est tenue le 4 mai 2018, à la suite de laquelle le panel a rejeté la demande au motif d’un manque de crédibilité et d’absence de minimum de fondement pour la demande [SPR 2018]. Suite au consentement des parties, la Cour fédérale a cassé cette décision et a renvoyé l’affaire à la SPR pour examen de novo. La deuxième audience à la SPR s’est tenue le 20 novembre 2020, et le panel a aussi rejeté la demande au motif d’un manque de crédibilité. Cette deuxième décision a fait l’objet de l’appel devant la SAR.

[3] Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR n’a pas relevé une erreur flagrante dans la décision de la SPR, soit que la SPR a mis en doute la crédibilité de leur récit en raison du délai de dépôt de leurs demandes d’asile, mais cette conclusion repose entièrement sur l’analyse faite dans SPR 2018. Les demandeurs affirment qu’il est erroné de fonder une conclusion sur une décision qui a été cassée, et que cela indique que la SPR n’a pas, concrètement, fait l’examen de novo de leurs demandes. Selon eux, cela indique également que la SAR a manqué à son obligation de faire une analyse indépendante de l’affaire.

[4] Je ne peux retenir cette thèse pour deux raisons, qui sont expliquées plus en détail ci-dessous. Premièrement, les demandeurs n’ont pas soulevé cet argument lors de l’audience devant la SAR. Deuxièmement, même si je retenais l’idée que la SAR a commis une erreur en ne discutant pas ce point, il n’en reste pas moins que ces conclusions sur la crédibilité des demandeurs reposent sur d’autres motifs.

[5] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

I. Faits et procédures

[6] Les demandeurs, Aleksander Maklaj (le demandeur principal), son épouse Edmonda Maklaj et leurs deux enfants mineurs, sont tous citoyens albanais. Voici les faits qu’ils exposent à l’appui de leur demande d’asile.

[7] Le demandeur principal allègue craindre dans son pays d’origine les membres d’une famille appelée Sopjani qui aurait déclaré une vendetta à l’encontre de sa famille. Les demandeurs allèguent que les problèmes ont débuté en 2007 lorsqu’ils ont construit un immeuble sur un terrain qu’ils avaient reçu de la part de la famille de la demanderesse. Les Sopjani prétendaient être les propriétaires du terrain. Afin d’éviter des problèmes, les demandeurs ont revendu l’immeuble à la famille de la demanderesse.

[8] Les demandeurs ont déménagé afin d’échapper aux problèmes avec la famille Sopjani. Depuis ce temps, ils auraient subi, ainsi que d'autres membres de la famille, des agressions de la part de membres de cette famille. Le demandeur principal aurait porté plainte à la police afin de dénoncer les menaces proférées par la famille Sopjani. Les autorités n’auraient rien fait, et auraient confirmé que l’origine du conflit entre les familles était liée au problème de propriété.

[9] En janvier, 2016, un membre des Sopjani a été assassiné. Les Sopjani auraient alors déclaré une vendetta envers les demandeurs en les accusant d’en être responsables.

[10] Les demandeurs affirment avoir tenté de résoudre cette querelle en sollicitant l’aide de la Orthodox Church Divjake Lushnjen, des Peace Reconciliation Missionaries of Albania, et du Chief Elder of the Village Shenepremte.

[11] Les demandeurs adultes ont quitté l’Albanie en septembre 2016 pour le Canada. L’épouse du demandeur principal est ensuite retournée en Albanie pour amener les enfants au Canada. Ils sont venus au Canada en mars 2017. Toute la famille a demandé à l’asile en mai 2017.

[12] La SPR a rejeté leurs demandes d’asile au motif d’un manque de crédibilité et d’absence de minimum de fondement pour la demande (SPR 2018). Entre autres, la SPR a noté que le dépôt tardif de leurs demandes d’asile, ainsi que les contradictions dans leur récit, minaient leur crédibilité. Cette décision fut cassée, suite au consentement des parties, et la Cour a renvoyé l’affaire à la SPR pour audition de novo et nouvel examen par un autre panel.

II. Décision de la SPR

[13] Suite à l’audience tenue le 20 novembre 2020, la SPR a à nouveau rejeté la demande d’asile des demandeurs au motif que les allégations n’étaient pas crédibles.

[14] Le défendeur est intervenu à l’audience uniquement sous la forme d’observations écrites. Notamment, le ministre a soutenu que l’histoire des demandeurs n’était pas crédible dû au fait qu’ils avaient été au Canada pendant 11 mois avant d’entamer les procédures de demande d’asile, ce qui démontre l’absence de crainte subjective de la part des demandeurs.

[15] Pour le panel, la question déterminante dans cette affaire était celle de la crédibilité. Le panel partage les réserves du ministre au sujet de la demande d’asile tardive, laquelle met en doute la crédibilité des demandeurs. De plus, selon la prépondérance des probabilités, le panel n’était pas convaincu de la réalité de la vendetta alléguée par les demandeurs a été établie. Le témoignage du demandeur principal n’était pas fiable et son récit était entaché d’importantes incohérences.

III. La décision visée par le recours en contrôle judiciaire

[16] Dans une décision datée du 16 juillet 2021, la SAR rejette l’appel des demandeurs et confirme la décision de la SPR.

[17] La SAR est d’avis que la question à trancher est celle de savoir si la SPR a commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité des appelants. En analysant la preuve présentée, la SAR tire la même conclusion que la SPR. Plus précisément, la SAR a visé les éléments suivants qui sont relevés par la SPR :

  • Le caractère tardif de la demande d’asile présentée par les appelants au Canada affecte la crédibilité de leur crainte subjective de retourner dans leur pays;

  • Il y a incohérence dans l’allégation portant que le beau-frère de l’appelant et son épouse n’ont pas eu de problèmes avec la famille Sopjani alors qu’ils sont propriétaires de la terre revendiquée par la famille censée être la source de leurs problèmes;

  • Il y a des contradictions dans le témoignage de l’appelant indiquant qu’ils auraient d’une part des problèmes continuels (« ongoing problems ») depuis 2007 avec la famille, et d’autre part que ces problèmes sont dus au décès d’un membre des Sopjani en 2016;

  • Il y a incohérence découlant de l’allégation portant que le frère aîné de l’appelant n’a pas de problème avec la famille Sopjani compte tenu de la vendetta qui s’appliquerait sur tout le territoire;

  • Il est invraisemblable que l’appelant n’ait pu trouver aucun article de journal ou n’ait eu connaissance d’aucune enquête policière suite au décès allégué d’un Sopjani en 2016, compte tenu du fait qu'ils avaient produit un autre article sur un décès antérieur dans la même famille.

[18] La SAR rejette les allégations des demandeurs voulant que les éléments relevés par la SPR ne sont qu’incidents à la demande, et que la SPR a appliqué des normes canadiennes à une situation en Albanie. La SAR retient la conclusion de la SPR de n’accorder aucune valeur probante aux documents déposés par les appelants qui viendraient corroborer la vendetta entre les familles, car les incohérences et contradictions relevées sont trop nombreuses pour que ces documents puissent remédier aux problèmes de crédibilité. De plus, la SAR note que la preuve documentaire du Cartable national de documentation de la CISR sur l’Albanie fait effectivement état de l’émission de certificats frauduleux par différentes organisations.

[19] Compte tenu de cette analyse, la SAR a rejeté l’appel des demandeurs. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[20] La présente affaire ne soulève qu’une seule question, celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable, selon le cadre d’analyse consacré par l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[21] Afin de déterminer si une décision est raisonnable, la cour de contrôle doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi et rechercher si cette décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, sur le plan de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur elle (Vavilov, au paragraphe 99).

V. Discussion

[22] Les demandeurs font valoir que la décision de la SAR est déraisonnable pour une raison principale : l’absence de correction d’une erreur centrale dans la décision de la SPR concernant l’analyse de leurs crédibilités. Ils soutiennent que la mission de la SAR consiste à effectuer sa propre analyse de manière indépendante : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, paragraphe 103 [Huruglica]. En l’espèce, les demandeurs font valoir que la SAR a confirmé l’ensemble des conclusions retenues par la SPR au sujet de la crédibilité des demandeurs. La SAR a notamment repris les conclusions de la SPR quant au délai s’étant écoulé avant que les demandeurs demandent l’asile au Canada.

[23] Les demandeurs affirment que la SAR a commis une erreur en confirmant cette conclusion de la SPR puisqu’elle n’a pas effectué sa propre analyse de la preuve soumise à l’appui de la demande d’asile. La SAR confirme la conclusion de la SPR sans rechercher si elle est toujours valable vu l’annulation de la décision de cette dernière par notre Cour. Suite au jugement à la décision de la Cour fédérale qui a annulé la décision originale, la SPR était tenue d’effectuer une analyse de novo de la demande. Selon les demandeurs, la SPR ne devait aucunement se fonder sur la première décision rendue par la SPR.

[24] Ainsi, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en confirmant le raisonnement de la SPR puisque, précisément, il était fondé sur une décision qui fut invalidée. De plus, les demandeurs soutiennent que la SPR n’a pas posé de questions aux demandeurs concernant la raison du délai, et s’est donc basé uniquement sur les conclusions de la décision invalidée. La SAR aurait dû renvoyer la demande à un nouveau décideur de la SPR afin que les demandeurs puissent être questionnés sur ce sujet. La SAR a commis une erreur en confirmant l’erreur de la SPR et en omettant d’effectuer sa propre analyse indépendante.

[25] À tout le moins, les demandeurs soutiennent que la SAR devait expliquer en quoi l’observation suivante de l’arrêt Huruglica ne l’empêchait pas de considérer les conclusions d’une décision invalidée devant la Cour :

[79] Je suis d’avis par ailleurs que l’appel auprès de la SAR ne constitue pas un véritable processus de novo. Étant conscient qu’il puisse exister des divergences d’opinion et d’interprétation, je tiens à clarifier ce que j’entends par « véritable processus de novo ». À mon sens, lorsqu’il y a réexamen de l’affaire de novo, le décideur repart à zéro, c’est-à-dire que la juridiction d’appel ne reçoit pas le dossier de l’instance inférieure et ne prend en compte aucun aspect de la décision initiale. Lorsque l’appel consiste en un véritable processus de novo, la norme de contrôle n’est jamais en cause. De toute évidence, telle n’est pas l’idée lorsque la SAR instruit l’affaire sans tenir d’audience.

[26] Les demandeurs soutiennent que les conclusions de la SAR à ce sujet sont problématiques puisqu’elles ne font pas référence à l’erreur commise par la SPR, alors que cette erreur ressortait clairement de la preuve, ce qui est contraire aux enseignements jurisprudentiels : Vavilov, au paragraphe 128. Les demandeurs affirment que la SAR a omis de discuter la question clé, à savoir que la SPR ne pouvait pas juger de la crédibilité des demandeurs sur la base d’une décision invalidée devant la Cour fédérale. D’ailleurs, les demandeurs indiquent que la SAR a mentionné la première procédure devant la Cour fédérale plus haut dans sa décision et donc ne pouvait ignorer cet élément : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF), paragraphe 15 et 17. Il serait ainsi impossible de comprendre le raisonnement de la SAR, ce qui milite en faveur d’une intervention : Vavilov, au paragraphe 84.

[27] Le défendeur soutient que le demandeur qui sollicite l’annulation d’une décision portant sur un manque de crédibilité assume un lourd fardeau : Khelili c M.C.I, 2022 CF 188 au paragraphe 24. Selon le défendeur, la SAR pouvait valablement conclure que les demandeurs n’étaient pas crédibles et confirmer les conclusions de la SPR.

[28] Selon le défendeur, la SAR pouvait valablement confirmer la conclusion de la SPR concernant le retard à présenter leur demande d’asile qui, sans être déterminant, demeure un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte.. La SAR est en droit de ne pas croire un demandeur en raison des contradictions entre ses déclarations de crainte de persécution et ses faits et gestes : Munoz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1273 au paragraphe 1. La défendeur cite le jugement Kayode c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 495 [Kayode] au paragraphe 29 au sujet des principes directeurs en matière de demandes d’asile tardives; plus particulièrement, la question de savoir si le demandeur a tardé à présenter sa demander et la durée du retard doit être appréciée au regard du moment où la crainte a pris naissance.

[29] De plus, le défendeur soutient que les demandeurs ne peuvent reprocher à la SPR de ne pas leur avoir demandé les raisons de leur retard. Le ministre est intervenu devant la SPR sur la question du retard; par conséquent, les demandeurs, qui étaient représentés, savaient que cette question était soulevée et auraient dû fournier leur meilleure réponse. Le défendeur ajoute que le fait que si la SAR a tiré les mêmes conclusions que la SPR, cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas effectué sa propre analyse : Hamid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 100 [Hamid] au paragraphe 28.

[30] Comme indiqué précédemment, l’argument du défendeur n’appelle pas l’annulation de la décision. Tout en admettant qu'il eût préférable que le SPR ne se réfère pas à la décision antérieure, je ne puis conclure qu'il y a là un problème suffisamment grave pour que l'ensemble de la décision soit considéré comme déraisonnable. Ma conclusion sur ce point repose sur trois considérations principales.

[31] Premièrement, les demandeurs n’ont pas soulevé cette erreur commise par la SPR devant la SAR. Ainsi, essentiellement, les demandeurs font grief à la SAR de ne pas avoir discuté une question qu’ils n’ont pas soulevée devant elle. Il n’est généralement pas permis de soulever devant la Cour fédérale de nouvelles questions de droit qui auraient pu être soulevées dans les phases antérieures au stade du contrôle judiciaire : Oluwo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 760, au paragraphe 43; Xiao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 386 au paragraphe 32.

[32] Une jurisprudence constante enseigne qu’il ne peut être reproché à la SAR de ne pas avoir considéré et discuté des arguments qui n’ont pas été soulevé en appel. Voir les observations suivantes de la Cour fédérale d’appel dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c R. K., 2016 CAF 272 :

[6] Le sort du présent appel me paraît dépendre d’un seul point : l’omission par les demandeurs d’asile, c’est-à-dire les intimés audit appel, de demander une audience de novo devant la Section d’appel. Ayant omis de demander à la Section d’appel de tenir une audience de novo sur la totalité de la preuve, les demandeurs d’asile n’étaient autorisés à mettre en litige devant la Cour fédérale aucune question relative au fait que la Section d’appel n’eût pas tenu une telle audience. La raison en est qu’on ne peut normalement contester le caractère raisonnable d’une décision de la Section d’appel en se fondant sur une question qui n’a pas été portée devant elle, en particulier lorsque, comme en l’espèce, la question soulevée pour la première fois à l’étape du contrôle judiciaire relève des fonctions ou de l’expertise spéciales de ladite Section; voir l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 23 à 25.

[33] Lorsque la question n’a pas été soulevée devant la SAR, il est impossible de la soulever pour la première fois dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire : Shaibu v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 109 au paragraphe 9.

[34] Deuxièmement, je suis d’avis que le fait que la SPR a cité la décision antérieure ne constitue pas une claire indication qu’elle n’a pas effectué sa propre analyse de la question du retard. Il y a une jurisprudence abondante confirmant que la question du retard dans le dépôt d’une demande d’asile est une question pertinente dans l’analyse d’une demande de statut de réfugié : voir Kayode au paragraphe 29; Nijjer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1259. Le ministre est intervenu dans la procédure et a déposé des observations écrites portant spécifiquement sur la question du retard. La discussion de cette question par la SPR n’a pas pris les appelants par surprise.

[35] En considérant la position du demandeur, il faut retourner aux observations de la SPR quant à la question du retard :

[12] As indicated earlier in these reasons, the panel shares the Minister’s concerns with respect to the delay in claiming. In this regard, the panel quotes in part the reasons of the first panel:

…the principal claimant knew when he was in Canada on his 7-year visa that it entitled him to remain in Canada as a visitor for only six months at a time. The adult claimants once they arrived at the airport in Canada came inland and did not make refugee claims. The principal claimant overstayed his six months stay and became out of legal visitor status in Canada for some five months. At his hearing, he testified he knew that during that time, he was deportable. This is highly significant.

[13] The panel shares the finding of the previous panel that the delay is indicative of a lack of subjective fear and finds that the delay casts a dark shadow over the credibility of the claimant’s story.

[Version originale en anglais]

[12] Comme il est indiqué précédemment dans les présents motifs, le tribunal est du même avis que le ministre relativement à la présentation tardive de la demande. À cet égard, le tribunal cite en partie les motifs du premier tribunal :

[…] le revendicateur principal savait, quand il se trouvait au Canada avec son visa de sept ans, que celui-ci ne l’autorisait à rester au Canada en tant que visiteur que pendant six mois d’affilée. Les demandeurs adultes, après leur arrivée à l’aéroport au Canada, sont entrés sur le territoire et n’ont pas présenté de demande d’asile. Le revendicateur principal a prolongé son séjour au-delà de six mois et a perdu le statut juridique de visiteur au Canada pendant près de cinq mois. Lors de son audience, il a déclaré qu’il savait qu’il était alors passible d’expulsion. C’est très important.

[13] Le tribunal souscrit aux conclusions du tribunal précédent, selon lesquelles le retard indique l’absence de crainte subjective, et il estime que ce retard jette une ombre sur la crédibilité du récit du demandeur.

[traduction]

[36] Quelques points méritent d’être relevés dans ce passage. La formulation utilisée montre que la décision antérieure énonce la conclusion que le SPR a tirée de sa propre analyse - elle est « partagée » et non « retenue ». En outre, les faits relatés dans la citation de la décision précédente ne font que reprendre ce qui ressort des preuves produites par les demandeurs eux-mêmes. La fondation factuelle des demandeurs reste la même dans la deuxième audition. Et les réserves quant au retard sont exprimées dans l’intervention du Ministre.

[37] À la lumière de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que cette citation démontre un manque d'analyse. Il s'agit plutôt d'une situation où le décideur puise dans l'analyse exposée par un décideur précédent pour exprimer sa propre analyse.

[38] Cela est suffisant pour répondre aux principales observations des demandeurs. Je suis d’avis que, même si je retenais l’idée que la SAR a commis une erreur en ne prenant pas en compte cette erreur dans la décision de la SPR, cela n’est pas suffisant pour rendre la décision de la SAR déraisonnable. Sur ce point, nous devons nous rappeler ce que l’arrêt Vavilov enseigne :

[100] Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Il ne conviendrait pas que la cour de révision infirme une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement soit entaché d’une erreur mineure. La cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable.

[39] Pour les raisons exposées ci-dessus, je ne suis pas convaincu que les requérants se sont acquittés de la charge qui leur incombait sur ce point.

[40] En ce qui concerne les autres arguments des demandeurs, il n’est pas nécessaire de les examiner en détail. En substance, ils demandent à notre Cour de réapprécier les preuves et de réévaluer les conclusions en matière de crédibilité. L’appréciation de la preuve et les conclusions quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile sont au cœur de la mission de la SPR et la SAR. Telle n’est pas la mission de notre cour dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire.

[41] Par exemple, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en confirmant la conclusion de la SPR selon laquelle il est improbable que la belle-famille du demandeur principale n’ait rencontré aucun problème avec les Sopjanis depuis le transfert de la propriété. La SAR a trouvé l’explication des demandeurs « incohérente » vu qu’ils ont affirmé que la source de leurs problèmes était la revendication de la terre par cette famille. C’est une conclusion qui est fondée sur la preuve au dossier, et la SAR a expliqué son analyse de façon claire. Cette analyse est raisonnable et conforme aux principes consacrés par l’arrêt Vavilov.

[42] Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[43] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification. Je conviens que la présente affaire ne soulève aucune question de cette nature.

 


JUGEMENT au dossier IMM-4250-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’a été certifiée.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4250-22

INTITULÉ :

ALEKSANDER MAKLAJ, EDMONDA MAKLAJ, KRISPA MAKLAJ ET ERTON MAKLAJ c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 mai 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 25 avril 2024

COMPARUTIONS :

Me Said Le Ber-Assiani

POUR Les demandeurs

Me Thi My Dung Tran

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

HASA AVOCATS

Montréal, Québec

POUR Les demandeurs

Procureur général du Canada

Montréal, Québec

POUR Le DÉFENDEur

 

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