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                                                                                                                                 Date : 20010402

                                                                                                                             Dossier : T-808-98

                                                                                                   Référence neutre : 2001 CFPI 269

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2001

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

JOHNSON & JOHNSON INC.,

EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP et CORDIS CORPORATION

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA INC.

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 7 février 2001, Johnson & Johnson Inc., Expandable Grafts Partnership et Cordis Corporation, ci-après appelées les demanderesses, ont présenté une requête dans laquelle elles ont interjeté appel de l'ordonnance datée du 4 janvier 2001 par laquelle le protonotaire Lafrenière leur a enjoint de soumettre M. Richard Schatz à un autre interrogatoire préalable d'une durée de trois jours et a accordé les dépens à Arterial Vascular Engineering Canada, Inc. (AVEC).


LES FAITS

[2]                Les faits pertinents à la présente requête peuvent être résumés brièvement de la manière suivante. La présente action concerne des allégations de contrefaçon et d'invalidité des brevets canadiens nos 1,281,505, 1,338,303, 1,322,628 et 1,330,186, ci-après appelés les brevets. Chacun des brevets indique que les inventeurs sont soit M. Julio C. Palmaz soit M. Richard A. Schatz soit les deux et que la demanderesse Expandable Grafts Partnership, ci-après appelée EGP, en est le propriétaire. MM. Palmaz et Schatz sont les cédants des brevets et ils résident aux États-Unis.

[3]                Les inventeurs ont cédé leurs intérêts sur les brevets à EGP. M. Schatz est un associé au sein d'EGP. M. Palmaz est un associé au sein d'Oak Court Partners, LP, un associé d'EGP.

[4]                Le 27 avril 2000, la défenderesse a déposé une requête visant à obtenir l'interrogatoire préalable des inventeurs.

[5]                Le 1er juin 2000, le protonotaire Lafrenière a ordonné aux demanderesses de demander aux inventeurs de se présenter aux endroits indiqués pour une période de trois jours consécutifs afin de se soumettre à un interrogatoire préalable, en tant que cédants, par la défenderesse.

[6]                Le 10 juillet 2000, le juge Gibson a rejeté l'appel interjeté par la défenderesse de l'ordonnance du protonotaire ainsi qu'une demande reconventionnelle présentée par les demanderesses afin d'obtenir l'annulation de l'ordonnance du protonotaire.


[7]                Le 4 octobre 2000, la défenderesse a présenté une requête afin d'obtenir un délai additionnel pour l'interrogatoire préalable des inventeurs. Le protonotaire Lafrenière a entendu la requête le 18 décembre 2000.

[8]                Le 4 janvier 2001, le protonotaire Lafrenière a ordonné aux demanderesses de soumettre M. Schatz à La Jolla, Californie, à un autre interrogatoire préalable d'une durée de trois jours. L'ordonnance prévoyait en outre que les dépens de la requête s'élevant à 1 500 $ plus les débours devaient être payés à la défenderesse, peu importe l'issue de la cause. De plus, c'était les demanderesses qui devaient assumer les frais de transport ainsi que les frais judiciaires précisés pour la nouvelle comparution de M. Schatz.

[9]                Les demanderesses interjettent appel de l'ordonnance du 4 janvier 2001.

DÉCISION DU PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[10]            À l'audience sur la requête, la seule question que devait trancher le protonotaire Lafrenière était celle de savoir si les demanderesses avaient produit des éléments de preuve qui satisfaisaient au critère prévu à la règle 243 des Règles de la Cour fédérale (1998) permettant de fixer les limites de l'interrogatoire préalable. Pour satisfaire à ce critère, les demanderesses devaient convaincre la Cour que l'interrogatoire était « abusif, vexatoire ou inutile » . Voici le texte de la règle 243 des Règles de la Cour fédérale (1998) :



243. La Cour peut, sur requête, limiter les interrogatoires préalables qu'elle estime abusifs, vexatoires ou inutiles.


[11]            Après avoir examiné la règle 243 ainsi que tous les éléments de preuve dont il avait été saisi, le protonotaire Lafrenière a statué que les demanderesses ne lui avaient pas démontré que l'interrogatoire était abusif, vexatoire ou inutile et que le droit de la défenderesse de procéder à l'interrogatoire préalable devait donc être limité.

NORME DE RÉVISION

[12]            La norme de révision des ordonnances discrétionnaires des protonotaires de la Cour fédérale est bien établie. Ces ordonnances ne doivent être révisées en appel que lorsqu'elles sont manifestement erronées, en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire reposait sur un mauvais principe de droit ou sur une fausse appréciation des faits sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause[1].

ANALYSE

[13]            La règle 243 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit que des limites ou restrictions peuvent être apportées aux interrogatoires préalables. Il incombe à la partie qui demande à la Cour de limiter l'interrogatoire de démontrer qu'il est abusif, vexatoire ou inutile. En l'espèce, le protonotaire Lafrenière, exerçant son pouvoir discrétionnaire, a conclu que les demanderesses ne l'avaient pas démontré.


[14]            Pour qu'elle puisse annuler l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un protonotaire, la Cour doit conclure que la décision du protonotaire était manifestement erronée suivant le critère formulé dans l'arrêt Aqua-Gem[2].

[15]            La décision d'un protonotaire doit être respectée et ne devrait être révisée que si elle repose sur un mauvais principe de droit ou sur une fausse appréciation des faits sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.

[16]            À l'audience sur le présent appel, les demanderesses ont demandé que l'affidavit additionnel de Bill K. Chan, daté du 7 février 2001, soit versé en preuve. Le dépôt de cet affidavit a essentiellement pour but de produire de nouveaux éléments de preuve quant à ce qui s'est passé lors de l'audience devant le protonotaire. Une preuve de ce qui s'est passé devant le protonotaire serait admissible pour démontrer un manquement de ce dernier, c.-à-d. la partialité, le fait de ne pas avoir écouté, etc. Cependant, une telle preuve n'est pas admissible pour compléter les faits. En l'espèce, il n'y a eu aucune allégation ni preuve d'un manquement de la part du protonotaire.


[17]            Le protonotaire Lafrenière a rendu des motifs et le présent appel doit être tranché en fonction des motifs dont nous avons été saisis. Il serait erroné, à mon avis, de permettre à ce stade de l'audience la production d'éléments de preuve concernant ce que le protonotaire a dit ou n'a pas dit à l'audience. Cela risquerait de dénaturer le contenu de la décision. Lors d'un appel, il est loisible aux parties d'invoquer des arguments pour étayer leur position, comme l'ont fait les demanderesses en l'espèce. Cependant, à mon avis, le présent appel doit être tranché à partir du rapport de la décision dont a été saisie la Cour et à partir des éléments de preuve dont avait été saisi le protonotaire lorsqu'il a rendu sa décision. Je suis également d'avis que l'affidavit de Bill K. Chan, daté du 7 février 2001, ne contient aucun nouvel élément de preuve pertinent qui serait admissible à ce stade de la procédure.

[18]            Pour ces motifs, l'affidavit supplémentaire de Bill K. Chan daté du 7 février 2001 ne sera pas versé au dossier de la présente requête.

[19]            Le protonotaire a indiqué dans ses motifs que, même si l'avocat de la défenderesse avait examiné divers éléments qui avaient déjà été passés en revue au cours d'un interrogatoire préalable antérieur, il était convaincu que l'avocat avait fait bon usage des transcriptions de cet interrogatoire et ne refaisait pas inutilement le travail déjà fait.

[20]            Je suis convaincu qu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire en l'espèce, le protonotaire n'a pas appliqué un mauvais principe ou n'a pas fait une fausse appréciation des faits sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.

[21]            La décision du protonotaire Lafrenière n'est pas manifestement erronée et doit être confirmée. Il s'ensuit que l'appel devrait être rejeté.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         L'appel interjeté par les demanderesses est rejeté.

2.         Les dépens sont adjugés à la défenderesse peu importe l'issue de la cause.

                                                                                                                      « Edmond P. Blanchard »                

                                                                                                                                                      Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-808-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    JOHNSON & JOHNSON INC. c. ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   12 FÉVRIER 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Blanchard

DATE DES MOTIFS :              2 AVRIL 2001

ONT COMPARU:

D. Cameron                                          POUR LES DEMANDERESSES

A. Brodkin                                            POUR LA DÉFENDERESSE

J. Perrin

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Aird & Berlis                                         POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)



[1]            Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, à la p. 454 (C.A.).

[2]            Supra, note 1.

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