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Date : 20211216


Dossier : T‑834‑20

Référence : 2021 CF 1434

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 16 décembre 2021

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

demandeur

et

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP., NUHA NANCY SALLOUM ET RYAN DEAN

défendeurs

ET ENTRE :

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP. ET NANCY SALLOUM

demanderesses reconventionnelles

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Depuis 2011, le demandeur, le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [le CRCIC], est l’organisme national d’autoréglementation des consultants en immigration et en citoyenneté désigné au Canada. La Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, LC 2019, c 29, art 292 [la Loi sur le Collège], qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2019 et est entrée en vigueur en décembre 2020, constitue le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté [le Collège], pour agir à titre d’organisme d’autoréglementation des consultants en immigration et en citoyenneté. Le 23 novembre 2021, le CRCIC est devenu le Collège.

[2] La société défenderesse a été constituée sous le nom de CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp [le CICC] le 25 octobre 2019. La défenderesse Mme Salloum est la présidente et cheffe de l’exploitation de CICC. Le défendeur M. Dean est présenté comme le chef de la direction et directeur général de CICC, des fonctions qu’il aurait exercées du 14 mai 2020 à sa démission, le 7 décembre 2020.

[3] Dans la présente action, le demandeur conteste l’utilisation du nom « The College of Immigration and Citizenship Consultants », avec ou sans l’abréviation « CICC », en lien avec les activités de CICC. Il conteste aussi le contenu publié sur le site Web et sur la page LinkedIn de CICC selon lequel CICC est, ou deviendra, le Collège et l’organisme de réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté.

[4] Dans la présente requête en jugement sommaire, M. Dean sollicite sa mise hors de cause. Dans la déclaration, les demandeurs affirment que M. Dean a, en tant que chef de la direction et directeur général de CICC, envoyé une lettre datée du 25 juin 2020 aux membres du CRCIC, dans laquelle il les incitait à se joindre à CICC, qui opérait une transition en vue de devenir l’organisme de réglementation. Le demandeur tient M. Dean personnellement responsable d’actes volontairement, délibérément et sciemment commis, de concert avec CICC, en violation des alinéas 7a) et 9(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13) [la LMC].

[5] M. Dean affirme qu’il n’existe aucune preuve selon laquelle il a commis un acte pouvant constituer une violation de la LMC.

[6] Pour les motifs qui suivent, je ne peux conclure qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse concernant M. Dean à titre personnel. En outre, à mon avis, la décision concernant les faits reprochés à M. Dean exigera une appréciation de la crédibilité de plusieurs témoins des faits, et les témoignages de vive voix de ces témoins pourraient être utiles à la Cour. La requête est donc rejetée.

I. Contexte

[7] La présente instance n’est pas la seule qui mette en cause le CRCIC et M. Dean. Ce dernier est un ancien administrateur du CRCIC qui a été exclu du conseil d’administration il y a plusieurs années. Son adhésion au CRCIC a été suspendue peu après qu’il eut commencé à prendre part aux activités de CICC. Une procédure disciplinaire interne est en cours. M. Dean affirme que cette procédure disciplinaire est la raison pour laquelle il est nommé dans la présente action. Le CRCIC affirme que la procédure disciplinaire et les anciennes fonctions de M. Dean au sein du CRCIC sont ce qui a motivé les activités volontaires et délibérées imputées à M. Dean.

[8] La présente action a été intentée le 28 juillet 2020, et une requête en injonction interlocutoire a été déposée peu après.

[9] Le 24 décembre 2020, la juge Fuhrer a accordé une injonction interlocutoire interdisant aux défendeurs, y compris M. Dean, de faire ce qui suit :

A. Utiliser la raison sociale et les marques CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., The College of Immigration and Citizenship Consultants, les lettres CICC, « The College Act » ou tout autre mot ou symbole donnant à penser qu’ils sont le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté constitué au titre de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, en lien avec leur entreprise, en tant que marque de commerce ou d’une autre façon;

B. Utiliser le nom de domaine cicc‑lcic.com;

C. Conserver l’inscription LinkedIn à l’adresse https://www.linkedin.com/company/the‑college‑of‑immigration‑and‑citizenship‑consultants‑corp;

D. Se faire passer pour l’organisme de réglementation des consultants en immigration ou en citoyenneté.

[10] La juge Fuhrer a conclu que l’injonction interlocutoire devait être accordée parce qu’elle jugeait qu’il existait une question sérieuse à juger concernant entre autres les alinéas 7a) et 9(1)d) de la LMC. Dans sa décision, elle a affirmé ce qui suit en ce qui a trait à ces dispositions :

[69] […] [J]’estime qu’il est plus probable que le contraire, selon la prépondérance des probabilités, que le CRCIC sera prorogé sous le régime de la Loi sur le Collège en tant qu’organisme fédéral ou national de réglementation des consultants en immigration et des consultants en citoyenneté, sous le nom du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Dans l’intervalle, le CRCIC continue d’être, sous son nom actuel, l’organisme national mandaté de réglementation. Je conclus donc que les prétentions ou les déclarations des défendeurs, à savoir que le statut du CRCIC a été révoqué ou que celui‑ci n’est plus investi d’un mandat fédéral, et que ses membres exercent dans l’illégalité, entre autres déclarations semblables, contreviennent en apparence à l’alinéa 7a), qui interdit de « faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés ». Dans la mesure où CICC se fait passer pour le nouvel organisme de réglementation, ses propres prétentions en font un concurrent du CRCIC. Pour les raisons expliquées ci‑après, je suis donc convaincue qu’il y a une question sérieuse à juger.

[…]

[80] À mon avis, les noms à l’égard desquels les défendeurs revendiquent des droits, et qui sont décrits aux paragraphes 30 et 31 de la présente décision, tombent apparemment sous le coup de l’interdiction prévue à l’alinéa 9(1)d) et pourraient donc être interdits par l’article 11, ce qui veut dire qu’il existe une question sérieuse à juger. […]

[81] Les noms qui sont en litige en l’espèce et que CICC a adoptés sont les suivants : CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp.; CICC – The College of Immigration and Citizenship Consultants; The College of Immigration and Citizenship Consultants et The College Act. Je conclus qu’il existe une question sérieuse à juger quant à savoir si les noms que CICC a adoptés sont « susceptible[s] de laisser croire que les services qui y sont associés ont reçu l’approbation gouvernementale ou sont exécutés sous l’autorité ou avec l’approbation du gouvernement », indépendamment de l’avertissement public susmentionné que CICC a affiché sur LinkedIn ou des droits de propriété intellectuelle qui sont revendiqués sur les noms. Ma conclusion à cet égard est fondée sur la Loi sur le Collège (c’est‑à‑dire la loi qui a obtenu la sanction royale le 21 juin 2019, par opposition au cadre législatif proposé par la FSCIC/CSIP et Mme Salloum en 2010 – je considère qu’ils ne sont pas identiques, ni même à peu près identiques), et sur le nom du Collège qui figure dans la Loi sur le Collège, ainsi que sur des déclarations telles que celles qui sont reproduites au paragraphe 77 ci‑dessus.

[11] Dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire, M. Dean n’a pas déposé d’élément de preuve ni de dossier de réponse. Par conséquent, il n’a pas été autorisé à présenter des observations de fond relativement à la requête. M. Dean a seulement indiqué qu’il avait l’intention de déposer une requête visant sa mise hors de cause.

[12] La présente requête a été déposée le 12 juillet 2021, et un calendrier a été établi pour celle‑ci dans le cadre de la gestion de l’instance.

[13] L’action elle‑même n’a pas encore passé l’étape des actes de procédure. M. Dean a fait savoir que, si sa requête n’était pas accueillie, il déposerait une requête visant à modifier sa défense.

II. Les questions préliminaires de preuve

A. L’affidavit de M. Stephan

[14] En réponse à la présente requête, le demandeur a déposé un seul affidavit [l’affidavit de M. Stephan], lequel a été souscrit par un enquêteur principal de la société Xpera Risk Mitigation & Investigation. Sont jointes comme pièces à l’affidavit de M. Stephan des impressions de publications de la page LinkedIn de CICC récupérées par l’intermédiaire des liens URL fournis par l’avocat du demandeur. M. Stephan a inclus un tableau où figurent les hyperliens URL et a fourni les dates auxquelles les publications avaient été accessibles. Je souligne que la page LinkedIn de CICC n’est plus accessible en raison de l’ordonnance d’injonction interlocutoire.

[15] À titre préliminaire, M. Dean sollicite la radiation de l’affidavit de M. Stephan. Il affirme que les renseignements récupérés se trouvent aussi dans l’affidavit d’un autre témoin (Mme Amandeep Singhera), que le demandeur a déposé dans le cadre de la procédure disciplinaire interne engagée par le CRCIC contre M. Dean. Mme Salloum a tenté de déposer l’affidavit de Mme Singhera hors de la période prévue pour le dépôt de documents dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire. Comme l’affidavit était lié à une instance autre que la requête en injonction interlocutoire, il n’a pas été admis.

[16] M. Dean affirme que l’affidavit de M. Stephan est irrégulier, parce qu’il comporte les mêmes pièces que l’affidavit de Mme Singhera et qu’il vise donc à mettre Mme Singhera à l’abri d’un contre‑interrogatoire. M. Dean conteste aussi l’authenticité des pièces jointes à l’affidavit de M. Stephan au motif qu’à la date du contre‑interrogatoire de M. Stephan, il était démontré qu’il y avait quelques différences entre les renseignements récupérés par l’intermédiaire des liens URL et les pièces imprimées.

[17] Je souligne que rien n’interdit à deux témoins de joindre les mêmes renseignements à leurs affidavits. Je ne vois rien qui me permette de conclure que l’affidavit de M. Stephan est inadmissible en preuve en raison du fait que les impressions et les liens URL joints à l’affidavit de M. Stephan ont aussi été joints à l’affidavit de Mme Singhera.

[18] En outre, bien que le contre‑interrogatoire ait révélé quelques différences entre les renseignements imprimés liés aux liens URL et ceux contenus dans les pièces jointes à l’affidavit de M. Stephan, la plupart d’entre elles sont mineures et pourraient être attribuables à des problèmes d’impression. La seule différence non négligeable est l’inclusion de la lettre datée du 25 juin 2020 dans une pièce jointe à l’affidavit de M. Stephan, lettre qui ne semble pas liée à la publication sur LinkedIn figurant dans cette pièce. M. Stephan a reconnu cette discordance lors du contre‑interrogatoire et a admis ne pas se souvenir de la raison pour laquelle elle avait été incluse avec la publication. Cependant, cette même lettre datée du 25 juin 2020 figurait aussi dans une autre pièce jointe à l’affidavit de M. Stephan, et il a été démontré qu’elle avait été récupérée à partir de la publication trouvée dans cette pièce. À mon avis, rien dans le dossier dont je suis saisie ne me permet de radier et de juger inadmissible en preuve l’affidavit de M. Stephan en m’appuyant sur ce contre‑interrogatoire. Je conclus que M. Stephan a été en mesure de visiter les pages liées aux hyperliens URL fournis par l’avocat du demandeur, d’activer les adresses IP de ces hyperliens et d’obtenir les publications de la page LinkedIn du CICC.

[19] Je souligne que la date des publications ne figure pas sur la pièce jointe à l’affidavit de M. Stephan. Elles portent toutes plutôt la date du 3 septembre 2021, soit celle de l’impression. Dans le tableau inclus dans l’affidavit de M. Stephan, il est indiqué que la publication date d’un an, soit du mois de septembre 2020. Cette date n’a pas été contestée lors du contre‑interrogatoire.

B. Les affidavits de M. Dean

[20] M. Dean a déposé en preuve plus de 12 000 pages de documents relatifs à la requête, y compris quatre affidavits qu’il avait lui‑même souscrits. Aux affidavits déposés sont joints de nouveau les documents dont avait été saisie la juge Fuhrer dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire ainsi que des documents liés à la procédure disciplinaire interne engagée par la CRCIC à l’encontre de M. Dean et des documents liés à une instance distincte devant la Cour (T‑1033‑20) mettant en cause le procureur général, CICC et Mme Salloum. Beaucoup de ces documents ne sont pas pertinents pour l’examen des questions soulevées dans le cadre de cette requête. M. Dean cherche à s’appuyer sur ces documents principalement pour affirmer que le demandeur a falsifié des documents et pour remettre en question la crédibilité de la déposante de la CRCIC dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire, Mme Kennedy. Le bien‑fondé de ces arguments n’a pas été démontré dans le cadre de cette requête.

[21] À titre préliminaire, il y a lieu de souligner que les allégations de falsification de documents sont extrêmement graves. De telles allégations ne devraient pas être formulées à la légère et ne peuvent être retenues que si elles sont appuyées par une preuve considérable et si un droit de réponse a été adéquatement accordé à la partie accusée. En l’espèce, ces conditions n’ont pas été remplies.

[22] En plus des assertions liées à la preuve de M. Stephan qui ont été traitées ci‑dessus, M. Dean avance trois autres arguments. Premièrement, M. Dean soutient que deux versions de sa lettre datée du 25 juin 2020 ont été déposées par l’intermédiaire de la preuve provenant de Mme Kennedy dans les documents relatifs à la requête en injonction interlocutoire du demandeur – l’une avec l’en‑tête de CICC et l’autre sans l’en‑tête. Deuxièmement, M. Dean affirme que les captures d’écran du site Web de CICC dans les documents déposés dans le dossier T‑1033‑20 ont été modifiées de façon à retirer une bannière [traduction] « en conception ». Troisièmement, M. Dean affirme que le compte LinkedIn de CICC a été [traduction] « piraté ».

[23] Le premier argument concerne la preuve que le demandeur a déposée dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire, à propos de laquelle les défendeurs ont déjà exercé leur droit de contre‑interroger et que la Cour a déjà examinée. En déposant la preuve provenant de Mme Kennedy comme s’il s’agissait de la sienne, M. Dean n’obtient pas le droit de contre‑interroger Mme Kennedy. Le droit de contre‑interroger ne s’obtient que relativement à la preuve de la partie adverse. Le demandeur n’a déposé aucune preuve provenant de Mme Kennedy dans le cadre de cette requête, alors aucun droit de contre‑interroger Mme Kennedy n’est rétabli. De plus, je souligne que la seule copie de la lettre datée du 25 juin 2020 que le demandeur a déposée dans le cadre de la présente requête porte l’en‑tête de CICC. Elle est identique à la lettre jointe à la déclaration. Il n’y a aucune différence par rapport à la preuve que le demandeur a déposée dans le cadre de la présente requête. Il n’est pas non plus contesté que M. Dean a signé une lettre datée du 25 juin 2020 dont le contenu est identique à celui de la lettre jointe à la déclaration.

[24] Le deuxième argument est lié à la preuve déposée dans le dossier T‑1033‑20, soit celui d’une instance distincte de la Cour fédérale. Rien ne permet de contester cette preuve dans le cadre de la présente requête. La Cour examinera les assertions de M. Dean selon lesquelles le site Web de CICC était [traduction] « en construction » lorsqu’il a rédigé sa lettre du 25 juin 2020, mais rien ne permet de se prononcer à propos de la forme de la preuve déposée dans le dossier T‑1033‑20. Ce n’est pas pertinent dans le cadre de la présente requête.

[25] Le troisième argument n’a pas été suffisamment mis de l’avant dans des observations écrites ou une plaidoirie de M. Dean. L’argument semble reposer sur un appel que Mme Salloum a reçu. Toutefois, aucune preuve directe de Mme Salloum n’a été déposée dans le cadre de la requête. M. Dean s’appuie principalement sur des documents déposés dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire. Les documents déposés sont impossibles à déchiffrer et nettement insuffisants pour corroborer l’allégation formulée.

III. Le jugement sommaire

[26] Les articles 213 à 219 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], régissent les jugements sommaires. L’article 215 des Règles prévoit que la Cour peut rendre un jugement sommaire si elle est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense.

[27] Le critère pour conclure s’il existe une véritable question litigieuse n’est pas de savoir si une partie a des chances d’obtenir gain de cause au procès. Il s’agit plutôt de décider si le succès de l’affaire est tellement douteux qu’elle ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits à un procès ultérieur : Canmar Foods Ltd c TA Foods Ltd, 2021 CAF 7 au para 24; Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 1112 [Milano Pizza] au para 33.

[28] Il n’existe pas de véritable question litigieuse si la demande est dénuée de fondement juridique ou si le juge dispose de la preuve nécessaire pour trancher justement et équitablement le litige : Gupta c Canada, 2021 CAF 31 au para 29, citant Manitoba c Canada, 2015 CAF 57 au para 15; Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 au para 66.

[29] Le fardeau ultime incombe à la partie requérante, mais la partie intimée est tenue de présenter des éléments de preuve établissant l’existence d’une véritable question litigieuse : Cabral c Canada (Citizenship and Immigration), 2016 CF 1040 [Cabral] au para 69; conf par 2018 CAF 4 au para 23; TPG Technology Consulting Ltd c Canada, 2013 CAF 183 [TPG Technology] au para 4. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut se fonder sur des conjectures touchant la preuve qui pourrait être produite à une étape ultérieure de l’instance. Il a été mentionné, au sujet de cette exigence, qu’elle nécessite qu’une partie intimée doive « jouer atout ou risquer de perdre » : Milano Pizza aux para 34 et 35.

[30] Lorsqu’il existe d’importants désaccords factuels qui ne peuvent être résolus sans que les questions de crédibilité des témoins soient tranchées, un procès est le moyen à privilégier pour résoudre le litige, plutôt que le jugement sommaire : Milano Pizza au para 37; TPG Technology au para 3; Canada c Bezan, 2021 CF 397 [Bezan] au para 47. Un juge doit « se pencher de près » sur le fond de l’affaire et décider s’il y a des questions de crédibilité à trancher : Milano Pizza au para 39. Des questions de crédibilité se posent si, pour trancher une question, l’on doit faire primer le témoignage d’un témoin sur celui d’un autre, ou si l’on doit apprécier la crédibilité d’un témoin dans le cadre d’un contre‑interrogatoire pour juger si son témoignage est crédible : Bezan au para 47.

IV. La question en litige

[31] La seule question que soulève la présente requête est celle de savoir s’il existe une véritable question litigieuse à l’encontre de M. Dean.

V. Existe‑t‑il une véritable question litigieuse à l’encontre de M. Dean?

[32] Une analyse de la question de savoir s’il existe une véritable question litigieuse doit être effectuée dans le contexte des actes de procédure tel qu’ils ont été déposés : Cabral au para 70. Dans la déclaration, le demandeur formule les allégations suivantes concernant M. Dean :

[traduction]

21. Le 14 mai 2020 ou vers cette date, M. Dean a été nommé chef de la direction de la défenderesse CICC. Mme Salloum est devenue ou est demeurée cheffe de l’exploitation.

[…]

34. Le 25 juin 2020, M. Dean a envoyé aux membres du demandeur une lettre dont l’en‑tête était celui de « The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. ». Une copie de cette lettre figure à l’annexe D.

35. Dans la lettre, M. Dean incite les membres du CRCIC à se joindre à CICC à titre de « membres », et fait la promotion de CICC en la présentant comme l’organisme de réglementation concurrent du CRCIC. Comme il s’agit d’une société constituée en vertu de la LCSA, CICC n’a pas de membres.

[…]

37. Le 28 juin 2020, le CRCIC a écrit à M. Dean pour se plaindre des déclarations fausses et trompeuses figurant sur le site Web des défendeurs ainsi que sur les pages des médias sociaux associées, et pour lui demander que le site Web soit fermé et que les fausses déclarations cessent. Le CRCIC a aussi publié un avertissement destiné à ses membres afin de les aviser que les déclarations des défendeurs étaient fausses.

38. Les défendeurs n’ont pas fermé le site Web et les pages des médias sociaux associées ni cessé de faire de fausses déclarations […]

[33] Le demandeur tient M. Dean pour personnellement responsable parce qu’il a agi [traduction] « délibérément, volontairement et sciemment de concert avec CICC » en violation de la LMC.

[34] Une personne travaillant pour une société peut être déclarée responsable à titre personnel de ses actes s’il est démontré qu’elle a commis de tels actes indépendamment de la direction ou qu’elle s’est délibérément, volontairement et sciemment livrée à une conduite de nature à constituer une contrefaçon ou reflétant une indifférence à l’égard du risque de violation : Mentmore Manufacturing Co Ltd c National Merchandising Manufacturing Co Ltd, 1978 CanLII 2037 aux p. 204 et 205 (CAF). Un demandeur qui allègue que la responsabilité à titre personnel d’un dirigeant est engagée doit démontrer que ce dernier a mené les activités qui ont entraîné la violation reprochée : Fibremann Inc c Rocky Mountain Spring (Icewater 02) Inc, 2005 CF 977 au para 32; Krav Maga Enterprises, LLC c Edge Combat Fitness Inc, 2006 CF 112 au para 26.

[35] Dans ses observations relatives à la requête, le demandeur a restreint ses allégations contre M. Dean à celles qui sont liées aux alinéas 7a) et 9(1)d) de la LMC.

[36] L’alinéa 7a) de la LMC prévoit que nul ne peut « faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent ». Les éléments essentiels requis pour établir le bien‑fondé d’une revendication faite au titre de l’alinéa 7a) de la LMS ont été énoncés dans l’arrêt S & S Industries Inc c Rowell, [1966] RCS 419 à la page 424, à savoir qu’il doit être établi en preuve : 1) qu’une déclaration fausse et trompeuse a été formulée (en lien avec un droit de propriété intellectuelle); 2) qu’une telle déclaration tendait à discréditer les marchandises ou les services d’un concurrent, et 3) qu’il existe un préjudice. Pour que soit accueillie une cause d’action au titre de l’alinéa 7a) de la LMC, il doit exister un préjudice touchant les activités d’un concurrent ainsi qu’un lien de causalité entre les déclarations fausses et trompeuses et les dommages allégués : E. Mishan & Sons, Inc c Supertek Canada Inc, 2016 CF 986 aux para 28 et 29.

[37] L’alinéa 9(1)d) prévoit que « [n]ul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit : un mot ou symbole susceptible de porter à croire que les […] services en liaison avec lesquels il est employé ont reçu l’approbation […] gouvernementale, ou que […] leur exécution a lieu sous le patronage ou sur l’autorité […] gouvernementale ». Le critère à appliquer au titre de l’alinéa 9(1)d) consiste à examiner si la marque attaquée est susceptible de laisser croire que les services qui y sont associés ont reçu l’approbation gouvernementale ou sont exécutés sous l’autorité ou avec l’approbation du gouvernement : College of Dietitians of Alberta c 3393291 Canada Inc (Collège spécialisé en nutrition naturelle), 2015 CF 449 au para 66; College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia c Council of Natural Medicine College of Canada, 2009 CF 1110 au para 224.

[38] Le demandeur affirme que l’utilisation du nom « College of Immigration and Citizenship Consultants » par M. Dean dans sa lettre du 25 juin 2020, que ce soit à titre personnel ou volontairement et délibérément à titre de chef de l’exploitation et directeur général de CICC, contrevient à l’alinéa 9(1)d) de la LMC et constitue une déclaration fausse et trompeuse selon laquelle la société défenderesse est l’organisme de réglementation national, qui contrevient à l’alinéa 7a) de la LMC.

[39] Dans la lettre du 25 juin 2020, M. Dean a, en tant que chef de la direction et directeur général de CICC, donné [traduction] « avis » à [traduction] « tous les consultants en immigration canadiens autorisés par l’organisme de réglementation existant » de s’inscrire auprès du CICC et de transférer leur adhésion au [traduction] « Collège ». La lettre laisse croire que CICC deviendra probablement le nouvel organisme de réglementation.

[40] Le demandeur affirme que d’autres violations des alinéas 7a) et 9(1)d) ont été commises dans une lettre datée du 22 juin 2020, adressée au député Peter Kent et signée par M. Dean à titre de chef de la direction de CICC, dans laquelle ce dernier présente CICC comme le [traduction] « collège national des consultants en immigration au Canada, comptant plus de 6 700 membres ». Dans cette lettre, M. Dean affirme qu’[traduction] « il est maintenant manifeste que le CRCIC ne sera pas converti pour devenir le nouveau Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, mais qu’il n’est pas conforme à la nouvelle loi ni en tant qu’organisme de réglementation depuis octobre 2019 » et sollicite l’approbation du transfert des membres du CRCIC à CICC. Ensuite, dans un courriel daté du 17 juillet 2020 adressé au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, M. Dean se présente comme le chef de la direction et directeur général de la société [traduction] « College of Immigration and Citizenship Consultants Corp. ». Dans ce courriel, M. Dean évoque la conduite du CRCIC et affirme que ce dernier se présente comme l’organisme de réglementation des consultants canadiens [traduction] « légitime » alors qu’[traduction] « il a été légalement aboli du fait de sa propre inaction ».

[41] M. Dean reconnaît avoir rédigé et envoyé la lettre à M. Kent et le courriel à M. Mendicino, et avoir rédigé la lettre du 25 juin 2020. Cependant, il affirme que la lettre du 25 juin 2020 n’a jamais été envoyée aux membres du CRCIC et que, même si elle a été publiée sur la page LinkedIn ou le site Web de CICC, elle l’a été à son insu et n’a eu aucune incidence sur les membres du CRCIC. M. Dean affirme qu’il n’avait pas l’intention de transmettre la lettre du 25 juin 2020 avant que CICC devienne le nouvel organisme de réglementation désigné. Il ajoute que la lettre à M. Kent et le courriel à M. Mendicino sont protégés par le [traduction] « privilège relatif au lobbying », sans toutefois invoquer un fondement juridique à l’appui de cette affirmation.

[42] Après avoir examiné la lettre du 25 juin 2020, la lettre à M. Kent et le courriel à M. Mendicino à la lumière de la désignation du CRCIC et maintenant du Collège à titre d’organisme de réglementation, et après examen de la preuve concernant la transmission des lettres et du courriel, je ne peux conclure que les allégations visant M. Dean sont douteuses au point que l’action ne doive pas être instruite. Je souligne cependant que les allégations relatives aux alinéas 7a) et 9(1)d) seront examinées en fonction du rôle de M. Dean au sein de CICC, de la transmission de la lettre du 25 juin 2020 aux membres du CRCIC et, concernant l’alinéa 7a) de la LMC, de l’incidence d’une telle communication. La preuve dont je suis saisie relativement à ces questions est incomplète, et il est évident qu’une appréciation de la crédibilité des témoins sera un élément important pour statuer adéquatement sur ces facteurs.

[43] Je conviens avec le demandeur que la preuve relative au rôle de M. Dean au sein de CICC est inadéquate.

[44] Des éléments de preuve établissent que la nomination de M. Dean à titre de chef de la direction et directeur général de CICC, le 14 mai 2020, a été annoncée par écrit sur la page LinkedIn de CICC et que c’est à ce titre qu’il avait signé un avis d’offre d’emploi de [traduction] « gestionnaire du service de gestion des données et de l’information » chez CICC. À l’affidavit de M. Stephan sont jointes d’autres publications sur LinkedIn selon lesquelles M. Dean est le [traduction] « chef de la direction et directeur général du nouveau Collège CICC », y compris une publication indiquant que le CRCIC ne peut procéder à aucune transition sans l’approbation de M. Dean.

[45] M. Dean affirme cependant qu’il n’a jamais exercé la fonction de chef de la direction ou de directeur général de CICC. Il soutient que son titre était celui de [traduction] « chef de la direction et directeur général en attente », parce que ses fonctions dépendaient de la décision du ministre concernant l’entité qui deviendrait le nouvel organisme de réglementation. Il renvoie à une lettre de Mme Salloum datée du 8 décembre 2020 dans laquelle cette dernière affirme qu’il s’agit d’un poste de bénévole et que M. Dean n’a jamais été rémunéré. Il affirme n’avoir donc jamais eu le pouvoir d’agir de quelque façon que ce soit au nom de CICC.

[46] Il y a aussi la lettre et le courriel adressés respectivement à M. Kent et à M. Mendicino, que M. Dean admet avoir envoyés et dans lesquels il se présente comme étant le chef de la direction et directeur général de CICC. M. Dean affirme que cette lettre et ce courriel ont été transmis à des fins de lobbying et qu’ils n’établissent pas qu’il exerçait une fonction officielle à laquelle se rattachait une rémunération.

[47] Dans l’assignation à comparaître du demandeur pour le contre‑interrogatoire de M. Dean, il était exigé que ce dernier fournisse les documents liés à ses fonctions au sein de CICC, y compris sa correspondance avec Mme Salloum au sujet de l’offre du poste et de son acceptation de cette offre, ainsi que de celle concernant l’annonce du 14 mai 2020. Il était aussi exigé que M. Dean fournisse l’intégralité de sa correspondance avec des personnes désirant se renseigner au sujet des liens entre CICC et le Collège ou entre CICC et le CRCIC, et sa correspondance avec des personnes souhaitant devenir membres de CICC. M. Dean a refusé les demandes, en invoquant que la production de ces documents devrait avoir lieu au stade de l’interrogatoire préalable. Il est probable que de tels documents apportent des éclaircissements au sujet du statut de M. Dean.

[48] M. Dean affirme que les négociations concernant ses fonctions au sein de CICC se sont déroulées verbalement, sous la forme de discussions avec Mme Salloum. Il manque de détails au sujet de ces discussions. Le témoignage de Mme Salloum et la communication de documents seront nécessaires pour établir tous les faits essentiels pour déterminer correctement les fonctions de M. Dean au sein de CICC.

[49] Je conviens avec le demandeur que M. Dean, ayant été membre du CRCIC, devait connaître le rôle du demandeur dans la réglementation des consultants en immigration et en citoyenneté, et devait rédiger des lettres adressées aux membres du CRCIC, à M. Kent et à M. Mendicino comme seul le ferait un initié. Je conviens aussi que ces communications visaient à promouvoir CICC en le présentant comme un organisme de réglementation concurrent du CRCIC et à laisser croire que CICC devrait devenir le Collège.

[50] M. Dean affirme que la lettre du 25 juin 2020 n’a jamais été adéquatement publiée sur le site Web de CICC, puisqu’il était alors en construction, ou, si elle a été publiée, elle l’a été à son insu et indépendamment de ses intentions. M. Dean affirme qu’il n’est pas propriétaire du site Web de CICC, qu’il n’a pas participé à sa création et qu’il ne contrôlait pas ce qui y était publié ni ce qui était publié sur la page LinkedIn de CICC. En appui à ses affirmations, il renvoie à des documents concernant la conception du site Web et à la réponse de Mme Salloum à la lettre du 25 juin 2020. Aucune preuve directe de Mme Salloum n’a été déposée dans le cadre de la requête.

[51] M. Dean affirme que, pour lui, toutes les lettres qu’il a rédigées étaient des ébauches et qu’elles demeuraient [traduction] « inaccessibles sur le site Web de CICC » jusqu’à ce que CICC soit le nouvel organisme de réglementation approuvé. Il affirme qu’elles ont été accidentellement publiées à cause d’un bogue du site Web godaddy.com. Toutefois, aucune preuve provenant de GoDaddy n’a été déposée dans le cadre de la présente requête ni dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire, où la question de ce bogue avait d’abord été soulevée. Les articles de journaux non spécialisés fournis par M. Dean concernant GoDaddy, qui semblent traiter d’un avis de violation de données déposé auprès du bureau du procureur général de la Californie se rapportant à une atteinte à la sécurité survenue en 2019, ne traitent pas des allégations formulées dans le cadre de la présente requête.

[52] Le demandeur a déposé une preuve indiquant que la lettre était accessible sur la page LinkedIn de CICC. M. Dean affirme qu’il n’était pas responsable du contenu publié sur la page LinkedIn. De plus, il dit croire qu’aucun membre du CRCIC n’était abonné au compte LinkedIn de CICC ou ne faisait partie de ses relations.

[53] Le demandeur n’a déposé aucun élément de preuve dans le cadre de la présente requête en ce qui a trait aux personnes susceptibles d’avoir consulté la lettre du 25 juin 2020 publiée sur la page LinkedIn et, peut‑être, sur le site Web de CICC. Cependant, une publication datée du 28 juin 2020 rédigée par le [traduction] « registraire des membres » a été jointe à l’affidavit de M. Stephan. La publication indique que 1 878 personnes sont devenues membres de CICC au cours de la fin de semaine des 26 et 27 juin 2020. À mon avis, vu la proximité des dates, il y a lieu de croire que la lettre du 25 juin 2020 a eu une incidence sur le nombre de membres.

[54] M. Dean renvoie au contre‑interrogatoire de Mme Kennedy dans le contexte de la requête en injonction interlocutoire au cours duquel elle a affirmé que le CRCIC avait reçu des courriels et des appels au sujet de membres qui avaient reçu une lettre dans laquelle CICC se présentait comme le Collège. M. Dean affirme que Mme Kennedy n’était pas en mesure de confirmer que la lettre du 25 juin 2020 était celle qu’avaient reçue les membres du CRCIC, ni qu’il avait lui‑même envoyé la lettre. Le témoignage de Mme Kennedy concernant la réception de la lettre du 25 juin 2020 et la preuve tirée du site Web ont été analysés par la Cour dans le cadre de la requête en injonction interlocutoire :

[56] Un problème a été soulevé au sujet du site Web de CICC lors du contre‑interrogatoire de Mme Kennedy et de celui de Mme Salloum. Une série de questions ont été posées à Mme Kennedy à propos des lettres envoyées à la fin de juin 2020 par CICC, lettres qu’elle a décrites dans son affidavit et qui sont résumées aux paragraphes 36 et 37 de la présente décision. Pour ce qui est de la lettre du 25 juin 2020 qui commence par la mention [traduction] « AVIS EST PAR LES PRÉSENTES DONNÉ », Mme Kennedy a indiqué qu’elle se souvient bien de l’avoir lue sur le site Web [de CICC] et qu’elle croit qu’elle se trouvait probablement aussi dans le compte Dropbox (les hyperliens y menant ont été fournis dans la demande de renseignements envoyée dans le courriel du 25 juin du membre du CRCIC, décrit au paragraphe 35 de la présente décision). Elle a de plus déclaré avoir cliqué sur l’hyperlien de Dropbox le jour ouvrable suivant le 25 juin. Il n’a jamais été demandé précisément à Mme Kennedy si elle avait également cliqué à ce moment‑là sur l’hyperlien menant au site Web de CICC. Elle a toutefois déclaré qu’elle avait découvert que quelqu’un se faisait passer pour le Collège lorsqu’elle avait reçu une plainte à ce sujet, et qu’elle avait vérifié le site Web à plus d’une reprise, entre les mois de juillet et d’août, lorsque le CRCIC a reçu la plupart des plaintes.

[57] Mme Salloum a décrit un bogue de GoDaddy à cause duquel le site Web est devenu consultable, entre le 29 juin et le 10 juillet, à un moment où il n’était pas censé être accessible au public. Des lettres ont été publiées alors que le site Web privé était en voie de création. Aucune preuve n’a été toutefois produite dans le cadre de la requête, de la part d’un représentant de GoDaddy.com, pour confirmer le bogue et le fait que le site Web des défendeurs en avait été victime. De plus, dans la réponse du 29 juin 2020 à la mise en demeure, il n’a pas été mentionné que le site Web était privé et qu’il était en voie de création, pas plus que dans la défense et la demande reconventionnelle des défendeurs.

[58] Néanmoins, même si le prétendu bogue a eu lieu et que, n’eût été cet incident, le site Web était de nature privée à ce moment‑là, il y a des renseignements très semblables qui figurent dans les extraits de LinkedIn, résumés aux paragraphes 33 et 34 de la présente décision…

[55] Il est manifeste que des éléments de preuve supplémentaires et un témoignage de vive voix à propos de la transmission de la lettre du 25 juin 2020 et de l’incidence de celle‑ci sur les membres du CRCIC seront nécessaires et que la crédibilité des témoins aura de l’importance pour rendre la décision qu’il se doit quant aux questions en litige.

[56] Compte tenu de la preuve dont je suis saisie, il m’est impossible de conclure qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse liée aux alinéas 7a) et 9(1)d) de la LMC.

VI. Autres arguments

[57] Par souci d’exhaustivité, je souligne que M. Dean a présenté dans ses observations écrites deux arguments supplémentaires qui ne figuraient pas dans son avis de requête. Bien qu’il n’ait pas demandé l’autorisation de soulever ces nouveaux arguments, je soulignerai néanmoins que ni l’un ni l’autre ne pourrait être retenu. L’argument de M. Dean selon lequel il devrait être mis hors de cause pour un motif de compétence est sans fondement. M. Dean a déjà reconnu la compétence de la Cour en déposant une défense, et ses activités au Canada liées à CICC créent un lien suffisant pour établir la compétence au Canada. En outre, M. Dean n’a pas démontré en quoi la Charte canadienne des droits et libertés, la Constitution américaine ou le droit à la liberté d’expression qu’il revendique annulent la responsabilité à l’égard des activités alléguées qui contreviennent aux alinéas 7a) et 9(1)d) de la LMC. Ces arguments subsidiaires ne peuvent être retenus dans le cadre de la présente requête.

VII. Dépens

[58] Le demandeur soutient que des dépens majorés devraient lui être adjugés dans le cadre de la présente requête, car son client et son avocat ont été visés par de graves accusations de falsification de la preuve non étayées. À l’appui de sa prétention, le demandeur renvoie à la décision Gordon c Canada, 2019 CF 1348 [Gordon].

[59] Dans la décision Gordon, la Cour a conclu qu’il était justifié d’adjuger des dépens majorés à l’encontre du plaideur, qui n’était pas représenté par un avocat, car il avait lancé à répétition et sans preuve des accusations de malhonnêteté, de malveillance et de mauvaise foi, et qu’il avait constamment refusé de collaborer tout au long de l’instance et du procès.

[60] Le demandeur sollicite l’adjudication des dépens en sa faveur pour les honoraires de deux avocats, sur une base avocat‑client, quelle que soit l’issue de la cause, ou pour les honoraires de deux avocats à l’échelon le plus élevé de la colonne V du tarif. Il affirme que les dépens seraient ainsi comparables à ceux adjugés dans la décision Gordon.

[61] Dans le cadre de la présente requête, M. Dean soulève plusieurs questions concernant des incohérences relevées dans la preuve déposée par le demandeur. Bien que je ne conteste pas que des incohérences dans la preuve soient des questions qu’une partie puisse vouloir soulever lors d’un contre‑interrogatoire, comme il est mentionné ci‑dessus, les questions soulevées étaient, en grande partie, inopportunes dans le cadre de la présente requête, car elles portaient sur des documents déposés par le demandeur dans le cadre d’autres requêtes ou d’autres instances. Des précautions s’imposent avant d’accuser une partie d’inconduite grave ou d’entrave relativement à la preuve, en particulier si la partie visée par l’accusation ne s’est pas vu accorder une occasion appropriée d’aborder les questions concernant la preuve dans le contexte dans lequel cette preuve été déposée. Bien que je ne juge pas que la conduite adoptée dans le cadre de la présente requête pose problème au même degré que celle décrite dans la décision Gordon, où le plaideur avait lancé à répétition des accusations tout au long de l’instance et du procès, et ce, malgré plusieurs avertissements de la Cour, les accusations portées en l’espèce sont néanmoins graves et des conséquences sur les dépens doivent en découler.

[62] Le montant accordé au titre des dépens doit cependant être modulé en fonction d’autres observations concernant la conduite des deux parties à la requête. Je souligne qu’une conférence préliminaire de gestion de l’instance a été tenue en vue d’essayer de réduire le nombre de documents déposés dans le cadre de la requête et pour aider les parties à résoudre les questions préliminaires relatives aux contestations de la preuve. En dépit de ces efforts et des assurances que les parties ont données à la Cour selon lesquelles elles essaieront de simplifier et de résoudre les questions, il ne semble pas qu’elles aient eu d’autres discussions pour faire avancer les choses. Ce manque de collaboration, les deux parties en sont également responsables, et, à mon avis, il a contribué à l’exacerbation des questions qui les opposent et à l’incongruité de la preuve déposée. Cela a non seulement exacerbé le litige, mais aussi fait obstacle à l’examen efficace du bien‑fondé de la requête.

[63] Je conviens qu’il y a lieu d’adjuger les dépens au demandeur quelle que soit l’issue de la cause, mais ils seront adjugés pour les honoraires d’un avocat et conformément à la fourchette supérieure de la colonne III du tarif.


ORDONNANCE dans le dossier T‑834‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête de M. Dean est rejetée;

  2. Les dépens relatifs à la requête sont adjugés au demandeur conformément à la fourchette supérieure de la colonne III du tarif, quelle que soit l’issue de la cause.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑834‑20

 

INTITULÉ :

LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA c CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP., NUHA NANCY SALLOUM ET RYAN DEAN

 

ET ENTRE :

CICC THE COLLEGE OF IMMIGRATION AND CITIZENSHIP CONSULTANTS CORP. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 OCTOBRE 2021

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 DÉCEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Gervas Wall

Gary Daniel

Michelle Noonan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ryan Dean

 

POUR LE DÉFENDEUR RYAN DEAN

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Deeth Williams Wall LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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