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Date : 19980423


Dossier : T-2565-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     DUPONT CANADA INC.,

     demanderesse,

     - et -

     GLOPAK INC.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     Sur la requête de la défenderesse en vue d"obtenir, par voie de jugement sommaire, une déclaration portant que la pellicule GI-911 ne constitue pas une contrefaçon du brevet canadien n 1,205,052, LA COUR, ayant sursis au prononcé du jugement, ORDONNE aujourd"hui que la requête sera rejetée et qu"aucuns dépens ne seront adjugés à l"une ou l"autre des parties.

    

     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


Date : 19980423


Dossier : T-2565-96

ENTRE :

     DUPONT CANADA INC.,

     demanderesse,

     - et -

     GLOPAK INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      La défenderesse présente une requête pour obtenir, par voie de jugement sommaire, une déclaration portant qu"elle ne contrefait pas le brevet canadien n 1,205,052 (le brevet). Le brevet est intitulé [TRADUCTION] " sachets composés d"une pellicule de copolymère d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 " et il est la propriété de l"intimée, DuPont Canada Inc. (DuPont). Le brevet est également connu sous le nom de brevet Storms, d"après le nom de l"inventeur, William J. Storms. Il porte sur un sachet destiné à être rempli avec des matières fluides comme le lait, et en particulier, sur la pellicule de polymère dont le sachet est fait.

[2]      DuPont et la requérante, Glopak Inc. (Glopak), se font concurrence dans la vente de la pellicule servant à faire les sachets pour le lait et de l"équipement utilisé pour remplir et sceller les sachets. En fait, selon toute apparence, elles se disputent ce segment de marché. À l"origine, Glopak fabriquait plusieurs types de pellicule à sachets pour l"industrie laitière, mais elle a abandonné la production de ses pellicules antérieures et, à l"heure actuelle, elle ne fabrique et vend qu"une seule pellicule composite identifiée par le numéro de code GI-911.

[3]      Le 26 juin 1996, DuPont a introduit une action en contrefaçon contre Glopak à l"égard des pellicules vendues et fabriquées par celle-ci, dont la pellicule Glopak. Un mois plus tard, le 24 juillet 1996, DuPont s"est désistée de son action sous toutes réserves. Pendant une courte période, les parties ont semblé évoluer vers des relations paisibles de coopération. Cependant, le 21 novembre 1996, DuPont a introduit une seconde action en contrefaçon contre Glopak. Parmi les mesures demandées dans l"action principale, DuPont cherche à obtenir une injonction interdisant à Glopak :

                 [TRADUCTION]                 
                 (i)      de contrefaire l"invention revendiquée dans le brevet canadien n 1,205,502;                 
                 (ii)      de contrefaire les revendications 3, 4, 13, 16, 17 et 27 de ce brevet;                 
(iii)      de fabriquer, d"utiliser, de vendre ou d"inciter des tiers à fabriquer, utiliser ou vendre des sachets contenant du lait, d"autres liquides ou d"autres matières fluides faits avec la pellicule GLOPAK.

[4]      En mars 1997, quelques mois après l"introduction de la seconde action, Glopak a commencé à fabriquer la pellicule GI-911 et c"est par rapport à cette pellicule que Glopak cherche à obtenir, par voie de jugement sommaire, une déclaration portant que la pellicule ne contrefait pas le brevet de DuPont. L"urgence invoquée par Glopak pour faire trancher cette question par voie sommaire provient de ce que la société souhaite rassurer ses clients sur le fait que sa pellicule actuelle ne contrefait pas le brevet de DuPont, d"autant que c"est la seule pellicule que fabrique actuellement Glopak. Seule la pellicule GI-911 est en cause. Quant aux autres pellicules dont elle a abandonné la fabrication, Glopak accepte que leur sort soit débattu au fond par la suite, vraisemblablement à l"instruction.

[5]      Il importe de noter que, à la différence des autres pellicules en cause dans l"action principale, ni la composition ni le poids de la pellicule GI-911 ne sont contestés.

[6]      L"invention du brevet Storms est fabriquée avec un matériau comportant un copolymère linéaire d"éthylène et une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une certaine masse volumique et un certain indice de fusion. Les débats portent sur les revendications 3, 4, 13, 16, 17 et 27 du brevet Storms. Les éléments en cause dans la revendication 1 apparaissent en caractères gras :

[TRADUCTION] Sachet contenant un produit fluide, ledit sachet étant fait de pellicule de scellement et ayant une forme tubulaire et des extrémités thermoscellées, et ladite pellicule de scellement étant faite d"un matériau comportant de 50 à 100 parties de copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique de 0,916 à 0,930 g/cm3 et un indice de fusion de 0,3 à 2,0 degrés/min, ainsi que de 0 à 50 parties en poids d"au moins un polymère choisi dans le groupe constitué a) d"un copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C4 -C10 ayant une masse volumique de 0,916 à 0,930 g/cm3 et un indice de fusion de 0,3 à 2,0 degrés/min, b) d"un polyéthylène haute pression ayant une masse volumique de 0,916 à 0,924 g/cm3 et un indice de fusion d"environ 1 à 10 degrés/min. et c) de mélanges de a) et b), ladite pellicule de scellement étant choisie parce qu"elle permet la fabrication de sachets dont la valeur de l"essai M est notablement meilleure à la même épaisseur de pellicule que celle des sachets faits de pellicule obtenue à partir d"un mélange de 85 parties de copolymère d"éthylène et de butène-1 ayant une masse volumique d"environ 0,919 g/cm3 et un indice de fusion de 0,75 degré/min, et de 15 parties de polyéthylène haute pression ayant une masse volumique d"environ 0,918 g/cm3 et un indice de fusion de 8,5 degrés/min.

[7]      Le texte cité plus haut est si incompréhensible que, lu à haute voix, il frise le charabia, du moins pour le juge que je suis, tout à fait ignorant, de par sa formation, des notions chimiques invoquées. L"urgence dont se réclamait la défenderesse s"en est trouvée neutralisée, puisqu"on n"a pas fourni au juge un guide, ni même un témoignage de vive voix, pour l"aider à déchiffrer les mystères que recèle la revendication 1 du brevet en cause, citée plus haut. Et la partie demande un jugement sommaire! Un maître en chair et en os, compétent, avec qui le juge aurait pu entamer un dialogue, socratique ou autre, aurait grandement contribué à rendre cette procédure plus sommaire. Je suis bien loin d"être un homme du métier. Évidemment, quand on finit par comprendre, comme c"est maintenant le cas pour moi peut-on penser, tout semble plus simple qu"au début. C"est la raison d'être de l"enseignement.

[8]      Donc, en se basant sur les revendications de ce brevet, DuPont soutient que la pellicule Glopak constitue une contrefaçon du brevet, étant donné qu"il s"agit d"une pellicule " de scellement ", que sa masse volumique est à l"intérieur de la plage des valeurs du brevet, qu"elle est fabriquée avec un polyéthylène haute pression dont l"indice de fusion est compris entre 1 et 10 degrés/min et, enfin, que le sachet a une valeur d"essai M notablement meilleure avec la même épaisseur de pellicule1.

[9]      La pellicule Glopak est constituée de trois couches (l"âme et les couches extérieures) et elle a une certaine masse volumique, qui n"est pas dans la plage spécifiée dans le brevet, soit de 0,916 à 0,930 g/cm3 . Conformément à une ordonnance de non-divulgation peut-être accordée à tort par le protonotaire Morneau, la composition de la pellicule GI-911 ne peut être révélée. Toutefois, le tribunal a noté " et cette observation n"a pas été contestée par les parties " que la masse volumique de la pellicule GI-911 n"est pas dans la plage spécifiée dans le brevet.

    

    [10]      L"un des principaux points de contestation au sujet des autres pellicules est de savoir s"il faut les qualifier de pellicule " composite " ou de pellicule " de scellement ". DuPont fait valoir qu"il s"agit d"une pellicule de scellement, et qu"il faut donc considérer la masse volumique des trois couches ensemble pour déterminer si la pellicule contrefait le brevet. Glopak soutient au contraire qu"il s"agit d"une pellicule composite, de sorte que, pour déterminer s"il y a contrefaçon, il ne faudrait comparer au brevet que la masse volumique totale de la couche extérieure et de la couche intérieure.
    [11]      Aux seules fins de la requête en jugement sommaire, Glopak a accepté de limiter les questions soumises à la Cour. Essentiellement, Glopak a accepté que la Cour considère la masse volumique globale de la pellicule (l"âme et les couches extérieures) pour décider s"il y a contrefaçon. Elle a également accepté que la Cour ne tienne pas compte de la différence des caractéristiques du polyéthylène haute pression qu"elle utilise et elle a concédé que sa pellicule satisferait aux valeurs de l"essai M qui sont indiquées dans le brevet. En autorisant la Cour à ne pas tenir compte de ces questions, Glopak se trouve à concéder que sa pellicule comporte trois des quatre éléments du brevet qui sont en cause. Donc, il ne reste qu"une seule question à trancher : la pellicule Glopak, qui possède une masse volumique qui ne se situe pas dans la plage spécifiée dans le brevet, constitue-t-elle une contrefaçon? En d"autres termes, selon l"argument de Glopak, même si la Cour accepte que sa pellicule comporte trois des quatre éléments du brevet, il n"y a toujours pas contrefaçon du fait que la masse volumique de la pellicule (le quatrième élément) ne correspond pas à celle qu"indique le brevet.
    [12]      Avant d"exposer les arguments des parties pour ou contre le recours au jugement sommaire dans la présente affaire, il faut commencer par exposer les questions en litige telles que les parties les ont définies.
    [13]      Selon DuPont, il y a huit questions que la Cour doit trancher :
         1.      S"agit-il d"une pellicule " composite " ou d"une pellicule " de scellement "? C"est-à-dire, faut-il comparer au brevet les trois couches, comme un tout, ou seulement les couches intérieure et extérieure?
         2.      Est-il nécessaire qu"il y ait un terme ambigu dans le brevet pour qu"il y ait lieu de décider s"il y a eu contrefaçon de la " substance " du brevet?
         3.      La pellicule produite par DuPont selon le brevet peut-elle être utilisée pour conclure à l"équivalence fonctionnelle de la pellicule Glopak et du brevet?
         4.      La pellicule GI-911 comportant une certaine masse volumique protégée, secrète, constitue-t-elle une contrefaçon de la " substance " du brevet, lequel prévoit une plage de 0,916 à 0,930 g/cm3 ?
         5.      Pour décider s"il y contrefaçon du brevet, est-il nécessaire de considérer le polyéthylène haute pression qui constitue l"un des composants de la pellicule Glopak?
         6.      Si le composant à haute pression de la pellicule Glopak doit être pris en compte, l"indice de fusion de la pellicule entre-t-il dans la " substance " du brevet?
         7.      La pellicule Glopak satisfait-elle à l"essai M du brevet?
         8.      Est-ce que Glopak a incité ses clients à contrefaire le brevet de DuPont?
    [14]      Du fait que Glopak a accepté de limiter les questions en vue de la présente requête, il n"est pas nécessaire de traiter la plupart des questions soulevées par DuPont. Aussi, la seule question qui reste est la question 4 : la pellicule Glopak comportant une masse volumique non comprise dans le brevet constitue-t-elle une contrefaçon du brevet? Glopak joue le sort de la requête en jugement sommaire sur la réponse accordée à cette question de la masse volumique.
    [15]      Malgré le fait que la plupart des questions ont été écartées en vue de la requête, DuPont fait valoir qu"il ne convient pas de trancher cette question décisive par voie d"un jugement sommaire. La règle applicable concernant les requêtes pour obtenir un jugement sommaire dispose :
                 432.3      (1) Lorsque le juge est convaincu qu"il n"existe aucune question sérieuse à instruire à l"égard d"une réclamation ou d"une défense, il rend un jugement sommaire en conséquence.                 
                      [...]                 
                                 
                      (4) Lorsque le juge décide qu"il existe une question sérieuse à l"égard de la réclamation ou de la défense, il peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d"une partie, soit sur une question ou en général, sauf dans l"un ou l"autre des cas suivants :                 
                          a) l"ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour qu"il puisse trancher les questions de fait ou de droit;                                         
                          b) il estime injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en vue d"obtenir un jugement sommaire.                                         
    [16]      Pendant une bonne partie de la période écoulée depuis l"audience, il a semblé justifié de rendre une décision selon la règle 432.3(4) a) . DuPont a cité plusieurs affaires au soutien de son argument qu"il ne convient pas de prononcer un jugement sommaire : La Reine c. Gary Bowl Ltd ., [1974] 2 C.F. 146 (C.F. 1re inst.), Allied Colloids Ltd. c. Alkaril Chemicals Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 426 (C.F. 1re inst.), American Cyanamid Co. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 461 (C.F. 1re inst.), Innotech Pty. Ltd c. Phoenic Rotary Spike Harrows Ltd. et al (1996), 68 C.P.R. (3d) 457 (C.F. 1re inst.) et Pallman Maschinenfabrik G.m.b.H. Co. KG c. CAE Machinery Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 26 (C.F. 1re inst.). Dans toutes ces affaires, la Cour a jugé qu"il n"y a pas lieu de prononcer un jugement sommaire lorsque les faits ne sont pas clairs, simples ou qu"ils sont contestés. Ces affaires vont effectivement dans le sens de la position défendue par DuPont, mais, dans la présente affaire, les faits tels qu"ils ont été limités par Glopak conduisent à la conclusion qu"il n"y a plus de question de fait, qu"il s"agit seulement de décider s"il y a eu contrefaçon du brevet.
    [17]      Au cours des débats, DuPont a prétendu que pour déterminer s"il y a contrefaçon du brevet Storms, la Cour doit considérer l"effet qu"entraîne le changement de la masse volumique de celle qui est indiquée dans le brevet Storms à celle qui est employée dans la pellicule GI-911.
    [18]      DuPont s"appuie sur Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 473 (C.A.F.) où le juge Marceau a fait les observations suivantes à la page 488 :
                 La distinction établie par le juge du procès découle, bien sûr, du fait que dans son examen de la question de la contrefaçon, celui-ci a adopté le critère traditionnel à deux volets selon lequel il faut d'abord se demander si les activités de la défenderesse sont clairement embrassées par le libellé des revendications et, dans la négative, si ce que la défenderesse a fait a eu pour effet de prendre la substance de l'invention définie dans les revendications (voir les commentaires du professeur Fox dans son ouvrage Canadian Patent Law and Practice (1969) à la p. 324). Je partage les doutes exprimés par le juge Pratte dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), à l'égard d'une telle façon de voir.                 
                 En droit canadien, comme l'a déclaré il y a longtemps le président Thorson dans la décision McPhar Engineering Co. c. Sharpe Instruments Ltd. (1960), 35 C.P.R. 105 (C. Éch.), [TRADUCTION] " la personne qui prend la substance d'une invention se rend coupable de contrefaçon et il importe peu qu'elle omette une caractéristique qui n'est pas essentielle ou qu'elle lui substitue un équivalent ". Cela étant, je ne vois pas l'utilité du critère traditionnel à deux volets, ni même sa pertinence. Il ne fait aucun doute qu'une violation textuelle simplifierait le problème puisqu'elle mettrait immédiatement fin à l'enquête. Mais il me semble qu'il peut s'agir d'un exercice inutile dans les affaires comme la présente espèce où il peut être difficile d'établir la distinction entre la violation textuelle et la violation de la substance... J'estime qu'on ne devrait pas tenter de créer une distinction entre une contrefaçon de la substance d'une invention et une contrefaçon textuelle dans une affaire comme la présente espèce; il faut interpréter les revendications afin de déterminer ce qui est exactement couvert par la portée des droits de l'inventeur. Une fois cela déterminé, la Cour peut examiner le produit de la défenderesse afin de décider s'il est embrassé par la portée de la revendication.                 
    [19]      En conséquence, la première étape consiste à interpréter le brevet en cause. Pour ce faire, il faut déterminer si la masse volumique indiquée dans le brevet, soit de 0,916 à 0,930 g/cm3, constitue un élément essentiel du brevet de DuPont.
    [20]      Déterminer si la masse volumique de la pellicule constitue un " élément essentiel " du brevet, pour reprendre les termes de lord Diplock dans Catnic Components Ltd. c. Hill and Smith Ltd., [1982] R.P.C. 183, aux pages 242 et 243 :
                 [TRADUCTION] Le mémoire descriptif d'un brevet est une déclaration unilatérale du breveté, rédigée en ses propres mots, à l'intention de tous ceux qui, sur le plan pratique, pourront s'intéresser à l'objet de l'invention (c.-à-d. " les hommes du métier "). Par sa déclaration, le breveté informe ces personnes de ce qu'il estime être les éléments essentiels du produit ou du procédé nouveau sur lequel des lettres patentes lui accordent un monopole. Ce ne sont que ces caractéristiques originales qu'il dit essentielles qui constituent ce qu'on appelle la " substance " de la revendication... La question qui se pose dans chaque cas est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lesquels l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre telle phrase ou tel mot descriptifs figurant dans une revendication, de sorte que toute variante échapperait au monopole revendiqué, même si elle ne pouvait avoir aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention.                 
    [21]      Cela étant dit, il reste qu"en dernière analyse c"est à la Cour seule qu"il incombe d"interpréter le brevet. Dans Martinray Industries Ltd. c. Fabricants National Dagendor Manufacturing Ltd. (1991), 41 C.P.R. (3d) 1, le juge Denault a fait observer à la page 18 qu"une présomption s"impose à l"égard des composantes d"une revendication :
                 Bref, chaque élément d"une revendication sera considéré comme étant essentiel à moins qu"il ne soit évident, pour l"homme de l"art, que l"inventeur savait que le défaut de reprendre cet élément spécifique n"aurait aucune conséquence sur le fonctionnement de l"invention.                 
    [22]      Les parties ont chacune déposé des affidavits souscrits par des " hommes du métier ". Glopak affirme que la masse volumique du copolymère éthylène et octène-1 constitue un élément essentiel du brevet. Pour justifier cette position, Glopak affirme que les déclarations de M. Alan Breck de DuPont, un homme du métier, démontrent cette conclusion. Dans son affidavit, M.. Alan Breck déclare, à la page 130 du dossier conjoint :
                 [TRADUCTION] 5. De façon générale, le brevet concerne les sachets qui peuvent contenir des matières fluides comme le lait. Ces sachets sont fabriqués à l"aide de machines à former, remplir et fermer les sachets, avec l"un des deux composants suivants :                 
                          a)      un copolymère linéaire d"éthylène et une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une certaine masse volumique et un certain indice de fusion; et                                         
                          b)      un composant facultatif qui peut être :                 
                              i. un copolymère linéaire d"éthylène et une alpha-oléfine en C4 -C10;                 
                              ii. un polyéthylène haute pression; ou                 
                              iii. un mélange de a) et de b)                 
                      [Non souligné dans l"original]                 
    Plus tard, il déclare sous serment (même page) :                 
                      [TRADUCTION] 6. Dans le cas du copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10, selon la revendication n 1, il doit avoir une masse volumique de 0,916 à 0,930 g/cm3 et un indice de fusion de 0,3 à 2,0 degrés/min.                 
                      [Non souligné dans l"original]                 
    De même, à la page 134 :                 
                      [TRADUCTION] 17. À mon avis, selon la déclaration de GLOPAK dans sa défense et demande reconventionnelle, l"affidavit de M. Edwards et les informations fournies par les procureurs de GLOPAK, la pellicule GLOPAK a toutes les caractéristiques chimiques et de pourcentage en poids qui sont énumérées dans la revendication n 1 du brevet Storms, sauf pour ce qui est de la masse volumique du copolymère éthylène et octène-1 et de l"indice de fusion du polyéthylène haute pression.                 
         [Non souligné dans l"original]
    [23]      Au cours du contre-interrogatoire, M. Breck a confirmé que la masse volumique du copolymère éthylène et octène-1 était un élément essentiel du brevet (pages 265 à 266 du dossier conjoint) :
                 [TRADUCTION]                 
                 Q. 99.      Mais j"attire votre attention sur le contexte du paragraphe 5a : " un copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 ... ayant une certaine masse volumique et un certain indice de fusion ", et je fais abstraction du mot " facultatif ". Si ce point est facultatif, je ne m"occupe pas de " polyéthylène haute pression ".                 
                      Je vous demande donc, compte tenu du contexte, où il est question d"un produit qui est un copolymère linéaire de l"éthylène et de l"octène-1, si la masse volumique ne serait pas un élément essentiel de ce produit.                 
                          R.      Oui, c"est cela.                 
                      [...]                 
                                 
                 Q. 104.      Et il est essentiel qu"elle soit dans la plage, comme vous le dites, de 0,916 à 0,930?                 
                          R.      Oui, cela ne fait aucun doute.                 
    [24]      Lors du réinterrogatoire mené par l"avocat de DuPont, M. Breck a ajouté les commentaires suivants (pages 323 et 324, 326) :
                 [TRADUCTION]                 
                 Me Cameron :                 
                 Q. 391.      Très bien. Regardez maintenant au milieu de la page 27. On y lit :" Mais j"attire votre attention sur le contexte du paragraphe 5a : "un copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 ...ayant une certaine masse volumique et un certain indice de fusion", et je fais abstraction du mot "facultatif" "; que qualifie-t-il de " facultatif ", selon vous?                 
                          R.      Le composant facultatif.                 
                 Q. 392      Très bien.                 
                          R.      C"est-à-dire " b ".                 
                 Q. 393      Il continue : " Si ce point est facultatif, je ne m"occupe pas de "polyéthylène haute pression" ".                 
                      " Je vous demande donc, compte tenu du contexte, où il est question d"un produit qui est un copolymère linéaire d"éthylène et d"octène-1, si la masse volumique ne serait pas un élément essentiel de ce produit. " Vous avez répondu "Oui, c"est cela. ". Pouvez-vous expliquer votre réponse?...                 
                 Q. 394      Voulez-vous dire que la masse volumique n"est pas un élément essentiel, ou qu"elle est un élément essentiel ?                 
                          R.      Voyez-vous, dans le contexte de la pellicule qui peut servir à la fabrication de sachets de lait utilisables avec des machines de type Prepak, si vous commencez à parler des divers composants, il y a un peu de confusion, mais si ce qui vous intéresse, c"est seulement de savoir si, vous pouvez utiliser le composant A pour fabriquer votre pellicule, dans ce cas, il est évident pour moi qu"il doit avoir une masse volumique dans la plage spécifiée dans le brevet Storms pour que le produit soit utilisable.                 
                      ...                 
                 Q. 399      La question est celle-ci : compte tenu du paragraphe 16d de votre affidavit, pouvez-vous expliquer votre réponse de la page 28? Expliquez pourquoi vous dites qu"il est essentiel que la masse volumique de l"octène-1 soit dans la plage de 0,916 à 0,930.                 
                          R.      Ici, on parle de fabriquer de la pellicule à sachets avec le copolymère éthylène-octène seulement et, si c"est le cas, je crois que sa masse volumique devra certainement être dans la plage spécifiée. Mais si on parle de mélanges, au cours desquels on peut compenser certains facteurs par d"autres afin d"obtenir un produit qui aura quand même ces propriétés essentielles, alors je ne suis pas aussi sûr qu"elle devra être exactement dans la plage.                 
    [25]      Cette dernière déclaration montre que la position de DuPont est qu"on peut dire que le brevet Storms vaut pour une masse volumique inférieure à 0,916 g/cm3 . À l"appui de cette déclaration, M. Breck a fait sous serment les déclarations ci-dessous à la page 138 du dossier conjoint :
                 [TRADUCTION]                 
                 34.      Le brevet Storms a divulgué le procédé de fabrication d"une pellicule à sachets à partir de copolymères linéaires d"éthylène et d"octène-1 à faible masse volumique , plutôt qu"avec des copolymères linéaires à masse volumique moyenne ou élevée, qui étaient les trois sous-groupes de copolymères d"éthylène linéaires disponibles dans le commerce en Amérique du Nord au début des années 80.                 
                 35.      Si je comprends bien, le brevet Storms, pour lequel une demande a été présentée en 1982, a été délivré en 1986. À cette époque, du moins en Amérique du Nord, la limite inférieure de la masse volumique des polyéthylènes haute pression à faible masse volumique était de l"ordre de 0,916 g/cm3 . Vers le milieu des années 80, on a commercialisé en Amérique du Nord des polyéthylènes à très faibles masses volumiques qui étaient des copolymères linéaire d"éthylène et d"autres oléfines à chaînes plus longues, à masses volumiques dans la plage de 0,900 à 0,915 g/cm3 . La pièce A de cet affidavit est un article du CEH Marketing Research Report on Linear Low-Density Polyethylene (LLDPE) (rapport de recherche du CEH sur les résines de polyéthylène linéaire à faible masse volumique), 1996, Chemical Economics Handbook - SRI International, qui présente l"historique de ces résines.                 
                 36.      À mon avis, toute personne qui aurait lu le brevet Storms lors de sa divulgation en 1986 aurait compris que la masse volumique spécifiée dans les revendications pour le copolymère, comprise entre 0,916 et 0,930 g/cm3, n"excluait pas les nouveaux copolymères à plus faible masse volumique. Je n"ai rien pu trouver dans le brevet Storms qui pourrait exclure l"utilisation de ces résines.                 
    [26]      DuPont ajoute que le changement dans la masse volumique ne change rien au mode de fonctionnement du procédé. À l"appui de cette prétention, DuPont a effectué des expériences visant à démontrer l"effet de la variation de la masse volumique du composant de la pellicule, de 0,916 à la masse volumique de la pellicule de Glopak. Ces expériences démontrent que la pellicule GI-911 présente des caractéristiques physiques très semblables à celles de la pellicule DuPont SM3, une pellicule qui est représentative de celles du brevet Storms. Dans son affidavit, M. Breck conclut que la pellicule Glopak GI-911 est fonctionnellement équivalente à la pellicule DuPont SM3. Cette conclusion est basée sur le fait qu"à son avis, si l"on remplace la pellicule DuPont par la pellicule Glopak, très peu d"ajustements sont requis, voire aucun. De plus, avec cette pellicule, les machines à former, remplir et fermer les sachets fonctionnent à la même cadence. Enfin, les expériences de M. Breck ont permis de constater que les essais de résistance à l"impact, d"aspect trouble, de transmittance lumineuse, de brillant spéculaire et de RMN donnent des résultats semblables pour les deux pellicules.
    [27]      Ces observations appellent des commentaires. Pour commencer, DuPont cherche à établir une comparaison entre la pellicule Glopak et la pellicule produite par elle-même pour déterminer s"il y a contrefaçon du brevet Storms. Sur ce point, plusieurs juges de la Cour ont déjà statué que ce n"est pas la bonne façon de déterminer s"il y a contrefaçon. Selon les termes du juge Dubé dans Airseal Controls Inc. c. M & I Heat Transfer Products (1993), 53 C.P.R. 259 à la page 2702 :
                 Il est également un fait établi que l"on n"évalue pas une contrefaçon en comparant le produit de l"invention au produit du contrefacteur, mais plutôt en comparant le produit du contrefacteur au brevet relatif à l"invention, et, plus particulièrement, aux revendications de cette dernière.                 
    [28]      Par conséquent, il ne s"agit pas de savoir si le changement de masse volumique produit un effet sur le fonctionnement de la pellicule DuPont, mais si le changement produit un effet sur le fonctionnement de l"invention du brevet Storms. Pour l"instant, même si la Cour accepte les prétentions de DuPont qu"il ne produit pas d"effet sur le fonctionnement de cette invention, cela ne revient pas à conclure que la masse volumique ne constitue pas un élément essentiel du brevet. Lord Diplock a déclaré dans l"affaire Catnic à la page 243 :
                 [TRADUCTION] Lorsque les connaissances dont on dispose à une époque donnée ne sont pas de nature à rendre cela évident, le lecteur peut à bon droit supposer que le breveté a estimé au moment de la rédaction du mémoire descriptif qu'il avait de bons motifs de restreindre si strictement son monopole et que telle a été son intention, même si les travaux accomplis ultérieurement par lui ou par d'autres personnes dans le domaine dont relève l'invention peuvent démontrer l'inutilité de cette restriction. La question ne doit recevoir une réponse négative que s'il serait évident pour un lecteur qui s'y connaît dans le domaine que le breveté, s'y connaissant également, n'a pu vouloir que telle expression ou tel mot descriptifs employés dans une revendication emportent l'exclusion de variantes mineures qui, autant que lui et les lecteurs auxquels le brevet est destiné sachent, ne peuvent avoir aucune incidence sur le fonctionnement de l'invention.                 
    [29]      Si l"on applique ces principes, la question serait : d"après le mémoire descriptif, est-il évident, pour un lecteur qui est un homme du métier, que la description du sachet breveté " faite d"un matériau comportant de 50 à 100 parties d"un copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique de 0,916 à 0,930 g/cm3 " ne peut être destinée à exclure les copolymères à faibles masses volumiques, de sorte que la revendication s"appliquerait à tout copolymère linéaire d"éthylène et d"alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique inférieure à 0,930 g/cm3?
    [30]      Dans Eli Lilly & Co. c. O"Hara Manufacturing Ltd. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), à la page 5, le juge Pratte a remarqué que la réponse à la question :
    [...] dépend de l"interprétation donnée aux revendications. Cette réponse doit par conséquent être compatible avec le texte de celles-ci. Le tribunal doit interpréter les revendications; il ne peut les récrire. Lorsqu"un inventeur a clairement déclaré dans les revendications qu"il tenait un élément pour essentiel à son invention, le tribunal ne saurait en décider autrement pour la seule raison qu"il se trompait. Je me permettrai également d"ajouter que le tribunal, dans l"interprétation des revendications, essaie simplement de dégager l"intention de l"inventeur; il ne saurait donc conclure que la stricte conformité avec un mot ou une expression utilisés dans une revendication ne constitue pas une exigence essentielle de l"invention, sauf si de toute évidence, l"inventeur savait que le fait de ne pas s"y conformer n"aurait aucun effet important sur le fonctionnement de celle-ci.
    [31]      À ce sujet, l"expert de Glopak, M. John Edwards, croit que l"inventeur souhaitait restreindre la portée de son invention à certaines pellicules, c.-à-d. à celles qui comportent un copolymère linéaire d"éthylène et une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique comprise entre 0,916 et 0,930 g/cm3. Il base sa conclusion sur le fait que la résine à faible masse volumique que M. Storms a testée avait une masse volumique de 0,918 g/cm3. Par conséquent, le fait que l"inventeur ait réduit de 0,002 g/cm3 la masse volumique de la résine spécifiée dans le brevet démontre clairement que l"inventeur souhaitait limiter la plage inférieure des masses volumiques revendiquées pour son invention.
    [32]      M. Breck ne présente aucune justification à l"appui de sa prétention du paragraphe 36 de son affidavit, que toute personne qui aurait lu le brevet Storms lors de sa publication en 1986 aurait compris que la mention d"une masse volumique comprise entre 0,916 et 0,930 g/cm3 , dans les revendications ayant trait au copolymère, n"excluait pas les nouveaux copolymères à faible masse volumique. Cependant, il existe des éléments de preuve qui démontrent le contraire.
    [33]      Au cours du contre-interrogatoire (dossier conjoint, pages 283et 284), on a posé à M. Breck la question suivante :
                 [TRADUCTION]                 
                 Q. 202      ...Il [M. Storms] a déposé les résultats d"autres travaux de développement sur l"hexène, et il savait bien depuis assez longtemps que des résines à faible masse volumique - à très faible masse volumique - étaient utilisées au Japon, et ont été introduites en Amérique du Nord par la suite; pourtant il n"a pas jugé opportun de modifier son brevet en conséquence.                 
                          R.      Non.                 
                 Q. 203      Ne croyez-vous pas que cela indique que son intention était de ne pas inclure ces résines dans ses travaux de développement, dans sa plage de masses volumiques?                 
                      [...]                 
             R.      [...] Cela ne signifie pas que vous avez la résine, que vous êtes en mesure de la tester, que vous êtes en mesure de décider si elle est utilisable pour l"invention, et ainsi de suite. Il y a une longue chaîne d"événements qui entrent en jeu.
    [34]      Si, selon M. Breck, l"inventeur aurait dû effectuer d"autres essais afin de déterminer si ses résultats s"appliquaient aux résines à masses volumiques ultra faibles, cela peut seulement vouloir dire qu"il n"était pas évident pour M. Storms qu"une variante n"aurait pas d"effet matériel sur le fonctionnement du procédé. DuPont n"a fourni absolument aucune preuve tendant à établir qu"il aurait été évident pour un homme du métier en mai 1986 que l"utilisation de résines à masses volumiques ultra faibles n"aurait pas d"effet significatif sur le fonctionnement du procédé. Rien ne prouve que, à cette époque, personne d"autre dans l"industrie n"ait effectué des essais à l"appui des conclusions de M. Breck, selon lesquelles l"utilisation de ces résines n"aurait pas d"effet significatif sur le fonctionnement du procédé. La thèse de M. Breck aurait supposé une brèche dans les limites de type métaphysique utilisées par Storms pour délimiter ses revendications. Elle aurait impliqué que M. Storms ait rendu plus floues ses valeurs de masse volumique par rapport aux valeurs très précises ci-dessus, " peut-être un peu moins de 0,916 g/cm3 à peut-être un peu plus de 0,930 g/cm3 ". Un titulaire de brevet ne peut pas faire accepter cela, et M. Storms n"a même pas essayé. Pour ces raisons, le paragraphe 36 de l"affidavit de M. Breck est absurde.
    [35]      Par conséquent, il faut répondre par la négative à la question définie ci-dessus : " D"après le mémoire descriptif, est-il évident, pour un lecteur qui est un homme du métier, que la description du sachet breveté " fait d"un matériau comportant de 50 à 100 parties d"un copolymère linéaire d"éthylène et d"une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique de 0,916 à 0,930 g/cm3 " ne peut être destinée à exclure les copolymères à faible masse volumique, de sorte que la revendication s"appliquerait à tout copolymère linéaire d"éthylène et à une alpha-oléfine en C6 -C10 ayant une masse volumique inférieure à 0,916 g/cm3? ", pour la raison que :
                 [TRADUCTION] La question ne doit recevoir une réponse négative que s'il serait évident pour un lecteur qui s'y connaît dans le domaine que le breveté, s'y connaissant également, n'a pu vouloir que telle expression ou tel mot descriptifs employés dans une revendication emportent l'exclusion de variantes mineures qui, autant que lui et les lecteurs auxquels le brevet est destiné sachent, ne peuvent avoir aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention.                 
                 [Non souligné dans l"original]                 
    (lord Diplock, arrêt Catnic, précité, à la page 243)
    [36]      Même si la Cour accepte l"affirmation de M. Breck que le changement de masse volumique n"a pas d"effet significatif à l"heure actuelle sur le mode de fonctionnement de l"invention, ce n"est pas là le critère à appliquer, selon l"arrêt Catnic . Le critère est plutôt s"il aurait été apparent pour tout lecteur homme du métier au moment où le brevet a été délivré que le changement n"aurait pas d"effet significatif sur le mode de fonctionnement de l"invention. Puisqu"on n"a pas fait d"expériences et qu"il n"a pas été démontré que la chose était connue au moment où le brevet a été délivré, la Cour ne peut conclure qu"il était évident que la masse volumique n"aurait pas d"effet significatif sur le mode de fonctionnement de l"invention.
    [37]      Par conséquent, la masse volumique qui, selon le brevet, est comprise entre 0,916 et 0,930 g/cm3, constitue un élément essentiel du brevet. Donc, le brevet, pour ce qui est de la masse volumique du premier élément, ne couvre que les masses volumiques dans la plage de 0,916 à 0,930 g/cm3. Étant donné que les caractéristiques de la pellicule GI-911 ne correspondent pas à cette plage, la pellicule n"est pas une contrefaçon du brevet, puisque Glopak ne s"est pas approprié la substance de l"invention.
    [38]      Au terme de cette longue analyse, le raisonnement prend maintenant une tournure surprenante. La déclaration de DuPont a été déposée le 21 novembre 1996, et la défense et demande reconventionnelle de Glopak, le 2 mai 1997. La Cour note les allégations formulées au paragraphe 24 du document déposé par Glopak :
                 [TRADUCTION]                 
    24.      La défenderesse a vendu *** dans une liste d"échantillons identifiés par DuPont *** des produits identifiés par le numéro de code [sic ] GI-8 et GI-9, qui ont été abandonnés, et la défenderesse fabrique et vend maintenant une seule pellicule composite, identifiée par le numéro de code GI-911.
    [39]      Il a été dit à la Cour que la fabrication de la pellicule GI-911 a commencé en mars 1997, soit quelques mois après le dépôt de la deuxième déclaration en novembre 1996. Cela est confirmé par le paragraphe 24 des actes de procédure déposés par Glopak en mai 1997. Donc, à moins qu"on ne prête la clairvoyance à la demanderesse et à ses avocats (ce que la Cour n"est pas disposée à faire), la déclaration de DuPont n"embrasse pas la pellicule GI-911 et ne peut donc alléguer que celle-ci contrefait le brevet Storms. La déclaration, évidemment, ne fait mention que de la " pellicule de Glopak ". La requête pour jugement déclaratoire doit néanmoins être rejetée puisque la pellicule GI-911 n"a jamais été en cause dans l"action. Les demandes de jugement sommaire présentées dans ces circonstances laissent beaucoup à désirer, notamment par l"absence d"interrogatoire de vive voix.
    [40]      Peut-être DuPont souhaiterait-elle englober la pellicule GI-911 dans son action, mais elle ne peut sûrement pas le faire maintenant sans une modification expresse de sa déclaration. Peut-être les avocats ont-ils accepté, sans le dire au juge, de ne pas faire état du problème de dates indiqué plus haut. Sur le fondement de ce qui a été porté à la connaissance de la Cour, la requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant l"action en ce qui concerne la pellicule GI-911 doit être rejetée, puisqu"il n"y a pas d"action portant sur la pellicule GI-911. Sur cette requête, aucuns dépens ne seront adjugés à l"une ou l"autre des parties.
    OTTAWA (ONTARIO)
    Le 23 avril 1998
        
                                                 Juge
    Traduction certifiée conforme
   
    Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2565-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DUPONT CANADA INC.

                     ET

                     GLOPAK INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          20 NOVEMBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON EN DATE DU 23 AVRIL 1998.

ONT COMPARU :

JOHANNE GAUTHIER              POUR LA DEMANDERESSE

J. NELSON LANDRY

DONALD CAMERON              POUR LA DÉFENDERESSE

AARON SCHWARTZ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVY RENAULT                  POUR LA DEMANDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

SMITH LYONS                  POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

__________________

1      L"essai M sert à mesurer la résistance des sachets. Pour cet essai, on remplit les sachets d"eau et on les laisse ensuite tomber d"une hauteur de 5 pi sur un plancher de béton. Le nombre de sachets qui se brisent ou qui fuient après l"impact, exprimé en pourcentage du nombre total de sachets lâchés, est la valeur de l"essai M pour la pellicule.

2      Le jugement a été confirmé en appel : (1997), 77 C.P.R. (3d) 126 (C.A.F.).

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