Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990215


Dossier : T-2784-97

OTTAWA (Ontario), le lundi 15 février 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED

ENTRE :

     KIRIN-AMGEN INC. et JANSSEN-ORTHO INC.,

     demanderesses,

     - et -

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED/

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITÉE (anciennement BOEHRINGER

     MANNHEIM CANADA LTD./LTÉE),

     défenderesse.

     JUGEMENT

     VU l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 30 novembre 1998 et les 1er, 2, 3 et 4 décembre 1998, et poursuivie à Ottawa (Ontario) le 10 décembre 1998;

     ET pour les motifs de jugement prononcés en ce jour;

     LA COUR DÉCLARE PAR LA PRÉSENTE CE QUI SUIT :

1.      La commercialisation, la vente ou l'utilisation de l'EPOhr RECORMON de la défenderesse contrefont la revendication 1 du brevet 1,339,047;

     LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE CE QUI SUIT :

2.      Il est interdit à la défenderesse, à ses dirigeants, à ses administrateurs, à ses employés, à ses agents ainsi qu'à toutes les personnes sur lesquelles elle exerce un contrôle :
     a)      de contrefaire le brevet;
     b)      de commercialiser ou de vendre au Canada le produit d'EPOhr RECORMON;
     c)      d'inciter ou d'aider d'autres personnes au Canada à commercialiser, à vendre ou à utiliser le produit d'EPOhr RECORMON;
3.      La défenderesse doit restituer aux demanderesses tous les produits d'EPOhr RECORMON visés par l'ordonnance figurant au paragraphe 2 ci-dessus;
4.      La défenderesse versera aux demanderesses des dommages-intérêts ou restituera les bénéfices qu'elle aura réalisés, au choix des demanderesses après communication complète de la preuve à l'égard de chacun de ces redressements, si l'un ou l'autre est ou devient opportun;
5.      La défenderesse versera aux demanderesses l'intérêt sur tout montant déterminé à compter de la date ou des dates fixées après observations à ce sujet, au taux d'intérêt débiteur plus 1 p. 100, si la détermination de ce montant est ou devient opportune.
6.      La défenderesse doit verser aux demanderesses les dépens, qui seront établis après que les parties auront présenté leurs observations à ce sujet.

     B. Reed

                                              Juge

    

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger LL.L.


Date : 19990215


Dossier : T-2784-97

ENTRE :

     KIRIN-AMGEN INC. et JANSSEN-ORTHO INC.,

     demanderesses,

     - et -

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED/

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITÉE (anciennement BOEHRINGER

     MANNHEIM CANADA LTD./LTÉE),

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE REED


[1]      Les demanderesses intentent une action en contrefaçon de brevet à laquelle la défenderesse répond que la revendication particulière du brevet en question n'est pas valide, et que la contrefaçon présumée n'a pas été prouvée de toute façon. Le brevet numéro 1,339,047 (parfois désigné sous le nom de " brevet Lin ") porte le titre " Production d'érythropoïétine ". L'érythropoïétine (EPO) humaine est une hormone glycoprotéique produite par les reins qui stimule la moelle osseuse à produire les globules rouges et leurs précurseurs (réticulocytes). Elle est composée d'un squelette de 165 acides aminés replié sur lui-même et fixé par deux liaisons bisulfures. (Les représentations schématiques d'EPO déposées en preuve lui donnent l'apparence d'une chaîne de bicyclette repliée). Plusieurs chaînes latérales glucidiques sont attachées au squelette protéique, soit trois longues ramifications et une courte. L'érythropoïétine humaine recombinante (EPOhr), objet du brevet, est une glycoprotéine fabriquée, semblable par sa structure et sa fonction à l'érythropoïétine humaine. La glycoprotéine fabriquée est un produit de la technologie de l'ADN.


[2]      Les demanderesses prétendent que la défenderesse a contrefait le brevet '047 en distribuant au Canada une EPO humaine recombinante appelée RECORMON et qu'elle a l'intention de le contrefaire encore davantage en vendant ce produit au Canada. C'est la revendication 1 du brevet qui est ici en litige :

     [TRADUCTION] Une glycoprotéine ayant la conformation primaire de l'érythropoïétine humaine telle qu'illustrée dans les figures 5A à 5E, ledit produit possédant la propriété biologique in vivo de provoquer l'augmentation de la production des réticulocytes et des globules rouges par la moelle osseuse et possédant une masse moléculaire supérieure à celle de l'EPO urinaire telle que mesurée par la technique SDS-PAGE. [Les italiques sont ajoutées.]         

[3]      La glycoprotéine décrite dans la revendication 1 possède trois caractéristiques : 1) une structure primaire d'érythropoïétine humaine telle que présentée dans le brevet; 2) la propriété biologique in vivo de provoquer une augmentation de la production de réticulocytes et des globules rouges par la moelle osseuse; 3) une masse moléculaire supérieure à celle de l'EPO urinaire humaine telle que mesurée par la technique SDS-PAGE. Le litige ne porte pas sur la validité des deux premières caractéristiques décrites. On ne conteste pas que le produit de la défenderesse, le RECORMON, possède ces caractéristiques. C'est la troisième caractéristique qui est au centre de la présente action.

[4]      La défenderesse soutient que le troisième élément de la revendication 1 est vague et ambigu et qu'en conséquence, cette dernière est invalide parce qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 34(1)e) et du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4. La défenderesse soutient que la divulgation ne décrit pas d'une façon exacte et complète l'invention comme l'exige l'alinéa 34(1)a) de la Loi sur les brevets, et qu'elle n'expose pas le mode de confection du composé de matières dans des termes complets et clairs qui permettent à toute personne versée dans l'art de le confectionner, comme l'exige l'alinéa 34(1)b) de la Loi sur les brevets1. (Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défenderesse s'est fondé sur l'alinéa 34(1)b), bien que cet alinéa ne soit pas mentionné dans la défense). La défenderesse soutient que même si la revendication est valide, les demanderesses n'ont pas prouvé que le produit de la défenderesse contrefait le brevet2.

[5]      Le brevet en litige faisait initialement partie d'une demande de brevet plus étendue, déposée le 12 décembre 1984 et aussi intitulée " Production d'érythropoïétine ". Le 19 août 1994, la demande visant le brevet numéro '047 a été séparée de cette demande initiale. Le brevet numéro '047 a été délivré le 27 mai 1997. Le reste de la demande initiale, qui fait l'objet d'une procédure en matière de conflit, est encore en instance devant le Bureau canadien des brevets.

Interprétation / Validité - Droit applicable

[6]      La Cour doit interpréter le brevet comme le ferait une personne versée dans l'art à qui ce brevet est destiné. Cette interprétation peut nécessiter la présentation d'éléments de preuve pour expliquer le sens de certains mots et certains aspects techniques et pour informer la Cour des renseignements pertinents concernant l'" art " en question. Pour interpréter les revendications, il faut les lire à la lumière du mémoire descriptif pris dans son ensemble, avec un esprit désireux de comprendre et un souci d'équité tant pour le breveté que pour le public. En général, les notes de l'inventeur ou les éléments de preuve sur ce que la personne croyait avoir inventé ou sur la façon dont le brevet devrait être interprété ne sont pas pertinents.

[7]      Les revendications d'un brevet doivent être interprétées en date de la délivrance du brevet. C'est ce que dit clairement la Cour d'appel fédérale dans AlliedSignal Inc. c. Du Pont Canada Inc. et al. (1995), 61 C.P.R. (3d) 4173. L'avocat de la défenderesse soutient que cet énoncé tiré de l'arrêt AlliedSignal est une opinion incidente. Il dit que, tout bien considéré, la jurisprudence indique que c'est la date du dépôt de la demande initiale qui devrait servir à l'interprétation d'un brevet4. Il ajoute que dans AlliedSignal, la Cour n'a pas tenu compte des commentaires de la Cour suprême dans Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, à la page 1638, selon lesquels le brevet doit renfermer une description adéquate pour permettre à une personne de réaliser l'invention, comme pouvait le faire l'inventeur au moment de présenter sa demande.

[8]      Pour ce qui est de la date à laquelle il convient d'interpréter le brevet, l'avocat des demanderesses soutient que la date pertinente n'importe pas en l'espèce, que le brevet n'était pas ambigu et qu'il était suffisamment détaillé pour permettre à une personne versée dans l'art dont il relève de le suivre tant à la date de sa demande qu'à celle de sa délivrance.

[9]      Je considère que je suis liée par l'arrêt AlliedSignal et que je dois interpréter le brevet en date de sa délivrance. Toutefois, je me reporterai aussi à des éléments de preuve concernant la période antérieure à la délivrance du brevet parce qu'ils peuvent être pertinents pour l'interprétation relative à la période postérieure à la délivrance du brevet et qu'il se peut qu'en appel, un tribunal supérieur juge important que les conclusions lui soient soumises.

[10]      Lorsqu'elle est saisie d'une action en contrefaçon de brevet, la Cour doit d'abord interpréter la revendication censément contrefaite5 puis examiner sa validité6 ou sa contrefaçon7. En l'espèce, étant donné que la validité de la revendication du brevet est contestée pour cause d'ambiguïté et d'insuffisance, la validité est étroitement liée à l'interprétation. Elle l'est davantage que, par exemple, dans le cadre d'une contestation fondée sur l'évidence ou l'antériorité. J'examinerai donc ensemble les arguments relatifs à l'interprétation et à l'invalidité, en citant les éléments suivants de la revendication : masse moléculaire/masse moléculaire apparente; technique SDS-PAGE; EPO urinaire humaine; masse moléculaire supérieure. Je ferai ensuite quelques observations sur les témoins et sur certaines questions de preuve. Enfin, je traiterai de la contrefaçon et de l'octroi de licence à Janssen-Ortho Inc.

Masse moléculaire / Masse moléculaire apparente

[11]      La masse moléculaire est la masse ou le poids d'une molécule de substance. On la mesure en daltons, abrégée en 3d3 ou 3da3. La masse moléculaire est la somme des masses des atomes qui composent la molécule. Par exemple, la masse atomique de l'hydrogène, l'élément le plus simple, est de 1, celle du carbone est de 12 et celle de l'oxygène, 16. Ainsi, la masse moléculaire de l'eau, composée d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène, est la somme des masses atomiques d'un atome d'oxygène (16 da) et de 2 atomes d'hydrogène (1 da chacun) pour un total de 18 daltons. Le glucose, un sucre, est composé de 6 atomes de carbone, de 12 atomes d'hydrogène et de 6 atomes d'oxygène donnant une masse moléculaire de 180. Cette masse moléculaire calculée à partir des masses atomiques connues des différents atomes et basée sur la composition atomique de la molécule, est désignée sous différentes appellations, c'est-à-dire la masse moléculaire " théorique ", " réelle ", ou " absolue ".

[12]      Les molécules de protéine sont très grosses. Chaque molécule protéique contient des milliers d'atomes parce que chacune est composée de chaînes de molécules plus petites reliées entre elles. Les protéines possèdent donc des masses moléculaires qui sont de l'ordre du millier et jusqu'à des centaines de milliers de daltons. (Un millier de daltons, un kilo-dalton, est abrégé en 1 kd ou 1 kda). Compte tenu de la dimension de plusieurs molécules protéiques et du fait que leur composition n'est pas toujours connue de façon précise, on ne peut calculer leur masse moléculaire avec le même degré de précision qu'il est possible de le faire avec les molécules plus simples. C'est particulièrement vrai d'une glycoprotéine comme l'EPO. Dans ce cas, on détermine plutôt la masse moléculaire apparente de la molécule. La technique SDS-PAGE est une méthode utilisée pour ce type de détermination. (Il existe maintenant des méthodes de mesure plus exactes, comme la spectroscopie de masse, qui n'existaient pas à l'époque du dépôt de la demande de brevet.)

[13]      Passons maintenant à la divergence de vue concernant l'interprétation du brevet dans la mesure où le terme " masse moléculaire " est concerné. Le Dr Sytkowski8 prétend que la revendication du brevet est ambiguë parce qu'elle réfère seulement à la masse moléculaire de l'EPO et non à la masse moléculaire apparente. Je préfère le témoignage des Drs Sawyer et Strickland selon lequel toute personne versée dans l'art lirait la revendication en sachant qu'on y fait allusion à la masse moléculaire apparente : c'est-à-dire la caractéristique d'une grosse molécule glycoprotéique telle que mesurée par la technique SDS-PAGE.

SDS-PAGE

[14]      Comme on l'a mentionné plus haut, la technique SDS-PAGE est utilisée pour déterminer la masse moléculaire apparente des protéines. SDS-PAGE est l'acronyme en langue anglaise de sodium dodecyl sulphate (sulfate de dodécyle sodique) et de polyacrylamide gel electrophoresis (électrophorèse sur gel de polyacrylamide). Le SDS est un détergent utilisé pour enrober (saturer) les échantillons des protéines analysés de telle sorte que les protéines soient couvertes de charges électriques négatives. La saturation au SDS abolit l'importance des charges négatives ou positives des protéines. Le processus de dénaturation entraîne aussi le dépliement des molécules de protéines de telle sorte que leur forme recroquevillée n'influe pas sur leur migration dans un champ électrique. Le SDS ne se fixe pas aux chaînes latérales glucidiques9.

[15]      L'électrophorèse est une technique dans laquelle des échantillons de protéines placés dans un champ électrique se déplacent à travers un support (dans ce cas, un gel de polyacrylamide) entre les deux charges opposées du champ électrique (dans ce cas, depuis le haut de l'appareil chargé négativement, vers le bas chargé positivement). La vitesse à laquelle les protéines se déplacent à travers le gel (leur mobilité) est déterminée par leur dimension. Les petites protéines se déplacent plus rapidement que les grosses. La technique SDS-PAGE est donc utilisée pour estimer la dimension d'une protéine, dimension qu'on peut considérer comme analogue à sa masse moléculaire. La masse moléculaire est déterminée par la position de la protéine dans le gel après un certain temps d'exposition au champ électrique.

[16]      Après une séparation sur SDS-PAGE, on doit enregistrer les résultats sous une forme visible. Une façon d'y arriver est de tremper le gel dans une solution de colorant ou dans un mélange chimique contenant de l'argent. Si on utilise un colorant, les molécules de colorant se fixent aux protéines, le gel est ensuite rincé pour éliminer l'excédent de colorant, et les protéines peuvent alors êtres visibles à l'oeil nu suite à leur fixation au colorant. La technique à l'argent est plus sensible que la technique utilisant un colorant. L'argent se dépose à l'endroit où la protéine est située dans le gel.

[17]      Une autre façon d'effectuer un enregistrement visuel des résultats du test s'appelle la technique Western Blot (transfert de Western). Elle est encore plus sensible que la technique au colorant ou à l'argent. Après migration sur SDS-PAGE, les protéines présentes dans le gel sont transférées sur une membrane chimiquement réactive. Les protéines se fixent à cette membrane dans les mêmes positions relatives qu'elles occupaient dans le gel SDS-PAGE original. On applique alors sur la membrane des anticorps qui reconnaissent la protéine et s'y fixent. On enregistre alors l'endroit où se fixent ces anticorps.

[18]      La dimension et l'intensité de la piste enregistrée par la technique Western Blot dépendront de la quantité d'échantillon de protéine analysé ainsi que des conditions et du temps dans lesquels le chercheur applique la technique SDS-PAGE, d'une manière similaire à la façon dont l'image sur une photographie varie en fonction des conditions de luminosité dans lesquelles elle est prise et du procédé de développement utilisé. Étant donné que la technique Western Blot est sensible, les pistes de protéine apparaîtront plus larges que lorsqu'elles sont enregistrées à l'aide des techniques au colorant ou à l'argent. Il en résulte une piste ou une fourchette de masse parce que les molécules ne sont pas complètement identiques entre elles; il peut y avoir des variations dans la composition des chaînes glucidiques.

[19]      Bien que la revendication 1 du brevet n'indique pas expressément la méthode d'enregistrement des résultats d'analyse obtenus au moyen de la technique SDS-PAGE, la divulgation du brevet, à la page 64, lignes 23 et 24, et à la page 65, lignes 20 et 21, mentionne respectivement [TRADUCTION] " l'analyse à l'aide des techniques Western blot et SDS-PAGE " et [TRADUCTION] " l'analyse à l'aide des techniques Western blot et SDS-PAGE "10. Il appert donc d'une juste interprétation du brevet que c'est la technique Western Blot qui devrait être employée comme technique d'enregistrement des résultats d'analyse.

[20]      Examinons maintenant les témoignages des Drs Sytkowski et Haselbeck. Ces derniers affirment que les analyses effectuées à l'aide des techniques SDS-PAGE et Western Blot ne sont pas assez précises pour les fins auxquelles le brevet les destine. Ils disent que les masses moléculaires de l'EPO humaine et recombinante se situent à l'intérieur de la même fourchette (30 000 à 40 000 da) et qu'il n'est pas possible de les distinguer en les comparant au moyen de la technique SDS-PAGE. Ils affirment aussi que le brevet ne décrit pas suffisamment les paramètres d'analyse pour permettre à une personne versée dans l'art de savoir ce que les inventeurs ont fait en analysant les caractéristiques de l'EPOhr brevetée, et pour permettre à d'autres personnes versées dans l'art de procéder à une analyse similaire en vue de déterminer si l'EPOhr qu'il pourrait confectionner contrefait le brevet.

[21]      Je ne suis pas convaincue que ces arguments sont fondés. Le brevet ne recommande pas de recourir à la technique SDS-PAGE en vue de déterminer une valeur numérique pour les masses moléculaires respectives de l'EPOu et de l'EPOhr. Il exige une évaluation des masses moléculaires comparatives de ces deux substances. Je ne peux conclure que le recours à la technique SDS-PAGE pour déterminer les masses moléculaires comparatives des substances en question ne convient pas ou donne des résultats vagues et incompatibles. À cet égard, je crois qu'il ne m'est pas nécessaire de citer davantage les témoignages, si ce n'est que pour souligner que la défenderesse elle-même utilise cette technique d'analyse, et non seulement à des fins de comparaison, mais aussi pour les évaluations plus précises des valeurs numériques des masses moléculaires de son EPOhr.

[22]      Examinons maintenant l'argument selon lequel même si la technique SDS-PAGE convient pour évaluer les caractéristiques en question, la revendication et la divulgation ne sont pas encore suffisantes parce qu'elles ne renferment pas de renseignements sur les paramètres d'analyse.

[23]      Il n'est pas nécessaire de citer en détail les éléments de preuve concernant les paramètres d'analyse. Il suffit de souligner le témoignage du Dr Sawyer, d'après qui la technique SDS-PAGE est la technique de mesure des masses moléculaires apparentes relatives des glycoprotéines, telles que l'EPO, la plus fiable et la plus souvent employée, et qu'elle peut être reproduite et est uniforme. Dans son témoignage, le Dr Sawyer a dit qu'il s'agit d'une technique d'analyse couramment enseignée aux étudiants de premier cycle, que les paramètres d'analyse définis par les Drs Sytkowski et Haselbeck étaient des paramètres d'analyse ordinaires dont tiennent couramment compte les travailleurs compétents qui appliquent la technique SDS-PAGE, et qu'un travailleur compétent saurait quel appareil et quels paramètres expérimentaux utiliser pour la protéine concernée.

[24]      Dans son témoignage, le Dr Sawyer a dit que le choix des paramètres d'analyse est si évident que souvent, ceux-ci ne sont pas mentionnés dans les résultats d'analyse publiés dans la littérature scientifique. Il a ajouté qu'il n'était pas surpris que le brevet Lin n'énumère pas les conditions précises dans lesquelles devrait être effectuée l'analyse à l'aide de la technique SDS-PAGE. Par exemple, " le type et la teneur du gel utilisé ", " la durée de l'analyse " et " la charge électrique " seraient évidents pour une personne ayant l'habitude de ces analyses. La nécessité d'éviter une " surcharge " serait évidente aussi pour un travailleur compétent, c'est-à-dire qu'il est souhaitable d'utiliser la plus petite quantité d'échantillon analysé qui puisse donner un enregistrement du résultat de l'analyse.

[25]      Lorsqu'il lui a été demandé en contre-interrogatoire de décrire comment il effectuerait une analyse, s'il ne disposait que des renseignements fournis dans le brevet, le Dr Haselbeck a eu peu de difficulté à le faire. De plus, tout effet qu'un changement particulier de paramètre d'analyse aurait sur la mobilité des EPO dans le gel s'appliquerait également à l'échantillon d'EPOu et à l'échantillon d'EPOhr, s'ils étaient analysés parallèlement. Les Drs Sytkowski et Haselbeck n'ont pas expliqué de manière satisfaisante comment une variation sensible de résultat pourrait se produire si le même protocole expérimental était appliqué pour comparer les migrations relatives d'échantillons parallèles sur des pistes adjacentes du même gel.

[26]      Certains des paramètres d'analyse mentionnés par les Drs Sytkowski et Haselbeck concernent l'enregistrement visuel des résultats d'analyse, et non l'analyse au moyen de la technique SDS-PAGE elle-même. Là encore, ils n'ont pas expliqué de manière satisfaisante comment les changements de paramètres modifieraient les conclusions tirées de l'enregistrement visuel de l'analyse lorsque ces changements s'appliquent à l'enregistrement de la position des deux échantillons. Par exemple, si l'intensité de l'image peut varier selon la dimension de l'échantillon, sa position dans le gel ne variera pas, et c'est justement cette position qui importe. Je conclus que la technique SDS-PAGE est une technique d'analyse convenable pour évaluer les masses moléculaires comparatives de l'EPO recombinante et de l'EPO urinaire humaine.

EPO urinaire humaine

[27]      Rappelons que l'EPO est une hormone protéique produite par les reins, qui voyage dans la circulation sanguine jusqu'à la moelle osseuse pour stimuler chez celle-ci la production de globules rouges. L'EPO est produite en si faible concentration qu'il ne semble pas possible d'isoler l'érythropoïétine humaine (parfois abrégé en EPOh) à partir du sang. Cependant, chez des personnes souffrant d'une maladie comme l'anémie aplasique, caractérisée par une insuffisance de la moelle osseuse, les reins fabriquent des quantités excessives d'EPO en réaction à l'anémie causée par une incapacité à fabriquer des globules rouges, et cette EPO se retrouve dans l'urine. On l'appelle EPO urinaire humaine (EPOuh). On peut l'isoler et la recueillir en petites quantités.

[28]      La recherche sur la structure et les caractéristiques de l'EPO a d'abord été lente à cause des difficultés d'isoler et de recueillir des échantillons d'EPO humaine pure en quantité suffisante. La première purification d'EPO urinaire humaine a été réalisée par les Drs Miyake, Kung et Goldwasser à la fin des années 1970. Ils ont commencé leur purification avec 2 550 litres d'urine recueillie au Japon auprès de personnes souffrant d'anémie aplasique. On a pu obtenir l'urine de ces patients parce que, au Japon, à cette époque, les patients ne recevaient pas souvent de transfusions sanguines pour traiter l'anémie. Les transfusions sanguines augmentent la capacité de transport de l'oxygène du sang et, en conséquence, réduisent les concentrations d'EPO circulante. Les Drs Miyake, Kung et Goldwasser ont soumis cette urine à une série d'étapes de purification pour obtenir quelques milligrammes d'EPO purifiée (EPOu). Cette expérience a été rapportée dans Miyake, Kung et Goldwasser " Purification of Human Erythropoietin " (1977) 252 Journal of Biological Chemistry 5558 (parfois appelé procédé Miyake-Goldwasser). Un peu avant le dépôt de la demande de brevet (décembre 1984), une autre méthode de purification, en deux étapes, était rapportée dans Yanagawa, Hirade, Sasaki, Chiba, Ueda et Goto, " Isolation of Human Erythropoietin with Monoclonal Antibodies " (1984) 259 Journal of Biological Chemistry 2707. Et un peu plus tard encore, on mettait au point un autre procédé. Ce dernier a été rapporté dans Krystal, Pankratz, Farber et Smart, " Purification of Human Erythropoietin to Homogeneity by a Rapid Five-Step Procedure " (1986) 67 Blood 71.

[29]      Comme on l'a mentionné plus haut, la molécule d'EPO humaine possède un squelette de 165 acides aminés auxquels sont attachées trois longues chaînes glucidiques et une courte. Au bout de ces chaînes on trouve une forme spéciale de glucide, l'acide sialique, qui empêche la molécule d'être métabolisée par le foie. Si on enlève l'acide sialique, on obtient une asialo-EPO urinaire humaine. Si on ne se contente pas d'enlever les extrémités d'acide sialique, mais qu'on enlève toutes les chaînes glucidiques, on se retrouve avec le squelette de protéine seul. De plus, Miyake, Kung et Goldwasser, dans leur processus de purification, ont recueilli deux fractions différentes d'EPO (II et IIIA). Ces fractions ont plus tard été désignées sous les appellations á et â.

[30]      Selon la défenderesse, la revendication du brevet est vague parce que : i) il n'était pas facile et il n'est toujours pas facile de trouver de l'EPOu, de telle sorte qu'on ne peut pas réaliser facilement des tests comparatifs avec l'EPOhr, comme il serait nécessaire de le faire pour établir s'il y a effectivement contrefaçon de brevet; ii) il n'existe pas de description du type d'EPOu qu'il faudrait comparer à une EPOhr présumément contrefaite; iii) il n'existe pas d'EPOu standard et il n'y a pas de spécification quant au degré de pureté, au procédé de purification, et à la concentration d'EPOu à utiliser.

     (i) disponibilité

[31]      Les publications mentionnent très souvent la difficulté qu'a posée au départ l'obtention d'une quantité suffisante d'EPOu pour la recherche. Toutefois, lorsque le produit recombinant est devenu disponible, il a été employé et davantage de travaux de recherche ont pu être entrepris; l'EPOu était moins nécessaire. De toute manière, la difficulté d'obtenir une substance nécessaire pour procéder à l'analyse comparative requise par un brevet n'invalide pas en soi le brevet. C'est là une difficulté à laquelle seront confrontées toutes les personnes qui effectuent des recherches dans le domaine. De plus, une très petite quantité d'EPOu est nécessaire pour effectuer une analyse à l'aide de la technique SDS-PAGE. Toutefois, ce qui est plus important, c'est que l'EPOu était et est disponible. L'étude Miyake-Goldwasser établit une procédure de purification de l'EPOu que peut suivre une personne qui désire produire de l'EPOu. En outre, l'EPOu pouvait et peut être achetée dans le commerce.

[32]      Le Dr Sytkowski a suivi la procédure Miyake-Goldwasser pour produire de l'EPOu en 1980. Les résultats de ces efforts de 1980 ont été insatisfaisants parce que la procédure d'entreposage de l'urine qu'il indiquait d'utiliser a entraîné la dégradation de la protéine. Aussi, il a eu de la difficulté à se procurer de l'urine contenant la concentration requise d'EPO. Toutefois, la description de la procédure de purification figurant dans l'étude Miyake-Goldwasser n'était pas lacunaire. Le Dr Sytkowski a utilisé en 1987 un processus de purification différent pour produire de l'EPOu. En 1995-1996, le Dr Strickland a produit de l'EPOu en suivant la procédure décrite dans l'étude Miyake-Goldwasser. Il a utilisé l'urine qu'il avait obtenue auprès de malades atteints d'anémie aplastique en Chine. Cette EPOu a été utilisée dans les analyses effectuées en août 1998 au New Jersey, pour les besoins du présent litige (les expériences du New Jersey).

[33]      L'EPO urinaire humaine était disponible dans le commerce en 1983-1984, auprès de Toyobo Co. Ltd. du Japon. Dans une étude publiée en 1985, le Dr Sytkowski fait état des sources relatives aux résultats de recherche publiés dans Sytkowki et Fisher, " Isolation and Characterization of an Anti-Peptide Monoclonal Antibody to Human Erythropoietin " (1985) 260 Journal of Biological Chemistry 14727 :

     [TRADUCTION] De l'érythropoïétine urinaire humaine très pure (70 400 u/mg), fournie par la Division of Blood Diseases and Resources, NHLBI, NIH, a été utilisée au cours des phases initiales de cette étude. Pour des expériences plus détaillées, l'érythropoïétine purifiée a été obtenue auprès de Toyobo. [Notes infrapaginales omises.]         

Dans une autre étude, reçue pour publication l'année suivante, les auteurs (dont le Dr Sytkowski) ont écrit [TRADUCTION] " ...nous avons utilisé de l'érythropoïétine urinaire humaine (80 000 unités/mg) purifiée par chromatographie d'immunoaffinité et fournie par Toyobo " (Choi, Wojchowski et Sytkowski, " Erythropoietin Rapidly Alters Phosphorylation of pp43 an Erythroid Membrane Protein " (1987) 262 Journal of Biological Chemistry 2933). Dans Sasaki, Yanagawa et Chiba, " Isolation of Human Erythropoietin with Monoclonal Antibodies " (1987) 147 Methods in Enzymology 328, à la page 331, il est mentionné que l'EPOu était disponible en 1987 auprès de Toyobo Co. Ltd. du Japon.

[34]      En 1997, l'EPOu était disponible dans le commerce auprès de trois sources au moins : ICN Pharmaceuticals Inc., d'Aurora (Ohio)(au moyen du procédé de Yanagawa et al.); StemCell Technologies Inc. de Vancouver (au moyen du procédé de Krystal et al.); Sigma-Aldrich Chemie GmbH, Deisenhofen, en Allemagne. L'EPOu était donc disponible pour les personnes qui en avaient besoin pour la comparer à l'EPO recombinante tant à la date de délivrance du brevet qu'à la date de la présentation de la demande de brevet.

     (ii) type d'EPOu

[35]      La revendication 1 du brevet mentionne que l'EPOhr devrait être comparée à [TRADUCTION] " l'EPO urinaire humaine ". Le Dr Haselbeck dit qu'il s'agit d'une description insuffisante parce que l'EPOu de chaque personne est différente, selon la glycosylation des molécules, et qu'il existe différents types d'EPOu (asialo et native).

[36]      Dans son témoignage, le Dr Sawyer a dit qu'une personne qui lit le brevet saurait qu'il s'agit d'EPO urinaire humaine obtenue d'un groupe de donneurs qu'il faudrait utiliser. (C'était la seule source disponible au moment où le brevet a été rédigé.) Il a ajouté qu'une personne qui lirait le brevet présumerait qu'il ne faut pas utiliser l'asialo-EPO pour quelque type de comparaison que ce soit avec la technique SDS-PAGE. En outre, s'il subsiste des doutes sur la signification du terme dans la revendication 1, le brevet Lin, à la page 64, ligne 27, indique que " l'EPO urinaire humaine " utilisée dans l'analyse SDS-PAGE était un [TRADUCTION] " extrait obtenu à partir de l'urine d'un groupe de donneurs ", ce qui signifie de l'EPO extraite de l'urine obtenue d'un groupe de plusieurs malades.

[37]      Le passage pertinent de la divulgation, aux pages 64 et 65, apparaît ci-dessous. Je mets en italique les éléments qui sont particulièrement pertinents :

     [TRADUCTION] On a fait une première tentative de caractérisation des glucoprotéines recombinantes obtenues par expression du gène de l'EPO humaine dans des cellules COS-1 et CHO en milieu conditionné en les comparant à des isolats d'EPO urinaire humaine et en utilisant les techniques Western Blot et SDS-PAGE. Ces études ont montré que l'EPO produite par CHO possédait une masse moléculaire légèrement supérieure au produit d'expression de COS-1 qui, à son tour, possédait une masse légèrement supérieure à celle de l'extrait obtenu à partir de l'urine d'un groupe de donneurs. Tous ces produits présentaient un certain degré d'hétérogénéité. Le traitement enzymatique à la neuraminidase pour enlever l'acide sialique a donné des produits recombinants de COS-1 et CHO de masses moléculaires à peu près semblables qui étaient cependant plus élevées que celle de l'extrait asialique humain. Le traitement enzymatique à l'endoglycosidase F (EC 3.2.1) du produit recombinant de CHO et de l'extrait urinaire (pour enlever complètement la partie glucidique des deux produits) a donné des produits substantiellement homogènes possédant des masses moléculaires essentiellement identiques.         

[38]      Le Dr Haselbeck interprète le passage de la divulgation précitée comme indiquant que plusieurs [TRADUCTION] " ...isolats urinaires humains " ont été analysés et qu'il a été conclu que tous ces produits étaient [TRADUCTION] " ...quelque peu hétérogènes ", et que seul [TRADUCTION] " l'extrait obtenu à partir d'urine d'un groupe de donneurs donnait les résultats d'analyse au moyen de la technique SDS-PAGE où l'EPO recombinante était [TRADUCTION] " légèrement plus grosse ". Il soutient que cela indique que divers échantillons urinaires n'ont été analysés individuellement et que leur masse moléculaire, mesurée à l'aide de la technique SDS-PAGE, variait. Il ajoute que la revendication ou divulgation n'indique pas clairement le type d'EPO urinaire humaine dont il est question dans le mémoire descriptif.

[39]      Le Dr Sawyer dit que l'expression " isolats d'EPO urinaire humaine ", à la ligne 23 de la page 64, correspond à l'expression " extrait obtenu à partir de l'urine d'un groupe de donneurs " aux lignes 27 et 28 de la page 64 (de plus, il interprète cette partie du brevet Lin comme indiquant que l'EPO recombinante avait une masse moléculaire apparente supérieure à celle de l'EPO urinaire obtenue d'un groupe de donneurs par suite de l'analyse effectuée à l'aide de la technique SDS-PAGE). Il souligne que la littérature scientifique mentionne régulièrement que " l'EPO urinaire humaine " est l'EPO extraite à partir de l'urine d'un certain nombre de malades, précisément ceux qui sont atteints d'anémie aplastique. Deux articles dont le Dr Sytkowski est coauteur, l'un en 1983 et l'autre en 1987, figurent parmi les écrits qui indiquent que le point de départ de la purification de l'EPOu est [TRADUCTION] " des échantillons d'urine obtenus d'un groupe de malades atteints d'anémie aplastique " (Sue et Sytkowski, " Site-specific Antibodies to Human Erythropoietin Directed Toward the NH2 -terminal Region " (1983) 80 Prod. Natl. Acad. Sci.U.S.A. 3651, et Wojchowski, Sue et Sytkowski, " Site-specific Antibodies to Human Erythropoietin: Immunoaffinity Purification of Urinary and Recombinant Hormone " (1987) 913 Biochimica et Biophysica Acta 170).

[40]      À mon avis, une personne versée dans l'art interpréterait le brevet comme le Dr Sawyer l'a fait. De plus, je ne suis pas convaincue que l'emploi de l'expression " une première tentative " dans l'extrait précité contredit cette interprétation, non plus que le fait que les premier et deuxième paragraphes entiers de la page 65 renferment des résultats reconnus comme erronés. Les inventeurs ont cru à tort qu'ils pouvaient dire que l'EPOhr était différente de l'EPOu en comparant la composition des chaînes glucidiques. Il est admis que les résultats déclarés sont erronés. Cela n'a pas d'incidence sur la validité des paragraphes précédents, qui décrivent la différence de masse moléculaire observée à la suite de l'analyse effectuée au moyen de la technique SDS-PAGE.

     (iii) pureté, processus de purification et puissance

[41]      Bien qu'une norme internationale visant l'EPOhr ait été formulée, tel n'est pas le cas pour l'EPOu. En outre, il est accepté, ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, que la masse moléculaire (c'est-à-dire la masse moléculaire apparente) ne sera pas un nombre discret mais une fourchette et qu'elle figurera comme une piste dans l'analyse effectuée à l'aide de la technique SDS-PAGE, ou comme une courbe de Gausse ou de Poisson lorsqu'elle est présentée sous forme de graphique.

[42]      Pour ce qui est de l'argument selon lequel une préparation moins pure d'EPOu aurait une masse moléculaire différente de celle d'un échantillon plus pur, le Dr Sawyer a dit dans son témoignage, auquel je souscris, qu'il ne connaissait aucune preuve, ni aucun motif d'ordre scientifique pour croire qu'une préparation brute d'EPOu aurait une masse moléculaire apparente supérieure ou inférieure dans une analyse effectuée à l'aide des techniques SDS-PAGE et Western Blot comparativement à une matière purifiée.

[43]      Dans son témoignage, le Dr Haselbeck a dit que le mode de purification et de fractionnement de l'EPOu aurait une incidence sur sa masse moléculaire, étant donné qu'au cours du processus de purification il se peut que certaines parties de la molécule soient enlevées en plus grand nombre que d'autres. Le Dr Haselbeck a mentionné le procédé de purification Yanagawa au soutien de son opinion selon laquelle les procédés de purification ont une incidence sur la masse moléculaire. Ce procédé, a-t-il dit, exigeait la dénaturation de l'EPO avec le SDS et sa liaison à une colonne d'anticorps monoclonal. Il a ajouté que cela entraînait l'inactivation de l'EPO.

[44]      Le Dr Sawyer, dont je préfère le témoignage, n'était pas d'accord avec cette affirmation et a dit que le SDS ne devrait que déplier la molécule d'EPO et non cliver des chaînes glucidiques, ce qui pourrait avoir une incidence sur l'activité de la molécule et sa mobilité dans une analyse effectuée à l'aide de la technique SDS-PAGE. Il a indiqué qu'il n'avait jamais observé de technique de purification utilisant des anticorps qui permette d'isoler une population de molécule en fonction de sa masse et que le Dr Haselbeck n'avait cité aucun exemple concret, ne faisant que des conjectures. Aussi, dans les expériences du New Jersey, tant l'EPOu préparée par le Dr Strickland selon le procédé Miyake-Goldwasser que l'UPOu achetée auprès d'ICN, qui avait été purifiée au moyen de la technique Yanagawa, ont été analysées à l'aide de la technique SDS-PAGE et ne présentaient aucune différence de masse moléculaire.

[45]      Le Dr Sytkowski a aussi mentionné les fractions II et IIIA (subséquemment appelées á et â) définies dans l'étude Miyake-Goldwasser. Ces fractions seraient susceptibles d'avoir des masses moléculaires différentes parce qu'on a subséquemment découvert qu'elles ont une teneur glucidique différente. De même, l'étude Miyake-Goldwasser indique que les deux fractions ont la même mobilité losrqu'elles sont analysées à l'aide de la technique SDS-PAGE. En outre, le brevet, à la page 10, indique que [TRADUCTION] " les formes á et â diffèrent légèrement à l'égard de leurs éléments glucidiques, mais elles ont les mêmes puissance, activité biologique et masse moléculaire ". Dans son témoignage, le Dr Sawyer a dit que bien que les fractions II et IIIA (c'est-à-dire les formes á et â) pourraient avoir une teneur glucidiques différente, une analyse effectuée à l'aide de la technique SDS-PAGE ne révélerait pas de différence sensible entre les deux et que ces deux fractions auraient vraisemblablement la même masse moléculaire apparente.

[46]      Examinons l'affirmation selon laquelle l'omission d'indiquer la puissance de l'EPOu fait en sorte qu'il est difficile de déterminer quelle EPOu employer. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de définir la notion de puissance. Il suffit de souligner que, dans la preuve, elle est souvent appelée activité spécifique ou in vivo.

[47]      Dans son témoignage, auquel je souscris, le Dr Sawyer a dit que bien que l'activité biologique in vivo puisse, dans certaines circonstances, être liée à la masse moléculaire, il interprète le brevet, et croit que d'autres personnes l'interpréteraient, comme exigeant une EPOu purifiée ayant une activité spécifique de l'ordre de celle qui est signalée dans l'étude Miyake-Goldwasser comme ayant été obtenue par suite du procédé de purification qui y est décrite, c'est-à-dire d'environ 70 000 à 80 000 unités/mg. Il a souligné que la fiche technique d'ICN indique que le produit employé dans les expériences du New Jersey avait une concentration d'environ 80 000 unités/mg et qu'une activité de 81 600 est signalée dans Yanagawa, " Isolation of Human Erythropoietin with Monoclonal Antibodies" (1984) 259 Journal of Biological Chemistry 2707. Roche (alors Boehringer Mannheim) a acheté auprès de Sigma-Aldrich en 1995-1996 plusieurs échantillons d'EPOu dont le Dr Haselbeck s'est servi pour des expériences. Il n'a effectué aucune analyse pour en déterminer la pureté ou l'activité in vivo. Roche a aussi acheté de l'EPOu auprès de StemCell en 1995-1996. Aucune analyse n'a été effectuée pour en déterminer la pureté. L'activité in vivo a été analysée et sa concentration a été évaluée à 68 000 unités/mg (la concentration d'un échantillon de 1993 a été établie à environ 78 000 unités/mg). Un lecteur compétent saurait qu'il ne convient pas d'utiliser un échantillon ayant une activité in vivo inférieure à 70 000 à 80 000 unités/mg.

Masse moléculaire supérieure

[48]      On ne s'attendrait pas à ce que le mot [TRADUCTION] " supérieure " fasse l'objet d'un débat. La caractéristique décrite par ce mot semble assez évidente. Le fait que cette description désigne une légère différence ressort clairement des mots de la divulgation [TRADUCTION] " masse moléculaire légèrement supérieure au produit d'expression de COS-1 " et [TRADUCTION] " masse légèrement supérieure à celle de l'extrait obtenu à partie de l'urine d'un groupe de donneurs ". La défenderesse soutient toutefois qu'une description comparative n'est pas précise, qu'il faudrait d'abord définir la fourchette numérique dans laquelle l'EPOu et l'EPOhr se situent pour évaluer si l'EPOhr censément contrefaite se situe dans la fourchette numérique de l'EPOu. De plus, étant donné qu'il s'agit de fourchettes désignant des masses, la défenderesse soutient qu'on ne peut dire qu'une EPOhr a une masse supérieure à celle d'une EPOu si les fourchettes se chevauchent et se contrebalancent. Ces deux masses, soutient-on, doivent être entièrement distinctes. Le Dr Haselbeck était d'avis que :

     [TRADUCTION] La façon d'aborder ce problème consiste à examiner si les protéines que vous analysez se situent dans une certaine fourchette que vous avez définie auparavant, et lorsque vous les comparez,...si vous voulez dire que leur masse moléculaire est supérieure, il faut qu'elles soient complètement distinctes les unes des autres... [Transcription, pages 654 et 655]         

[49]      Je ne suis pas convaincue que cette affirmation soit exacte. Une recension des publications révèle différentes fourchettes numériques, selon les conditions de laboratoire et l'état des connaissances à l'époque.

[50]      La recension des publications faite par le Dr Haselbeck, qui recherche la fourchette numérique de la masse moléculaire de l'EPOu, semble arbitraire. Il écarte l'évaluation faite par le Dr Sytkowski en 1980 selon laquelle la masse moléculaire se situait entre 25 000 et 30 000 da. Il rejette la correction que le Dr Goldwasser a apportée en 1983 à son évaluation de 1977 (sur laquelle nous reviendrons plus en détail) malgré l'explication du Dr Sawyer selon laquelle l'évaluation antérieure était probablement inexacte parce que des gels en tube avaient été utilisés.

[51]      Le Dr Haselbeck a cité une étude publiée en 1997 par les Drs Kung et Goldwasser (" A Probable Conformational Difference Between Recombinant and Urinary Erythropoietins " (1977) 28 PROTEINS: Structure, Function, and Genetics 94) au soutien de l'énoncé selon lequel la masse moléculaire de la forme â de l'EPOu dérivée du procédé de purification Miyake-Goldwasser, telle qu'évaluée par électrophorèse sur gel selon la technique Laemmli, avait maintenant été établie à 37 000 plutôt que 34 000, ce qui dénote donc que la masse moléculaire de l'EPOu n'est pas uniforme. Le Dr Haselbeck se fonde sur cette étude même si les données publiées indiquent aussi que la masse moléculaire de l'EPOhr est supérieure à celle de l'EPOu.

[52]      Certaines des publications font état de la migration identique de l'EPOu et de l'EPOhr. Pour certaines fins, il se peut qu'une légère différence soit importante, pour d'autres, il se peut qu'elle soit négligeable, selon le but de l'auteur et son point de vue. Il convient d'examiner attentivement les déclarations publiées dans les articles de revues, dont les auteurs ne témoignent pas devant la Cour. Aussi, il se peut que certaines EPOhr aient la même masse moléculaire que l'EPOu mentionnée dans le brevet. Si tel est le cas, cette EPOhr ne contreferait pas le brevet.

[53]      Toutefois, et ceci est plus important, le brevet n'indique aucune valeur numérique pour la masse moléculaire apparente de l'EPO urinaire humaine ou pour l'EPO recombinante de l'inventeur. Aucune valeur numérique n'est attribuée à la différence que décrit la caractéristique figurant dans la revendication. Le brevet demande simplement au lecteur compétent si la masse moléculaire apparente de l'EPOhr est supérieure à la masse moléculaire apparente de l'EPOu mesurée par la technique SDS-PAGE.

[54]      J'estime que le témoignage du Dr Sawyer est convaincant :

     [TRADUCTION] un lecteur compétent du brevet Lin pourrait donner une interprétation raisonnable des mots " ...possédant une masse moléculaire supérieure à celle de l'EPO urinaire telle que mesurée par la technique SDS-PAGE " employée dans le brevet Lin et pourrait comparer les migrations relatives des deux EPO en les analysant parallèlement sur le gel et disposerait d'assez de renseignements pour savoir si la masse moléculaire d'un échantillon d'EPO recombinante est supérieure à celle de l'EPOu telle que mesurée par la technique SDS-PAGE. [Par. 52 (page 26) de la Pièce P-67]         

Les témoins

[55]      La crédibilité des témoins experts en l'espèce est un facteur très important. Quatre ont été appelés : les Drs Sytkowski et Haselbeck pour la défenderesse, les Drs Sawyer et Strickland pour les demanderesses.

[56]      Le Dr Sytkowski n'était pas digne de foi. Son parti pris excessif et son manque de sincérité sont illustrés dans ses déclarations selon lesquelles au cours de l'expérience du New Jersey, il ne pouvait voir parce que sa vue était bloquée, et qu'il a été tenu à l'écart de la pièce pendant le déroulement de l'expérience. Non seulement cette affirmation n'a pas de sens, car si cela s'était produit, il aurait certainement protesté avant, mais elle est contredite directement par le témoignage du Dr Sawyer, auquel j'ajoute foi. Le Dr Sawyer a dit que le Dr Sytkowski a lui-même proposé de quitter la pièce jusqu'à ce que l'analyse sur la séparation sur gel soit terminée parce qu'il n'y avait rien d'autre à voir. Dans son témoignage, le Dr Johnson, qui a lui-même procédé à l'expérience, a dit que si le Dr Sytkowski s'était réellement tenu à huit à dix pieds de l'expérience, comme il l'a affirmé, il aurait été dans le bureau du Dr Johnson plutôt que dans son laboratoire.

[57]      L'attitude du Dr Sytkowski, qui est loin d'être conforme à l'éthique, peut aussi être illustrée par la façon dont il s'est comporté en 1981, alors qu'il a photographié sans permission des diapositives des résultats du Dr Goldwasser pendant que ce dernier présentait un exposé à l'assemblée annuelle de l'American Society of Haematology, pour publier par la suite ces résultats comme étant les siens, sans les attribuer au Dr Goldwasser. Il est raisonnable de supposer que ce geste explique en partie la difficulté que le Dr Sytkowski a eue à obtenir de l'EPOu purifiée auprès du Dr Goldwasser au début des années 1980. Dans ce contexte, son affirmation à la Cour selon laquelle l'EPOu n'était pas disponible auprès du Dr Goldwasser a une autre connotation.

[58]      La description que fait le Dr Haselbeck des publications pertinentes dénote de manière répétée que son enthousiasme à soutenir la thèse de son employeur le mène à exagérer ou à dénaturer les conclusions qui s'y trouvent. Je n'examinerai pas tout son témoignage, mais j'illustrerai le problème qu'il soulève en citant deux exemples.

[59]      Au soutien de son affirmation selon laquelle la fourchette supérieure de la masse moléculaire de l'EPOu se situe autour de 39 000 daltons, il a cité l'étude Miyake-Goldwasser de 1977. En 1983, le Dr Goldwasser a corrigé cette affirmation :

     [TRADUCTION] Il a déjà été indiqué qu'elle avait une masse moléculaire de 39 000. Nous avons réexaminé la masse moléculaire et découvert qu'elle se situait plus près de 34 000.         

[60]      Toutefois, dans sa recension des publications, le Dr Haselbeck déclare que le chiffre de 39 000 a été confirmé par Weiss, Kavinsky et Goldwasser, " Characterization of a Monoclonal Antibody to Human Erythropoietin " (1982) 79 Prod. Natl. Acad. Sci. 5465, par Dordal et Goldwasser, " Function and Composition of the Carbohydrate Position of Human Urinary Erythropoietin " (1982) 10(11) Experimental Haematology 133, et par Sue et Sytkowski, " Site-specific Antibodies to Human Erythropoietin Directed Toward the NH2 -terminal Region " (1983) 80 Prod. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 3651. Lorsqu'il est dit que les résultats ont été confirmés, le lecteur s'attend à ce qu'ait été faite une analyse indépendante qui mène au même résultat. Les publications en cause que cite le Dr Haselbeck à l'appui de son affirmation selon laquelle le chiffre de 39 000 a été confirmé ne sont pas de cette nature. Elles ne renferment que des citations de l'étude Miyake-Goldwasser.

[61]      Lorsqu'il a été demandé au Dr Haselbeck d'expliquer la déclaration du Dr Goldwasser en 1983 selon laquelle ses coauteurs croyaient maintenant que la masse moléculaire se situait plus près de 34 000 daltons, le Dr Haselbeck a affirmé que " plus près " signifiait n'importe quoi d'inférieur à 39 000 et qu'il pouvait s'agir de 38 000 - en fait, il a d'abord dit que cela pouvait être 38 999. Un tel témoignage n'est pas crédible et illustre le manque d'objectivité du Dr Haselbeck.

[62]      Étant donné que je me suis fondée à maintes reprises sur le témoignage du Dr Sawyer dans les présents motifs, il sera évident que j'ai jugé que son témoignage était digne de foi et fiable. À un moment, il a semblé que sa crédibilité était remise en question par l'avocat de la défenderesse parce qu'il a admis qu'il n'était pas au courant de tout le texte de certains articles dont il était censément coauteur. J'estime crédible son explication à cet égard, à savoir que dans les ouvrages savants publiés en collaboration, cette situation n'est pas inusitée, et que les personnes dont les noms figurent en premier sur une liste de coauteurs sont susceptibles d'avoir eu davantage de responsabilités à l'égard de l'article que celles dont le nom figure au milieu de la liste.

[63]      Le Dr Strickland a été négligent à deux occasions au moins. Après avoir purifié l'EPOu, lorsqu'il effectuait des analyses, ses micropipettes n'ont pas été calibrées correctement et les chiffres qu'il a enregistrés étaient inexacts. Il s'en est par la suite aperçu et, en mai 1996, il a analysé de nouveau les fractions en cause à l'aide de nouvelles pipettes. Lorsqu'il a fourni les renseignements aux avocats en 1998 pour les fins du présent litige, il a fourni les chiffres inexacts antérieurs plutôt que les chiffres corrigés. Par la suite, lorsqu'il a fourni les chiffres corrigés, il a oublié de recalculer tous les chiffres dans le tableau concerné en s'y reportant. Toutefois, ces erreurs ne mettent pas en doute l'exactitude des résultats corrigés, non plus que le fait que toutes les fractions n'ont pu être examinées de nouveau parce que celles de concentration inférieure avaient été jetées. Les erreurs de calcul n'ont aucune incidence sur l'EPOu purifiée elle-même; elles ne changent pas les propriétés de ce produit.

Quelques questions de preuve

[64]      Voici des commentaires sur trois questions qui se sont posées en preuve : i) décisions dans d'autres ressorts; ii) instances devant le bureau des brevets; iii) prétentions relatives à confidentialité.

     (i) Décisions dans d'autres ressorts

[65]      Les avocats m'ont soumis des décisions rendues dans deux autres instances. L'une par la Cour fédérale d'Australie, Genetics Institute, Inc. v. Kirin-Amgen, Inc. (No. 3) (NE VG868 de 1995, 25 juin 1998), l'autre par la Chambre de recours technique de l'Office européen des brevets (Opposition by Genzyme Corporation and five others to Kirin-Amgen Inc.'s Patent No. 0148605 , nE T 0412/93 - 3.3.4., 24 novembre 1994).

[66]      Dans la décision australienne, qui n'est pas définitive, la revendication du brevet australien correspondant a été jugée invalide. Dans la décision de la Chambre d'appel de l'Office européen des brevets, qui est définitive, la revendication a été jugée valide.

[67]      La Cour australienne a jugé que les mots [TRADUCTION] " masse moléculaire légèrement supérieure " et [TRADUCTION] " dimension légèrement supérieure " constituaient des critères vagues et incertains et que la revendication n'avait [TRADUCTION] " aucune utilité pratique étant donné qu'une telle analyse [à l'aide de la technique SDS-PAGE] se fonderait sur une procédure analytique connue pour comporter un degré d'imprécision et exige une comparaison directe à l'érythropoïétine urinaire humaine, une substance particulièrement difficile à obtenir ".

[68]      Par ailleurs, l'Office européen des brevets a jugé que [TRADUCTION] " le critère de la "masse moléculaire supérieure"[...] ne donne pas lieu à une situation d'incertitude juridique pour les tiers, parce qu'il est possible de vérifier avec une certaine fiabilité si la masse moléculaire d'une EPOr donnée, telle que mesurée dans un gel au moyen de la technique SDS-PAGE, est supérieure à celle d'une EPOu donnée mise à la disposition du public ". Il est bien établi que ni l'une ni l'autre de ces décisions ne lie la présente Cour ou n'a valeur de précédent à son égard.

     (ii) Instances devant le Bureau des brevets (dossiers)

[69]      En général, les procédures qui se déroulent devant le Bureau des brevets dans le cadre de la poursuite d'une demande de brevet ne sont pas pertinentes quant à l'interprétation d'un brevet. En l'espèce, l'avocat de l'intimé a cherché à introduire en preuve ces procédures, et j'ai réservé mon jugement à ce sujet en disant que je rendrais une décision après avoir entendu les plaidoiries sur la pertinence de ces documents. Cet argument n'a pas été repris et la demande de recours aux procédures devant le Bureau des brevets a été abandonnée. Les pièces s'y rapportant ne sont donc pas considérées comme faisant partie de la preuve.

     (iii) Confidentialité des autres analyses

[70]      En contre-interrogatoire, le Dr Strickland s'est fait demander s'il avait déjà purifié d'autres lots d'EPOu en plus de ceux qui ont été utilisés dans l'expérience du New Jersey. Il a répondu qu'il ne pouvait pas répondre à cette question parce que ces renseignements étaient confidentiels. La confidentialité invoquée (suivant les instructions des avocats américains) relève du privilège des communications liées à un litige (privilège protégeant les documents préparés en vue d'un litige). Les lots en question ont apparemment été préparés en vue de litiges aux États-Unis et au Royaume-Uni. J'ai fait part de mes doutes quant à savoir si, après avoir été appelé comme témoin, le Dr Strickland pouvait à juste titre revendiquer un privilège à l'égard des autres lots d'EPOu qu'il avait préparés. Avant de rendre une décision, j'ai demandé qu'il y ait un débat sur ce point. L'avocat de la défenderesse a indiqué qu'il ne poursuivrait pas cet argument, mais qu'il était satisfait qu'il soit mentionné au dossier que le témoin avait refusé de répondre. Néanmoins, dans sa plaidoirie, l'avocat des demanderesses a présenté des arguments sur l'opportunité d'appliquer le privilège des communications liées à un litige. Il a fait valoir que ce privilège s'attache aux renseignements produits en vue d'un litige à l'étranger, tout comme les renseignements préparés en vue de litiges au Canada. Il a en outre fait valoir qu'Amgen, Inc., le titulaire du privilège, n'y avait pas renoncé. La défenderesse soutient le contraire, et dit qu'en faisant témoigner le Dr Strickland, la demanderesse a renoncé implicitement à ce privilège, surtout parce que le Dr Strickland allait témoigner sur la purification de l'EPOu humaine. La défenderesse affirme que le Dr Strickland ne peut revendiquer le privilège des communications liées à un litige qui portent justement sur la question que son témoignage visait à expliquer.

[71]      Je doute qu'un témoin qui se trouve dans la position du Dr Strickland puisse, en revendiquant le privilège des communications liées à un litige, refuser de répondre à une question liée si étroitement au témoignage qu'il a été appelé à donner. Toutefois, il ne m'est pas nécessaire de trancher ce point car, vu la position de l'avocat de la défenderesse et ma décision de ne pas insister pour que le Dr Strickland réponde, il ne s'ensuit aucune conséquence.

Contrefaçon

[72]      L'action en contrefaçon intentée par les demanderesses repose sur ce qui a été appelé l'expérience du New Jersey. Celle-ci a été menée les 13 et 14 août 1998 au R.W. Johnson Pharmaceutical Research Institute (affilié à Janssen-Ortho Inc.), à Raritas (New Jersey) aux États-Unis, sous la supervision du Dr Sawyer. Des représentants des demanderesses et de la défenderesse y ont assisté. Le Dr Sytkowski est au nombre des personnes qui y ont assisté pour la défenderesse.

[73]      Deux échantillons d'EPOu dont l'un, ainsi qu'il a été souligné, a été acheté auprès d'ICN et avait été purifié conformément à la technique Yanagawa, et un autre préparé par le Dr Strickland conformément à la technique Miyake-Goldwasser, ont été analysés sur un appareil de mesure à l'aide de la technique SDS-PAGE de même que trois EPOhr. Ces trois EPOhr étaient le NeoRECORMON, le produit allemand de Roche, RECORMON, le produit que Roche entend commercialiser au Canada, et EPREX, le produit vendu par Janssen-Ortho Inc. au Canada. Deux gels ont été analysés en même temps dans l'appareil SDS-PAGE, au cas où l'un deux serait endommagé au cours de l'expérience.

[74]      Les photographies des images Western Blot des deux gels SDS-PAGE obtenus lors de cette expérience montrent que toutes les EPOhr possèdent une masse moléculaire plus grande que celle des EPOu. Les échantillons des troisième, quatrième et cinquième pistes du gel sont respectivement l'EPOu du Dr Strickland, RECORMON, et l'EPO d'ICN. La photographie ci-dessous montre le résultat de SDS-PAGE de ces trois pistes. L'EPOhr RECORMON, la bande centrale, est décalée et légèrement plus haute que les bandes correspondant aux deux EPO urinaires :

[75]      Si on trace une ligne à travers le centre de chaque bande, on obtient l'image suivante :

[76]      Conformément à leur position selon laquelle on devrait d'abord établir un ordre de grandeur numérique pour la masse moléculaire de l'EPOu et voir ensuite si l'EPOhr, ici en cause, y correspond, les Drs Sytkowski et Haselbeck soutiennent que la différence apparaissant sur le gel SDS-PAGE est uniquement de nature expérimentale, et relève des variations ordinaires observées dans les différents échantillons d'EPOu offerts présentement. Pourtant, au cours des 12 derniers mois, Roche s'est procuré de l'EPOu auprès d'ICN et a fait des tests avec cette EPO. Roche n'a déposé aucun des résultats de ses expériences en preuve. Je reconnais que c'est au demandeur de démontrer qu'il y a eu contrefaçon, et non au défendeur de s'en disculper. Mais je pense qu'on peut tirer une conclusion négative à partir de l'omission de présenter des résultats expérimentaux qui soutiennent les prétentions du défendeur.

[77]      Le Dr Haselbeck a fait certaines expériences en 1996 qui montrent les variations dans les lots d'EPOrh fabriquée en Allemagne par la défenderesse, et certaines expériences utilisant de l'EPOu achetée auprès de SternCell et Sigma-Aldrich montrent que dans un lot, l'EPOhr possède une masse moléculaire inférieure à certaines EPOu. Je ne considère pas ces résultats expérimentaux comme recevables étant donné les doutes qui pèsent sur les résultats des expériences du New Jersey en août 1998. Les expériences du Dr Haselbeck n'ont pas porté sur le produit qui sera mis en vente au Canada, ledit produit contrefaisant présumément le brevet. Tout au plus, les expériences montrent qu'on peut fabriquer une EPOhr qui ne contrefait pas le brevet.

[78]      Le Dr Sytkowski émet des critiques sur les expériences des 13 et 14 août 1998 pour les raisons suivantes : on n'a pas suivi les instructions du fabricant, on a utilisé un gel trop concentré; le temps de migration a été trop long; les échantillons ont été déposés de façon incorrecte; les échantillons étaient de concentrations différentes; les concentrations de sel étaient différentes; les quantités déposées sur chaque piste étaient inférieures au seuil de détection des anticorps utilisés pour l'enregistrement des résultats du test tel que recommandé par le fabricant.

[79]      Lors de ces expériences, on a utilisé une concentration de 16 pour cent d'acrylamide. Le mode d'emploi du manufacturier recommande un gel à 10 pour cent pour la résolution des masses moléculaires de l'ordre de 30 000 à 40 000. Selon le témoignage du Dr Sawyer, une personne compétente en ce domaine sait que pour une glucoprotéine comme l'EPO, on doit utiliser un gel plus concentré que celui qui est recommandé par le fabricant. L'utilisation d'un gel plus concentré permettrait une détermination plus précise de la masse moléculaire parce que la protéine se déplace plus lentement dans un gel plus concentré. Le Dr Sytkowski lui-même, dans un article publié en 1991, dit avoir utilisé un gel à 15 pour cent. L'article du Dr Goldwasser en 1997 fait état de résultats obtenus en utilisant un gel à 15 pour cent.

[80]      On a laissé l'appareil fonctionner pendant cinq heures, jusqu'à ce que les molécules soient approximativement au centre de l'appareil. Selon le catalogue du fabricant, le temps de migration, quand on utilise un voltage supérieur à celui qui a été utilisé lors de l'expérience du New Jersey, serait de 90 minutes, selon la concentration de gel utilisée. D'après le témoignage du Dr Sawyer, si on utilise un temps de migration de 90 minutes dans un gel à 16 pour cent, les protéines se déplacent à peine. Le Dr Sytkowski émet des critiques à propos du temps de migration parce que [TRADUCTION] " il en résulte une élévation importante de la température à l'intérieur du gel à cause du courant électrique ". Le Dr Sytkowski n'a pas touché le gel à la fin de l'expérience et il n'a pas demandé qu'on le fasse. Le Dr Johnson, qui a fait l'expérience et qui a manipulé le gel, a témoigné que les plaques d'électrophorèse et la solution tampon aqueuse étaient à la température de la pièce à la fin de l'expérience.

[81]      Le Dr Sytkowski croit que les échantillons ont été déposés de façon incorrecte. Selon lui, il n'y a pas de raison de mettre en doute le fait que le Dr Johnson a déposé 20 microlitres dans chaque piste, mais il ne l'a pas vu faire (même s'il se tenait près de lui). Or, que le dépôt des échantillons ait été bien fait est démontré par le fait que les bandes obtenues dans chaque piste sont d'intensité similaire.

[82]      Selon le Dr Sytkowski, les échantillons n'ont pas été préparés de façon uniforme; par exemple, dans l'échantillon 1, on a mélangé 2 ìl d'EPOhr (EPREX) avec 1 998 ìl de tampon salin et, de ce mélange, on a déposé 10 ìl sur le gel. Cependant, on a préparé l'échantillon 6, l'EPO urinaire de Strickland, en mélangeant 1 ìl d'échantillon avec 39 ìl de tampon salin, et on a déposé 2 ìl de ce mélange sur le gel. En contre-interrogatoire, cependant, le Dr Sytkowski a reconnu qu'un traitement différent était nécessaire parce que les échantillons n'étaient pas uniformes au départ. La procédure différente permettait, dans la mesure du possible, d'obtenir des échantillons de concentration semblable.

[83]      Quant à l'argument selon lequel on a pu avoir des concentrations différentes de sel selon les échantillons, le Dr Sytkowski n'a pas fait de calcul pour vérifier si la concentration de sel était différente dans les différentes pistes, et il n'a pas démontré non plus si des concentrations différentes de sel pouvaient avoir un effet quelconque sur la migration des échantillons dans le gel.

[84]      Le Dr Sytkowski conteste aussi les résultats de cette expérience en se basant sur le fait que l'anticorps utilisé pour détecter la protéine est décrit par R & D Systems Inc., le fournisseur, comme offrant un seuil de détection de l'EPOhr de l'ordre de 50 ng/piste dans des conditions non réductrices et réductrices. La quantité déposée sur chaque piste était inférieure à 50 ng. Il fait aussi remarquer que des bandes étroites apparaissent près de l'extrémité supérieure des gels, dans chaque piste, ce qui indique, selon lui, qu'il y a eu certains problèmes lors de la préparation de l'échantillon ou lors de l'expérience même.

[85]      À ces critiques, le Dr Sawyer répond en faisant remarquer que lorsqu'on utilise la technique SDS-PAGE, on essaie toujours de déposer la plus petite quantité possible d'échantillon sur chaque piste afin d'éviter une surcharge, et que le produit est tout simplement meilleur que ne l'annonce son fabricant; les résultats montrent que l'anticorps fonctionne. Il fait aussi remarquer qu'il y a une contradiction dans la brochure de R & D Systems Inc. parce que, pour une technique comparable à la technique Western Blot (la technique Elisa), on y indique que le seuil de détection est de 1 nanogramme. À son avis, un seuil de détection de 50 ng dans un cas et de 1 ng dans l'autre n'a pas de sens.

[86]      Quant aux bandes étroites qui apparaissent au haut du gel, le Dr Sawyer dit n'avoir aucune idée de leur origine et il avance l'hypothèse qu'il puisse s'agir de protéines cutanées, comme la kératine, qui auraient été déposées de façon accidentelle par quelqu'un ayant touché le bout de la pipette. De toute façon, ces bandes n'ont aucun rapport avec les résultats de l'expérience et ne prouvent pas qu'il y a eu contamination des échantillons.

[87]      J'en conclus qu'aucune des critiques présentées par le Dr Sytkowski ne mine la validité des résultats de l'expérience du mois d'août 1998.

Octroi d'une licence à Janssen-Ortho Inc.

[88]      À la date du procès, la défenderesse n'avait pas encore lancé son produit RECORMON. Les demanderesses sollicitent une injonction pour empêcher la défenderesse de commercialiser le RECORMON au Canada. Ce redressement ne nécessite pas la preuve que Janssen-Ortho est une personne se réclamant du breveté. Le droit de l'une ou l'autre des demanderesses au redressement suffit pour justifier une telle ordonnance. Toutefois, les demanderesses s'inquiètent de l'imminence de la commercialisation et estiment que l'évolution du présent litige pourrait faire en sorte qu'il serait opportun pour elle de réclamer des dommages-intérêts. À l'égard d'un tel redressement, la qualité pour agir de Janssen-Ortho est pertinente.

[89]      Kirin-Amgen est le propriétaire du brevet numéro '047. Celui-ci a été délivré le 27 mai 1997 et, ainsi qu'il a été souligné, il a été séparé d'une demande de brevet plus étendue, déposée le 12 décembre 1984. Le 30 septembre 1985, Kirin-Amgen a octroyé une licence à Ortho Pharmaceutical Corporation (maintenant dénommée Ortho-McNeil Pharmaceutical Inc.) et à ses sociétés affiliées en vue d'utiliser et de vendre dans un certain nombre de pays, dont le Canada, des produits fabriqués aux États-Unis d'Amérique qui sont visés par la demande de brevet plus étendue. Il existe une entente écrite à cet effet. L'EPO recombinante utilisée dans le produit EPREX vendu au Canada est fabriquée à Puerto Rico, État associé des États-Unis.

[90]      En 1986, Ortho Pharmaceutical Corporation a confié au prédécesseur de Janssen-Ortho un mandat pour commercialiser et vendre l'EPREX au Canada. Aucune licence écrite documentant cette entente ne peut être trouvée. Aucun avis écrit à l'intention de Kirin-Amgen au sujet de cette sous-licence n'a été trouvé. Néanmoins, il semble que Kirin-Amgen ait été avisée qu'une sous-licence avait été octroyée au prédécesseur de Janssen-Ortho et maintenant à Janssen-Ortho en vue d'utiliser et de vendre le produit EPREX au Canada. Ce produit a été lancé sur le marché canadien en 1990. Depuis, Janssen-Ortho a payé des redevances, d'abord à ce qui était à l'époque Ortho Pharmaceutical Corporation, et plus récemment à Ortho Biotech Inc. Les redevances sont alors versées à Kirin-Amgen.

[91]      Les droits acquis de Kirin-Amgen en 1985 ont subséquemment été cédés par Ortho Pharmaceutical Corporation (renommée Ortho-McNeil Pharmaceutical Inc.) à Ortho Biotech Inc. aux termes d'une convention de cession d'éléments d'actif prenant effet le 1er janvier 1998. Kirin-Amgen a consenti à cette cession.

[92]      Étant donné qu'aucun document écrit attestant l'entente intervenue entre Ortho Pharmaceutical Corporation et le prédécesseur de Janssen-Ortho en 1986 ne pouvait être trouvé, un accord de licence écrit a été signé par Ortho Biotech, Ortho McNeil et Janssen-Ortho le 20 novembre 1998 pour confirmer qu'une sous-licence avait été octroyée à Janssen depuis 1986 par Ortho Pharmaceuticals, le prédécesseur d'Ortho-McNeil, en vue d'utiliser et de vendre les produits contenant de l'érythropoïetine au Canada. Dans cet accord, Ortho Biotech octroie aussi à Janssen-Ortho un droit non exclusif d'utiliser et de vendre les produits faisant l'objet d'une licence contenant de l'érythropoïetine, comme le prévoit la convention de licence relative au produit signée par Kirin-Amgen et Ortho Pharmaceuticals le 30 septembre 1985. Un avis écrit de cette entente a été remis à Kirin-Amgen (Pièce D-6).

[93]      Il est aussi nécessaire de souligner que les sociétés Ortho sont toutes apparentées. Johnson & Johnson, une société de New Brunswick (New Jersey) est propriétaire de 100 % des actions avec droit de vote de Janssen-Ortho. Elle est aussi propriétaire, directement ou indirectement, de 100 % des actions avec droit de vote de Ortho-McNeil Pharmaceutical Inc. et de Ortho Biotech Inc.

[94]      L'avocat des demanderesses soutient que l'application du critère formulé dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 79 C.P.R. (3d) 193 (C.F. 1re inst.), aux pages 300 et 301, (lequel critère consiste à se demander si le droit invoqué par le demandeur peut remonter au breveté), mène à la conclusion que Janssen-Ortho est une personne " se réclamant " du breveté pour les fins de l'article 55 de la Loi sur les brevets . Je souscris à cet argument.

Conclusion

[95]      Pour les motifs énoncés, je conclus que la revendication du brevet en cause est valide. Le produit RECORMON de la défenderesse contrefait le brevet des demanderesses parce que, telle que mesurée par la technique SDS-PAGE, sa masse moléculaire est supérieure à celle de l'EPO urinaire humaine. Une injonction sera donc prononcée pour interdire à la défenderesse de commercialiser, de vendre ou d'utiliser ce produit. Une ordonnance sera aussi prononcée pour permettre aux demanderesses de demander des dommages-intérêts ou une comptabilisation des bénéfices si ces redressements deviennent opportuns. (En date du procès, la défenderesse ne commercialisait pas le RECORMON.) Ainsi qu'il a été demandé, la décision relative aux dépens a été reportée jusqu'à ce que les avocats aient eu la possibilité de présenter des observations à ce sujet.

    

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

15 février 1999

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-2784-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KIRIN-AMGEN INC. et JANSSEN-ORTHO INC. c.

                     BOEHRINGER MANNHEIM CANADA LTD.

LIEUX D'AUDIENCE :          Toronto (Ontario) et Ottawa (Ontario)

DATES D'AUDIENCE :          À Toronto : 30 novembre au 4 décembre 1998

                     À Ottawa : 10 décembre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :              15 février 1999

ONT COMPARU :

Me Donald M. Cameron                      POUR LES DEMANDERESSES

Me R. Scott MacKendrick

Me Allyson J. Whyte

Me Roger T. Hughes, c.r.                      POUR LA DÉFENDERESSE

Me Stephen M. Lane

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis                          POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Sim, Hughes, Ashton & McKay                  POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

__________________

1      34 (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur :          a)      décrit d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur;          b)      expose clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention;
     [. . .]
         e)      indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention.
         2) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

2      Les deux avocats ont plaidé en se reportant aux L.R.C. (1985), ch. P-4, et ce, même si l'alinéa 34(1)e) a été abrogé par L.C. (1992), ch. 1, art. 113 et que tout l'article 34 a été abrogé et remplacé par L.C. (1993), ch. 15, art. 36. La disposition remplacée n'a pas changé quant au fond, bien qu'il ressorte clairement des dispositions de remplacement (par. 27(3) et 27(4)) que les exigences relatives au mémoire descriptif doivent faire partie de la demande de brevet, si cela n'était pas déjà clair.

3      Voici l'extrait pertinent de cet arrêt :
             À titre préliminaire, il convient de signaler qu'un brevet doit être interprété en fonction de sa date de délivrance. Tout doute concernant la date de référence est dissipé de façon concluante dans la version française d'une déclaration faite à ce sujet par le juge Pigeon, dans Burton Parsons Chemicals Inc. c. Hewlett-Packard (Canada), [1976] 1 R.C.S. 555, à la p. 560, 17 C.P.R. (2d) 97, à la p. 101, 54 D.L.R. (3d) 711 (où sont utilisés les mots " la date de la délivrance du brevet ").

4      Wellcome Foundation Ltd. c. Novopharm Ltd., non publié, 31 juillet 1998, dossier : T-2998-91, au paragraphe 69 (C.F. 1re inst.); AT & T Technologies Inc. c. Mitel Corp. (1989), 26 C.P.R. (3d) 238, aux p. 257 à 261 (C.F. 1re inst.); Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, à la p. 1638; Burton Parsons c. Hewlett-Packard, [1976] 1 R.C.S. 555, à la p. 560; Abbott Laboratories Ltd. c. Nu Pharm Inc. (1998), 78 C.P.R. (3d) 38, aux p. 53 et 54, note 8 (C.F. 1re inst.); Nu-Pharm Inc. c. Abbott Laboratories Ltd., non publié, 28 septembre 1998, dossier : A-84-98, au paragraphe 10 (C.A.F.); Re Institut Pasteur Patent Application (1995), 76 C.P.R. (3d) 206, à la p. 216 (Commission d'appel des brevets et Commissaire aux brevets); Faulding Canada Inc. c. Pharmacia SpA, non publié, 30 juin 1998, dossier : T-421-97, aux paragraphes 7 à 9 (C.F. 1re inst.).

5      Electric and Musical Industries, Ltd. et al. v. Lissen, Ltd. et al.(1939), 56 R.P.C. 23 (lord Russell of Killowen), à la p. 39; Lovell Manufacturing Co. v. Beatty Bros. Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18 (C. de l'É.), aux p. 70 et 71.

6      American Cyanamid Co. v. Berk Pharmaceuticals Ltd., [1976] R.P.C. 231 (Ch. D.) à la p. 234; Xerox of Canada Ltd. et al. c. IBM Canada Ltd. (1977), 33 C.P.R. (2d) 24 (C.F. 1re inst.), à la p. 43.

7      Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 C.P.R.(3d) 129 (C.A.F.), aux p. 142 et 143.

8      Dans les présents motifs, je vais parfois me référer aux deux témoins de la défense, les Drs Sytkowski et Haselbeck, et en d'autres circonstances à seulement un de ces témoins. Quand j'en mentionne seulement un, il se peut que ce soit parce que les deux sont du même avis et que le témoignage de l'un des deux m'apparaît comme exposant le mieux l'argument invoqué, et c'est pourquoi j'utilise uniquement ce témoignage.

9      Une description de la structure de la molécule d'érythropoïétine est donnée au paragraphe 1 ci-dessus (paragraphe 29 ci-dessous).

10      Exemple 10 du brevet.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.