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Date : 19971204


Dossier : T-2261-95

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 DÉCEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RICHARD

ENTRE :

- OSLER, HOSKIN & HARCOURT,

appelant,

- et -

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

- et -

UNITED STATES TOBACCO COMPANY,

intimés.

JUGEMENT

VU l'appel interjeté par l'appelant en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce à l'encontre d'une décision en date du 31 août 1995, rendue aux termes de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, par laquelle l'agent principal préposé aux audiences, Mme D. Savard, a maintenu l'enregistrement no 272,876 dans le cadre de l'instance en annulation engagée à la demande de l'appelant;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Juge

Traduction certifiée conforme :

C. Bélanger, LL.L.

Date : 19971204

Dossier : T-2261-95

ENTRE :

- OSLER, HOSKIN & HARCOURT,

appelant,

- et -

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

- et -

UNITED STATES TOBACCO COMPANY,

intimés.

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RICHARD

Nature de l'instance

[1] Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce à la suite de la décision rendue le 31 août 1995 aux termes de l'article 45 de la Loi par laquelle le registraire des marques de commerce a maintenu l'enregistrement no 272,876 dans le cadre de l'instance en annulation engagée à la demande de l'appelant.

Contexte

[2] L'intimée, United States Tobacco Company, est propriétaire de l'enregistrement de marque de commerce canadienne no 272,876 visant la marque WRANGLER, enregistrée le 15 octobre 1982 relativement à un tabac sans fumée.

[3] À la demande de l'appelant, le 13 octobre 1993 le registraire des marques de commerce a délivré à l'intimée un avis aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi. En vertu de cette disposition, telle qu'elle était libellée à l'époque, l'intimée était tenue d'établir que la marque de commerce avait été employée au Canada à un moment quelconque au cours des deux ans précédant la date de l'avis donné en vertu de l'article 45. Il s'agissait donc de la période du 13 octobre 1991 au 13 octobre 1993.

[4] En réponse à l'avis délivré par le registraire, l'intimée a déposé l'affidavit de M. Robert D. Rothenberg signé le 28 avril 1994.

[5] L'appelant et l'intimée ont déposé des observations écrites devant le registraire des marques de commerce. Il n'y a pas eu d'audience.

[6] Dans une décision datée du 31 août 1995, Mme Denise Savard, agent principal préposé aux audiences, pour le compte du registraire des marques de commerce, a maintenu l'enregistrement de la marque de commerce no 272,876 visant la marque WRANGLER en vertu du paragraphe 45(5) de la Loi.

Décision du registraire

[7] Dans sa décision du 31 août 1995, l'agent principal préposé aux audiences a maintenu l'enregistrement no 272,876 et conclu que les éléments de preuve contenus dans le premier affidavit de M. Rothenberg lui permettaient de conclure que, pendant la période en cause, la marque de commerce avait été employée au Canada par l'intimée en liaison avec des marchandises consistant en du " tabac sans fumée ".

[8] En tirant cette conclusion, l'agent principal chargé des audiences a statué, notamment, ce qui suit :

[traduction]

i) Pour ce qui est de la nature de l'emploi par l'intimée :

Je conviens que la preuve déposée n'est pas écrasante et que davantage de renseignements auraient pu être fournis. Toutefois, étant donné que M. Rothenberg a déclaré que les marchandises sont fabriquées par le déposant [l'intimée] et distribuées par son titulaire de licence, je suis disposée à accepter qu'il s'agit du cours normal des affaires pour ce qui est des marchandises et que le déposant contrôle la qualité et les caractéristiques des marchandises distribuées par National Tobacco, étant donné qu'il en est le fabricant. Les mots " FABRIQUÉ AUX É.U. POUR NATIONAL TOBACCO CO. LTD. " qui figurent sur la pièce C semblent confirmer que les marchandises ne sont pas fabriquées par National Tobacco mais par une entité américaine qui, je présume, est le déposant. En conséquence, conformément à l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce, j'accepte que tout emploi de la marque par National Tobacco est réputé être un emploi de cette marque par le déposant. En outre, compte tenu de l'ensemble de la preuve, et particulièrement des paragraphes 3 et 5, je suis disposée à inférer que la mention de WRANGLER dans la facture datée du 25 septembre 1992 désigne le tabac sans fumée du déposant.

ii) Pour ce qui est de la preuve de l'unique vente faite par National Tobacco :

Selon moi, la vente mise en preuve semble être une authentique vente faite dans le cours normal des affaires du déposant. En conséquence, je conclus qu'il s'agit bel et bien d'une vente.

iii) Pour ce qui est de l'emploi d'étiquettes semblables à celle jointe à titre d'annexe C à l'affidavit de M. Rothenberg :

En conséquence, la présomption logique est que ces étiquettes auraient été apposées sur les marchandises, étant donné que c'est le déposant qui fabrique les marchandises distribuées et vendues au Canada par National Tobacco aux termes d'une licence, ainsi qu'il est mentionné au paragraphe 3 de l'affidavit.

iv) M. Rothenberg était manifestement dans une position qui lui permettait d'être au courant des questions dont il a témoigné dans son affidavit.

Motifs d'appel

[9] Les motifs d'appel exposés dans l'avis d'appel de l'appelant daté du 26 octobre 1995 sont les suivants :

[traduction]Que Mme Savard a commis une erreur en concluant que la marque de commerce WRANGLER a été employée au Canada dans le cours normal des affaires.

Que Mme Savard a commis une erreur en concluant que l'emploi de la marque de commerce WRANGLER au Canada constituait un emploi ou était réputé constituer un emploi par l'intimée United States Tobacco Company.

Que Mme Savard a commis une erreur en présumant que le modèle d'étiquette joint à titre d'annexe C à l'affidavit de M. Robert D. Rothenberg signé le 28 avril 1994 (l'affidavit de M. Rothenberg) a été apposé au tabac sans fumée vendu et distribué au Canada, ainsi qu'il est mentionné dans l'affidavit de M. Rothenberg.

Que Mme Savard a commis une erreur en acceptant la preuve par ouï-dire contenue dans l'affidavit de M. Rothenberg à l'égard de la revente locale au Canada du tabac sans fumée WRANGLER par National Tobacco Company Limited.

[10] Dans son exposé des faits et du droit daté du 14 novembre 1997, l'appelant limite l'appel aux deux motifs suivants :

[traduction] a) le registraire a commis une erreur en concluant que l'emploi de la marque de commerce WRANGLER au Canada constituait un emploi ou était réputé constituer un emploi par l'intimée;

b) le registraire a commis une erreur en concluant que la marque de commerce WRANGLER a été employée au Canada dans le cours normal des affaires.

Preuve

[11] La preuve présentée par M. Rothenberg dans son affidavit du 28 avril 1994 peut être résumée comme suit :

i) En avril 1994, M. Rothenberg était le vice-président directeur de l'intimée;

ii) L'intimée est propriétaire de l'enregistrement canadien en cause;

iii) L'intimée fabrique du tabac sans fumée WRANGLER qui, avec d'autres produits du tabac, est distribué et vendu au Canada en vertu d'une licence par sa filiale en propriété exclusive National Tobacco Company Limited (National) de Lachine (Québec);

iv) La pièce A consiste en des exemples de factures relatives à des ventes de produits du tabac, dont du tabac sans fumée WRANGLER, établies par l'intimée à l'intention de National. Les deux factures (datées du 6 novembre 1987 et du 30 novembre 1988) indiquent, notamment, la vente de huit caisses de tabac sans fumée WRANGLER (d'un poids net de 25,2 kg);

v) La pièce B est un exemple de facture établie au cours de la période en cause par National à l'intention de Club A.G. Wholesale de Calgary (Alberta) et concernant la revente locale au Canada de produits de l'intimée, dont le tabac sans fumée WRANGLER de celle-ci. La facture (datée du 25 septembre 1992) indique, notamment, une vente de quinze caisses de WRANGLER au prix de gros de 1 206 $;

vi) La pièce C est un exemple de l'étiquette WRANGLER de l'intimée. Cette étiquette comporte la mention suivante :

" MADE IN THE USA FOR

FABRIQUÉ AUX É.U. POUR

NATIONAL TOBACCO CO. LTD.

LACHINE, PQ, CANADA

H8I 1C5 "

[12] Dans la présente instance, le déposant a produit un deuxième affidavit de M. Rothenberg signé le 10 mai 1996 et l'affidavit de Mme Debra Baker, signé le 10 mai 1996.

[13] La preuve du deuxième affidavit de M. Rothenberg peut être résumée comme suit :

i) M. Rothenberg est maintenant le président de l'intimée;

ii) La pièce 1 est une copie de son affidavit antérieur;

iii) L'étiquette susmentionnée jointe à titre d'annexe C au premier affidavit de M. Rothenberg est représentative des étiquettes apposées par l'intimée au tabac sans fumée mentionnées dans le premier affidavit de M. Rothenberg.

[14] La preuve contenue dans l'affidavit de Mme Baker peut être résumée comme suit :

i) Mme Baker est la secrétaire de National;

ii) National distribue et vend des produits du tabac, y compris le tabac sans fumée WRANGLER, au Canada en vertu d'une licence de l'intimée, et National achète le tabac WRANGLER auprès de l'intimée;

iii) La pièce 1 est un exemple de facture indiquant des ventes de l'intimée à National dudit tabac sans fumée WRANGLER;

iv) La pièce 2 est un exemple de facture établie par National à l'intention de Club A.G. Wholesale de Calgary (Alberta) et attestant la revente par National du tabac sans fumée WRANGLER de l'intimée;

v) Les ventes attestées par les factures jointes à titre d'annexes 1 et 2 ont été faites dans le cours normal des activités et du commerce de National;

vi) Le tabac sans fumée WRANGLER mentionné dans les pièces 1 et 2 portait les étiquettes indiquées dans la pièce 3. Cette étiquette est identique à celle jointe à titre de pièce C au premier affidavit de M. Rothenberg.

[15] L'intimée fait valoir que le deuxième affidavit de M. Rothenberg et l'affidavit de Mme Baker déposé auprès de la présente Cour comblent les insuffisances -- exposées ci-après -- du premier affidavit de M. Rothenberg que l'appelant a soulevées dans son avis d'appel ou dans ses arguments devant l'agent principal préposé aux audiences.

a) L'appelant a prétendu devant l'agent principal préposé aux audiences et dans son avis d'appel que M. Rothenberg n'avait pas personnellement connaissance des activités de National Tobacco, même s'il était vice-président directeur de la société-mère de National.

Réponse : L'affidavit de Mme Baker indique qu'elle était la secrétaire de National et vient confirmer et compléter la preuve de M. Rothenberg.

b) L'appelant a prétendu devant l'agent principal chargé des audiences et dans son avis d'appel que le premier affidavit de M. Rothenberg ne suffisait pas pour prouver l'exercice d'un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marchandises.

Réponse : Le deuxième affidavit de M. Rothenberg et l'affidavit de Mme Baker confirment le premier affidavit de M. Rothenberg selon lequel l'intimée fabrique, emballe et étiquette le tabac sans fumée WRANGLER.

c) L'appelant a prétendu devant l'agent principal préposé aux audiences et dans son avis d'appel que le premier affidavit de M. Rothenberg ne renfermait aucune preuve que l'étiquette jointe à titre d'annexe C à celui-ci était la même que celle qui était apposée aux produits vendus par National.

Réponse : Le deuxième affidavit de M. Rothenberg et l'affidavit de Mme Baker confirment que l'étiquette présentée à titre de pièce C est jointe aux produits vendus par National.

d) Dans l'avis d'appel, l'appelant prétend que l'agent principal chargé des audiences a commis une erreur en concluant que la marque de commerce avait été employée par l'intimée dans le cours normal des affaires.

Réponse : L'affidavit de Mme Baker répond à cet argument.

Dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce

45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l'avis a été donné ou pour celle-ci.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.

. . .

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

R.S., c. T-10, s. 56; R.S., c. 10(2nd Supp.), s. 64.

(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

S.R., ch. T-10, art. 56; S.R., ch. 10(2e suppl.), art. 64.

Nature de l'instance visée à l'article 45

[16] L'article 45 prévoit une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer du registre des marques de commerce les marques qui ne sont plus employées. Il vise à débarrasser le registre du bois mort et non à résoudre des questions litigieuses concernant des intérêts commerciaux concurrents qui devraient être réglées dans le cadre d'une instance en radiation en vertu de l'article 57.

[17] Dans une instance en vertu de l'article 45, le registraire n'examinera aucune autre preuve que celle présentée par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour le compte de celui-ci. La partie requérante n'est pas autorisée à contre-interroger sur un affidavit déposé par le propriétaire inscrit. De même, en appel devant la Cour fédérale, la partie requérante n'a pas le droit de déposer des éléments de preuve. Le propriétaire inscrit a le droit de présenter d'autres éléments de preuve et la partie requérante n'est pas autorisée à contre-interroger sur tout autre affidavit déposé par le propriétaire inscrit. Dans ce contexte, la partie requérante ne dispose d'aucun moyen de présenter une preuve devant la Cour ou de mettre à l'épreuve la véracité de la preuve du propriétaire inscrit.

[18] L'article 45 ne prévoit pas de décision sur la question de l'abandon; il s'agit simplement d'une procédure sommaire par laquelle le propriétaire inscrit d'une marque est tenu de fournir une certaine preuve d'emploi au Canada ou une preuve de circonstances particulières justifiant le non-emploi.

[19] L'article 45 n'impose pas au déposant l'obligation de prouver l'emploi continu de sa marque au Canada. La preuve d'emploi au Canada qu'exige l'article 45 peut être satisfaite par un emploi qui ne constitue pas véritablement une commercialisation sérieuse, pourvu que cet emploi se fasse par la voie d'une opération commerciale ordinaire ou dans le cours normal des affaires.

[20] Le paragraphe 45(1) de la Loi exige qu'il soit procédé à un examen pour savoir si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours de la période en cause.

[21] Toutefois, une simple affirmation d'emploi sera insuffisante. Il suffit que les affidavits déposés en réponse à un avis donné par le registraire en vertu de l'article 45 établissent des faits à partir desquels, tout compte fait, une conclusion d'emploi peut être logiquement inférée.

[22] La nature de l'instance engagée devant la présente Cour en vertu de l'article 56 de la Loi est semblable à un procès de novo en ce que l'appelant a le droit de produire des éléments de preuve qui n'ont pas été présentés au registraire. Le rôle de la Cour ne se limite pas à décider si le registraire avait tort ou raison. Toutefois, il lui faut faire montre de circonspection avant de modifier une décision du registraire.

Analyse

[23] La preuve soumise à l'agent principal préposé aux audiences dans le cadre du présent appel va au-delà d'une simple affirmation que la marque contestée est employée au Canada en liaison avec du tabac sans fumée. La preuve suffit à appuyer la conclusion que l'intimée a employé la marque au Canada au cours de la période en cause.

[24] La preuve montre que l'intimée a employé la marque au Canada en liaison avec son tabac sans fumée à l'époque en cause, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce, en raison de ce qui suit :

a) l'intimée fabrique elle-même aux États-Unis le tabac sans fumée WRANGLER;

b) l'intimée emballe et étiquette elle-même le produit sur lequel elle appose une étiquette portant la marque de commerce WRANGLER;

c) l'intimée vend ensuite au Canada le tabac WRANGLER emballé et étiqueté, en plus d'autres produits, à sa filiale en propriété exclusive National;

d) National vend, à son tour, ses produits, y compris ledit tabac sans fumée WRANGLER à un client grossiste au Canada;

e) toutes ces ventes de l'intimée et National constituaient d'authentiques ventes.

[25] La preuve d'une vente unique, en gros ou au détail, dans le cours normal des affaires peut suffire en autant qu'elle présente les caractéristiques d'une opération commerciale authentique et qu'elle ne soit pas perçue comme ayant été délibérément fabriquée ou inventée en vue de protéger l'enregistrement d'une marque.

[26] La preuve indique que le tabac sans fumée WRANGLER est simplement un produit parmi d'autres que vend l'intimée à National, et que cPhilip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289, à la page 293 (C.F. 1re inst.); Quarry Corp. c. Bacardi & Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 25, à la page 27 (C.F. 1re inst.).m.[28] au Canada, il s'agit d'un " emploi " au Canada au sens de l'article 4. Si cette interprétation est juste, la vente au public, par les détaillants à Toronto et Montréal, des marchandises HARNESS HOUSE portant la marque de commerce [du propriétaire de marque de commerce américain] constitue un " emploi " au Canada, et il importe peu de savoir si la propriété ou la possession a été conférée au détaillant aux États-Unis.

[27] Les mots " Fabriqué aux É.U. pour National Tobacco, Lachine, PQ    " qui figurent sur l'étiquette apposée au produit par l'intimée ne créent pas une fausse impression quant à l'origine du produit et ne contredisent pas la conclusion que l'emploi de la marque WRANGLER constitue un emploi direct par le fabricant intimé. Le produit est importé des États-Unis, et la mention est un énoncé factuel indiquant que le produit est fabriqué à l'intention du distributeur canadien.

[28] Même si la Cour devait conclure que National, et non l'intimée, est l'entité qui emploie la marque de commerce WRANGLER au Canada, les exigences du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce ont été remplies en l'espèce, et tout emploi semblable de la part de National est réputé être un emploi de la part de l'intimée.

[29] La preuve établit que tout emploi de la marque de commerce WRANGLER par National se faisait en vertu d'une licence de l'intimée. Qui plus est, l'intimée, à titre de seule responsable de la fabrication, de l'emballage et de l'étiquetage du tabac sans fumée WRANGLER vendu par National au Canada, exerce nécessairement un contrôle direct sur la qualité et les caractéristiques du tabac sans fumée. Les exigences de l'article 50 sont donc remplies, et tout emploi par National est réputé constituer un emploi par l'intimée.

Conclusion

[30] En conséquence, l'appel est rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

_____________________________________

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 décembre 1997

Traduction certifiée conforme :

C. Bélanger, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE : T-2261-95

INTITULÉ DE LA CAUSE : OSLER, HOSKIN & HARCOURT

c. UNITED STATES TOBACCO COMPANY ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE : 1er DÉCEMBRE 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE RICHARD

EN DATE DU : 4 DÉCEMBRE 1997

ONT COMPARU :

Me GLEN A. BLOOM REPRÉSENTANT L'APPELANT

Me STEVEN GARLAND REPRÉSENTANT L'INTIMÉE

UNITED STATES TOBACCO COMPANY

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

OSLER, HOSKIN POUR L'APPELANT

& HARCOURT

OTTAWA (ONTARIO)

SMART & BIGGAR POUR L'INTIMÉE

OTTAWA (ONTARIO) UNITED STATES TOBACCO COMPANY

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