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                                                                                                                                 Date : 19990311

                                                                                                                           Dossier : T-1081-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 11 MARS 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

ENTRE :

                                            ANTHONY DOUGLAS MACDONALD,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                                ORDONNANCE

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition.

                                                                                                                 B. Cullen                 

                                                                                                                        J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


                                                                                                                                 Date : 19990311

                                                                                                                           Dossier : T-1081-98

ENTRE :

                                            ANTHONY DOUGLAS MACDONALD,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]         L'espèce se rapporte au contrôle judiciaire de la décision en date du 1er octobre 1997, dont le demandeur a été avisé le 15 janvier 1998, par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a confirmé le refus du comité d'appel d'accorder des prestations au demandeur en vertu de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6. Par voie d'avis de requête introductive d'instance en date du 28 mai 1998, le demandeur sollicite une ordonnance portant annulation de la décision du Tribunal, versement avec effet rétroactif des prestations demandées, et attribution des dépens et de l'intérêt judiciaire.

I.           Genèse de l'instance

[2]         Le demandeur, Anthony Douglas MacDonald, est né en 1946. Il s'est enrôlé dans les Forces armées canadiennes et a servi dans la milice du 26 juillet 1963 au 27 janvier 1964, et dans la Force régulière du 4 août 1967 au 11 août 1967. Le demandeur affirme qu'en septembre 1963, le camion à l'arrière duquel il prenait place en compagnie d'autres membres de son unité, dans l'exercice de leurs fonctions, a eu un accident. Le demandeur affirme qu'il a été blessé, qu'il a été soigné sur place par une unité médicale mobile et qu'il a repris ses fonctions peu de temps après. Cependant, ni l'accident ni la blessure ne sont consignés dans les dossiers médicaux de service du demandeur (dossier de la demande, onglet 6, affidavit de Bunty Albert, pièce A).

[3]         Le demandeur prétend qu'il a eu des maux de dos persistants après l'accident et qu'il a été soigné par le Dr Ian MacGregor au cours des années 60. Malheureusement, le Dr MacGregor est atteint de la maladie d'Alzheimer, et son bureau ne possède actuellement aucun dossier médical sur le demandeur.

[4]         En 1970 et 1971, le demandeur a subi des blessures musculaires au dos. À la suite de la blessure subie en 1971, le demandeur a passé des tests qui ont révélé une ancienne blessure à la colonne vertébrale. En 1972, il a subi des blessures à la jambe et à la tête, mais pas au dos, dans un accident de voiture. En 1990, le demandeur a de nouveau aggravé sa première blessure en déplaçant une grosse pierre (dossier de la demande, onglet 5, p. 43).

[5]         Le demandeur a présenté une demande de pension d'invalidité le 24 mars 1995. Le ministère des Anciens combattants a rejeté sa demande dans une décision ministérielle en date du 9 avril 1996. Le comité de révision a confirmé cette décision dans une décision en date du 15 juillet 1996. Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a confirmé cette décision le 27 mars 1997. Le demandeur a présenté une demande de réexamen de cette décision, et c'est la décision négative qu'il a obtenue qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

II.         Le cadre législatif

[6]         Le législateur a créé le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) en 1995 par l'édiction de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18. Le Tribunal est le seul organe de révision et d'appel pour les pensions d'ancien combattant, et remplace le Tribunal d'appel des anciens combattants, le Conseil de révision des pensions et la Commission des allocations aux anciens combattants.

[7]         Les dispositions suivantes de l'article 21 de la Loi sur les pensions s'appliquent à la présente demande :

21. (2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire;

                                                                                                   * * *

(5) En plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où :

a) d'une part, il est admissible à une pension au titre des alinéas (1)a) ou (2)a), ou a subi une blessure ou une maladie - ou une aggravation de celle-ci - qui aurait donné droit à une pension à ce titre si elle avait entraîné une invalidité;

b) d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant, en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.

[8]         Ainsi, une pension peut être accordée à l'ancien combattant qui est frappé d'une invalidité résultant d'une blessure ou d'une maladie consécutive ou rattachée directement au service militaire en temps de paix. Par ailleurs, l'ancien combattant est tout de même admissible à une pension si la blessure ou la maladie n'a pas entraîné une invalidité, mais a provoqué un état qui a ensuite entraîné une invalidité.

[9]         L'article 2 de la Loi sur les pensions énonce l'intention du législateur :

2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

[10]       Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) régissent le traitement des demandes de pension :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

[11]       Une clause privative est prévue à l'article 31, tandis que l'article 32 permet le réexamen d'une demande qui a déjà été entendue :

31. La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

32. (1) Par dérogation à l'article 31, le comité d'appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l'annuler ou la modifier s'il constate que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

[12]       Pour aider encore plus l'auteur d'une demande, la Loi sur les pensions crée des présomptions en sa faveur; celle qui s'applique dans la présente demande est énoncée au paragraphe 21(3) :

21. (3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie - ou son aggravation - est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

f) d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces;

Par conséquent, sauf preuve contraire, le lien de causalité est présumé si l'auteur de la demande a été blessé pendant son service militaire.

III.        La décision du Tribunal

[13]       Le demandeur a été avisé par lettre datée du 15 janvier 1998 de la décision rendue par le Tribunal le 1er octobre 1997 (dossier de la demande, onglet 2). Cette décision confirme la décision en date du 27 mars 1997 du comité d'appel. Dans sa décision, le Tribunal déclare :

[traduction] Le Tribunal a soigneusement examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été soumis en l'espèce et est arrivé à la conclusion, en l'absence d'un rapport en cas de blessure relatant l'accident qui se serait produit en 1963 et précisant si l'appelant était ou non en devoir à ce moment-là, que la lombalgie n'est pas rattachée au service militaire en temps de paix. En outre, le dossier de service ne contient aucune plainte au sujet du dos de l'appelant. Le premier élément de preuve médicale portant sur les problèmes de dos de l'appelant est un rapport en date du 22 mars 1993 dans lequel le Dr D. J. O'Neil déclare que l'appelant ressent depuis longtemps des douleurs au bas du dos. Ce rapport a été rédigé vingt-neuf ans après la libération de l'appelant.

Il est en outre indiqué que l'appelant a subi des blessures au dos en 1971, en 1972 et en 1990, encore une fois plusieurs années après sa libération. Bien que l'appelant affirme que ses problèmes de dos sont antérieurs à la blessure qu'il a subie en 1971, c'est-à-dire qu'ils sont attribuables à l'accident qui serait survenu au champ de tir de Bedford en 1963, le Tribunal est incapable de lui accorder une pension en l'absence d'une preuve documentaire constituée pendant son service militaire. De plus, le Tribunal n'a été saisi d'aucune preuve médicale nouvelle qui l'amènerait à conclure que les ennuis de l'appelant ont commencé pendant son service militaire en temps de paix.

[14]       Le Tribunal a expressément tenu compte des documents soumis par le demandeur en tant que nouveaux éléments de preuve à l'appui de sa demande de réexamen. Ces nouveaux éléments de preuve sont une déclaration en date du 25 mars 1997 dans laquelle Robert Stratton atteste la réalité de l'accident de camion survenu en 1963; des copies de rapports de radiographie en date du 18 décembre 1970, du 10 novembre 1971, du 29 décembre 1971, du 13 janvier 1972, du 11 février 1972, du 20 juin 1972 et du 26 juin 1973; une déclaration en date du 18 juin 1997 dans laquelle Carl Purcell affirme qu'il faisait de la course à pied avec le demandeur au début des années 60; une note en date du 27 mai 1997 de Brenda Morris de Stora Industries, à laquelle sont jointes des copies de formulaires de la Commission des accidents du travail indiquant que le demandeur s'est déchiré des muscles en décembre 1971; et une lettre en date du 16 juillet 1997 du demandeur (dossier de la demande, onglet 5, p. 30 à 39).

IV.        Prétentions et moyens du demandeur

[15]       Le demandeur affirme que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant aucun compte de la preuve qui lui a été soumise, et, en outre, qu'il a violé les règles de justice naturelle et d'équité en ne tenant aucun compte de la preuve relative à sa blessure. Le demandeur soutient que le Tribunal a commis une erreur en n'acceptant pas des éléments de preuve médicale non contredits par d'autres éléments de preuve ni visés par une conclusion défavorable quant à la vraisemblance. Il a invoqué l'affaire Moar c. Canada (Procureur général) (1995), 103 F.T.R. 314 (1re inst.) à l'appui de cette prétention.

[16]       Dans son affidavit en date du 28 mai 1998, le demandeur soutient qu'un rapport médical a été rédigé lorsque l'accident s'est produit en 1963, mais a disparu depuis. Selon lui, c'est probablement dû au fait que le ministère des Anciens combattants a persisté à utiliser un numéro matricule erroné à l'égard de sa demande, malgré le fait qu'il a informé le Ministère de son erreur.

V.         Prétentions et moyens du défendeur

[17]       Le défendeur soutient qu'il incombe au demandeur de présenter des éléments de preuve démontrant l'existence d'un lien de causalité entre le service militaire et l'invalidité, et que celui-ci ne s'est pas acquitté de ce fardeau. Selon le défendeur, l'élément de preuve médicale le plus récent concernant des douleurs au dos remonte au mois de mars 1993. Cet élément de preuve n'a pas amené le Tribunal à conclure que les maux de dos qu'éprouve actuellement le demandeur sont attribuables à son service militaire parce que nulle part dans les rapports sa lombalgie n'est attribuée à une blessure semblable à celle que le demandeur aurait subie en 1963. Le défendeur soutient que la décision du Tribunal est justifiable puisque le demandeur n'a soumis aucun élément de preuve vraisemblable quant à l'existence d'un lien de causalité.

VI.        Les questions en litige

[18]       Les questions litigieuses, telles que les a formulées le demandeur dans son mémoire des faits et du droit, sont les suivantes :

            1.Le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en ne tenant aucun compte de la preuve dont il a été saisi?

            2.Le Tribunal a-t-il violé les règles de justice naturelle et d'équité en ne tenant aucun compte de la preuve relative à la blessure subie par le demandeur?

[19]       Le défendeur soutient que la seule question à trancher dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si l'appréciation que le Tribunal a faite de la preuve qui lui a été soumise au sujet du lien de causalité était manifestement déraisonnable.

[20]       J'estime que la seule question litigieuse en l'espèce est celle de savoir si l'appréciation que le Tribunal a faite de la preuve qui lui a été soumise était manifestement déraisonnable, compte tenu des obligations que les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) imposent au Tribunal.

VII.      Analyse

[21]       Lorsque la Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, elle ne peut pas substituer sa propre décision à la décision de l'office ou du tribunal qui est à l'étude. Comme le cadre législatif confère une compétence exclusive au Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et comme la clause privative rend ses décisions définitives et exécutoires, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable : Weare c. Canada (Procureur général) (T-347-97, 11 août 1998). Par conséquent, la Cour ne peut intervenir que si la décision contestée est fondée sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments soumis au Tribunal : Hall c. Canada (Procureur général) (T-2267-97, 22 juin 1998).

[22]       Il est de jurisprudence constante qu'un tribunal n'est pas tenu de formuler une conclusion explicite par écrit sur chaque élément qui l'amène à sa conclusion ultime; de fait, il existe une présomption selon laquelle le tribunal a examiné tous les documents qui lui ont été soumis : Henderson c. Canada (Procureur général) (1998), 144 F.T.R. 71 (1re inst.). Toutefois, cette présomption est tempérée par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui dispose que si le Tribunal est saisi de nouveaux éléments de preuve vraisemblables dans le cadre d'une demande de révision, il doit examiner et apprécier la preuve et tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur. Cela ne veut pas dire que le Tribunal doit automatiquement accepter les prétentions d'un ancien combattant; il doit plutôt accepter la preuve si elle est vraisemblable et non contredite.

[23]       Pour qu'un ancien combattant puisse avoir droit à une pension, deux conditions doivent être réunies. Premièrement, l'état de l'ancien combattant doit ouvrir droit à pension; il doit s'agit d'un état qui peut être considéré comme une invalidité causée par une blessure ou une maladie. Deuxièmement, l'état initial doit être consécutif au service militaire, ou avoir été aggravé par le service militaire. Par conséquent, le lien de causalité doit être prouvé et, sauf preuve contraire, la présomption prévue au paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions permet de présumer l'existence d'un lien de causalité si la blessure a été subie pendant le service militaire. Dans l'affaire Hall, précitée, madame le juge Reed a déclaré :

Bien que le demandeur affirme à juste titre que les éléments de preuve non contredits qu'il soumet doivent être acceptés à moins que l'on conclue à une absence de vraisemblance et que les conditions qui lui sont les plus favorables doivent être tirées et que toute incertitude quant au bien-fondé de sa demande doit être tranchée en sa faveur, le demandeur est quand même tenu de démontrer que le trouble médical dont il souffre présentement découle de son service militaire ou y est rattaché. En d'autres termes, il doit faire la preuve d'un lien de causalité.

[24]       En l'espèce, le demandeur a présenté dans le cadre de sa nouvelle preuve une déclaration faite par un membre de son unité, Robert Stratton, qui appuie la prétention selon laquelle il a été blessé dans un accident de camion pendant qu'il était en devoir. Dans le formulaire « Affirmation d'un témoin » fourni par le Bureau de services juridiques des pensions, M. Stratton répond par l'affirmative à la question suivante : « L'auteur de la demande a-t-il déjà discuté de son état physique avec vous? » . Invité à donner des précisions, il écrit :

[traduction] Oui, à la suite d'un accident et d'une blessure dont j'ai été témoin pendant que nous prenions place à l'arrière d'un camion dans le champ de tir de Bedford. Nous étions tous deux membre des Fusiliers de Halifax. Il s'est plaint de douleurs au dos.

                                                                                  (dossier de la demande, onglet 4)

[25]       Bien que le Tribunal ait pris acte de cette nouvelle preuve et l'ait déclarée recevable, on ne saurait dire qu'il l'a acceptée en conformité avec les règles spéciales prévues à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Dans ses motifs, le Tribunal qualifie l'accident de camion d'[traduction] « accident présumé » , ce qui dénote un doute quant à sa réalisation. Mais pour ce faire, le Tribunal n'a pas précisé si ce nouvel élément de preuve, qui prétend corroborer la prétention du demandeur selon laquelle il a été blessé en 1963, était vraisemblable. Si le Tribunal était d'avis que cet élément de preuve n'était pas vraisemblable, il aurait dû le dire et motiver sa décision. Le Tribunal a certainement le droit d'accorder peu de poids à cet élément de preuve, mais il doit fournir des motifs à cet égard. Son silence constitue une erreur de droit et justifie l'intervention de la Cour.

[26]       Selon le demandeur, le but des rapports de radiographie est de fournir une preuve médicale qui explique un traumatisme rachidien que seul l'accident survenu en 1963 a pu causer. Le demandeur soutient que le Tribunal a commis une erreur en n'acceptant pas cet élément de preuve, et il invoque l'affaire Mackay c. Canada (Procureur général) (1997), 129 F.T.R. 286 (1re inst.), qui s'apparente à la présente espèce.

[27]       Dans l'affaire Mackay, l'ancien combattant avait été blessé dans un accident de camion survenu en 1958. Il avait fait un court séjour à l'hôpital à ce moment-là, mais n'avait demandé aucun autre traitement avant 1988. Un rapport médical a conclu que la douleur au cou était vraisemblablement attribuable à l'accident survenu en 1958. Le juge Teitelbaum a statué que le Tribunal avait commis une erreur en n'acceptant pas le rapport médical non contredit comme nouvel élément de preuve, en l'absence d'une conclusion défavorable quant à la vraisemblance.

[28]       L'affaire Mackay est toutefois différente de la présente espèce parce que, dans cette affaire, l'accident et la blessure avaient été consignés dans un rapport au moment où les événements se sont produits. En l'espèce, le Tribunal n'accepte pas la prétention du demandeur selon laquelle il a été victime d'un accident, encore moins blessé, pendant son service militaire parce qu'il n'est mentionné nulle part dans le dossier de service du demandeur qu'il a été victime d'un accident et qu'il a subi des blessures. Dans ses motifs, le Tribunal a failli affirmer qu'un ancien combattant n'a pas droit à une pension d'invalidité si son dossier de service ne contient aucun rapport en cas de blessure.

[29]       Il est mentionné dans la jurisprudence que le Tribunal doit accepter les éléments de preuve médicaux non contredits qui lui semblent vraisemblables dans les circonstances; toutefois, il peut rejeter ces éléments de preuve s'il est saisi d'une preuve contraire ou s'il fournit des motifs touchant la vraisemblance : Re Hornby (1993), 63 F.T.R. 188 (1re inst.); King c. Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)) (1997), 138 F.T.R. 15 (1re inst.); et Moar, précité.

VIII.     Conclusion

[30]       Le Tribunal a commis une erreur en omettant soit d'accepter la nouvelle preuve dont il a été saisi, soit de rejeter cette preuve en fournissant des motifs au sujet de sa vraisemblance. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition.

                                                                                                                B. Cullen                 

                                                                                                                        J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                                             T-1081-98

INTITULÉ :                                                      Anthony Douglas MacDonald c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                Le 24 février 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Cullen le 11 mars 1999

COMPARUTIONS :

Lorne Goldstein                                                             POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Elizabeth Richards                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

Jeff Anderson                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Goldstein                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Ottawa (Ontario)

Ministère de la Justice                                        POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

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