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                                                                                                                                           Date : 20020409

                                                                                                                             Dossier : IMM-4261-00

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 391

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2002    

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                           MANMEEN KAUR MODI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision dans laquelle une agente des visas a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences applicables pour immigrer au Canada. La demanderesse a présenté sa demande à titre d'assistante et technicienne juridique (groupe 4211 de la CNP).


[2]                 Dans une décision datée du 22 juin 2000, l'agente des visas affirme : [TRADUCTION] « J'ai le regret de vous informer que je ne peux vous accorder aucun point d'appréciation pour le facteur professionnel parce que vous n'exercez pas un nombre substantiel des fonctions principales établies pour la profession d'assistante et technicienne juridique » . Cependant, dans l'exposé détaillé des points d'appréciation que l'agente des visas a fait dans sa décision, on voit que la demanderesse a obtenu 6 points pour l'expérience, soit le maximum prévu aux facteurs 2e) et 3c) de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172. Bien qu'elle ait accordé à la demanderesse 6 points pour son expérience dans la profession d'assistante et technicienne juridique, à l'égard de laquelle la demanderesse était évaluée, l'agente des visas ne lui a accordé aucun point pour le facteur de la demande dans la profession (facteur 4).

[3]                 La demanderesse soutient que l'agente des visas a rendu une décision contradictoire et incohérente. Elle prétend qu'il est contradictoire de lui avoir accordé six points pour l'expérience et de ne lui avoir attribué aucun point pour le facteur professionnel. Elle prétend que la décision de l'agente des visas prête à confusion et qu'en conséquence l'ensemble des motifs sur lesquels se fonde l'évaluation sont non seulement discutables, mais aussi déraisonnables.

[4]                 Au paragraphe 19 de son affidavit, l'agente des visas a dit :

[TRADUCTION] À la suite de l'entrevue et après avoir soigneusement examiné l'ensemble des renseignements que m'ont fournis la demanderesse et son expert-conseil, ainsi que les documents que la demanderesse a soumis à l'appui de sa demande, j'ai conclu que la demanderesse n'avait aucune expérience digne de foi dans les fonctions exigées. Je ne lui ai donc accordé aucun point d'appréciation pour le facteur de la demande dans la profession et j'ai rejeté sa demande. En vertu du paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration de 1978, l'agent des visas ne peut délivrer de visa au demandeur qui n'obtient aucun point d'appréciation pour le facteur de la demande dans la profession.


Malgré qu'elle ait exprimé des réserves quant à l'expérience de la demanderesse dans les fonctions d'assistante juridique, l'agente des visas lui a néanmoins accordé 6 points pour le facteur de l'expérience. Dans ses notes au STIDI et dans sa lettre de refus, l'agente des visas n'a pas expliqué cette contradiction entre ce qu'elle a dit dans sa décision quant au manque d'expérience de la demanderesse en tant qu'assistante et technicienne juridique et le fait qu'elle lui a accordé six points d'appréciation pour le facteur de l'expérience. Elle n'y a pas expliqué non plus la contradiction suivante : elle n'a accordé à la demanderesse aucun point pour le facteur de la demande dans la profession alors qu'elle lui a alloué six points pour son expérience dans la profession d'assistante et technicienne juridique.

[5]                 L'agente des visas n'explique aucunement ces contradictions. Il est clair que, dans sa décision, elle n'a pas apprécié la relation entre les facteurs 2, 3 et 4 de l'annexe I. Le juge MacKay explique cette relation dans Yu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 11 Imm. L.R. (2d) 176, aux pages 184 et 185 :

Le Facteur 2, Préparation professionnelle spécifique, est évalué en fonction de la formation officielle qui est précisée dans la Classification canadienne descriptive des professions et jugée nécessaire pour oeuvrer dans le domaine en question, c'est-à-dire celui pour lequel la requérante est évaluée en vertu du Facteur 4. Le Facteur 3, Expérience, est apprécié en fonction du nombre d'années accumulées dans l'exercice des fonctions en question, c'est-à-dire, encore une fois, celui qui est visé au Facteur 4. Ce dernier, Demande dans la profession, est évalué en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans le secteur pour lequel la requérante est qualifiée et pour le poste qu'elle est prête à occuper. Les Facteurs 2 et 3 font référence au Facteur 4, dans lequel une occupation est définie comme étant la profession pour laquelle la requérante possède les compétences voulues et qu'elle est prête à exercer au Canada. Par conséquent, ces trois facteurs indiquent que si la requérante n'est pas dûment qualifiée pour l'emploi qu'elle a l'intention d'occuper au Canada, aucun point d'appréciation ne sera attribué en vertu des Facteurs 4 et 3 pour l'expérience, quelle que soit la demande dans la profession au Canada. [Non souligné dans l'original.]


[6]                 La jurisprudence permet d'affirmer que lorsque des points d'appréciation sont accordés au titre du facteur 3 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 pour l'expérience acquise dans la profession à l'égard de laquelle le demandeur est évalué au titre du facteur 4, on doit conclure que celui-ci possède les compétences requises pour exercer la profession. [Deklne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 905, le juge Lutfy].

[7]                 En l'espèce, si l'agente des visas était d'avis qu'il fallait attribuer le nombre maximal de six points d'appréciation pour le facteur de l'expérience (le facteur 3), j'estime qu'il est contradictoire et incohérent pour elle de n'avoir accordé aucun point pour le facteur de la demande dans la profession (le facteur 4).

[8]                 Pour ce qui est des contradictions que l'agente des visas n'a pas correctement expliquées, le juge Rothstein affirme dans Kunchur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1567, IMM-3262-00, le 19 octobre 2001 :

[8] [...] il n'appartient pas à la Cour de réécrire la décision de l'agente des visas de manière qu'elle soit cohérente avec les notes du STIDI. Sa décision comporte des contradictions et sa déclaration sous serment ne donne aucune explication convenable.

[9]                 Il se peut bien que l'agente des visas ait tiré une conclusion raisonnable lorsqu'elle a conclu que la demanderesse n'était pas autorisée à immigrer au Canada. Cependant, sa décision comporte des contradictions qu'elle n'a pas expliquées dans son affidavit. À mon avis, ces contradictions portent un coup fatal à la décision de l'agente des visas.

[10]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie avec dépens et l'affaire sera renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il rende une nouvelle décision.


[11]            La demanderesse suggère que je certifie la question suivante :

[TRADUCTION] Lorsque l'expérience de travail est en cause, l'agent des visas est-il tenu de rendre une décision conforme aux facteurs trois et quatre du Règlement sur l'immigration de 1978?

  

[12]            Je suis d'avis que cette question n'est pas une question grave de portée générale. La présente affaire porte sur une contradiction que l'agente des visas n'a pas correctement expliquée, soit sur une question de fait. Je ne suggère donc pas la certification d'une question de portée générale.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            IMM-4261-00

INTITULÉ :                                          Manmeen Kaur Modi c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 20 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                       Le 9 avril 2002

  

COMPARUTIONS :

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LA DEMANDERESSE

M. Ian Hicks                                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Chaudhary Law Office

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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